18.076 Message concernant la modification de la loi fédérale sur le droit international privé (Chapitre 12: Arbitrage international) du 24 octobre 2018

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons, par le présent message, un projet de modification de la loi sur le droit international privé (Chap. 12 Arbitrage international) en vous proposant de l'adopter.

Dans le même temps, nous vous proposons de classer l'intervention parlementaire suivante: 2012

M

12.3012

Loi fédérale sur le droit international privé. Maintenir l'attrait de la Suisse comme place arbitrale au niveau international (N 1.6.2012, Commission des affaires juridiques CN, E 27.9.2012)

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

24 octobre 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2018-1228

7153

Condensé La Suisse est l'une des places d'arbitrage international les plus prisées, notamment en raison de sa règlementation en la matière: le chapitre 12 de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP), qu'il s'agit toutefois de moderniser en exécution de la motion 12.3012. Le projet intègre dans la loi des éléments essentiels de la jurisprudence du Tribunal fédéral et clarifie certaines questions ouvertes en matière d'application. Il vise également à rendre la loi plus facile à appliquer et à consolider l'autonomie des parties de manière à suivre les développements observés dans la règlementation d'autres places.

Trente ans après son adoption, le chap. 12 de la LDIP relatif à l'arbitrage international est toujours considéré au plan international comme une loi sur l'arbitrage remarquable et innovante, notamment en raison de sa clarté et de sa concision. Il donne une grande liberté aux parties en matière de procédure tout en fixant un cadre garanti par les tribunaux étatiques. De par ces caractéristiques, il s'applique aisément à des types d'arbitrage très différents pour lesquels la Suisse est d'ailleurs une place arbitrale reconnue (par ex. procédures ad hoc, arbitrage institutionnel, arbitrage sportif ou arbitrage en matière d'investissements).

Le projet consolide ces points forts et modernise certaines dispositions du chap. 12.

La jurisprudence du Tribunal fédéral développée au cours des 30 années ayant suivi l'entrée en vigueur de la LDIP est explicitement reprise dans la loi. La révision, la rectification, l'interprétation des sentences arbitrales ainsi que les compléments apportés à ces dernières seront expressément prévus par la loi, qui précise également que la procédure sommaire doit s'appliquer aux procédures ancillaires devant les juridictions étatiques. L'admission expresse de l'introduction de clauses d'arbitrage dans les actes juridiques unilatéraux contribuera à renforcer l'autonomie des parties.

La révision tend par ailleurs à simplifier davantage l'application de la loi. Les renvois à d'autres textes se limitent au strict nécessaire, de façon à ce que le chap. 12 suffise à régler l'arbitrage international de la façon la plus exhaustive possible. Une nouvelle prescription de forme unifiée s'appliquera à toutes les conventions passées dans le cadre d'une procédure
d'arbitrage. Dans la mesure où l'anglais est la langue la plus utilisée en arbitrage international, les actes soumis au Tribunal fédéral pourront être rédigés en anglais.

La révision proposée remet à jour le chap. 12 de la LDIP tout en préservant sa concision et sa flexibilité.

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Table des matières Condensé

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1

Présentation du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Importance de la place arbitrale suisse 1.1.2 Développement du droit suisse de l'arbitrage 1.1.3 Mandat parlementaire pour la révision du chapitre 12 de la LDIP 1.1.4 Travaux préparatoires 1.2 Dispositif proposé 1.2.1 Inscription de la jurisprudence dans la loi et clarification de points ambigus 1.2.2 Renforcement de l'autonomie des parties 1.2.3 Amélioration du texte de loi dans l'intérêt des utilisateurs 1.3 Appréciation de la solution retenue 1.3.1 Préservation des caractéristiques principales du chapitre 12 1.3.2 Maintien du dualisme ouvert 1.3.3 Pas de nouvelle règle régissant la relation entre le juge et le tribunal arbitral 1.3.4 Résultats de la consultation 1.3.5 Nouveautés par rapport à l'avant-projet 1.4 Parallélisme des tâches et du financement 1.5 Comparaison avec le droit étranger, notamment européen 1.6 Mise en oeuvre 1.7 Classement d'interventions parlementaires

7157 7157 7157 7158

Commentaire des dispositions 2.1 Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP) 2.2 Loi sur le Tribunal fédéral 2.3 Code de procédure civile

7175

Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes, ainsi que pour les villes, les agglomérations et les régions de montagne 3.2 Conséquences économiques

7196

2

3

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

7159 7160 7161 7161 7162 7163 7164 7164 7165 7165 7169 7173 7174 7174 7175 7175

7175 7192 7194

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5

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales 5.3 Forme de l'acte à adopter 5.4 Conformité à la législation sur la protection des données

Loi fédérale sur le droit international privé (LDIP) (Projet)

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7197 7197 7197 7199 7199 7201

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Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Importance de la place arbitrale suisse

Une convention d'arbitrage se définit comme «un accord en vertu duquel deux ou plusieurs parties déterminées ou déterminables conviennent de soumettre un ou plusieurs litiges présents ou futurs déterminés à un tribunal arbitral qui tranchera de manière contraignante à l'exclusion des tribunaux ordinaires étatiques selon un ordre juridique déterminé directement ou indirectement»1. La sentence arbitrale est contraignante et exécutable. La loi laisse une grande latitude aux parties pour le choix notamment du tribunal arbitral, ainsi que de la procédure et du droit applicables. Elle se limite à quelques dispositions garantissant les principaux droits de procédure des parties et l'intégrité de la procédure arbitrale. Elle autorise aussi les parties, en cas de non-respect de ces principes, à saisir la juridiction étatique.

La Suisse est historiquement l'une des places arbitrales les plus importantes sur le plan international. Dans une étude empirique du Parlement européen de 2014 sur l'arbitrage dans l'UE, la Suisse, également incluse dans cette étude, est considérée de loin comme la place arbitrale la plus recommandée et, par conséquent, comme l'une des chefs de file en la matière2. Le même constat ressort des statistiques annuelles de la Chambre de commerce internationale de Paris (CCI). Bien que cette dernière n'ait pas de bureau en Suisse, le siège de 13 % de toutes les procédures d'arbitrage CCI est en Suisse, ce qui fait de notre pays le second siège d'arbitrage le plus fréquent de la CCI. En 2017, 90 procédures sur 810 s'y sont tenues, contre 121 en France, siège d'arbitrage le plus fréquent3. De plus, comme durant les années précédentes, la nationalité suisse était la troisième la mieux représentée parmi les arbitres sélectionnés pour ces procédures4. Les procédures devant la CCI ont généralement une valeur litigieuse élevée. Il en est de même auprès de la Swiss Chambers' Arbitration Institution (SCAI), dont les procédures5 se déroulent en revanche toujours en Suisse, à quelques rares exceptions près. S'y ajoutent des procédures d'arbitrage commercial ad hoc difficiles à recenser, menées hors du cadre d'une institution telle que la SCAI ou la CCI, un nombre croissant de tribunaux arbitraux en matière d'investissement siégeant en Suisse, ainsi qu'un grand nombre d'arbitrages dans le 1 2

3 4 5

ATF 130 III 66, consid. 3.1 (traduction JdT) Parlement européen, Direction générale des politiques internes de l'Union, Direction C: Citizens' Rights and Constitutional Affairs, Legal Instruments and Practice of Arbitration in the EU ­ Study, 2014, p. 181.

ICC Dispute Resolution Bulletin 2018/2, p. 60 s.

ICC Dispute Resolution Bulletin 2018/2, p. 58 s.: total de 116 nominations de Suisses en 2017.

Environ 100 procédures par an entre 2015 et 2017 (information SCAI du 20 mars 2018; SCAI, Commented Statistics 2015, août 2016, accessible à l'adresse: www.swissarbitration.org > Statistics > SCAI Commented Statistics 2015, dernière consultation le 29 juin 2018).

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domaine du sport. En 2016, le seul Tribunal arbitral du sport de Lausanne a traité près de 600 procédures, revêtant le plus souvent un caractère international faisant de la Suisse, et de loin, la plus grande place arbitrale pour le sport6. Au total, environ 1000 procédures d'arbitrage international devraient avoir lieu en Suisse chaque année.

Lors de l'élaboration de l'avant-projet, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a consulté différents acteurs suisses de l'arbitrage international. Interrogés sur le succès de la Suisse en la matière, ceux-ci ont cité comme facteurs principaux le cadre légal (à savoir le chap. 12 de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé [LDIP]7, reconnu comme excellent par des spécialistes du monde entier) ainsi que la qualité et la constance de la jurisprudence du Tribunal fédéral dans le domaine de l'arbitrage international. Plusieurs acteurs ont également cité la présence sur place d'un grand nombre d'arbitres suisses plurilingues et hautement qualifiés, l'arrivée continue de nouvelles personnes pour remplir cette fonction, ainsi que l'offre de formations universitaires et non universitaires, y compris de formations continues, dans le domaine de l'arbitrage. La Suisse bénéficie en outre des atouts bien connus de son pôle de prestations de services, lesquels ont également des retombées positives pour l'arbitrage: la neutralité et la stabilité politiques, la qualité des infrastructures et la disponibilité systématique des sources juridiques en français, en allemand et en italien. La traduction en anglais par la Chancellerie fédérale de textes juridiques clés est aussi citée de plus en plus comme un avantage.

1.1.2

Développement du droit suisse de l'arbitrage

La tradition de l'arbitrage en Suisse est liée à celle des bons offices: dans le cadre de sa politique étrangère, la Suisse assume depuis longtemps un rôle de facilitatrice, assistant les parties dans leur recherche d'une solution négociée, sans elle-même prendre parti. Même si la doctrine fait état d'arbitrages ayant eu lieu au Moyen Âge, on admet communément que la première procédure d'arbitrage de droit public tel qu'on l'entend aujourd'hui est celle relative aux réclamations de l'Alabama de 1872.

Lors de cet épisode, les gouvernements des États-Unis d'Amérique et du RoyaumeUni soumirent leurs prétentions, suite aux dommages subis lors de la guerre de Sécession, à un tribunal arbitral réuni à Genève auquel Jakob Stämpfli, envoyé par le Conseil fédéral, et lui-même ancien conseiller fédéral, prit part en tant qu'arbitre8.

L'arbitrage international privé en matière commerciale n'est devenu ce qu'il est encore aujourd'hui qu'au 20e siècle avec l'essor du commerce international. Avec le temps, tous les cantons en sont venus à règlementer l'arbitrage. Les différents droits cantonaux en matière d'arbitrage devinrent toutefois de plus en plus un problème pour l'attrait de la Suisse en tant que place arbitrale internationale. La Constitution ne prévoyant pas de compétence législative pour la Confédération en la matière, la 6 7 8

www.tas-cas.org > General Information > Statistics > CAS Statistics 1986­2016 (dernière consultation le 29 juin 2018).

RS 291 BSK IPRG-Hochstrasser/Fuchs, introduction chapitre 12, no 5 ss; Hofbauer, History of Arbitration, no 1, in: Arroyo (éd.), Arbitration in Switzerland. The Practitioner's Guide, 2013.

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question a été résolue au moyen d'un concordat intercantonal applicable dans toute la Suisse9. Le concordat du 27 mars 1969 sur l'arbitrage10 s'est appliqué autant aux procédures internes qu'aux procédures internationales se déroulant en Suisse.

Depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 1989, la LDIP, au chap. 12, règle l'arbitrage international en Suisse. La compétence de légiférer sur l'arbitrage interne a été accordée à la Confédération par la Constitution du 18 avril 1999 (Cst.)11. La nouvelle règlementation, qui fait l'objet de la partie 3 du code de procédure civile (CPC)12, est entrée en vigueur le 1er janvier 2011, de sorte que le concordat a pu être abrogé à cette même date. À l'époque, le Parlement avait renoncé à élaborer un code unique pour les arbitrages interne et international (ch. 1.3.2)13.

1.1.3

Mandat parlementaire pour la révision du chapitre 12 de la LDIP

Le 20 mars 2008, le conseiller national Christian Lüscher a déposé l'initiative parlementaire 08.41714 visant la modification de l'art. 7 LDIP. Le texte prévoyait que, en matière internationale, le tribunal suisse, sans égard au siège du tribunal arbitral, sursoit à statuer jusqu'à ce que celui-ci se soit prononcé sur sa compétence, à moins qu'un examen sommaire ne démontre qu'il n'existe entre les parties aucune convention d'arbitrage (reconnaissance de l'effet négatif du principe de compétencecompétence). L'auteur de l'initiative était critique à l'égard de la jurisprudence du Tribunal fédéral sur l'art. 7 LDIP15 selon laquelle il fallait distinguer les cas où le siège du tribunal arbitral était en Suisse de ceux où il était à l'étranger. Il estimait par conséquent qu'il fallait prévoir dans la loi une disposition permettant au tribunal arbitral de se prononcer d'abord sur sa propre compétence indépendamment de son siège.

Contre la proposition des deux commissions des affaires juridiques16, le Conseil national et le Conseil des États se sont prononcés en faveur de l'initiative, respectivement le 21 septembre 200917 et le 10 juin 201018.

9

10 11 12 13 14 15 16 17 18

Ambauen, 3. Teil ZPO versus 12. Kapitel IPRG. Eine Gegenüberstellung im Kontext der Opting-out-Möglichkeiten. Unter besonderer Berücksichtigung der zwingenden Bestimmungen, der Schiedsfähigkeit und der Anfechtbarkeit von Schiedssprüchen, 2016, no 24 ss; Hofbauer, History of Arbitration, no 1, in: Arroyo (éd.), Arbitration in Switzerland. The Practitioner's Guide, 2013; BSK IPRG-Hochstrasser/Fuchs, introduction chapitre 12, no 151 ss.

RS 279 (le texte n'est plus en vigueur) FF 2000 2814; art. 122, al. 1, Cst. (en vigueur depuis le 1er janvier 2007) RS 272 FF 2006 6998 s.

Initiative parlementaire Lüscher 08.417 N du 20 mars 2008 «Modification de l'art. 7 de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé» ATF 122 III 139, consid. 2b, p. 142; confirmé dans l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_279/2010 du 25 octobre 2010, consid. 2 Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 4 mai 2009 et rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États du 15 février 2010.

BO 2009 N 1657 ss BO 2010 E 585

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Lors des travaux de mise en oeuvre, la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) a consulté les associations professionnelles concernées et les facultés de droit des universités suisses19. Il en est ressorti que les questions soulevées par l'initiative devaient être discutées plus en détail et qu'il était souhaitable d'étudier si les autres dispositions sur l'arbitrage international entrées en vigueur en 1989 méritaient aussi d'être révisées. À cet effet, la CAJ-N a chargé le Conseil fédéral, par le biais de la motion 12.301220, de présenter un projet de toilettage des dispositions de la LDIP sur l'arbitrage international en tenant compte de la jurisprudence du Tribunal fédéral et des législations en vigueur dans d'autres États européens. La relation entre le juge étatique et le tribunal arbitral, objet de l'initiative parlementaire 08.417, doit aussi être prise en considération. C'est pourquoi l'initiative parlementaire a pu être classée21 après que le Conseil national et le Conseil des États, conformément à la proposition du Conseil fédéral22, ont adopté la motion respectivement le 1er juin 201223 et le 27 septembre 201224.

1.1.4

Travaux préparatoires

Lors des travaux préparatoires, l'OFJ a fait appel à un groupe d'experts composés de Gabrielle Kaufmann-Kohler (professeur de droit, Université de Genève), Felix Dasser (professeur de droit, Université de Zurich), Elliott Geisinger (avocat genevois) et Daniel Girsberger (professeur de droit, Université de Lucerne). L'OFJ a en outre consulté le Tribunal fédéral et certaines institutions arbitrales sises en Suisse (la CCI Suisse, la SCAI, le Tribunal arbitral du sport et le Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI).

Afin de clarifier certaines autres questions spécifiques concernant l'arbitrage en matière de sport, l'OFJ a également consulté d'autres experts après la clôture de la procédure de consultation (Daniel Eisele [avocat à Zurich], Prof. Ulrich Haas [Université de Zurich], Stephan Netzle [avocat à Zurich], Michele Bernasconi [avocat à Zurich], Prof. Antonio Rigozzi [Université de Neuchâtel]).

19

20 21 22 23 24

À savoir l'Association suisse de l'arbitrage (ASA), la SCAI et les facultés de droit des universités de Bâle, Berne, Fribourg, Genève, Lausanne, Lucerne, Neuchâtel, Saint-Gall et Zurich (initiative parlementaire 08.417 «Modification de l'art. 7 de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé», sondage de la CAJ-N, liste des destinataires). Réponses reçues de l'ASA, de la SCAI et des universités de Genève, Lausanne et Neuchâtel.

Motion 12.3012 de la CAJ-N du 3 février 2012 «Loi fédérale sur le droit international privé. Maintenir l'attrait de la Suisse comme place arbitrale au niveau international» BO 2016 N 1189 BO 2012 N 848; BO 2012 E 921 BO 2012 N 848 BO 2012 E 921

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1.2

Dispositif proposé

Le chap. 12 de la LDIP est considéré au plan international comme une loi sur l'arbitrage innovante, claire et précise, donnant aux parties une autonomie et une flexibilité importantes tout en leur fixant un cadre transparent garanti par les tribunaux étatiques. De par ces caractéristiques, le chap. 12 de la LDIP peut s'appliquer à des procédures très différentes (par ex. procédures ad hoc, arbitrage institutionnel, arbitrage sportif ou arbitrage en matière d'investissements).

