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Message sur l'initiative populaire «pour l'égalité des droits entre hommes et femmes» du 14 novembre 1979

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous proposer, par le présent message, de soumettre au peuple et aux cantons l'initiative «pour l'égalité des droits entre hommes et femmes», en leur recommandant de la rejeter et d'accepter le contre-projet de l'Assemblée fédérale.

Nous y joignons un projet d'arrêté fédéral y relatif.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

14 novembre 1979

1979-778

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Hürlimann Le chancelier de la Confédération, Huber

6 Feuille fédérale. 132« année. Vol. I

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Vue d'ensemble L'une des tâches premières de l'Etat fondé sur le droit est de supprimer les discriminations de toutes sortes et de prendre des mesures efficaces en vue de la protection de l'humanité et du développement de la personnalité de ceux qui vivent sur son territoire. La Suisse peut-elle prétendre avoir accompli cette tâche complètement?

Les résultats des modifications juridiques, sociales et économiques réalisées en faveur des minorités et des déshérités, qui ont eu lieu lors de la création de la Confédération et depuis cette date jusqu'à nos jours, sont évidents. Il serait cependant erroné d'admettre que l'égalité des droits et des chances est déjà réalisée partout et dans tous les cas. Cela est vrai, notamment en ce qui concerne l'égalité entre les sexes: en Suisse, l'homme et la femme ne sont pas encore égaux en droits et, à de nombreux égards, ils ne sont, en fait, pas encore traités sur un pied d'égalité. Des enquêtes ont démontré que des inégalités de traitement, de fait et de droit, continuent d'exister entre hommes et femmes malgré les efforts intensifs qui ont été déployés ces dernières années, afin d'éliminer des différences dépassées, basées spécialement sur le sexe. Il est vrai que plusieurs révisions légales, visant à l'égalité des droits entre hommes et femmes à différents niveaux et dans différents domaines, sont en cours. Cependant, il est encore impossible de prévoir quels seront les résultats concrets de ces révisions, ni quand elles seront terminées. Dans d'autres pays européens et extra-européens, une bonne part de ce qui n'en est encore chez nous qu'au stade de travaux préparatoires, fait déjà partie intégrante de l'ordre juridique et de la pratique.

Dans ce contexte, il est compréhensible que le quatrième Congrès féminin suisse décidait, le 18 janvier 1975 - pendant l'«Année internationale de la femmes -, de lancer une initiative populaire afin de faire triompher l'égalité entre les sexes plus rapidement et complètement. L'initiative «pour l'égalité des droits entre hommes et femmes» fut déposée le 15 décembre 1976 avec 57296 signatures valables. Elle propose un nouvel article constitutionnel 4 bts concernant l'égalité des droits entre hommes et femmes.

L'initiative vise des buts politico-sociaux dont on ne peut nier le rang constitutionnel. L'égalité des droits
entre hommes et femmes, comprise de façon globale et plus spécialement dans quelques domaines - famille, rémunération, éducation, formation scolaire et professionnelle, embauche et exercice d'une profession -, constitue une préoccupation majeure des auteurs de l'initiative. Aujourd'hui, on en reconnaît généralement le bien-fondé, mais on attend toujours la réalisation, dans une large mesure, de l'égalité en droit et en fait. La norme constitutionnelle qui serait la plus apte à faire triompher l'égalité entre les sexes, à savoir l'article 4, ne possède pas la force normative requise. C'est pourquoi il semble tout à fait judicieux et justifié de prévoir expressément dans la constitution fédérale le principe de l'égalité entre les sexes. Cependant, le texte de l'initiative appelle les objections suivantes:

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- L'insertion expresse dans la constitution de ces objectifs politico-sociaux sous la forme de principes matériels, garantissant des droits individuels (art. 4bis, 2e à 4e al.), peut, dans une très large mesure, ne pas tenir compte du processus de concrétisation ultérieur. Ces garanties, à en juger par leur teneur, promettent en effet, le cas échéant, plus qu'elles ne peuvent tenir.

- En limitant à cinq ans la durée du mandat de légiférer, l'initiative sous-estime la tâche de concrétisation qui incombe au législateur.

- Une norme qui, comme la disposition transitoire, implique le danger d'une inefficacité partielle, ne devrait pas figurer dans la constitution fédérale. Elle serait nuisible au prestige attribué à la constitution en tant que toi fondamentale de l'Etat.

- Le fait de prévoir le nouveau principe de l'égalité entre les sexes dans un article 4Ms spécifique voilerait sa relation étroite avec l'actuel principe général de l'égalité institué à l'article 4 de la constitution.

Ces raisons Jious incitent à rejeter l'initiative; les prétentions justifiées formulées par ses auteurs devraient cependant revêtir une forme constitutionnelle plus appropriée à leur réalisation. L'article 9, 3e alinéa du projet des experts pour la révision totale de la constitution offre une solution satisfaisante. Grâce à l'instrument fondamental qu'est le mandat de légiférer, cette disposition offre une possibilité d'atteindre l'égalité des droits tout aussi bien que l'initiative, sans présenter les inconvénients de cette dernière. C'est l'Une des raisons pour lesquelles tant les adversaires que les partisans de l'initiative ont souvent proposé, lors de la procédure de consultation, que l'article 9, 3e alinéa du projet de constitution serve de solution de rechange. Une analyse de sa teneur et de sa portée permet de conclure qu'il s'agit là en effet d'une manière appropriée et convaincante d'insérer le principe de l'égalité entre les sexes dans notre constitution fédérale. Il est donc souhaitable d'insérer dans la constitution le texte de cet alinéa, en tant que contre-projet à l'initiative «.pour l'égalité des droits entre hommes et femmes».

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Message I

Questions de forme

II

Texte

Une initiative populaire «pour l'égalité des droits entre hommes et femmes» a été déposée, le 15 décembre 1976. Présentée sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces, elle a la teneur suivante: La constitution fédérale est complétée par l'article suivant : Art. 4his 1 L'homme et la femme sont égaux en droits.

2 L'homme et la femme ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans la famille.

3 L'homme et la femme ont droit à une rémunération égale pour un travail égal ou de valeur égale.

4 L'égalité des chances et de traitement est assurée à l'homme et à la femme en matière d'éducation et de formation professionnelle, ainsi que pour l'accès à l'emploi et à l'exercice de la profession.

Disposition transitoire La loi instituera dans les cinq ans dès l'entrée en vigueur de l'article 4Ms les mesures propres à en assurer l'exécution tant dans les relations entre citoyens et l'Etat que dans les relations entre particuliers.

L'initiative précise que le texte allemand fait foi. Elle contient une clause de retrait.

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Aboutissement

Par décision du 13 janvier 1977, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait abouti formellement, 57 296 signatures valables ayant été recueillies (FF 7977 I 530).

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Prolongation du délai prescrit pour traiter l'initiative

II a fallu un travail considérable et beaucoup de temps pour rassembler la documentation et les données de base nécessaires pour apprécier l'initiative.

Aussi avons-nous dû demander aux Chambres, dans notre rapport du 13 septembre 1978, de prolonger d'un an le délai prescrit pour la traiter (FF 1978 II 1273). L'article 29, 3e alinéa, de la loi sur les rapports entre les conseils (encore applicable dans le cas présent) prévoit cette possibilité. Les Chambres ont donné suite à notre demande: le Conseil national, le 12 décembre 1978, le Conseil des Etats, le 14 décembre 1978 (BO CN 1978 p. 1788; CE 1978 p. 719).

Pour le Conseil fédéral, le nouveau délai expire donc le 14 décembre 1979.

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2 21

Validité Unité de la forme et unité de la matière

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Unité de la forme

Selon l'article 121, 4e alinéa, de la constitution fédérale, une demande d'initiative peut revêtir la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet rédigé de toutes pièces. La combinaison de ces deux formes n'est pas admise (art. 3, 1er al., de la loi sur les initiatives populaires; cette loi est encore applicable dans le cas d'espèce).

La présente initiative revêt exclusivement la forme d'un projet rédigé de toutes pièces. L'unité de la forme est donc respectée.

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Unité de la matière

Selon l'article 121, 3e alinéa, de la constitution fédérale, une demande d'initiative ne peut porter que sur un objet. L'unité de la matière est respectée lorsqu'il existe un rapport intrinsèque entre les différents points de l'initiative (art. 3, 2e al., de la loi sur les initiatives populaires).

L'initiative pose tout d'abord, à l'alinéa 1er, le principe de l'égalité des droits entre l'homme et la femme. Puis elle énumère, aux alinéas 2 à 4, trois domaines où ce principe est particulièrement appliqué. Elle se termine par une disposition transitoire qui prescrit que les mesures propres à la mise en oeuvre du principe devront être édictées dans un délai de cinq ans. Le rapport intrinsèque entre ces différents points est donc évident.

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L'initiative est-elle réalisable?

Ni la constitution, ni aucune loi fédérale ne tient pour nulle une initiative qui n'est pas réalisable; néanmoins, la doctrine et la pratique s'accordent à reconnaître qu'une tâche irréalisable n'entre pas dans le domaine des activités de l'Etat et qu'il serait, par conséquent, illogique de consulter le peuple à son sujet. Jusqu'à présent, il n'y a eu qu'un seul cas où l'Assemblée fédérale, tenant ce raisonnement, a déclaré qu'une initiative était nulle (initiative pour une trêve de l'armement). D'après la doctrine et la pratique, l'impossibilité de réaliser une initiative doit être manifeste et tenir à la nature des choses; elle ne saurait résulter simplement de difficultés juridiques ou de problèmes de délais. En règle générale, une initiative doit être interprétée. «Dès que, conformément aux règles reconnues d'interprétation, on peut donner à une initiative un sens qui ne la rende pas manifestement et certainement irréalisable, on ne peut la soustraire au vote populaire» (traduction) (arrêt du Tribunal fédéral du 24 juin 1976, dans la ZB11966 p. 36/37; ATF104la 348 ; BO CN1977 p. 31, CE 7977p. 85 ss).

Lors de la procédure de consultation, les chances de réaliser l'initiative en droit, en fait ou dans les délais ont été appréciées fort diversement. Ces trois niveaux n'ont d'ailleurs pas toujours été clairement distingués.

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Nous ne sous-estimons en aucune façon les difficultés que pourrait entraîner la mise en oeuvre du principe posé dans cette initiative (cf en. 422,7). Pourtant, on ne saurait prétendre qu'elle soit nulle parce qu'elle serait irréalisable.

Cela vaut également pour le délai d'exécution de cinq ans prévu dans la disposition transitoire, délai que de nombreux milieux consultés considèrent comme parfaitement utopique. Il n'en demeure pas moins que les autorités fédérales ne peuvent le modifier, car une initiative présentée en la forme d'un projet rédigé de toutes pièces est soumise au vote du peuple et des cantons «telle qu'elle est formulée» (art. 27, 1er al., de la loi fédérale sur les rapports entre les conseils). Mais elles seraient tenues de tout mettre en oeuvre pour que le délai soit dépassé le moins possible (BO, loc. cit.). Ce même principe est valable pour l'exécution par les cantons et les communes.

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L'homme et la femme d'aujourd'hui: en Suisse, dans quelques autres pays et dans le cadre du Conseil de l'Europe, des Communautés européennes et des Nations Unies L'homme et la femme en Suisse

L'homme et la femme, en Suisse, ne sont pas encore égaux en droits. Ils ne le sont pas non plus dans la réalité quotidienne. Les inégalités juridiques et les inégalités de fait se recouvrent partiellement, se renforcent mutuellement en cumulant leurs effets ou s'affaiblissent réciproquement en neutralisant leurs conséquences. On aurait pu souhaiter une description et une analyse de la condition féminine dans chaque domaine important de la vie en société: dans l'économie, dans l'instruction et la formation, dans la politique et la vie publique, dans la famille, etc. Mais une telle entreprise aurait dépassé le cadre de ce message. La Commission fédérale pour les questions féminines, organe consultatif que nous avons institué en 1976, a publié récemment la première partie d'un rapport qui devrait tenir en cinq cahiers. Ce document regroupe les informations qu'il a été possible de réunir sur la situation de la femme dans la vie professionnelle, dans l'instruction et la formation, dans la politique et la vie publique. Il en tire des conséquences et recommande de supprimer, dans, ces domaines, les inégalités entre les hommes et les femmes. Nous vous renvoyons donc à ce rapport intermédiaire1' et nous nous contentons, ici, de présenter un aperçu - nécessairement incomplet - des principales inégalités juridiques et inégalités de fait ainsi qu'elles ressortent de la procédure de consultation. Nous nous abstiendrons de juger si elles sont à l'avantage ou au désavantage des femmes. En effet, un jugement supposerait, dans bien des cas, des recherches préalables approfondies qui, vraisemblablement, ne donneraient pas toujours des résultats nets et clairs. En outre, certains de ces résultats dépendent encore trop d'une situation économique et politique changeante. Pour montrer combien il est difficile de dire si une inégalité constitue un avantage ou un désavantage, nous rappellerons simplement ceci: - les dispositions qui protègent la femme dans le droit du travail, si elles la ménagent particulièrement, affaiblissent sa position sur le marché de l'emploi; 78

- les femmes ne constituent pas un groupe homogène, mais plusieurs, en fonction de leurs intérêts: état civil, volonté d'avoir une activité lucrative ou de n'en pas avoir quand elles sont mariées ; - une inégalité juridique peut, selon le but qu'elle vise, être jugée fort diversement.

Si nous nous bornons à relever les inégalités, sans porter sur elles de jugement de valeur, nous ne faisons que définir la situation de la femme par rapport à celle de l'homme; cela ne signifie par du tout - nous y reviendront - que nous soyons partisans d'un nivellement sans nuances. Nous partons plutôt de l'idée qu'il y a des différences d'aptitudes et de goûts non seulement entre les hommes et les femmes, mais aussi à l'intérieur de chacun de ces deux groupes.

L'égalité des droits et l'égalité des chances, au sens où nous les entendons, doivent permettre à l'homme d'avoir une tâche domestique et à la femme une activité hors de la famille. Mais, pour parvenir à cette égalité, il faut auparavant supprimer les handicaps dont souffrent les femmes dans les domaines de l'instruction, de la vie professionnelle et de la politique.

311 311.1

Les inégalités constatées En droit

Droit cantonal et droit communal

Comme il fallait s'y attendre, le résultat de la consultation n'a pu être consigné dans un tableau clair et précis - ni même approximatif - des inégalités : il y a trop d'ordres et de domaines juridiques différents, qui auraient dû être analyés systématiquement. Il nous faut donc renoncer à en donner ici un aperçu général ; mais cela ne tire pas trop à conséquence, puisque les inégalités les plus importantes, en droit cantonal et en droit communal, se retrouvent dans les mêmes domaines en droit fédéral.

En matière scolaire, domaine qui relève de la compétence des cantons, on constate la tendance suivante: les jeunes filles doivent en général suivre davantage de cours d'économie familiale et de travaux à l'aiguille que les jeunes garçons, cela au détriment, en partie, de l'enseignement des mathématiques et des sciences naturelles, et en partie, de celui de la langue maternelle; à l'inverse, il est pratiquement impossible aux jeunes garçons de se préparer à certains travaux domestiques.

Il convient de mentionner en l'occurrence que le Conseil d'Etat vaudois a présenté au Grand Conseil, au début de 1979, un inventaire complet des inégalités juridiques et des inégalités de fait qui existent entre les hommes et les femmes dans ce canton. Ce rapport nous a aussi été communiqué comme un complément à la réponse vaudoise à la consultation. En été 1979, le Grand Conseil du canton de Baie-Ville, sur proposition de son gouvernement, a voté un crédit de 100 000 francs pour une enquête sur la situation de la femme dans ce canton.

Constitution fédérale

II n'y a pas d'égalité entre l'homme et la femme pour le service militaire.

L'article 18 de la constitution astreint au service militaire les citoyens suisses, 79

mais pas les citoyennes. La femme ne peut pas non plus être tenue à un service complémentaire, mais, si elle s'y est obligée une fois, elle n'est plus totalement libre de l'interrompre. - II en va de même pour la protection civile: selon l'article 22bls, 4e alinéa, de la constitution, la Confédération peut instituer le service obligatoire pour les hommes (ce qu'elle a fait); les femmes, elles, servent seulement si elles le veulent (5e al.). - N'oublions pas non plus que, pour calculer la taxe d'exemption du service militaire, il est aussi tenu compte du revenu de l'épouse (art. 11, 2" al., let. c, de la loi fédérale de 1959; RS 661).

Mais, comme vous le savez, nous vous avons proposé, dans notre message du 13 septembre 1978 concernant la modification de la loi sur la taxe d'exemption du service militaire (FF 1978 II 943) de renoncer complètement à cette règle, qui ne correspond plus aux conceptions actuelles - elle était déjà très contestée lors de son introduction, en 1959.

Il n'y a pas non plus d'égalité entre l'homme et la femme en matière de droit de cité. Selon l'article 44 de la constitution, ils ne sont pas également capables de transmettre la nationalité suisse à leurs enfants. Dans un arrêt du 29 juin 1979, le Tribunal fédéral a été amené à préciser et à étendre la notion de mère «d'origine» suisse: dès lors doivent être considérées comme «d'origine» suisse les femmes qui ont acquis notre droit de cité parce qu'elles ont demandé à être comprises dans la naturalisation de l'un de leurs parents ou parce qu'elles ont bénéficié de la naturalisation facilitée au sens de l'article 27 de la loi fédérale du 24 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (enfants de mère suisse par naissance; RS 141.0). En revanche, ne peuvent être considérées comme «d'origine» suisse les femmes qui sont devenues suisses par la naturalisation ordinaire ou par le mariage. Ce que cet arrêt a fait tomber, c'est l'interprétation restrictive qui réservait la qualification de Suissesses «d'origine» aux seules femmes qui étaient suisses par la naissance. Il faut encore mentionner à ce propos, l'article 54, 4e alinéa, de la constitution, qui prévoit que la femme acquiert, par le mariage, le droit de cité de son mari, ce qui ne vaut pas pour l'homme étranger qui épouse une Suissesse.

Droit de
la famille La répartition fixe des droits et des devoirs entre l'homme et la femme dans le mariage et dans la famille est la cause principale des multiples handicaps dont souffrent les femmes. C'est dans le droit civil, et tout particulièrement dans le droit de la famille, que se trouve la source matérielle de nombreuses autres dispositions législatives qui contreviennent au principe de l'égalité (dans le droit de la nationalité, le droit des assurances sociales, le droit fiscal, le droit de travail, etc.). Certes, l'homme acquiert la capacité matrimoniale à l'âge de 20 ans, alors que la femme l'a déjà dès 18 ans (art. 96 CC); cependant, conformément aux moeurs patriarcales, le mari est le chef de l'union conjugale (art. 160, 1er al.). Il pourvoit à l'entretien de la femme et des enfants et choisit la demeure commune (art. 160, 2e al.). Il représente l'union conjugale (art. 162, 1er al.), tandis que la femme, elle, n'a que le droit de prendre soin du ménage et de représenter le mari dans ce domaine (art, 163, 1er al.); la femme ne peut avoir des pouvoirs plus étendus que si le mari y consent (art. 166). Elle ne peut exercer une activité professionnelle qu'avec le consentement du mari (art. 176).

Dans le régime légal de l'union des biens, la femme est privée du droit de 80

disposer librement de son patrimoine (art. 163, 197 et 203) et de l'administrer elle-même (art. 200); lors du partage du bénéfice de l'union conjugale, un tiers appartient à la femme, deux tiers reviennent au mari (art, 214), Par contre, le produit de son travail reste bien réservé. Du reste, la femme est tenue de diriger le ménage (art. 161, 3e al.); on lui impose donc une activité, alors que l'homme est libre de choisir la manière dont il va s'acquitter de son obligation d'entretien (art. 160, 2e al.).

Droit pénal Certaines dispositions du code pénal protègent particulièrement la femme.

Songeons aux éléments constitutifs des infractions suivantes: le surmenage (art. 135 CP), l'enlèvement (art. 183 s.), l'attentat à la pudeur, le viol (art. 189), l'attentat à la pudeur d'une personne faible d'esprit (art. 190), la séduction (art.

196), l'abus de la détresse Ou de la dépendance où se trouve une femme (art.

197), la traite des femmes et des mineurs (art. 202), le proxénétisme (art. 201), la violation d'une obligation d'entretien (art. 217), l'abandon d'une femme enceinte (art. 218). L'infanticide ne peut être commis que par une mère «pendant l'accouchement ou alors qu'elle se trouve encore sous l'influence de l'état puerpéral»; la peine est moins lourde que pour le meurtre (art. 111).

Seule «la femme enceinte qui, par son propre fait ou par celui d'un tiers», se fait avorter est punie (art. 118); le père de l'enfant ne peut être puni qu'en qualité de tiers commettant Pavortement ou prêtant assistance (art. 119), ou qu'en qualité d'instigateur (art. 24).

Droit fiscal En général, les hommes et les femmes ont les mêmes obligations fiscales.

L'arrêté du Conseil fédéral du 9 décembre 1940 concernant la perception d'un impôt pour la défense nationale (RS 642.11) consacre le principe de l'imposition globale de la famille; le revenu de la femme est ainsi considéré comme un appoint de celui du mari. Comme les éléments imposables de la femme mariée non séparée de corps sont ajoutés à ceux du mari, quel que soit le régime matrimonial (art. 13 AIN), le salaire de la femme, même modeste, peut faire basculer le revenu global du couple dans une catégorie d'imposition supérieure. La charge fiscale supplémentaire qui en résulte rétrécit, dans une mesure disproportionnée, le profit du «deuxième salaire». Les
deux conjoints sont sujets à l'impôt (art. 13 AIN). Pourtant, aussi longtemps que les époux ne sont pas divorcés ou séparés légalement, le mari représente la femme tant matériellement que formellement. En principe, elle ne participe pas à la procédure de taxation ni à celle de recours. Seul le mari apparaît comme contribuable : à ce titre, lui seul signe la déclaration d'impôt, lui seul reçoit la notification de la taxation, lui seul a la capacité pour recourir (art. 85, 86, 95, 99, 106, 112) ; dans la pratique, toutefois, la femme dispose d'un moyen de droit, dans la mesure où elle doit répondre de la dette fiscale. Dans la procédure de taxation, la femme est considérée comme un tiers (titre marginal de l'art. 90); elle est tenue de renseigner l'autorité de taxation sur son revenu, sa fortune propre et les tantièmes qu'elle a perçus (art. 90, 7e al.). Et, en dépit de toutes ces particularités, la femme répond solidairement avec son mari de sa part à l'impôt total (art. 13, 2^ al.).

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Droit du travail La loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail (RS 822.11), par ses dispositions sur les travaux astreignants et la durée du travail et du repos, ainsi que par d'autres allégements, assure à la femme une protection spéciale. La loi fédérale du 8 octobre 1971 sur la durée du travail (RS 822.21) contient, elle aussi, des règles qui font des distinctions entre les hommes et les femmes. La législation sur le personnel fédéral fait, de même, des différences. Même si la loi fédérale du 30 juin 1927 sur le statut des fonctionnaires (RS 172.221.10) déclare éligible en qualité de fonctionnaire toute personne de nationalité suisse, il n'en demeure pas moins qu'il subsiste encore des inégalités. Par exemple, dans l'entreprise des CFF, les métiers de mécanicien et de chef de train ne sont pas accessibles aux femmes; dans les services des PTT, en revanche, les téléphonistes et les télégraphistes sont exclusivement des métiers de femmes. Les femmes, fonctionnaires ou employées dans l'administration fédérale, peuvent prendre leur retraite à 60 ans ou lorsqu'elles ont accompli leur 35e année de cotisation. Pour les hommes, l'âge de la retraite est fixé à 65 ans et ils n'ont pas la même possibilité que les femmes de se retirer après avoir accompli un certain nombre d'années de service. La veuve d'un assuré ou d'un bénéficiaire de rente a droit à une rente de veuve. En revanche, une rente de veuf n'est accordée qu'à des conditions très restrictives.

Assurances sociales Elles ont pris, comme point de référence, la famille telle qu'elle est conçue dans le code civil, de sorte que leurs systèmes d'assurance perpétuent les inégalités entre les hommes et les femmes. Dans ce domaine, d'ailleurs, les discriminations sont de deux sortes: il y a celles entre les hommes et les femmes, mais il y a aussi celles entre les femmes mariées, veuves, séparées, divorcées et célibataires. Nous mentionnerons les principales: les femmes ont droit à une rente vieillesse dès l'accomplissement de leur 62e année, alors que les hommes n'y ont droit que dès l'âge de 65 ans. L'épouse d'un assuré n'a, si elle n'exerce pas d'activité lucrative, pas d'obligation de cotiser, mais elle bénéficie néanmoins de la moitié de la rente pour couple, déterminée par les cotisations de son mari. La femme divorcée, en revanche, doit à nouveau
cotiser, même si elle n'exerce pas d'activité lucrative. Pour les couples, l'AVS ne couvre qu'un risque: le décès du mari; le décès de la femme ne donne droit à aucune prestation en faveur du mari. Dans l'assurance-maladie, les primes des assurés du sexe féminin peuvent être majorées de 10 pour cent par rapport à celles des assurés du sexe masculin. La maternité est expressément assimilée à la maladie; l'assurance-maternité, notamment en ce qui concerne la durée des prestations, n'est pas aussi développée en Suisse que dans les autres pays européens comparables au nôtre. Quant à l'assurance obligatoire contre les accidents, les entreprises du secteur tertiaire - qui, justement, occupent un grand nombre de femmes - n'y sont pas assujetties. Il y a de nombreuses caisses de pension privées qui ne pratiquent pas l'affiliation obligatoire des femmes mariées; d'autres renvoient même les femmes mariées à la seule prévoyance individuelle, c'est-àdire à l'épargne personnelle. Dans la plupart des cas, il n'y a pas de prévoyance professionnelle pour les membres de la famille travaillant dans l'entreprise (arts

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et métiers, agriculture). Les travailleurs à temps partiel sont exclus de beaucoup de caisses de pension. A l'égard de la femme mariée (ou sur le point de se marier) qui cesse d'exercer son activité lucrative, la plupart des caisses de pension ont toujours eu l'habitude de s'acquitter de leur obligation par un versement en espèces. L'article 331c, 4e alinéa, lettre b, chiffre 3, du code des obligations (RS 220) donne à la femme, dans les mêmes hypothèses, un droit à un versement en espèces. Cette réglementation anéantit les efforts de la femme pour se constituer une prévoyance-professionnelle individuelle; elle part de l'idée que la femme n'aura plus jamais besoin de cette ressource. En cas d'assurance-accidents collective, les femmes mariées sans enfants sont souvent moins bien traitées que les hommes mariés sans enfants. Les primes d'assurance-rentes et celles d'assurance-maladie privées sont plus élevées pour les femmes que pour les hommes; mais les primes d'assurance individuelle contre les accidents et les primes d'assurance-vie sont inférieures pour les femmes.

311.2

En fait

Comme l'a montré la consultation, la situation inégale de la femme, dans la société, est aussi due à un très grand nombre de pratiques discriminatoires, fondées sur des conventions, sur la coutume, sur la morale ou sur la religion.

L'inventaire de ces inégalités de fait figure dans la récapitulation des résultats de la consultation, que nous avons publiée en novembre 1978. Nous nous contenterons d'en rappeler ici les plus marquantes: Dans la vie sociale^ Le fait déterminant, à l'origine de ces pratiques discriminatoires, est l'idée, encore répandue, que l'homme et la femme ont, dans la société, des rôles différents à remplir et que leur éducation et leur instruction doivent être en conséquence. Ceux-ci sont visiblement exprimés dans le droit de la famille: l'homme doit pourvoir à l'entretien de la famille tandis que la femme doit tenir le ménage et, de ce fait, s'occuper en premier lieu des enfants. Ce modèle de vie en société exerce indirectement des effets même sur la situation des personnes non mariées; il a aussi influencé l'éducation et la position de la femme dans la vie professionnelle et dans la vie publique.

