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FEUILLE FÉDÉRALE 85e année

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Berne, le 18 octobre 1933

Volume II

MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision de la loi du 23 décembre 1851 sur les garanties politiques et de police en faveur de la Confédération.

(Du 9 octobre 1933.)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre ci-après notre message à l'appui d'un projet de loi revisée sur les garanties politiques et de police en faveur de la Confédération.

I.

Le 24 juin 1919, le Conseil national a adopté la motion Holenstein que voici: « Le Conseil fédéral est invité à faire rapport sur la question de savoir s'il n'y aurait pas lieu de reviser la loi fédérale du 23 décembre 1851 sur les garanties politiques et de police en faveur de la Confédération, notamment les articles 1 et 2 de ladite loi, afin de mieux préciser les conditions d'immunité des membres de l'Assemblée fédérale. » Au cours de la discussion sur l'immunité de M. Nicole, le Conseil national a adopté -le 6 décembre 1932, sur la proposition de la commission, une motion ainsi conçue: « Le Conseil fédéral est invité à déposer à bref délai un projet de revision de la loi du 23 décembre 1851 sur les garanties politiques et de police en faveur de la Confédération, au sens de la motion Holenstein de 1919. » Le Conseil des Etats a adhéré le 29 mars 1933 à la décision du Conseil national.

Tandis que la proposition Holenstein de 1919 était, d'après la terminologie actuelle, un postulat proprement dit, les décisions concordantes Feuille fédérale. 85e année. Vol. II.

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prises en dernier lieu par les deux chambres présentent manifestement le caractère impératif d'une motion. En fait, elles tendent au même but et demandent expressément une revision de la loi de 1851 au sens de la motion Holenstein, c'est-à-dire précisant mieux les conditions d'immunité des membres de l'Assemblée fédérale. Dans leurs explications orales, les rapporteurs de la commission ont de même explicitement circonscrit notre tâche à la revision des articles 1er et 2 de la loi actuelle. Cela ne nous empêcherait évidemment pas d'aller plus loin si nous l'estimions opportun ou même nécessaire. Mais, pour vider d'abord cette question, nous avons décidé de nous en tenir au problème des immunités. Si néanmoins nous avons en outre supprimé l'article 6 de la loi et modifié quelque peu d'autres articles, c'est essentiellement pour tenir compte des revisions qui ont déjà été effectuées soit expressément, soit d'une manière implicite. Ainsi, l'article 80 de la loi du 30 juin 1927 sur le statut des fonctionnaires a formellement abrogé ledit article 6. Quant à la compétence de l'Assemblée fédérale (art. 12) de régler toutes les contestations relatives à l'application de la loi sur les garanties, elle est limitée par l'article 179 de la loi du 22 mars 1893 sur l'organisation judiciaire fédérale. Aux termes de cet article, le Tribunal fédéral connaît, comme cour de droit public, des contestations entre la Confédération et les cantons en matière fiscale lorsqu'il en est saisi par l'une ou l'autre des parties. Par conséquent, les contestations relatives à l'application de l'article 7 de la loi sur les garanties doivent être réglées non par l'Assemblée fédérale, mais par le Tribunal fédéral; le nouvel article 14 que nous vous proposons tient compte de cette situation. Mais, puisque la revision doit en tout cas porter sur les articles 1er, 2, 3, 6 et 12, nous estimons plus pratique d'abroger à la forme toute la loi et de la remplacer par une nouvelle, où sera également mise au point la disposition transitoire de l'article 13. L'utilité de ce mode de faire s'avérera notamment pour les réimpressions et les tirages à part.

II.

Dès les débuts de l'Etat fédératif, le droit fédéral a protégé les membres des autorités fédérales en garantissant leur activité politique contre les attaques qui pourraient être tentées
contre eux par des actes de la procédure civile ou pénale. A l'époque, on songeait avant tout à des attaques émanant des autorités cantonales, auxquelles ressortissait presque exclusivement le soin d'administrer la justice. Deux lois ont successivement réglementé la protection des autorités de la Confédération. En ce qui concerne la répression -- civile et pénale -- des infractions en rapport avec la situation des membres de ces autorités, les conditions de l'action et la procédure sont réglées par la loi du 9 décembre 1850 sur la responsabilité des autorités et des fonctionnaires de la Confédération. Comme cette loi échappe à la revision aujourd'hui envisagée, la seule question qui se pose, et qui est d'ordre purement pratique, est de savoir s'il faut ou non

