Détention administrative de requérants d'asile Rapport de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) du 26 juin 2018 Avis du Conseil fédéral du 28 septembre 2018

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 158 de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) du 26 juin 2018 relatif à la détention administrative de requérants d'asile.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

28 septembre 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Avis 1

Contexte

Les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA), le 28 janvier 2016, de conduire une évaluation sur la détention administrative de requérants d'asile. Le CPA a récapitulé les résultats de son évaluation dans son rapport du 1er novembre 20171. La sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N s'est penchée sur le rapport d'évaluation du CPA lors de sa réunion du 13 novembre 2017. Elle a décidé d'adresser un rapport à la CdG-N en s'appuyant sur celui du CPA. Réunie le 26 juin 2018, la CdG-N a examiné le projet de rapport, notamment ses recommandations, avant de l'approuver pour transmission au Conseil fédéral. La CdG-N a par ailleurs décidé de publier son rapport conjointement avec celui du CPA.

Dans son rapport du 26 juin 20182, la CdG-N parvient à la conclusion suivante: proportionnellement, la Suisse exécute plus de renvois que les pays de l'Union européenne (UE) étudiés. L'évaluation du CPA a par ailleurs montré que la détention administrative est un moyen efficace pour exécuter les décisions de renvoi. La CdG-N estime toutefois que des améliorations doivent être apportées dans différents domaines, notamment la saisie des départs non contrôlés, l'harmonisation des pratiques cantonales en matière de détention administrative, la mise en détention de mineurs et la gestion des données par la Confédération. En conséquence, elle a formulé sept recommandations.

Par lettre du 26 juin 2018, la CdG-N a invité le Conseil fédéral à se prononcer d'ici au 28 septembre 2018.

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Avis du Conseil fédéral

2.1

Introduction

Le Conseil fédéral souligne que la politique de retour de la Confédération encourage avant tout le retour volontaire. Ainsi, les personnes tenues de quitter la Suisse ont la possibilité de partir volontairement et ­ pour autant que la loi le permette ­ de bénéficier d'une aide au retour. Ce n'est que lorsque la décision en matière d'asile et de renvoi est entrée en force et que le délai de départ octroyé n'a pas été respecté que l'exécution du renvoi a lieu sous contrainte. À cet effet, les cantons peuvent ordonner des mesures de contrainte en vertu de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr)3. Toutefois, ni le rapport de la CdG-N ni celui du CPA ne précisent explicitement que les personnes faisant l'objet d'une décision de mise en détention ­ 1 2 3

www.parlement.ch > Organes > Commissions > CdG > Rapports d'évaluation des CdG > Détention administrative de requérants d'asile www.parlement.ch > Organes > Commissions > Commissions de surveillance > CdG > Rapports > Détention administrative de requérants d'asile RS 142.20

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à l'exception de la détention préparatoire prévue à l'art. 75 LEtr ­ sont des personnes tenues de quitter la Suisse qui ont refusé de partir volontairement et qui ne coopèrent pas avec les autorités dans le cadre de l'exécution de leur renvoi. Le Conseil fédéral estime que, si nécessaire, les décisions de renvoi entrées en force doivent aussi être exécutées sous contrainte, conformément aux principes de l'État de droit. C'est également la volonté du législateur.

Pour qu'un avis puisse être donné sur les recommandations 4, 5 et 6 de la CdG-N, le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) a réalisé auprès des autorités cantonales des migrations une enquête sur la détention administrative de mineurs ordonnée en vertu de la législation sur les étrangers. Le Conseil fédéral considérait en effet qu'il était primordial, pour s'exprimer sur les recommandations de la CdG-N qui se rapportent aux pratiques cantonales en matière de détention administrative, de consulter également les autorités cantonales chargées d'appliquer les mesures de contrainte prévues par la législation sur les étrangers.

2.2

Sur les recommandations de la CdG-N

Recommandation 1

Saisir les personnes passées dans la clandestinité

La CdG-N invite le Conseil fédéral à mettre en place les moyens appropriés pour que les personnes passées dans la clandestinité soient saisies en tant que telles, pour que les signalements des cantons concernant ces personnes soient harmonisés et pour qu'ils soient effectivement saisis dans le SYMIC. Le Conseil fédéral étudiera notamment la question de savoir si les données relatives à l'aide d'urgence doivent être systématiquement intégrées dans l'identification des personnes passées dans la clandestinité.