Dans le domaine de l'instruction Des progrès ont été faits dans ce domaine, ces dix dernières années. De plus en en plus de jeunes filles et de femmes poursuivent leur instruction au-delà du temps de la scolarité obligatoire. Elles sont toujours plus nombreuses à fréquenter les cours des degrés supérieurs - avec d'ailleurs des variations d'un canton à un autre. Mais ce nombre est encore loin de correspondre à la part qu'elles représentent dans chacune des classes d'âge de la population. Plus une formation est élevée, plus rares sont les femmes qui l'achève. Une majorité de femmes choisissent pour métier l'enseignement au niveau primaire. Entre le baccalauréat et l'entrée à l'université, le nombre des étudiantes faiblit considérablement. Aujourd'hui (semestre d'hiver 1979/80), elles représentent 30 pour cent des étudiants. Celles qui sont à l'université étudient, pour la plupart, les 83

lettres; aujourd'hui, elles portent un intérêt croissant à des branches telles que la médecine (30% d'étudiantes) et le droit (25%). La proportion d'étudiantes qui abandonnent ou interrompent leurs études est plus élevée que parmi leurs condisciples masculins.

En matière de formation professionnelle aussi, il y a des différences entre les sexes. Les jeunes garçons qui terminent leur apprentissage sont plus nombreux que les jeunes filles. La différence la plus marquée concerne les professions réglées par la loi sur la formation professionnelle ou celles qui exigent un apprentissage plus long (seul un tiers des jeunes filles terminent un apprentissage professionnel réglé par l'OFIAMT; les métiers traditionnellement féminins, par exemple ceux du domaine social ou de celui de la santé, ne sont justement pas inclus dans la loi sur la formation professionnelle). On attache, maintenant encore, moins d'importance à la formation et au choix professionnel d'une jeune fille qu'à ceux d'un jeune homme. Les jeunes filles sont moins encouragées par les parents, le corps enseignant et les orienteurs professionnels à entreprendre et à poursuivre une formation exigeante et difficile, de même, on les pousse moins à se perfectionner et elles manquent d'exemples auxquels elles pourraient se référer (femmes professeurs du degré supérieur notamment).

- Selon les indications de l'Union syndicale suisse, pas moins de 45 pour cent des femmes - mais seulement 15 pour cent des hommes - n'ont pas de formation professionnelle. A la fin de la scolarité obligatoire, ils entrent aussitôt dans la vie professionnelle et, en raison de leur formation générale rudimentaire, perdent presque complètement toute chance de se perfectionner et de se développer professionnellement.

Dans la vie professionnelle

Consciemment ou inconsciemment, les femmes acceptent des emplois - ou s'en accommodent - dans lesquels l'accent est mis sur les contacts ou sur le dévouement et qui requièrent parfois une certaine «jeunesse» ou, souvent une certaine «présentation extérieure»: elles deviennent vendeuses, hôtesses, secrétaires, infirmières; ou bien, dans l'industrie privée, elles font des travaux mal rémunérés, qui ne demandent aucune formation particulière et n'offrent pas de perspectives. Ce défaut d'ambition, chez la femme, est conditionné et renforcé par les obstacles qu'elle rencontre dans le monde économique et dans la société. Depuis une trentaine d'années, les femmes représentent un tiers des travailleurs en Suisse. La part des femmes qui travaillent varie considérablement selon l'état civil, l'âge, le nombre d'enfants et, surtout, selon la nationalité. En 1970, cette part était, pour les femmes mariées, de 30 pour cent; ce chiffre comprenait les personnes qui travaillaient à temps partiel, mais non pas celles qui avaient des activités occasionnelles. - Les différences selon la profession et la situation professionnelle sont aussi considérables. Dans les fonctions subalternes, les ouvrières et les employées, qu'elles soient qualifiées ou non, sont surreprésentées; elles se concentrent, davantage que les hommes, sur certaines professions. - En moyenne, le salaire de la femme est inférieur d'un quart, voire d'un tiers, à celui de l'homme, lors même que leur travail est le même (à qualification égale et à situation professionnelle égale); même parmi les diplômés des hautes écoles, il existe des différences de salaires qui peuvent s'élever jusqu'à 25 pour cent. Les salaires des femmes réagissent plus 84

rapidement et plus fortement aux fluctuations conjoncturelles et aux mutations économiques régionales. Ces différences s'accentuent encore avec l'âge car les femmes ont, en général, moins d'années de service à accomplir que les hommes. Parmi les autres raisons invoquées pour justifier les différences de salaire, mentionnons la nature différente du travail, une moyenne plus élevée des a.bsences, une moindre fidélité à l'entreprise, une mobilité moins prononcée, une capacité physique de travail inférieure, une plus grande compréhension à l'égard des convenances personnelles, un moindre degré de formation.

Dans la vie et les fonctions publiques En dépit de certains progrès notés au cours de ces dix dernières années, les femmes sont nettement sous-représentées dans ce domaine. Il n'y a aucune femme au Conseil fédéral, ni dans les gouvernements cantonaux. Au Parlement fédéral, lors de l'ouverture de la 41e législature, le 26 novembre 1979, les femmes représentaient 10 pour cent de l'ensemble des députés. En mai 1979, les Parlements cantonaux ne comptaient, dans l'ensemble, que 8,2 pour cent de femmes députées; Genève a la plus grande députation féminine (22%). Les femmes sont en forte minorité dans les hauts postes des administrations cantonales. Elles le sont_aussi très nettement dans les hauts postes de l'administration fédérale. Une statistique de l'Office fédéral du personnel établissait, en mars 1979, que, sur 2147 fonctionnaires supérieurs (classes de traitement 2, 1, la et hors classe, degrés VII-I), il n'y avait que 24 femmes, soit 1 pour cent.

Parmi les fonctionnaires hors classe, on compte seulement deux femmes (0,6 %), mais 325 hommes. Dans les tribunaux, comme dans les autorités législatives et executives, les femmes sont rares. La Commission fédérale pour les questions féminines a mené une enquête auprès de tous les tribunaux fédéraux et cantonaux. En voici le résultat: dans 112 tribunaux de districts (sur 177 au total), il y a environ 12 pour cent de femmes juges ; on en trouve (jusqu'à 3) dans les cours d'appel de 6 cantons (en moyenne 14 %) ; au Tribunal fédéral de Lausanne, il y a vingt-neuf hommes juges et une seule femme; au Tribunal fédéral des assurances, à Lucerne, il n'y a point de femme. D'après les renseignements donnés par les partis politiques, environ un cinquième de leurs
membres sont des femmes. Dans les comités et les fonctions de partis, le nombre des femmes est en général très restreint. La situation est analogue dans les organisations professionnelles et dans les syndicats.

312

Les efforts consentis en vue de supprimer les inégalités

312.1

Dans la Confédération

Le projet de constitution, élaboré par la Commission d'experts pour la préparation d'une revision totale de la constitution fédérale, propose plusieurs innovations importantes pour les droits de la femme. Les voici: Le principe de l'égalité et l'interdiction des discriminations sont prévus expressément pour les femmes comme pour les hommes (art. 9,1er et 2e al.). Le législateur doit traiter les hommes et les femmes de manière égale (art. 9, 3e al.). Le droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale est garanti constitutionnellement (art. 9, 3e al.). 'Les droits fondamentaux doivent être respectés dans les rapports entre les 85

particuliers, quand l'analogie est possible (art. 25, 1er al.). Les droits sociaux, conçus comme des mandats au législateur, tendent à faciliter la formation selon les aptitudes et les goûts de chacun, à réaliser le plein emploi et la sécurité sociale, à assurer les moyens nécessaires à l'existence de chacun, à protéger les locataires, ainsi que la famille et la maternité (art. 26). Les droits politiques appartiennent aux femmes aussi dans les cantons et dans les communes (art. 39, 1er al.). Enfin, l'obligation d'accomplir un service pour la défense du pays peut aussi être imposée aux femmes (art. 37, 1er al.).

On prépare actuellement une revision des règles sur la nationalité dans les articles 44 et 54 de la constitution fédérale.

Grâce à l'interprétation que le Tribunal fédéral a donné de Vorfiele 4 de la constitution fédérale, une source importante d'inégalité a pu être supprimée. Le 12 octobre 1977, le Tribunal fédéral a admis le recours d'une institutrice neuchâteloise qui invoquait Je principe du salaire égal pour un travail égal ou de valeur égale et il a annulé la décision de l'autorité cantonale compétente qui allouait à l'institutrice un salaire inférieur à celui de ses collègues masculins du même degré d'enseignement. Il vaut la peine de relever ce progrès vers la réalisation de Végalité des salaires, tout en se gardant de le surestimer, puisque ses effets sont limités aux rapports de travail qui relèvent du droit public (ATF 103 la 521).

La Convention internationale n" 100, du 29 juin 1951, concernant l'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale est entrée en vigueur, en Suisse, le 25 octobre 1973 (RO 1973 1601). Selon son article 2, 1er alinéa, «chaque membre devra, par des moyens adaptés aux méthodes en vigueur pour la fixation des taux de rémunération, encourager et, dans la mesure où ceci est compatible avec les dites méthodes, assurer l'application à tous les travailleurs du principe de l'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale». Comme nous le soutenions déjà dans notre message (FF 1971II 1552), cette obligation ne concerne, en Suisse, que la fixation des salaires dans l'administration fédérale et dans certains secteurs du
travail à domicile. Dans une circulaire que nous avons adressée, le 13 septembre 1973, aux cantons, aux associations d'employeurs et aux syndicats de travailleurs, nous leur recommandions la mise en oeuvre du principe de l'égalité des salaires. Nous nous proposons de réitérer cette recommandation sous peu. Dès lors que nous avions ratifié, le 15 juin 1961, la Convention internationale n° 111 du 25 juin 1958 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession (RO 1961 809), nous avons toujours refusé - en vertu de l'article 2, chiffre 4, de la loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail (RS 221.215.311) - de donner la force obligatoire générale aux conventions qui prévoient des salaires minimaux différents pour les hommes et pour les femmes s'ils exercent un travail de valeur égale. Quant aux conventions collectives qui n'ont pas reçu la force obligatoire générale, un tableau de FOFIAMT pour les années 1975 à 1977 fait état de 20 conventions, sur 320, dans lesquelles, à travail égal, le salaire minimal de la femme est inférieur à celui de l'homme 3).

86

Le droit de la famille, ainsi que nous l'avons exposé dans notre message du 12 mai 1971 sur la modification des règles de l'adoption (FF 1971 I 1222), est revisé par étapes. La première portait précisément sur l'adoption (art. 264 à 264c et 321 CC, entrés en vigueur le 1er avril 1973; RO 1972 2819). Le 1« janvier 1978, le nouveau droit de la filiation est entré en vigueur (RO 7977 237).

La revision a supprimé la notion d'enfant légitime et d'enfant illégitime et y a substitué le principe de l'unité de la filiation. Elle a aussi renoncé à faire prévaloir la décision du père en matière d'éducation des enfants. La situation de la mère a ainsi été améliorée de façon très sensible, même si les discriminations entre l'homme et la femme, qui ont principalement leur origine dans le droit du mariage, n'ont pu être écartées totalement. - La prochaine étape porte sur les effets généraux du mariage et les régimes matrimoniaux ainsi que sur quelques dispositions du droit des successions; nous vous renvoyons, à ce propos, à notre message du 11 juillet 1979 (FF 7979 II 1179). Le but de la revision est de favoriser, dans l'intérêt de l'union conjugale, une coopération entre l'homme et la femme qui devient égale en droits et en obligations. Cela suppose l'abandon d'une répartition des droits et des obligations en fonction du sexe, à l'exception du nom et du droit de cité. Au lieu de consacrer la prépondérance du mari (en lui reconnaissant le rôle de chef de l'union conjugale), le projet introduit la notion des deux partenaires. Il incomberait aux deux époux de subvenir aux besoins de la famille. Le régime matrimonial légal serait la participation aux acquêts: chacun des époux garderait la libre disposition et la libre administration de ses biens. A la dissolution du mariage, chacun participerait pour moitié au bénéfice réalisé par l'autre époux. Enfin, la part d'héritage du conjoint survivant, en concours avec des descendants communs, passerait d'un quart à une moitié. - Dans une quatrième étape, on devra reviser les dispositions sur la conclusion du mariage et sur le divorce.

Dans le cadre de la revision des dispositions de droit pénal sur les crimes de violence, les dispositions sur l'enlèvement qui, jusqu'à présent, protégeaient exclusivement la femme (art. 183 et 184 CP) seront revisées de telle sorte que,
désormais, elles s'appliquent aux hommes.

En été 1979, un comité spécial, composé de membres de la Commission fédérale de l'AVS, a été institué pour préparer la dixième revision de l'AVS. Un sous-comité s'occupe tout spécialement des questions féminines, depuis longtemps discutées (âge requis pour la naissance du droit à la rente, rente individuelle, etc.), et un autre étudie le problème de l'âge flexible pour la naissance du droit à la rente. - En novembre 1978, le Département fédéral de l'intérieur a ouvert la procédure de consultation sur un projet de revision de la loi sur l'assurance-maladie. La revision devra répondre aussi à certaines préoccupations des femmes dans ce domaine: améliorer les prestations en cas de maternité, mettre partiellement, voire totalement à la charge de la Confédération les primes d'assurance pour les enfants et inclure, en principe, la médecine préventive dans les prestations des caisses. Un projet vous sera vraisemblablement présenté l'an prochain. Le Parlement examine actuellement un projet selon lequel l'assurance-accidents serait étendue à l'ensemble de la maind'oeuvre qu'elle soit masculine ou féminine.

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312.2

Dans les cantons

Les cantons, de façon générale, ont relevé, dans leurs réponses à la consultation, que d'importants efforts étaient faits pour améliorer la situation de la femme. Certes, il n'y a guère de modifications légales qui aient été entreprises, ou qui le seraient actuellement, dans le seul but de faire disparaître les discriminations. Mais, chaque fois qu'on revise une loi pour des motifs divers, on cherche simultanément à mettre en oeuvre le principe de l'égalité. La majorité des revisions projetées ou en cours portent sur l'exécution du principe «à travail égal, salaire égal», sur l'égalité des droits de la femme en matière de prévoyance professionnelle, ainsi que sur l'égalité de traitement en matière scolaire (programmes et emplois du temps). Enfin, nous mentionnerons les efforts qui ont été entrepris dans le canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures et dans celui d'Appenzell Rhodes-Extérieures pour accorder aux femmes les droits politiques en matière cantonale et communale.

32

L'homme et la femme dans quelques autres pays

II est intéressant, nous semble-t-il, de regarder au-delà de nos frontières dans quelques autres pays. Ce tour d'horizon se limitera toutefois aux domaines juridiques les plus importants; il s'appuie sur des rapports et de la documentation que nous ont envoyés nos représentants à l'étranger.

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République fédérale d'Allemagne

Généralités L'article 3 de la loi fondamentale du 23 mai 1949 prévoit expressément l'égalité des droits de l'homme et de la femme. Il a la teneur suivante: (1) Les hommes et les femmes sont tous égaux devant la loi.

(2) L'homme et la femme ont les mêmes droits.

(3) Nul ne doit subir un préjudice ou tirer un avantage du fait de son sexe, de sa naissance, de sa race, de sa langue, de son origine, de ses croyances, de ses opinions religieuses ou politiques.

La loi sur l'égalité des droits (Gleichberechtigungsgesetz), du 18 juin 1957, a mis en oeuvre ce principe, notamment en modifiant certaines dispositions du droit des personnes, du droit de la famille et du droit des successions, ainsi que diverses règles de procédure.

En 1974, une commission d'enquête «Frau und Gesellschaft» a été créée au Bundestag. Elle est chargée de proposer des mesures qui doivent réaliser l'égalité totale des droits de la femme dans la société, tant sur le plan juridique que sur le plan social.

Nationalité L'enfant né dans le mariage acquiert la nationalité 'allemande si l'un des parents est allemand; l'enfant né hors mariage de mère allemande acquiert la 88

nationalité de celle-ci. La nationalité de la femme est indépendante de celle du mari; elle n'est pas modifiée de par la loi lors du mariage ou du divorce.

Depuis le 1er janvier 1970, l'étranger qui a épousé une citoyenne allemande peut obtenir la naturalisation aux mêmes conditions que l'épouse étrangère d'un citoyen allemand. Cette réglementation est conforme à la Convention des Nations Unies du 20 février 1957 sur la nationalité de la femme mariée, que la République fédérale d'Allemagne a ratifiée.

Service militaire Le service militaire n'est obligatoire que pour les hommes. Les femmes peuvent être astreintes à servir dans le corps sanitaire, mais en temps de crise seulement. En revanche, elles peuvent servir volontairement dans les unités non combattantes.

Droits politiques L'égalité des droits politiques entre l'homme et la femme était déjà prévue expressément à l'article 109 de la constitution de Weimar; ce principe a été repris à l'article 3, 2e alinéa, de la loi fondamentale. Pourtant, comparée à celle des hommes, la participation des femmes aux organismes politiques est relativement restreinte. Enfin, la République fédérale d'Allemagne a adhéré au Pacte international des Nations Unies du 19 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques.

Droit des personnes, droit de la famille et droit des successions Depuis le 1er juillet 1976, les époux, par une déclaration faite à l'officier d'état civil lors de la célébration du mariage, choisissent leur nom de famille commun, Ils peuvent adopter le nom de famille que l'un ou l'autre époux tient de sa naissance. A défaut de choix, ils portent le nom du mari.

Depuis le 1er avril 1953, l'autorité parentale appartient aux deux parents. En cas de divergence d'opinion insurmontable, ils peuvent s'adresser au tribunal des tutelles. La mère d'un enfant né hors mariage exerce seule, dès la naissance de l'enfant, l'autorité parentale. En outre, l'enfant prend le nom de la mère, même si celle-ci, au moment de la naissance, porte un nom acquis par mariage.

Depuis le 1er juillet 1958, la communauté des acquêts est le régime matrimonial légal ordinaire. Selon ce régime, chaque époux est propriétaire de ses apports et de ses acquêts et il les gère en principe lui-même. Pour certains actes de disposition, le consentement du conjoint est nécessaire. Lors
de la dissolution du régime matrimonial, les bénéfices que les époux ont réalisés pendant le mariage sont répartis également entre eux.

Depuis le 1er juillet 1977, l'homme et la femme sont traités de la même façon dans la procédure de divorce. De même, ils sont mis sur le même pied en ce qui concerne les prétentions découlant du droit en matière d'assurances sociales (compensation des prestations de soutien).

Education, formation scolaire et formation professionnelle Des enquêtes statistiques ont montré que les jeunes filles, ou leurs parents, 7 Feuille federale. 132« année. Vol. I

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n'utilisent pas suffisamment les nombreuses possibilités de formation qui, juridiquement, sont pourtant égales pour les deux sexes. Afin de remédier à cet état de fait, plusieurs lois ont été édictées au niveau fédéral. La loi sur la formation professionnelle (Berufsbildungsgesetz), du 14 août 1969, prévoit la formation par étapes, de telle façon que celui ou celle qui aurait interrompu sa formation puisse la reprendre et la poursuivre sans perte de temps. La loi d'encouragement à la formation (Ausbildungsforderungsgesetz), du 26 août 1971, favorise une bonne formation aussi bien des jeunes filles que des garçons, en instituant une aide financière fédérale. Selon la loi d'encouragement au travail (Arbeitsforderungsgesetz), du 25 juin 1969, la femme peut obtenir, sans qu'il soit tenu compte du revenu du mari, une aide financière pour perfectionner sa formation ou pour se réinsérer dans la vie professionnelle. On prévoit d'autres lois destinées à aider les jeunes filles et les femmes à mieux utiliser les nombreuses possibilités de formation.

Emploi et profession II est incontesté que l'article 3, 2e alinéa, de la loi fondamentale a des effets sur les rapports entre les particuliers (Drittwirkung), De plus, la République fédérale a l'obligation, en vertu du traité de Rome du 25 mars 1957, d'imposer le principe de l'égalité de salaire pour un travail de valeur égale. C'est surtout un projet de loi sur l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans les relations de travail, adopté en juin 1979 par le gouvernement fédéral, qui devrait permettre d'atteindre ce but.

Des directives du Conseil des Communautés européennes exigent que les femmes aient des chances égales à celles des hommes dans les domaines de la formation professionnelle, de l'emploi, ainsi que dans celui des conditions de travail.

Sécurité sociale Selon le système actuel, l'assurance-vieillesse est axée exclusivement sur le rapport de travail et orientée, principalement, sur la carrière du mari. Pour que la rente d'une femme soit égale à celle d'un homme, il faut qu'elle ait eu une carrière professionnelle semblable.

Droit fiscal Les époux, qui sont tous les deux assujettis à l'impôt de façon illimitée, peuvent, s'ils ne vivent pas séparés de façon durable, choisir entre une imposition conjointe et une imposition séparée.

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Autriche

Généralités

L'article 7 de la constitution fédérale autrichienne prévoit l'égalité devant la loi de tous les citoyens. Le Tribunal constitutionnel a cependant affirmé, dans plusieurs arrêts, que cette disposition n'a pas pour effet une égalité absolue

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dans tous les cas. Les différences de traitement doivent toutefois être fondées sur des considérations objectives ou résulter de la nature même et des caractéristiques propres à chaque sexe.

Nationalité L'enfant né dans le mariage de père autrichien acquiert cette nationalité. La nationalité autrichienne est transmise par la mère à l'enfant né hors mariage de même qu'à l'enfant né dans le mariage, lorsque le père est apatride ou qu'il ne peut pas lui transmettre sa nationalité. De plus, l'enfant qui naît en Autriche, de parents étrangers mariés ou non mariés, acquiert la nationalité autrichienne si l'un de ses parents est aussi né en Autriche.

L'étrangère qui épouse un Autrichien n'acquiert pas de plein droit la nationalité autrichienne. De son côté, l'Autrichienne qui épouse un étranger ne perd pas son droit de cité. Elle ne le perd que si elle demande la nationalité de son mari et ne déclare pas, en même temps, vouloir conserver sa nationalité autrichienne. L'époux étranger n'a pas la possibilité d'obtenir une naturalisation facilitée.

Service militaire II n'est, en principe, obligatoire que pour les hommes. A certaines conditions, les femmes peuvent cependant être astreintes au service militaire, si la défense du pays l'exige.

Droits politiques Les hommes et les femmes ont les mêmes droits politiques, conformément à la Convention des Nations Unies du 31 mars 1953 sur les droits politiques de la femme. Les femmes sont pourtant nettement sous-représentées dans les organismes politiques.

Droit des personnes, droit de la famille et droit des successions Le nom commun des époux est le nom du mari, à moins qu'ils ne déclarent, par acte public, avant la célébration du mariage, leur désir de porter le nom de famille de la femme.

Pour le reste, les époux ont les mêmes droits et les mêmes obligations. Le caractère unilatéral des obligations, qui résultait de la prééminence de l'homme sur la femme, a été supprimé en 1975. L'égalité des droits entre les époux en matière de régimes matrimoniaux et de succession a été introduite en 1978.

Une loi de 1977 a institué l'égalité des père et mère à l'égard des enfants; le père n'est plus le chef de la famille.

Education, formation scolaire et formation professionnelle La loi sur l'organisation des écoles (Schulorganisationsgesetz), de 1962, prévoit que les
écoles publiques obligatoires qui donnent une culture générale ou une formation professionnelle, les écoles secondaires et supérieures ainsi que les institutions de formation pédagogique sont ouvertes à chacun, quels que soient son origine, son sexe, sa race, son état, sa langue et sa situation sociale.

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Les différences entre les garçons et les filles en matière d'éducation et de formation sont davantage le résultat de différences de fait que d'inégalités juridiques. La conception traditionnelle des rôles de l'homme et de la femme est encore bien enracinée. Lorsqu'elles choisissent un métier, les jeunes filles se cantonnent dans un petit nombre de domaines; ce sont, avant tout, le commerce, l'enseignement, le travail social, les activités paramédicales et l'industrie de l'habillement.

Emploi et profession D'après la doctrine dominante, l'article constitutionnel sur l'égalité n'a pas d'effet sur les rapports entre les particuliers. Dans les domaines où ni la législation, ni les institutions créées ou reconnues légalement pour fixer les salaires, ni les contrats collectifs, ni une combinaison de ces différents moyens n'ont sanctionné le principe de l'égalité de traitement, les particuliers sont libres de convenir ce qui leur plaît.

La loi fédérale sur l'égalité de traitement entre l'homme et la femme pour la fixation du salaire est entrée en vigueur le 1er juillet 1979. En vertu de cette loi, on a créé une commission pour l'égalité de traitement; elle a pour tâche d'empêcher que soit violée l'interdiction des discriminations.

Divers traités internationaux complètent cette législation et renforcent la position de la femme en matière de droit du travail.

Sécurité sociale Les hommes et les femmes qui exercent une activité lucrative ont droit aux mêmes prestations. Il y a toutefois une exception: l'âge de la retraite est fixé à 55 ans pour les femmes et à 60 ans pour les hommes.

En matière d'assurance-maladie des personnes salariées, l'épouse, qui n'est pas assurée personnellement, bénéficie de l'assurance de son mari: elle est coassurée. En revanche, le mari non assuré ne peut bénéficier de l'assurance de sa femme que s'il est lui-même incapable de travailler. La femme mariée qui n'exerce pas d'activité lucrative a, sur la pension de son mari, des droits dérivés. L'homme marié dont la femme est obligatoirement assurée auprès d'une caisse de pension n'acquiert le statut de co-assuré qu'à certaines conditions.

Droit fiscal Les hommes et les femmes sont traités de la même manière. Le principe de l'imposition séparée des époux est appliqué depuis 1975.

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Belgique

Généralités La constitution belge garantit l'égalité «de tous les Belges» devant la loi. Elle ne contient pas de disposition expresse sur l'égalité de l'homme et de la femme.

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Nationalité Elle est transmise aux enfants par le père. La femme étrangère qui épouse un Belge acquiert le droit de cité de son mari, sauf si elle y renonce expressément.

Inversement, la femme belge qui épouse un étranger perd sa nationalité, à moins qu'elle ne devienne, de ce fait, apatride ou qu'elle n'ait exprimé le désir de la conserver. L'étranger qui a épousé une Belge peut, à certaines conditions, bénéficier d'une naturalisation facilitée. La Belgique est liée par la Convention des Nations Unies du 20 février 1957 sur la nationalité de la femme mariée.

Service militaire II n'est obligatoire que pour les hommes. Les femmes peuvent servir volontairement.

Droits politiques L'homme et la femme ont les mêmes droits politiques.

Droit de la famille et droit des successions Les jeunes filles peuvent contracter mariage dès l'âge de 15 ans et les jeunes hommes dès 18 ans. Avant 21 ans, toutefois, l'autorisation des parents ou du tuteur est nécessaire.

Depuis le 1er juillet 1974, l'autorité parentale est exercée en commun par les père et mère. Dans l'union conjugale, les droits des époux sont sensiblement les mêmes. La femme mariée peut exercer une profession sans le consentement formel de son mari. Ni la profession exercée par la femme, ni celle qui est exercée par le mari ne doit aller à l'encontre des intérêts de la famille. Le patrimoine conjugal est administré en commun par l'homme et par la femme.