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y renvoyer dans notre projet, comme le fait la loi actuelle sur les garanties (art. 1er, 5e al.). En 1851, la matière étant nouvelle, ce renvoi se justifiait plus qu'actuellement; d'ailleurs, au point de vue de l'économie de la loi, il était facile de l'introduire en ajoutant simplement un dernier alinéa à l'article 1er, tandis que, d'après la nouvelle systématique proposée pour la disposition relative aux immunités, nous serions obligés d'en faire un article 6 bis spécial. Quant au fond, il importe peu que la loi sur la responsabilité fasse ou non l'objet d'un renvoi exprès. Nous proposons par conséquent de renoncer à cette disposition superflue.

m.

Dans la loi du 23 décembre 1851 sur les garanties, le législateur s'est occupé de - l'influence qu'une action pénale engagée en raison de délits ne touchant pas la fonction officielle peut avoir pour l'exercice de cette fonction politique par le membre d'une autorité fédérale. Il a laissé de côté le rôle que pourrait jouer la justice civile; nous faisons de même aujourd'hui, étant donné qu'en fait il n'y a guère lieu de s'attendre à des conflits sérieux entre l'exercice de cette justice et une activité politique et que personne n'a demandé jusqu'ici de tenir compte aussi de cet élément.

Il en va tout autrement en ce qui concerne l'administration de la justice pénale, car le fait d'exiger la présence de la personne inculpée ou accusée (notamment en cas d'arrestation) peut entraver de la manière la plus grave l'accomplissement du mandat politique. C'est en raison de ces conflits que des prescriptions relatives aux immunités ont été promulguées dans tous les Etats libéraux modernes.

Or, quand et dans quelle mesure les exigences requises pour l'administration régulière de la justice pénale doivent-elles céder le pas au principe en vertu duquel celui qui est poursuivi pénalement doit pouvoir exercer librement son mandat politique ? Nous avons répondu à cette question dans notre rapport du 2 décembre 1932 au Conseil national sur l'immunité de M. Nicole (FF 1932, II, 999 s.), où nous avons tenu compte à la fois des considérations de principe et des expériences faites dans les rares cas où a été appliquée la loi sur les garanties pendant les quatre-vingts ans de son existence. Nous nous permettons d'y renvoyer, d'autant plus que le vote qui est intervenu à la suite de ce rapport et les motions adoptées à cette occasion ont en substance été conformes à nos conclusions. Notre idée fondamentale est que les dispositions relatives aux immunités s'inspirent non pas de la volonté de gêner la marche normale de la justice pénale, mais de la crainte que cette justice ne puisse être abusivement employée pour un but auquel elle serait étrangère (pour étouffer ou atténuer une activité politique qui déplaît au gouvernement ou à d'autres milieux influents) ou que par pédanterie on n'attribue à des opérations secondaires de la procédure pénale la prédominance sur la participation, peut-être importante, à une fonction politique. Jusqu'à quel point faut-il tenir compte,

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dans les nouvelles dispositions, de cette crainte, qui était d'ailleurs purement hypothétique au moment où la loi sur les immunités fut promulguée et le demeure encore aujourd'hui ? Les quelques cas dont le parlement et le Conseil fédéral se sont occupés jusqu'ici ont déjà fourni, croyons-nous, des indications et nous permettront en particulier d'éviter les controverses auxquelles donne lieu actuellement l'interprétation de la loi.

IV.

Pour mesurer l'importance des intérêts entrelacés de la justice pénale et de la politique, il faut d'abord déterminer la durée des immunités et ensuite la phase de la poursuite pénale durant laquelle les immunités jouent.

Alors que les conseillers fédéraux et les commissaires fédéraux sont protégés les uns comme les autres, pendant toute la durée de leur activité officielle et que les mesures à prendre pour assurer leur immunité doivent s'adapter à cette situation, la protection des députés s'applique spécialement à leurs fonctions politiques pendant les sessions de l'Assemblée fédérale. Il ressort déjà de ce terme que les immunités exercent leur effet non pas seulement pendant les jours ou même les heures de séance de l'un ou de l'autre conseil, mais pendant la durée entière (de l'ouverture à la clôture) de la session, qui est d'ailleurs la même pour les deux chambres.