La CdG-N demande par ailleurs au Conseil fédéral de préciser la notion de «départ non contrôlé» et de faire en sorte que celle-ci ne soit plus utilisée pour les personnes passées dans la clandestinité.

Conformément à l'art. 34a de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile relative à la procédure (OA 1)4, l'autorité cantonale chargée d'exécuter le renvoi communique au SEM, par un avis d'exécution du renvoi, les départs non contrôlés constatés. Le SEM enregistre chacun de ces avis dans le système d'information central sur la migration (SYMIC). Si le départ non contrôlé du requérant d'asile est constaté dès le stade de la procédure d'asile, le SEM le saisit également dans le SYMIC. Toutefois, des problèmes ou des lacunes se font jour lors de la saisie des départs non contrôlés dans le SYMIC, lorsque les personnes concernées passent à la clandestinité après que la décision d'asile négative ou la décision de non-entrée en matière dont elles font l'objet est entrée en force, mais avant que la demande cantonale de soutien à l'exécution du renvoi soit transmise à la Confédération. Une telle demande ne peut être déposée qu'après la première décision d'asile négative ou décision de non-

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entrée en matière rendue par le SEM, conformément aux prescriptions de l'art. 97, al. 2, de la loi du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi)5.

La mise en oeuvre, au 1er mars 2019, de la révision de la LAsi visant à accélérer les procédures d'asile modifiera en partie les procédures concernées. Ainsi, la version modifiée de l'art. 2, al. 2, de l'ordonnance du 11 août 1999 sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers (OERE)6 prévoit que, dans la procédure accélérée au sens de l'art. 26c nLAsi, le SEM peut commencer les démarches en vue d'obtenir des documents de voyage ­ et donc commencer à assister le canton dans l'exécution du renvoi ­ sans que l'autorité cantonale compétente en matière d'exécution du renvoi en fasse la demande. Ainsi, dans la procédure accélérée, les départs non contrôlés seront systématiquement saisis dans le SYMIC après la communication de l'entrée en force. Pour les cas relevant de la procédure étendue au sens de l'art. 26d nLAsi, le SEM déterminera s'il convient de mettre en place la saisie systématique d'une demande d'assistance en matière d'exécution. De même, pour les cas relevant de la procédure Dublin au sens de l'art. 26b LAsi, le SEM réfléchira aux modifications à apporter aux processus pour que, sans faute, les départs non contrôlés qui font suite à des décisions définitives de non-entrée en matière soient eux aussi saisis dans le SYMIC. En outre, il comparera désormais tous les six mois ­ après réception des données des cantons ­ les données sur l'aide d'urgence issues du suivi concernant la suppression de l'aide sociale aux données SYMIC concernant les départs non contrôlés. Le Conseil fédéral considère que ces mesures permettront d'améliorer considérablement la qualité des données dans le domaine des départs non contrôlés.

Le Conseil fédéral estime toutefois que la notion de «départ non contrôlé» doit être conservée. En règle générale, les autorités ne disposent évidemment pas d'informations précises sur l'endroit exact où se trouvent les requérants d'asile après leur départ non contrôlé. Rien n'indique toutefois que la majorité des personnes concernées restent en Suisse. Au contraire: les 9 % de personnes qui, d'après les constatations du CPA, ont eu recours à l'aide d'urgence après un départ non contrôlé confirment que le fait de rester en Suisse constitue
plutôt l'exception. Faire apparaître tous ces cas dans les statistiques en tant que personnes passées à la clandestinité en Suisse prêterait donc à confusion. Toutefois, dans un souci de transparence des statistiques publiques sur l'asile, le SEM précise que la rubrique «départ non contrôlé» comprend aussi des personnes qui n'ont pas quitté la Suisse ou qui sont passées dans la clandestinité. Compte tenu des explications précitées, il n'est pas possible de disposer de plus amples informations statistiques sur l'endroit où se trouvent les requérants d'asile après leur départ non contrôlé.

