16.456 Initiative parlementaire Dénonciation et modification des traités internationaux.

Répartition des compétences Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats du 14 mai 2018

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de loi fédérale sur les compétences en matière de conclusion, de modification et de dénonciation des traités internationaux, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet ci-joint.

14 mai 2018

Au nom de la commission La présidente: Pascale Bruderer Wyss

2018-1562

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Condensé Jusqu'à présent, la question de savoir à qui revenait la compétence de dénoncer les traités internationaux importait peu en pratique étant donné qu'aucun traité important n'avait encore jamais été dénoncé. Toutefois, des initiatives populaires récentes ont soulevé la question de la dénonciation de traités importants. Indépendamment des questions pouvant se poser dans le cadre de la mise en oeuvre éventuelle de ces initiatives, il serait judicieux de se pencher sur le thème de la compétence en la matière, qui pourrait se révéler d'une grande importance, et de répondre clairement aux questions en suspens. Il est en effet essentiel, pour garantir la légitimité des décisions politiques, de définir les règles avant que le «match» n'ait commencé.

Alors que le Conseil fédéral estime être seul compétent en matière de dénonciation des traités internationaux en vertu de la Constitution (Cst.), la commission ne peut se rallier à cette interprétation. C'est pourquoi il est nécessaire que la loi réponde à cette question controversée et que ce point soit ainsi réglé dans le droit positif.

La commission est convaincue que le droit constitutionnel en vigueur règle déjà clairement cette question: les compétences en matière de conclusion de traités internationaux doivent également s'appliquer à la dénonciation et à la modification de ces mêmes traités. Les compétences de l'Assemblée fédérale d'approuver la conclusion de traités importants et les droits référendaires y afférents doivent s'appliquer par analogie aux dénonciations et modifications importantes de traités. Il existe un parallélisme entre les compétences pour légiférer au niveau national et au niveau international.

Il convient toutefois de faire une distinction entre le parallélisme des compétences dont l'attribution est fonction de critères formels et le parallélisme des compétences dont l'attribution est fonction de critères matériels. A l'inverse des compétences liées à la création, à la modification et à l'abrogation du droit national, les compétences dans le domaine du droit international ne peuvent logiquement pas être attribuées en fonction de critères formels. C'est le contenu des dispositions d'un traité qui doit être déterminant pour savoir si la dénonciation ou la modification de ce traité doit être approuvée par l'Assemblée fédérale
et si la décision d'approbation doit être soumise à référendum. Si une modification contient des dispositions importantes fixant des règles de droit, qui définissent par exemple les droits et les obligations de certaines personnes, elle nécessite la même légitimité démocratique que l'abrogation ou la modification d'une loi nationale. Cela vaut également pour la dénonciation de traités ayant des effets importants sur la situation juridique en Suisse ou la population du pays.

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Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Elaboration d'un avant-projet

Dans sa réponse, datant du 25 février 2015, à une interpellation (14.4249 Ip. Schneider-Schneiter. Protection des droits politiques), le Conseil fédéral indiquait avoir «la compétence de dénoncer les traités internationaux en vertu de l'art. 184 al. 1 de la Constitution». Certes, la dénonciation d'un traité important devrait être considérée comme faisant partie des «orientations principales» mentionnées à l'art. 152, al. 3, de la loi sur le Parlement; à ce titre, elle nécessiterait la consultation des Commissions de la politique extérieure. Toutefois, étant donné qu'une simple consultation ne revêt aucun caractère contraignant, mais a uniquement valeur de recommandation, le Conseil fédéral se considère comme seul compétent en ce qui concerne la dénonciation des traités.

Lors de la séance de la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (CIP-E) du 22 janvier 2016, la question de la compétence en matière de dénonciation de traités internationaux a été soulevée alors que la commission se penchait sur une motion du Conseil national portant sur un sujet apparenté (15.3557 Mo. Conseil national [Caroni]. Référendum obligatoire pour les traités internationaux ayant un caractère constitutionnel). Les réponses des représentants de l'administration présents à la séance, qui allaient dans le sens de l'avis du Conseil fédéral susmentionné, ont surpris la commission. Cette dernière a par conséquent chargé l'administration de lui soumettre un rapport à ce sujet. Après avoir pris connaissance, le 20 juin 2016, de ce rapport ainsi que d'une note complémentaire émanant de son secrétariat, la commission a constaté qu'il était nécessaire de prendre des mesures et a chargé le secrétariat de lui soumettre un projet d'initiative parlementaire par laquelle elle déciderait de l'élaboration d'un projet législatif. La commission a adopté le projet d'initiative le 25 août 2016 et a obtenu l'approbation de son homologue du Conseil national le 17 novembre 2016, à la suite de quoi elle a chargé son secrétariat de lui soumettre un projet d'acte.