Le projet entend renforcer ces caractéristiques et améliorer la sécurité et la clarté du droit, notamment en inscrivant dans la loi les éclaircissements apportés par la jurisprudence du Tribunal fédéral et en levant certaines ambiguïtés de sorte à rendre l'application de la loi encore plus aisée. Le projet s'inspire en outre de l'évolution du commerce international et d'autres lois d'arbitrage dans le monde pour proposer des adaptations visant à optimiser le cadre juridique suisse.

1.2.1

Inscription de la jurisprudence dans la loi et clarification de points ambigus

Depuis l'entrée en vigueur de la LDIP il y a 30 ans, le Tribunal fédéral a clarifié et complété la loi sur plusieurs points importants. Pour renforcer la transparence et simplifier l'application de la loi, il apparaît opportun d'inscrire les apports de la jurisprudence dans la loi là où cela paraît nécessaire. Cette révision doit aussi être l'occasion de clarifier certains points restés ambigus. L'objectif premier est d'améliorer la sécurité et la clarté du droit.

Règlementation des rectifications, des interprétations et des compléments et de la révision Le projet propose de régler explicitement les moyens de recours à disposition après qu'une sentence a été rendue. Sont concernés les rectifications, les interprétations, les compléments et la révision (voir ch. 2.1 et 2.2, commentaire des art. 189a et 190a P-LDIP et 119a du projet de modification de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF]25). Les modifications proposées permettront d'inscrire dans la loi toutes les règles utiles en matière de recours. Le chap. 12 s'approchera ainsi à nouveau de l'intention du législateur de l'époque, à savoir de régler l'arbitrage international de manière globale et exhaustive.

Clarification du champ d'application du chapitre 12 Le chap. 12 de la LDIP prévoira expressément qu'il s'applique aux parties «à la convention d'arbitrage». Cette modification permettra de mettre un terme à l'insécurité juridique du droit en vigueur, qui prévoit que le droit applicable à l'arbitrage dépend des parties (ultérieures) à la procédure (voir ch. 2.1, commentaire de l'art. 176, al. 1, P-LDIP).

25

RS 173.110

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Inscription dans la loi de l'obligation de contester L'obligation de contester immédiatement les violations des règles de procédure constatées est un principe essentiel et reconnu depuis longtemps en procédure, d'une grande importance pratique. Les cas dans lesquels le Tribunal fédéral n'est pas entré en matière en raison de la péremption d'un tel grief sont nombreux. Dans l'intérêt des utilisateurs nationaux et internationaux du chap. 12, il paraît opportun d'inscrire dans la loi l'obligation de contester immédiatement les violations de règles de procédure, comme cela a déjà été fait pour l'arbitrage national (voir ch. 2.1, commentaire de l'art. 182, al. 4, P-LDIP).

Procédures ancillaires en la forme sommaire La loi reste également imprécise à ce jour quant au type de procédure à appliquer lorsque le juge est sollicité comme juge d'appui. La révision est l'occasion de prévoir explicitement que les procédures ancillaires, pour l'arbitrage interne comme international, sont à mener en la forme sommaire (voir ch. 2.3, commentaire des art. 251a et 356, al. 3, P-CPC).

1.2.2

Renforcement de l'autonomie des parties

Le chap. 12 de la LDIP laisse aux parties une grande liberté pour régler la procédure.

Ce principe doit être conservé et renforcé de manière à suivre les développements observés dans la règlementation d'autres places arbitrales.

Règlementation des clauses d'arbitrage dans les actes juridiques unilatéraux Le projet prévoit que la compétence d'un tribunal arbitral pourra se fonder sur une clause d'arbitrage (ou clause compromissoire) répondant aux exigences de forme et figurant dans un acte juridique unilatéral (par ex. testament, fondation, trust ou statuts) si celui-ci est valable conformément au droit auquel il est soumis (voir ch. 2.1, commentaire de l'art. 178, al. 4, P-LDIP).

Absence de désignation d'un siège ou siège en Suisse Les parties pourront déterminer le siège du tribunal arbitral dans la convention d'arbitrage ou s'accorder ultérieurement sur ce point sans condition de forme particulière. Si elles ne prévoient aucun siège et que les autres mécanismes applicables ne permettent pas d'en désigner un (voir art. 176, al. 3, LDIP), plusieurs dispositions du chap. 12 de la LDIP se révèlent inapplicables.

Pour que la volonté des parties de mener une procédure d'arbitrage en Suisse puisse se concrétiser dans le plus de cas possibles, le projet prévoit que le premier juge saisi sera compétent pour déterminer le siège du tribunal arbitral si les parties ne l'ont pas désigné ou si elles ont seulement convenu qu'il serait en Suisse et qu'elles ne sont pas en mesure le constituer (voir ch. 2.1, commentaire de l'art. 179, al. 2, P-LDIP).

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1.2.3

Amélioration du texte de loi dans l'intérêt des utilisateurs

En tant que loi suisse sur l'arbitrage international, le chap. 12 de la LDIP vise des acteurs étrangers. Il est donc en concurrence directe avec les règlementations proposées par d'autres États. Il est essentiel de veiller à ce qu'il soit facile à appliquer.

Arbitrage international réglé entièrement dans la LDIP Dans le cadre de l'arbitrage international tel qu'il est réglé au chap. 12 de la LDIP, l'une des parties est toujours étrangère. Or, celle-ci n'est pas nécessairement familiarisée avec le droit suisse. Elle considèrera donc comme un avantage de pouvoir se référer à une loi unique.

Dans cette optique, les renvois aux dispositions du CPC sur l'arbitrage interne (application par analogie) sont remplacés par des dispositions propres à la LDIP. Les art. 179, 180, 180a et 180b P-LDIP règlent entièrement les cas où, en l'absence de convention entre les parties, le juge doit nommer, récuser ou révoquer des arbitres (voir ch. 2.1, commentaire des art. 179, 180, 180a et 180b P-LDIP).

Exigence de forme unifiée pour toutes les conventions dans le cadre d'une procédure d'arbitrage La forme de la convention d'arbitrage est réglée à l'art. 178, al. 1, LDIP. L'art. 176, al. 2, LDIP prévoit pour sa part que les parties peuvent, par une déclaration expresse dans la convention d'arbitrage ou dans une convention ultérieure, exclure l'application du chap. 12 et convenir de l'application de la troisième partie du CPC (clause d'opting-out). Pour qu'une renonciation au recours soit valable, l'art. 192, al.

1, LDIP requiert une déclaration expresse dans la convention d'arbitrage ou dans un accord écrit ultérieur. Bien que ces trois dispositions soient formulées de façon différente, la doctrine majoritaire s'accorde à dire que l'exigence de forme de l'art. 178, al. 1, LDIP s'applique tant à l'opting-out qu'à la renonciation au recours26.

Afin d'améliorer la loi dans l'intérêt des utilisateurs, l'art. 178, al. 1, LDIP reprend la formulation plus concise et moderne de l'art. 358 CPC («La convention d'arbitrage est passée en la forme écrite ou par tout autre moyen permettant d'en établir la preuve par un texte.»). Les mêmes exigences de forme doivent s'appliquer à toutes les conventions passées dans une procédure d'arbitrage. La même règle est proposée pour l'arbitrage national (voir le commentaire des art. 176, al. 2, et 192, al. 1, P-LDIP ainsi que celui de l'art. 358, al. 1, P-CPC).

26

Pour l'art. 176, al. 1, LDIP, voir BSK IPRG-Pfiffner/Hochstrasser, art. 176, no 45 avec renvois; Kaufmann-Kohler/Rigozzi, International Arbitration. Law and Practice in Switzerland, 2015, no 2.41; CR LDIP-Bucher, art. 176, no 31; pour l'art. 192, al. 1, LDIP, voir BSK IPRG-Patocchi/Jermini, art. 192, no 13 avec renvois; Baizeau, Article 192 PILS, no 10, in: Arroyo (éd.), Arbitration in Switzerland. The Practitioner's Guide, 2013; BSK IPRG-Hochstrasser/Fuchs, introduction chapitre 12, no 151 ss.

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Mémoires en anglais dans les procédures devant le Tribunal fédéral en matière d'arbitrage L'anglais est la langue la plus utilisée dans les procédures d'arbitrage (international)27. Lors de procédures de recours ou de révision, le Tribunal fédéral accepte déjà, avec l'accord des parties, des annexes aux mémoires en anglais.

Malgré les critiques exprimées par le Tribunal fédéral, le projet propose d'aller plus loin et d'autoriser les parties à remettre tout acte en anglais au Tribunal fédéral lorsqu'il est saisi comme instance de recours ou de révision dans le cadre d'arbitrages. Cette mesure permettra aux parties d'éviter des frais de traduction, ce qui renforcera l'attrait de la place arbitrale suisse (voir aussi ch. 2.2, commentaire de l'art. 77, al. 2bis, P-LTF).

1.3

Appréciation de la solution retenue

1.3.1

Préservation des caractéristiques principales du chapitre 12

Le chap. 12 se distingue par son libéralisme et sa flexibilité, qui se manifestent également dans son caractère succinct28. Une grande autonomie est laissée aux praticiens et aux parties souhaitant faire usage de ces règles, en particulier en matière d'organisation de la procédure29. La sentence arbitrale ne peut en outre être attaquée que pour certains motifs précis définis de façon étroite (voir art. 190 LDIP).

Le recours n'est ouvert que devant le Tribunal fédéral (art. 191 LDIP). Le chap. 12 se distingue de certaines lois plus récentes en matière d'arbitrage par le fait que le législateur a intentionnellement renoncé à y prévoir des règles détaillées, de sorte que ce chapitre peut s'appliquer à différentes formes d'arbitrage (arbitrage institutionnel, procédures ad hoc et arbitrage en matière de sport et d'investissements).

Le projet préserve ces caractéristiques et renonce volontairement à une révision complète du droit en vigueur. Il se base sur les règles existantes, éprouvées en pratique, et se résume à quelques améliorations ponctuelles. Cette approche a été saluée par une majorité de participants à la consultation.

27

28 29

D'après les statistiques de la SCAI, l'anglais est utilisé comme langue de procédure dans presque 70 % des cas (SCAI, Commented Statistics 2015). Plus de 80 % des procédures d'arbitrage de l'OMPI sont également menées en anglais (www.wipo.int > IP Services > Alternative Dispute Resolution > Domain Name Dispute Resolution > How to find UDRP jurisprudence > Statistics > All case languages; consulté pour la dernière fois le 29 juin 2018).

Le chapitre 12 de la LDIP se compose de 19 articles, auxquels s'ajoute l'art. 7 LDIP réglant la compétence du juge en présence d'une convention d'arbitrage.

L'art. 182 LDIP prévoit que les parties et le tribunal arbitral peuvent régler librement la procédure et notamment la langue de l'arbitrage tant que l'égalité entre les parties et leur droit d'être entendues restent garantis (Baudenbacher, Schiedsgerichtsplatz Schweiz. Der Einfluss der Verhandlungsdemokratie, in: Dispute Resolution, éd. 01/20 de mars 2014, p.

7); CR LDIP-Bucher, art. 176 à 194, no 13; CR LDIP-Bucher, art. 182, no 1; KaufmannKohler/Rigozzi, International Arbitration, no 2.64 ss.

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1.3.2

Maintien du dualisme ouvert

En Suisse, l'arbitrage est réglé dans deux lois: la partie 3 du CPC pour l'arbitrage interne et le chap. 12 de la LDIP pour l'arbitrage international. Ce dualisme est apparu historiquement en raison de la structure fédérale de l'État (voir ch. 1.1.2).

À l'occasion de la présente révision, l'idée de réunir ces deux arbitrages en un code unique a été étudiée, mais en fin de compte rejetée. Bien que seuls certains participants se soient expressément prononcés sur ce point30, cette décision a été saluée dans le cadre de la consultation. Déjà lors de la consultation sur le code de procédure civile suisse, la majorité des participants avaient préféré maintenir la règlementation dualiste31, qui avait fait ses preuves sur les plans interne et international, plutôt que de créer un code unique. Alors que le chap. 12 prévoit les règles les plus libérales et succinctes possibles, la réglementation plus dense et détaillée de la troisième partie du CPC rend la procédure plus prévisible pour les parties. Cette approche plus libérale des règles de la LDIP se reflète également dans la jurisprudence du Tribunal fédéral (voir ch. 1.3.4).

De plus, les art. 353, al. 2, CPC et 176, al. 2, LDIP permettent dans une large mesure d'exclure l'application de l'une de ces lois au profit de l'autre, autrement dit de choisir librement le droit applicable. Ce dualisme ouvert offre aux parties une grande marge de manoeuvre pour régler les modalités de l'arbitrage. La critique selon laquelle on aboutirait à une simple distinction formelle entre arbitrages interne et international n'est pas convaincante. Le projet propose simplement d'adapter quelques dispositions du CPC à la nouvelle règlementation de la LDIP (voir ch. 2.3) afin qu'il reste possible d'opter pour l'un ou l'autre droit dans le cadre fixé par la jurisprudence.

1.3.3

Pas de nouvelle règle régissant la relation entre le juge et le tribunal arbitral

La motion 12.3012 a chargé le Conseil fédéral, entre autres, d'étudier plus en profondeur l'objet de l'initiative parlementaire 08.417, à savoir la relation entre le juge et le tribunal arbitral. En effet, outre l'examen de la compétence du tribunal arbitral, le juge assume d'autres tâches ancillaires (nomination, récusation, révocation et remplacement d'arbitres, prolongation de la mission du tribunal arbitral, mesures de contrainte).

Renonciation à régler l'effet négatif du principe de compétence-compétence En concluant une convention d'arbitrage, les parties excluent la compétence du juge.

Si l'une d'entre elles introduit tout de même une action devant une autorité judiciaire, le défendeur peut invoquer l'exception d'arbitrage. Le juge doit alors se prononcer sur sa compétence et sur la compétence du tribunal arbitral.

30

31

La synthèse des résultats de la consultation peut être consultée à l'adresse www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2017 > DFJP.

FF 2006 6841 6999

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L'art. II, ch. 3, de la Convention du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères (Convention de New York)32 prévoit que le tribunal renvoie les parties à l'arbitrage, à moins qu'il ne constate que la convention est caduque, inopérante ou non susceptible d'être appliquée. L'art. II, ch. 3, de la Convention de New York est applicable lorsque la convention d'arbitrage prévoit un siège du tribunal arbitral hors de Suisse33. L'art. 7 LDIP s'inspire de cette disposition, bien que son contenu ne soit pas identique et qu'il s'applique lorsque l'exception d'arbitrage vise un arbitrage international dont le siège est en Suisse34.

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral relative à l'art. 7 LDIP, le juge doit se contenter d'un examen sommaire de la convention d'arbitrage, lorsque cette dernière prévoit un arbitrage basé en Suisse35. En revanche, si l'exception d'arbitrage vise un tribunal arbitral dont le siège est à l'étranger, le juge doit examiner la clause d'arbitrage avec plein pouvoir d'examen36. Cette différence de traitement selon que le tribunal arbitral convenu a son siège en Suisse ou à l'étranger a donné lieu à l'initiative parlementaire 08.417 du conseiller national Christian Lüscher (voir ch. 1.1.3). Cette initiative a entretemps été classée, son contenu étant examiné dans le cadre de la motion 12.3012, objet du présent projet37.

Le Tribunal fédéral justifie sa jurisprudence de la manière suivante: lorsque le tribunal arbitral a son siège en Suisse, l'autorité de recours étatique peut, plus tard, dans le cadre d'un recours contre la sentence arbitrale, déterminer avec plein pouvoir d'examen si le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent (art. 190, al. 2, let. b, LDIP). Ce n'est en revanche pas le cas si le pouvoir de se prononcer le premier sur ce point est donné à un tribunal arbitral ayant son siège à l'étranger. C'est alors un tribunal étranger qui pourra examiner la décision du tribunal arbitral sur sa compétence38. Une majorité d'auteurs de la doctrine est d'avis qu'une telle distinction entre les tribunaux arbitraux ayant leur siège en Suisse et

32 33 34 35

36 37 38

RS 0.277.12 ATF 121 III 38, consid. 2.c; 122 III 139, consid. 2.a; BSK IPRG-Berti/Droese, art. 7, no 4.

ATF 138 III 681, consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_279/2010 du 25 octobre 2010, consid. 2 ATF 121 III 38, consid. 3.b; 122 III 139, consid. 2.b; 138 III 681, consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_436/2007 du 9 janvier 2008, consid. 3; 4C_40/2003 du 19 mai 2003, consid. 3 ATF 121 III 38, consid. 2.b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_269/2010 du 25 octobre 2010, consid. 2 BO 2016 N 1189 ATF 121 III 38, consid. 2.b; 138 III 681, consid. 3.2; voir également Dutoit, art. 7, no 5; BSK IPRG-Berti/Droese, art. 7, no 8; Bucher, L'examen de la compétence internationale par le juge suisse, in: SJ 2007, p. 153, 177 ss.

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ceux dont le siège est à l'étranger n'est pas justifiée39. Il n'existe toutefois à ce jour pas de point de vue uniforme sur la solution à privilégier par rapport à la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral. Dans la doctrine, certains estiment que le juge devrait pouvoir se prononcer sur les exceptions d'arbitrage avec un plein pouvoir d'examen, indépendamment du siège du tribunal arbitral et qu'il s'agisse d'un arbitrage international ou national40, alors que d'autres demandent que l'examen sommaire soit la règle41.