5 6

RS 142.31 RS 142.281

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Recommandation 2

Harmonisation des pratiques en matière de recours à la détention administrative et d'exécution

La CdG-N invite le Conseil fédéral à veiller, dans le cadre de sa compétence et de sa fonction de surveillance au sens de l'art. 124, al. 1, LEtr, à une plus grande harmonisation des pratiques des cantons en matière de recours à la détention administrative et d'exécution. Il s'en assurera en poursuivant le dialogue engagé avec les cantons, le but étant que le recours à la détention administrative soit opportun et qu'il respecte les dispositions légales.

Le Conseil fédéral veillera, dans le cadre de ses compétences, à ce que la restriction de la liberté de mouvement et, partant, le recours à la détention administrative prennent suffisamment en considération le principe de proportionnalité dans les cas d'espèce.

En Suisse, l'application de la législation sur l'asile et sur les étrangers relève d'abord de la compétence des autorités cantonales, d'autant que la Confédération ne dispose pas de ses propres forces de police pour l'exécution des renvois. En effet, le droit fédéral prévoit que les cantons sont responsables de l'exécution des renvois (art. 46 LAsi et 69 LEtr). Le législateur a, dans la LEtr, octroyé aux cantons la possibilité d'ordonner des mesures de contrainte (art. 73 ss LEtr). Étant donné qu'il s'agit toujours de dispositions potestatives, il appartient aux cantons d'apprécier dans chaque cas d'espèce si la mesure de contrainte concernée est appropriée, nécessaire et raisonnablement exigible pour mener à bien le mandat cantonal d'exécution des renvois.

Le Conseil fédéral a déjà souligné à plusieurs reprises que la disparité des pratiques cantonales en matière d'exécution peut entraîner une inégalité de traitement regrettable de personnes se trouvant dans une situation analogue. Une harmonisation des mesures de contrainte va donc également dans l'intérêt de la Confédération. Cette harmonisation passe notamment par des colloques spécialisés (réunion annuelle des coordinateurs cantonaux en matière de renvoi, par ex.) ou des formations spécialisées. Ces manifestations contribuent à promouvoir l'uniformisation de l'application du droit dans les cantons. Les directives du SEM, qui sont régulièrement adaptées aux modifications de lois et d'ordonnances ainsi qu'à la jurisprudence du Tribunal fédéral, contribuent également à harmoniser la pratique. Lorsque la législation subit des modifications
fondamentales dans le domaine de la détention administrative ­ par exemple liées aux nouvelles dispositions en matière de détention dans la procédure Dublin après la reprise et la mise en oeuvre du règlement Dublin III7 au 1er juillet 2015 ­, les cantons reçoivent des lettres d'information sur les répercussions de ces modifications sur la pratique.

7

Règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, JO L 180 du 29.6.2013, p. 31.

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Le Conseil fédéral se réfère par ailleurs aux organes cantonaux de coordination, tels que la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) et l'Association des services cantonaux de migration (ASM). En effet, ces organes assurent, avec le comité d'experts paritaire «Retour et exécution des renvois» institué par le DFJP et la CCDJP, la collaboration entre les autorités et favorisent ainsi l'harmonisation et l'application uniforme des mesures de contrainte.

La Confédération est certes chargée, conformément à l'art. 124, al. 1, LEtr, de surveiller l'exécution de la LEtr, mais le Conseil fédéral précise que l'exercice de cette surveillance porte sur la pratique générale des cantons en matière de mise en oeuvre des dispositions du droit des étrangers. L'examen de la conformité au droit des différentes mesures, eu égard notamment au principe de proportionnalité et aux dispositions du droit fédéral relatives au pouvoir d'appréciation (art. 96 LEtr), relève de la compétence des tribunaux cantonaux (tribunaux des mesures de contrainte) et du Tribunal fédéral.

Recommandation 3

Question de l'examen de la détention administrative prévu par la loi

La CdG-N invite le Conseil fédéral à vérifier si les bases légales de l'examen de la détention administrative sont opportunes et assurent une protection suffisante des droits fondamentaux.

Après avoir vérifié les bases légales en question, le Conseil fédéral estime qu'elles sont opportunes et qu'elles assurent une protection suffisante des droits fondamentaux. Elles sont conformes aux prescriptions de la Constitution (Cst.) et du droit international (en particulier aux art. 31 Cst. et 5 CEDH8). La disposition légale que mentionne explicitement le rapport de la CdG-N à propos de la décision et de l'examen de la détention dans le cadre de la procédure Dublin (art. 80a, al. 3, LEtr) a déjà fait l'objet d'un examen approfondi lors de la reprise et de la mise en oeuvre du règlement Dublin III. Le Conseil fédéral a alors considéré que les personnes concernées par la décision de mise en détention, qui peuvent en tout temps déposer une demande d'examen de cette dernière, ont toutes les garanties juridiques requises9.

