18.052 Message concernant l'initiative populaire «Pour un congé de paternité raisonnable ­ en faveur de toute la famille» du 1er juin 2018

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Pour un congé de paternité raisonnable ­ en faveur de toute la famille», en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

1er juin 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2018-0757

3825

Condensé L'initiative populaire «Pour un congé de paternité raisonnable ­ en faveur de toute la famille» prévoit d'obliger la Confédération à instaurer un congé de paternité légal d'au moins quatre semaines financé par les allocations pour perte de gain (APG). Un tel congé entraînerait des charges supplémentaires pour l'économie et poserait de grands défis organisationnels aux entreprises. Le Conseil fédéral reconnaît certes le bien-fondé du congé de paternité; il estime cependant qu'il est prioritaire d'élargir l'offre d'accueil extra-familial pour enfants. Il invite donc le Parlement à recommander au peuple et aux cantons le rejet de l'initiative sans proposer de contre-projet direct ou indirect.

Contexte Lancée par le comité d'initiative «Le congé paternité maintenant!», composé des organisations faîtières Travail.Suisse, männer.ch, Alliance F et Pro Familia Suisse, l'initiative populaire «Pour un congé de paternité raisonnable ­ en faveur de toute la famille» a été déposée le 4 juillet 2017, munie de 107 075 signatures valables.

Les auteurs de l'initiative demandent l'instauration d'un congé de paternité inscrit dans le droit fédéral et financé par le régime des APG.

Contenu du projet L'initiative vise à confier à la Confédération la tâche d'instaurer une assurancepaternité. Les pères doivent avoir droit à au moins quatre semaines de congé de paternité. L'allocation de paternité doit être réglée de manière analogue à l'allocation de maternité.

La base constitutionnelle actuelle suffit pour permettre à la Confédération d'instaurer un congé de paternité, mais l'adaptation proposée l'y obligerait.

À l'heure actuelle, les pères disposent en général d'un droit à un ou deux jours de congé rémunéré pour la naissance de leur enfant. Cette durée peut être allongée par des dispositions contractuelles.

D'après les estimations de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), un congé de paternité de quatre semaines financé par le régime des APG coûterait environ 420 millions de francs par année. Ces coûts représenteraient des charges supplémentaires pour les entreprises qui seraient aussi confrontées à de grands défis organisationnels. C'est pourquoi le Conseil fédéral est d'avis que l'introduction d'un congé de paternité doit rester de la responsabilité des employeurs ou des partenaires sociaux,
comme c'est le cas actuellement.

En matière de politique familiale, le Conseil fédéral accorde une importance primordiale aux mesures visant à améliorer l'offre d'accueil extra-familial pour enfants. Comparées à un congé de paternité inscrit dans la loi, ces mesures portent leurs fruits non seulement pendant la période qui suit immédiatement la naissance de l'enfant, mais aussi par la suite, en permettant aux pères et aux mères de mieux

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concilier vie familiale et vie professionnelle. Par ailleurs, elles présentent un rapport plus favorable entre coûts et bénéfices.

Proposition du Conseil fédéral Le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales, par le présent message, de recommander, sans contre-projet direct ou indirect, au peuple et aux cantons le rejet de l'initiative populaire «Pour un congé de paternité raisonnable ­ en faveur de toute la famille».

3827

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire fédérale «Pour un congé de paternité raisonnable ­ en faveur de toute la famille» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 116

Titre, al. 3 et 4 Allocations familiales, assurance-maternité et assurance-paternité

Elle [la Confédération] institue une assurance-maternité et une assurance-paternité.

Elle peut également soumettre à l'obligation de cotiser les personnes qui ne peuvent bénéficier des prestations d'assurance.

3

Elle peut déclarer obligatoires l'affiliation à une caisse de compensation familiale, l'assurance-maternité et l'assurance-paternité, de manière générale ou pour certaines catégories de personnes, et faire dépendre ses prestations d'une juste contribution des cantons.

4

Art. 197, ch. 122 Disposition transitoire ad art. 116, al. 3 et 4 (Assurance-paternité) Un droit à un congé de paternité d'au moins quatre semaines est inscrit dans le code des obligations3. L'allocation de paternité est réglée dans la loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain4 de manière analogue à l'allocation de maternité.

1

Si les dispositions d'exécution de la modification de l'art. 116, al. 3 et 4, ne sont pas entrées en vigueur trois ans après son acceptation par le peuple et les cantons, le Conseil fédéral, à cette échéance, les édicte provisoirement par voie d'ordonnance.

2

1.2

Aboutissement et délais de traitement

Lancée par le comité d'initiative «Le congé paternité maintenant!», composé des organisations faîtières Travail.Suisse, männer.ch, Alliance F et Pro Familia Suisse, l'initiative populaire «Pour un congé de paternité raisonnable ­ en faveur de toute la

1 2 3 4

RS 101 Le numéro définitif de la présente disposition transitoire sera fixé par la Chancellerie fédérale après le scrutin.

RS 220 RS 834.1

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famille» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale5 le 10 mai 2016 et a été déposée le 4 juillet 2017 avec le nombre requis de signatures.

Par décision du 2 août 2017, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 107 075 signatures valables et qu'elle avait donc abouti6.

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose pas de contre-projet direct ou indirect. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)7, le Conseil fédéral avait jusqu'au 4 juillet 2018 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a jusqu'au 4 janvier 2020 pour adopter la recommandation de vote qu'elle présentera au peuple et aux cantons.

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, de la Constitution (Cst.)8: a.

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

b.

elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c.

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

2

Contexte

2.1

Droit en vigueur

2.1.1

Dispositions du droit fédéral

Le congé de paternité n'est pas réglé par la loi. Après la naissance de son enfant, le père peut demander un congé à faire valoir comme «jour de congé usuel» en vertu de l'art. 329, al. 3, du code des obligations (CO)9. Un tel congé est considéré comme un congé spécial, que les employés peuvent prendre pour régler des affaires personnelles (par ex. visite chez le médecin, décès d'un proche, mariage, déménagement).

À l'heure actuelle, le père bénéficie en général d'un à deux jours de congé rémunéré après la naissance de son enfant, ces jours étant considérés comme usuels au sens de l'art. 329, al. 3, CO10. Par ailleurs, en vertu de l'art. 329, al. 4, CO, le congé doit être 5 6 7 8 9 10

FF 2016 3917 FF 2017 5145 RS 171.10 RS 101 RS 220 Arrêt du Tribunal fédéral du 7.4.1998, 4C.459/1997, consid. 4.