H n'est guère nécessaire d'étendre cet effet à l'activité, certainement très importante aussi, des commissions, la courte durée de leurs sessions permettant d'éviter beaucoup plus facilement les conflits avec la justice; d'ailleurs, il faudrait confier le soin de statuer sur l'octroi ou le refus des immunités à la commission elle-même, c'est-à-dire à une assemblée qui, en l'espèce, serait une autorité de hasard. Enfin, aucun besoin ne s'est fait sentir de prendre des garanties dans cette direction.

Nous nous écartons de la terminologie actuelle, d'après laquelle aucune poursuite ne pourra avoir lieu (textes allemand et italien) ou être dirigée (texte français) pendant les sessions de l'Assemblée fédérale, et nous distinguons trois cas: 1° Au moment où l'Assemblée fédérale se réunit, aucune poursuite pénale n'est encore ouverte contre le député. 2° La poursuite a commencé avant la session parlementaire, mais elle n'a pas encore abouti à un jugement exécutoire, ou bien l'autorité n'a pas encore invité le condamné à se présenter pour subir la peine privative de liberté prononcée à titre définitif. 3° Le député est déjà incarcéré au moment où le parlement se réunit.

V.

C'est dans le premier cas que les immunités s'appliquent le plus souvent.

D'une part en effet, on peut craindre qu'une poursuite pénale ne soit intentionnellement différée jusqu'au moment où elle permettra de réduire au silence un adversaire politique. D'autre part, tant qu'elle n'est pas introduite, la poursuite pourra souvent être ajournée d'une à trois semaines

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sans qu'elle en soit compromise pour autant. Enfin, il n'est pas absolument nécessaire que l'administration de la justice soit ainsi entravée. Si la poursuite pénale ne souffre aucun retard, l'autorité judiciaire sollicitera immédiatement l'autorisation du conseil intéressé. Dans les cas où la nécessité d'agir promptement lui sera démontrée, ce conseil ne tendra certainement pas une main secourable au parlementaire qui en serait indigne et les autorités judiciaires se garderont pour leur part de présenter des requêtes dans des cas discutables. Les affaires de ce genre étant toujours urgentes, nous avons prévu que l'autorité de police ou le tribunal compétent pour procéder à la poursuite s'adressera directement au conseil intéressé. Dans les cas indiscutables, le conseil pourra statuer sans désigner de commission.

Il devra être consulté seulement si l'inculpé n'a pas déclaré à l'autorité judiciaire qu'il renonce à ses immunités. De cette façon, nous éliminons tous les cas dans lesquels le parlementaire poursuivi se reconnaît lui-même coupable. A moins qu'il ne s'agisse de bagatelles ou de délits politiques, il tiendra à ne reparaître parmi ses collègues que si son honneur est sauf.

Comme dernière garantie en faveur de la justice, l'article 1er, 2e alinéa, réserve aux autorités de poursuite pénale le droit d'arrêter ou de faire arrêter un prévenu pour présomption de fuite ; elles n'ont pas besoin, dans ce cas, de consulter au préalable le conseil compétent, mais doivent remplir naturellement les conditions requises par la procédure pénale, fédérale ou cantonale. Nous estimons en effet que le danger de fuite à l'étranger est un motif plus sérieux que le flagrant délit (sur lequel se base la loi actuelle) de se passer de l'autorisation préalable du conseil; car la fuite pourrait plus facilement que le flagrant délit entraver de façon durable l'action de la justice. Ou bien faudrait-il que l'autorité judiciaire ne puisse empêcher de fuir à l'étranger l'auteur d'un crime de droit commun, uniquement parce qu'au lieu d'être surpris en flagrant délit, il n'a pu être reconnu coupable que quelques heures plus tard ? Comme soupape de sûreté contre tout abus de ce droit d'exception, la loi prescrit à l'autorité judiciaire de requérir immédiatement le consentement du conseil intéressé, l'omission de cette
formalité entraînant la sanction de l'article 6.

VI.