L'Assemblée fédérale a adopté les modifications légales concernées durant la session d'automne 2014. La demande d'une minorité visant à soumettre automatiquement la légalité et l'adéquation de la détention dans le cadre de la procédure Dublin à l'examen d'une autorité judiciaire a été nettement rejetée au Conseil national10.

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10

Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (RS 0.101) 14.029, Message relatif à l'approbation et à la mise en oeuvre des échanges de notes entre la Suisse et l'UE concernant la reprise des règlements (UE) no 603/2013 et no 604/2013 (FF 2014 2587) 14.029, Conseil national, session d'automne, 26.9.2014 (BO 2014 N 1321)

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Recommandation 4

Mise en détention de mineurs

La CdG-N invite le Conseil fédéral à respecter les normes légales et à exclure les mineurs de moins de quinze ans de la détention administrative. Celui-ci est chargé d'étudier et de favoriser d'autres possibilités d'exécution du renvoi des familles. Par ailleurs, il veillera à ce que la détention des mineurs de plus de quinze ans ne soit ordonnée qu'en dernier ressort et qu'elle soit toujours opportune.

La CdG-N invite le Conseil fédéral à examiner, en collaboration avec les cantons, les cas d'erreurs de saisie signalés par le SEM concernant des mineurs de moins de quinze ans, à lui remettre un rapport à ce sujet et à lui indiquer dans les détails comment les cantons enregistrent les détentions de mineurs accompagnés mis en détention avec leurs parents, en particulier celles d'enfants de moins de quinze ans.

La CdG-N prie en outre le Conseil fédéral de présenter la façon dont il est tenu compte des normes légales du droit international (en particulier de la Convention relative aux droits de l'enfant) lors de la mise en détention de mineurs.

Les mesures de contrainte sont ordonnées par les cantons (voir l'avis concernant la recommandation 2). Les tribunaux cantonaux compétents en matière de mesures de contrainte examinent la légalité et l'adéquation de la détention administrative relevant du droit des étrangers conformément aux prescriptions des art. 80 et 80a LEtr.

D'après l'enquête évoquée en introduction, les cantons n'ordonnent des mesures de contrainte contre des familles et des mineurs qu'à titre exceptionnel et seulement pour la durée de détention la plus brève possible. Cela concerne en particulier les personnes dont le comportement a déjà fait échouer une tentative de retour et celles qui ont commis un délit. En règle générale, les cantons n'ordonnent pas de détention administrative relevant du droit des étrangers pour les familles et les mineurs, et le renvoi est exécuté à partir du centre d'hébergement des personnes concernées. Si le manque de coopération de ces dernières empêche l'exécution du renvoi, la détention administrative n'est en principe ordonnée, lorsqu'il s'agit d'une famille, qu'à l'encontre du père, tandis que la mère et les enfants sont escortés, le jour du vol, du centre d'hébergement à l'aéroport.

Entre 2015 et 2017, 83 mineurs se sont vu ordonner une détention
administrative relevant du droit des étrangers (hors rétentions visées à l'art. 73 LEtr)11. Du point de vue du Conseil fédéral, ce nombre de cas relativement faible et les résultats de l'enquête confirment que la détention administrative des mineurs de plus de 15 ans n'est ordonnée qu'en dernier ressort.

Conformément aux art. 80, al. 4, et 80a, al. 5, LEtr, les mineurs de moins de 15 ans sont exclus de la détention administrative relevant du droit des étrangers. Néanmoins, il est parfois arrivé que les cantons hébergent brièvement des mineurs de moins de 15 ans avec au moins l'un de leurs parents dans un établissement servant à la détention administrative, parce que la séparation entre l'enfant et ses parents ou sa 11

Cas relevant de la LEtr compris (et non seulement ceux relevant du domaine de l'asile).