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accordé en tenant compte de toutes les circonstances du cas d'espèce. Les entreprises ont aussi la possibilité de prévoir des prestations plus généreuses. La durée du congé peut donc varier d'une entreprise et d'un employé à l'autre.

En outre, les pères ont la possibilité de prendre des jours de vacances après la naissance de leur enfant. En vertu de l'art. 329c CO, l'employeur doit toutefois approuver la période souhaitée.

2.1.2

Dispositions spécifiques aux branches et aux entreprises

Une convention collective de travail (CCT) ou une disposition contractuelle au niveau de l'entreprise peuvent permettre aux pères de prendre un congé de paternité plus long et généralement rémunéré.

Travail.Suisse a examiné la manière dont est réglé le congé de paternité dans 45 CCT, qui couvrent 75 à 80 % des employés bénéficiant d'une CCT11. Les résultats montrent que 46 % de ces employés ont droit à un ou deux jours de congé de paternité rémunéré, 46 % à trois ou cinq jours, et les 8 % restants à six jours ou plus12.

L'analyse menée par Travail.Suisse sur les réglementations dans 35 entreprises sélectionnées indique que ces dernières se montrent plus généreuses que les CCT examinées puisqu'elles prévoient un congé de paternité rémunéré d'une durée de cinq à vingt jours13. Il ressort du manuel PME «Travail et famille» du Secrétariat d'État à l'économie (SECO) que les petites et moyennes entreprises (PME) proposent elles aussi un congé de paternité, en général rémunéré et limité à quelques jours de congé14. Depuis peu, les entreprises multinationales introduisent des congés nettement plus généreux pour leurs employés15.

À tous les niveaux de l'État, le secteur public en tant qu'employeur peut aussi proposer un congé de paternité. Depuis le 1er juillet 2013, les collaborateurs de l'administration fédérale ont droit à dix jours de congé de paternité rémunéré. La plupart des administrations cantonales ainsi que des administrations communales des chefs11

12

13

14 15

Les 45 CCT analysées soit ont été déclarées de force obligatoire au niveau fédéral, soit concernent au moins 10 000 employés (renseignements de Travail.Suisse fournis par téléphone le 8.8.2017). La cohorte examinée représente environ 30 % du nombre total d'employés.

www.travailsuisse.ch > Thèmes > Égalité > Maternité et paternité > Vaterschaftsurlaub braucht dringend eine gesetzliche Basis [accessible dans la version allemande du site uniquement] > Fiche «Vaterschaftsurlaub in 45 Gesamtarbeitsverträgen» (état au 16.2.2018) www.travailsuisse.ch > Thèmes > Égalité > Maternité et paternité > Vaterschaftsurlaub braucht dringend eine gesetzliche Basis [accessible dans la version allemande du site uniquement] > Fiche «Vaterschaftsurlaub in 45 Gesamtarbeitsverträgen» (état au 16.2.2018) SECO 2016, p. 43 Par exemple, depuis le 1er septembre 2017, IKEA Suisse accorde à ses employés un congé de paternité d'une durée allant jusqu'à deux mois. Le groupe américain Johnson & Johnson a introduit fin 2017 un congé de paternité de huit semaines avec maintien du paiement du salaire pour tous ses employés à travers le monde. Chez Microsoft Suisse, les jeunes pères bénéficient depuis janvier 2018 d'un congé de six semaines avec maintien du paiement du salaire.

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lieux cantonaux et des grandes villes accordent un congé de paternité rémunéré d'une durée de cinq ou dix jours16.

2.2

Rapport du Conseil fédéral sur le congé de paternité et le congé parental

En octobre 2013, le Conseil fédéral a adopté le rapport en réponse au postulat Fetz du 6 juin 2011 (11.3492 «Congé parental et prévoyance familiale facultatifs»)17.

Dans son rapport, il dresse un état des lieux des conditions et du droit en vigueur en Suisse, au niveau international et dans différents États européens. Sur cette base, il analyse huit modèles de congé de paternité et de congé parental qui pourraient être inscrits dans la loi: Modèle 1:

Congé parental ou congé de paternité non rémunéré droit légal à un congé parental et/ou à un congé de paternité; durée à déterminer; pas de compensation de revenu.

Modèles 2 et 3:

Congé parental de seize semaines financé par l'épargne individuelle droit légal à un congé parental; financement par la prévoyance liée (pilier 3a) ou par capital d'épargne individuelle exonéré d'impôts.

Modèle 4:

Congé de paternité d'une semaine avec maintien du paiement du salaire droit légal à un congé de paternité; maintien du paiement du salaire.

Modèle 5:

Congé de paternité de quatre semaines financé par le régime des APG droit légal à un congé de paternité; allocation de paternité financée par le régime des APG.

Modèles 6, 7 et 8:

Congé parental rémunéré droit légal à un congé parental (de durée variable); allocation parentale financée par le régime des APG ou par financement mixte.

Le rapport présente les principales caractéristiques de chaque modèle (durée, prestation, financement, etc.), en estime les coûts et montre leurs avantages et inconvénients. Une synthèse permet de comparer les modèles en termes de coûts et de répercussions. Dans son rapport, le Conseil fédéral ne privilégie aucun des huit modèles présentés (voir ch. 4.2.3).

L'initiative populaire «Pour un congé de paternité raisonnable ­ en faveur de toute la famille» s'inspire du modèle 5.

16

17

www.travailsuisse.ch > Thèmes > Égalité > Maternité et paternité > Vaterschaftsurlaub braucht dringend eine gesetzliche Basis [accessible dans la version allemande du site uniquement] > Fiche «Vaterschaftsurlaub bei der öffentlichen Hand» (état au 16.2.2018) Conseil fédéral 2013

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2.3

Interventions parlementaires

Au cours des dernières années, de nombreuses interventions parlementaires ont été déposées pour demander l'examen ou l'introduction d'un congé de paternité dans le droit fédéral18. À l'exception du postulat Fetz du 6 juin 2011 (11.3492 «Congé parental et prévoyance familiale facultatifs»), le Parlement a jusqu'à présent rejeté tous les postulats et toutes les motions qui ont été traités (voir ch. 2.3)19.