L'article 2 du projet règle la procédure à suivre pour obtenir l'immunité dans le cas où un député est déjà poursuivi ou recherché avant la réunion de l'Assemblée fédérale. La présomption que la justice pénale puisse se mettre au service de la politique est encore beaucoup moins concevable dans ce cas que dans ceux dont nous venons de parler. D'autre part, il y aura très souvent intérêt à ce que la procédure une fois introduite se poursuive sans retard notable, en particulier lorsque d'autres personnes sont inculpées dans l'affaire ou y sont intéressées au titre de lésés. Il paraît dès lors opportun d'attacher plus d'importance aux intérêts de la justice pénale, au moins en conférant non à celle-ci, mais au prévenu

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le soin d'entamer la procédure relative aux immunités. Le prévenu doit prouver que l'intérêt attaché à son activité politique prédomine ; le pouvoir de prendre une décision est aussi réservé dans ce cas à l'autorité politique, en sorte que les droits du parlement demeurent intacts, même avec cette répartition des rôles. Il n'est cependant pas nécessaire d'adresser une requête directement au conseil intéressé; la voie ordinaire, qui passe par le Conseil fédéral, pourra très bien être suivie. Jusqu'à la session de l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral sera ainsi en mesure de communiquer la requête au président de la chambre compétente, en l'accompagnant des pièces nécessaires et, s'il y a lieu, d'un rapport.

Les immunités, lorsque la poursuite a été introduite hors session, doivent-elles pouvoir être invoquées à l'égard de tous les actes des autorités de poursuite pénale ou des tribunaux ? Nous n'y voyons pas une nécessité absolue. La minorité elle-même l'a reconnu dans l'affaire Nicole.

Pourquoi ne pourrait-on pas requérir, pendant la session de l'Assemblée fédérale, un extrait du casier judiciaire concernant l'inculpé ? Pourquoi ne pourrait-on pas, pendant l'instruction, interroger un témoin à la déposition duquel, d'après la procédure pénale en vigueur, le prévenu ne peut pas assister ? Le conflit le plus important se produit naturellement en cas d'arrestation, l'inculpé étant alors absolument empêché de remplir ses obligations parlementaires. C'est pourquoi nous lui donnons la possibilité d'en appeler alors au collège politique en tout état de cause, c'est-à-dire aussi bien lorsque l'arrestation a été ordonnée déjà pour les besoins de l'enquête ou pour s'assurer de sa personne, que dans l'éventualité où une nouvelle arrestation est ordonnée pendant la session de l'Assemblée fédérale et dans celle enfin où une peine privative de liberté est déjà exécutoire, sans que la détention ait encore été ordonnée au début de la session. Nous allons même si loin que, comme dans les deux cas où l'arrestation est imminente (qu'il s'agisse de l'arrestation destinée à prévenir la fuite et la collusion ou de la peine de détention proprement dite), l'autorité judiciaire compétente doit agir conformément à l'article 1er, 2e alinéa, c'est-à-dire requérir dans les vingt-quatre heures le consentement du conseil,
à moins qu'elle n'en ait été dispensée par une déclaration écrite du député incarcéré. Celuici ne doit solliciter lui-même l'immunité que si l'arrestation a été ordonnée antérieurement.

L'accusé doit à fortiori demander lui-même d'être dispensé de donner suite à d'autres actes de la poursuite pénale. Mais quels sont ces actes ?

A l'article 2, nous avons mentionné la citation à des débats importants.

Cette notion peut paraître quelque peu vague. Mais nous avons intentionnellement abandonné à l'autorité politique le soin de décider, si un acte juridique est assez important pour qu'il faille l'empêcher d'entrer en conflit avec l'activité politique; dans le doute, elle doit pouvoir donner la préférence à l'intérêt politique. Comme nous l'avons indiqué plus haut, on tiendra sans doute toujours pour importants les débats pour lesquels

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la comparution de l'inculpé est obligatoire, mais très souvent aussi ceux auxquels sa présence n'est pas indispensable. L'octroi des immunités étant non pas obligatoire, mais seulement facultatif, on peut faire confiance à l'autorité politique dans ce cas également et s'attendre qu'elle ne sacrifiera pas sans nécessité les intérêts de la justice pénale.

VII.