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mère semblait, dans le cas d'espèce, difficilement justifiable au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. La détention n'a alors été que de courte durée et avait généralement lieu durant la nuit précédant le retour. De plus, elle s'est déroulée dans des locaux spécifiques, telles que des cellules familiales équipées en conséquence. Le Conseil fédéral estime toutefois que les bases légales ne sont pas suffisantes pour ce type d'hébergement. Le SEM demandera donc aux cantons de ne pas placer des mineurs de moins de 15 ans dans des établissements de détention administrative et d'étudier d'autres possibilités d'exécution du renvoi des familles.

La LEtr prévoit déjà des solutions alternatives à la détention administrative. C'est ainsi qu'une personne frappée d'une décision de renvoi peut être obligée, en vertu de l'art. 64e LEtr, de se présenter régulièrement à une autorité, de fournir des sûretés financières appropriées ou de déposer ses documents de voyage. Par ailleurs, une personne tenue de quitter la Suisse peut, conformément à l'art. 74 LEtr, se voir enjoindre de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée. Il ressort de l'enquête réalisée auprès des cantons qu'en pratique, pour l'exécution du renvoi de familles et de mineurs, l'obligation de se présenter régulièrement à une autorité et l'assignation d'un lieu de résidence sont les principales solutions alternatives utilisées à la place de la détention administrative.

Comme le Conseil fédéral l'a précisé dans sa réponse à la motion 18.3079, le SEM envisage d'évaluer, de concert avec les cantons, la pertinence de la surveillance électronique dans le domaine du droit des étrangers. Qui plus est, le SEM suit les discussions en cours au niveau européen sur les solutions alternatives à la détention administrative.

En ce qui concerne les erreurs de saisie commises dans le SYMIC, la souscommission DFJP/ChF de la CdG-N a fourni des informations détaillées lors de l'audition qu'elle a menée le 8 mai 2018 avec des représentants du SEM. Dans les cas concernés, les cantons, que l'art. 15a OERE charge de transmettre les données relatives à la détention administrative relevant du droit des étrangers, ont saisi une détention dans SYMIC, alors que les personnes concernées n'étaient pas détenues.
S'appuyant sur les résultats de l'évaluation du CPA du 1er novembre 2017, le SEM a examiné tous les cas de l'année 2016 pour lesquels le SYMIC indiquait que des mineurs de moins de 15 ans étaient en détention. Il est ressorti de cet examen que 39 cas sur 44 (soit 89 %) correspondaient à des erreurs de saisie et que les personnes concernées n'étaient pas en détention. Sur ces 39 erreurs de saisie, 32 ont été commises dans le canton de Berne. À la suite d'une erreur dans les modifications internes de l'autorité compétente, ce canton a systématiquement saisi une détention administrative dans le SYMIC lorsque la police cantonale était chargée de venir chercher et d'escorter des personnes à rapatrier depuis le centre d'hébergement jusqu'à l'aéroport. Parmi les six autres erreurs de saisie commises par les cantons, cinq concernaient également des personnes que la police est venue chercher dans leur centre d'hébergement et qu'elle a escortées jusqu'à l'aéroport. Dans un cas, le père du mineur avait été mis en détention, mais le canton responsable a également appliqué, dans son enregistrement, la détention à l'enfant ­ qui était saisi dans le SYMIC sous le même numéro N que son père ­, bien que celui-ci ne séjournât plus en Suisse à ce moment-là. Outre les 38 erreurs de saisie des cantons, il y a un cas où le canton compétent a, certes, correctement enregistré la détention ordonnée, mais où le SEM n'avait pas corrigé la date de naissance (erronée) de la personne concer7590

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née dans le SYMIC, bien que la majorité de cette dernière ait été confirmée lors de la procédure d'asile. Ainsi, en 2016, cinq mineurs de moins de 15 ans12 ont effectivement été mis en détention pour une courte période. Il s'agissait en l'occurrence d'une détention administrative d'une nuit, la veille de leur retour par vol spécial, et dans une cellule familiale qu'ils partageaient avec leurs parents, pour éviter toute séparation. Au vu des résultats de l'examen des cas de l'année 2016, le Conseil fédéral estime qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les données saisies dans le SYMIC pour les années 2011 à 2014.

Tous les cantons saisissent dans le SYMIC les détentions ordonnées à l'encontre de mineurs âgés de 15 à 17 ans. Lors de l'enquête mentionnée en introduction, deux cantons ont indiqué avoir hébergé, dans des cas individuels, des mineurs de moins de 15 ans avec leurs parents, dans des établissements servant à la détention administrative. Seul l'un de ces deux cantons a également saisi ces cas dans le SYMIC.