Récemment, six interventions parlementaires ont été déposées pour demander, de manière analogue à l'initiative populaire, à ce que les pères aient eux aussi droit à un congé financé par le régime des APG à la suite de la naissance ou de l'adoption de leur enfant: ­

L'initiative parlementaire Romano du 12 décembre 2013 (13.478 «Introduire des allocations en cas d'adoption d'un enfant») demande l'introduction d'un congé d'adoption, dont le financement serait prévu dans la loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain (LAPG)20. La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) et son homologue du Conseil des Etats (CSSS-E) ont donné suite à cette initiative. Le 25 janvier 2018, la CSSS-N a adopté le projet de modification de la LAPG et l'a mis en consultation. L'avant-projet prévoit d'accorder aux parents exerçant une activité professionnelle un congé d'adoption de deux semaines financé par le régime des APG pour l'adoption d'un enfant de moins de quatre ans. Les parents adoptifs peuvent décider librement lequel des deux bénéficie du congé, ou choisir de le répartir entre eux comme ils l'entendent. L'administration estime les coûts d'un tel congé à moins de 200 000 francs par an. La procédure de consultation sur l'avant-projet accompagné du rapport explicatif a pris fin le 23 mai 2018.

­

La motion du groupe vert'libéral du 12 mars 2014 (14.3068) demande à «Remplacer l'allocation de maternité par un congé parental». Elle vise à permettre aux deux parents de bénéficier du congé de maternité de quatorze semaines existant, et à étendre ce congé à 20 semaines au plus s'ils choisissent de le répartir équitablement entre eux. La motion a été classée: elle n'a pas été traitée par le Parlement durant le délai imparti.

Cette motion n'est pas compatible avec la convention no 183 de l'Organisation internationale du travail du 15 juin 2000 (convention no 183 de l'OIT sur la protection de la maternité)21, qui est entrée en vigueur le 4 juin 2015 pour la Suisse. L'art. 4 de cette convention prévoit explicitement que toute femme a droit à un congé de maternité d'une durée de quatorze semaines, qui doit comprendre une période de congé obligatoire de six semaines immé-

18 19 20 21

Conseil fédéral 2013, p. 71 à 74 État au 23.3.2018 RS 834.1 RS 0.822.728.3

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diatement après l'accouchement. Ce congé doit être indemnisé et financé par une assurance sociale obligatoire ou par prélèvement sur des fonds publics22.

­

La motion Caroni du 18 mars 2014 (14.3109 «Congé parental. Davantage de liberté sans augmentation des coûts») demande à transformer le congé de maternité existant en un congé parental, ce qui permettrait au père de bénéficier d'une partie des quatorze semaines du congé de maternité. Cette motion a aussi été classée: elle n'a pas été traitée par le Parlement durant le délai imparti. Elle est également incompatible avec la convention no 183 de l'OIT sur la protection de la maternité.

­

L'initiative parlementaire Candinas du 21 mars 2014 (14.415 «Deux semaines de congé-paternité payé par le régime des APG») demande à adapter la LAPG et le CO de sorte que les pères aient droit à deux semaines de congé de paternité rémunéré après la naissance d'un enfant, tout comme les mères ont droit à un congé de maternité. Lors de l'examen préalable, les commissions compétentes, à une courte majorité, n'ont pas donné suite à cette initiative.

­

L'initiative parlementaire (Kessler) Weibel du 8 juin 2015 (15.434) demande à «Octroyer le congé de maternité au père en cas de décès de la mère».

Elle vise à modifier en conséquence la LAPG et le CO afin que, en cas de décès de la mère, le congé de maternité de quatorze semaines soit octroyé intégralement au père dans les quatorze semaines qui suivent la naissance de l'enfant. La CSSS-N a donné suite à cette initiative. Ce projet est en cours de discussion au Parlement.

­

L'initiative parlementaire Bertschy du 17 juin 2016 (16.453 «Congé de 14 semaines pour chacun des parents à condition que tous deux travaillent») demande à remplacer l'allocation de maternité par un congé parental. Elle vise à compléter l'actuelle allocation de maternité de quatorze semaines par une allocation de paternité de quatorze semaines, le droit à l'allocation de paternité n'étant accordé que si les deux parents exercent une activité lucrative. Le Conseil national n'a pas donné suite à cette initiative.

3

Buts et contenu de l'initiative

3.1

Buts de l'initiative

Les auteurs de l'initiative populaire ont exposé les contours et les buts de leur initiative dans un argumentaire23. Les développements qui suivent se basent sur ces explications.

22

23

La convention est entrée en vigueur le 7.2.2002. Elle a été ratifiée en 2014 par la Suisse, qui l'applique depuis le 4.6.2015. Elle ne peut être dénoncée par un de ses membres qu'à l'expiration de périodes de dix années à compter de la date de sa mise en vigueur initiale (art. 16). La prochaine période de dénonciation possible se situe entre le 7.2.2022 et le 7.2.2023. La Suisse ayant ratifié cette convention récemment, une dénonciation de sa part pourrait cependant nuire à sa réputation.

www.conge-paternite.ch > Initiative > Argumentaire (état au 18.2.2018)

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Selon les auteurs de l'initiative, de nos jours, les jeunes pères veulent prendre leurs responsabilités au sein de la famille dès la naissance de leur premier enfant dès le début de la vie familiale. Toutefois, les conditions actuelles ne le leur permettraient pas, car ils dépendent trop souvent de la bonne volonté des employeurs pour pouvoir prendre un congé de paternité. Les congés de paternité accordés volontairement par l'employeur resteraient l'exception. Or, toujours d'après les auteurs de l'initiative, les jours et les semaines qui suivent la naissance sont une phase décisive pour l'établissement de liens entre l'enfant et le père ainsi que pour permettre à celui-ci d'acquérir des compétences paternelles. Le congé de paternité renforcerait l'engagement des pères au sein de la famille à long terme, bien après qu'il soit achevé.

Les auteurs de l'initiative considèrent qu'aujourd'hui, les mères sont trop souvent livrées à elles-mêmes après la naissance. Quelques jours à peine après l'accouchement, alors qu'elles manquent de sommeil et doivent encore se remettre des séquelles physiques et psychiques de l'événement, elles se retrouvent à assumer seules la responsabilité du nouveau-né et de leurs autres enfants, le cas échéant. Le congé de paternité apporterait sérénité, stabilité et sentiment de sécurité dans la famille. Assistée par le père, la jeune mère se remettrait plus rapidement de l'accouchement.