Lors de la dissolution du régime matrimonial pour cause de mort d'un des conjoints ou de séparation de biens, les deux époux.sont traités sur le même pied. S'ils sont en concours avec des héritiers légaux ou des enfants nés hors mariage, ils ont un droit d'usage; s'il n'y a pas de tels héritiers, ils sont euxmêmes appelés à succéder. Actuellement, le Parlement discute un projet de loi qui institue la protection de la réserve légale du conjoint survivant.

Dans la procédure de divorce, les époux ont les mêmes droits.

Education, formation scolaire et formation professionnelle En général, les classes des écoles primaires et secondaires sont mixtes. Pourtant, les programmes scolaires font encore partiellement des différences entre les cours prévus pour les garçons et ceux qui sont destinés au filles. Souvent, les jeunes filles choisissent des professions typiquement féminines.

Emploi et profession
En général, la femme peut exercer toutes les professions. Il existe des exceptions pour quelques fonctions publiques, telles que celles de geôlier et de douanier. Dans certaines professions, on constate une prépondérance de fait de l'un ou l'autre sexe. Par exemple, il n'y a, dans le corps diplomatique, qu'une seule

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femme ambassadeur. En revanche, l'enseignement dans les écoles primaires et secondaires est assuré principalement par des femmes.

Le droit à un salaire égal ressort du traité de Rome du 25 mars 1957, dont la Belgique est cosignataire, ainsi'que des directives du Conseil des Communautés européennes.

Sécurité sociale L'âge de la retraite est fixé à 60 ans pour les femmes et à 65 ans pour les hommes. Les femmes peuvent bénéficier d'une retraite anticipée dès l'âge de 50 ans, les hommes dès l'âge de 55 ans. Les rentes sont les mêmes pour les hommes et les femmes. Cependant, les hommes ne reçoivent pas de rente de veuf.

Droit fiscal L'homme et la femme célibataires sont traités de la même manière. La famille est imposée globalement, les revenus des époux s'additionnant.

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Danemark

Généralités La constitution danoise ne contient pas de disposition expresse sur l'égalité des droits entre l'homme et la femme. Mais de nombreuses dispositions légales la garantissent. Un «Conseil pour l'égalité» (Gleichstellungsrat), institué par le gouvernement, s'occupe de la position actuelle de l'homme et de la femme au Danemark et propose les mesures propres à éliminer les inégalités qui existent encore.

Nationalité Depuis le 1er janvier 1979, l'enfant né dans le mariage d'une mère danoise et d'un père étranger, ainsi que l'enfant né hors mariage d'une mère danoise acquièrent la nationalité danoise. La célébration du mariage ne modifie pas de plein droit la nationalité. Le conjoint étranger d'un ressortissant danois peut cependant bénéficier d'une naturalisation facilitée. Ainsi, la législation danoise sur le droit de cité est conforme à la Convention des Nations Unies du 20 février 1957 sur la nationalité de la femme mariée, que le Danemark a ratifiée.

Service militaire II n'est obligatoire que pour les hommes. Les femmes peuvent servir volontairement; elles ne sont cependant admises dans les troupes de combat qu'en cas d'état de nécessité national.

Droits politiques L'homme et la femme ont, certes, les mêmes droits politiques; mais les femmes sont nettement sous-représentées dans les organismes politiques.

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Droit de la famille et droit des successions Au sein de la famille, les époux ont les mêmes droits; ils ont les mêmes responsabilités à l'égard des tiers et de leurs enfants. Dans d'autres domaines du droit de la famille et en droit des successions, on s'efforce d'ajuster la position juridique de la femme à celle de l'homme.

Education, formation scolaire et formation professionnelle Les mêmes possibilités de formation sont en principe offertes aux garçons et aux filles. Les programmes scolaires qui font encore des différences, surtout ceux des écoles primaires, sont sur le point d'être revisés. De plus, l'école doit veiller à donner aux filles et aux garçons une formation qui corresponde à leurs aptitudes personnelles. On cherche, par ces mesures, à élever le niveau moyen d'instruction des femmes; aujourd'hui, il est nettement inférieur à celui des hommes.

Un comité du Ministère de l'enseignement, créé en 1976, est appelé à proposer les mesures propres à promouvoir l'égalité entre les sexes dans le System* de l'éducation.

Emploi et profession La loi sur l'égalité de traitement entre l'homme et la femme dans les relations de travail est entrée en vigueur le 1er juillet 1978. Cette loi garantit à tous les travailleurs un droit inaliénable à l'égalité de traitement; ce droit se rapporte par exemple à l'engagement, à la fixation des conditions de travail, aux promotions, aux perfectionnements de la formation, aux déplacements et aux congédiements. Le travailleur peut se plaindre au juge d'une inégalité de traitement.

En vertu du traité de Rome du 25 mars 1957, des directives du Conseil des Communautés européennes et de la Convention internationale n° 100 du 29 juin 1951 concernant l'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale, le Danemark est tenu de créer les bases nécessaires pour assurer l'égalité des chances d'engagement et de promotion et garantir le droit à une rémunération égale.

Sécurité sociale L'âge de la retraite est plus bas pour les femmes que pour les hommes. En outre, la législation sociale part de l'idée que la femme mariée est économiquement dépendante de son mari. Par exemple, la rente de couple est inférieure à la somme de deux rentes individuelles. Mais l'homme seul et la femme seule ont droit à une rente égale. Actuellement, des réformes sont entreprises en vue de réaliser l'égalité en matière d'assurances sociales.

Droit fiscal

En principe, la fortune et les revenus des époux sont imposés conjointement.

Toutefois, le revenu de la femme mariée, qui exerce une activité lucrative, est imposé séparément. L'activité lucrative de l'épouse a pour effet de diminuer certaines déductions que le mari pourrait faire si sa femme n'en exerçait pas.

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Etats-Unis d'Amérique

Généralités Les principes généraux de l'égalité des droits sont inscrits dans les cinquième et quatorzième amendements à la constitution américaine. Mais ils n'ont vraisemblablement jamais été interprétés dans le sens d'une interdiction de toute discrimination législative entre les hommes et les femmes. C'est la raison pour laquelle on s'efforce, depuis des années, d'introduire dans la constitution fédérale un nouvel amendement qui prévoit l'égalité de traitement absolue entre l'homme et la femme. Cet amendement («Equal Rights Amendment»; ERA) a été adopté en 1972 déjà; cependant il n'a pas encore pu entrer en vigueur, car il n'a pas été ratifié, comme le prescrit la constitution, par les trois quarts des Etats. Quant au fond, il déclare contraire au droit une loi de l'Etat fédéral ou d'un Etat membre qui instituerait une inégalité de traitement du seul fait du sexe.

En outre, plusieurs lois, édictées au niveau fédéral, interdisent les discriminations fondées uniquement sur le sexe et améliorent ainsi la situation de la femme, notamment dans les domaines de l'éducation, des assurances et de la vie professionnelle. La plupart des 35 Etats qui ont déjà ratifié l'amendement de 1972 ont également adopté des lois visant à améliorer la position juridique de la femme. 16 Etats ont même des dispositions constitutionnelles qui interdisent les discriminations.

La Cour Suprême des Etats-Unis a eu, à maintes reprises, l'occasion de s'exprimer au sujet de la situation juridique de la femme. Jusqu'à présent, elle a plutôt fait preuve d'une certaine retenue; pourtant elle a décidé, en 1971, que les distinctions du fait du sexe devaient se justifier par un motif «raisonnable».

Nationalité L'homme et la femme ont fondamentalement les mêmes droits. En particulier, toute personne née aux Etats-Unis, et soumise à leur juridiction, acquiert la nationalité américaine. Si un enfant naît à l'étranger, de parents mariés américains, il acquiert la nationalité américaine pour autant que l'un au moins de ses deux parents prouve qu'il a séjourné aux Etats-Unis avant la naissance de l'enfant. La règle est la même pour un enfant né à l'étranger, lorsque sa mère, non mariée, est américaine et qu'elle prouve qu'elle a séjourné aux EtatsUnis avant la naissance de l'enfant.

Le mariage d'une étrangère avec un citoyen américain,
et vice-versa, ne modifie pas de plein droit la nationalité du conjoint étranger. De même, la naturalisation d'un étranger n'entraîne pas non plus nécessairement la naturalisation de sa femme. Cependant, le conjoint étranger d'un ressortissant américain peut obtenir une naturalisation facilitée.

Service militaire H n'est obligatoire que pour les hommes. Selon une opinion généralement admise, l'entrée en vigueur de l'amendement de 1972 rendrait le service militaire obligatoire pour les femmes aussi.

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Droits politiques L'homme et la femme ont les mêmes droits politiques, tant au niveau fédéral qu'au niveau des divers Etats. Pourtant, les femmes sont nettement sousreprésentées dans les organismes politiques.

Droit des personnes, droit de la famille et droit des successions Selon la Common Law américaine, chacun peut en principe choisir son nom lui-même. Ce principe n'est toutefois pas respecté uniformément par les tribunaux, ni par la législation des divers Etats.

L'enfant né dans le mariage porte, en règle générale, le nom du père. Si ses parents divorcent, il le conserve, même quand il est confié à la mère qui, elle, change de nom du fait du divorce. Les enfants nés hors mariage portent le nom de la mère.

L'âge de la capacité matrimoniale est le même pour les hommes et pour les femmes, dans chaque Etat; la majorité d'entre eux l'a fixé à 18 ans. Dans la plupart des Etats, c'est le mari qui choisit le domicile conjugal.

La séparation des biens est le régime matrimonial légal dans 42 Etats; dans 8 Etats, c'est celui de la communauté des biens.

Selon la Common Law américaine, seul le mari est responsable de la prospérité économique de la famille et c'est à lui seul qu'incombé l'obligation d'entretien.

Cependant, les législations des Etats membres ont, dans une large mesure, conduit à une égalisation des droits et des devoirs de l'homme et de la femme dans la famille.

Dans la plupart des Etats, les hommes et les femmes peuvent faire valoir les mêmes motifs de divorce. Quant à l'autorité parentale, la plupart des Etats membres font une distinction entre le fait de prendre soin de la personne de l'enfant (custody) et celui de gérer sa fortune. Si l'enfant est né dans le mariage, les deux parents doivent en principe veiller à sa personne. Lors d'un divorce ou d'une séparation, le juge tranche en tenant compte des intérêts de l'enfant.

Dans la plupart des Etats, l'homme et la femme ont les mêmes droits successoraux. 8 Etats seulement font des différences entre les veuves et les veufs.

Education, formation scolaire et formation professionnelle Au niveau fédéral, différentes lois encouragent la formation de l'homme et de la femme; elles prescrivent aussi les mêmes possibilités de formation pour les filles et pour les garçons; dans les écoles qui bénéficient de subventions fédérales; les programmes
d'enseignement doivent être les mêmes pour les deux sexes.

Emploi et profession La loi sur l'égalité des salaires («Equal Pay Act») prévoit le salaire égal pour un travail égal. La loi sur l'enseignement supérieur («Higher Education Act») n'étendait l'application de 1'« Equal Pay Act» qu'au personnel administratif et

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au personnel enseignant des écoles. Aujourd'hui, à quelques exceptions près, toutes les relations de travail, y compris dans les administrations publiques des Etats, sont soumises à ces lois. La loi sur les libertés civiles («Civil RightAct») interdit tout traitement discriminatoire de l'homme et de .la famme dans les relations de travail. Une instance fédérale indépendante, la commission pour l'égalité des emplois («Equal Employaient Occupational Commission») doit veiller à l'application de ce principe. Le juge peut contraindre les employeurs qui contreviendraient à ces prescriptions à modifier les clauses discriminatoires du contrat de travail, à augmenter les salaires, à réengager des travailleurs qu'ils auraient congédiés, etc.

Des dispositions fédérales spéciales interdisent de discriminer les femmes lors de promotions dans les administrations publiques des Etats et des communes.

Souvent, l'octroi de subventions fédérales est lié à la condition qu'il ne soit fait aucune discrimination fondée sur la race, l'origine, le sexe, etc. La loi sur les discriminations en matière de logement («Fair Housing Act») garantit l'égalité des droits entre l'homme et la femme en matière de vente et de bail; cette égalité concerne aussi les propriétaires de bien-fonds et d'immeubles.

Sécurité sociale Les assurances sociales relèvent de la compétence des Etats. Cependant, l'Etat fédératif influence indirectement leur législation sociale par le biais de ses prescriptions en matière de droit du travail, en particulier par le «Civil Right Act».

Le droit à des allocations de chômage est réglementé de façon très différente selon les Etats, et les femmes sont, en général, fort désavantagées dans ce domaine.

Aux termes de la loi sur les discriminations du fait de la grossesse («Pregnancy Discrimination Act»), l'incapacité de travail pour cause de grossesse doit être traitée comme une incapacité de travail pour cause de maladie ou d'accident.

La prévoyance pour le cas de vieillesse est, elle aussi, source d'inégalités entre les sexes. Par exemple, l'âge de la retraite est différent pour les hommes et pour les femmes. Les droits du conjoint survivant sont réglés différemment selon qu'il s'agit de l'homme ou de la femme. Dans la pratique, il est vrai, les tribunaux jugent de plus en plus souvent dans le sens d'une
égalité de traitement entre les sexes.

Droit fiscal Comme l'impôt sur le revenu prélevé par les Etats n'est, comparé aux impôts fédéraux, guère élevé, il joue un rôle mineur et peut donc être laissé de côté dans cet aperçu.

En général, les époux sont imposés conjointement pour l'impôt fédéral sur le revenu; mais la déduction sociale pour couple ou pour famille est plus grande que pour les personnes seules. De plus, les taux progressifs sont inférieurs pour les couples que pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés.

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France

Généralités Le préambule de la constitution française garantit à la femme les mêmes droits qu'à l'homme dans tous les domaines. Pour la doctrine et la jurisprudence, on est en présence ici d'une véritable garantie constitutionnelle. Dans l'intention d'imposer ce principe, deux nouveaux articles ont été introduits, en 1975, dans le code pénal; ils interdisent, d'une part, toute inégalité de traitement dans les relations d'affaires entre particuliers et, d'autre part, toute discrimination dans l'exercice d'une fonction publique.

Nationalité Tout enfant, né dans le mariage ou hors mariage, est français de par sa naissance, si l'un des parents au moins est français. De plus, tout enfant né en France, dans le mariage ou hors mariage, acquiert la nationalité française, si l'un des parents est aussi né en France.

Le mariage n'a aucune influence sur la nationalité. Le conjoint étranger d'un ressortissant français a pourtant le droit d'opter en faveur du droit de cité français.

Service militaire II n'est obligatoire que pour les hommes. Les femmes peuvent servir volontairement dans les unités non combattantes. Elles peuvent, en principe, accéder au grade de général; cependant, seuls 40 pour cent des postes d'officiers peuvent être confiés à des femmes.

Droits politiques L'homme et la femme ont les mêmes droits politiques.

Droit des personnes, droit de la famille et droit des successions L'épouse garde en principe son nom de jeune fille, mais elle peut porter celui de son mari dans les relations sociales. Les époux exercent ensemble l'autorité parentale. En principe, ils choisissent en commun le domicile conjugal; cependant, chaque époux peut se constituer son propre domicile.

Depuis 1965, le régime matrimonial légal est la communauté réduite aux acquêts. Selon ce système, le mari gère, en principe, les biens communs; cependant, le consentement de la femme est nécessaire pour les actes de disposition.

De son côté, la femme administre sa propre fortune et en dispose librement. Le père gère les biens de l'enfant. Actuellement, une réforme du droit des régimes matrimoniaux et de la réglementation concernant les droits de gestion et de disposition sur les biens de l'enfant est en cours afin d'assurer l'égalité totale des époux dans ces domaines.

Emploi et profession Depuis 1975, toutes les carrières sont en principe ouvertes aux femmes. Le droit au travail est garanti dans la constitution aussi bien à la femme qu'à

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l'homme. Celui qui contrevient à l'obligation de rémunérer également l'homme et la femme pour un travail de valeur égale s'expose à des sanctions pénales.

Les conventions contraires au principe de l'égalité sont nulles. De plus, la France a ratifié la Convention internationale n° 100 du 29 juin 1951 concernant l'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la maind'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale; elle est, en outre, liée par le Traité de Rome du 25 mars 1957 (rémunération égale entre l'homme et la femme pour un travail de valeur égale) et par l'article 4, 3e alinéa, de la Charte sociale du Conseil de l'Europe.

Sécurité sociale L'âge de la retraite est différent pour l'homme et pour la femme. Le système français des assurances sociales correspond, dans son principe, à la répartition des rôles traditionnelle entre l'homme et la femme. La femme mariée qui n'exerce pas d'activité lucrative ne dispose d'aucun droit individuel à une rente. Depuis peu de temps, les mères de famille qui ont une activité lucrative peuvent obtenir, si elles le demandent, des allocations pour enfants et des allocations familiales. En France, le congé parental de deux ans peut être pris soit par le père, soit par la mère.

Droit fiscal La femme mariée ne fait pas partie du cercle des contribuables, à moins que les époux n'aient opté pour la séparation des biens ou qu'ils ne vivent séparés.

C'est le mari qui est imposé pour l'ensemble du revenu familial. Toutefois, dans certaines circonstances, la femme mariée peut être poursuivie pour les dettes fiscales de la famille.

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Grande-Bretagne

Généralités^

La loi sur la discrimination des sexes («SexDiscrimination Act»).de 1975 interdit toute discrimination directe ou indirecte - à l'exception de quelques cas énumérés exhaustivement - du fait du sexe dans les domaines de l'emploi, de l'éducation, du logement, des services bancaires (y compris l'obtention de crédit), des services de l'hôtellerie, des loisirs et des transports. La publicité discriminatoire, elle aussi, n'est pas admise. Les personnes victimes de telles inégalités peuvent se plaindre au juge. Une commission spéciale («Equal Opportunités Commission») peut agir d'office ou sur requête et communiquer, s'il y a lieu, le résultat de son enquête aux tribunaux. La loi de 1975 est applicable en Angleterre, au Pays de Galles et en Ecosse. L'Irlande du Nord a une législation semblable et sa propre commission.

Nationalité L'enfant qui naît en Grande-Bretagne ou dont le père est britannique acquiert la nationalité britannique; cette nationalité est aussi conférée à l'enfant adopté par un Britannique.

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L'étrangère qui épouse un Britannique n'acquiert pas automatiquement la nationalité de son mari. Si elle la désire, elle peut l'obtenir sur simple demande.

La femme britannique qui épouse un étranger ne perd pas sa nationalité, même si elle en acquiert une autre du fait du mariage. Elle peut toutefois renoncer expressément à la nationalité britannique. Inversement, l'étranger qui épouse une Britannique ne peut obtenir une naturalisation facilitée.

La Grande-Bretagne a aussi ratifié la Convention internationale des Nations Unies du 20 février 1957 sur la nationalité de la femme mariée.

Service militaire La Grande-Bretagne a aboli, en 1962, l'obligation générale de servir. Les hommes et les femmes peuvent, dans la même mesure, s'engager volontairement dans l'armée de métier.

Droits politiques Les hommes et les femmes ont les mêmes droits politiques.

Droit des personnes, droit de la famille et droit des successions La capacité de contracter mariage est fixée à 18 ans, tant pour les hommes que pour les femmes. Les jeunes hommes et les jeunes filles peuvent se marier dès l'âge de 16 ans, s'ils ont le consentement des parents ou du tuteur. Dans l'union conjugale, les droits des époux sont largement égaux. Ils exercent en commun l'autorité parentale. En cas de divergence d'opinions, ils peuvent s'adresser au juge. En revanche, c'est principalement le mari qui doit subvenir à l'entretien de la famille; la femme n'y est tenue que subsidiairement.

Dans la procédure de divorce, l'homme et la femme sont traités de la même manière. Il en est de même en droit des successions.

En principe, la célébration du mariage ne modifie en rien la situation patrimoniale des époux. Chacun reste propriétaire de ses apports et de ses acquêts.

Education, formation scolaire et formation professionnelle En règle générale, les écoles primaires publiques sont mixtes; seuls 60 à 70 pour cent des élèves du niveau secondaire fréquentent des classes mixtes. Les écoles de filles et les écoles de garçons, qui sont traditionnelles en Angleterre, ne contredisent pas la loi de 1975; seul le fait de désavantager concrètement l'un des sexes est interdit.

Emploi et profession Depuis 1919, la loi sur les disqualifications de sexe («Sex Disqualification ou Removal Act») garantit formellement aux femmes l'accès à la plupart des branches
professionnelles. Depuis 1955 déjà, mais surtout depuis 1961, les salaires dans les fonctions publiques sont les mêmes pour les hommes et les femmes. Par contre, le salaire moyen des femmes est nettement inférieur à celui des hommes. On cherche à remédier à cet état de fait par des lois. La loi sur l'égalité des salaires («Equal Pay Act»), de 1970, prescrit que l'homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail égal ou de valeur égale. La

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loi de 1975 va plus loin en exigeant, notamment, l'égalité des chances lors de l'engagement et de la promotion. La loi sur la sécurité de l'emploi («Employment Protection Act»), de 1975, accorde à la femme enceinte qui exerce une activité lucrative trois droits importants : le droit de conserver son emploi, le droit de le reprendre après la naissance de l'enfant et le droit à des indemnités de maternité.

Sécurité sociale La loi sur les rentes de sécurité sociale («Social Security Pensions Act»), de 1975, a introduit un nouveau système d'assurances sociales, qui, pour le cas de vieillesse, réalise, dans une large mesure, l'égalité entre l'homme et la femme qui exercent une activité lucrative.

Les hommes et les femmes ont également droit aux allocations pour perte de gain en cas de maladie et aux allocations de chômage.

Chaque famille de plus d'un enfant a droit à des allocations familiales. Les allocations sont versées à la mère.

Droit fiscal Les célibataires, hommes et femmes, sont soumis à la même imposition. Les couples mariés sont, en général, imposés conjointement; niais, dans ce cas, la déduction sociale est plus élevée que pour les personnes seules. Cependant les conjoints ont aussi la possibilité d'être imposés séparément, ce qui n'entraîne en général pas d'économies substantielles.

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Italie

Généralités L'article 3 de la constitution italienne consacre l'égalité devant la loi de tous les citoyens. La République se doit d'abolir les obstacles de nature économique et sociale qui vont à l'encontre du développement de la personnalité et de l'égalité des citoyens. Le mariage repose sur l'égalité entre l'homme et la femme, tant sur le plan moral que sur le plan juridique. C'est aussi la constitution qui pose le principe de l'égalité des droits dans les relations de travail, y compris le droit à un salaire égal pour un travail égal.

Nationalité La femme étrangère qui épouse un Italien acquiert la nationalité italienne. La femme mariée ne peut avoir d'autre nationalité que celle de son mari, même si elle vit séparée de lui. L'Italienne qui épouse un étranger perd sa nationalité lorsqu'elle peut, par le mariage, acquérir celle de son mari. En cas de divorce, elle peut réintégrer la nationalité italienne, si elle vit en Italie ou y retourne.

Lorsque le mari change de nationalité - qu'il soit naturalisé en Italie ou qu'il acquière une autre nationalité - la femme en change aussi, Service militaire II n'est obligatoire que pour les hommes. Un projet de loi de 1976 propose l'introduction du service militaire facultatif pour les femmes.

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Droits politiques Au sens de la Convention des Nations Unies du 31 mars 1953 sur les droits politiques de la femme, l'homme et la femme ont des droits politiques égaux; pourtant, les femmes sont sous-représentées dans les organismes politiques.

Droit des personnes, droit de la famille et droit des successions

La loi du 1er décembre 1970, qui a introduit le divorce, a entraîné une profonde revision du droit de la famille. Chaque conjoint a son propre domicile. La femme mariée ajoute le nom de son mari au sien et le conserve même si elle devient veuve.

L'autorité parentale est exercée par les deux parents. L'adoption par l'un des époux seulement est possible avec le consentement du conjoint.

Lorsqu'il n'y a ni descendants, ni ascendants jusqu'au quatrième degré, la succession échoit au conjoint survivant.

Education et formation Depuis la revision de la loi sur les écoles secondaires (1977), l'enseignement des branches techniques doit être le même pour les garçons et pour les filles. Le principe de l'égalité des sexes est aussi posé dans la nouvelle loi sur la création de places de travail pour la jeunesse (1977).

Emploi et profession Pour mettre en oeuvre le principe de l'égalité prévu dans la constitution et les obligations dérivant du traité de Rome du 25 mars 1957, l'Italie a organisé, en 1976, une Conférence nationale sur la poursuite du développement social et économique du pays et sur la situation professionnelle des femmes. Cette conférence a eu pour résultat une loi qui prescrit que les hommes et les femmes doivent être traités de la même manière dans les relations de travail. Toute discrimination fondée sur le sexe est interdite. La femme a droit à un salaire égal pour un travail égal, ainsi que l'exige la Convention internationale n° 100 du 29 juin 1951 concernant l'égalité de rémunération entre la maind'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale.

Certains travaux sont interdits aux femmes. Il en va de même en principe du travail de nuit.

Sécurité sociale L'Italie a ratifié, en 1956, la Convention internationale n° 102 du 28 juin 1952 concernant les normes minimales de la sécurité sociale. En 1963, elle a interdit qu'une travailleuse soit congédiée pour le seul motif qu'elle se marie. La protection accordée à la mère qui exerce une activité lucrative est réglée par une loi de 1971. Un projet de loi vise à étendre aux femmes au foyer l'obligation d'assurance-vieillesse et survivants et d'assurance-accidents.

Droit fiscal Les époux sont imposés conjointement. Mais on cherche, actuellement, à introduire l'imposition séparée.

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Norvège

Généralités

La loi sur l'égalité entre l'homme et la femme est entrée en vigueur le 15 mars 1979; elle vise à instituer l'égalité des droits dans pratiquement tous les domaines. Un «Ombudsman» et une commission ont été créés afin de père mettre sa mise en application. Alors que FOmbudsman est surtout un organde conseil et d'enquête, la commission a le pouvoir de prendre des décisions, qui peuvent être attaquées devant les tribunaux dans une procédure ordinaire.

Nationalité L'enfant né dans le mariage de père norvégien acquiert cette nationalité. La nationalité norvégienne est transmise par la mère à l'enfant né hors mariage, de même qu'à l'enfant né dans le mariage, lorsque le père est apatride ou qu'il ne peut lui transmettre sa nationalité. La modification de la nationalité n'est pas une conséquence automatique du mariage. Le conjoint étranger d'un ressortissant norvégien a toutefois la possibilité d'obtenir une naturalisation facilitée. La loi norvégienne sur le droit de cité est ainsi conforme à la Convention des Nations Unies du 20 février 1957 sur la nationalité de la femme mariée, que la Norvège a ratifiée.

Service militaire II n'est obligatoire que pour les hommes. Toutefois, les femmes célibataires peuvent aussi être appelées, jusqu'à un certain âge, à accomplir un service militaire; mais elles ne sont incorporées que dans des unités non combattantes.

Droits politiques L'homme et la femme ont les mêmes droits politiques. Par décret royal du 14 décembre 1973, le gouvernement a pris des dispositions pour permettre à un plus grand nombre de femmes d'entrer dans des commissions et d'occuper des postes dans des offices publics.

Droit des personnes, droit de la famille et droit des successions La femme mariée porte, en principe, le nom du mari; toutefois, elle peut garder son nom de jeune fille en faisant une déclaration lors du mariage. Mais tout le droit matrimonial est actuellement en revision, notamment aux fins de supprimer les inégalités qu'il contient encore.