L'article 3 règle un point qui était controversé sous l'empire de la loi actuelle. Lorsqu'une procédure pénale aboutit à un jugement définitif et que la prononciation d'une peine privative de liberté la fait entrer dans la phase de l'exécution, la voie doit être laissée libre à la justice, et aucune demande d'immunité ne doit plus être accueillie. Comme à l'article 2, nous nous basons non pas sur le commencement de la détention, mais sur l'ordre d'incarcération donné par l'autorité chargée de l'exécution. Ainsi nous sommes dispensés d'examiner si le condamné pourrait usurper l'immunité en ne se présentant pas pour subir sa peine ou en s'y soustrayant par évasion. Il n'est évidemment pas impossible que, suivant les circonstances, l'autorité chargée de l'exécution ajourne l'incarcération en raison d'une session de l'Assemblée fédérale ou en interrompe le cours dans la mesure où la législation applicable le permet. La chose se produit d'ailleurs très souvent aussi, par exemple pour des raisons de famille ou d'ordre économique; mais cela n'a plus rien à voir avec la question des immunités.

VIII.

L'article 4 reprend quant au fond les dispositions de l'article 1er, 2e alinéa, de la loi de 1851. Nous ajoutons ici également que l'immunité ne peut être accordée lorsque le député poursuivi y a renoncé. De même, nous déclarons applicables les prescriptions des articles 1er, 2e alinéa, et 2, 2e alinéa.

-- Dans un second alinéa, nous avons introduit une disposition correspondante en faveur des membres du Tribunal fédéral. La loi sur les garanties a déjà été étendue aux juges fédéraux, d'abord par l'article 12, 2e alinéa, de la première loi, du 27 juin 1874, sur l'organisation judiciaire fédérale, puis (sous une forme quelque peu modifiée et en faisant abstraction des greffiers) par l'article 15 de la nouvelle loi, du 22 mars 1893, sur le même objet. En revanche, le projet d'arrêté instituant, en 1917, le Tribunal fédéral des assurances n'avait pas prévu -- intentionnellement semble-t-il -- la même extension en faveur des membres de ce tribunal. La commission du Conseil national envisagea de modifier cette situation, mais sa proposition fut rejetée par 51 contre 24 voix. La discussion porta moins, il est vrai, sur les dispositions relatives aux immunités que sur les articles 5 et 6 de la loi sur les garanties; il en avait déjà été ainsi lors des délibérations sur les lois d'organisation du Tribunal fédéral. Dans notre projet, nous ne voulons pas modifier de nous-mêmes le cercle des autorités protégées

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par le régime actuel, laissant aux chambres le soin d'en prendre, s'il y a lieu, l'initiative. En fait, la présente revision a été provoquée par les dispositions sur l'immunité, et celles-ci ne jouent un rôle essentiel ni pour le Tribunal fédéral, ni pour le Tribunal fédéral des assurances, qui ne sont pas des autorités politiques.

Les dispositions relatives à l'immunité se trouvent considérablement dénaturées du fait de leur extension au Conseil fédéral, au Tribunal fédéral et aux 'commissaires fédéraux, car ici leur application ne peut pas être déterminée par la durée des sessions de l'Assemblée fédérale. L'activité politique de ces autorités, en tant qu'elle a ce caractère, s'exerce pendant toute la durée de leurs fonctions ou, en ce qui concerne les commissaires, de leur mandat. Aussi le conflit entre les exigences de la justice pénale d'une part et l'activité politique d'autre part revêt-il une portée beaucoup plus considérable. L'application des immunités pendant toute une période administrative ou même pendant plusieurs périodes successives pourrait très facilement avoir le caractère d'un déni de justice. Mais on peut cependant compter que déjà les membres mêmes des autorités en cause n'invoqueront pas abusivement les immunités d'une façon si étendue et que le Conseil fédéral comme tel ni le Tribunal fédéral ne commettront non plus un tel abus. Dans leurs décisions, ces autorités, nous l'admettons sans autre, pourront limiter l'effet de l'immunité dans le temps, ce qui permettra d'apprécier objectivement l'effet d'une poursuite pénale immédiate sur les conditions auxquelles doit suffire la personne réclamée par la justice pour remplir à ce moment son activité politique. En outre, l'article 5, qui confère à titre général aux autorités de poursuite le droit de recourir à l'Assemblée fédérale, chambres réunies, contre l'octroi de l'immunité, revêt une importance toute particulière spécialement pour ces cas. Car s'il s'agit d'un député, l'octroi de l'immunité ne provoquera guère de recours à l'Assemblée fédérale que dans les cas tout à fait aigus, tandis que le moindre soupçon de déni de justice de la part du Conseil fédéral ou du Tribunal fédéral entraînera certainement l'application immédiate de ce moyen; la simple existence de l'article préviendra tout acte de mauvaise volonté.