Durant la consultation, peu de participants se sont expressément prononcés sur la renonciation à inscrire dans la loi les effets négatifs du principe de la compétencecompétence du tribunal arbitral42. Parmi les avis exprimés, certains l'approuvent et d'autres la rejettent. Le Conseil fédéral en déduit que malgré les critiques, la jurisprudence du Tribunal fédéral présente une solution claire et semble poser très peu de problèmes en pratique. Une renonciation à l'inscription des effets négatifs de la compétence-compétence du tribunal n'aura ainsi aucune incidence négative sur la place d'arbitrage suisse. Au vu des résultats de la consultation, le Conseil fédéral maintient qu'un modification de l'art. 7 LDIP n'est pas souhaitable.

Renonciation à mettre en place un juge d'appui national Lors des travaux préliminaires, l'idée d'un juge d'appui national unique a été étudiée. Ses partisans avancent qu'elle permettrait de disposer d'une instance experte en matière d'arbitrage interne et international et qu'on gagnerait ainsi beaucoup en efficacité. Un point de contact national pour toutes les questions relatives à l'assistance prêtée par les tribunaux étatiques aux procédures d'arbitrage permettrait aussi de répondre de manière ciblée à certaines attentes de la présente révision (par ex.

admissibilité d'une clause prévoyant que le siège est en Suisse sans plus de précisions).

39

40 41

42

Berger/Kellerhals, International and Domestic Arbitration in Switzerland, 3e éd., 2015, no 334 ss; TSCHANZ, De l'opportunité de modifier l'art. 7 LDIP, in: ASA Bulletin 2010, p. 478 ss; Liatowithsch, Die Anwendung der Litispendenzregeln von Art. 9 IPRG durch schweizerische Schiedsgerichte: Ein Paradoxon?, ASA Bulletin 2001 p. 422 ss, 434 nbp 36; Poudret, Exception d'arbitrage et litispendance en droit suisse, in: ASA Bulletin 2007, p. 230 ss, 232 à 236; Poudret/Besson, Comparative Law of Arbitration, 2e éd., 2007, no 502 à 504; prises de position des Universités de Neuchâtel, Lausanne et Genève ainsi que de l'ASA et de la Swiss Chambers sur le courrier du secrétariat des Commissions des affaires juridiques du 22 décembre 2010, 08.417 N Iv. pa. Lüscher du 20 mars 2008 «Modification de l'art. 7 de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé».

Berger/Kellerhals, no 333; Poudret/Besson, no 502 ss avec renvois.

Gaillard, L'effet négatif de la compétence-compétence, in: Etudes de procédure et d'arbitrage en l'honneur de Jean-François Poudret, 1999, p. 387 ss, 393 s.; Gaillard, La reconnaissance, en droit suisse, de la seconde moitié du principe d'effet négatif de la compétence-compétence, in: Liber Amicorum in honour of Robert Briner, 2005, p. 311 ss, 322 s.; Bucher, L'examen de la compétence internationale par le juge suisse, p. 177 ss; Tschanz, p. 478 ss; CR LDIP-Tschanz, art. 7, no 43 ss.

Neuf participants à la procédure de consultation se sont expressément prononcés contre une révision de l'art. 7 LDIP. Une majorité de cantons, le Tribunal fédéral et les institutions de l'arbitrage ne se sont pas prononcés sur la renonciation à mettre en oeuvre l'initiative parlementaire Lüscher (la synthèse des résultats de la consultation peut être consultée à l'adresse www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2017 > DFJP).

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Face à ces avantages, la mise en place d'un juge d'appui unique présenterait de nombreux inconvénients dans la pratique. Le choix d'un seul tribunal cantonal serait problématique du point de vue du fédéralisme, et tout à fait étranger à notre système juridique. L'attribution au Tribunal fédéral des tâches du juge d'appui (nomination, récusation, révocation et remplacement des arbitres; prolongation de la mission du tribunal arbitral; injonction et exécution de mesures de contrainte dans le cadre de mesures provisionnelles, de l'administration des preuves et de l'exécution des décisions) ne serait pas non plus envisageable. En effet, ces tâches sont trop éloignées de la fonction qu'a le Tribunal fédéral en tant qu'autorité judiciaire suprême de la Confédération (art. 188, al. 1, Cst. et 1, al. 1, LTF). Sa mission doit se limiter en principe à examiner des questions de droit et à garantir une application uniforme du droit fédéral. La mise en place d'un juge d'appui national nécessiterait donc presque obligatoirement la création d'une nouvelle instance judiciaire.

Certains participants à la consultation estiment qu'il est tout de même souhaitable de prévoir un juge d'appui national, au moins pour assurer les tâches d'administration de la justice (nomination, récusation, révocation et remplacement des arbitres; prolongation du mandat du tribunal arbitral). Ils font valoir qu'une solution centralisée présente de nombreux avantages (par ex. emploi de l'anglais, spécialisation, facilité d'usage pour les parties étrangères) et proposent différentes solutions de mise en oeuvre, par exemple la délégation des tâches relevant de la pure administration de la justice à une organisation non judiciaire existante43.

Le Conseil fédéral est conscient des avantages que présente la solution d'un juge d'appui national. Il est cependant toujours d'avis qu'au vu du petit nombre de cas44 concernés, la création d'une nouvelle institution ne se justifie pas. Le juge d'appui n'intervient que lorsque les règles définies par les parties sont défaillantes, ce qui n'a généralement lieu que dans le cadre de procédures ad hoc. Dans les procédures d'arbitrage institutionnelles, les règles de l'institution d'arbitrage concernée s'appliquent avant un recours au juge d'appui. La délégation des tâches de pure administration de la
justice à une organisation non judiciaire ne constitue pas non plus une solution satisfaisante, dès lors que les tâches judiciaires (administration des preuves, mesures conservatoires) relèvent de la compétence du juge du siège du tribunal arbitral. Une telle mesure paraîtrait probablement obscure pour les parties étrangères et irait à l'encontre du but de la révision. Pour ces raisons, le Conseil fédéral renonce à proposer la création d'un juge d'appui national.

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44

La synthèse des résultats de la consultation peut être consultée à l'adresse www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2017 > DFJP.

Selon les recherches menées par la ZHAW, seulement deux juges d'appui sont intervenus au cours des cinq dernières années sur les places d'arbitrage de Genève, Lugano et Zurich (Internationale Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, eine Markt- und Regulierungskostenanalyse, p. 41).

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1.3.4

Résultats de la consultation

Dans le cadre de la consultation, 19 cantons, 3 partis politiques et 28 organisations et autres participants ont pris position45.

Réaction généralement positive La consultation a donné lieu pour l'essentiel à des avis positifs, une large majorité de participants ayant approuvé la révision proposée et ses points principaux. Deux particuliers ont pour leur part critiqué le fait que le projet soit peu innovant, alors qu'un autre le rejette dans son ensemble.

Les participants à la consultation se sont félicités de la suppression des renvois au CPC. L'admission de l'introduction de clauses d'arbitrage dans les actes juridiques unilatéraux a également recueilli une large approbation. Certains ont également accueilli favorablement la possibilité de soumettre des actes rédigés en anglais au Tribunal fédéral. Pour d'autres, et principalement pour le Tribunal fédéral, cette proposition va trop loin, alors qu'une majorité estime qu'elle constitue un bon compromis dans la tradition helvétique.

Les acteurs consultés ­ et en particulier le Tribunal fédéral ­ ont exprimé des craintes pour la sécurité du droit en cas d'assouplissement des conditions de forme des conventions d'arbitrage. L'admission du respect des conditions de formes par une seule des parties a été rejetée par une majorité de participants. La proposition de permettre au tribunal arbitral de prendre une décision sur ses propres frais sans que celle-ci puisse donner lieu à révision a également été clairement rejetée. Au vu de ce résultat de la consultation, le Conseil fédéral a décidé d'abandonner ces deux propositions de l'avant-projet.

Certains participants ont exprimé le souhait qu'on inscrive dans la loi l'obligation de faire valoir immédiatement les violations de règles de procédure constatées.

D'aucuns ont proposé de faciliter l'accès au juge d'appui suisse pour les tribunaux arbitraux étrangers ou les parties à des arbitrages à l'étranger pour les requêtes de mesures provisionnelles et l'administration des preuves. Des propositions visant à compléter les autres points de la révision (effet négatif du principe de la compétence-compétence du tribunal arbitral, champ d'application, absence de désignation du siège, arbitrage multipartite, obligation de divulgation, découverte ultérieure d'un motif de récusation, mesures provisionnelles et
conservatoires, administration des preuves, procédure sommaire devant le juge) ont par ailleurs été formulées. Le projet reprend dans une très large mesure ces propositions.

Question de la protection spéciale des parties dans les litiges de droit du travail et de la consommation Certains participants ont fait remarquer que les parties plus faibles ­ notamment les travailleurs, les consommateurs et les sportifs ­ n'étaient pas suffisamment protégées dans les procédures d'arbitrage.

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Quant à la position des travailleurs, le Conseil fédéral a décidé avec l'adoption du rapport «Conséquences de la numérisation sur l'emploi et les conditions de travail: opportunités et risques»46 le 8 novembre 2017 (postulats 15.3854 Reynard et 17.3222 Derder) que les questions de compétence des tribunaux, de droit applicable et d'arbitrage devaient être suivies attentivement et qu'elles devaient faire l'objet d'un rapport d'ici à 2022.

Le Tribunal fédéral a par ailleurs confirmé sa jurisprudence selon laquelle une clause d'arbitrage dans un contrat de travail national ne peut pas avoir une portée générale47. À la différence de la règle applicable dans les contextes internationaux, dans lesquels toutes les prétentions de nature patrimoniale peuvent en principe être soumises à un arbitrage (art. 177, al. 1, LDIP), l'art. 354 CPC prévoit que dans le contexte national, seules les prétentions dont les parties peuvent librement disposer peuvent faire l'objet d'une clause compromissoire. Or, l'art. 341 du code des obligations (CO)48 prévoit que les travailleurs ne peuvent pas renoncer aux créances résultant de dispositions impératives du droit du travail durant le mois suivant la fin du contrat de travail. En vue de protéger les travailleurs, le Tribunal fédéral fournit une indication importante en précisant qu'il n'est pas admissible de contourner la limitation de la portée des clauses compromissoires aux créances dont les parties peuvent librement disposer en soumettant un rapport de travail purement suisse aux règles de l'arbitrage international à travers l'opting out prévu à l'art. 353, al. 2, CPC49. Cette jurisprudence ne s'applique toutefois pas aux contrats de travail avec des travailleurs domiciliés à l'étranger. Les litiges patrimoniaux en découlant peuvent toujours être entièrement soumis à un arbitrage.

Les contrats conclus avec des consommateurs sont quant à eux généralement de nature patrimoniale et donc arbitrables au sens de l'art. 177, al. 1, LDIP50. Dans la mesure où les consommateurs sont souvent la partie au contrat la plus faible sur le plan économique et ont peu ­ ou n'ont pas ­ d'influence sur son contenu, en particulier sur les conditions générales, il existe un risque de contournement de la protection des consommateurs par l'arbitrage. En Suisse tout comme dans l'Union européenne
(UE), les conditions générales sont considérées comme abusives lorsqu'elles prévoient au détriment du consommateur une disproportion notable et injustifiée entre les droits et les obligations découlant du contrat51. Cette règle vise également les conditions générales ôtant aux consommateurs la possibilité de saisir les tribu46

47 48 49 50

51

Voir rapport, p. 63 s., 106 (www.seco.admin.ch > Situation économique & Politique économique > Politique économique > Numérisation, consulté pour la dernière fois le 29 juin 2018).

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_7/2018 du 18 avril 2018 (destiné à la publication) RS 220 Arrêt du Tribunal fédéral 4A_7/2018 du 18 avril 2018, consid. 2.2.2 et 2.3.3 Pour l'arbitrage national, il faut tenir compte de la jurisprudence du Tribunal fédéral relative aux litiges concernant les contrats de travail individuels. Dès lors que le droit de la protection des consommateurs ne contient pas de dispositions impératives analogues à l'art. 341 CO, les contentieux dans le contexte national sont en principe également arbitrables (pour plus de détails, voir Möhler, Konsumentenvertrage im schweizerischen Schiedsverfahren mit rechtsvergleichenden Aspekten, 2014, ch. 275 ss).

Voir l'art. 8 de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD, RS 241) ainsi que l'art. 3 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95 du 21 avril 1993, p. 29).

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naux ou d'exercer d'autres moyens de recours, notamment en les contraignant à se soumettre à un arbitrage52. En Suisse comme dans l'UE, la loi prévoit des normes de protection des consommateurs face aux clauses compromissoires abusives dans les conditions générales.

Le Conseil fédéral est conscient de la situation particulière des travailleurs et des consommateurs. Il considère cependant que la législation actuelle telle qu'elle est appliquée par le Tribunal fédéral est suffisante et, compte tenu notamment du suivi en cours au sein de l'administration, il souhaite s'abstenir à l'heure actuelle de créer des dispositions spéciales pour les litiges en matière de droit du travail et de droit de la consommation.

Particularités de l'arbitrage international en matière de sport La diversité des systèmes juridiques nationaux conduit à des disparités dans l'appréciation juridique des états de fait en matière sportive. C'est pourquoi le règlement uniforme des différends par des tribunaux arbitraux dans le sport professionnel international revêt depuis toujours une grande importance. De nombreuses organisations sportives internationales siègent en Suisse, parmi elles le Comité international olympique (CIO), la plupart de ses sous-organisations et notamment la Fédération internationale de football association (FIFA) et l'Union des associations européennes de football (UEFA). La plupart des organisations sportives internationales avec siège en Suisse sont constituées en associations au sens du CC (art. 60 ss) et sont soumises au droit suisse pour ce qui concerne les questions d'organisation, d'application des règlements internes et de règlement des différends. De nombreuses organisations soumettent d'ailleurs aussi leurs contrats au droit suisse. Le système juridique suisse revêt donc une importance primordiale pour le sport international53.

Les organisations sportives prévoient en règle générale des procédures internes de règlement des différends, mais renvoient pratiquement sans exception au Tribunal arbitral du sport (TAS) à Lausanne en dehors de ces procédures ou une fois qu'elles sont épuisées.

Le TAS a été fondé en 1984 sur une initiative du CIO. Il tranche notamment des différends liés aux contrats des joueurs, des questions disciplinaires, des questions de procédure (par exemple lors de transferts
de joueurs) et surtout des cas de dopage.

Pendant certains événements sportifs, comme les Jeux olympiques ou la Coupe du monde de football, des tribunaux ad hoc du TAS tranchent rapidement, à titre provisionnel, les différends qui peuvent surgir dans le cadre des compétitions. Le TAS joue un rôle-clé dans le système de protection juridictionnelle des sportifs au niveau international depuis sa reconnaissance par toutes les associations olympiques et la FIFA dans les années 2000 et l'adoption du Code mondial antidopage en 2004 (révisé en 2015). Sa jurisprudence apporte aujourd'hui une contribution indispensable pour la mise en oeuvre du droit du sport.

52

53

Voir let. q de l'annexe à la directive 93/13/CEE; la doctrine considère que l'art. 8 LCD doit être interprété et appliqué à l'aune de l'art. 3, par. 1, de cette directive et de la liste de clauses figurant dans son annexe (BSK UWG-Thouvenin, art. 8, no 76 avec renvois).

Hügi, Sportrecht, Berne 2015, p. 165.

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C'est justement à cause de son importance que le TAS a régulièrement fait l'objet de critiques relatives à son fonctionnement et à ses structures. Suite aux fortes inquiétudes exprimées par le Tribunal fédéral54, il a été subordonné lors de la réforme de 1994 à une fondation de droit suisse, le Conseil international de l'arbitrage en matière de sport (CIAS). Celui-ci prend les décisions en matière d'administration, de financement et de nomination des arbitres afin de rendre le TAS indépendant du CIO. Depuis lors, le Tribunal fédéral reconnaît le TAS comme un véritable tribunal arbitral indépendant, même en cas de participation du CIO55 ou de la FIFA56 à la procédure. S'il a approuvé le principe de l'extension de la liste d'arbitres, laquelle demeure toujours exhaustive, le Tribunal fédéral, en disant que le TAS était «sans doute une institution perfectible57», a vraisemblablement voulu donner à comprendre que d'autres réformes s'avéreraient nécessaires. De nombreux auteurs de doctrine se sont emparés de cette question au cours des dernières années, exprimant des avis divergents58. Tout récemment, la Cour européenne des droits de l'homme s'est aussi prononcée sur certaines questions de principe59. Dans le cadre des requêtes de deux sportifs professionnels, la Cour a pris position sur la question de la conformité à l'état de droit de la procédure devant le TAS ainsi que de l'impartialité et de l'indépendance du TAS et de ses arbitres au sens de l'art. 6, par. 1, CEDH. La Cour a débouté les requérants pour ce qui est du manque d'indépendance et d'impartialité du TAS60. En revanche, elle a reconnu une violation de l'art. 6, par. 1, CEDH, dans le chef de la requérante, car cette dernière ­ malgré une demande expresse de sa part devant le TAS ­ n'a pas bénéficié d'une audience publique61.