Education, formation scolaire et formation professionnelle La loi sur l'égalité prescrit que les mêmes possibilités de formation doivent être offertes aux filles et aux garçons. Mais, influencées en partie par la conception traditionnelle des rôles de l'homme et de la femme, les jeunes filles usent moins que les garçons des possibilités
qui sont à leur disposition.

La loi sur l'égalité prévoit aussi un droit à la formation professionnelle; de même, elle prescrit à l'employeur de garantir à la femme, dans la même mesure qu'à l'homme, le droit au perfectionnement de la formation. De plus, une loi

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de 1976 sur la formation des adultes permet de donner une instruction de base à des groupes sociaux défavorisés, grâce à une aide étatique accrue; elle donne aussi à chacun le droit à une première formation gratuite. Ces deux mesures offrent, surtout aux femmes, de plus grandes chances de formation et de promotion.

Emploi et profession La loi sur l'égalité interdit les offres d'emploi destinées exclusivement à des hommes ou à des femmes. Le texte de l'offre de travail ne doit pas non plus donner l'impression que la préférence sera donnée aux candidats de l'un des deux sexes, à moins que cela ait une importance déterminante pour l'exercice de la profession. Il est interdit de prévoir des conditions discriminatoires pour l'engagement, la promotion, les congés, les vacances et le congédiement. Les hommes et les femmes qui travaillent pour le même employeur ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale.

L'Etat a pris encore d'autres mesures aux fins d'assurer une égalité de fait entre l'homme et la femme dans la vie professionnelle. Nous en citerons quelquesunes. La mère qui allaite son enfant peut réduire d'une heure son temps de travail quotidien. Les deux parents ont droit à un congé parental après la naissance de l'enfant. Les deux parents peuvent prendre un congé pour s'occuper de leur enfant malade, s'il a moins de 10 ans (le contingent, pour ce genre de congé, est de 10 jours par année).

Sécurité sociale L'assurance sociale de l'Etat verse à l'un des parents des allocations pour perte de gain pendant les 18 premières semaines du congé parental. Elle indemnise aussi la perte de salaire subie par les parents qui prennent un congé en raison de la maladie d'un enfant de moins de 10 ans.

Depuis 1976, le conjoint survivant, l'homme ou la femme, reçoit une rente de veuvage s'il peut prouver qu'elle lui est nécessaire.

Droit fiscal En Norvège, la famille est imposée globalement. On envisage actuellement l'introduction d'un système d'imposition individuelle.

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Pays-Bas

Généralités La constitution néerlandaise garantit, de façon générale, l'égalité à toute personne qui se trouve dans le pays (art. 4, 1er al.). Le «Comité de l'émancipation», que le gouvernement a créé en 1974, propose de compléter cet article: toute discrimination fondée sur le sexe serait interdite; il a ébauché, en même temps, un projet de loi contre la discrimination des sexes. Il prévoit la création d'une commission permanente contre la discrimination des sexes, dont la tâche serait de rechercher les inégalités, de répondre aux demandes d'information et aux réclamations et de donner des avis de droit. En 1978, le comité gouver8

Feuille Kdérale. 131» année. VoL I

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nemental a dressé un inventaire des inégalités qui existent encore. C'est un instrument de travail qui sera très utile lorsque le gouvernement entreprendra d'abolir les dispositions légales discriminatoires.

Nationalité Les enfants nés dans le mariage acquièrent la nationalité du père; les enfants nés hors mariage et qui n'ont pas été reconnus acquièrent la nationalité de la mère. L'avant-projet d'une nouvelle loi sur le droit de cité prévoit l'égalité complète des père et mère dans ce domaine: la mère, comme le père, pourrait transmettre sa nationalité à l'enfant. Cette réglementation est conforme à la Convention internationale des Nations Unies du 20 février 1957 sur la nationalité de la femme mariée, que les Pays-Bas ont ratifiée.

Service milittaire II n'est obligatoire que pour les hommes. Les femmes peuvent servir volontairement.

Droits politiques L'homme et la femme ont les mêmes droits politiques; les femmes sont cependant nettement sous-représentées dans les organismes politiques.

Droit des personnes, droit de la famille et droit des successions Ce n'est que depuis 1957 que la femme a l'exercice des droits civils. La femme mariée porte le nom du mari, auquel elle peut éventuellement joindre son nom de jeune fille. La femme divorcée peut choisir de conserver le nom de son exmari. Les enfants nés dans le mariage, légitimés ou adoptés portent le nom du père.

Dans l'union conjugale et la famille, la femme n'a pas les mêmes droits que l'homme. Certes, depuis 1970, l'homme n'est plus le chef de la famille; l'exercice de l'autorité parentale appartient aux deux parents. Mais c'est encore au mari qu'appartient la décision finale en cas de divergences d'opinions à propos du domicile commun ou de l'exercice de l'autorité parentale. La gestion des biens de l'enfant incombe au père; la mère ne peut les administrer que dans la mesure où elle exerce seule l'autorité parentale. Jusqu'à maintenant, il n'a pas été reproché, semble-t-il, au droit des successions d'avantager l'un ou l'autre conjoint.

Education, formation scolaire et formation professionnelle Ces dernières années, de nombreuses mesures ont été prises en vue de réaliser l'égalité des droits en matière d'éducation et de formation scolaire et professionnelle. Par exemple, il a été créé une première «école ouverte» destinée à des groupes
sociaux défavorisés (p. ex. les femmes de plus de 30 ans). On prévoit d'autres écoles de ce type, de même qu'une «université ouverte».

Emploi et profession Dans la vie professionnelle, la femme a beaucoup de peine à s'affirmer, malgré toutes les mesures prises en sa faveur depuis 1976: nullité des clauses d'un

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contrat de travail qui stipulent que le mariage, la grossesse ou l'accouchement mettent fin aux relations de travail; adoption d'une loi - conformément aux obligations dérivant du traité de Rome du 25 mars 1957 et aux directives du Conseil des Communautés européennes - qui règle le principe de l'égalité de salaire. Depuis 1975, une commission, composée d'employeurs et de travailleurs, veille au respect de ces diverses dispositions. Un projet de loi envisage l'abolition d'autres dispositions discriminatoires du droit du travail.

Sécurité sociale Le droit des assurances sociales considère la famille comme un tout. La femme mariée n'a, en principe, pas droit à une rente de vieillesse individuelle ou à la rente prévue par la loi générale sur l'incapacité de travail (assurance populaire obligatoire). De plus, les conditions qui déterminent le droit à des allocations de chômage sont plus sévères pour la femme que pour l'homme.

La femme a droit à une rente de veuve, alors qu'une telle rente n'existe pas .pour les veufs. Une modification de la situation juridique est actuellement en discussion; mais il n'y a pas encore de résultat concret.

Droit fiscal

En matière de droit fiscal aussi, il existe des différences de traitement entre les femmes mariées et les femmes célibataires, veuves ou divorcées. Il est vrai que, depuis quelques années, le salaire de la femme mariée est imposé séparément, c'est-à-dire qu'elle bénéficie séparément du montant franc d'impôts.

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Suède

Généralités La constitution suédoise garantit à chacun, quel que soit son sexe, l'égalité devant la loi. Cette disposition n'a pas d'efjfet sur les rapports entre les particuliers (Drittwirkung). Depuis des années, on s'efforce d'améliorer la situation de la femme dans tous les domaines. Actuellement, cette tâche incombe à une commission parlementaire sur l'égalité («Parliamentary Committee on Equality»). Une loi qui prévoit l'interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe est actuellement en préparation.

Nationalité L'enfant né dans le mariage dont le père est suédois, de même que l'enfant né hors mariage dont la mère est suédoise, est suédois de par la naissance.

L'enfant né dans le mariage dont la mère seule est suédoise acquiert aussi la nationalité suédoise, s'il est né en Suède et si le père est apatride.

L'étranger ou l'étrangère qui épouse un ressortissant suédois n'acquiert pas de plein droit la nationalité suédoise. Le conjoint étranger peut cependant obtenir une naturalisation facilitée. Cette réglementation est conforme à la Convention des Nations Unies du 20 février 1957 sur la nationalité de la femme mariée, que la Suède a ratifiée.

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Service militaire II n'est obligatoire que pour les hommes. Les femmes peuvent servir volontairement.

Droits politiques L'homme et la femme ont les mêmes droits politiques; cependant, les femmes sont nettement sous-représentées dans les organismes politiques.

Droit de la famille L'homme et la femme peuvent contracter mariage à 18 ans. Dans les relations familiales, la femme a une situation égale à celle de l'homme. Tous deux sont également responsables de l'entretien de la famille. Dans la procédure de divorce aussi, l'homme et la femme sont traités sur le même pied.

Education, formation scolaire et formation professionnelle L'école offre les mêmes possibilités de formation aux filles et aux garçons. Pourtant il apparaît, dans le choix des branches à option ou, plus tard, dans celui de la formation professionnelle et des études, que les intérêts de l'un et l'autre sexe, ne sont pas toujours identiques.

Emploi et profession En principe, toutes les professions, même, dans une certaine mesure, les carrières militaires, sont ouvertes aux femmes.

Une loi sur l'égalité des droits entre l'homme et la femme dans la vie professionnelle a été adoptée le 30 mai 1979. Elle prévoit, par exemple, que le texte des offres d'emploi doit être neutre, c'est-à-dire ne marquer aucune préférence pour l'un ou l'autre sexe.

La Suède a signé la Convention internationale n° 100 du 29 juin 1951 sur l'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale. Mais, dans la pratique, il existe encore des différences entre les salaires des hommes et ceux des femmes. Elles sont dues principalement au fait que les professions où l'on compte une grande majorité de femmes sont en moyenne moins bien rétribuées que celles qui sont plutôt exercées par des hommes. C'est pour cette raison que l'un des buts de la commission parlementaire sur l'égalité est d'élargir l'accès des femmes au marché du travail. De plus, l'Etat a créé un certain nombre de services sociaux destinés à accroître les chances professionnelles de la femme.

Sécurité sociale En matière d'assurances sociales, le principe de l'égalité ne s'est pas encore tout à fait imposé. On part encore de l'idée que la femme mariée est entretenue par le mari. Cependant, dans ce domaine aussi, on vise à instituer l'égalité.
Des prestations d'assurance sont accordées aux parents pendant les sept premiers mois qui suivent la naissance de l'enfant. Elles sont dues aux deux parents en commun ou au père ou à la mère séparément, à leur choix. De plus, les parents ont droit à un congé parental de trois mois; ils peuvent choisir de le

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prendre tout de suite ou de le fractionner dans le temps. Ils disposent aussi d'un contingent annuel de 12 à 18 jours de congé payé pour soigner leurs enfants malades. Enfin, une loi, entrée en vigueur en 1979, autorise les parents dont les enfants ont moins de 8 ans à diminuer de 2 heures leur temps de travail quotidien ; dans ce cas toutefois, la perte de salaire n'est pas compensée.

Droit fiscal Les époux sont taxés séparément.

33

L'homme et la femme dans le cadre du Conseil de l'Europe, des Communautés européennes et des Nations-Unies

Pour terminer, nous évoquerons brièvement les efforts importants qu'ont entrepris le Conseil de l'Europe, les Communautés européennes et les Nations Unies afin de réaliser l'égalité des droits entre l'homme et la femme.

331

Conseil de l'Europe

Généralités Le Conseil de l'Europe a été fondé le 5 mai 1949 dans le but de créer un lien plus étroit entre ses membres en vue de la protection et de l'encouragement des idéaux et principes qui constituent leur patrimoine commun, et afin de favoriser leur progrès économique et social. Le 6 mai 1963, la Suisse est entrée au Conseil de l'Europe qui compte aujourd'hui 21 Etats démocratiques de notre continent. Par son adhésion, elle s'est obligée à soutenir efficacement les buts et les tâches du Conseil de l'Europe. L'un des moyens les plus importants dont dispose le Conseil de l'Europe pour accomplir ces tâches est la conclusion de traités et de conventions. Parmi les cent traités et plus qui ont été élaborés jusqu'à aujourd'hui, la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) du 4 novembre 1950 et la Charte sociale européenne du 18 octobre 1961 sont de beaucoup les plus importants. La Convention européenne des droits de l'homme concerne principalement les libertés fondamentales classiques des citoyens et les droits politiques; la Commission européenne des droits de l'homme et la Cour européenne de justice veillent à leur observation. L'article 14 garantit aux hommes et aux femmes le même droit à la jouissance des droits et libertés prévus par la convention. La Charte sociale européenne est un moyen flexible et dynamique apte à favoriser le progrès social. Tant le fait d'atteindre une harmonie entre les législations sociales des Etats membres du Conseil de l'Europe, que le fait de veiller à ce que les gouvernements se rapprochent dans leur politique de consolidation et de développement ultérieur des droits sociaux qui existent déjà au niveau national font partie des buts de la Charte, La Suisse a ratifié la Convention européenne des droits de l'homme le 28 novembre 1974; elle a signé la Charte sociale européenne le 6 mai 1976, sous réserve de ratification.

Nationalité La Résolution (77)12 concernant la nationalité des conjoints de nationalité

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différente recommande aux Etats membres de modifier leur législation afin qu'il soit possible aux époux des deux sexes d'acquérir le droit de cité de leur conjoint. Quant à l'acquisition de la nationalité de par la naissance, la Résolution (77)13 concernant la nationalité des enfants nés dans le mariage recommande aux Etats membres d'accorder leur nationalité à tous les enfants nés dans le mariage ou de leur garantir un droit d'option jusqu'à l'âge de vingt-deux ans, pour autant que le père ou la mère soit un de leur ressortissant.

Selon la Résolution (72)1 relative à l'unification des concepts juridiques du domicile et de la résidence, le domicile de l'un des époux ne doit pas . simplement dépendre de celui du conjoint.

Droit de la famille La Résolution 78(37) sur l'égalité des époux en droit civil recommande, entre autres, aux Etats membres d'éliminer de leur droit civil toutes les dispositions qui donnent à l'un des époux une suprématie sur l'autre et d'assurer aux époux des droits égaux en cas de divergence d'opinion entre eux.

Formation scolaire et formation professionnelle Plusieurs dispositions de la Charte sociale concernent l'encouragement de la formation scolaire et professionnelle, II y a lieu de citer notamment l'article 1er, 4e alinéa (orientation, formation et réadaptation professionnelles), l'article 9 (droit à l'orientation professionnelle), l'article 10 (droit à la formation professionnelle), et l'article 15,(droit des personnes physiquement ou mentalement diminuées à la formation professionnelle et à la réadaptation professionnelle et sociale). Les Etats qui ont ratifié ces dispositions sont par làmême obligés de garantir les droits qu'elles reconnaissent sans faire de différence en fonction du sexe.

La résolution (77)1 sur l'activité professionnelle de la femme exige qu'hommes et femmes reçoivent une formation scolaire et professionnelle leur offrant les mêmes droits et de même nature.

Emploi et profession S'appuyant sur l'égalité des droits, la Charte sociale garantit entre autres le droit au travail (art. 1er), le droit à des conditions de travail équitables, sûres et saines (art. 2 et 3), le droit à une rémunération équitable (art. 4) ainsi que le droit des travailleuses à une protection particulière (art. 8). Il ne s'agit ici évidemment pas de garanties que le particulier
peut faire valoir en tant que droits individuels devant les tribunaux, mais d'objectifs à atteindre pour organiser la politique et la législation étatiques et interétatiques dans les Etats contractants. Sous l'angle de l'égalité entre les sexes, il vaut particulièrement la peine de mentionner le droit des travailleurs masculins et féminins à une rémunération égale pour un travail de valeur égale (art. 4, 3e al.) et le droit des femmes qui exercent une activité lucrative à 12 semaines au moins de congé de maternité ainsi qu'à une protection contre le licenciement pendant cette période (art. 8, 1er et 2e al.).

De plus, la résolution (77)1 sur l'activité professionnelle de la femme enjoint

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aux Etats membres d'améliorer la situation professionnelle de la femme. En particulier, elles devraient bénéficier des mêmes chances d'engagement et de promotion que les hommes.

Sécurité sociale Dans ce domaine, les articles 12 et 17 de la Charte sociale sont essentiels. Selon l'article 12, les parties contractantes s'obligent à garantir aux hommes et aux femmes le même droit à la sécurité sociale, notamment en établissant un régime de sécurité sociale et en le maintenant à un niveau au moins égal à celui nécessaire pour la ratification de la convention internationale du travail (n° 102) concernant la norme minimum de la sécurité sociale. L'article 17 invite les Etats contractants à prendre des mesures sociales particulières en vue de la protection de la mère et de l'enfant.

La Résolution (70)15 sur la protection sociale des mères célibataires et de leurs enfants recommande aux Etats membres de développer les droits sociaux des mères célibataires. La Résolution (77)1 sur l'emploi des femmes prescrit qu'elles ont droit à la même sécurité sociale que celle qui est accordée aux hommes.

Les deux grands traités en matière d'assurances sociales, c'est-à-dire le Code européen de sécurité sociale et son protocole additionnel de 1964, ainsi que la Convention européenne de sécurité sociale de 1972 n'envisagent pas expressément l'égalité entre l'homme et la femme. Au contraire, le système de l'assurance-survivants repose plutôt sur la conception traditionnelle des rôles de l'homme et de la femme: il présume que la femme est dépendante économiquement du mari. Il prévoit la rente de veuve, mais pas celle de veuf.

La Résolution (75)28 sur la sécurité de la femme au foyer recommande aux Etats membres de donner les mêmes droits sociaux à la femme au foyer qu'à celle qui exerce une activité lucrative.

332

Communautés européennes

Conformément à leurs objectifs économico-politiques, les Communautés européennes ont envisagé la question de l'égalité avant tout sous l'angle des problèmes économiques et sociaux des travailleurs.

L'article 119 du Traité de Rome du 25 mars 1957 oblige les Etats membres à respecter le droit de l'homme et de la femme à un salaire égal pour un travail de valeur égale. Malgré la clarté de cette disposition imperative, sa réalisation dans les Etats membres, se heurte à des oppositions considérables. C'est la raison pour laquelle le Conseil des Communautés européennes a été amené à édicter, le 10 février 1975, une directive concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (75/117).

Depuis lors, la plupart de ces pays ont adapté leur législation nationale à l'article 119. Toutefois, la Cour européenne a statué, dans un arrêt du 8 avril

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1976 en la cause Defrenne c. Sabena, que le principe de l'article 119 du Traité de Rome est directement applicable, qu'il peut être .invoqué dans un procès devant les tribunaux nationaux et que la directive précitée est un moyen d'interprétation utile à son application. Cet arrêt oblige les tribunaux nationaux à assurer la protection des droits que l'article 119 accorde aux citoyens; cela est aussi valable, selon les termes de l'arrêt, dans des cas où des travailleurs, hommes et femmes, touchent un salaire différent pour le même travail dans un même établissement ou dans un même service, public ou privé.

Afin de faire prévaloir le principe de l'égalité dans l'ensemble de la vie professionnelle et économique et non plus seulement dans le domaine des salaires, le Conseil des Communautés européennes a édicté, le 9 février 1976, une directive relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (76/207). Les Etats membres sont tenus de prendre des mesures conformes aux prescriptions de cette directive et d'interdire les discriminations du fait du sexe dans la formation et la vie professionnelle. Les hommes et les femmes doivent être traités de la même manière lors de l'attribution d'emplois et de places de formation, lors de promotions, de congédiement, etc.

Une directive du Conseil des Communautés européennes prévoyant une mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre l'homme et la femme en matière de sécurité sociale a été adoptée le 19 décembre 1978 (79/7),

333

Nations-Unies

Généralités Pour protéger les intérêts de la femme, les Nations Unies ont institué, en 1946 une commission permanente des droits de la femme. Elle établit des rapports sur la condition et la situation juridique de la femme et présente des projets de conventions internationales, de résolutions et de recommandations. Parallèlement, les institutions spécialisées s'occupent aussi, dans leur domaine, des problèmes de la condition féminine; par exemple, l'Organisation internationale du travail examine la position de la femme dans le monde du travail.

Depuis une vingtaine d'années, une série de conventions internationales ont été conclues et des résolutions ont été adoptées; touchant à peu près à tous les domaines, elles ont pour objet la situation de la femme et sa protection.

L'un des buts de la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945 est d'ailleurs de promouvoir et de renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'égard de chacun, quels que soient sa race, son sexe, sa langue ou sa religion. La Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 exige que les hommes et les femmes bénéficient, dans une mesure égale, des droits qu'elle proclame. Il en est de même du Pacte international du 19 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques, ainsi que du Pacte du 19 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

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En faisant de 1975 l'Année Internationale de la Femme, les Nations Unies ont poursuivi et intensifié ces derniers temps leurs efforts visant à réaliser une égalité des droits très étendue. Lors de la conférence mondiale convoquée cette même année à Mexico, différentes résolutions sur la condition féminine ont été adoptées. Un plan d'action mondial a aussi été accepté; il établit pour la première fois des directives générales dont s'inspireront les futures initiatives tendant à améliorer la situation de la femme et introduire l'égalité des droits.

Par ailleurs, le 15 décembre 1975, dans le but d'appliquer le plan d'action, l'Assemblée générale proclamait la période 1976-1985 «Décennie des Nations Unies pour la femme: égalité, développement et paix»; elle décidait en outre de convoquer en 1980 une conférence mondiale en vue d'examiner et d'évaluer les progrès accomplis en ce qui concerne la réalisation des objectifs de l'Année internationale de la femme. Comme elle l'a fait en 1975 à Mexico, la Suisse participera à cette conférence qui se tiendra à Copenhague.

Nationalité En adhérant à la Convention du 20 février 1957 sur la nationalité de la femme mariée, l'Etat contractant reconnaît que le changement de nationalité du mari, pendant la durée du mariage, ne modifie pas nécessairement la nationalité de l'épouse. En outre, l'Etat contractant doit offrir à l'épouse étrangère d'un de ses ressortissants la possibilité d'obtenir une naturalisation facilitée.

Droits politiques La Convention du 31 mars 1953 sur les droits politiques de la femme prévoit que les hommes et les femmes sont égaux en droits pour toutes les élections à des fonctions politiques et à des organismes élus officiellement. .

Droit de la famille Une série de résolutions visent à instituer l'égalité de l'homme et de la femme dans la famille (en matière de régime matrimonial, de domicile, de tutelle), ainsi qu'à améliorer la situation juridique de la mère célibataire. De plus, elles exigent que la femme mariée ait la pleine capacité contractuelle et la faculté de décider seule de l'exercice d'une activité lucrative autonome.

Fortnation scolaire et formation professionnelle La Convention du 15 décembre 1960 contre la discrimination en matière d'enseignement réprouve à tous les niveaux d'enseignement les inégalités de traitement fondées
sur le sexe. Les Etats contractants s'obligent en outre à introduire un enseignement public, accessible à tous, obligatoire et gratuit.

Une résolution exige que l'accès à une formation supérieure soit garanti aux femmes dans les mêmes conditions qu'aux hommes.

Emploi et profession La Convention internationale n° 100 du 29 juin 1951 concernant l'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale et la Convention n° 111 du 25 juin 1958 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession sont au

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nombre des traités les plus importants en matière d'égalité des droits dans les relations de travail.

Sécurité sociale II convient surtout de citer la Convention n° 102 du 28 juin 1952 concernant les normes minimales de la sécurité sociale; cette convention contient des règles détaillées sur les rentes de l'assurance-vieillesse et survivants, de l'assurance-chômage, de Passurance-maladie et de l'assurance-maternité.

34

Comparaison des efforts entrepris en Suisse, avec ceux qui ont été faits à l'étranger et au plan international pour la réalisation de l'égalité entre les sexes

Les vues d'ensemble des chapitres 32 et 33 montrent qu'une évolution vers une égalité complète des droits et des chances entre hommes et femmes se dessine dans la pensée juridique et la législation suisses; elles révèlent aussi que les moyens juridiques permettant d'atteindre l'égalité entre les sexes n'ont pas encore été complètement épuisés. Cette constatation vaut dans le domaine de la législation, déjà en ce qui concerne la constitution ou des lois dans lesquelles la France, la République fédérale d'Allemagne et l'Italie, puis les Nations-Unies, l'Organisation internationale du Travail ainsi que les Communautés européennes ont inscrit le principe de l'égalité des droits entre les sexes. De plus, elle vaut de façon plus marquée pour la législation d'Etats tels que l'Angleterre, les Etats-Unis, les Pays-Bas, la Suède et le Danemark qui a été mise au service de l'égalité des droits de la femme. Il est clair que la Suisse n'atteint pas le niveau du standard du droit international, tel qu'il se dégage des nombreux accords, déclarations, recommandations et résolutions des organisations universelles et européennes. Même si l'on doit admettre, vu l'intensité des efforts du législateur, que l'on ne peut exclure purement et simplement un état avancé de l'égalité entre les sexes et qu'en Suisse, d'importantes révisions législatives sont actuellement en cours afin d'améliorer la position de la femme, une décision de principe au niveau constitutionnel consacrant l'égalité entre les sexes ne constitue en aucun cas une modernisation inutile de la constitution.

4

L'homme et la femme selon l'initiative

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Genèse et buts de l'initiative, motifs du comité d'initiative

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Genèse de l'initiative

Ses origines remontent à l'étude publiée en novembre 1973 par l'UNESCO sur la situation de la femme en Suisse. Les résultats de cette étude incitèrent le groupe de travail chargé de la préparation du quatrième Congrès féminin suisse à le consacrer au thème: «Relations de partenaires - Coopération entre l'homme et la femme sur un pied d'égalité». Le groupe de travail proposa aussi à l'intention du Congrès différentes résolutions fondées en partie sur les résultats d'une enquête faite auprès des femmes. L'une de ces résolutions proposait de lancer une initiative sur l'égalité des droits entre les hommes et les femmes.

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Le quatrième Congrès féminin suisse, qui eut lieu pendant «l'Année Internationale de la Femme», se rallia à cette proposition le 18 janvier 1975. Par la suite, on créa un comité d'initiative, composé de 15 femmes. Il rédigea le texte de l'initiative populaire et ouvrit au mois de septembre 1975 la récolte des signatures. L'initiative, nous l'avons dit, a été déposée le 15 décembre 1976.

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Motifs du comité d'initiative

Les motifs principaux du comité d'initiative sont les suivants: la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'article constitutionnel sur l'égalité, l'incertitude d'une revision totale de Ja constitution fédérale et les difficultés de réaliser l'égalité des droits entre les sexes au niveau législatif. Le comité d'initiative se prononce comme il suit : 412.1 Depuis que l'article 4 de la constitution fédérale existe - soit depuis 1848 -, on n'a jamais réussi à réaliser l'égalité des droits entre hommes et femmes.

Uappelons que ce n'est qu'en 1923 que le Tribunal fédéral a ouvert aux femmes l'accès à la profession d'avocat. Des recours demandant le droit de vote pour les femmes ont été déposés devant le Tribunal fédéral à maintes reprises; ils ont été rejetés parce que le Tribunal fédéral, de même que le Conseil fédéral, ont toujours été partisans de «l'interprétation historique».

Selon cette interprétation, la conception juridique déterminante est celle qui faisait foi au temps de la création de notre constitution (1848): l'homme et la femme sont différents l'un de l'autre et doivent donc être traités différemment, sur le plan juridique aussi.

A l'origine, bien sûr, on a considéré la première phrase de l'article 4 de la constitution («Tous les Suisses sont égaux devant la loi») comme un programme politico-juridique; depuis lors, la jurisprudence a toujours plus eu tendance à la comprendre dans le sens d'une application semblable du droit en vigueur à des cas présentant des situations semblables (traiter semblablement des cas semblables et différemment des cas différents). Cette conception a entraîné de graves discriminations dans des lois fédérales et cantonales. Ainsi, il a été nécessaire de reviser l'article 74 de la constitution - procédure qui aboutit en 1971, après un premier échec - afin d'octroyer aux femmes les droits politiques, au moins sur le plan fédéral. Aujourd'hui, ces droits leurs sont encore refusés dans deux cantons et dans plusieurs communes.