Nous n'avons
pas reproduit dans notre projet l'article 1er, 4e alinéa: de la loi actuelle, qui prévoit, si l'immunité est refusée, le renvoi de l'affaire à la chambre d'accusation du Tribunal fédéral ou, dans les cas peu graves, aux tribunaux du canton compétent. Comme nous ne disons rien, il est évident qu'en cas de refus de l'immunité l'autorité pénale compétente au fond pour réclamer la personne poursuivie continue elle-même à fonctionner conformément aux dispositions du code de procédure applicable.

Ce sera une autorité de police, un juge d'instruction, une chambre d'accusation, un tribunal ou une autorité chargée de l'exécution. Sera-ce une autorité fédérale ou cantonale ? Pour répondre à cette question, il faut savoir aussi laquelle sera compétente sur le fond. Cependant, comme ces délits ne sont pas poursuivis d'office, on ne voit pas pourquoi même un grave

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délit de droit commun (un meurtre par exemple) devrait être renvoyé à la chambre d'accusation du Tribunal fédéral et non à l'autorité cantonale.

IX.

L'article 3 de la loi actuelle protège les bénéficiaires de l'immunité contre toute arrestation contraire à la loi sur les garanties. Celui qui arrête, même s'il en a reçu l'ordre de l'autorité dont il dépend, et celui qui donne l'ordre d'arrestation sont déclarés coupables, toujours à la condition qu'ils aient violé la loi sciemment. La sanction a été ultérieurement instituée par l'article 60 du code pénal fédéral du 4 février 1853, aux termes duquel l'acte, qualifié délit, doit être puni de la même peine que l'insulte publique contre l'Assemblée fédérale (art. 59 dudit code). Or, nous reprenons cette sanction en faisant entrer le fait prévu par notre nouvel article 6 dans le cadre de l'article 60 du code pénal fédéral. Pour les cas d'application des articles 1er, 2e alinéa, ou 2, 2e alinéa, notre nouvelle disposition qualifie aussi délit le fait de ne pas requérir, dans le délai de vingt-quatre heures, le consentement prescrit. Quant à savoir si l'agent de police qui a procédé à une arrestation illégale sur l'ordre exprès de ses supérieurs est punissable, nous croyons pouvoir abandonner cette question à la jurisprudence et nous dispenser d'en faire un cas d'espèce, ce qui nous mettrait d'ailleurs en contradiction avec l'article 28 du code pénal fédéral. Mentionnons encore les difficultés d'interprétation auxquelles a donné lieu le fait que certains cantons connaissent, outre l'arrestation proprement dite, la notion de la «mise en sûreté provisoire» et d'autres'mesures semblables auxquelles ne s'appliqueraient pas, estiment-ils, les dispositions relatives aux immunités. A l'encontre de cette opinion, nous avons déclaré aux chambres, précédemment déjà, que nous n'acceptons pas cette distinction, et qu'en droit fédéral nous reconnaissons uniquement la notion de l'arrestation, qui désigne tout acte par lequel la liberté individuelle est supprimée sur l'ordre des agents de la police ou autres chargés de la poursuite pénale.

X.

L'article 4 de la loi sur les garanties a été adapté à la législation pénale et à l'organisation actuelles. En même temps, nous avons éliminé, par à une réduction plus claire, quelques controverses d'interprétation. Comme dans la loi de 1851, la juridiction pénale fédérale est prévue non pas pour tous les délits dirigés contre les membres des autorités indiquées à l'article 7, mais seulement pour les infractions susceptibles de gêner ces personnes dans l'exercice de leurs fonctions. Le projet ne parle plus de crimes « commis contre la personne » -- dans lesquels on comprenait les voies de fait -- mais de crimes commis contre la vie et l'intégrité corporelle et contre la liberté.