Un niveau élevé de protection juridictionnelle est indispensable pour assurer la crédibilité du sport mondial. Le Tribunal fédéral a constaté que la protection offerte par les tribunaux étatiques nationaux ne permettait pas d'assurer une égalité de traitement des sportifs à l'échelon international62. Un tribunal arbitral international du sport agissant selon les principes de l'état de droit est dès lors essentiel pour le sport professionnel international. Le Conseil fédéral suit l'évolution dans ce domaine avec attention. Il est d'avis qu'il appartient en premier lieu au TAS lui-même, à la fondation qui le soutient et aux associations concernées de s'atteler aux réformes

54 55 56 57 58

59

60 61 62

ATF 119 II 271 ATF 129 III 445 ATF 144 III 120 ATF 129 III 445, p. 463 Pour une vue d'ensemble, voir Zen-Ruffinen, La nécessaire réforme du Tribunal Arbitral du Sport, in: Rigozzi/Sprumont/Hafner (éd.), Citius, Altius, Fortius, Mélanges en l'honneur de Denis Oswald, 2012, p. 483 ss; Brunk, Der Sportler und die institutionelle Sportschiedsgerichtsbarkeit, 2015, p. 237 ss, 262 ss, 275 ss, 305 ss et 343 ss.

Affaire Mutu et Pechstein c. Suisse (requêtes nos 40575/10 et 67474/10), arrêt du 2 octobre 2018 (pas encore définitif). L'arrêt de la troisième section n'est pas encore définitif; dans un délai de trois mois à compter de la date de son prononcé, les parties peuvent demander le renvoi de l'affaire devant la Grande Chambre.

Affaire Mutu et Pechstein c. Suisse (requêtes nos 40575/10 et 67474/10), arrêt du 2 octobre 2018 (pas encore définitif), ch. 138 ss Affaire Mutu et Pechstein c. Suisse (requêtes nos 40575/10 et 67474/10), arrêt du 2 octobre 2018 (pas encore définitif), ch. 172 ss ATF 144 III 120, p. 126

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en y associant les sportifs63. En outre, le Tribunal fédéral pourra continuer de veiller en vertu de l'art. 190 LDIP à ce que le TAS conserve l'indépendance requise pour être à égalité avec les tribunaux nationaux, même dans un contexte changeant. Le Conseil fédéral estime que les conditions à l'adoption de prescriptions contraignantes ne sont actuellement pas réunies, d'autant que le cadre de la réforme du chap. 12 de la LDIP n'est pas approprié pour réformer le règlement des différends dans le sport international.

1.3.5

Nouveautés par rapport à l'avant-projet

Pour tenir compte des résultats de la consultation et suite aux différentes modifications auxquelles elle a donné lieu, effectuées avec le concours d'experts, le projet contient les nouveautés ci-après:

63

­

Renonciation à l'assouplissement des exigences de forme: Le projet ne reprend pas la règle proposée dans l'avant-projet, selon laquelle il suffisait que l'une des parties respecte l'exigence de forme prévue par l'art. 178, al. 1, LDIP. Les participants à la consultation se sont en effet montrés particulièrement préoccupés par l'effet de cette mesure sur la sécurité du droit.

­

Réglementation plus précise de la nomination, du remplacement et de la révocation dans la LDIP: Cette réglementation est plus précise et détaillée que dans l'avant-projet.

­

Renonciation à une nouvelle règle concernant la décision sur les frais: Les participants à la consultation ont opposé un rejet clair à la proposition prévoyant qu'en l'absence de convention des parties sur ce point, le tribunal arbitral puisse fixer le montant et la répartition des frais de la procédure arbitrale et des dépens. Cette modification n'est donc pas reprise dans le projet.

La situation juridique actuelle reste donc inchangée.

­

Inscription dans la loi de l'obligation de contester: Le principe de procédure selon lequel les violations des règles de procédure constatées doivent être contestées immédiatement figure expressément dans le texte du projet (voir commentaire de l'art. 182, al. 4, P-LDIP).

­

Accès pour les tribunaux arbitraux étrangers ou les parties à une procédure arbitrale étrangère à un juge d'appui suisse: Le projet contient une nouvelle disposition selon laquelle un tribunal arbitral siégeant à l'étranger ou une partie à une procédure arbitrale étrangère peut requérir le concours du juge du lieu où est exécutée une mesure provisionnelle, une mesure de sûreté ou l'administration des preuves. Il ne sera plus nécessaire d'emprunter la voie de l'entraide internationale en matière civile, requérant de nombreuses formalités et de longs délais (voir ch. 2.1, commentaire de l'art 185a P-LDIP).

L'actuelle communication du TAS à propos du jugement rendu par la CEDH dans le cadre de l'affaire Mutu et Pechstein c. Suisse démontre d'une volonté de prendre au sérieux les remarques de la Cour ainsi que de procéder à des améliorations (communication du TAS du 02.10.2018, www.tas-cas.org > dernières actualités et communication aux médias, consulté pour la dernière fois le 02.10.2018).

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1.4

Parallélisme des tâches et du financement

Les modifications proposées n'engendrent pas de nouvelles dépenses, dès lors qu'une augmentation du nombre de procédures d'arbitrage international en Suisse n'est pas de nature à générer une charge de travail supplémentaire pour les tribunaux suisses qui ne serait pas compensée par des revenus complémentaires ou une simplification des procédures.

1.5

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

L'arbitrage international est aujourd'hui un domaine d'activité important en Suisse; tant les études d'avocats, les institutions d'arbitrage, la branche hôtelière et les entreprises de transport profitent des retombées économiques de l'arbitrage international. La concurrence entre les places arbitrales pousse les législateurs des différents États à adapter leur règlementation aux besoins, en permanente évolution, des acteurs internationaux de manière à offrir un cadre juridique avantageux64. En effet, la règlementation en matière d'arbitrage a une influence importante sur la procédure et est donc un critère central pour le choix d'une place arbitrale65.

Pour cette raison, les principales places arbitrales ont modernisé leur règlementation ces dernières années. La loi type de la CNUDCI avait déjà été mise à jour en 2006, notamment pour permettre le recours à des moyens de communication plus modernes et pour régler de manière détaillée les mesures provisoires66. Or plus de 70 États ont fondé leur droit de l'arbitrage sur cette loi type67. Leur droit en matière d'arbitrage a donc profité de cette réforme et de cette modernisation. Ont également révisé leur règlementation récemment la France (2011)68, Hong Kong (2011), Singapour (2012)69 et l'Autriche (201370). L'Allemagne et la Suède sont en train de le faire.

64 65 66

67

68 69 70

Ambauen, no 5.

Kaufmann-Kohler/Rigozzi, International Arbitration, no 2.23; Stacher, Einführung in die internationale Schiedsgerichtsbarkeit der Schweiz, 2015, no 28 s.

Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, Loi type de la CNUDCI sur l'arbitrage commercial international (1985) avec les amendements adoptés en 2006, p. viii.

Voir www.uncitral.org > Textes de la CNUDCI, état des ratifications > Arbitrage commercial international et conciliation > Loi type de la CNUDCI sur l'arbitrage commercial international (1985) avec les amendements adoptés en 2006 > État (consulté pour la dernière fois le 29 juin 2018).

Décret no 2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l'arbitrage, JORF no 0011 du 14 janvier 2011 page 777 texte no 9.

Pour Hong Kong et Singapour, voir CHAN, Singapore's International Arbitration Act 2012 vs Hong Kong's Arbitration Ordinance 2011, Kluwer Arbitration Blog, 5 avril 2012.

Voir la loi du 7 août 1895 sur la procédure judiciaire en matière civile dans sa version résultant de la loi modifiant le droit de l'arbitrage de 2013 (Gesetz vom 7. August 1895 uber das gerichtliche Verfahren in burgerlichen Rechtsstreitigkeiten [Zivilprozessordnung ­ ZPO], RGBl. Nr. 113/1895 idF Schiedsrechts-Anderungsgesetz 2013, BGBl. I Nr. 118/2013).

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Les États ne sont pas les seuls à mettre à jour leurs bases juridiques. Les institutions d'arbitrage adaptent elles aussi leurs règlements. La CCI a révisé son règlement d'arbitrage en 2012 et 2017 afin de rendre les procédures plus rapides, efficientes et transparentes71. Les Swiss Rules de la SCAI ont aussi été révisées en 2012 dans le but de renforcer l'efficacité et l'économicité des procédures72.

Ces développements sont une autre raison pour laquelle il paraît opportun de faire le point sur le droit suisse de l'arbitrage, qui depuis son entrée en vigueur il y a 30 ans a fait ses preuves, et de le mettre à jour.

1.6

Mise en oeuvre

La révision consiste en une adaptation de plusieurs lois fédérales (LDIP, LTF et CPC) et ne nécessite pas une mise en oeuvre par voie d'ordonnance. Il est possible que les cantons doivent très légèrement adapter leurs lois d'organisation judiciaire sur la question du rôle du juge dans les procédures d'arbitrage (par ex. sur la question de l'inscription dans la loi de l'application de la procédure sommaire aux procédures ancillaires devant le juge).

1.7

Classement d'interventions parlementaires

La révision permet de remplir le mandat confié au Conseil fédéral par le biais de la motion 12.3012 de la CAJ-N «Loi fédérale sur le droit international privé. Maintenir l'attrait de la Suisse comme place arbitrale au niveau international». Le Conseil fédéral propose en conséquence le classement de cette motion.

2

Commentaire des dispositions

2.1

Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP)

Remplacement d'expressions et adaptations rédactionnelles en allemand Conformément au nouvel usage, en particulier dans le CPC, on remplace dans le texte allemand de tout le chap. 12 LDIP l'expression (staatlicher) «Richter» par celle de (staatliches) «Gericht». Il en résulte des adaptations aux art. 179, 180, 183, 184, 185 et 193 LDIP. À l'art. 176, al. 3, LDIP, on remplace «Schiedsrichter» par «Schiedsgericht». Ces adaptations sont purement rédactionnelles. Par ailleurs, par souci d'utiliser des formulations non sexistes, on remplace «Schiedsrichter» par «Mitglied des Schiedsgerichts» (art. 179, 180 et 181 LDIP), «Präsident» par «die 71

72

Sessler/Voser, Die revidierte ICC-Schiedsgerichtsordnung ­ Schwerpunkte, in: SchiedsVZ 2012, cahier 3, p. 120 ss; Trauttenberg/Wong, New ICC Rules effective as of 1 March 2017, Wolf Theiss Client Alert, février 2017.

Zuberbühler/Müller/Habegger, Swiss Rules of International Arbitration ­ Commentary, 2e éd., 2013.

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Präsidentin oder den Präsidenten» (art. 189 LDIP) et «Einzelschiedsrichter» par «die Einzelschiedsrichterin oder den Einzelschiedsrichter» (art. 190 LDIP).

Art. 176, al. 1 et 2, et 192, al. 1 Critère d'application du chapitre 12: siège au moment de la signature de la convention (art. 176, al. 1, et 192, al. 1) Alors que la pratique et la doctrine73 sont d'avis que le chap. 12 de la LDIP s'applique aux parties ayant à l'origine signé la convention d'arbitrage, le Tribunal fédéral estime qu'il faut considérer la situation des parties au moment de l'ouverture d'une procédure74. Dans cette optique, le droit à appliquer (CPC ou LDIP en fonction du domicile, du siège ou de la résidence habituelle des parties) ne peut se déterminer qu'à l'ouverture d'une procédure entre deux parties précises, et non, à l'avance, au moment de la signature de la convention. Cette incertitude existe notamment quand une convention lie plus de deux parties, puisqu'il est impossible de prévoir lesquelles seront concernées par un différend.

Pour renforcer la sécurité du droit, le projet propose de préciser à l'art. 176, al. 1, LDIP qu'il s'agit des parties «à la convention d'arbitrage». Le moment de la signature de la convention est donc déterminant à cet égard.

L'art. 176, al. 1, P-LDIP est aussi complété de manière à préciser qu'il peut s'agir du siège d'une société. Aujourd'hui, le terme domicile englobe la notion de siège de société au sens de l'art. 150 LDIP. Il ne s'agit donc que d'une adaptation rédactionnelle, que l'on effectuera aussi à l'art. 192, al. 1, P-LDIP. Contrairement à ce que prévoyait l'avant-projet, un simple établissement n'est en revanche pas pris en compte.

Forme unifiée (art. 176, al. 2, et 192, al. 1) L'art. 176, al. 2, LDIP donne aux parties la possibilité de mener une procédure d'arbitrage internationale selon les règles du droit de l'arbitrage interne, c'est-à-dire d'exclure l'application du chap. 12 de la LDIP en faveur de la partie 3 du CPC (opting-out). Ce choix peut se faire dans la convention d'arbitrage ou dans une convention ultérieure. L'art. 192, al. 1, LDIP prévoit la possibilité d'exclure entièrement ou partiellement le recours contre la sentence arbitrale si aucune des parties n'a son domicile, sa résidence habituelle ou son siège en Suisse. Cette renonciation peut prendre la forme
d'une déclaration dans la convention d'arbitrage ou d'un accord écrit ultérieur.

Le projet indique clairement que toutes les conventions passées dans une procédure d'arbitrage sont soumises aux mêmes exigences de forme. En conséquence, la mention d'une «déclaration expresse» est supprimée aux arts. 176, al. 2, et 192, al. 1, P-LDIP et l'art. 192, al. 2, P-LDIP ne mentionne plus l'exigence de forme écrite.

Les déclarations d'exclusion de la LDIP en faveur du CPC et les renonciations à 73

74

BSK IPRG-Pfiffner/Hochstrasser, art. 176, no 8, 36; Orelli, Article 176 PILS, no 21, in: Arroyo (éd.), Arbitration in Switzerland. The Practitioner's Guide, 2013; CR LDIPBucher, art. 176, no 22; Stacher, no 32; Berger/Kellerhals, no 99 ss.

Arrêt du Tribunal fédéral 4P.54/2002 du 24 juin 2002, consid. 3

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faire recours devront répondre aux exigences de l'art. 178, al. 1, P-LDIP, qu'elles soient prévues dans la convention d'arbitrage ou dans une convention ultérieure75.

La situation inverse de l'art. 176, al. 2, LDIP, à savoir l'exclusion du CPC en faveur de la LDIP, est réglée à l'art. 353, al. 2, P-CPC. Pour garantir le parallélisme entre ces deux dispositions, le projet propose d'adapter également l'art. 353, al. 2, CPC (voir ch. 2.3).

Art. 178, titre marginal et al. 1 et 4 Forme de la convention d'arbitrage (al. 1) Le droit actuel prévoit, quant à la forme, qu'une convention est valable si elle est passée «par écrit, télégramme, télex, télécopieur ou tout autre moyen de communication qui permet d'en établir la preuve par un texte»76.

La mention du télégramme et du télex visait à tenir compte des «usages en vigueur» à l'époque77, lesquels sont aujourd'hui dépassés. Le projet propose d'utiliser à l'art. 178, al. 1, P-LDIP la règle plus concise et moderne de l'art. 358 CPC: «La convention d'arbitrage est passée en la forme écrite ou par tout autre moyen permettant d'en établir la preuve par un texte».

À la différence de ce que prévoyait l'avant-projet, le projet ne prévoit plus d'assouplir les exigences de forme et d'admettre qu'une seule des parties les observe (voir ch. 1.3.4 et 1.3.5).

Clauses d'arbitrage des actes juridiques unilatéraux (al. 4) Les conventions d'arbitrage sont le plus souvent passées entre deux parties ou plus.

Du point de vue de la règle de conflits de lois, rien n'empêche déjà aujourd'hui de faire tomber les clauses arbitrales contenues dans des actes juridiques unilatéraux (par ex. testament, fondation, attribution de prix ou trust) dans le champ du critère de

75

76 77

Une majorité d'auteurs de doctrine sont de cet avis: Orelli, Article 176 PILS, no 29, in: Arroyo (éd.), Arbitration in Switzerland. The Practitioner's Guide, 2013; BSK IPRGPfiffner/Hochstrasser, art. 176, no 40 s., 45; Berger/Kellerhals, no 107 ss; Ambauen, no 68 s.; CR LDIP-Bucher, art. 176, no 31.

ATF 119 II 394 consid. 3a; BSK IPRG-Gränicher, art. 178, no 16.

FF 1983 I 255, 448

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rattachement qui est la convention d'arbitrage (art. 178 LDIP)78. La doctrine et la jurisprudence en matière d'arbitrage considèrent également qu'en principe, les litiges de droit des sociétés sont arbitrables et qu'en conséquence, les clauses d'arbitrage sont admissibles dans les statuts79. Pour la sécurité du droit, il apparaît toutefois opportun de clarifier ce point dans la loi. Ce principe a été largement approuvé lors de la consultation. Le nouvel art. 178, al. 4, précise que le chap. 12 s'applique par analogie aux clauses arbitrales contenues dans des actes juridiques unilatéraux ou des statuts ainsi qu'en cas de renvoi à une telle clause. Afin de conserver le parallélisme entre le CPC et la LDIP, le projet prévoit l'ajout à l'art. 358 PCPC d'un al. 2 au contenu identique.

Le chap. 12 s'applique par analogie à la délimitation entre droit national et international en matière d'arbitrage, aux exigences de forme, à la définition du statut de la convention d'arbitrage et du droit applicable, ainsi qu'au mandat du tribunal arbitral.