La convention relative aux droits de l'enfant13 s'applique à la Suisse depuis le 26 mars 1997. Ses art. 3, par. 1, 9, par. 1, et 37 revêtent une importance particulière en matière de détention administrative relevant du droit des étrangers. Après avoir examiné dès 2009 la conformité des mesures de contrainte aux droits de l'enfant, le Conseil fédéral a estimé que les garanties conférées par cette convention dans le domaine des mesures de contrainte étaient respectées14. Depuis lors, la Suisse a repris la directive de l'UE sur le retour15 et le règlement Dublin III dans le cadre du développement de l'acquis de Schengen. Le Parlement européen et le Conseil ont tenu compte des prescriptions de ladite convention lors de l'élaboration des bases légales pertinentes, renforçant ainsi la position des mineurs tout au long du processus de retour (voir également l'avis concernant la recommandation 5). C'est ainsi que l'art. 5 de la directive de l'UE sur le retour dispose que l'intérêt supérieur de l'enfant est à prendre en compte lors de la mise en oeuvre de cette directive. Et en vertu de l'art. 6 du règlement Dublin III, l'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale dans toutes les procédures prévues par ce règlement.

Les prescriptions légales relatives à la décision et à
l'examen de la détention (art. 80 et 80a LEtr) garantissent la conformité de l'application de la détention administrative relevant du droit des étrangers aux dispositions du droit international, en particulier de la convention relative aux droits de l'enfant. Lorsqu'elle examine la décision de détention, de maintien ou de levée de celle-ci, l'autorité judiciaire tient compte de la situation familiale de la personne détenue ­ ce qui inclut l'intérêt supérieur de l'enfant au sens de la convention ­ ainsi que des conditions d'exécution de la détention. Aux yeux du Conseil fédéral, le caractère relativement faible du nombre de cas précité et la durée moyenne de la détention de mineurs de plus de 12 13 14

15

Quatre d'entre eux concernaient le même cas (renvoi Dublin d'une famille).

RS 0.107 Rapport du 16 décembre 2009 sur la conformité aux droits de l'enfant des mesures de contrainte (en exécution du postulat «Conformité des mesures de la législation sur l'asile et sur les étrangers avec la Convention relative aux droits de l'enfant» de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 31 janvier 2008); www.dfjp.admin.ch > Actualité > News > 2009.

Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, JO L 348 du 24.12.2008, p. 98.

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15 ans, qui était de 22 jours entre 2015 et 2017, confirment que la détention administrative n'est qu'une mesure de dernier ressort et qu'elle est d'une durée aussi brève que possible, comme le prévoit l'art. 37 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Recommandation 5

Places de détention pour mineurs

La CdG-N invite le Conseil fédéral à veiller à l'aménagement de places de détention adaptées aux mineurs de plus de quinze ans selon les conditions préalables de la Convention relative aux droits de l'enfant et aux personnes qui les accompagnent en vue de garantir que les mineurs soient hébergés uniquement dans ce type de structure.

Le Conseil fédéral est en outre chargé de montrer à la CdG-N quelles conditions sont appliquées concernant les places de détention pour mineurs, quelle importance est accordée à la convention, où les mineurs sont actuellement hébergés et comment il exerce sa surveillance dans ce domaine.

Dans le cadre du financement des places de détention (art. 82, al. 1, LEtr), le Conseil fédéral veille à la création de places de détention adaptées aux mineurs et aux personnes qui les accompagnent. Conformément à l'art. 15j, let. d, OERE, la Confédération ne participe aux coûts de construction et d'aménagement d'établissements de détention cantonaux que si les personnes vulnérables, notamment les mineurs non accompagnés et les familles avec enfants, sont hébergés dans des locaux séparés de ceux des autres détenus. Le groupe de la CCDJP spécialisé dans le suivi des capacités de privation de liberté examine également si les places destinées à la détention administrative relevant du droit des étrangers dans les cantons sont conformes aux prescriptions en la matière, et détermine si des dispositions doivent être prises.

En vertu de l'art. 81, al. 3, LEtr, la forme de la détention doit tenir compte des besoins des mineurs non accompagnés et des familles accompagnées d'enfants.