Quant aux délits contre l'honneur, ils rentrent dans la juridiction du Tribunal fédéral seulement lorsque l'atteinte se rapporte à l'exercice de la

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fonction. Le code pénal fédéral renferme une disposition spéciale (art. 59) pour l'offense proférée contre certaines autorités dans l'exercice de leurs fonctions. Mais dès l'entrée en vigueur du code pénal suisse, la juridiction du Tribunal fédéral serait éliminée si la loi revisée sur les garanties ne renfermait pas une disposition sur la compétence. Les prescriptions actuelles sur la compétence du Tribunal fédéral (assises fédérales ou cour pénale fédérale) en matière de crimes et délits contre la Confédération et le pouvoir fédéral (art. 45 s. CPF) demeurent réservées (art. 112 Cst., 107 et 125 OJF, 73 CPF). En assujettissant des crimes et délits de droit cantonal à la juridiction du Tribunal fédéral, la loi entend disposer que ces infractions doivent être en premier lieu jugées par la cour pénale fédérale, mais qu'elles peuvent être déléguées aux autorités cantonales par décision spéciale du Conseil fédéral ou du département de justice et police.

XI.

Après les considérations de principe exposées sous chiffre I quant à l'adaptation de la nouvelle loi à celle de 1851, nous pouvons nous prononcer succinctement au sujet des articles suivants. L'article 8 reproduit la disposition de l'article 5 actuel, en la complétant par la disposition de la loi sur l'organisation judiciaire fédérale sur le domicile des juges fédéraux.

Au lieu de l'article 84 de la constitution fédérale de 1848, nous citons l'article 96 de celle de 1874. -- Comme nous l'avons déjà signalé, l'article 6 actuel est abrogé. Les articles 9 à 13 correspondent intégralement aux articles 7 à 11 de la loi de 1851. L'article 14 reproduit quant au fond l'article 12 actuel, mais tient compte du fait que l'article 179 de la loi sur l'organisation judiciaire, qui attribue au Tribunal fédéral le soin de trancher les contestations relatives à l'interprétation de l'article 9 (nouveau) a été abrogé et remplacé par l'article 18 de la loi du 11 juin 1928 sur la juridiction administrative et disciplinaire. Les articles 15 et 16 abrogent la loi actuelle et nous chargent de mettre la nouvelle en vigueur. La disposition transitoire de l'article 13 actuel est supprimée, car elle n'a plus qu'une signification historique.

En vous recommandant d'adopter le projet de loi ci-annexé, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 9 octobre 1933.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, SCHULTHESS, Le chancelier de la Confédération, KAESLIN.

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(Projet.)

Loi fédérale sur

les garanties politiques et de police en faveur de la Confédération.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu le message du Conseil fédéral du 9 octobre 1933, arrête:

Article premier.

1

Durant les sessions de l'Assemblée fédérale, aucun député ne peut être recherché ni poursuivi pour un crime ou délit qui n'a pas trait à l'exercice de ses fonctions, si ce n'est avec son consentement ou avec l'autorisation du conseil auquel il appartient.

2 L'arrestation préventive pour présomption de fuite demeure réservée ; l'autorité qui l'ordonne devra toutefois, dans les vingt-quatre heures, requérir directement le consentement du conseil intéressé, à moins que le député en cause ne l'ait donné lui-même par écrit.

Art. 2.

Lorsque, à l'ouverture d'une session, un député est déjà recherché ou poursuivi pour l'une des infractions visées à l'article 1er, il peut, par l'entremise du Conseil fédéral, demander au conseil auquel il appartient de le faire élargir ou d'annuler des citations à des débats importants. La requête n'a pas d'effet suspensif.

2 Pour les arrestations ordonnées au cours d'une session, il est procédé conformément à l'article 1er, 2e alinéa.

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Art. 3.

L'immunité ne peut pas être invoquée à l'égard d'une peine de détention, prononcée par un jugement passé en force, dont l'exécution a été ordonnée hors session.

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Art. 4.

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Les membres du Conseil fédéral, le chancelier de la Confédération et les représentants ou commissaires fédéraux ne peuvent être poursuivis au sens de l'article 1er que de leur propre consentement ou avec l'autorisation du Conseil fédéral.

2 Un juge fédéral ne peut être poursuivi dans les mêmes conditions que s'il y consent ou avec l'autorisation du Tribunal fédéral.

3 Les dispositions des articles 1 à 3 concernant l'ouverture ou la durée des sessions de l'Assemblée fédérale, s'appliquent par analogie au début ou à la durée des fonctions ou de la mission.

4 Les articles 1er, 2e alinéa, et 2, 2e alinéa, sont applicables par analogie.

,, Art. 5.