Le Conseil fédéral est donc d'avis que les dispositions en vigueur permettent de tenir suffisamment compte des particularités des clauses d'arbitrage unilatérales et qu'il n'est pas nécessaire de prévoir de nouvelles règles sur ce point, les éventuelles questions en suspens pouvant être traitées par la doctrine et la jurisprudence.

L'exemple d'une clause d'arbitrage contenue dans un testament peut illustrer le fonctionnement de l'art. 178, al. 4, P-LDIP. Selon l'art. 178, al. 2, le droit applicable à la convention d'arbitrage (ou plutôt à la clause d'arbitrage) est soit le droit choisi par les parties, soit le droit régissant l'objet du litige, soit le droit suisse. Si ce dernier s'applique, la clause d'arbitrage est directement admise en application de l'art. 178, al. 4, LDIP en relation avec l'al. 280. C'est également l'art. 178, al. 2, qui détermine le droit applicable à la question de savoir dans quelles conditions la clause 78

79

80

BSK IPRG-Gränicher, art. 178, no 63; HAAS/BROSI, Einseitige, insbesondere testamentarische Schiedsklauseln nach der (geplanten) Reform zur Internationalen Schiedsgerichtsbarkeit, in: ZZPInt 21 (2016), p. 327; Göksu, Schiedsgerichtsbarkeit, 2014, no 529; concernant les clauses d'arbitrage contenues dans les testaments, voir Schlumpf, Testamentarische Schiedsklauseln, 2011, no 206; concernant les trusts, voir Wüstemann/Huber, Trust Arbitration in Switzerland, in: Strong (éd.), Arbitration of Trust Disputes: Issues in National and International Law, 2016, no 17.22 ss; BSK IPRG-Vogt/Pannatier Kessler, préambule aux art. 149a à e, no 204 ss; Wüstemann, Arbitrating Trust Disputes, in: Arroyo (éd.), Arbitration in Switzerland. The Practitioner's Guide, 2013, no 18 ss; Wüstemann, Anglo-Saxon trusts and (Swiss) arbitration: alternative to trust litigation?, in: Trusts & Trustees, 4/2012, p. 343; d'un autre avis, Huber, Gerichtsstands- und Schiedsgerichtswahl in trustrechtlichen Angelegenheiten, 2013, no 356 ss; sur les fondations, Liatowitsch/Fischer, Stiftungen und Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, in: Schurr (éd.), Wandel im materiellen Stiftungsrecht und grenzüberschreitende Rechtsdurchsetzung durch Schiedsgerichte, 2013, p. 229 ss.

Le Tribunal fédéral part du principe que les clauses d'arbitrage ne concernent que les aspects procéduraux des litiges (ATF 24 II 552, consid. 8, p. 565 s.; arrêt du Tribunal fédéral 4A_424/2011 du 2 novembre 2011, consid. 10.1). Les limitations posées par la loi aux obligations des actionnaires envers la société n'affectent pas la validité des clauses de compétence contenues dans les statuts. Le droit matériel ne prévoit pas la gratuité des procédures et ne garantit pas une protection juridictionnelle de l'État (arrêt du Tribunal fédéral 4A_446/2009 du 8 décembre 2009, consid. 2.2; BSK IPRG-Gränicher, art. 178, no 70; BSK ZPO-Girsberger, art. 357, no 29 et 30a; Kaufmann-Kohler/Rigozzi, Arbitrage International, no 234b; Berti, Some Thoughts on the Validity of Arbitration Clauses in the Articles of Association of Corporations under Swiss Law, ASA Special Series no 8, 1994, p. 120 ss, 122).

Haas/Brosi, p. 332; Picht/Chrobak, p. 233.

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d'arbitrage peut déployer des effets contraignants. S'il s'agit du droit suisse, la question des effets contraignants de la clause relève du droit matériel suisse81 ­ c'est-àdire des règles du droit des successions lorsque la clause d'arbitrage est prévue dans un testament.

La question de savoir si ­ et, dans l'affirmative, dans quelle mesure ­ une clause compromissoire contenue dans un testament est valable au regard du droit matériel des successions suisse, n'est pas l'objet de cette révision. D'une manière générale, on peut souligner que, selon plusieurs avis (toutefois controversés), lorsqu'un testament contient une clause d'arbitrage, seuls les rapports juridiques créés par la déclaration unilatérale elle-même (dans le cadre de son autonomie) y sont soumis. La clause d'arbitrage ne lie en revanche pas les personnes que la loi place déjà dans un rapport juridique avec le disposant82. En conséquence, en droit suisse, elle ne déploie d'effet contraignant ni pour les héritiers, ni pour les créanciers du de cujus ou de la succession83. En revanche, tant l'exécuteur testamentaire que les héritiers testamentaires, les légataires et les bénéficiaires de charges sont institués par la disposition du testateur et donc liés par la clause d'arbitrage84. Pour ce qui concerne les héritiers réservataires, il y a lieu d'opérer une distinction. Lorsqu'ils ne reçoivent pas de legs du disposant, aucun nouveau rapport juridique n'est créé par le testament et ils restent donc libres d'accepter ou de refuser la clause d'arbitrage (en invoquant l'exception applicable ou en contestant le testament devant le tribunal compétent)85.

Lorsqu'en revanche les héritiers réservataires reçoivent une part d'héritage sous forme de legs, ils sont liés pour cette part par la clause d'arbitrage86.

Le droit applicable aux questions successorales dans les procédures d'arbitrage international est déterminé à l'art. 187, al. 1, LDIP (art. 381 CPC pour les procédures nationales), lequel prime les règles générales des art. 90 ss LDIP. La crainte que le testateur ­ profitant de la plus grande liberté que donne le chap. 12 pour le choix du droit applicable par rapport aux art. 90 ss LDIP ­ puisse prendre certaines mesures de planification permettant de contourner les droits minimaux prévus par la loi au préjudice de ses héritiers proches
est quant à elle infondée. Pour le montant de leur réserve, les héritiers réservataires ne sont en effet liés par la clause d'arbitrage que dans la mesure où ils l'acceptent (notamment en procédant sans réserve)87.

Pour déterminer si le droit national ou international de l'arbitrage doit s'appliquer, l'art. 176, al. 1, LDIP se fonde sur le moment où l'acte juridique déploie ses effets.

Dans le cas d'un testament, il ne s'agit pas du jour de sa rédaction mais du moment 81

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83 84 85 86 87

ATF 116 Ia 56, consid. 3a; Berger/Kellerhals, no 408; Müller, art. 178, no 46, in: Arroyo (éd.), Arbitration in Switzerland. The Practitioner's Guide, 2013; CR LDIP-Tschanz, art. 178, no 85; Haas/Brosi, p. 333; Schlumpf, no 244 ss.

BSK IPRG-Gränicher, art. 178, n 63 avec renvois; du même avis, Haas/Brosi, p. 336; plutôt critiques, Picht/Chrobak, p. 237 s.; d'un autre avis, Schlumpf, no 341 ss; BK ZGB-Weimar, art. 482, no 17 s.; Künzle, Aktuelle Praxis zur Willensvollstreckung (2009­2010), successio 4/2010, p. 290; concernant les trusts, voir Huber, no 418.

Schlumpf, no 429 s.; Haas/Brosi, p. 336; BK ZGB-Weimar, art. 482, no 16.

BSK IPRG- Gränicher, art. 178, no 64; Schlumpf, no 425 ss.

Perrin, De l'arbitrabilité des litiges successoraux, in: ASA Bulletin 2006, p. 426 s.

Haas/Brosi, p. 337; d'un autre avis, Schlumpf, no 341 ss; BK ZGB- Weimar, art. 482, no 17 s.

Haas/Brosi, S. 344.

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du décès88. Par ailleurs, l'exigence d'un rattachement à l'étranger posée par cette disposition est satisfaite lorsque le disposant avait son domicile à l'étranger au jour de son décès89.

Nul ne conteste par ailleurs la validité des clauses d'arbitrage incluses dans les statuts de sociétés de personnes90. Ces clauses sont également admises en droit suisse dans les statuts d'associations et de coopératives91. La question de savoir si une clause d'arbitrage prévue dans les statuts d'une société à responsabilité limitée ou d'une société anonyme viole l'interdiction d'imposer des obligations aux actionnaires au-delà de celles que prévoit la loi est en revanche sujette à discussions92. La révision du droit de la société anonyme apporte toutefois une clarification en droit suisse en prévoyant que les clauses d'arbitrage sont admissibles dans les statuts93.

L'art 178, al. 4, P-LDIP confirme également la licéité des clauses d'arbitrage statutaires.

Art. 179 Nomination et remplacement des arbitres (al. 1, 2, 1re phrase, 3 et 4) Le projet suit le principe selon lequel le chap. 12 de la LDIP doit régler l'arbitrage international en droit suisse de manière exhaustive sans renvoyer à d'autres lois (ch. 1.2.3). Il propose de supprimer le renvoi au CPC contenu à l'art. 179, al. 2, 1re phrase. Cette dernière disposition, l'al. 3 modifié sur le plan rédactionnel et le nouvel al. 4 règlent entièrement la nomination et le remplacement des arbitres dans les cas où les parties ne l'ont pas fait elles-mêmes dans la convention. Ces dernières pourront saisir le juge, qui prendra les mesures nécessaires. La partie demanderesse devra saisir le juge dans un délai de 30 jours à compter du moment où elle a requis de l'autre partie qu'elle nomme un arbitre, ou des arbitres qu'ils nomment un président. L'al. 1 prévoit pour sa part ­ sur le modèle de l'art. 360, al. 1, 2e phrase CPC ­ qu'à défaut de convention contraire entre les parties, le tribunal arbitral se compose de trois membres.

Siège indéterminé ou siège simplement en Suisse («Arbitration in Switzerland») (al. 2, 2e phrase) Les parties conviennent en principe du siège du tribunal arbitral (art. 176, al. 3, LDIP). Elles peuvent le faire dans la convention ou à un moment ultérieur sans exigence de forme. Si le siège n'a pas été déterminé, il incombe à l'institution 88

89 90

91 92 93

Breitschmid, Formvorschriften im Testamentsrecht, 1982, p. 73 s.; Kroppenberg, Privatautonomie von Todes wegen, Verfassungs- und zivilrechtliche Grundlagen der Testierfreiheit im Vergleich zur Vertragsfreiheit unter Lebenden, 2008, p. 241; Druey, Grundriss des Erbrechts, 2002, § 9, no 4.

Haas/Brosi, p. 329 s.

L'accord de tous les associés est nécessaire pour l'adoption d'une clause d'arbitrage dans les statuts. Les associés rejoignant la société ultérieurement doivent également l'accepter.

En pratique, cette acceptation a souvent lieu à travers un renvoi général ou spécifique au contrat de société (BSK IPRG-Gränicher, art. 178, no 68).

Mauerhofer, Gültigkeit statutarischer Schieds- und Gerichtsstandsklauseln, in: GesKR 1/2011, p. 26.

Mauerhofer, p. 20 ss; Böckli, Schweizer Aktienrecht, 2009, § 16, no 149 ss Voir art. 697n P-CO; FF 2017 353, 493

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d'arbitrage qu'elles ont désignée de le faire. De nombreux règlements d'arbitrage contiennent des règles en la matière94. À titre subsidiaire, il peut aussi revenir au tribunal arbitral de régler la question du siège95.

Si les parties n'ont pas désigné de siège et que les mécanismes de désignation de l'art. 176, al. 3, LDIP ne permettent pas d'en définir un, différentes dispositions du chap. 12 ne peuvent plus être appliquées, à commencer par l'art. 176, al. 1, visant le champ d'application du chap. 12, à savoir les arbitrages dont le siège du tribunal arbitral se trouve en Suisse. Sont aussi concernées toutes les dispositions conférant une compétence ancillaire au juge du siège du tribunal arbitral (art. 179, al. 2, 180, al. 3, 184, al. 2, 185 et 193, al. 1, LDIP). Le plus souvent, la doctrine considère que, dans ce cas, la convention concernée ne remplit pas les exigences minimales et qu'il n'est pas possible d'ouvrir une procédure d'arbitrage en Suisse96. Une minorité est toutefois d'avis que, lorsqu'une convention fait une allusion minimale à la Suisse («Arbitration in Switzerland»), le demandeur devrait pouvoir saisir un tribunal cantonal de son choix et requérir l'ouverture d'une procédure d'arbitrage97. Certains auteurs estiment en outre qu'il faudrait régler la question de l'application par analogie de l'art. 355, al. 2, CPC98.

Les représentants de la doctrine dominante doivent toutefois reconnaître que la définition du lieu d'arbitrage ne fait pas partie des points essentiels de la convention (essentialia negotii), même si la loi recourt plusieurs fois à la notion de siège. Ils doivent aussi reconnaître que le législateur a confié en premier lieu au tribunal arbitral le soin de déterminer si une procédure peut être ouverte ou si une convention a été conclue de manière valable (art. 186, al. 1, LDIP, principe de compétencecompétence). Le fait que, lorsque le siège ne peut pas être déterminé parce qu'aucun juge n'est compétent, une partie ne puisse pas requérir la nomination d'arbitres sur la base de l'art. 179, al. 3, LDIP représente une lacune dans l'architecture du chap. 12.

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Par ex. art. 16 Swiss Rules, art. 25 Rules of Arbitration and Mediation Vienna International Arbitration Centre (VIAC), art. 16 Arbitration Rules London Court of International Arbitration (LCIA), par. 21 Regeln des Deutschen Instituts für Schiedsgerichtsbarkeit et suppl. (DIS), art. 20 Arbitration Rules Stockholm Chamber of Commerce (SCC), art. 14 Arbitration Rules International Chamber of Commerce (ICC), Rule 21 Arbitration Rules Singapore International Arbitration Centre (SIAC).

BSK IPRG-Pfiffner/Hochstrasser, art. 176, no 25; CR LDIP-Bucher, art. 176, no 14; Stacher, no 21.

Dutoit, art. 176, no 9; Bucher/Tschanz, International Arbitration in Switzerland, 1989, p. 33; Walter/Bosch/Brönimann, Internationale Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, Kommentar zu Kap. 12 des IPR-Gesetzes, 1991, p. 40; Lalive/Poudret/Reymond, Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, 1989, p. 298; Rüede/Hadenfeldt, Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, 2e éd., 1993 et supplément de 1999, p. 119; Pfisterer/Schnyder, Internationale Schiedsgerichtsbarkeit, 2010, p. 55, 61; Wenger, Key-Notes ad Art. 176­178 IPRG, in: ASA Bulletin 1992/1, p. 15; Kaufmann-Kohler/Rigozzi, International Arbitration, no 2.20 et 3.22.

Girsberger/Voser, no 621; Stacher, no 24; Kaufmann-Kohler/Rigozzi, When is a Swiss arbitration international?, in: Jusletter du 7 octobre 2002, no 311; Berger/Kellerhals, no 756; Besson, L'efficacité de la clause «Arbitrage en Suisse» et de la clause blanche, in: FS Claude Reymond, 2004, p. 17, 25; BSK IPRG-Peter/Legler, art. 179, no 3.

L'art. 355, al. 2, CPC prévoit que, s'il n'a pas pu être fixé, le siège est au for de l'autorité judiciaire qui, à défaut d'arbitrage, serait compétente pour statuer sur le litige (voir aussi BSK ZPO-Weber-Stecher, art. 355, no 23; CR LDIP-Bucher, art. 176, no 14).

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Pour remédier à cette faiblesse, le projet prévoit d'ajouter une 2e phrase à l'art. 179, al. 2: le premier juge saisi est compétent si les parties n'ont pas déterminé de siège ou si elles sont seulement convenues que le siège était en Suisse et qu'elles ne sont ainsi pas en mesure de nommer des arbitres. En tant que «juge d'appui», il devra constituer un tribunal arbitral, auquel il incombera de fixer le siège sur la base de l'art. 176, al. 3, LDIP. Bien que ce problème ne se pose que rarement, la règlementation proposée renforcera l'attrait du chap. 12. En effet, une loi d'arbitrage moderne se doit de permettre aux clauses les plus favorables de s'appliquer (principe in favorem validitatis).

Arbitrage multipartite (al. 5) L'une des garanties essentielles qu'un tribunal arbitral doit respecter pendant toute la procédure et qui doit déjà être prise en compte au moment de sa constitution est le principe d'égalité entre les parties (art. 182, al. 3, LDIP). Chacune d'entre elles doit avoir le même poids dans la nomination des arbitres99. Lorsque plus de deux parties participent à une procédure, il peut être difficile de respecter et donc de mettre en oeuvre le principe d'égalité100. La solution proposée par le Conseil fédéral a été largement approuvée lors de la consultation.

Un nouvel al. 5 prévoit une règlementation analogue à celle de l'art. 362, al. 2, CPC: en cas d'arbitrage multipartite et en l'absence de convention entre les parties ou de renvoi à un règlement d'arbitrage, le juge doit pouvoir nommer tous les arbitres. La règle est potestative. En pratique, le juge pourra choisir de recourir à une autre solution plus appropriée en fonction du cas d'espèce101. Cette règle est conforme à la jurisprudence suisse, qui ne considère pas que le simple fait de nommer l'arbitre de la partie qui se refuse à le faire constitue une inégalité de traitement, pour autant que celui-ci satisfasse aux exigences d'impartialité et d'indépendance102. L'opinion divergente selon laquelle le juge doit toujours nommer les arbitres de toutes les parties afin de respecter l'égalité de traitement est toutefois également représentée dans la doctrine et dans les affaires d'arbitrage international103.