L'art. 81, al. 4, LEtr dispose en outre que les conditions de détention sont régies, pour les cas de renvois à destination d'un pays tiers, par l'art. 17 de la directive de l'UE sur le retour, disposition qui prend en considération les prescriptions de la convention relative aux droits de l'enfant. Ce dernier article prévoit notamment que les familles placées en détention disposent d'un lieu d'hébergement séparé qui leur garantit une intimité adéquate. Les mineurs placés en détention doivent en outre avoir la possibilité de pratiquer des activités de loisirs, y compris des jeux et des activités récréatives adaptés à leur âge, et avoir, en fonction de la durée de leur séjour, accès à l'éducation. Les mineurs non
accompagnés doivent bénéficier, dans la mesure du possible, d'un hébergement dans des institutions disposant d'un personnel et d'installations adaptés aux besoins des personnes de leur âge. Enfin, l'intérêt supérieur de l'enfant doit constituer une considération primordiale dans le cadre de la détention administrative de mineurs. En ce qui concerne les conditions de détention pour les cas liés à un transfert Dublin, l'art. 81, al. 4, LEtr renvoie à l'art. 28, par. 4, du règlement Dublin III, lequel se réfère aux art. 9 à 11 de la direc-

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tive relative aux conditions d'accueil16. Ces dispositions prévoient également que les familles placées en détention disposent d'un lieu d'hébergement séparé qui leur garantit une intimité adéquate17. En pratique, les conditions spécifiques de détention sont en principe les mêmes pour tous les mineurs, qu'ils soient renvoyés dans un État Dublin ou dans un pays tiers.

L'hébergement des mineurs concernés relève de la compétence des cantons, qui le gèrent au cas par cas. Lors de l'enquête du SEM, la majorité de ces derniers ont indiqué que le régime de détention des mineurs était assorti de certains allègements, concernant, par exemple, l'encadrement, les heures de visite ou les possibilités de se mouvoir. Pour ce qui est des conditions de détention, la surveillance exercée par la Confédération se réfère également à la pratique des cantons d'une manière générale.

Conformément aux art. 80 et 80a LEtr, l'examen au cas par cas des conditions de détention incombe aux juridictions compétentes (voir l'avis concernant les recommandations 2 et 4).

Recommandation 6

Une gestion des données efficace

La CdG-N invite le Conseil fédéral à s'assurer de la saisie correcte des données dans le domaine de la détention administrative. De plus, elle le prie de faire procéder à une révision complète des systèmes existants, voire à leur remplacement.

En effet, ces systèmes doivent permettre une gestion des données efficace et le SEM doit pouvoir en tirer la plus grande utilité possible afin d'exercer véritablement sa fonction de surveillance au sens de l'art. 124 LEtr et d'assurer le suivi de l'exécution des renvois conformément à l'art. 46, al. 3, LAsi.

Dans le cadre de ses compétences, le Conseil fédéral devra en particulier veiller à ce que les cantons enregistrent de manière claire et uniforme les détentions de mineurs accompagnés mis en détention avec leurs parents, en particulier celles d'enfants de moins de quinze ans.

L'exécution des renvois relevant de la compétence des cantons, ce sont les autorités cantonales qui, en vertu de l'art. 15a OERE, doivent transmettre au SEM les données concernant les détentions administratives relevant du droit des étrangers. La Confédération ayant elle aussi intérêt à disposer de données statistiques fiables sur la détention administrative relevant du droit des étrangers, le SEM est en contact permanent avec les cantons afin de les sensibiliser et d'améliorer ainsi la qualité des données. Dans ce contexte, il y a lieu de se référer par exemple aux lettres d'information régulières dans lesquelles le SEM a rappelé aux autorités cantonales compétentes que la pertinence des données collectées présuppose une saisie correcte des mesures de contrainte. À cet égard, il a notamment donné pour instruction aux cantons de saisir régulièrement ­ dès qu'elles sont ordonnées ­ les détentions dans le SYMIC. Afin de s'assurer que les données sont correctement saisies, le SEM inscrira le détail des exigences relatives à la mise en oeuvre de l'art. 15a OERE dans la 16

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Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, JO L 180 du 29.6.2013, p. 96.

Concernant le caractère déterminant de ces mesures, cf. ATF 143 II 361, consid. 3.3.