La deuxième phrase de l'article 4 («II n'y a en Suisse ni sujets, ni privilèges de lieu, de naissance, de personnes ou de familles») a eu de tout temps une portée historique. Le Tribunal fédéral lui a dénié toute faculté de promouvoir l'égalité des droits entre hommes et femmes.

On reconnaît maintenant de façon universelle que les
différences biologiques entre les sexes ne justifient plus un traitement juridique inégal. En mettant expressément l'homme et la femme sur un pied d'égalité juridique, grâce à un complément à l'article 4 de la constitution, l'initiative apporte le correctif nécessaire.

115

412.2 II est inopportun d'attendre la revision de la constitution fédérale, alors que la question fondamentale, c'est-à-dire de savoir si elle aura effectivement lieu, n'a pas encore franchi le seuil de la discussion parlementaire. Enfin, le Conseil fédéral a plusieurs fois déclaré qu'il y avait lieu de régler des problèmes importants par le biais de revisions partielles de la constitution actuelle, afin de décharger le grand projet de revision totale. L'initiative répond à cette intention.

412.3 La réalisation de l'égalité des droits sur le plan législatif 'est vouée à l'échec. Sur le plan fédéral, l'initiative législative, qui permettrait de réaliser ce voeu, n'existe pas. Certes, quelques domaines de la législation fédérale, tel que le droit de la famille, sont actuellement en voie de revision: ces revisions pourraient contribuer à une réalisation partielle de l'égalité; cependant leur résultat est encore incertain. L'initiative, en tant que programme politicojuridique, peut imprimer une certaine orientation à ces revisions, voire les accélérer d'autant qu'elle exige en tous les cas une revision de toute la législation dans un délai de cinq ans, afin de réaliser juridiquement l'égalité des droits entre les sexes.

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Buts de l'initiative

Selon le comité d'initiative, l'initiative vise principalement les buts suivants: 413.1

Le nouvel article 4bis de la constitution fédérale doit limiter la liberté d'interprétation qui appartient dans une large mesure au Tribunal fédéral (selon l'opinion du comité d'initiative, dans une trop large mesure), en prévoyant l'égalité fondamentale des droits de l'homme et de la femme. Le Tribunal fédéral doit mieux motiver que jusqu'à présent les exceptions qu'il admet.

Inversement, les attributions du Tribunal fédéral doivent être étendues, en ce sens qu'il n'aura plus à statuer uniquement sur des relations juridiques entre les citoyens et l'Etat, mais aussi sur des relations juridiques entre particuliers.

La dernière revendication citée résulte sans aucun doute de la disposition transitoire.

413.2 Selon le 1er alinéa de l'article constitutionnel proposé, hommes et femmes doivent être égaux en droits. Au fond, ce principe devrait suffire. Mais des 116

discussions détaillées et des pourparlers menés avec des experts ont révélé qu'il valait mieux concrétiser et préciser ses trois domaines d'application les plus importants. Il s'agit des domaines de la famille (2e al.), de la rémunération (3e al.) et de l'égalité de traitement et des chances en matière d'éducation et de formation professionnelle ainsi que pour l'accès à l'emploi et à l'exercice de la profession (4e al.).

Selon le 2e alinéa, hommes et femmes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans la famille. Le comité d'initiative aurait souhaité que le lancement de l'initiative ait déjà pour effet d'accélérer la réalisation de cette idée dans le cadre de la réforme en cours du droit de la famille. Il aurait surtout dû encourager les milieux progressistes au sein des commissions parlementaires et des deux Chambres fédérales.

Le 3e alinéa est sensé réaliser un ancien postulat féminin: des prétentions de salaire égales pour l'homme et la femme pour un travail égal ou de valeur égale.

Certes, la Suisse a adhéré à la Convention internationale n° 100 du 29 juin 1951 concernant l'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale (RO 1973, 1602).

Pourtant, ses effets dans notre pays sont encore minimes. Après des décennies de haute conjoncture et de pénurie de main-d'oeuvre (au moment du lancement de l'initiative), les salaires féminins sont encore environ de 30 pour cent inférieurs à ceux des hommes. Il y a déjà plus de dix ans qu'une commission d'experts a établi qu'après une période transitoire, notre économie supporterait fort bien une adaptation des salaires des femmes à ceux des hommes. Il est temps maintenant d'inscrire ce principe dans la constitution afin d'en garantir le fondement juridique.

Le 4e alinéa énonce un principe assez récent qui prend de plus en plus d'importance: celui de l'égalité des chances et de traitement pour l'homme et la femme en matière d'éducation et de formation professionnelle, ainsi que pour l'accès à l'emploi et l'exercice de la profession. On peut déjà constater des progrès depuis que l'Association des organisations féminines suisses a mené une enquête sur les programmes d'études prévus pour les années d'école obligatoire (en 1977); cependant, l'égalité des chances en matière d'éducation
et de formation professionnelle n'a pas encore été atteinte. C'est pourquoi la Suisse n'a pas été en mesure jusqu'à présent de signer le premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme. Enfin, la Suisse a aussi adhéré à la Convention internationale n° 111 du 25 juin 1958 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession (RO 1961 823). Le 4e alinéa fixerait constitutionnellement l'un des buts de cette convention sur le plan national et lierait ainsi le législateur et les autorités.

413.3 L'initiative reprend ainsi les postulats fondamentaux que les organisations féminines suisses ont tenté de faire accepter dès leur fondation. Mais elle correspond aussi aux droits de l'homme et contribue donc, d'une part à réaliser les buts visés par le quatrième Congrès féminin, d'autre part à accélérer le progrès vers une solution de la question féminine.

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42 421

Appréciation de l'initiative Lors de la procédure de consultation

Le 21 décembre 1977, nous avons autorisé notre Département de justice et police à s'adresser aux gouvernements cantonaux, aux partis représentés à l'Assemblée fédérale et aux organisations intéressées pour procéder à une consultation. Il s'agissait principalement d'établir un inventaire aussi complet que possible des inégalités entre hommes et femmes, qui reposent sur le droit, la tradition, les conventions et la morale, d'acquérir une vue d'ensemble des mesures prises ou envisagées pour faire disparaître ces inégalités et de se faire une idée aussi exacte que possible des opinions que les milieux appelés à se prononcer ont de l'initiative. Le département tenta de déceler ces opinions à l'aide d'un questionnaire détaillé. Voici les principales questions posées: Quelles seraient les conséquences de l'initiative sur les inégalités de traitement constatées (pour le législateur, l'Etat et ses organes, les institutions et les finances, puis sur le statut juridique de l'individu dans la famille, le système économique, la formation, la vie politique, etc., de même que pour l'économie et la société en général)? Est-ce que, en tant qu'elle demande l'élimination des inégalités constatées, l'initiative pourrait être réalisée en droit, en fait et en temps utile? Peut-on accepter l'initiative ou faudrait-il lui préférer un contreprojet?

La participation à la procédure de consultation a été très forte: tous les gouvernements cantonaux, 10 des 11 partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale et la plupart des 33 organisations consultées ont fourni une réponse.

Outre les milieux officiellement consultés, d'autres organisations ainsi que des particuliers ont donné spontanément leur avis.

Nous vous présentons ci-dessous un bref résumé des réponses aux questions précitées (au sujet de l'inventaire des inégalités existantes et des mesures aptes à les supprimer, voir le chiffre 31).

421.1

Effets de l'initiative

La diversité des réponses révèle nettement la grande incertitude qui règn& quant aux conséquences pratiques du projet d'article sur l'égalité. Les réponses ont surtout un caractère spéculatif; il faut en quelque sorte les considérer comme des hypothèses plus ou moins vraisemblables.

Dans les avis exprimés on trouve les deux extrêmes suivants : l'idée que l'initiative n'aura pratiquement pas d'effets et l'opinion selon laquelle la nouvelle norme constitutionnelle sera directement applicable, soit parce qu'elle pourra être concrétisée par les autorités judiciaires et administratives, soit parce qu'elle aura force dérogatoire à l'égard de toute disposition de rang inférieur qui ne lui serait pas conforme. Pourtant, la majorité (12 cantons et plus de la moitié des partis politiques et organisations) est d'avis que le nouvel article 4Ma de la constitution fédérale charge le législateur fédéral et cantonal de modifier toute disposition qui ne lui serait pas conforme et, au besoin, d'édicter de nouvelles normes juridiques. Quelques réponses relèvent que la 118

nouvelle disposition constitutionnelle ne touche pas seulement le droit cantonal et fédéral au niveau légal et réglementaire, mais aussi le droit fédéral constitutionnel, en particulier les articles 4 (égalité des droits), 31 (liberté du commerce et de l'industrie) et les articles 18 à 22bla (service militaire et service civil obligatoire); il y aurait lieu de concilier ces dispositions avec le nouvel article 4Ms.

On s'accorde généralement pour reconnaître que l'initiative, si elle était acceptée, ferait sans doute évoluer plus rapidement la conception que les gens ont de la place que la femme occupe dans la famille, dans la société et dans la vie économique.

Elle accélérerait aussi les revisions légales entreprises aux fins d'améliorer le sort de la femme. En revanche, elle ne pourrait guère faire disparaître à court terme les inégalités effectives, dont certaines sont profondément enracinées dans les mentalités.

De nombreux milieux estiment que la nouvelle norme constitutionnelle renforcerait la prise de conscience de la femme et raffermirait sa confiance en elle; cette norme permettrait notamment à la femme d'améliorer sa situation juridique en lui donnant la possibilité, directement ou indirectement, de faire valoir des prétentions individuelles dans des cas d'espèce. D'autres, en revanche, doutent du bien-fondé de cette opinion. En particulier, ils doutent que l'on puisse imposer, par ce biais, la prétention à un salaire égal pour un travail de valeur égale. Le nouvel article constitutionnel doit produire des effets non seulement sur les rapports entre l'Etat et les particuliers mais aussi entre les particuliers eux-mêmes (l'effet horizontal ou «Drittwirkung»), ce qui a été critiqué par certains et approuvé par d'autres.

Les conséquences sociales de l'article 4biB sont, elles aussi, incertaines. On se demande s'il ne fait que charger le législateur, d'éliminer les discriminations légales existant vis-à-vis de la femme et de lui interdire d'en créer de nouvelles, ou bien s'il charge l'Etat de prendre des mesures tout à fait concrètes. On pense par exemple à la répartition par quota de l'accès aux places de travail et aux fonctions publiques, au partage égal entre les conjoints des obligations familiales et professionnelles ou à la création de services sociaux tels que les crèches, afin de
faciliter l'activité professionnelle des mères de famille.

On estime que les conséquences financières sont difficilement mesurables; certains supposent qu'elles seront considérables, d'autres sont d'avis que cet aspect du problème n'est pas déterminant pour apprécier l'initiative.

421.2

L'initiative est-elle réalisable?

A quelques exceptions près, on admet que l'initiative est réalisable en droit.

Quelques-uns font remarquer que des conflits avec d'autres dispositions constitutionnelles ou qu'un éventuel rejet de lois d'exécution par le peuple pourraient compromettre la réalisation de l'initiative sur le plan juridique.

Selon la majorité des personnes qui ont participé à la consultation, la réalisation dans ks faits de l'initiative pose des problèmes plus graves. A leur avis, des règles de droit ne peuvent éliminer les inégalités de fait, en tout cas pas 119

complètement. Cependant, personne n'a prétendu que l'initiative était totalement impossible à réaliser dans les faits; c'est pourquoi personne n'a proposé de la rejeter, voire de la déclarer nulle. Dans plusieurs réponses, on affirme même expressément qu'elle est réalisable dans les faits.

En revanche, la question de savoir si l'initiative est réalisable dans le temps suscite les plus grandes hésitations; la disposition transitoire accorde en effet un délai d'exécution de cinq ans seulement. La majorité des milieux interrogés pensent que ce délai ne pourra pas être respecté ou le remettent en question.

Quelques-uns estiment qu'il est possible d'écarter les inégalités juridiques dans un délai de cinq ans, alors qu'il faudrait plus de temps pour arriver à une égalité des sexes dans les faits. D'autres encore sont d'avis que la période transitoire ne concerne que les inégalités juridiques.

En général, les partis politiques, contrairement aux cantons, sont enclins à penser que l'initiative est réalisable; les organisations, elles, sont très divisées sur ce point.

421.3

Faut-il approuver ou rejeter l'initiative?

En simplifiant à l'extrême, on peut dire que l'initiative a été mieux accueillie par les partis politiques que par les cantons. Parmi les organisations, les associations féminines et les syndicats numériquement importants sont en majorité favorables à l'initiative, tandis que les associations patronales, les organisations juridiques ainsi que les syndicats numériquement moins importants sont, en majorité, opposés à l'initiative. Il faut cependant relever que la majorité des milieux interrogés sont favorables aux buts visés par l'initiative.

Deux partis et huit organisations intéressées approuvent l'initiative sans réserve.

Ils fondent leur avis principalement sur les considérations suivantes: le nouveau texte est clair; l'article 4 de la constitution est manifestement insuffisant pour garantir l'égalité des droits entre les sexes ; une telle disposition constitutionnelle accélère l'élimination des discriminations qui existent encore et peut être appliquée directement aux relations entre les particuliers; non seulement elle prévoit expressément le principe de l'égalité des droits entre hommes et femmes, mais elle en tire aussi les conséquences les plus importantes aux alinéas 2 à 4.

Un canton, un parti et deux organisations approuvent l'initiative avec des réserves. D'aucuns tiennent la disposition transitoire pour irréaliste, d'autres demandent que soit réalisée simultanément une égalité des devoirs qui tienne compte des différences biologiques. D'autres, enfin, demandent la garantie que les avantages accordés actuellement à la femme ne soient pas réduits.

Un canton, deux partis et une organisation approuvent l'initiative «faute de mieux». En fait, ces milieux préféreraient un contre-projet ; pourtant, si aucun contre-projet n'était présenté, ils approuveraient l'initiative malgré ses défauts.

Les défauts suivants sont cités : le texte constitutionnel est trop détaillé pour un droit fondamental, il ne traite que certains aspects de l'égalité, le délai transitoire est trop court; un rejet de l'initiative pourrait exercer une influence négative sur les revisions légales en cours.

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Vingt-deux cantons, cinq partis et douze organisations ont rejeté l'initiative.

Les raisons de ce rejet sont très diverses. Ainsi, plusieurs cantons font les objections suivantes: le texte constitutionnel va au-delà de ce qui est pratiquement réalisable; on ne peut imposer l'égalité des chances et de traitement des hommes et des femmes qu'au prix de moyens disproportionnés; en particulier, un article constitutionnel ne peut éliminer les inégalités de fait. On pourrait atteindre les buts visés par des revisions légales et une interprétation plus moderne de l'article 4 de la constitution fédérale. Dans la mesure où elle est réaliste, l'initiative enfonce des portes ouvertes; elle propose une égalité trop schématique, plutôt de «l'égalitarisme». D'autres critiquent le délai transitoire de 5 ans ou estiment que les effets de ce nouveau droit fondamental sur les rapports entre les particuliers posent des problèmes parce qu'il empiète sur la liberté contractuelle et sur la liberté du commerce et de l'industrie.

Par leur nombre, les milieux qui rejettent l'initiative sont majoritaires. Mais si l'on évalue ces résultats, on s'aperçoit que des milieux importants - tels que, par exemple, les partis politiques représentés au Conseil fédéral ou les grands syndicats - se sont prononcés en faveur de l'initiative, même si certains ont émis des réserves. En revanche, il ne faut pas négliger le fait que presque tous les cantons ont rejeté l'initiative. On s'aperçoit que les raisons de ce rejet touchent avant tout à la réalisation pratique de l'initiative; ils craignent d'être confrontés à de trop nombreux problèmes de législation et d'exécution. Pourtant, la plupart des cantons reconnaissent le bien-fondé des buts de l'initiative et la jugent réalisable.

421.4

Contre-projet - oui ou non?

Quelques milieux préfèrent un contre-projet parce que, tout en étant d'accord avec les voeux exprimés dans l'initiative, ils ne peuvent l'approuver telle quelle.

De nombreux cantons, plusieurs partis, de même que des organisations féminines et des syndicats penchent pour cette solution. Dans la plupart des cas, on s'est prononcé dans ce sens en considérant que l'article 9 du projet de constitution fédérale constitue une variante satisfaisante.

Les réponses à la question «désirez-vous un contre-projet?» varient entre deux extrêmes: la proposition de ne présenter que le contre-projet et l'opposition catégorique à un contre-projet. Voici une représentation plus détaillée des réponses: 9 cantons, 5 partis et 7 organisations se prononcent en faveur d'un contre-projet et rejettent l'initiative. 5 groupements numériquement moins importants (1 parti et 4 organisations) approuvent l'initiative; ils pourraient cependant accepter un contre-projet si l'initiative était retirée et pour autant que le contre-projet réponde à certaines exigences minimales.

Deux des plus grands partis politiques et 4 organisations importantes s'opposent à un contre-projet eu égard à l'initiative. Ils fondent leur point de vue comme il suit: d'une part, rien de meilleur ne pourrait actuellement être opposé à l'initiative; d'autre part, l'expérience montre que les contre-projets ont pour effet de diviser les «oui» de tous ceux qui ont une volonté de changement et de cumuler les «non»; cela augmente fortement le risque d'un rejet et de l'initiative et du contre-projet.

9 Feuille fédérale. 132° année. Vol. I

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Dix cantons, 2 partis plus petits et 4 organisations s'opposent à un contreprojet, comme ils le font pour l'initiative. Les raisons invoquées sont essentiellement les mêmes que celles qu'ils ont fait valoir à rencontre de l'initiative.

La grande majorité des partisans d'un contre-projet proposent de reprendre l'article 9, 3e alinéa, du projet de constitution fédérale ou de créer une disposition qui s'en inspire. Voici le texte de l'article 9, 3e alinéa, du projet: «L'homme et la femme sont égaux en droits. La loi pourvoit à l'égalité, en particulier dans les domaines de la famille, de l'instruction et du travail.

Les hommes et les femmes ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale».

Un canton propose de présenter l'initiative sans disposition transitoire en tant que contre-projet; quelques propositions ont aussi été faites par des particuliers.

422

Par le Conseil fédéral

422.1

Le principe de l'égalité des sexes doit-il être inscrit dans la constitution?

D'après la doctrine unanime, une constitution ne devrait contenir que les règles qui sont considérées comme fondamentales pour la structure de l'Etat et de la société, tandis que toutes les autres prescriptions doivent revêtir la forme de la loi et de l'ordonnance0). Ainsi, la constitution doit donner à l'Etat un programme d'organisation juridique, exiger de lui qu'il fasse régner la justice, lui imposer des limites pour sauvegarder les libertés de l'homme, lui attribuer des responsabilités et lui fixer des buts. Déterminer si une règle est assez importante pour mériter de figurer dans la constitution est chaque fois du ressort du constituant; sur le plan fédéral, il s'agit donc du peuple et des cantons.

Pour le constituant de 1848 déjà, l'égalité juridique relevait des principes majeurs régissant les rapports entre l'homme et l'Etat, de ces principes qui, même en des temps d'accélération de l'histoire et de mutation rapide de la société, doivent pour l'essentiel demeurer intangibles. C'est donc à juste titre que le principe général de l'égalité a été inscrit dans la constitution même (art.

4). L'égalité des droits entre l'homme et la femme, proposée par l'initiative, est davantage qu'un simple aspect, qu'une simple concrétisation du principe général. Celui-ci d'ailleurs n'est pas encore parvenu à imposer l'égalité des droits entre les sexes, notamment dans la famille, dans la formation, dans l'économie, dans la société et dans la politique.

Le nouvel article interdit, en principe, toute discrimination en raison du sexe.

En d'autres termes, le sexe ne devrait plus être un critère juridique de distinction. La constitution fédérale contient déjà ce genre de règles qui interdisent les discriminations : l'article 4, 2e phrase, les articles 46, 60 et 74. On ne saurait contester qu'une règle qui cherche à imposer l'égalité des droits entre l'homme et la femme a sa place dans la constitution. Elle l'a d'ailleurs dans les constitutions étrangères les plus récentes7).

122

422.2

La nécessité, l'opportunité et l'utilité d'une règle spéciale sur l'égalité des sexes

Même si elle a sa place dans la constitution, comme nous venons de le voir, il n'est pas encore démontré qu'une règle spéciale sur l'égalité des sexes, qui doublerait le principe général inscrit à l'article 4, est nécessaire, opportune ou utile. 11 serait faux, pour tenir compte d'évolutions souhaitées dans les domaines social, économique et politique, de reviser la constitution quand on peut le faire par une interprétation extensive des textes en vigueur8'. Le constituant ne devrait intervenir que si un progrès ne peut être atteint par la voie de l'interprétation moderne.

422.21

Problèmes, évolution et portée actuelle de l'article 4 de la constitution fédérale

422.211 Les problèmes Le texte de l'article 4 n'a pas été changé depuis 1848: Tous les Suisses sont égaux devant la loi. Il n'y a en Suisse, ni sujets, ni privilèges de lieu, de naissance, de personnes ou de familles.

Sa concision est admirable, mais, pour ceux qui doivent le mettre en oeuvre, les difficultés ressemblent à celles que présentent les dispositions correspondantes de constitutions étrangères.

La notion d'égalité pose déjà des problèmes. Pour un observateur superficiel, elle tend à une assimilation totale de deux ou plusieurs personnes, objets, rapports ou processus. Mais parler d'égalité suppose qu'on compare au moins deux choses; il ne peut donc y avoir une assimilation totale entre l'une et l'autre; il doit y avoir une différence dans le temps ou dans l'espace, sinon il y aurait identité. L'égalité n'est jamais réalisée totalement, mais seulement partiellement, sous certains rapports particuliers. Ainsi, l'important n'est point tellement la reconnaissance générale de l'égalité que le choix des facultés et des relations humaines qu'il faut traiter également9).

Les diverses dimensions du principe de l'égalité soulèvent aussi un certain nombre d'autres questions.

Il est essentiel, pour l'application de ce principe, de savoir vers quel but de politique constitutionnelle il est orienté. Il peut avoir une fonction statique et une fonction dynamique.

La. fonction statique du principe de l'égalité. C'est celle qui inspire le législateur lorsqu'il accorde des droits ou impose des devoirs aux citoyens sans considérer les différences qui existent entre eux. Chacun, par exemple, doit respecter la loi; chaque travailleur - homme ou femme - a, envers son employeur, droit au salaire convenu ou au salaire usuel. Les droits et les devoirs généraux ne sont pas corrigés de manière à tenir compte des différences, souvent considérables, qui existent entre les particuliers: les inégalités de droit et de fait, même injustes, ne sont pas nivelées. Cette conception du principe de l'égalité, qui

123

dominait au 19e siècle, prend les inégalités sociales, économiques et politiques comme elles sont et les maintient.

La fonction dynamique du principe de l'égalité. C'est celle qui inspire le législateur lorsqu'il se refuse à entériner, dans ses lois, les inégalités de fait et qu'il entend, au contraire, supprimer celles qui sont les plus choquantes. Cette conception de l'égalité est à l'origine de l'introduction du droit de vote pour tous les hommes, en 1848, et pour les femmes, en 1971. C'est elle aussi qui a dicté la politique sociale de la fin du 19e et du 20e siècle. Comme illustrations typiques de la fonction dynamique du principe de l'égalité nous citerons: en droit fiscal, le principe de l'impôt progressif - opposé à celui de l'impôt proportionnel pur -, l'imposition du revenu et de la fortune; en matière de sécurité sociale, le système des rentes AVS maximales et minimales, les législations d'assistance collective ou individuelle; en matière de protection des travailleurs ou des consommateurs, les restrictions à la liberté contractuelle dans les contrats de travail ou dans les contrats de vente par accomptes. Toutes ces mesures doivent être considérées comme un développement du principe de l'égalité aux fins de «protéger les faibles contre les forts»10).

En sus de la question de fond - faut-il supprimer, faut-il maintenir une inégalité? -, il y a un problème de méthode: comment réaliser cette égalité?

A cet égard, on distingue entre l'égalité matérielle et l'égalité formelle.

'L'égalité matérielle : II y a, à la base, l'idée essentielle que les êtres humains ne sont pas égaux. Les défenseurs de cette thèse admettent qu'il faille largement tenir compte de cette inégalité fondamentale dans la législation. A la limite, le principe de l'égalité commande, pour eux, que «chacun reçoive son dû» (suum cuique tribuere), sans qu'il soit précisé toutefois à quel point de vue on se placera pour déterminer le «dû». Tous les milieux qui tiennent cette formule pour vide de sens conviennent néanmoins qu'il est nécessaire, dans quelques secteurs du droit, d'introduire certaines graduations. On a considéré ainsi comme manifestations d'une égalité matérielle l'imposition selon la capacité économique ou la fixation de l'amende en fonction de la situation matérielle du délinquant (art. 48 CP). Aussi bien
dans la fonction statique que dans la fonction dynamique, les considérations d'égalité matérielle revêtent une importance particulière. Selon la façon dont le législateur résout un problème, le principe de l'égalité, d'instrument statique, peut devenir dynamique et vice et versa; la progression fiscale et la fixation des rentes sont des exemples typiques.

Uégalité formelle (schématique). Elle ignore ces problèmes. Selon cette thèse, l'égalité résulte du seul fait qu'on est un être humain. Elle ne tient aucun compte des différences de fait qui existent en réalité. L'égalité formelle est celle qui s'approche le plus de l'égalitarisme. Elle ne peut évidemment satisfaire le sentiment de la justice que dans certains secteurs bien déterminés. Elle se retrouve, par exemple, dans certains principes du droit fiscal : la généralité de l'impôt qui, dans certains cantons, trouve son expression extrême dans l'impôt personnel (capitation) ou l'imposition selon la capacité économique.

La notion légalité des chances. Introduite dans l'initiative au 4e alinéa, elle aussi est la source de difficultés dans l'application pratique. A l'origine, elle signifiait: formellement, les hommes et les femmes doivent être placés dans la 124

même situation juridique. Une telle notion ne change rien d'essentiel aux différences sociales et économiques, qui continuent d'exister, et elle ne permet qu'aux individus les plus capables de développer leur personnalité et leur situation sociale. Mais aujourd'hui, dans les domaines conjoncturel et structurel, dans l'économie et dans l'instruction, la décision politique doit se référer toujours davantage à une autre notion d'égalité des chances, que des auteurs suisses réputés ont mise en évidence, et en vertu de laquelle la constitution ellemême obligerait les autorités à lever les obstacles économiques et sociaux qui s'opposent au développement de la personne11'.

422.212 Evolution historique et portée actuelle de l'article 4 L'introduction de l'article 4 dans la constitution fédérale de 1848 visait au premier chef à abolir des privilèges politiques12'» - ceux du patriciat sur les autres classes sociales, ceux des cantons urbains sur les cantons campagnards, ceux des possédants sur les non-possédants. Le principe de l'égalité constituait alors l'antithèse révolutionnaire des conceptions de l'Ancien régime, qui avait établi une société fondée sur des privilèges de toute sorte. Cette volonté politique est attestée aussi bien par la genèse que par le texte même de l'article: en effet, la première phrase, qui garantit le principe général de l'égalité, est suivie aussitôt d'une deuxième phrase, qui condamne les discriminations et les privilèges juridiques13>. Cet article a incontestablement eu un effet libérateur et dynamique sur les droits politiques des hommes ; il a réussi à supprimer, dans ce domaine, les inégalités. Dans leur jurisprudence, les autorités politiques de la Confédération ont déduit de l'article 4 l'interdiction du cens électoral et de toute autre limitation du droit de vote. Cette jurisprudence a eu pour effet d'introduire le suffrage universel - pour les hommes, dans les cantons. L'égalité politique s'est imposée définitivement lorsqu'on 1858, les Chambres ont refusé de donner la garantie fédérale à la constitution du canton de Baie-Ville, qui n'accordait pas le droit de vote aux domestiques14).