Le nouvel al. 5 permettra au juge de choisir entre ces deux approches et de nommer le cas échéant tous les arbitres
directement. Dans un tel cas, aucune des parties n'aura d'influence (prépondérante) sur la composition du tribunal arbitral. Afin d'éviter des comportements purement stratégiques de la part de plusieurs demandeurs ou défendeurs, le juge aura la possibilité de ne nommer que l'arbitre de la partie défaillante.

99 100

BSK IPRG-Peter/Legler, art. 179, no 12; CR LDIP-Tschanz, art. 179, no 22.

C'est le cas en particulier lorsqu'une clause d'arbitrage prévoit un tribunal composé de trois arbitres et que les parties (deux ou plus) ne s'entendent pas sur la nomination de l'arbitre commun; Kaufmann-Kohler/Rigozzi, International Arbitration, no 4.78.

101 FF 2006 6841, 7003; KUKO ZPO-Dasser, art. 362, no 6; Berger/Kellerhals, no 838.

102 Arrêt du Tribunal fédéral P.1703/82 du 16 mai 1983 (non publié) 103 Arrêt de la Cour de cassation française du 7 janvier 1992 (Siemens AG/BKMI Industrieanlagen GmbH contre Dutco Construction Company), in: Rev. arb. 1992, p. 470; concernant l'ensemble de la question, voir Kaufmann-Kohler/Rigozzi, International Arbitration, no 4.82 s.; Meier, Multi-party Arbitrations, no 54 ss, in: Arroyo (éd.), Arbitration in Switzerland. The Practitioner's Guide, 2013; CR LDIP-Tschanz, art. 179, no 24; Poudret, Arbitrage multipartite et droit suisse, in: ASA Bulletin 1991, p. 19.

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Obligation pour les arbitres de déclarer des intérêts (al. 6) L'article est complété de manière à se rapprocher de l'art. 363 CPC. La loi prévoira ainsi que les arbitres ont l'obligation de déclarer des intérêts. Cette règle découle déjà de l'obligation d'indépendance et d'impartialité des arbitres et a été largement approuvée lors de la consultation.

Conformément au nouvel al. 6, les arbitres doivent révéler sans retard l'existence de faits qui pourraient éveiller des doutes légitimes sur leur indépendance ou leur impartialité. Cette obligation vaut pour toute la procédure: elle commence au moment où le mandat d'arbitre est proposé et dure jusqu'au terme de la procédure (moment où la sentence ou la nouvelle sentence suite à un recours est rendue).

Art. 180, titre marginal et al. 1, let. b (ne concerne que le texte français) et c, 2 et 3 Précisions rédactionnelles (titre marginal et al. 1, let. b et c, et 2) La modification de l'al. 1, let. b, ne concerne que le texte français: «cause de récusation» est remplacé par «motif de récusation», le but étant d'harmoniser la terminologie entre la LDIP et le CPC.

À l'al. 1, let. c, on précise que les doutes pouvant mener à la récusation d'un arbitre ne concernent pas seulement son indépendance mais aussi son impartialité. Cela est déjà sous-entendu en droit actuel104. L'art. 367, al. 1, let. c, CPC le formule d'ailleurs déjà explicitement.

L'al. 2 transpose dans la loi la jurisprudence selon laquelle le critère déterminant n'est pas la connaissance subjective d'une partie, mais la connaissance qu'elle aurait pu avoir en faisant preuve de l'attention requise. L'art. 367, al. 2, CPC est aussi adapté dans ce sens (voir ch. 2.3).

Motifs de récusation découverts après coup (al. 3) Dans le cadre de la procédure prévue par la loi fédérale du 16 décembre 1943 d'organisation judiciaire (OJ)105, la découverte après la procédure de motifs de récusation ne justifiait en principe pas une demande de révision d'une sentence d'arbitrage international auprès du Tribunal fédéral106. La question de savoir s'il y a

104

ATF 136 III 605, consid. 3.2 (avec renvois); voir également BSK IPRG-Peter/Brunner, art. 180, no 11 ss; Dutoit, art. 180, no 4; Orelli, Article 180 PILS, no 8, in: Arroyo (éd.), Arbitration in Switzerland. The Practitioner's Guide, 2013; Kaufmann-Kohler/Rigozzi, International Arbitration, no 4.106.

105 RS 173.110 (n'est plus en vigueur) 106 ATF 118 II 199, consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 4P.104/1993 du 25 novembre 1993, consid. 2 (avec renvois)

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lieu d'appliquer cette ancienne jurisprudence107 sous l'empire de la LTF n'est pas clarifiée et les avis divergent dans la doctrine108.

Le projet permet de clarifier cette question au niveau du texte de la loi. L'art. 180, al. 3, P-LDIP prévoit que les dispositions sur la révision seront applicables si un motif de récusation n'est découvert qu'après la clôture d'une procédure. Cette solution est la seule qui soit efficace: les recours au sens de l'art. 77, al. 1, let. a, LTF en relation avec l'art. 190, LDIP seraient inutiles en cas de découvertes ultérieures de motifs de récusation. Certes, il serait possible de faire valoir l'art. V de la Convention de New York dans le cadre de l'exécution de la sentence, mais, pour cela, il faudrait qu'il y ait bien une procédure d'exécution au sens de la Convention et que le motif de récusation soit découvert avant la fin de cette procédure. Un rejet de l'exécution serait quoi qu'il en soit inefficace puisqu'il ne donnerait pas lieu à une nouvelle sentence. Comme le problème touche aussi l'arbitrage interne, la même règle est inscrite à l'art. 369, al. 6, P-CPC (voir ch. 2.3).

Art. 180a Procédure de récusation Le nouvel art. 180a réglera la procédure de récusation de manière détaillée sans renvoyer au CPC. La règlementation s'inspire de celle en vigueur pour l'arbitrage interne (art. 369 ss CPC).

Si les parties n'en ont pas convenu autrement, la partie requérante pourra adresser sa demande de récusation à l'arbitre visé et aux autres arbitres dans les 30 jours109 à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance du motif de récusation (al. 1).

Elle pourra ensuite saisir le juge dans les 30 jours suivant cette communication. Ce sera notamment le cas lorsque l'arbitre visé ne réagit pas à la demande de récusation ou la conteste. La décision du juge sera définitive (al. 2). Sauf convention contraire des parties, le tribunal arbitral pourra, pendant la procédure de récusation, continuer la procédure et rendre une sentence avec la participation de l'arbitre visé par la demande de récusation (al. 3).

107

Arrêts du Tribunal fédéral 4A_234/2008 du 14 août 2008, consid. 2.1; 4A_528/2008 du 4 avril 2008, consid. 2.5; ATF 142 III 521, consid. 2.3.5 108 Contre l'application par analogie de la LTF aux sentences arbitrales: Berger/Kellerhals, no 1956 s.; Poncet, Obtaining Revision of «Swiss» International Awards: Where after Thalès?, in: SIAR no 2 (2009), p. 46; admettant la révision lorsque des motifs de récusation sont découverts après coup: Poudret/Besson, p. 789 s.; Kaufmann-Kohler/Rigozzi, Arbitrage international, no 859; Besson, Le recours contre la sentence arbitrale internationale selon la nouvelle LTF, in: ASA Bulletin 2007, p. 26; Girsberger/Voser, no 1663; Kaufmann-Kohler/Rigozzi, International Arbitration, no 8.214.

109 Dans de nombreuses lois d'arbitrage sur le plan international, on trouve déjà un délai de 30 jours: à l'art. 369, al. 2, CPC, au par. 589, al. 2, du code de procédure civile autrichien et à l'art. 1451, al. 3, du code de procédure civile français. Ce délai est de 14 et 15 jours au par. 1037, al. 2, du code de procédure civile allemand et à l'art. 13, al. 2, de la loi type de la CNUDCI.

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Art. 180b Révocation Le nouvel art. 180b régit la révocation d'un arbitre.

Conformément au principe de primauté de l'autonomie des parties, tout arbitre pourra être révoqué en tout temps et sans conditions particulières par convention des parties (al. 1). L'accord de toutes les parties sera requis et la révocation unilatérale ne sera pas admise.

À certaines conditions, un arbitre pourra également être révoqué sur demande d'une seule partie. La procédure applicable est prévue à l'al. 2, qui prévoit qu'une partie peut adresser au juge une demande de révocation écrite et motivée dans les 30 jours à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance du motif de révocation ­ la décision du juge étant définitive.

Art. 181 Ne concerne que le texte allemand.

Art. 182, al. 1 et 4 Adaptation rédactionnelle (al. 1): ne concerne que le texte allemand Obligation de contester immédiatement (al. 4) Un recours peut être formé lorsque les garanties minimales de procédure ne sont pas respectées (art. 190, al. 2, let. d, LDIP), à condition toutefois de faire valoir sans délai la violation constatée110. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, il est contraire à la bonne foi de s'abstenir de faire valoir une violation des règles de procédure dans la procédure d'arbitrage et de l'invoquer au stade du recours111.

Pour améliorer la sécurité du droit, il importe d'inscrire ce principe fondamental de procédure directement dans la loi. Un nouvel art. 182, al. 4, LDIP prévoit qu'une partie qui poursuit la procédure d'arbitrage sans faire valoir immédiatement une violation des règles de procédure qu'elle a constatée ou qu'elle aurait pu constater en faisant preuve de la diligence requise ne pourra plus se prévaloir de cette violation, ni dans la procédure d'arbitrage en cours, ni dans le cadre d'un recours. Cette règle reflète l'état actuel du droit et correspond à celle de l'art. 373, al. 6, CPC, applicable en matière d'arbitrage national.

110

Arrêts du Tribunal fédéral 4A_150/2012 du 12 juillet 2012; 4A_348/2009 du 6 janvier 2010; 4A_234/2010 du 29 octobre 2010 111 ATF 135 III 334; 130 III 66; 126 III 249; 116 II 639; 119 II 386; arrêts du Tribunal fédéral 4A_107/2012 du 20 février 2013; 4A_312/2012 du 1er octobre 2012; 4A_424/2011 du 2 novembre 2011; pour une vue d'ensemble, CR LDIP-Bucher, art. 182, no 40; BSK IPRG-Schneider/Scherer, art. 182, no 71.

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Art. 183, al. 2 Mesures provisionnelles et mesures conservatoires Les mesures provisionnelles ou conservatoires ordonnées par le tribunal arbitral sont contraignantes pour la partie concernée. Le tribunal arbitral ne disposant toutefois pas de moyens de contrainte, leur inobservation reste sans conséquence (lex imperfecta). C'est pourquoi ce dernier peut solliciter le concours du juge.

Selon la doctrine dominante, les parties à la procédure sont aussi habilitées à le faire112. C'est pourquoi le projet propose de préciser cette possibilité. Cet ajout se justifie, car la partie en faveur de laquelle la mesure a été ordonnée doit en principe avoir le droit d'en exiger l'exécution. Sauf convention contraire, le tribunal arbitral n'est par ailleurs pas le seul à être compétent en matière de mesures: les parties peuvent en tout temps requérir des mesures de protection juridictionnelle auprès du juge compétent113.

Art. 184, al. 2 et 3 Administration des preuves L'actuel art. 184, al. 2, LDIP prévoit que, si nécessaire, le concours du juge du siège du tribunal arbitral peut être sollicité dans le cadre de l'administration des preuves.

Le juge applique en principe son propre droit, même si ce point n'est pas précisé dans la loi. Dès lors, les preuves à administrer et la procédure à suivre sont déterminées par le droit de procédure de l'autorité requise114. Aujourd'hui déjà, on reconnaît que, dans le cadre de l'art. 11a, al. 2 et 3, LDIP, des formes de procédure étrangères peuvent être observées ou prises en considération115.

Le nouvel al. 3, 1re phrase, prévoit ainsi que le juge applique son propre droit. La 2e phrase reprend le contenu de l'art. 11a, al. 2 et 3, LDIP et l'élargit expressément à l'administration des preuves. Si la convention d'arbitrage prévoit des procédures générales ou d'administration des preuves relevant du droit interne ou étranger, le juge peut les appliquer ou les prendre en compte selon sa libre appréciation sur demande des parties.

112

BSK IPRG-Mabillard, art. 183, no 16; BSK ZPO-Habegger, art. 374, no 42; CPC-Schweizer, art. 374, no 18; KUKO ZPO-Dasser, art. 374, no 8; avis divergent: ZK-Vischer, art. 183 IPRG, no 6 s.; CHK-Schramm/Furrer/Girsberger, art. 182­186 IPRG, no 20; CR LDIP-Bucher, art. 183, no 6, Stacher, no 370; Boog, Article 183 PILS, no 36, in: Arroyo (éd.), Arbitration in Switzerland. The Practitioner's Guide, 2013; d'un autre avis Berger/Kellerhals, no 1267.

113 BSK IPRG-Mabillard, art. 183, no 16; Kaufmann-Kohler/Rigozzi, International Arbitration, no 6.95 s.

114 BSK IPRG-Schneider/Scherer, art. 184, no 61; Rüede/Hadenfeldt, p. 267; Lalive/Poudret/Reymond, p. 149.

115 CR LDIP-Bucher, art. 184, no 15; BSK IPRG-Schneider/Scherer, art. 184, no 61; Veit, Article 184 PILS, no 77, in: Arroyo (éd.), Arbitration in Switzerland. The Practitioner's Guide, 2013; Berger/Kellerhals, no 1366.

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Art. 185a Concours du juge à des procédures arbitrales étrangères Le tribunal arbitral n'est pas investi de la puissance publique et ne peut donc prendre de mesures de contrainte. Pour la mise en oeuvre de ses ordonnances, en matière d'administration des preuves ou de mesures provisionnelles notamment, il doit se reposer sur la disposition des parties à s'y conformer ou sur le concours du juge (voir art. 183 à 185 LDIP).

Lorsque la mesure demandée au juge relève de sa juridiction, il peut la prononcer lui-même. En revanche, lorsque le siège du tribunal arbitral se situe dans un autre pays et hors de la juridiction du juge sollicité, le recours à l'entraide judiciaire internationale est nécessaire. Comme dans les procédures devant les autorités judiciaires, la Convention du 25 octobre 1980 tendant à faciliter l'accès international à la justice116, la Convention du 1er mars 1954 relative à la procédure civile117, la Convention du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile ou commerciale118, ainsi que divers accords bilatéraux sont applicables119.

Les tribunaux arbitraux ont certes accès au système d'entraide judiciaire internationale par l'intermédiaire du juge d'appui. En fonction de l'État concerné, les procédures peuvent toutefois être particulièrement longues120. Plusieurs participants à la procédure de consultation ont demandé qu'il y soit remédié par une disposition applicable aux tribunaux arbitraux ayant leur siège à l'étranger et aux procédures étrangères. Le projet du Conseil fédéral prévoit donc un nouvel art. 185a P-LDIP permettant à ces tribunaux ou aux parties à un arbitrage à l'étranger de requérir le concours du juge du lieu, en Suisse, de l'exécution des mesures provisionnelles ou de sûreté, ou de l'administration des preuves. Les art. 183, al. 2 et 3, et 184, al. 2 et 3, LDIP, qui fixent les règles en matière de concours du juge sur demande d'un tribunal d'arbitrage international ayant son siège en Suisse ou d'une partie à une procédure d'arbitrage suisse, s'appliqueront par analogie (art. 185a, al. 1, 2e phrase, et 2, 2e phrase, P-LDIP).

Art. 187, al. 1 (ne concerne que les textes allemand et italien) Les versions allemande et italienne sont adaptées à la version française121. Du fait qu'il ne s'agit pas uniquement d'ordres juridiques nationaux, mais aussi de règles de 116 117 118 119

RS 0.274.133 RS 0.274.12 RS 0.274.132 BSK IPRG-Mabillard, art. 184, no 55, 63; Göksu, Schiedsgerichtsbarkeit, 2014, no 322; Berger/Kellerhals, no 1368.

120 Voir la durée moyenne des procédures dans le Guide de l'entraide judiciaire (www.rhf.admin.ch > Guide de l'entraide judiciaire > Index des pays; consulté pour la dernière fois le 29 juin 2018).

121 Voir également art. 28, al. 1, de la loi type de la CNUDCI; Principe I.3 Principes sur le choix de la loi applicable aux contrats commerciaux internationaux (www.hcch.net > Instruments > Conventions > 40. Principes sur le choix de la loi applicable aux contrats commerciaux internationaux; consulté pour la dernière fois le 22 mai 2018); sur ce point, voir aussi BSK IPRG-Karrer, art. 187, no 17, 88; Burckhardt, Article 187 PILS, no 9, in: Arroyo (éd.), Arbitration in Switzerland. The Practitioner's Guide, 2013.

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droit «non étatiques», il est préférable, comme dans la version française, de parler de règles de droit plutôt que de droit. Cette formulation correspond également à celle de l'art. 381, al. 1, let. a, CPC.

Art. 189a Rectifications, interprétations et sentences additionnelles Les rectifications, les interprétations et les sentences additionnelles sont des moyens de recours sur lesquels il incombe en premier lieu au tribunal arbitral de se prononcer. Ils permettent de remédier aux ambiguïtés, aux lacunes et aux erreurs de rédaction qu'une sentence peut présenter. Malgré l'absence de règlementation explicite en la matière, la jurisprudence et la doctrine considèrent ces moyens comme licites, aussi dans le cadre de l'arbitrage international122. Pour renforcer la sécurité du droit, le projet propose de fixer cette pratique dans un nouvel art. 189a P-LDIP. Cette proposition a été largement approuvée lors de la consultation.