Si le Conseil fédéral, le Tribunal fédéral, le Conseil national ou le Conseil des Etats refusent d'autoriser la poursuite, l'autorité compétente pour l'exercer peut déférer leur décision à l'Assemblée fédérale, chambres réunies.

Art. 6.

Celui qui, sciemment et sans le consentement de l'intéressé ou l'autorisation du conseil compétent, opère ou ordonne l'arrestation de personnes protégées par les articles précédents ou omet de requérir le consentement prescrit à l'article 1er, 2e alinéa, sera puni conformément à l'article 60 du code pénal fédéral du 4 février 1853. Demeurent réservées les arrestations préventives prévues aux articles 1er, 2e alinéa, et 2, 2e alinéa.

Art. 7.

Les crimes et délits contre la vie, l'intégrité corporelle et contre la liberté commis sur la personne de membres du Conseil fédéral ou du chancelier de la Confédération sont jugés par le Tribunal fédéral. Il en est de même des crimes et délits contre l'honneur, dans la mesure où ils se rapportent à la gestion de ces magistrats.

2 Les infractions susvisées r essor tissent également à la juridiction fédérale lorsqu'elles sont commises sur la personne de membres de l'Assemblée fédérale ou du Tribunal fédéral, de jurés fédéraux, du procureur, général de la Confédération ou de juges d'instruction fédéraux, de suppléants ou remplaçants de ces fonctionnaires, ou de représentants ou commissaires fédéraux, pendant que ces personnes se trouvent effectivement au service de la Confédération.

3 Demeurent réservées les dispositions concernant la compétence du Tribunal fédéral à l'égard des crimes et délits contre la Confédération et les pouvoirs fédéraux.

1

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Art. 8.

Les membres du Conseil fédéral et du Tribunal fédéral, de même que le chancelier de la Confédération, conservent leur domicile politique et civil dans le canton où ils ont droit de cité. S'ils possèdent le droit de cité dans plusieurs cantons, ils seront considérés, pour l'application de l'article 96 de la constitution fédérale, comme citoyens du canton où ils avaient leur domicile lors de leur élection, et s'ils n'étaient domiciliés dans aucun de ces cantons, comme citoyens de celui où leur droit de cité est le plus ancien.

Ils sont placés sous la souveraineté et sous la législation de ce canton pour tout ce qui les concerne comme particuliers. Ce principe ne s'applique cependant pas à la possession d'immeubles ni aux impôts indirects.

Art. 9.

La caisse fédérale et tous les fonds administrés par la Confédération, ainsi que les immeubles, établissements et matériaux affectés directement à un but fédéral, échappent aux impôts directs des cantons.

Art. 10.

Les cantons sont responsables de tout enlèvement ou détérioration de biens de la Confédération occasionné par des troubles intérieurs.

Art. 11.

Lorsque, par suite de troubles, le Conseil fédéral juge la sûreté des autorités fédérales menacée à leur siège, il a le droit, abstraction faite des mesures de sûreté prévues dans la constitution, de transporter ses séances dans un autre lieu et d'y convoquer l'Assemblée fédérale.

Art. 12.

Si, par suite d'une émeute ou de tout autre acte de violence, le Conseil fédéral se trouve hors d'état d'agir, le président du Conseil national ou, en cas d'empêchement, le président du Conseil des Etats est tenu de convoquer immédiatement les conseils législatifs dans n'importe quel canton.

Art. 13.

1

Les bâtiments à l'usage des autorités fédérales sont sous la police immédiate de celles-ci.

2 Pendant les sessions de l'Assemblée fédérale, chaque conseil exerce la police dans la salle de ses séances.

506

Art. 14.

1

Les contestations qui pourraient s'élever relativement à l'application de la présente loi sont de la compétence de l'Assemblée fédérale, chambres réunies. Font exception les litiges relatifs à l'application de l'article 9, qui ressortissent au Tribunal fédéral.

2 Le Conseil fédéral prend les mesures provisoires qui pourraient être nécessaires.

Art. 15.

La présente loi abroge celle du 23 décembre 1851 sur les garanties politiques et de police en faveur de la Confédération.

Art. 16.

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente, loi.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision de la loi du 23 décembre 1851 sur les garanties politiques et de police en faveur de la Confédération. (Du 9 octobre 1933.)

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Jahr

1933

Année Anno Band

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Volume Volume Heft

43

Cahier Numero Geschäftsnummer

3019

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

18.10.1933

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493-506

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