A vrai dire, la Diète, comme en témoignent ses délibérations, n'avait pas l'intention de limiter le principe de l'égalité aux seuls droits politiques. Les autorités fédérales, elles non
plus, ne se bornèrent pas à l'appliquer à cet unique domaine; avant 1874, elles l'invoquèrent plusieurs fois en matière d'impôts et de liberté du commerce et de l'industrie. Mais, il faut bien l'admettre, dans les domaines autres que celui des droits politiques, l'article 4 n'avait pas la même force créatrice. L'effet dynamique qu'il aurait pu avoir a été considérablement freiné par l'interprétation que les autorités fédérales lui ont donnée avant 1874: selon leur formule, l'article 4 requiert, «à circonstances égales, un droit égal» ou «à conditions de fait égales, un droit égal»15'.

Le Tribunal fédéral apercevant le danger d'une telle formule, qui rendait absolument relative la notion d'égalité, s'efforça de le prévenir. Dans un arrêt - qui devint par la suite un texte de référence - du 2 avril 1880 en la cause Jäggi (ATF 6 p. 172 ss), il s'exprime en ces termes (p. 174): «N'importe quelle différence dans les faits ne justifie pas une inégalité dans le traitement juridique des citoyens; seule entre en ligne de compte une différence qui, d'après les principes reconnus de l'ordre juridique, a une 125

certaine «pertinence» quant à la matière dont il s'agit. S'il n'y a pas de différence pertinente, le traitement inégal de certains citoyens ou de certaines catégories de citoyens apporte à la règle de l'article 4 une dérogation qui ne se fonde pas sur des raisons objectives, mais sur une décision arbitraire, et il représente, par conséquent, une violation du principe constitutionnel de l'égalité devant la loi.»

Toutefois, aussi longtemps que, pour décider si une différence de fait justifie un traitement différent, on se rapporte aux «principes reconnus de l'ordre juridique et constitutionnel en vigueur» (ATF 6 p. .174) ou aux «principes dominants de l'ordre juridique» (ATF 100 la 328 c. 4b), l'article 4 n'aura guère d'effet novateur avant qu'un changement dans les convictions de la société ne se soit clairement manifesté. Selon cette conception du rôle de l'article 4, on admet que les inégalités de traitement traditionnelles se perpétuent. En d'autres termes, l'article 4 ne peut apporter aucun soutien aux efforts faits pour réaliser l'égalité des droits, lorsqu'ils émanent d'une minorité; tout au plus peut-il contribuer à faire progresser un changement de mentalité déjà très reconnaissable. Le Tribunal fédéral considère qu'un changement est devenu manifeste lorsqu'il a trouvé une consécration dans une législation cantonale ou dans le droit international et qu'il constitue ainsi une règle standard sur le plan national ou international. Un exemple frappant de cette attitude est le problème de l'accession des femmes au barreau. Dans un arrêt Kempin-Spyri du 29 janvier 1887 (ATF 13 p. 4), le Tribunal fédéral a jugé qu'une loi cantonale qui excluait les femmes du barreau était compatible avec l'article 4. Conformément à une opinion répandue à l'époque, une réglementation cantonale d'admission, qui faisait des différences en fonction du sexe, était tout à fait justifiée. Mais, depuis lors, l'interdiction faite aux femmes d'exercer la profession d'avocat a été abolie légalement dans plusieurs cantons. C'est pourquoi le Tribunal fédéral, dans un arrêt Roeder du 24 février 1923 (ATF 49119), est revenu sur son précédent jugement et a déclaré - 36 ans plus tard - que l'exclusion des femmes de la profession d'avocat était contraire à la constitution. Il qualifiait les considérations sur lesquelles reposait son précédent jugement de préjugés et d'avis dépassés.

Le même tribunal a donné, tout récemment encore, un autre exemple de l'effet limité de l'article 4: c'est l'égalité de salaire dans les rapports de travail relevant du droit public. Dans l'arrêt Loup du 12 octobre 1977 (ATF 103 la 517 ss.), il considérait qu'on ne pouvait plus soutenir que l'article 4 n'était pas applicable en matière d'égalité de salaire;
cette égalité a été trop largement reconnue en droit international et dans les législations cantonales sur le personnel administratif pour n'être pas admise dans la constitution fédérale.

Sous l'empire de la constitution de 1848, la situation juridique était claire sur un point: la différence de sexe constituait un critère important pour le droit. Le constituant a consciemment et volontairement refusé d'accorder les droits politiques aux femmes18). La révolution de 1848 était nationale, mais elle a conduit à un «Etat d'hommes». Cette décision de principe a fait sentir ses effets jusque dans les années septante de notre siècle. Lorsqu'en 1956 - à un moment où aucun canton n'avait encore accordé le droit de vote aux femmes de nombreuses Vaudoises demandèrent leur inscription dans le rôle électoral, le Tribunal fédéral rejeta leur recours, refusant ainsi de faire une brèche dans le 126

système reconnu (arrêt du 26 juin 1957, dans la cause Quinche et consorts; ATF 831173 ss.). Ce n'est qu'en 1971, après l'introduction du suffrage féminin en matière fédérale (nouvel art. 74 est.) qu'un recours à l'article 4 devenait possible dans le domaine des droits politiques cantonaux et communaux; c'est alors seulement qu'il a fallu l'écarter par une réserve (art, 74, 4e al,).

A-t-on pensé, en 1848, que l'article 4 pouvait améliorer, de façon générale, le statut juridique de la femme! Il n'est pas facile de le savoir. Certains y auront probablement déjà vu un postulat ou un programme en faveur d'une future égalité des sexes; d'autres l'auront considéré comme un mandat limité à quelques domaines. De toute façon, aucune décision de principe claire n'a été prise en faveur de l'égalité des sexes; la différence entre l'homme et la femme revêtait encore une telle importance que l'égalité juridique entre eux était limitée à un domaine étroit17). La doctrine a, la plupart du temps, passé ce problème sous silence; quand elle l'évoquait, elle avait des vues plutôt conservatrices, sans toutefois oser contester aux femmes tout droit à l'égalité juridiquels). Certes, par la suite, plusieurs discriminations de nature administrative, économique ou sociale disparurent. Mais cette libéralisation était précédée, en règle générale, de changements dans les habitudes sociales et économiques; elle n'était guère le résultat d'une interprétation dynamique de l'article 4. L'exemple frappant en est le statut de la femme en droit privé depuis 1848.

La transformation de la société agricole en une société industrielle et le grand brassage d'idées que ce phénomène suscita ont été à l'origine des lois cantonales d'émancipation, qui supprimaient l'institution de la tutelle sur la femme, ainsi que des améliorations progressives de la situation de la femme dans le droit des personnes et dans celui de la famille19). L'article 4 n'a pratiquement eu aucun effet sur l'émancipation civile de la femme. Quelle explication donner, sinon celle d'une lente évolution de la théorie de l'égalité et celle d'une interprétation traditionnellement restrictive de l'article 4? De nos jours, la doctrine et la jurisprudence établies voient dans le principe de l'égalité formulé à l'article 4 surtout l'interdiction de l'arbitraire et l'obligation d'agir loyalement dans la procédure2"). Cette interprétation ne permet guère de faire avancer la cause de l'égalité des droits entre les hommes et les femmes.

422.22

Signification de la règle d'égalité spéciale proposée par l'initiative

Eu égard à la portée limitée de l'article 4, une règle spéciale sur l'égalité des sexes aurait, par rapport au principe général, une signification distincte. Elle traduirait une décision politique du constituant, selon laquelle la différence de sexe ne justifie plus une différence de traitement. Ainsi, cette différence de sexe ne jouerait plus aucun rôle dans le statut juridique des hommes et des femmes, à moins qu'il ne soit arbitraire de n'en pas tenir compte. L'article 4Ws pose, sans ambiguïté, le principe que l'homme et la femme sont essentiellement égaux. Il concrétise, sur un point spécial, \eprincipe général de l'égalité et limite la marge d'appréciation du législateur.

Comme l'article 4Ws entend manifestement faire progresser l'idée d'égalité - et non pas seulement la proclamer -, il a cherché à l'actualiser et à lui donner une 127

consistance juridique dans l'ensemble du droit, ainsi que dans des domaines particuliers.

L'article 4Ms ne considère qu'une seule source de différences, assurément fort importante: la différence de sexe. Ce n'est que par rapport à elle que le principe général de l'égalité est précisé et actualisé. Quant aux autres sources, telles que, par exemple, la nationalité, la langue, les convictions philosophiques ou politiques, le législateur garde la faculté d'apprécier la mesure dans laquelle elles peuvent justifier des inégalités de droit. La règle spéciale pourrait cependant fournir des éléments utiles pour l'interprétation du principe général. Elle a l'avantage de dire clairement dans la constitution que tous les êtres humains sont égaux en droits et de laisser entendre, par conséquent, que des différences d'origine, de race ou de statut social ne justifient pas davantage des inégalités de traitement. De la sorte, elle peut contribuer à donner une valeur intrinsèque au principe de l'égalité.

422.3

Force normative de la règle proposée sur l'égalité des sexes

Comme toutes les règles de droit, celles de la constitution doivent être suivies d'effets. Le sont-elles? Cela dépend, en partie, des chances effectives qu'elles ont de pouvoir se réaliser. Plus elles sont proches des données historiques, plus elles cherchent à conserver et à améliorer ce qui caractérise la situation présente, plus elles peuvent avoir un effet normatif. Dans la mesure où une disposition constitutionnelle ignore l'évolution intellectuelle, sociale, politique et économique de son temps, il lui manque la vitalité indispensable pour réussir à imposer le comportement qu'elle entend justement régler21'. La force normative d'une règle constitutionnelle dépend, d'autre part, de la volonté de ceux qui mettent en oeuvre la constitution d'actualiser son contenu. En d'autres termes, ils doivent être disposés à considérer la règle comme contraignante et décidés à la faire respecter en dépit des résistances. Ainsi conçu, un droit constitutionnel nouveau, tout en tenant compte de ce qui est possible en matière sociale, politique et économique, peut changer la vie de la société, ouvrir la voie à une évolution ou l'accélérer.

Au vu de ces considérations, que faut-il penser de la force normative d'une règle sur l'égalité des sexes, telle que la propose l'initiative? Les doutes exprimés à son sujet, lors de la consultation, sont-ils justifiés? La réponse est difficile à donner. Elle ne peut être d'ailleurs qu'une hypothèse. Elle suppose qu'on parvienne à prévoir ce que le législateur et les tribunaux déduiraient d'une telle disposition. Ce genre de prévision n'est guère possible. Tout au plus eston fondé à admettre que l'égalité des droits et l'égalité des chances entre l'homme et la femme, qui ne sont d'ailleurs plus contestées de nos jours, se réaliseraient plus tôt, si une règle spéciale venait compléter l'article 4. Sur quoi se fonde cette affirmation? Sur le fait, d'abord, qu'en garantissant expressément l'égalité des sexes, on introduit dans la constitution une règle sociale qui ne va pas encore de soi et qui n'est pas encore acceptée unanimement. Celui qui, en période de récession économique, critique le double salaire d'un couple, considère en général comme parfaitement normal que ce soit la. femme qui renonce à exercer sa profession et libère une place de travail.

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Ensuite, en inscrivant dans la constitution le principe de rapports égaux entre l'homme et la femme, de rapports de partenaires, on donne à chacun la chance de modifier ses vues, on ne tient plus les conditions sociales pour immuables et on permet, tout au contraire, de les faire évoluer. A cet égard, les jalons que pose l'article 4Ws sont significatifs: les alinéas 2 à 4 marquent bien le chemin qui mène à l'égalité des droits et à l'égalité des chances. Enfin, il y a encore une autre raison d'espérer que cette règle spéciale ne sera pas dépourvue de force normative: c'est le mandat qui est assigné aux autorités législatives, administratives et judiciaires de la Confédération, des cantons et des communes de prendre toutes les mesures nécessaires pour la faire respecter.

En résumé, on peut admettre qu'une règle sur l'égalité des sexes, telle qu'elle est proposée par l'initiative, est de nature à augmenter la force normative de la constitution, sans dépasser toutefois le degré de concrétisation qu'on attend de dispositions semblables.

422.4

Rapports entre un article sur l'égalité des sexes et d'autres articles de la constitution fédérale

La constitution d'une communauté pluraliste, telle que la Confédération suisse, vise nécessairement des buts divergents et ne constitue pa? une unité logique ou systématique. Pourtant, ses éléments dépendent les uns des autres et agissent les uns sur les autres; ce n'est que de la combinaison de tous ces éléments que se dégage la ligne directrice de l'organisation concrète de la communauté. Cela ne signifie pas que l'on puisse combiner librement ces tensions et ces contradictions, mais plutôt que l'on ne peut bien comprendre la constitution et l'interpréter correctement que lorsqu'on l'envisage comme un tout. Il en résulte qu'il ne faut jamais considérer une norme que pour ellemême, mais qu'il faut toujours la replacer dans son contexte. Il y a lieu d'interpréter les normes constitutionnelles, de telle sorte que les contradictions puissent être évitées. En cas de conflits, le principe de la concordance pratique veut en général que l'on procède de telle sorte que chaque élément d'une disposition, en tant que telle, puisse sortir ses effets au maximum.

Bien sûr, il y a des buts de politique économique et sociale qui s'excluent purement et simplement, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent faire l'objet d'une coordination au sens du principe de la concordance pratique. Dans de tels cas, il faut nécessairement abandonner la voie de la modification de la constitution article par article; on trouvera une solution grâce à la réforme de toutes les dispositions régissant un domaine particulier ou même de la constitution dans son ensemble, Quels effets un article sur l'égalité des sexes exercerait-il sur le reste du droit constitutionnel fédéral? Nous ne pensons pas que la coexistence d'un tel article avec le reste du droit constitutionnel fédéral puisse engendrer des contradictions difficiles à résoudre ou absolument infranchissables. Cela ne signifie cependant pas que des influences, des effets et des délimitations réciproques ne se produiront pas entre l'article sur l'égalité des sexes et le droit constitutionnel actuel. En particulier, l'article sur l'égalité des sexes ne jouit pas - en vertu du

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principe de la lex posterior - d'une priorité absolue à l'égard de tout le droit constitutionnel existant. En effet, un tel article ne peut venir à bout de tous les problèmes posés par l'égalité des droits sur le plan constitutionnel. Nous ne sommes en tout cas pas en mesure de nous prononcer dès maintenant, de façon exhaustive et définitive, sur les effets de ce nouvel article. Seule la phase ultérieure de la concrétisation pourra fournir des renseignements plus précis.

A la lumière de nos connaissances actuelles, on peut cependant considérer ce qui suit : Article 4 de la constitution fédérale (principe général de l'égalité) Nous avons déjà traité cette question en détail et pourrons donc être brefs ; un article sur l'égalité des sexes constitue une innovation; il va plus loin que l'article 4 de la constitution. Les possibilités qu'offre l'article 4 ne recouvrent pas les obligations qu'entraîné l'affirmation de l'égalité des sexes au sens du futur article 4Ws. Ne serait-ce que par l'interdiction générale de toute discrimination prévue au 1er alinéa, mais surtout par les précisions apportées aux alinéas 2 à 4, l'article sur l'égalité des sexes va au-delà du domaine réglementé par l'article 4 de la constitution. L'interdiction de l'arbitraire et le principe du fair-play en matière de procédure22' qui résultent de l'article 4 ne seraient pas limités. Au contraire, il ne semble pas exclu que la combinaison de l'article 4 de la constitution avec un article sur l'égalité des sexes donne plus d'éclat à l'article général sur l'égalité.

Article 18 de la constitution fédérale (limitation aux citoyens suisses de sexe masculin de l'obligation générale du service militaire) et article 22Ms, 4e et 5e alinéas, de la constitution fédérale (limitation aux citoyens .suisses de sexe masculin de l'obligation du service de protection civile, service de protection civile volontaire pour les femmes) Dans dé nombreuses réponses à la consultation, on croit déceler un manque d'harmonie qui, s'il ne peut être éliminé au moment de l'adoption de l'article sur l'égalité des sexes, devrait l'être dans le délai d'exécution de cinq ans.

D'aucuns voient ce manque d'harmonie dans le fait qu'aux droits égaux de la femme à ceux de l'homme, ne correspondent pas des obligations égales; d'autres, dans le fait que l'obligation de
service militaire et de protection civile ne touche que les citoyens suisses de sexe masculin. Dans la mesure où, au vu de ces opinions, on voulait poser l'alternative absolue selon laquelle il y aurait lieu, soit de refuser un article constitutionnel sur «l'égalité des droits de l'homme et de la femme» parce qu'il n'existe pas d'obligation de service militaire ou de protection civile pour les femmes, soit d'y joindre une telle obligation encore à préciser; cette alternative serait insoutenable. Déjà dans son message du 23 décembre 1969 sur l'introduction du suffrage féminin en matière fédérale, le Conseil fédéral a estimé, en accord avec la doctrine2«, que l'on ne pouvait priver les femmes des droits politiques sous prétexte qu'elles ne faisaient pas de service militaire; la Confédération n'avait jamais associé service militaire et droit de vote sous cet angle-là. Il a estimé que l'on devait comparer de façon équitable les services rendus en fait par les femmes à la communauté avec ceux que rendent les hommes qui accomplissent un service 130

militaire. II ne fait aucun doute que ces considérations sont aussi valables quant à la situation juridique des femmes dans la famille et la société, et en matière de formation et d'emploi. On ne peut les priver de l'égalité des droits et des chances dans tous ces domaines sous prétexte qu'elles n'accomplissent qu'un service militaire et de protection civile volontaire ; de même, on ne peut soumettre l'octroi de cette égalité pour ainsi dire à la condition qu'elles accomplissent un service militaire et/ou de protection civile obligatoire. Cette association n'est pas exigée par le droit. Si l'article sur l'égalité des sexes est accepté, la limitation actuelle, selon laquelle seuls les citoyens suisses de sexe masculin sont obligés d'accomplir un service militaire ou de protection civile, ne doit pas nécessairement être supprimée ou atténuée; on peut la justifier d'un point de vue juridique en tout cas - en la considérant comme une exception à l'article sur l'égalité des sexes, même si l'on persiste à considérer l'obligation de service militaire et de protection civile, qui incombe aux hommes, comme une discrimination à leur encontre. Le Tribunal constitutionnel fédéral allemand, a aussi jugé dans ce sens la question de savoir s'il existait un éventuel manque d'harmonie entre l'obligation de traiter également les hommes et les femmes et le fait que le service militaire est facultatif pour les femmes et leur est interdit dans les troupes de combat24). Une autre question est de savoir si le constituant ne devrait pas s'efforcer, même sans obligation juridique, de tenir compte de l'égalité.des sexes en prévoyant un engagement féminin accru dans la défense du pays, considérée d'un point de vue global. En adoptant cette position, l'extension aux femmes de l'obligation de service militaire entrerait bien moins en ligne de compte que l'introduction d'une obligation générale de service dans le cadre de la défense globale; celle-ci toucherait en principe aussi les femmes. Ainsi que l'ont montré les travaux effectués jusqu'à maintenant en vue d'une revision totale de la constitution fédérale25>, plusieurs éléments parleraient en faveur d'une telle harmonisation des dispositions constitutionnelles susmentionnées.

Nous nous prononcerons plus tard (ch. 422.51) sur le problème fondamental qu'est la concordance
entre l'égalité des droits et l'égalité des obligations; le texte de l'initiative ne la prévoit que dans un domaine partiel: celui de la famille.

Article 64 de la constitution fédérale (compétence législative fédérale en matière de droit civil), liberté contractuelle et article 31, 1er alinéa, de la constitution fédérale (liberté du commerce et de l'industrie) Dans ces domaines, des conflits pourraient se produire, en tout cas dans la mesure où l'obligation de respecter l'égalité des sexes est valable non seulement dans les relations de l'Etat avec les particuliers, mais aussi dans celles des particuliers entre eux, ce qu'on appelle l'effet horizontal. Il ne fait aucun doute que l'on a pensé à un effet horizontal aussi bien à l'article 4tl8 que propose l'initiative qu'à l'article 9, 3e alinéa du projet de revision totale de la constitution, notamment en prévoyant le principe de l'égalité des salaires.

Examinons tout d'abord le cas de l'article 64 de la constitution; il se concilie pour ainsi dire sans problème avec un tel article sur l'égalité des sexes, et 131

notamment sans limitations réciproques. Aucune indication d'une matière déterminée ni aucune désignation d'un objectif global, qui pourrait entrer en conflit avec le postulat de l'égalité de traitement, ne limite la compétence de légiférer en matière de droit civil, attribuée à la Confédération. Quant au contenu et à l'étendue du droit civil fédéral édicté en vertu de l'article 64 de la constitution, ils ne peuvent être déterminés avec certitude que lorsque le législateur fédéral a accompli sa tâche, c'est-à-dire édicté les normes de droit civil. Dans l'accomplissement de sa tâche, il doit appliquer et développer au mieux les droits fondamentaux prévus par la constitution. Il ne faut cependant pas exclure le fait qu'un article sur l'égalité des sexes libérerait la compétence législative en matière de droit civil de certaines limites que lui ont imposées des droits fondamentaux institués jusqu'à présent26', et qu'il l'élargirait. Par ailleurs, la compétence législative en matière de droit civil prévue par l'article 64 de la constitution acquiert une fonction-clé dans la réalisation de l'égalité entre les sexes.

La liberté de contracter ne représente pas un droit fondamental, de droit écrit ou non écrit, comparable par exemple à la garantie de la propriété, qui pourrait entrer en conflit avec d'autres droits fondamentaux ou normes de compétence et leur imposer des limites. Elle est uniquement garantie dans la.

mesure où les droits civil, social et économique ne la limitent pas ; on ne peut cependant porter atteinte à la substance des droits fondamentaux (propriété, liberté personnelle, etc.). La liberté de contracter ne constitue donc pas un enpêchement de droit constitutionnel à une modification ou un développement ultérieur de l'ordre juridique, même si, de ce fait, elle devient plus limitée qu'elle ne l'est actuellement.

La liberté du commerce et de l'industrie est garantie par ^article 31,1er alinéa, de la constitution. On ne peut exclure que la garantie constitutionnelle de l'égalité entre les sexes avec effets horizontaux, particulièrement en matière de salaires, influence, en raison de la hausse des charges salariales, les chances concurrentielles de certaines entreprises qui emploient un pourcentage plus ou moins élevé de main-d'oeuvre féminine. Déduire de l'article 31, l qr alinéa, de la
constitution que la concrétisation de l'égalité des droits comporte nécessairement le maintien à tout prix des conditions concurrentielles existantes entre les industriels et commerçants, reviendrait à donner à la liberté du commerce et de l'industrie une interprétation extensive. Lorsqu'il s'agit, comme c'est le cas pour l'obligation de l'égalité de traitement entre les sexes, de développer et de réaliser l'égalité générale des droits dans l'un de ses domaines d'application les plus importants, on ne peut, dans tous les cas, éviter une modification des conditions de concurrence entre industriels et entre commerçants. Il serait excessif d'exiger que lors de ce développement, on ne tienne pas compte de ses conséquences sur les chances concurrentielles des industriels et commerçants.

La concurrence eUe-même, ainsi que la capacité concurrentielle des chefs d'entreprises doivent plutôt être adaptées à l'obligation plus étendue du respect de l'égalité des droits. II ne faut pas perdre de vue que cette question est liée à une série de problèmes économiques transitoires. Cependant, de l'avis d'experts économiques 27), l'économie peut supporter ces adaptations.

132

Article 544«
L'article 34nuinquiesi 46 aiinéa, en est un autre exemple. Ensuite, une différence de traitement entre l'homme et la femme peut se justifier, ou même s'imposer, dans la législation. Cela est possible notamment lorsque la différence entre les sexes, biologique ou fonctionnelle, a une importance si décisive dans les faits concrets que l'on ne peut reconnaître d'éléments communs ou qu'ils s'effacent totalement28). Tel est le cas, par exemple, en ce qui concerne la protection particulière accordée, en matière de droit du travail, aux femmes enceintes et aux mères pendant la durée de l'allaitement (art. 35 de la loi sur le travail, RS 822,11; art. 67 de l'ordonnance générale relative à la loi sur le travail, RS 822.111). Tel est aussi le cas en ce qui concerne l'assurance-maternité, dans la mesure où celle-ci tient compte du besoin particulier de soutien, dû au fait biologique de la maternité. Etant donné que seule la femme peut devenir mère, l'homme ne peut juridiquement pas être désavantagé par des dispositions prévoyant une protection des mères de famille.

Article 54, 4e alinéa, de la constitution fédérale (acquisition du droit de cité du mari par le mariage) II est très difficile de trouver
des motifs convaincants justifiant l'automatisme de la modification du droit de cité prévu par cette disposition et de le concilier avec le principe de l'égalité entre les sexes. Bien qu'un tel principe introduise un élément fondamental dans la constitution, l'article 54, 4e alinéa, ne serait pas «inconstitutionnel» - en vertu du principe de la force dérogatoire du droit le plus récent -; de ce fait, il ne serait ni invalide, ni inapplicable. Il resterait valable et applicable en tant que norme spéciale - non satisfaisante et devant donc être modifiée - du principe de l'égalité entre les sexes. La divergence entre les deux normes n'est toutefois pas importante au point de considérer la modification ou la suppression de l'article 54, 4e alinéa, comme une condition indispensable à l'insertion dans la constitution d'un article sur l'égalité entre les sexes. U suffirait de mettre l'article 54, 4e alinéa, sur la liste des normes à harmoniser, étant donné que les travaux de revision sont en cours dans le cadre de la réforme de la législation sur le droit de cité et le droit civil.

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Article 74, 4e alinéa, de la constitution fédérale (réserve en faveur du droit cantonal pour les votations et élections cantonales et communales) Cette disposition tient compte de la structure federative de notre Etat et en particulier de l'autonomie d'organisation garantie constitutionnellement, dans certaines limites, aux cantons (art. 3, 5 et 6 est. féd.). Elle a pour but de permettre aux cantons et aux communes de prendre des décisions autonomes quant à l'introduction du suffrage féminin en matière cantonale et communale.

En vertu de cette disposition, introduite dans la constitution fédérale en 1971, les deux demi-cantons d'Appenzell Rhodes-Intérieures et d'Appenzell RhodesExtérieures, ainsi que des communes de quelques cantons ont renoncé jusqu'à présent à introduire le suffrage féminin. Est-ce que l'introduction d'un nouvel article sur l'égalité des sexes rendrait inconstitutionnel le fait que des femmes sont encore exclues de la scène politique? Est-ce que le suffrage féminin sur le plan cantonal et communal serait introduit dans tous les cantons et communes en vertu du droit constitutionnel fédéral, ou devrait-il être introduit, en vertu de décisions judiciaires en matière constitutionnelle, dans les cantons et les communes concernés? On en doute fort. Lorsque des principes matériels sont introduits dans la constitution fédérale, comme c'est le cas ici, il faut partir de l'idée que cela ne modifiera en rien le partage des compétences entre la Confédération et les cantons. Par le biais de l'article 74, 4e alinéa, de la constitution, on voulait éviter que la décision de principe, prise en 1971 sur le plan fédéral, d'accorder à la femme l'égalité en matière politique, ne déploie aussi ses effets en matière de droit constitutionnel cantonal. Il est probable que l'article 74, 4e alinéa, de la constitution en tant que garantie de la libre détermination par les cantons des personnes jouissant des droits politiques sur le plan cantonal et communal, prévaudrait aussi sur le principe fédéral de l'égalité entre les sexes. Si l'on entendait éviter ce résultat, on devrait supprimer expressément la réserve en faveur du droit cantonal.