Pour les auteurs de l'initiative, les enfants ont besoin de leur mère et de leur père dès qu'ils viennent au monde. Ils devraient pouvoir évoluer d'emblée dans un univers familial empreint de tranquillité et de sécurité et une plus grande présence du père leur serait bénéfique. Des études auraient montré que les enfants de pères plus impliqués dans la vie familiale sont en meilleure santé, plus heureux et réussissent mieux dans la vie. Un père qui s'investirait dès la naissance de son enfant renforcerait pour toujours son lien avec lui. Les enfants auraient besoin d'être proches à la fois de leur mère et de leur père; cela leur permettrait de découvrir dès leur plus jeune âge la diversité des relations humaines.

Selon les auteurs de l'initiative, la naissance d'un enfant continue de préjudicier fortement les perspectives professionnelles des femmes. Après l'introduction du congé de paternité,
il serait normal que les pères soient aussi absents du travail de temps à autre pour s'occuper de leur famille. Cela permettrait de rétablir un certain équilibre entre les positions des hommes et des femmes sur le marché du travail. Le congé de paternité favoriserait une répartition plus juste des risques liés à la profession et à la carrière inhérents à la création d'une famille. Les perspectives professionnelles des femmes s'en trouveraient améliorées et les mères seront moins nombreuses à interrompre leur parcours professionnel.

Les auteurs de l'initiative estiment que le congé de paternité fait de la fondation d'une famille un véritable projet de couple et qu'il confère sécurité et stabilité à la famille. Le congé de paternité favorise les modèles familiaux égalitaires, améliore les relations de couple et les stabilise du fait que les deux parents partagent aussi bien l'expérience professionnelle que familiale. Il serait prouvé qu'une séparation ou un divorce se passe mieux entre deux partenaires qui ont supporté ensemble la responsabilité parentale dès le début. En outre, les familles où les deux parents restent professionnellement actifs courent moins de risques économiques que les familles traditionnelles à un seul revenu.

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Selon les auteurs de l'initiative, un des avantages du congé de paternité est de permettre à l'économie d'utiliser le potentiel professionnel des mères. L'implication des pères au sein de la famille favoriserait l'engagement des mères au travail. Le congé de paternité contribuerait donc à une plus forte participation professionnelle des mères et constituerait dès lors une arme puissante pour lutter contre la pénurie de personnel qualifié. Un congé de paternité financé par le biais des assurances sociales serait abordable pour toutes les entreprises, pas seulement les plus grandes, et mettrait fin au caractère arbitraire de la situation actuelle. Inscrire un droit au congé dans la loi offrirait un avantage concurrentiel aux entreprises suisses, sur le plan international. Élément essentiel de toute politique familiale d'avenir, le congé de paternité favoriserait la prospérité et la croissance économique.

Les auteurs de l'initiative soulignent par ailleurs que ce congé est un investissement social judicieux qui contribuerait à rajeunir notre société. Si la politique pouvait améliorer les conditions de vie des familles, le taux de natalité augmenterait, ce qui stabiliserait ultérieurement les assurances sociales. Enfin, le congé de paternité renforcerait la présence des pères dans la famille, ce qui contribuerait à désamorcer bon nombre de problèmes sociétaux.

3.2

Contenu de l'initiative

L'initiative demande une modification de l'art. 116, al. 3 et 4, Cst. afin d'obliger la Confédération à instaurer une assurance-paternité. En outre, une nouvelle disposition transitoire ad art. 116, al. 3 et 4, Cst. demande qu'un congé de paternité d'au moins quatre semaines soit inscrit dans le CO, et qu'une allocation de paternité soit réglée dans la LAPG, de manière analogue à l'allocation de maternité.

3.3

Commentaire du texte de l'initiative

Les auteurs de l'initiative populaire fournissent les commentaires24 suivants: Dans la LAPG, un congé de quatre semaines correspond à 28 jours, car des indemnités journalières pour perte de gain sont aussi versées pour les week-ends. Il faudrait donc adapter la LAPG de façon à ce que le congé de paternité donne droit au maximum à 28 indemnités journalières. Considérant que les pères bénéficient dans les faits d'un congé de 20 jours ouvrés, les auteurs ont utilisé ce chiffre dans leur communication.

Selon les auteurs de l'initiative, les pères doivent pouvoir prendre leur congé dans le courant de l'année qui suit la naissance. À la différence du congé de maternité, le congé de paternité devrait être modulable. Le père pourrait prendre les vingt jours d'affilée, en plusieurs fois ou sous la forme d'une réduction temporaire du taux d'occupation (par ex. en réduisant le taux d'occupation de 20 % sur une durée de 20 semaines). Ces diverses possibilités doivent pouvoir être combinées.

24

www.conge-paternite.ch > Initiative > Argumentaire (état au 18.2.2018)

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3.4

Interprétation du texte de l'initiative

La mise en oeuvre de l'initiative populaire nécessite, d'une part, une base légale pour l'introduction du droit au congé de paternité et, d'autre part, une base légale pour sa compensation financière.

S'agissant de l'introduction du droit au congé, il faudrait intégrer dans le CO une nouvelle disposition relative aux obligations de l'employeur en matière de congés et de vacances (art. 329 à 329f) stipulant le droit à un congé de paternité d'une durée minimale de quatre semaines. En vertu de l'art. 122, al. 1, Cst., la législation en matière de droit civil relève de la compétence de la Confédération. Celle-ci a rempli son mandat notamment en édictant le code civil25 et le CO.

En ce qui concerne la compensation financière du congé de paternité, de nouvelles dispositions devraient être inscrites dans la LAPG et dans le règlement du 24 novembre 2004 sur les allocations pour perte de gain (RAPG)26 afin d'accorder aux pères une allocation de paternité pendant la durée du congé. L'art. 116, al. 3, Cst. prévoit que la Confédération institue une assurance-maternité. Cet article autorise la Confédération à étendre aux pères les indemnités pour perte de gain de l'assurancematernité27.

La Confédération dispose donc déjà d'une base constitutionnelle suffisante pour instaurer un congé de paternité légal indemnisé par le régime des APG. Quant à la disposition constitutionnelle demandée par l'initiative, elle l'obligerait à le faire.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Appréciation des buts de l'initiative

Le Conseil fédéral attache de l'importance à la promotion de conditions de travail favorables aux familles. Dans ce contexte, le congé de paternité peut favoriser une répartition plus équitable des rôles au sein de la famille en permettant à la mère et au père de participer intensivement à la garde et à l'éducation de l'enfant dès la naissance. Les deux parents peuvent ainsi assumer leurs tâches familiales sans être contraints pour cela de renoncer à l'exercice d'une activité professionnelle28. À l'instar des auteurs de l'initiative, le Conseil fédéral considère qu'un congé de paternité serait bénéfique pour les pères, les mères, les couples et les enfants. Il ne s'oppose donc pas à l'idée d'un tel congé.