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directive consacrée à l'exécution du renvoi, dans le cadre des modifications de directives liées à l'application de la révision de la LAsi visant à accélérer les procédures d'asile, au 1er mars 2019.

En outre, l'art. 15a OERE sera complété au 1er mars 2019, dans le cadre des modifications d'ordonnances adoptées par le Conseil fédéral le 8 juin 2018, de telle sorte que les autorités cantonales compétentes informent également le SEM du lieu de la détention et de la durée pour laquelle la détention administrative a été ordonnée. En ce qui concerne l'art. 15a, al. 2, OERE, le SEM a précisé à la CdG-N, dès la phase de consultation de l'administration, qu'il était inexact de dire que les autorités cantonales n'avaient pas systématiquement indiqué, lors de la saisie, si une représentation juridique avait été mise en place ou si des mesures de protection de l'enfant avaient été prises. Le problème résidait plutôt dans le fait que la mise en oeuvre de l'article concerné de l'OERE nécessitait non seulement d'apporter des ajustements techniques au SYMIC mais aussi de modifier au préalable l'ordonnance SYMIC du 12 avril 200618.

C'est également dès la phase de consultation de l'administration que les raisons de la suspension du projet informatique mené dans le domaine du retour ont été communiquées à la CdG-N. Ce projet a été suspendu au printemps 2017 afin d'établir des synergies avec d'autres projets de cyberadministration du SEM et d'harmoniser tous ces projets. Le SEM a toujours l'intention de lancer le nouveau système d'information eRetour par étapes à partir de 2019.

Le Conseil fédéral considère que ces mesures permettront d'améliorer considérablement la qualité des données dans le domaine de la détention administrative. Il est également prévu, à moyen terme, d'utiliser le système d'information eRetour pour régler les forfaits versés pour les frais de détention (art. 15 OERE), ce qui incitera fiancièrement les cantons à saisir correctement les données dans le SYMIC.

En vertu de l'art. 15a OERE, il faut saisir dans le SYMIC les cas pour lesquels une détention a été ordonnée, ce qui inclut les détentions ordonnées à l'encontre de mineurs âgés de 15 à 17 ans pour préserver la communauté familiale. Étant donné que le SEM demandera aux cantons de ne pas placer des mineurs de moins de 15 ans avec leurs
parents dans des établissements de détention administrative (voir l'avis concernant la recommandation 4), il n'y aura plus, à l'avenir, de cas de ce genre à saisir dans le SYMIC.

Recommandation 7

Suivi complet, systématique et efficace

Le Conseil fédéral veille à ce que le suivi effectué en vertu de l'art. 46, al. 3, LAsi soit vérifié et que les conditions en faveur d'un suivi complet, systématique et efficace, réalisé conjointement avec les cantons, soient réunies.

Pour que le suivi soit efficace, il faut que la gestion des données soit améliorée comme évoqué dans la recommandation 6.

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RS 142.513

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Le Conseil fédéral rappelle que le suivi de l'exécution des renvois dans le domaine de l'asile, mis sur pied par le SEM en vertu de l'art. 46, al. 3, LAsi, a déjà été partiellement remanié en 2017. L'objectif principal de ce remaniement était d'indiquer la phase d'exécution des cas en suspens, afin que l'état d'avancement du processus ressorte clairement. Le suivi a ainsi gagné en pertinence et en précision, ce qui a permis de relever plus directement les défis posés dans le domaine de l'exécution des renvois. Depuis l'année en cours, le suivi fait également apparaître les cas dans lesquels, en vertu de l'art. 89b LAsi, le SEM ne verse plus de subventions fédérales.

La version actuelle du suivi ne correspond donc plus à celle de 2016, à laquelle le rapport du CPA prêtait différentes lacunes.

Il convient de noter également que la version actuelle reste une solution transitoire, qui sera publiée sous cette forme jusqu'à la mise en place du système d'information eRetour. Cet état de choses est présenté de manière transparente dans le cadre du suivi et donne suite à une décision que le SEM a prise avec les organes de coordination cantonaux mentionnés (CCDJP et ASM) et le comité d'experts Retour et exécution des renvois. Il est donc prévu de revoir le suivi à moyen terme et de le réajuster si nécessaire. Les cantons seront associés à ce processus, comme ils l'ont été à l'élaboration de la version actuelle du suivi.

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