Article 113, 3e alinéa et article 114bie, 3e alinéa, de la constitution fédérale (interdiction de l'examen judiciaire de la constitutionnalité des lois fédérales) On ne
peut prétendre que l'interdiction d'examiner la constitutionnalité des lois devrait céder devant le principe fédéral de l'égalité entre les sexes, en admettant que le juge pourrait refuser d'appliquer toutes les normes légales ressenties comme des discriminations. Mais, inversement, le fait que le principe de l'égalité entre les sexes ne produirait aucun effet sur l'interdiction d'examiner la constitutionnalité des lois n'est pas établi à priori. On peut en revanche imaginer que le juge pourrait ne pas se sentir lié par l'interdiction d'examiner les lois, lorsqu'il y a conflit entre des dispositions légales et des domaines dans lesquels l'article sur l'égalité des sexes est directement applicable. Si, en pareils cas, la ïoi refusait à la femme ce qui lui est accordé par la constitution, la conscience juridique se laisserait difficilement apaiser par le fait que-le juge en matière constitutionnelle a considéré que la loi était conforme à la constitution. Si tel était le cas, la hiérarchie entre la constitution et les lois risquerait d'être inversée. S'il est nécessaire que la loi concrétise encore l'article sur l'égalité entre les sexes, le juge ne pourrait cependant pas refuser de respecter l'interdiction d'examiner la constitutionnalité des lois.

134

422.5

Structure de la norme constitutionnelle envisagée

422.51

Le principe général de l'égalité entre hommes et femmes (art. 4MB, 1er al.)

Les termes de l'article 4Ms, 1er alinéa, soit «L'homme et la femme sont égaux en droits», précisent l'égalité générale des droits prévue à l'article 4 de la constitution, en ce sens que la seule différence de sexe ne permet plus aucune différence de traitement. En vertu de cette disposition constitutionnelle, il serait désormais interdit aux législateurs fédéral, cantonaux et communaux d'invoquer la seule différence fondée sur le sexe pour justifier une différence de traitement entre hommes et femmes39'. Selon les commentaires relatifs à l'article 3, 2e alinéa, de la loi fondamentale de Bonn, dont le texte est pour ainsi dire le même, une différence de traitement fondée sur le sexe ne serait admissible que dans des cas où la négation de la différence entre les sexes elle-même serait arbitraire30'. En tant que règle spéciale (lex specialis) par rapport à la règle générale de l'égalité prévue à l'article 4 de la constitution, l'article 4WB, 1er alinéa, devrait aussi en partager la structure normative à plusieurs niveaux. Il s'agirait alors, d'une part,, d'un principe objectif de l'ordre juridique qui devrait tout d'abord être aménagé par le législateur, d'autre part, d'une norme qui pourrait être appliquée directement, certes de façon très générale; dans une mesure limitée, elle créerait même des prétentions individuelles, qui présenteraient alors les caractéristiques des droits fondamentaux.

Le 1er alinéa garantit l'égalité des droits de façon générale, et non pas en se limitant à quelques domaines sociaux, comme le font les alinéas 2 à 4. De ce fait, il y a lieu de la respecter dans tous les domaines du droit, autant en droit public qu'en droit privé31'.

L'égalité des droits concerne autant le statut de l'homme que celui de la femme. Hommes et femmes doivent désormais jouir de façon égale des valeurs garanties par la constitution, que l'on considère comme indispensables à la réalisation individuelle de l'être humain dans la société. Ce serait mal comprendre l'initiative que de penser qu'elle entend seulement que le statut de la femme atteigne le niveau de celui de l'homme, envisagé d'un point de vue statique.

L'expression «sont égaux en droits» ne doit cependant pas non plus être interprétée dans le sens d'une obligation de faire totalement abstraction de la différence entre les sexes et d'agir
comme si elle n'existait pas. Egalité des droits ne veut pas dire «manie de tout niveler»; cela ne signifie pas non plus exiger des droits identiques pour hommes et femmes. Une différence de traitement selon le sexe prévue dans l'ordre juridique peut se justifier, ou même s'imposer, lorsque la différence biologique ou fonctionnelle due au sexe a une influence si nette sur l'état de faits que l'on ne peut absolument pas reconnaître d'éléments communs ou que ceux-ci sont tout à fait négligeables32'. On pense par exemple aux dispositions et prestations destinées à la protection de la femme en sa qualité de mère.

135

Le 1er alinéa ne confronte pas l'égalité des droits avec une égalité des obligations, contrairement au 2e alinéa qui concerne le domaine de la famille.

Doit-on en conclure, comme le font quelques réponses à la consultation, que l'égalité des sexes ne serait atteinte qu'incomplètement parce qu'il manque des obligations complémentaires communes et que certaines charges n'incombent qu'aux représentants de l'un des sexes? Cette conclusion peut difficilement être admise pour deux raisons principales. D'une part, la femme, en qualité de membre d'un Etat libéral, démocratique et social, est soumise à une série d'obligations, dont un article sur l'égalité des sexes ne fait pas mention expressément. De la même façon que l'homme, elle est soumise à la constitution et aux lois, elle doit se plier aux décisions des autorités compétentes et payer des impôts. En fait, il n'y a de différence de traitement qu'en ce qui concerne l'obligation de service militaire et de protection civile (ch. 422.4 cidessus). D'autre part, on peut assez souvent classer de telles différences dans les catégories de la discrimination ou du favoritisme, ce qui permet de les faire entrer dans le champ d'application du 1er alinéa. On peut citer comme exemple le droit à une rente de vieillesse versée par l'AVS; l'âge donnant droit à une telle rente est fixé à 65 ans pour les hommes, alors que les femmes peuvent y prétendre dès 62 ans. On pourrait examiner si cette disposition est conforme au 1er alinéa de l'article sur l'égalité des sexes.

422.52

Les dispositions particulières sur l'égalité entre hommes et femmes (art. 4Ms, 2e à 4« al.)

Il est évident que l'article 4bis, 1er alinéa, vise à créer une situation d'égalité des droits entre hommes et femmes, et non pas simplement à la constater. Afin de donner une expression exempte de toute équivoque au contenu dynamique de la garantie constitutionnelle de l'égalité des droits entre les sexes, les alinéas 2 à 4, ainsi qu'une disposition transitoire qui sera examinée ultérieurement (ch, 422.54) précisent comme il suit le principe énoncé au 1er alinéa: « 2 L'homme et la femme ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans la famille, 3 L'homme et la femme ont droit à une rémunération égale pour un travail égal ou de valeur égale.

i

L'égalité de chances et de traitement est assurée à l'homme et à la femme

en matière d'éducation et de formation professionnelle, ainsi que pour l'accès à l'emploi et l'exercice de la profession.»

Ces précisions revêtent la forme de principes matériels garantissant des droits individuels. La question se pose de savoir si cette forme sera suffisante pour le processus ultérieur de concrétisation. S'agit-il ici de garanties que chacun peut faire valoir devant les tribunaux en tant que droits individuels? Ou a-t-on plutôt affaire à des principes qui, en majeure partie ou totalement, ne doivent pas être réalisés par le biais de droits individuels invoqués devant les tribunaux, mais par les autorités? Conformément aux principes de la vérité et de la clarté que la constitution a institués33*, ce qui est initialement considéré comme un mandat assigné au législateur ne doit pas être exprimé sous la forme de droits subjectifs.

136

Le texte de l'initiative ne se refuse pas à reconnaître que les buts visés pour atteindre l'égalité des droits doivent tout d'abord et principalement être réalisés par la voie de la législation. Contrairement aux droits fondamentaux classiques, les autorités administratives et judiciaires ne peuvent appliquer et réaliser directement les garanties mentionnées aux alinéas 2 à 4 que dans une mesure limitée. Celles-ci ne peuvent dépasser le stade de programme et ne sont capables de résoudre le problème de l'égalité des droits entre hommes et femmes que très partiellement dans les différents domaines juridiques et sociaux, sans l'aide du législateur. Cela veut tout d'abord qu'il incombe dans les domaines touchant la vie en commun au sein de la famille, ainsi que par l'éducation, la formation professionnelle et l'exercice de la profession. Dans ces domaines, les autorités executives ne disposent que dans une étroite mesure des informations et critères nécessaires à l'appréciation de l'égalité des droits et des chances dans un cas d'espèce. La tâche de concrétiser cet objectif, qui incomberait aux autorités executives et judiciaires, notamment au juge en matière constitutionnelle, excéderait dans la plupart des cas ce que l'on est en droit d'attendre d'elles. L'application de normes aussi indéterminées contraindrait finalement le juge à faire oeuvre de législateur et à porter des jugements de valeur à caractère surtout politique34). Si des desiderata à caractère social sont exprimés sous forme de garanties individuelles, des droits subjectifs doivent ensuite pouvoir en être déduits et être réalisés, même si le législateur ne légifère pas dans ce domaine. Cette possibilité ne semble pas tout à fait exclue dans le cas de l'article 4bis de la constitution. Les droits que l'on devrait surtout pouvoir en déduire et faire valoir en justice sont ceux que l'on peut facilement réaliser et chiffrer; c'est le cas surtout pour le principe de l'égalité des salaires institué au 3e alinéa. En revanche, les changements sociaux, visés par les postulats d'égalité des droits retenus aux alinéas 2 à 4, doivent tout d'abord être réalisés par le législateur; c'est pourquoi la forme des garanties individuelles et de la procédure y relative ne se révèle pas appropriée. Les autorités administratives et judiciaires ne sont pas aptes à assurer le rôle directeur dans de tels cas. Voilà l'une des principales raisons pour lesquelles le Conseil fédéral oppose un contre-projet à l'initiative.

422.53

Le principe de l'égalité de rémunération en particulier (art. 4tis, 3e al.)

Une exception semble se justifier, comme on vient de le voir, en ce qui concerne le principe d'une «rémunération égale pour un travail égal ou de valeur égale».

Le Conseil fédéral est convaincu que le fait de verser aux femmes des salaires plus bas qu'aux hommes pour un travail égal ou de valeur égale n'est plus conforme au sentiment de justice, tel qu'il est exprimé depuis la deuxième guerre mondiale dans le droit international et dans les droits internes de nombreux Etats. Ces dernières années, il a aussi trouvé largement son expression dans le droit applicable au personnel de la Confédération et des cantons.

Le fait que l'égalité de rémunération correspond actuellement à une exigence 10 Feuille fédérale. 132e année. Vol. I

137

généralement reconnue au niveau international ressort notamment du tableau ciaprès retraçant l'évolution de ce principe : 1919 1946

Traité de Versailles: proclamation pour la première fois du principe de l'égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale; Constitution revisée de l'Organisation internationale du travail du 9 octobre 1946. Parmi les mesures destinées à améliorer les conditions de travail, le préambule cite «la reconnaissance du principe: A travail égal salaire égal» (RO 1948 891);

1948

Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948. L'article 23, 2° alinéa, statue: «Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal»;

1951

Convention internationale n° .100 du 29 juin 1951 concernant l'égalité de rémunértation entre la main-d'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale (entrée en vigueur pour la Suisse le 25 octobre 1973; RO 1973 1601). La convention oblige les Etats membres à appliquer le principe de l'égalité de rémunération dans la mesure où la législation interne offre cette possibilité. Ils ont l'obligation de favoriser l'application de la convention par le biais de recommandations, lorsque le droit interne ne permet pas une application directe. Afin de satisfaire à ces obligations, le Département fédéral de l'économie publique en appela en 1973 aux gouvernements cantonaux et aux associations centrales d'employeurs et de travailleurs; il leur demande de soutenir les efforts accomplis par les autorités fédérales en vue de réaliser les buts de la convention;

1957

Traité instituant la CEE du 25 mars 1957. L'article 119 oblige les Etats membres à appliquer «le principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail»;

1958

Convention internationale n° 111 du 25 juin 1958 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession (entrée en vigueur pour la Suisse le 13 juilllet 1962; RO 1961 823). La convention et la recommandation y afférent étendent le champ d'application du principe de l'égalité de traitement à l'accès à la formation professionnelle, à l'emploi et à chaque profession, ainsi qu'aux conditions de travail;

1961

Charte sociale européenne du 18 octobre 1961 (que la Suisse a signée le 6 mai 1976, mais qu'elle n'a pas encore ratifiée). Les parties contractantes s'obligent notamment, selon l'article 4, «à reconnaître le droit des travailleurs masculins et féminins à une rémunération égale pour un travail de valeur égale» (3e alinéa). Les organes principalement compétents pour le contrôle de l'application de la Charte sociale, le comité d'experts et le comité gouvernemental ne sont pas encore unanimes quant à la portée de cette obligation. Selon le comité d'experts, qui s'appuye sur un avis antérieur de l'Assemblée consultative (n° 57/1971), il s'agit là d'une obligation autonome des Etats contractants de développer le principe de l'égalité des salaires en un droit que leurs sujets de droit peuvent faire valoir individuellement au cours d'un procès. Le comité gouvernemental, par contre, à toujours soutenu que dans ce domaine, la Charte sociale ne dépasse pas le cadre des obligations prévues par la Convention n° 100 de l'Organisation internationale du Travail.

Pacte des Nations-Unies du 19 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Les Etats parties au présent pacte doivent notamment reconnaître que «les femmes doivent avoir la garantie que les conditions de travail qui leur sont accordées ne sont pas inférieures à celles dont bénéficient les hommes et recevoir la même rémunération qu'eux pour un même travail»;

1966

138

1975

Le Conseil des Communautés européennes édicté, le 10 février 1975, une directive «concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins»;

1976

Le Conseil des Communautés européennes édicté, le 9 février 1976, une autre directive, «relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail; La Cour des Communautés européennes prend, le 8 avril 1976, en la cause Defrenne c. Sabena, une décision de principe; celle-ci rend le principe de l'égalité des salaires entre hommes et femmes directement obligatoire et susceptible d'être porté en justice dans tous les Etats membres des Communautés européennes.

Aujourd'hui, l'égalité des salaires fait aussi partie, dans une large mesure, notamment en Europe, des ordres juridiques nationaux. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral du travail, le principe de l'égalité des salaires entre hommes et femmes ressort de l'article 3, 2e alinéa, de la loi fondamentale de Bonn qui énonce l'égalité des sexes; il exclut toute différence de salaire en fonction du sexe, aussi bien dans les services publics que dans les contrats collectifs35'. La reconnaissance et la mise en application du principe de l'égalité des salaires sont aussi assurées, dans une plus ou moins large mesure, en France, en Italie, en Belgique, aux Pays-Bas, ainsi qu'en Grande-Bretagne 36>.

La Suisse n'sst liée que par les Conventions internationales n° 100 et 111. Le reste du droit international est cependant important pour elle, dans la mesure où il offre un critère à l'appréciation de sa propre situation de fait et de droit.

Brièvement résumée, celle-ci se présente comme il suit: L'égalité des salaires est actuellement réalisée en grande partie dans le droit applicable au personnel de la Confédération et des cantons; les modifications les plus récentes dans les cantons ont été en partie influencées par la jurisprudence du Tribunal fédéral depuis l'arrêt rendu dans l'affaire Loup contre le Conseil d'Etat de Neuchâtel du 12 octobre 1977 (ATF 103 la 517 ss.). En revanche, malgré une forte augmentation, les salaires féminins restent encore nettement inférieurs à ceux des hommes dans le secteur privé, où est appliqué le principe de la liberté contractuelle pour la détermination des salaires37'. Pour cette raison et étant donné que la Commission d'experts pour une revision totale de la constitution fédérale a estimé juste de prévoir expressément dans la constitution le principe de l'égalité des salaires sous la forme d'un droit individuel (art. 9, 3e al., dernière phrase, du projet de constitution), il nous semble que le moment est venu de garantir explicitement dans la constitution l'égalité de rémunération entre hommes et femmes.

422.54

Mandat de légiférer limité dans le temps?

C'est principalement pour trois raisons que l'article 4WB que propose l'initiative est complété par une disposition transitoire ayant la teneur suivante: «La loi instituera dans les cinq ans dès l'entrée en vigueur de l'article 4Ma les mesures propres à en assurer l'exécution tant dans les relations entre citoyens et l'Etat que dans les relations entre particuliers.» Premièrement, les buts d'égalité des droits, visés à l'article 4Ms, doivent être 139

réalisés tout d'abord et principalement par la voie légale; ils ne peuvent être mis en oeuvre et réalisés directement par les autorités administratives et judiciaires que de façon restreinte. Ensuite, afin de garantir que le postulat d'égalité des droits aura des «effets horizontaux», il est nécessaire de charger le législateur d'inclure «les relations entre particuliers» dans sa tâche de mise en oeuvre. Enfin, le délai de cinq ans prévu pour l'institution des mesures propres à en assurer l'exécution doit garantir qu'un effort soutenu sera fourni afin de réaliser l'égalité des droits entre les sexes. Il doit aussi empêcher que l'article 4Ws reste un «droit constitutionnel non réalisé»33), une profession de foi de peu d'effet.

Bien que nous comprenions très bien ces préoccupations, nous ne pouvons faire abstraction des problèmes inhérents à une telle disposition transitoire.

Tout d'abord, on ne peut partir de l'idée - comme le fait manifestement la disposition transitoire - qu'en adoptant la nouvelle norme constitutionnelle, on détermine déjà quelles normes en vigueur dans toute la législation suisse devraient être modifiées, eu égard à la garantie constitutionnelle de l'égalité entre les sexes, et quelles normes nouvelles seraient éventuellement nécessaires à la mise en oeuvre de cette garantie. La manière dont la législation d'exécution de l'article 4Ms dans les différents domaines du droit devra réaliser l'égalité des droits entre hommes et femmes n'apparaît aujourd'hui pas davantage. Un article constitutionnel qui, comme le fait l'article 4Ms, introduit un nouveau principe si fondamental dans notre ordre juridique, risque de donner lieu à des surprises lors de sa mise en application. Bien des dispositions qui ne donnent encore lieu à aucun problème pourraient un jour, à y regarder de plus près, se révéler incompatibles avec le principe de l'égalité. Le législateur fédéral et les législateurs cantonaux et communaux disposent d'une liberté d'action et d'appréciation considérable en ce qui concerne l'organisation ou la réorganisation juridique des domaines sociaux, dans lesquels la garantie constitutionnelle d'égalité entre les sexes est de nature à déployer ses effets. On se rend compte en particulier de l'étendue de cette liberté lorsque l'on pense aux nombreuses divergences d'opinion qui
existent sur la question de savoir en quoi consiste l'égalité des droits entre hommes et femmes dans certains domaines sociaux. Toutes ces idées doivent pouvoir être prises en considération au cours de la procédure législative. Il faut ne pas être pressé par le temps lors de la recherche d'une solution appropriée et à même de satisfaire la majorité. Sinon, ce serait restreindre la valeur à attribuer à la procédure législative, et cette procédure ne pourrait plus, ou que dans une mesure restreinte, avoir des effets de légitimation et d'intégration. La procédure législative ne doit pas devenir un mal nécessaire, dont il faut se débarrasser le plus vite possible. Elle incarne dans une large mesure le processus politique qui constitue Ja démocratie. Le fait d'imposer au législateur un délai, dans lequel il doit édicter certaines lois, est contraire au sens de la procédure législative, telle que nous l'entendons en Suisse. Chaque phase de cette procédure a son objectif propre; il est donc impossible d'en sauter une. De plus, le processus au cours duquel les citoyens doivent s'accoutumer à la loi et apprendre à la connaître ne peut être soumis à aucune limitation de temps; souvent, il doit avoir lieu parallèlement à la procédure législative afin que la loi soit reconnue.

140

En outre, nous ne pouvons accepter la manifestation de méfiance que contient la disposition transitoire. Cette méfiance touche tous les organes législatifs et se fonde sur l'idée que le mandat, au niveau du droit constitutionnel, ne suffit pas à lui seul pour permettre au législateur d'accomplir sa tâche dans un délai utile. Il faudrait en plus que le mandat de légiférer soit limité dans le temps, afin d'assurer le respect de la constitution. Ainsi, on soupçonnerait les organes législatifs d'être disposés à violer la constitution. On ne pourrait suivre ce raisonnement que si notre ordre constitutionnel n'était pas respecté dans la réalité politique; ce serait notamment le cas si l'organisation de notre procédure législative n'offrait pas une garantie suffisante lui permettant de résoudre les problèmes qui se posent. Par conséquent, on devrait alors exiger un examen et une modification de la procédure législative. A notre avis, cette procédure est encore appropriée aux particularités suisses. On n'exclut certes pas la possibilité, voire la nécessité d'améliorations dans des domaines particuliers. Si les autorités compétentes ne remplissaient pas leur mandat de légiférer, les groupes sociaux intéressés disposeraient d'une assez grande influence sur le plan politique pour obtenir qu'elles fournissent des efforts soutenus aux fins d'atteindre les buts visés. Le contrôle exercé par l'opinion publique devrait aussi être plus efficace qu'un délai d'exécution.

Le délai prévu par la disposition transitoire donne l'impression que la mise en oeuvre de l'article 4Ms serait achevée aussitôt que l'on aurait édicté la législation d'exécution. Tel n'est pas le cas. Les lois qu'il faut édicter ou reviser en vertu de la disposition transitoire sont un premier pas vers la réalisation de l'article 4biB. Elles représentent probablement - à cause de notre régime politique - un compromis et ne correspondent donc pas à toutes les conceptions de l'égalité des droits idéale. Il est fort possible que des groupements, qui ont renoncé à leurs exigences maximales afin d'arriver à un compromis, aspirent à une modification de la législation après quelques temps déjà. La mise en oeuvre d'une disposition constitutionnelle est donc un processus permanent; il ne prend pas fin lorsque les «mesures propres à en assurer l'exécution»
ont été édictées.

Les problèmes que soulève le délai pendant lequel il y a lieu de légiférer, sont la deuxième raison principale pour laquelle le Conseil fédéral oppose un contre-projet à l'initiative.

422.6

Place de l'article sur l'égalité des sexes dans la constitution fédérale

L'initiative entend insérer la nouvelle disposition à la suite de l'article 4 de la constitution fédérale, qui établit le principe général de l'égalité. Il est compréhensible que ses auteurs, qui ont surtout insisté sur le côté subjectif du principe et l'ont développé dans quatre alinéas très complets, aient voulu en faire une disposition spéciale. Mais eu égard au rapport étroit qui lie cette disposition au principe général, la solution ne nous paraît pas tout à fait satisfaisante.

L'égalité des sexes est une notion qui, tout à la fois, concrétise le principe général, le précise et le met à jour (cf. ch. 422.22). Sa place dans la constitution devrait rendre cette idée et faire apparaître que l'égalité des sexes est déduite 141

du principe général et que sa garantie expresse consacre une évolution rendue .nécessaire par la réalité sociale de notre époque. C'était d'ailleurs le même souci de répondre aux nécessités de son temps qui avait amené le constituant de 1848 à ajouter une deuxième phrase à l'article 4 de la constitution. Il nous paraît donc préférable de réunir dans un seul et même article le principe général et la règle spéciale, comme c'est le cas, par exemple, à l'article 3 de la loi fondamentale de Bonn ou à l'article 9 du projet de constitution fédérale.

422.7

Réalisation de l'initiative

Nous avons déjà montré, sous chiffre 421.2, combien les chances de réaliser l'initiative en droit, en fait et dans les délais ont été appréciées diversement dans les réponses à la consultation. En dépit des difficultés que pourrait entraîner sa mise en oeuvre, on ne saurait pour autant la considérer comme irréalisable et la déclarer nulle. Nous avons déjà exprimé cet avis sous chiffre 22; nous entendons maintenant traiter un peu plus en détail les difficultés auxquelles nous avons fait allusion.

422.71

En droit

Selon la disposition transitoire, les mesures propres à réaliser l'égalité doivent être adoptées dans un délai de cinq ans.

Ce mandat s'adresse à toutes les autorités - fédérales, cantonales et communales - qui établissent des règles de droit. Le législateur est concerné au premier chef; mais il faut aussi mentionner' les autres autorités de rang inférieur qui ont, en vertu de la constitution ou d'une délégation législative, un pouvoir réglementaire (qu'elles exercent par voie d'ordonnance, de règlement, etc.). Aux termes de ce mandat, tout acte juridique qui établit, entre l'homme et la femme, des inégalités qu'aucune donnée strictement biologique ne justifie doit être modifié et, si un nouveau droit est indispensable pour réaliser l'égalité, il doit être édicté.

Il n'y a pas de raison que le principe de l'égalité ne puisse pas se réaliser en droit.

422.72

En fait

Si l'égalité se réalise en droit, une des conditions préliminaires les plus importantes sera remplie pour qu'elle puisse aussi s'imposer dans les faits. Il va de soi qu'à tous les niveaux, en Suisse, les autorités qui appliquent le droit - les administrations et les tribunaux - devront contribuer à cette mise en oeuvre et qu'elles le feront. Certes, il n'est pas garanti pour autant que l'égalité sera respectée dans la vie quotidienne. En effet, cela dépend beaucoup du comportement que les intéressés eux-mêmes adopteront dans la famille, à l'école et dans leur vie professionnelle. En d'autres termes, saura-t-on se défaire de l'idée traditionnelle qu'on a des rôles de l'homme et de la femme dans la société, saura-t-on abattre les barrières sociales, saura-t-on se laisser gagner par un 142

sentiment du droit qui soit conforme au principe de l'égalité? Certes, des règles de droit ne peuvent provoquer à elles seules ce changement, mais elles peuvent l'encourager et, éventuellement, l'accélérer. En tout cas, elles ne doivent pas faire oublier les difficultés, plus ou moins grandes selon les domaines, qui pourraient peut-être surgir, entraver l'évolution et retarderont la réalisation de l'égalité des droits entre l'homme et la femme.

Nous ne sous-estimons pas ces difficultés, mais pensons qu'elles peuvent être surmontées.

422.73

Dans les délais

Pour la réalisation juridique de l'initiative, la disposition transitoire impose un délai de cinq ans. Ce délai vise à la fois les dispositions qui règlent les rapports entre le citoyen et l'Etat et celles qui règlent les relations des particuliers entre eux. Est-il réaliste?

Beaucoup de milieux consultés le nient. Nous-mêmes hésitons aussi à soutenir le contraire, d'abord en raison de l'inventaire des inégalités de droit et de fait qui ont été constatées et dont nous avons fait état - en partie - sous chiffre 31.

Ensuite en raison de la longue préparation des lois sur le plan fédéral, qui, comme le montre l'expérience, exige en moyenne cinq ans, si une nécessité précise (politique, économique, financière) n'imprime pas un rythme plus rapide. Enfin, parce qu'il n'est pas du tout certain qu'un projet de réforme ne succombe pas lors d'un référendum et qu'il ne faille par recommencer une deuxième fois l'entreprise. Ces réflexions s'appliquent aussi, dans une certaine mesure, à la préparation des lois dans les cantons et les communes.