Le Conseil fédéral est cependant défavorable à l'instauration d'un congé de paternité obligatoire sur le plan légal. D'une part, parce qu'un tel congé entraînerait des charges supplémentaires pour les entreprises et serait compliqué à gérer sur le plan de l'organisation. D'autre part, parce qu'il considère comme prioritaire le développement d'une offre d'accueil extra-familial qui réponde aux besoins. Le Conseil fédéral souligne le rôle essentiel des places d'accueil en ce qu'elles permettent aux 25 26 27 28

RS 210 RS 834.11 Conseil fédéral 2013, p. 32 à 37 Conseil fédéral 2013, p. 66

3836

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parents de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle non seulement juste après la naissance de l'enfant, mais aussi tout au long de la petite enfance et lorsque l'enfant est en âge scolaire. Par ailleurs, ces mesures présentent un rapport plus favorable entre coûts et bénéfices.

4.2

Conséquences en cas d'acceptation de l'initiative

4.2.1

Conséquences financières

S'appuyant sur une estimation établie par le Conseil fédéral en 2013, les auteurs de l'initiative estiment que l'instauration d'un congé de paternité occasionnerait des coûts d'environ 380 millions de francs par an29.

Selon une estimation plus récente de l'OFAS, un congé de paternité de quatre semaines financé par le régime des APG coûterait près de 420 millions de francs par an, ce qui correspond à 0,11 point de pourcentage de cotisation APG. Pour financer le congé de paternité, le taux actuel de cotisation APG de 0,45 % devrait donc être porté à 0,56 %. L'OFAS part de l'hypothèse que le congé de paternité serait instauré en 2021. Une majoration du taux de cotisation de 0,11 point à partir de 2021 permettrait de garantir l'équilibre du résultat de répartition du régime des APG compte tenu de l'actuel scénario de développement économique et démographique.

Les coûts pour le secteur public en tant qu'employeur varieraient, puisque la durée du congé de paternité accordé actuellement aux employés par la Confédération, les cantons et les communes varie (voir ch. 2.2). La plupart des employeurs du secteur public seraient obligés de prolonger quelque peu le congé. Les coûts supplémentaires qui en résulteraient seraient partiellement compensés par le fait que les employés y participeraient à part égale avec l'employeur.

En ce qui concerne les coûts du régime des APG, il importe de mentionner l'impact de trois autres projets législatifs en cours qui prévoient une indemnisation pour la garde des enfants ou des proches dépendants:

29

­

l'introduction mentionnée au ch. 2.4 d'une allocation d'adoption en réponse à l'initiative parlementaire Romano (13.478; coûts estimés à moins de 200 000 francs par année);

­

l'introduction d'un congé financé par le régime des APG pour les parents professionnellement actifs d'enfants gravement malades ou victimes d'un accident dans le cadre de la mise en oeuvre du «Plan d'action de soutien et de décharge en faveur des proches aidants» (coûts estimés à 80 millions de francs par année au maximum suivant la configuration choisie);

­

la motion de la CSSS-E (16.3631) «Rallonger la durée de l'allocation de maternité en cas de séjour prolongé du nouveau-né à l'hôpital» (coûts estimés à 5,5 millions de francs par année).

Conseil fédéral 2013, p. 52

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4.2.2

Conséquences pour les entreprises et la compétitivité de l'économie suisse

Les coûts sont la principale raison pour laquelle le Conseil fédéral s'oppose à l'instauration d'un congé de paternité légal tel que le demande l'initiative. Le relèvement du taux de cotisation APG de 0,11 point de pourcentage engendrerait une charge financière supplémentaire pour les employeurs.

En outre, l'introduction d'un congé de paternité légal limiterait considérablement les entreprises dans leur liberté organisationnelle.

L'instauration d'un congé de paternité à titre facultatif est un argument concurrentiel qui permet à l'entreprise d'attirer de jeunes collaborateurs et de les fidéliser avant et après la naissance d'un enfant. Une étude réalisée aux États-Unis montre que les coûts de la fluctuation de l'effectif sont considérables pour les entreprises.

Les auteurs de l'initiative soulignent que des mesures favorables aux familles, comme un congé parental ou des conditions de travail flexibles, contribuent à fidéliser les employés et donc à réduire les coûts occasionnés par la fluctuation de l'effectif30. Le manuel PME «Travail et famille du SECO» avance des arguments similaires en faveur des congés pour les parents: loyauté du personnel envers l'entreprise, motivation au travail, engagement et satisfaction du personnel, attractivité de l'entreprise sur le marché du travail et part plus élevée de femmes qui restent en emploi après la naissance d'un enfant31. Les exemples présentés dans le manuel montrent qu'il existe également, en Suisse, des PME qui offrent un congé de paternité à leurs employés.

En comparaison d'un congé de paternité imposé par la loi, une solution facultative qui laisse aux entreprises le choix du modèle permet à ces dernières de trouver des solutions adéquates pour gérer en interne les coûts allant au-delà du minimum légal.

Ainsi, une PME pour laquelle un doublement des frais de personnel ne serait pas financièrement supportable pourrait opter pour une solution intermédiaire moins coûteuse, par exemple sous la forme d'un crédit-vacances supplémentaire (transformation du 13e salaire ou d'heures supplémentaires en un congé)32. L'employé et l'employeur pourraient se concerter et trouver ensemble une solution qui tienne compte tant des besoins individuels de l'employé que des impératifs d'exploitation de l'employeur. Le Conseil fédéral considère que cette façon
pragmatique d'offrir des conditions de travail favorables aux familles est celle qui respecte au mieux les divers besoins et possibilités variables des entreprises.

L'instauration d'un congé de paternité légal obligatoire placerait quant à lui les entreprises, en particulier les PME, devant des défis organisationnels considérables.

Leur marge de manoeuvre pour trouver des solutions flexibles serait considérablement restreinte. Une obligation légale aurait des incidences non seulement sur un éventuel congé de paternité, mais aussi sur d'autres mesures visant à créer des conditions de travail favorables aux familles. Ainsi, une entreprise dans laquelle l'extension de la garderie interne serait jugée plus utile qu'un congé de paternité devrait 30 31 32

Boushey et Glynn 2012, p. 4 SECO 2016, p. 41 SECO 2016, p. 42

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éventuellement renoncer à cette solution pour des raisons financières et organisationnelles.