L'interprétation vise à lever les imprécisions qui peuvent se trouver dans le dispositif d'une sentence123. La rectification vise à corriger des erreurs de rédaction ou de calcul124. Enfin, le tribunal arbitral peut rendre une sentence additionnelle lorsqu'il n'a pas traité tous les chefs de la demande125. S'il accepte la demande, la sentence est complétée de la décision d'interprétation ou de rectification et est attaquable sur ce point sur la base de l'art. 190, al. 2, LDIP126. La sentence additionnelle permet au tribunal arbitral de rendre une décision sur des demandes qui ont été formulées lors de la procédure mais qui n'ont pas été traitées. Sauf convention contraire, le tribunal arbitral peut procéder à des rectifications et des interprétations et rendre des sentences additionnelles de sa propre initiative ou à la demande des parties. Il dispose de 30 jours pour le faire à compter de la notification formelle de la sentence. Pour des raisons de célérité de procédure, on renonce sciemment à prévoir une règlementation analogue à celle du CPC127 avec un délai relatif et un délai absolu (30 jours et 1 an) au profit de l'usage international128.

Les rectifications, les interprétations et les sentences additionnelles sont des recours auprès du tribunal arbitral. Ils ne suspendent donc pas le délai de recours auprès du 122

123 124 125 126 127

128

ATF 126 III 524, consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4P.154/2005 du 10 novembre 2005, consid. 1.2; ATF 131 III 164, consid. 1.1; voir aussi BSK IPRG-Wirth, art. 189, no 75; BSK IPRG-Pfisterer, art. 190, no 98; CHK-Furrer/Girsberger/Schramm, art. 190 à 192 LDIP, no 21; CR LDIP-Bucher, art. 191, no 73; Stacher, no 479 ss; KaufmannKohler/Rigozzi, International Arbitration, no 7.192; Berger/Kellerhals, no 1521.

Par ex. une partie désignée de manière ambiguë (ATF 130 III 125, consid. 2.3).

Par ex. une date ou un montant faux (ATF 131 III 164, consid. 1.1).

Stacher, no 482; Berger/Kellerhals, no 1535 ss; Kaufmann-Kohler/Rigozzi, International Arbitration, no 7.196.

ATF 131 III 164, consid. 1.2.3; 137 III 85, consid. 1.2; CR LDIP-Bucher, art. 191, no 74.

L'art. 388, al. 2, CPC prévoit un délai relatif de 30 jours depuis la découverte de l'erreur ou de la nécessité d'interpréter un passage ou de rendre une sentence additionnelle et un délai absolu d'un an à partir de la notification de la sentence.

Art. 33, al. 1, de la loi type de la CNUDCI; par. 1058, al. 2, du code de procédure civile allemand; par. 610, al. 1, du code de procédure civile autrichien; art. 35 à 37 Swiss Rules; art. 41 et 42 SCC; art. 27 LCIA (28 jours); art. 35, ch. 1 et 2, ICC; art. 39, al. 1, VIAC; art. 37.2 DIS.

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juge129. Si une partie est lésée par une rectification, une interprétation ou une sentence additionnelle, un nouveau délai de recours commence à courir pour ce point (al. 2)130.

Art. 190, titre marginal et al. 4, art. 190a et art. 192, al. 1 Inscription du délai de recours dans la LDIP (art. 190, al. 4) Le délai de recours devant le Tribunal fédéral contre les sentences rendues dans le cadre d'un arbitrage international découle de l'art. 100, al. 1, LTF et n'est jusqu'ici pas fixé au chap. 12.

Or il est essentiel pour les parties à un arbitrage de connaître le délai dans lequel la sentence peut faire l'objet d'un recours. Comme la suggestion en a été faite au cours de la consultation, pour faciliter l'usage de la loi, le projet prévoit d'indiquer le délai de recours au chap. 12. L'art. 190 LDIP est complété par un al. 4 prévoyant un délai de 30 jours à compter de la communication de la sentence, c'est-à-dire à partir de sa notification formelle. Les dispositions relatives à la suspension sont réservées (art. 46 LTF).

Révision (art. 190a et 192, al. 1) La révision est une voie de recours extraordinaire et vise à corriger une décision entrée en force suite à la découverte, après coup, de nouveaux faits ou moyens de preuve ou de l'influence qu'a pu avoir une infraction pénale. Le chap. 12 ne prévoit rien en matière de révision des sentences arbitrales. Pourtant la jurisprudence, constante, et la doctrine sont unanimes: il doit être possible de demander la révision de sentences arbitrales internationales131.

Les motifs de révision et la procédure applicable sont, par analogie, ceux des art. 123 et 124 LTF132. Dans un souci de clarté et de sécurité du droit, le projet propose de régler ces points expressément, et conformément à la jurisprudence, dans un nouvel art. 190a P-LDIP. Il convient dès lors d'adapter le titre marginal de l'art. 190 LDIP et de régler la procédure devant le Tribunal fédéral dans la LTF (art. 119b P-LTF, commentaire au ch. 2.2).

Le droit en vigueur ne précise pas si, en arbitrage international, une renonciation préalable à la révision est valable. Pour l'instant, le Tribunal fédéral a laissé cette 129 130

ATF 131 III 164, consid. 1.2.4; 130 III 755, consid. 1.3 Gränicher, art. 388, no 9, in: Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger, ZPO Komm., 3e éd., 2016; KUKO ZPO-Dasser, art. 388, no 11 s.

131 ATF 142 III 521, consid. 2.1; 134 III 286, consid. 2; 129 III 727, consid. 1; 118 II 199, consid. 2 et 3; voir aussi BSK IPRG-Pfisterer, art. 190, no 94; Rigozzi/Schöll, Die Revision von Schiedssprüchen nach dem 12. Kapitel des IPRG, ZSR Beiheft 37, 2002, p. 9 ss; Briner, Die Anfechtung und Vollstreckung des Schiedsentscheides, in: Böckstiegel (éd.), Die Internationale Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz (II), 1989, p. 109; Walter, Die internationale Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz ­ Offene Fragen zu Kap. 12 des IPR-Gesetzes, ZBJV 1990, p. 180 s.; CR LDIP-Bucher, art. 191, no 60 ss; Stirnimann, Revision of Awards, no 1, in: Arroyo (éd.), Arbitration in Switzerland. The Practitioner's Guide, 2013; Kaufmann-Kohler/Rigozzi, International Arbitration, no 8.207.

132 ATF 134 III 286, consid. 2.1; 118 II 199, consid. 4; Stacher, no 472; Kaufmann-Kohler/ Rigozzi, International Arbitration, no 8.215, 8.218 ss; CR LDIP-Bucher, art. 191, no 63 ss.

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question ouverte133. La possibilité de demander une révision se justifierait par l'argument que les garanties de procédure fondamentales ne seraient pas respectées si, en dépit de motifs justifiant une révision, il n'y avait pas moyen de demander un réexamen134. Dans la doctrine, certaines voix défendent l'avis contraire: si la loi autorise qu'on puisse renoncer à remettre en question les infractions contre l'ordre public, il doit être possible de renoncer à la révision135.

Le projet propose une solution intermédiaire, par analogie avec ce qui est prévu pour le recours: si les parties n'ont ni domicile, ni résidence habituelle, ni siège en Suisse, elles pourront exclure, par une déclaration dans la convention d'arbitrage ou un accord ultérieur la révision pour les faits nouveaux importants et les moyens de preuve découverts après coup et pour la découverte de motifs de récusation après la fin de la procédure (art. 190a, al. 1, let. a et c, et 192, al. 1, P-LDIP). Il ne sera toutefois pas possible de renoncer aux révisions motivées par le fait que la sentence a été influencée au préjudice du recourant par un crime ou un délit (art. 190a, al. 1, let. b, et 192, al. 1, P-LDIP).

Art. 191 Autorité de recours et de révision et renvoi à la procédure de recours et de révision devant le Tribunal fédéral L'art. 191 P-LDIP (titre et texte de loi) est complété de manière à préciser que le Tribunal fédéral est l'instance non seulement de recours mais aussi de révision. Il renverra en outre à l'art. 119b LTF sur la procédure de révision devant le Tribunal fédéral (ch. 2.2).

Art. 193, al. 1 et 2 Déjà aujourd'hui, la LDIP suggère que le dépôt de la sentence ne peut se faire qu'auprès d'une autorité judiciaire suisse.

133

Arrêts du Tribunal fédéral 4P.265/1996 du 2 juillet 1997, consid. 1a; 4A_144/2010 du 28 septembre 2010, consid. 2.1; 4A_368/2009 du 13 octobre 2009, consid. 2 134 ATF 118 II 199, consid. 2 a) et cc) 135 Berger/Kellerhals, no 1813; Müller, Das Schweizerische Bundesgericht revidiert zum ersten Mal einen internationalen Schiedsspruch: Eine Analyse im Lichte des neuen Bundesgerichtsgesetzes, in: SchiedsVZ 2007, p. 64 ss et 69 s.; Krausz, Waiver of Appeal to the Swiss Federal Tribunal: Recent Evolution of the Case Law and Compatibility with ECHR, Article 6, in: Journal of International Arbitration 2011, p. 137 ss et 152 s.; Ruch, Zum Rechtsmittelverzicht in der internationalen Schiedsgerichtsbarkeit, 2013, p. 53.

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Droit transitoire La question de savoir si les dispositions transitoires des art. 196 à 199 LDIP s'appliquent au chap. 12136, ou si les dispositions générales intertemporelles du droit de procédure doivent primer137 fait l'objet de discussions dans la doctrine. Certains sont en outre d'avis que l'interprétation des art. 196 ss LDIP conduit au même résultat que l'application des principes généraux intertemporels138, raison pour laquelle le droit transitoire des art. 196 à 199 LDIP est applicable au moins par analogie.

Dans le cadre de la présente révision, les nouvelles dispositions seront applicables dès l'entrée en vigueur de la loi. Dans la mesure où les conventions d'arbitrage sont des actes juridiques produisant des effets dans la durée au sens de l'art. 196, al. 2, LDIP, les dispositions révisées seront également applicables aux conventions conclues avant leur entrée en vigueur139. Une clause d'arbitrage contenue dans un acte juridique unilatéral sera valable dès l'entrée en vigueur de la présente révision, même si l'acte juridique a été effectué avant. Il en ira de même pour les conditions formelles pour renoncer aux voies de droit selon l'art. 192, al. 1, P-LDIP.

En matière de compétence du juge, la révision n'apporte qu'une modification prévoyant un accès direct au juge d'appui suisse pour les tribunaux arbitraux ayant leur siège à l'étranger ou les parties à une procédure d'arbitrage étrangère (art. 185a P-LDIP). Conformément à l'art. 197, al. 2, LDIP, les demandes de ce type peuvent être soumises dès l'entrée en vigueur de la révision, même lorsqu'elles ont fait l'objet de refus par le passé. Les procédures pendantes d'entraide internationale en matière civile pourront suivre leur cours après l'entrée en vigueur du nouvel art. 185a P-LDIP, la nouvelle compétence du juge n'y apportant aucun changement.

Les autres points de la révision consistent en une reprise de dispositions du CPC dans la LDIP et en une codification de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Dans la mesure où il s'agit de droit applicable avant la révision, aucune question de droit transitoire ne se pose pour ces dispositions.

136

Blessing, Intertemporales Recht zum 12. Kapitel IPR-G, in: ASA Bulletin 1988, p. 320 ss; Bucher, Das Kapitel 11 des IPR-Gesetzes über die internationale Schiedsgerichtsbarkeit, in: Festschrift für Rudolf Moser, 1987, p. 193 ss; Rossel, Le champ d'application dans le temps des règles sur l'arbitrage international contenues dans le chapitre 12 de la loi fédérale sur le droit international privé, in: ASA Bulletin 1988, p. 292 ss; Wenger, Welchem Recht unterstehen die im Zeitpunkt des Inkrafttretens des IPRG-Gesetzes hangigen Schiedsverfahren?, in: ASA Bulletin 1988, p. 309 ss.

137 Broggini, Das intertemporale Recht der neuen internationalen Schiedsgerichtsbarkeit, in: ASA Bulletin 1988, p. 277 ss; Poudret, Arbitrage international, droit transitoire, in: ASA Bulletin 1988, p. 305 ss.

138 BSK IPRG-Geiser/Jametti, art. 196, no 65; Rossel, p. 292 ss; Wenger, ASA Bulletin 1988, p. 309 ss.

139 Voir Ambauer, no 93.

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2.2

Loi sur le Tribunal fédéral

Art. 77, al. 1, phrase introductive, et 2bis Recours recevable indépendamment de la valeur litigieuse Le recours auprès du Tribunal fédéral contre les sentences d'arbitrage international est soumis à certaines conditions (art. 77 LTF). Or, la loi ne permet pas de savoir clairement si, comme dans le cadre de l'art. 74 LTF, une valeur litigieuse minimale doit être atteinte pour que le recours soit recevable contre une sentence arbitrale internationale. Un argument contre la fixation d'une telle valeur serait qu'il y aurait dès lors des sentences qui échapperaient à tout contrôle de l'État140. Jusqu'à aujourd'hui, le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé sur la question, n'ayant pas eu à traiter d'affaire de nature patrimoniale141.

Le projet propose de préciser dans la phrase introductive de l'art. 77, al. 1, P-LTF que le recours contre des sentences d'arbitrage international est recevable indépendamment de la valeur litigieuse. Une exclusion de tout contrôle étatique ne sera possible que si les parties n'ont ni domicile, ni résidence habituelle, ni siège en Suisse et que cela a été convenu expressément entre elles (art. 192, al. 1, et 190a, al. 3, P-LDIP).

Mémoires rédigés en anglais L'anglais est la langue la plus utilisée dans les procédures d'arbitrage142. En raison de l'importance de cette langue, le Tribunal fédéral est tolérant et n'exige souvent pas de traductions, dans le cadre de recours contre des sentences d'arbitrage, des annexes et documents rédigés en anglais143.

Malgré certaines critiques lors de la consultation (voir ch. 1.3.4), le projet va plus loin et prévoit expressément, dans un nouvel al. 2bis à l'art. 77 LTF, que les parties peuvent rédiger et soumettre au Tribunal fédéral des mémoires en anglais dans le cadre des procédures de recours et de révision contre des sentences d'arbitrage. Il faut comprendre les mémoires au sens large, comme incluant tous les documents remis au tribunal.

140

SHK-von Werdt/Güngerich, art. 77 LTF, no 17; Stacher est également clairement opposé à l'exigence en matière de valeur litigieuse (Stacher, no 436 avec renvois).

141 Arrêt du Tribunal fédéral 4A_258/2008 du 7 octobre 2008, consid. 3.3; voir aussi ATF 142 III 521, consid. 2.3.5, présentant la question de la valeur litigieuse comme un «problème récurrent» 142 D'après les statistiques de la SCAI, l'anglais a été utilisé comme langue de procédure dans 67 % des cas en 2015. Cette proportion est la même si on considère tous les cas traités sur la base des Swiss Rules entre 2004 et 2015 (SCAI, Commented Statistics 2015).

Quant aux procédures d'arbitrage de l'OMPI, en moyenne 86 % d'entre elles sont menées en anglais (www.wipo.int/amc/en/domains/statistics/ > All case languages; consulté pour la dernière fois le 29 juin 2018).

143 Le Tribunal fédéral n'exige pas de traduction si les parties consentent à y renoncer. En l'absence de demande expresse de la partie adverse, il part du principe qu'elles y consentent (art. 54, al. 3, LTF; arrêt du Tribunal fédéral 4A_176/2008 du 23 septembre 2008, consid. 1.2).

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La mesure permettra aux parties d'économiser des frais de traduction. Elle devrait assurer que l'emploi de la langue anglaise dans le cadre des procédures d'arbitrage en Suisse puisse à l'avenir se généraliser même dans le cadre des procédures annexes devant le Tribunal fédéral. La règle vaudra autant pour l'arbitrage international que pour l'arbitrage interne. Elle sera sans effets sur la langue de la procédure et des arrêts du Tribunal fédéral, laquelle restera régie, dans ces cas aussi, par les dispositions générales de l'art. 54 LTF.

Art. 119a Révision Le projet inscrit dans la loi la révision comme voie de recours extraordinaire. Reconnue par la jurisprudence144, la révision est déjà établie dans la pratique (art. 190a P-LDIP, ch. 1.2.1 et 2.1). Il convient de régler aussi la procédure applicable (auprès du Tribunal fédéral). La LTF est donc complétée d'un nouveau chap. 5a «Révision des sentences d'arbitrage international» composé d'un article unique (art. 119a P-LTF).