L'entrée en vigueur du nouvel article constitutionnel marquerait en Suisse le début de toute une série de procédures législatives - le nombre exact ne peut être connu avec certitude - dont l'issue, dans bien des cas, est incertaine. Dans ces circonstances, il n'est pas exclu que le délai soit souvent dépassé.

422.8

Appréciation récapitulative

Nous récapitulons nos appréciations de l'initiative comme il suit : 422.81 L'initiative vise des buts politico-sociaux incontestablement dignes d'être réalisés et de figurer dans la constitution. Leur réalisation répond aux conceptions de justice qui régnent en droit international et dans le droit national des Etats européens. Cependant, la puissance créative normative nécessaire manque justement à la norme constitutionnelle qui serait la plus apte à faire triompher l'égalité des sexes, c'est-à-dire l'article 4. Il est vrai que des revisions légales, ainsi que des changements sociaux et économiques sont actuellement en cours à différents niveaux et dans différents domaines; ils tendent à la suppression des différences de traitement injustifiées entre l'homme et la femme. Pourtant,

143

il serait erroné d'en conclure qu'une garantie constitutionnelle de l'égalité entre hommes et femmes n'aurait plus qu'une signification déclarative et aucune valeur constitutive. En tant que ligne directrice des buts politico-sociaux à atteindre et que garantie de certains postulats d'égalité que l'on peut faire valoir individuellement, un principe d'égalité entre les sexes au niveau du droit constitutionnel semble tout à fait judicieux et justifié.

422.82 En suivant la voie proposée par l'initiative, on ne peut réaliser l'égalité des droits entre l'homme et la femme de façon systématiquement satisfaisante. Le rapport étroit qui existe entre un principe d'égalité des sexes et le principe général d'égalité énoncé à l'article 4 de la constitution fédérale serait voilé si l'on consacrait à l'égalité entre les sexes un article propre.

422.83 Si l'on cherche à atteindre des ) uts politico-sociaux garantissant des droits individuels (art. 4Ws, al. 2 à 4), en les inscrivant dans la constitution sous la forme de principes matériels, ces dispositions constitutionnelles seront en grande partie insuffisantes au processus ultérieur de leur concrétisation. Il s'agit surtout en l'occurrence de principes exigeant une réalisation juridique objective. On ne peut pas l'atteindre, dans une large mesure ou totalement, en faisant valoir des droits individuels auprès des autorités administratives ou judiciaires. Ces principes doivent plutôt être réalisés par les autorités. La constitution fédérale ne contient aucune disposition prévoyant des droits fondamentaux ou garantissant des droits individuels, qui serait applicable directement dans le cadre d'une procédure administrative ou judiciaire, sans avoir été concrétisée préalablement dans une loi. Il y a lieu de s'en tenir à ce système.

422.84 En limitant la durée du mandat de légiférer dans la disposition transitoire, l'initiative sous-estime la tâche de concrétisation qui incombe au législateur.

Concrétiser, cela veut dire développer la constitution, l'épuiser et l'enrichir, cela veut dire améliorer le droit. La concrétisation par le législateur d'une règle constitutionnelle sur l'égalité des sexes est une tâche réellement créative.

L'article 4Ma ne contient pas de principe qu'il y aurait lieu d'appliquer simplement par la logique dans des cas concrets. Afin de
sortir leurs effets, la plupart de ses principes exigent que la loi modifie les dispositions réglant les relations sociales, ou même qu'elle en crée de nouvelles, qu'elle donne une forme nouvelle à des institutions juridiques, telle par exemple la communauté matrimoniale. On cherche à atteindre un équilibre nouveau dans des domaines où existent des tensions entre des voeux de changement et une certaine force d'inertie; on ne peut venir à bout de cette tâche de façon appropriée dans une période strictement limitée.

144

422.85 Le droit constitutionnel doit, autant que possible, déterminer lui-même les conditions de sa réalisation car aucune mesure juridique de niveau supérieur n'assure sa réalisation. La disposition transitoire, qui prévoit un délai pour la concrétisation, ne peut satisfaire à cette exigence. L'observation du délai serait remise en question, même s'il ne s'agissait que de la suppression des inégalités juridiques les plus importantes qui existent entre hommes et femmes. On ne devrait pas insérer dans la constitution fédérale une norme qui, dans sa formulation même, risque d'être partiellement inefficace. Elle pourrait alors discréditer la constitution dans son ensemble et porter atteinte à son prestige de loi fondamentale de l'Etat.

422.86 Ces raisons parlent en faveur du rejet de l'initiative dont les prétentions sont justifiées; elles devraient cependant revêtir une forme de droit constitutionnel se prêtant mieux à leur réalisation. Nous vous proposons donc un contreprojet dans ce sens.

5

Contre-projet

Dans les chapitres précédents, nous avons exposé en détail les raisons pour lesquelles nous rejetons l'initiative et lui préférons un contre-projet. Nous aimerions renoncer à des répétitions et nous limiter aux considérations qui sont encore nécessaires pour comprendre le texte et pour déterminer la portée du contre-projet.

51

Texte

Dans la mesure où des réponses à la consultation se sont révélées favorables à un contre-projet, l'article 9, 3e alinéa, du projet des experts pour une révision totale de la constitution fédérale peut satisfaire la plupart des partisans d'une telle solution (cf. ch. 421.4). Nous estimons, nous aussi, que cet article offre une alternative appropriée et pondérée et vous proposons d'en accepter le texte sans modification. Il a la teneur suivante : L'homme et la femme sont égaux en droits. La loi pourvoit à l'égalité, en particulier daos les domaines de la famille, de l'instruction et du travail.

Les hommes et les femmes ont droit à une salaire égal pour un travail de valeur égale.

52

Place dans la constitution fédérale

L'initiative souhaiterait que le principe de l'égalité entre les sexes soit exprimé dans un article particulier (4bls); nous préférons, quant à nous, l'associer à l'actuel principe général de l'égalité (art. 4). Ainsi, l'actuel article 4 deviendrait le 1er alinéa, auquel viendrait s'ajouter le principe de l'égalité entre les sexes 145

dans un 2e alinéa. L'étroit rapport intrinsèque qui existe entre les deux règles sera alors manifeste, tant systématiquement que concrètement; nous vous renvoyons aux réflexions de principe que nous avons faites sous chiffre 422.6.

53 531

Portée

La première phrase «L'homme et la femme sont égaux en droits» apporte quelque chose de nouveau par rapport à l'article 4 de la constitution fédérale: désormais, toute différence de traitement, fondée sur la seule différence de sexe, est interdite. L'homme et la femme doivent être traités de manière égale dans tous les domaines juridiques et sociaux et à tous les niveaux étatiques (Confédération, cantons et communes). Des exceptions ne se justifient que dans des cas où la différence biologique ou fonctionnelle due au sexe exclut absolument une égalité de traitement; il faut penser, par exemple, à la protection de la femme en sa qualité de mère. Le principe de l'égalité entre les sexes n'a donc rien à voir avec un nivellement total.

La vaste réalisation du principe de l'égalité conduit aussi à l'égalité des droits politiques des hommes et des femmes en matière cantonale et s communale, à moins que ne subsiste la réserve de l'article 74, 4e alinéa, de la constitution en faveur du droit cantonal et communal dans ce domaine. Nous nous sommes sérieusement demandé si nous ne devrions pas vous proposer d'abandonner maintenant cette réserve, introduite en 1971 dans la constitution fédérale; cela permettrait d'éviter que, d'emblée, le principe de l'égalité des droits entre hommes et femmes ne soit pas réalisé dans un domaine politiquement important. Le projet de la commission d'experts pour une .révision totale de la constitution fédérale a aussi supprimé cet obstacle. L'article 39, 1er alinéa, prévoit en effet que les Suisses qui ont le droit de vote en matière fédérale l'ont aussi dans les matières cantonales et communales. Nous avons renoncé à faire une telle proposition pour les raisons suivantes: Déjà dans son premier message sur le suffrage féminin, le Conseil fédéral a expressément renoncé à l'introduire aussi en matière cantonale et communale en vertu du droit fédéral, ou à y contraindre les cantons par une disposition de droit fédéral. Un tel procédé «serait inconciliable avec une caractéristique essentielle de notre ordre public: la structure federative de l'Etat» (FF 1957 I 803). Dans son deuxième message sur le suffrage féminin, le Conseil fédéral a continué à soutenir énergiquement cette opinion (FF 1970 I 95/96). Par deux fois, les Chambres fédérales se sont ralliées à cette manière de
voir. Cette attitude est exprimée clairement dans le nouvel article 74, 4e alinéa, déjà cité qui a été introduit en 1971 dans la constitution fédérale; selon cette disposition, le droit cantonal reste déterminant pour ce qui est du droit de vote en matière cantonale et communale. Aujourd'hui non plus, nous n'entendons pas nous écarter de cette opinion. Nous continuerons de laisser le soin aux cantons d'accorder ou non malgré la garantie constitutionnelle de l'égalité des droits entre les sexes 146

l'égalité des droits politiques aux femmes en matière cantonale et communale.

Il est vrai qu'il nous a été d'autant plus facile de prendre cette décision que dans les deux cantons d'Appenzell Rhodes-Intérieures et d'Appenzell RhodesExtérieures qui n'ont pas encore introduit le suffrage féminin en matière cantonale, les travaux préparatoires entrepris en vue d'atteindre l'égalité des droits politiques entre hommes et femmes sont déjà bien avancés; de plus, la nouvelle garantie constitutionnelle de l'égalité des droits devrait leur donner un essor supplémentaire. Il ne fait aucun doute que cette nouvelle disposition aura aussi des effets positifs sur les efforts entrepris en vue d'instituer le suffrage féminin dans les communes politiques et bourgeoises qui n'ont pas encore pu s'y décider. Il est manifeste que la pleine réalisation de l'égalité des droits politiques entre hommes et femmes n'est plus qu'une question de temps !

532

La deuxième phrase «La loi pourvoit à l'égalité, en particulier dans les domaines de la famille, de l'instruction et du travail» charge le législateur de réaliser les buts à atteindre en matière d'égalité des droits. Ce mandat de légiférer touche tous les domaines juridiques dans lesquels hommes et femmes sont encore traités de manière inégale; il concerne notamment l'égalité des droits pour la femme dans les domaines de la famille, de la formation professionnelle et du travail. Cette parité porte plutôt sur les relations des particuliers entre eux («effet horizontal») que sur les relations entre l'Etat et les citoyens. Dans les domaines où les révisions légales nécessaires sont déjà en cours, elles doivent être résolument menées à chef; dans les domaines où elles doivent encore être entreprises ou dans lesquels il y a lieu de créer de nouvelles règles de droit, les travaux doivent être entrepris immédiatement.

Au demeurant, le mandat de légiférer ne s'adresse pas seulement au législateur fédéral, mais aussi à ceux des cantons et des communes.

Même si le texte constitutionnel ne s'adresse qu'au législateur, il va sans dire que les autorités executives (administrations et juges) ne sont pas libérées de l'obligation de faire triompher la garantie constitutionnelle de l'égalité des droits entre les sexes, dans les limites de leurs attributions, dans tous les domaines où des normes spéciales émanant du législateur ne sont pas indispensables. Cependant, cela signifie aussi que l'on ne peut déduire de la seule garantie constitutionnelle de l'égalité des droits entre les sexes aucun droit subjectif direct à l'égalité dans les différents domaines du droit. Dans les cas où la mise en oeuvre de l'égalité des droits entre hommes et femmes exige l'intervention du législateur, la réalisation de ce principe ne relève que de lui.

Afin de prévenir tout malentendu, il y a lieu de préciser ici que les dispositions édictées pour la protection particulière de la main-d'oeuvre féminine ne peuvent être considérées, dans leur ensemble, comme des discriminations.

147

Il faut encore mentionner que la loi sur la formation professionnelle du 20 septembre 1963 (RS 412.10) est applicable de la même manière aux représentants des deux sexes; il n'est donc pas nécessaire de procéder à des adaptations. Aujourd'hui déjà, les écoles et les centres d'orientation professionnelle doivent attirer l'attention des jeunes filles sur les possibilités qui leur sont offertes.

533

La dernière phrase «Les hommes et les femmes ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale»

garantit, contrairement à la deuxième phrase, un droit individuel à un salaire égal pour un travail de valeur égale, que l'on peut invoquer devant un tribunal.

Il y a lieu de le respecter tant en droit public qu'en droit privé. Cependant, une condition doit être remplie pour que le droit puisse être reconnu par le juge: la prétention doit pouvoir être déduite en justice, c'est-à-dire que les normes à appliquer doivent être si concrètes qu'elles puissent servir de base à la décision à prendre dans le cas d'espèce. Il ne faut pas exclure que des difficultés surgiront, surtout dans des domaines où une «infrastructure» législative doit préalablement exister pour résoudre des questions de compétence et de procédure. Il en est de même si l'on désirait, par exemple, renverser le fardeau de la preuve en prévoyant qu'en cas de différend, ce serait à l'employeur de prouver qu'il traite hommes et femmes de la même façon en matière de rémunération. Le législateur est aussi appelé à légiférer en matière de salaire en vertu de la deuxième phrase de la nouvelle disposition constitutionnelle, dans la mesure où la réalisation du principe de l'égalité des salaires l'exige. Pour le reste, nous nous permettons de vous renvoyer à nos considérations sous chiffre 422.53.

6 61

Effets sur l'état du personnel et conséquences financières de l'initiative et du contre-projet Généralités

II est très difficile d'estimer quelles seront les conséquences sur l'état du personnel et plus encore les conséquences financières tant de l'initiative que de notre contre-projet. Elles dépendent dans une large mesure et avant tout de la manière dont les législateurs fédéral, cantonaux et communaux concrétiseront et aménageront juridiquement l'égalité des droits entre les sexes, ainsi que de l'ampleur de ces travaux. Il est ainsi démontré que la garantie constitutionnelle de l'égalité des droits entre les sexes ne devrait avoir que très peu de conséquences financières directes, que cette garantie prenne la forme d'un droit individuel au sens de l'initiative ou d'un mandat au législateur au sens de notre contre-projet. C'est plutôt le principe de l'égalité de rémunération qui constituerait directement un facteur de dépenses, cela notamment dans l'économie privée; le budget de l'Etat serait à peine touché.

148

Des tâches législatives, d'exécution et de financement liées à la mise en oeuvre de la garantie constitutionnelle de l'égalité des droits entre les sexes incombent aux communautés de tous les niveaux. EUes devraient être, selon nous, aussi peu déterminantes que la charge supplémentaire, résultant de l'application raisonnable du principe de l'égalité des salaires, qui incombe à l'économie privée, car, pour ce qui est de l'égalité entre hommes et femmes, il s'agit de réaliser un droit de l'homme reconnu sur le plan international et un postulat élémentaire de justice.

62

Confédération

Pour la Confédération, initiative et contre-projet pourraient - selon la mise en oeuvre par la loi - entraîner des dépenses, avant tout en matière de sécurité sociale (AVS, assurance-maladie), en droit fiscal (imposition séparée des époux pour l'impôt de défense nationale), en ce qui concerne l'enseignement réglementé par la Confédération, ainsi que le personnel fédéral. On ne pourra déterminer avec quelque précision si du personnel et des moyens financiers supplémentaires seront nécessaires qxie lorsque des estimations concrètes seront présentées en vue de la réalisation de l'initiative ou du contre-projet.

63

Cantons et communes

Dans les cantons et les communes, l'initiative et le contre-projet devraient, pour l'essentiel, avoir des effets sur l'état du personnel et des conséquences financières dans les mêmes domaines que sur le plan fédéral. La réalisation de certains postulats découlant de la garantie constitutionnelle de l'égalité entre hommes et femmes est principalement du ressort des cantons et des communes.

On peut penser, par exemple, à l'institution d'écoles dotées de cantines, à la création de crèches et de garderies, éventuellement aussi d'organes chargés de régler les différends surgissant à propos de l'application du principe de l'égalité de rémunération. De ce fait, les effets sur l'état du personnel et les conséquences financières pourraient, le cas échéant, se faire sentir plus fortement dans ces communautés que sur le plan fédéral. Cependant, il ne fait aucun doute qu'ils seraient encore supportables.

64

Economie

La garantie constitutionnelle de l'égalité entre hommes et femmes, notamment son principe de l'égalité de rémunération, n'a pas seulement des effets sur les relations entre les citoyens et l'Etat, mais aussi sur celles des particuliers entre eux. Cela devrait donc apparaître au chapitre des dépenses dans les bilans de certaines entreprises privées qui emploient de la main d'oeuvre féminine. Aussi est-il compréhensible, la situation économique étant actuellement incertaine, que des doutes aient été exprimés à plusieurs reprises quant à l'opportunité d'introduire dans la constitution le principe de l'égalité des droits entre

^149

hommes et femmes. C'est pourquoi il faut souligner d'autant plus énergiquement - en rappelant les déclarations que nous avons faites dans le message concernant la Convention n° 100 (FF 1971II 1552) - que la réalisation de la garantie constitutionnelle de l'égalité des droits entre hommes et femmes n'entraînera pas de modifications structurelles fondamentales dans l'économie suisse et qu'elle ne donnera lieu, selon toute probabilité, qu'à des adaptations limitées des rémunérations.

25749

150

Annotations !) La situation de la femme en Suisse, l re partie; Société et économie 1979; on peut commander cet ouvrage à l'Office central fédéral des imprimés et du matériel, 3000 Berne 2 > L'enquête de l'Institut de sociologie de l'Université de Zurich sur la situation de la femme en Suisse, publiée sur l'ordre de la Commission suisse de l'UNESCO en 1973, traite de ce sujet en détail; elle a paru sous le titre: Thomas Held/René Lévy, Femme, famille et société, 1975.

3 > Pendant la 40e législature, la proportion de femmes ne s'élevait qu'à 7,5 pour cent; voir Thomas Held/Christoph Reichenau/Verena Ritter, Frauen in der Bundesversammlung, dans: Questions au féminin, numéro 1/2 de février 1979, édité par la Commission fédérale pour les questions féminines, La. crainte exprimée à plusieurs reprises selon laquelle la proportion de femmes diminuerait après les élections du 21 octobre 1979 s'est donc révélée heureusement infondée.

4) Taux de salaires et heures de travail fixés dans des conventions collectives de travail, 1975-1977; édition spéciale n° 90 de «La vie économique».

5 > Une compilation claire a paru sous le titre «Gleichberechtigung der Frau in Recht und Politik der Vereinten Nationen», éditée par Irene Maier, Heggen-Dokumentation n° 11, 1975.

8 > Cf., par exemple, Fritz Fleiner/Zaccaria Giacometti, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 1949, p. 22; Jean-François Aubert, Traité de droit constitutionnel suisse, 1967, n° 274; Werner Kägi, Die Verfassung als rechtliche Grundordnung des Staates, 2e éd. 1971, p.

40 ss.; de plus, dans la littérature allemande: Hermann Heller, Staatslehre, 4e éd. 1970, p. 274 ss., et Konrad Hesse, Grundzüge des Verfassungsrechts der Bundesrepublik Deutschland, 8e éd. 1975, p. 11.

7 > Par ex. les constitutions de la République fédérale d'Allemagne, de la France et de l'Italie; une disposition substantielle interdisant les discriminations entre les sexes sera introduite dans la constitution suédoise, conformément à une révision en cours de la partie consacrée aux droits fondamentaux (chapitre 2).

8 > Dieter Grimm, Verfassungsfunktion und Grundgesetzreform, dans: Archiv des öffentlichen Rechts 97 (1972), p. 507.

9 > Hans Nef, Gleichheit und Gerechtigkeit, 1941, en particulier p. 9, 44 et 107.

10 > Gustav Radbruch, Rechtsphilosophie, 5e éd. 1956, p. 227.

11 >
Dans ce sens, surtout: Fritz Gygi, Die Schweizerische Wirtschaftsverfassung, dans: RDS 89 (1970), II, p. 265 ss., en particulier p. 353 ss.; Jörg P.Müller, Soziale Grundrechte in der Verfassung?, dans: RDS 92 (1973), II p. 695 ss., en particulier p. 880 ss.; Peter Saladin, Unerfüllte Bundesverfassung?, dans: RDS 93 (1974), I, p. 307 ss., en particulier p. 325 ss.

12 > Werner Kägi, Der Anspruch der Schweizerfrau auf politische Gleichberechtigung, 1956, p. 15.

13 > Walther Burckhardt, Kommentar der Schweizerischen Bundesverfassung, 3e éd.

1931, p. 25.

14 > Eduard His, Geschichte des Schweizerischen Staatsrechts, tome 3, p. 510 et 529; Walther Burckhardt, op. cit., p. 36.

15) Eduard His, op. cit., p. 503.

16 > Werner Kägi, op. cit., p. 15.

17 > Werner Kägi, op. cit., p. 16.

18 > Cf. notamment Jakob Schollenberg, Kommentar zur Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 1905, p. 111; du même auteur, Das Bundesstaatsrecht der Schweiz, 1920, p. 133/4.

151

10

> Cf. le message du 11 juillet 1979 concernant la modification du CC (effets généraux du mariage, régimes matrimoniaux et droit des successions), FF 1979 II1179.

a«) peter Saladin, Das Verfassungsprinzip der Fairness, dans : Erhaltung und Entfaltung des Rechts in der Rechtsprechung des Schweizerischen Bundesgerichts, 1975, p. 41 ss.

ai > Konrad Hesse, (atinot. 5), p. 18.

23 > Peter Saladin, (annot. 19), en particulier p. 43 ss. et 81 ss.

sa) pp 1970 i gì ss . concernant l'abandon progressif de la relation entre le droit de cité actif et le service militaire, cf. notamment Eduard His, Geschichte des Schweizerischen Staatsrechts, tome 1, p. 599, et tome 2, p. 359; de plus, Werner Kägi, (annot. 11), p. 33 ss. et 50 ss.

24 > Art. 3, 28 al., en relation avec l'art. 12a, 1er et 4e al., de la loi fondamentale de Bonn: BVerfGE 12, 52 ss.

3S > Rapport final du groupe de travail Wahlen, 1973, p. 691/92; art. 37 du projet de constitution de la Commission d'experts pour la préparation d'une révision totale de la Constitution fédérale, et le rapport y afférent, 1977, p. 83/84.

W A ce propos la liberté du commerce et de l'industrie selon l'art. 31, 1er al., est. au premier plan. La notable réserve que cette norme impose au législateur en matière de droit civil pour édicter des normes sur la rémunération des travailleurs, céderait le pas par exemple à sa compétence d'interdire des dispositions contractuelles prévoyant des différences de salaire, pour un travail de valeur égale, en fonction du sexe des travailleurs.

2T > Rapport de la Commission d'experts pour l'examen des conséquences économiques de la Convention n° 100 et de la Recommandation n° 90 de l'Organisation internationale du Travail, 1975; Henner Kleinewefers, Volkswirtschaftliche Aspekte des Verfassungsentwurfs, eine Stellungnahme zum Verfassungsentwurf, p. 5.

2S > Ainsi BVerfGE 15 343 ss., avec d'autres renvois.

28 > Dans ce sens aussi, l'interprétation du principe de l'égalité entre hommes et femmes selon l'art. 3, 2e al., de la loi fondamentale de Bonn; cf. notamment Manfred Gubelt, Kommentar zu Art. 3 Abs. 2 BGG, édité par Ingo von Münch, tome I, 1974.

30 > Bruno Schmitt-Bleibtreu/Franz Klein, Kommentar zum Grundgesetz der Bundesrepublik Deutschland, 3e éd. 1973, p. 181 (note 37); Manfred Gubelt, (annot. 28), p. 160 (note 72).

31 >
Par analogie avec l'interprétation de l'art, 3, 2e al-, de la loi fondamentale de Bonn, dont le texte est presque le même; cf. Hermann vonMangoldt/Friedrich Klein, Das Bonner Grundgesetz, 2e éd. 1957, tome l, p. 206 (note 7).

32 > Ainsi la formule du Tribunal constitutionnel allemand dans BVerfGE 15 343, avec d'autres citations.

33 > Cf. «Bericht des Redaktors und der Redaktionskommission über den Entwurf vom Februar 1976 der Verfassung des Kantons Aargau», 1976, p. 8 ss.

34 > Luzius Wildhaber, Soziale Grundrechte , dans: Der Staat als Aufgabe, Gedenkschrift für Max Imboden, 1972, p, 371 ss., en particulier p. 389.

35 > Cf. Alexamdre Berenstein, L'égalité des sexes en droit du travail, dans: Revue syndicale suisse, n° 5, mai 1977, p. 136 ss.

36 > Cf. au sujet du développement du principe de l'égalité de rémunération en Europe: Evelyne Sullerot, L'égalité de rémunération entre hommes et femmes dans les Etats d'Europe membres de la CEE, dans: Revue internationale du travail, vol. 112 (1975), p. 99 ss.; en outre: Biaise Knapp, L'égalité de rémunération des travailleurs masculins et féminins dans la CEE et en Suisse, rapport n° 3 du Centre d'études juridiques européennes de Genève.

152

s

'> Cf. l'enquête sur les salaires et les traitements, exécutée en octobre 1978 par l'OFIAMT, dans «La vie économique», numéro 8, août 1979, A ce propos, il y a lieu de souligner que les différences de rémunération que critiquent les auteurs de l'initiative (cf. ch. 413.2) résultent de moyennes globales des salaires et qu'une s'agit pas de taux de salaires comparables au sens de la Convention internationale n° 100.

sa) peter Saladin, Unerfüllte Bundesverfassung?, dans: RDS 93 (1974), I, p. 307 ss.

25749

11 Feuille fédérale. 132« année. Vol.I

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Arrêté fédéral concernant l'initiative populaire «pour l'égalité des droits entre hommes et femmes»

Projet

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'initiative populaire «pour l'égalité des droits entre hommes et femmes», déposée le 15 décembre 19761*; vu le message du Conseil fédéral du 14 novembre 19793>, arrête: Article premier 1

L'initiative populaire du 15 décembre 1976 «pour l'égalité des droits entre hommes et femmes» est soumise à la votation du peuple et des cantons.

2 L'initiative populaire demande l'insertion dans la constitution fédérale d'un nouvel article 4Ms et d'une disposition transitoire y afférente ayant la teneur suivante: An. 4M* 1 L'homme et la femme sont égaux en droits.

2 L'homme et la femme ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans la famille.

3 L'homme et la femme ont droit à une rémunération égale pour un travail égal ou de valeur égale.

4 L'égalité des chances et de traitement est assurée à l'homme et à la femme en matière d'éducation et de formation professionnelle, ainsi que pour l'accès à l'emploi et à l'exercice de la profession.

Disposition transitoire

La loi instituera dans les cinq ans dès l'entrée en vigueur de l'article 4bu les mesures propres à en assurer l'exécution tant dans les relations entre citoyens et l'Etat que dans les relations entre particuliers.

Art. 2 1 Un contre-projet de l'Assemblée fédérale est soumis simultanément au vote du peuple et des cantons.

2 L'Assemblée fédérale propose que l'article 4 de la constitution fédérale soit complété par un 2e alinéa dont la teneur est la suivante: « FF 19771 530 a > FF 1980 I 73 154

Egalité des droits entre hommes et femmes 8

L'homme et la femme sont égaux en droits. La loi pourvoit à l'égalité, en particulier dans les domaines de la famille, de l'instruction et du travail.

Les hommes et les femmes ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale.

Art. 3 L'Assemblée fédérale recommande au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire et d'accepter le contre-projet.

25749

155

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message sur l'initiative populaire «pour l'égalité des droits entre hommes et femmes» du 14 novembre 1979

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Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

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Foglio federale

Jahr

1980

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

03

Cahier Numero Geschäftsnummer

79.076

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

22.01.1980

Date Data Seite

73-155

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10 102 666

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