Le Conseil fédéral privilégie donc un congé de paternité fondé sur des bases contractuelles plutôt qu'imposé par la loi. Il estime qu'il s'agit de la meilleure façon de tenir compte des besoins des parties contractantes et des branches professionnelles.

4.2.3

Conséquences sur l'objectif de concilier famille et travail

Ces dernières années, le Conseil fédéral a publié plusieurs rapports dont il ressort que la priorité en matière de politique familiale est d'améliorer les possibilités de concilier la vie familiale et la vie professionnelle33.

Dans son rapport sur le congé de paternité et le congé parental (voir ch. 2.3), le Conseil fédéral privilégie différentes mesures permettant de mieux concilier la vie familiale et la vie professionnelle. Il constate certes que le congé de paternité et le congé parental comptent parmi les mesures qui permettent d'atteindre cet objectif, mais il accorde la priorité au développement d'une offre d'accueil extra-familial et parascolaire qui réponde aux besoins, étant donné que ces structures apportent un soutien précieux aux parents non seulement dans la période qui suit immédiatement la naissance de l'enfant, mais aussi par la suite, et notamment lorsque l'enfant est en âge scolaire34.

Les mesures préconisées par le Conseil fédéral dans le cadre de l'initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié privilégient également la promotion des offres d'accueil extra-familial des enfants35.

Le Conseil fédéral et le Parlement ont mis sur pied diverses mesures à cette fin: ­

33

34 35 36 37

La loi fédérale du 4 octobre 2002 sur les aides financières à l'accueil extrafamilial pour enfants36 est entrée en vigueur le 1er février 2003. Elle consiste en un programme d'impulsion limité dans le temps, destiné à encourager la création de places supplémentaires pour l'accueil de jour des enfants, en vue de permettre aux parents de mieux concilier famille et travail ou formation.

Depuis l'entrée en vigueur de cette loi il y a quinze ans, la Confédération a soutenu la création de près de 57 400 places d'accueil pour un total de 370 millions de francs37. La Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil national (CSEC-N) demande la prolongation du programme d'impulsion pour quatre nouvelles années et de prévoir des moyens financiers à hauteur de 130 millions de francs. Le Conseil fédéral rappelle que la compétence première en matière d'accueil extra-familial pour les enwww.admin.ch > Documentation > Communiqués > Communiqués du Conseil fédéral du 21 mai 2015 «Soutien accru à l'accueil extra-familial des enfants pour favoriser la conciliation vie professionnelle vie familiale» (état au 27.2.2017); www.parlament.ch > 12.3144 et 01.3733 > rapport en réponse aux interventions parlementaires: p. 55.

Conseil fédéral 2013, p. 64 www.personnelqualifie-suisse.ch > Travail et famille (état au 16.2.2018) RS 861 État au 1.2.2018

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fants appartient aux cantons et aux communes, tandis que le rôle de la Confédération reste subsidiaire. Il invite par conséquent les cantons et les communes à exploiter pleinement leur marge de manoeuvre et ainsi, après une période de programme de seize ans au total, garantir de manière autonome une offre adaptée aux besoins. Pour cette raison, dans son avis du 16 mai 2018 à l'intention de la CSEC-N, le Conseil fédéral s'est exprimé contre une prolongation du programme d'impulsion pour quatre années supplémentaires. Le Conseil national traitera cet objet lors de la session d'été 2018.

­

Le 29 juin 2016, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le message concernant la modification de la loi fédérale sur les aides financières à l'accueil extra-familial pour enfants. Le projet prévoit l'introduction de deux aides financières supplémentaires. L'objectif est, d'une part, de réduire les frais de garde des enfants pour les parents par un investissement accru dans les offres d'accueil et, d'autre part, de mieux adapter l'offre aux besoins des parents. Pour ces deux nouvelles aides financières, le Conseil fédéral a demandé un crédit d'engagement d'un montant maximal de 100 millions de francs pour une durée de cinq ans. Le Parlement a approuvé ce projet le 16 juin 201738. Les nouvelles dispositions légales et réglementaires entreront en vigueur le 1er juillet 2018.

­

Selon le droit en vigueur, une déduction maximale de 10 100 francs par enfant et par an est admise dans le cadre de l'impôt fédéral direct au titre des frais de garde des enfants par des tiers dont le contribuable apporte la preuve.

Dans le cadre des impôts cantonaux, le montant de la déduction varie entre 3000 et 20 400 francs par enfant et par an. Dans un canton, tous les frais de garde des enfants par des tiers dont le contribuable apporte la preuve peuvent être déduits du revenu. Dans le cadre de l'impôt fédéral direct (IFD), les parents devront à l'avenir avoir la possibilité de déduire de leur revenu jusqu'à 25 000 francs par an et par enfant. Le 9 mai 2018, le Conseil fédéral a approuvé à cet effet un message à l'intention du Parlement.

Le Conseil fédéral maintient ses priorités en matière de politique familiale. Il entend développer l'offre d'accueil extra-familial et parascolaire dont bénéficient non seulement les jeunes familles, mais aussi les parents d'enfants plus âgés. Ces offres jouent un rôle crucial puisqu'elles permettent aux mères et aux pères de concilier famille et travail pendant toute la période où leurs enfants ont besoin de garde.

Le Conseil fédéral est d'avis que les mesures de promotion des possibilités de garde extra-familiale des enfants fournissent une contribution plus précieuse et plus durable à l'objectif de concilier famille et travail que l'instauration du congé de paternité que proposent les auteurs de l'initiative. Par ailleurs, elles présentent un rapport plus favorable entre coûts et bénéfices.

38

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4.2.4

Conséquences sur l'égalité entre femmes et hommes

En Suisse, il existe des différences considérables en ce qui concerne la participation des mères et des pères au marché de l'emploi ainsi que leur engagement dans la garde des enfants et le travail domestique. Dans une famille où le plus jeune enfant a moins de sept ans, la mère consacre environ 58 heures par semaine aux tâches familiales et domestiques non rémunérées, soit près de deux fois plus que le père (33 h par semaine). Par contre, le père investit beaucoup plus de temps dans son activité professionnelle, environ 38 heures par semaine, contre 14 heures pour la mère39.