L'al. 1 de ce nouvel article prévoit que le Tribunal fédéral statue sur les demandes de révision de sentences d'arbitrage international aux conditions de l'art. 190a P-LDIP. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, la procédure applicable suit les règles fixées par la LTF, en particulier aux art. 77, al. 2bis, P-LTF et 126 LTF. Sauf s'il estime que la demande est manifestement irrecevable ou infondée, le Tribunal fédéral la notifie à la partie adverse et au tribunal arbitral pour avis (al. 2). Lorsqu'il admet une demande de révision, le Tribunal fédéral annule la sentence et renvoie la cause au tribunal arbitral pour qu'il statue à nouveau (al. 3). Si ce dernier ne comprend plus le nombre d'arbitres requis, les règles sur la nomination et le remplacement des arbitres de l'art. 179 P-LDIP s'appliqueront (al. 4). Cela va dans le même sens que la jurisprudence et la pratique en vigueur145 et correspond à ce qui est prévu pour l'arbitrage interne (art. 399, al. 1, CPC).

Droit transitoire Conformément à l'art. 132, al. 1, LTF, les nouvelles dispositions de cette loi ne s'appliquent aux procédures de recours que si la sentence attaquée a été rendue après leur entrée en vigueur. L'absence de valeur litigieuse minimale (art 77, al. 1, phrase introductive, P-LTF) et la révision des sentences d'arbitrage international
(art. 119a P-LTF) ne devraient en revanche pas soulever de questions de droit transitoire dans la mesure où les règles prévues correspondent à la pratique en vigueur. Les mémoires rédigés en anglais (art. 77, al. 2bis, P-LTF) ne pourront pour leur part être soumis que dans les recours contre des sentences rendues après l'entrée en vigueur de la révision.

144

ATF 142 III 521, consid. 2.1; 134 III 286, consid. 2; 129 III 727, consid. 1; 118 II 199, consid. 2 145 ATF 118 II 199, consid. 3

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2.3

Code de procédure civile

Art. 251a et 356, al. 3 Procédure sommaire devant l'autorité judiciaire Le CPC, depuis son entrée en vigueur en 2011, ne précise pas si, lorsqu'elle est sollicitée comme juge d'appui, l'autorité judiciaire doit toujours statuer en procédure sommaire. En effet, l'art. 45, al. 1, du concordat sur l'arbitrage, qui réglait la question, n'a pas été repris146. Une règlementation en la matière fait défaut aujourd'hui, et ce pour l'arbitrage autant interne qu'international.

Il convient de compléter le CPC d'un nouvel art. 251a sur l'application de la procédure sommaire dans le cadre de l'arbitrage international. Dans le même esprit que la systématique actuelle, cet article liste les types d'affaires pour lesquelles l'autorité judiciaire peut être sollicitée comme juge d'appui dans le cadre de la LDIP.

Parallèlement, pour l'arbitrage interne, l'art. 356 CPC est complété d'un al. 3 précisant que l'autorité judiciaire compétente statue en procédure sommaire, sauf pour les demandes de recours et de révision dans le contexte de l'arbitrage.

Par ces modifications, on reprend l'ancienne règlementation de l'art. 45, al. 1, du concordat et on fixe dans la loi la pratique déjà en vigueur147.

Art. 353, al. 2, 358, al. 2, 370, al. 2, et 388, al. 3 Garantie du dualisme ouvert par l'adaptation du droit de l'arbitrage interne: clauses arbitrales contenues dans des actes unilatéraux, adaptation rédactionnelle concernant les recours L'élaboration du CPC a été l'occasion de rapprocher fortement les dispositions régissant l'arbitrage interne de celles régissant l'arbitrage international. Les parties qui optent pour la place arbitrale suisse peuvent, grâce aux art. 353, al. 2, CPC et 176, al. 2, LDIP, choisir librement de soumettre leur procédure à la partie 3 du CPC ou au chap. 12 de la LDIP148.

Dans l'intérêt de la sécurité du droit, ce dualisme ouvert exige que certaines dispositions soient analogues dans le CPC et la LDIP. Les conditions pour renoncer à une loi et opter pour l'autre doivent être les mêmes. Le contenu de l'art. 353, al. 2, CPC est donc aligné sur celui de l'art. 176, al. 2, P-LDIP.

Autre élément central: les exigences de forme auxquelles sont soumises les conventions d'arbitrage. Celles-ci ne doivent pas diverger selon que les parties optent pour une procédure d'arbitrage interne ou international. Les clauses d'arbitrage contenues dans des actes unilatéraux doivent également être admises en arbitrage interne (art. 358, al. 2, P-CPC).

146 147

BSK ZPO-Weber-Strecher, art. 356, no 5.

BSK ZPO-Weber-Strecher, art. 356, no 5; BernerKommentar ZPO-Pfisterer, art. 356, no 20.

148 Ambauen, no 346 ss et 566 s.

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Les dispositions sur les délais en cas de révocation d'un arbitre (art. 370, al. 2, P-CPC) ou de recours contre les rectifications, les interprétations et les sentences additionnelles (art. 388, al. 3, CPC) sont également harmonisées sur le plan rédactionnel avec les dispositions applicables du P-LDIP.

Art. 363, al. 1 (ne concerne que le texte français) La version française est adaptée aux versions allemande et italienne qui sont plus précises. En effet l'obligation de s'annoncer s'applique déjà lorsqu'un mandat d'arbitre est proposé à une personne et qu'elle n'est dès lors pas encore investie du mandat.

Art. 369, al. 3 et 6, et 396, al. 1, let. d Procédure de récusation (al. 3) L'al. 3 est harmonisé sur le plan rédactionnel avec la disposition de l'art. 180a, P-LDIP. Une partie pourra demander à l'organe désigné par les parties de statuer ou, à défaut d'un tel organe, au juge dans les 30 jours suivant la demande de récusation.

Ce sera notamment le cas lorsque l'arbitre visé ne réagit pas à la demande de récusation ou la conteste.

Motifs de récusation découverts après coup (art. 369, al. 6 et 396, al. 1, let. d) En matière de récusation en arbitrage interne, il convient de préciser que les dispositions sur la révision s'appliquent lorsqu'un motif de récusation est découvert après la clôture de la procédure. Cette règle est similaire à celle de l'art. 51, al. 3, CPC sur la récusation des magistrats et des fonctionnaires judiciaires149. Pour le commentaire, on se référera aux explications sur l'art. 180, al. 4, P-LDIP (voir ch. 2.1).

Droit transitoire Le droit transitoire applicable est prévu à l'art. 407 CPC, qui prévoit à son al. 1 que la validité des conventions d'arbitrage conclues avant l'entrée en vigueur de la révision est déterminée selon le droit le plus favorable. Tout comme sous l'empire de la LDIP, les clauses d'arbitrage dans des actes unilatéraux seront réputées valables dès l'entrée en vigueur de la révision, indépendamment de la date de l'acte.

Les procédures d'arbitrage pendantes au moment de l'entrée en vigueur de la révision restent en principe régies par l'ancien droit. Les parties peuvent toutefois convenir de l'application du nouveau droit (art. 407, al. 2, CPC). Les voies de recours sont quant à elles régies par le droit en vigueur au moment de la communication de la sentence (art. 407, al. 3, CPC).

149

ATF 142 III 521, consid. 2.3

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3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes, ainsi que pour les villes, les agglomérations et les régions de montagne

Le projet n'a en principe pas de conséquences, en particulier en termes de personnel, de finances ou d'organisation, pour la Confédération, les cantons, les communes, les villes, les agglomérations et les régions de montagne.

Il est possible que les cantons doivent procéder à de légères adaptations de leurs lois, notamment en matière d'organisation judiciaire, pour ce qui concerne l'intervention du juge dans les procédures d'arbitrage.

3.2

Conséquences économiques

La règlementation de l'arbitrage international, y compris les modifications apportées par le projet, concerne directement ou indirectement de nombreuses branches, entreprises et personnes (notamment les avocats, les institutions d'arbitrages, les arbitres, l'hôtellerie, les transports publics et les tribunaux étatiques). En raison de l'importance de cette règlementation pour l'économie, une étude d'impact a été demandée à l'Université des Sciences Appliquées de Zurich (ZHAW).

La ZHAW a procédé à une étude de marché portant sur l'importance de la Suisse en tant que centre d'arbitrage international ainsi qu'à une évaluation des conséquences de la révision proposée150. Cette étude prend notamment en compte les cinq points essentiels pour l'analyse d'impact d'une réglementation que sont la nécessité et les possibilités d'action de l'État, les effets sur les différents groupes sociaux, les conséquences sur l'économie, les possibilités de réglementation alternatives et l'efficacité dans la mise en oeuvre.

Au vu des réponses obtenues des experts (représentants des parties et arbitres), de représentants d'institutions d'arbitrage en Suisse, du Tribunal fédéral et de tribunaux cantonaux, ainsi que sur la base de ses propres recherches, la ZHAW est parvenue aux conclusions ci-après:

150

­

L'étude de marché portant sur l'importance de la Suisse en tant que centre d'arbitrage international a permis d'estimer à 250 millions de francs les dépenses liées à l'arbitrage international régi par la LDIP en Suisse, dont 130 millions profitent directement à la Suisse (pour les avocats exerçant en Suisse et les hôtels notamment).

­

La révision permet d'espérer une légère croissance de ce marché.

­

Certaines modifications envisagées (dans la version de septembre 2016 de l'avant-projet) ont été jugées plus pertinentes que d'autres, notamment l'assouplissement des exigences de forme pour la convention d'arbitrage (admission de leur observation par une seule des parties), la garantie de l'égalité L'analyse d'impact de la réglementation de la ZHAW du 7 septembre 2017 est publiée en même temps que le présent message.

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de traitement des parties lors de la constitution des tribunaux arbitraux, la compétence de ces derniers de décider de leurs honoraires et l'intégration de toutes les dispositions applicables dans la LDIP sans renvoi au CPC. L'analyse effectuée a également confirmé que certaines règles envisagées ­ mais pas réalisées ­ telles que la création d'un code unique ou la renonciation à toute exigence de forme pour les conventions d'arbitrage n'auraient que très peu d'influence sur le choix du siège du tribunal arbitral.

­

Les sondés ont souligné que la révision proposée apportait une amélioration à la LDIP sur de nombreux points.

On peut en conclure que 30 ans après son entrée en vigueur, le chap. 12 de la LDIP constitue toujours un acte législatif de grande qualité, répondant aux exigences de la pratique. La révision améliore et complète la loi là où la pratique a identifié des lacunes et des faiblesses.

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'est annoncé ni dans le message du 27 juin 2016151, ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 2019152. Il s'inscrit toutefois dans le cadre de l'objectif 2 de la ligne directrice 1 («La Suisse crée un environnement économique optimal à l'intérieur du pays et renforce ainsi sa compétitivité»).

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Conformément à l'art. 122, al. 1, Cst.153, la Confédération a la compétence de légiférer en matière de droit civil et de procédure civile.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales

La convention internationale la plus importante en matière d'arbitrage international est la Convention de New York. Cette convention a été ratifiée par 157 États154 et constitue dans le monde entier le fondement juridique de la reconnaissance et de l'exécution des sentences arbitrales étrangères. La Suisse l'a ratifiée en 1965. La LDIP prévoit en outre que la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales 151 152 153 154

FF 2016 981 FF 2016 4999 RS 101 Voir www.uncitral.org > Textes de la CNUDCI, état des ratifications > Arbitrage commercial international et conciliation > Convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères («Convention de New York») (New York, 1958) > État, consulté pour la dernière fois le 29 juin 2018.

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étrangères sont toujours régies en Suisse par la Convention de New York, qu'elles soient issues d'un État signataire ou non (art. 194 LDIP)155.

La Convention de New York règle avant tout la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, mais contient également des règles sur la forme et les effets des conventions d'arbitrage. Le projet n'a pas d'effets sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères. L'admission des clauses d'arbitrage unilatérales prévue aux art. 178, al. 4, P-LDIP et 358, al. 2, P-CPC touche cependant aux règles de forme.

L'art. II, ch. 1 et 2, de la Convention de New York prévoit que les conventions d'arbitrage doivent être conclues en la forme écrite. Cette dernière est respectée dès lors que le contrat contenant la clause compromissoire ou la convention d'arbitrage sont signés par toutes les parties ou contenus dans un échange de lettres ou de télégrammes entre elles. La question se pose de savoir si une clause d'arbitrage unilatérale constitue une convention écrite au sens de la Convention de New York pouvant être reconnue et exécutée à l'étranger. Comme mentionné (commentaire de l'art. 178, al. 4, P-LDIP, ch. 2.1), les clauses d'arbitrage dans les actes unilatéraux ne déploient leur effet contraignant qu'au moment où l'acte produit des effets pour les tiers (par exemple au moment du décès pour un testament, au moment de l'acquisition d'une participation dans la société pour des statuts). L'acte unilatéral peut alors être accepté ou contesté par la personne qu'il vise. En cas d'acceptation, il y a lieu d'admettre l'existence d'un accord dans le cadre duquel deux ou plusieurs parties déterminées ou déterminables s'obligent à soumettre un litige à un arbitrage et excluent la compétence des juridictions étatiques156.

Il faut par ailleurs relever qu'en raison des exigences actuelles en matière d'échanges économiques et de l'évolution des technologies, les conditions de forme posées à l'art. II, ch. 2, de la Convention de New York font l'objet d'une interprétation large157. Selon la conception actuelle, la forme écrite traditionnelle n'est plus une exigence minimale158 et la CNUDCI recommande159 d'interpréter l'art. II, ch. 2, de la Convention de New York à la lumière de l'art. 7 (option 1) de la loi type de la CNUDCI sur l'arbitrage
commercial international (2006)160. Une nuance supplémentaire à l'art. II, ch. 2, est apportée par l'interprétation de l'art. VII de la Convention de New York. Ce dernier contient une clause de la nation la plus favorisée, prévoyant qu'en matière de reconnaissance et d'exécution, une partie peut invoquer le droit de l'État de la reconnaissance ou de l'exécution s'il est plus favorable que la Convention de New York. Son art. II, ch. 2, ne change rien aux règles en vigueur 155 156 157

158 159

160

Effet erga omnes. La Suisse n'a pas émis de réserve quant à la réciprocité.

Définition des conventions d'arbitrage dans la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 138 III 29, consid. 2.2.3; 130 III 66, consid. 3.1).

Haas, Schiedsgerichte in Erbsachen und das New Yorker Ubereinkommen über die Anerkennung und Vollstreckung auslandischer Schiedssprüche, in: Künzle (éd.), Schiedsgerichte in Erbsachen, 2012, p. 177.

BSK IPRG-Patocchi/Jermini, art. 194, no 69.

Recommandation relative à l'interprétation du paragraphe 2 de l'art. II et du paragraphe 1 de l'art. VII de la Convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères conclue à New York, le 10 juin 1958 (2006).

ATF 121 III 38, consid. 2c.; BSK IPRG- Patocchi/Jermini, art. 194, no 69; Haas, p.

178 ss.

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concernant la validité des conventions d'arbitrage. Le projet est donc compatible avec les obligations internationales de la Suisse.

Le Protocole de Genève du 24 septembre 1923 relatif aux clauses d'arbitrage161 et la Convention de Genève du 26 septembre 1927 pour l'exécution des sentences arbitrales étrangères162 sont les précurseurs de la Convention de New York, qui ­ selon son art. VII, ch. 2 ­ a pour effet de les remplacer. Le protocole de Genève ne s'applique aujourd'hui plus qu'à l'Irak. Le projet ne produit pas d'effet sur ses dispositions.

La Convention pour le Règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États163 (Convention CIRDI) a été conclue le 18 mars 1965. Elle s'applique à la Suisse depuis le 14 juin 1968 et prévoit la création d'un tribunal arbitral institutionnel pour le règlement des litiges en matière d'investissements, que les parties ont le choix de saisir ou non. La procédure est réglée par le règlement CIRDI. Au-delà de la ratification de la convention, il faut que le tribunal arbitral ait été désigné par les parties. S'il existe entre elles une telle clause compromissoire, les dispositions de la Convention CIRDI priment celles de la LDIP. Les modifications proposées ne peuvent donc pas entrer en conflit avec la Convention CIRDI.

Pour finir, la Suisse a conclu des accords bilatéraux sur la reconnaissance et l'exécution des jugements avec plusieurs pays (notamment l'Allemagne, l'Autriche et la Belgique). Ces accords régissent également l'exécution des sentences arbitrales. Le projet ne produit pas non plus d'effets sur ces obligations de la Suisse.

5.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet prévoit des dispositions importantes qui fixent des règles de droit au sens de l'art. 164, al. 1, Cst. Il doit donc prendre la forme d'une loi fédérale. Conformément à l'art. 122, al. 1, Cst., l'Assemblée fédérale est compétente pour légiférer en la matière. La modification est sujette au référendum.

5.4

Conformité à la législation sur la protection des données

La modification n'entraînera aucun changement en ce qui concerne le traitement des données personnelles dans le cadre de l'arbitrage international. L'art. 2, al. 2, let. c, de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)164 continuera de s'appliquer, à savoir que les procédures civiles, y compris d'arbitrage interne et international, ne sont pas soumises à cette loi165.

161 162 163 164 165

RS 0.277.11 RS 0.277.111 (le texte n'est plus en vigueur) RS 0.975.2 RS 235.1 Voir seulement BSK DSG-Maurer-Lambrou/Kunz, art. 2, no 30.

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La LPD est actuellement en cours de révision. Le projet prévoit de maintenir l'exclusion du champ d'application de la loi des procédures devant les tribunaux pénaux, civils et administratifs de la Confédération et des cantons ainsi que devant les tribunaux arbitraux ayant leur siège en Suisse. Sur le plan matériel, la réglementation envisagée dans le P-LPD correspond au droit en vigueur166.

166

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