La question se pose de savoir en quoi l'acceptation de l'initiative influencerait la répartition du travail rémunéré et non rémunéré entre les pères et les mères. En soi, la création d'un droit légal au congé de paternité ne suffit pas à rendre plus égalitaire la répartition des tâches au sein de la famille. Pour cela, il faudrait que les pères fassent réellement valoir leur droit au congé. Les résultats d'études scientifiques menées dans des pays qui connaissent déjà depuis de longues années un droit légal au congé de paternité ou au congé parental fournissent des indications concernant les conditions dans lesquelles les pères prennent leur congé: il doit s'agir d'un droit individuel au congé non transmissible entre parents, le congé doit être suffisamment rémunéré et il doit reposer sur un financement collectif40. Un autre facteur qui a une incidence sur la répartition du travail entre les mères et les pères est lié à la durée du congé ou du recours effectif au congé. Des études scientifiques réalisées à l'étranger montrent que les pères ayant pris un congé de paternité d'au moins deux à quatre semaines s'engagent davantage au sein de la famille41. L'initiative populaire exige l'introduction d'un congé minimal de quatre semaines, réservé exclusivement au père. Elle prévoit un taux de remplacement du salaire élevé de 80 %, financé par les assurances sociales. Compte tenu des études susmentionnées, on peut conclure qu'un congé de paternité ainsi conçu est susceptible de favoriser une répartition plus égalitaire du travail familial et domestique non rémunéré entre les mères et les pères.

Il faut cependant qu'il devienne aussi naturel pour les pères de recourir au congé de paternité qu'il l'est pour les mères de prendre un
congé de maternité. À cette condition, la mise en oeuvre de l'initiative contribuerait à réduire la discrimination des mères en ce qui concerne l'emploi, la promotion professionnelle, le salaire et la formation continue, parce que le risque lié à la parentalité serait mieux réparti entre les parents.

4.3

Comparaison internationale

Les deux types de congés dont bénéficient les pères dans d'autres pays sont décrits ci-après42.

39 40 41 42

www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home.html > Actualités > Communiqués de presse > Communiqué de presse de l'OFS du 11.7.2017 «Travail non rémunéré 2016» (état au 11.4.2018) Valarino 2017, p. 1 Valarino 2017, p. 3 Blum et al. 2017, p. 5

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Comme son nom l'indique, le congé de paternité est généralement réservé au père.

La plupart du temps, il doit être pris peu après la naissance de l'enfant et son but est de permettre au jeune père de passer du temps avec le nouveau-né, la mère et, le cas échéant, les frères ou soeurs aînés.

Le congé parental est destiné aux pères et aux mères. En règle générale, ce congé offre au père et à la mère les mêmes possibilités de s'occuper de l'enfant. D'ordinaire il peut seulement être pris à la suite du congé maternité. Dans certains cas, les parents peuvent choisir de le percevoir, entièrement ou partiellement, sous la forme d'une réduction du temps de travail.

Conformément à la directive 2010/18/UE du 8 mars 201043, tous les pays membres de l'Union européenne (UE) doivent accorder un congé parental d'une durée minimale de quatre mois aux mères et aux pères qui exercent une activité lucrative. En vertu de cette directive, après la naissance ou l'adoption d'un enfant, les employées et les employés bénéficient d'un droit individuel à un congé parental d'au moins quatre mois pour s'occuper de l'enfant jusqu'à ce qu'il atteigne un âge déterminé (huit ans au plus). Pour encourager les deux parents à recourir à ce congé parental dans la même mesure, et plus particulièrement pour inciter les pères à le faire, le droit au congé parental n'est en principe pas transmissible. Si les pays membres ont une certaine liberté pour admettre la transmission du congé parental entre les parents, leur marge de manoeuvre est néanmoins restreinte: un des quatre mois au moins ne peut être transféré, c'est-à-dire qu'il est perdu s'il n'est pas utilisé par le parent auquel il est attribué. La directive ne contient pas de disposition concernant une éventuelle compensation financière pour le congé parental. Cette directive n'est pas applicable en Suisse.

Les pays membres de l'UE ne sont pas tenus d'instaurer un congé de paternité. Le 26 avril 2017, la Commission européenne a proposé une série de mesures pour favoriser l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants44.

Elle recommande entre autres la création d'un droit à un congé de paternité d'une durée minimale de dix jours. Selon cette proposition, ce congé devrait être rémunéré au moins à hauteur de l'indemnisation allouée pendant un congé
pour cause de maladie.

Dans leur législation, tous les États membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoient un congé de paternité ou un congé parental, ou encore les deux. La Suisse est le seul pays de l'OCDE dont la législation ne prévoit ni congé de paternité ni congé parental45.

43

44

45

Directive 2010/18/UE du Conseil du 8.3.2010 portant l'application de l'accord-cadre révisé sur le congé parental conclu par BUSINESSEUROPE, l'UEAPME, le CEEP et la CES et abrogeant la directive 96/34/CE, Journal officiel de l'Union européenne, L 68 du 18.3.2010, p. 13.

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants, proposition du 26 avril 2017, COM (2017) 253 final.

www.oecd.org/fr > Base de données de l'OCDE sur la famille > Familles et enfants > Child-related leave (état au 19.2.2018)

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4.3.1

Réglementation du congé de paternité dans les pays voisins de la Suisse

L'Allemagne n'a pas de congé de paternité réglé par la loi. En Autriche, pour les naissances postérieures au 1er mars 2017, il peut être accordé un soutien financier aux pères qui se consacrent à leur famille immédiatement après la naissance (dénommé le «Familienzeitbonus», FZB). Ce bonus doit être utilisé dans les 91 jours qui suivent la naissance et est d'une durée de 28 jours au minimum et 31 jours au maximum (sans interruption). Ce bonus est rémunéré à hauteur de 22,60 euros par jour. En France, les pères salariés ont droit à onze jours de congé de paternité rémunéré. Ce congé est rémunéré à 100 % du salaire jusqu'à concurrence de 86 euros par jour et doit être pris dans les quatre mois qui suivent la naissance de l'enfant. En Italie, les pères salariés ont l'obligation de prendre quatre jours de congé de paternité rémunéré à 100 %. Le congé doit être pris dans les cinq mois qui suivent la naissance.

4.3.2

Réglementation du congé parental dans les pays voisins de la Suisse

En Allemagne, les deux parents ont droit chacun à un congé parental de 36 mois. En règle générale, ce congé doit être pris dans les trois années qui suivent la naissance de l'enfant. Au total, douze ou quatorze mois46 sont rémunérés. En principe, cette rémunération peut seulement être perçue au cours des quatorze mois qui suivent la naissance de l'enfant. Mensuellement, elle est comprise entre 65 et 67 % du revenu antérieur (au minimum 300 euros par mois, et au maximum 1800).

En Autriche, une distinction est également faite entre le congé parental et les indemnités parentales («Kinderbetreuungsgeld», KBG). Les deux parents ont droit à un congé parental de 24 mois au total. En règle générale, ce congé doit être pris dans les deux années qui suivent la naissance de l'enfant. Quant aux indemnités, les parents peuvent choisir depuis le 1er mars 2017 entre une somme forfaitaire flexible ou des indemnités en fonction du revenu. Le forfait peut être perçu pendant une période allant de 12 mois à 28 mois environ à compter de la naissance de l'enfant lorsqu'il est pris par un seul parent ou pour une période allant de 15 mois à 35 mois environ à compter de la naissance de l'enfant lorsque les deux parents font usage du droit. Le forfait journalier varie de 14,53 euros à 33,88 euros: plus la période de perception est longue, moins le montant du forfait est élevé. Les parents qui exercent une activité lucrative peuvent également opter pour des indemnités en fonction du revenu.

Ces indemnités sont versées au plus pendant 426 jours à compter de la naissance si les deux parents font usage du droit. Si un seul des parents en fait usage, les indemnités sont versées pendant au plus 365 jours à compter de la naissance. Les indemnités en fonction du revenu s'élèvent à environ 80 % du dernier revenu, au minimum 33,88 euros par jour et au maximum 66 euros par jour.

46

Si le père utilise au moins deux mois de congé parental, quatorze mois sont rémunérés au total, contre douze dans les autres cas.

3843

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En France, les deux parents ont droit à un congé parental d'au maximum 36 mois chacun. Le congé est rémunéré par un forfait mensuel dont la durée dépend du nombre d'enfants dans la famille, mais qui est en principe versé pendant 24 mois au plus. Le montant du forfait varie entre 146 et 641 euros par mois suivant le taux d'occupation des parents et la composition du ménage. Le congé parental doit être pris dans les trois années qui suivent la naissance de l'enfant.

En Italie, le père et la mère ont chacun droit à six mois de congé parental, qu'ils peuvent prendre jusqu'au douzième anniversaire de l'enfant. Si les deux parents font valoir leur droit au congé parental, ils bénéficient d'un congé pendant au maximum dix ou onze mois. Si le père utilise au moins trois mois de congé parental, onze mois sont rémunérés au total, contre dix dans les autres cas. La rémunération consiste en 30 % du salaire réalisé avant le début du congé. Elle n'est garantie que si l'enfant a moins de six ans.

4.4

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La Suisse n'est soumise à aucune disposition internationale qui l'obligerait à introduire un congé de paternité.

L'UE a mis en place des règles visant à coordonner les systèmes nationaux de sécurité sociale afin de faciliter la libre circulation. La Suisse participe à ce système de coordination depuis l'entrée en vigueur, le 1er juin 2002, de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes47. En vertu de la Convention du 4 janvier 1960 instituant l'Association Européenne de Libre-échange (AELE)48 révisée, cela vaut aussi pour les relations entre la Suisse et les autres États de l'AELE. La Suisse applique les règlements (CE) nos 883/2004 (R 883/2004)49 et 987/200950.

Le droit de l'UE ne prévoit pas l'harmonisation des systèmes nationaux de sécurité sociale. Les États membres sont libres de déterminer comme ils l'entendent les modalités de leur propre système, à condition de respecter les principes de coordination du droit européen. Conformément à l'art. 4 du règlement no 883/2004, la Suisse est tenue de traiter les ressortissants d'un État de l'UE ou de l'AELE de la même 47 48 49

50

RS 0.142.112.681 RS 0.632.31 Règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29.4.2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Modifiée par le Règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16.9.2009 (JO L 284 du 30.10.2009, p. 43). Adapté selon l'annexe II à l'accord sur la libre circulation des personnes entre la Communauté européenne et ses États membres d'une part, et la Suisse d'autre part; RS 0.831.109.268.1.

Règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16.9.2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Adapté selon l'annexe II à l'accord entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes; RS 0.831.109.268.11.

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manière que les citoyens suisses. Elle doit par conséquent accorder une allocation de maternité aux mères ressortissantes d'un État de l'UE ou de l'AELE et devrait également accorder une telle allocation aux pères ressortissants d'un État de l'UE ou de l'AELE s'ils remplissaient les conditions d'octroi requises en tenant compte, au besoin, des périodes d'assurance correspondantes accomplies dans un État de l'UE ou de l'AELE (art. 6 du règlement no 883/2004).

5

Conclusions

À l'instar des auteurs de l'initiative, le Conseil fédéral est d'avis qu'un congé de paternité serait bénéfique pour les pères, les mères, les couples et les enfants. Il est cependant opposé à l'idée d'inscrire dans la loi un congé de paternité d'une durée minimale de quatre semaines pris en charge par le régime des APG. Une telle mesure, dont les coûts sont estimés à environ 420 millions de francs par année, ferait peser une charge financière supplémentaire sur les entreprises, et entraînerait par ailleurs de grands défis organisationnels notamment pour les PME. C'est pourquoi le Conseil fédéral considère qu'il faut laisser aux employeurs ou aux partenaires sociaux la responsabilité d'introduire un congé de paternité, comme c'est le cas actuellement.

En matière de politique familiale, les mesures visant à améliorer les moyens de concilier famille et travail constituent la priorité du Conseil fédéral, un objectif qu'il poursuit aussi dans le cadre de l'initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié. Le Conseil fédéral accorde une importance primordiale à la promotion des possibilités de garde extra-familiale des enfants. En comparaison d'un congé de paternité inscrit dans la loi, ces mesures portent leurs fruits non seulement immédiatement après la naissance de l'enfant, mais aussi par la suite, en permettant aux pères et aux mères de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Par ailleurs, elles présentent un rapport plus favorable entre coûts et bénéfices. Le Conseil fédéral maintient ses priorités en matière de politique familiale et rejette donc le projet d'introduction d'un congé de paternité réglementé par la loi.

Par le présent message, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander, sans contre-projet direct ou indirect, au peuple et aux cantons le rejet de l'initiative populaire «Pour un congé de paternité raisonnable ­ en faveur de toute la famille».

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