La CIP-E a examiné ce projet à sa séance du 16 novembre 2017 et l'a adopté par 10 voix contre 0 et 1 abstention.

1.2

Procédure de consultation

La commission a décidé de mener une procédure de consultation sur son projet, car ce dernier porte sur une question constitutionnelle importante et a en outre des conséquences sur l'exercice des droits populaires.

La procédure de consultation s'est déroulée du 9 janvier au 16 avril 2018. La commission a reçu 36 prises de position, émanant de 24 gouvernements cantonaux, de six partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale, de quatre associations faîtières et de deux autres organisations.

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Estimant que la question mérite d'être clarifiée, 24 des 36 participants à la consultation considèrent nécessaire de légiférer dans le sens proposé par la CIP-E dans son projet. Il s'agit de 15 gouvernements cantonaux (BE, SZ, NW, ZG, SO, BS, BL, SH, AR, AI, SG, GR, AG, TI, NE), de cinq partis politiques (PBD, PDC, PLR, PVL, PS), de deux associations oeuvrant à l'échelle nationale (Union des villes suisses [UVS], Union suisse des arts et métiers [USAM]) et de deux autres organisations (Centre Patronal, Association suisse de politique étrangère [ASPE]). Les partisans du projet souscrivent à la répartition des compétences entre l'Assemblée fédérale et le Conseil fédéral proposée par la CIP-E; ils reprennent, dans leurs avis, les arguments avancés par la commission à ce sujet.

Trois participants s'opposent à la réglementation proposée (GL, TG, UDC). GL et TG ont émis des critiques ­ avec une tendance au refus pour GL («kritisch bis ablehnend») ­ vis-à-vis du projet. Pour GL, ce dernier va rendre la procédure de dénonciation plus complexe et risquerait de porter une atteinte exagérée aux compétences du Conseil fédéral. Quant à TG, il s'interroge sur la plus-value d'un projet qui soulève de nouvelles questions. Enfin, l'UDC craint un affaiblissement de la démocratie directe; à ses yeux, l'initiative populaire est la voie la plus judicieuse pour demander la dénonciation ou la renégociation de traités internationaux.

Neuf participants ont renoncé à prendre position (OW, Association des communes suisses) ou ne se sont pas prononcés explicitement pour ou contre la réglementation proposée par la CIP-E (ZH, LU, FR, VD, VS, GE, economiesuisse). Certains gouvernements cantonaux n'ont pas souhaité s'exprimer sur la répartition des compétences entre des organes de la Confédération (FR, VD, GE). ZH et economiesuisse doutent du caractère fondamental du problème dans la réalité. economiesuisse est d'avis que le gouvernement a besoin de la plus grande marge de manoeuvre possible pour pouvoir mener une politique économique étrangère efficace, mais elle n'est pas pour autant opposée à l'orientation du projet.

Sur 28 participants qui se sont prononcés sur la question, 16 sont expressément favorables à une réglementation au niveau de la loi. Quatre d'entre eux (SZ, ZG, PBD, PVL) déclarent explicitement qu'une
réglementation au niveau de la loi suffit et qu'une disposition constitutionnelle est superflue. Six gouvernements cantonaux (NW, ZG, SH, SG, TI, NE), trois partis politiques (PDC, PLR, PS) et trois organisations (USAM, UVS, ASPE) soutiennent expressément les modifications légales prévues (NE: «nous nous déclarons favorables au projet de loi tel que présenté»), ce qui signifie implicitement qu'ils ne considèrent pas nécessaire de modifier la Constitution. Les participants à la consultation qui ne voient pas la nécessité de modifier la Constitution se rallient à l'argumentation de la commission.

Six participants estiment qu'une modification de la Constitution s'impose. Ainsi, BE et AI sont favorables à une réglementation dans le sens du projet de la CIP-E. Le gouvernement de TG souligne lui aussi la nécessité de modifier la Constitution, tout en s'opposant d'une manière générale à une réglementation au niveau de la loi. FR, VD et GE, qui sont également favorables à une modification de la Constitution, ne s'expriment pas sur le fond de la réglementation proposée par la CIP-E.

Six autres participants souhaitent que la nécessité de modifier la Constitution fasse l'objet d'une analyse plus approfondie: il s'agit de ZH, LU et economiesuisse, qui 3594

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ont émis un avis neutre sur le fond de la proposition, et de SH, AR et GR, qui sont certes favorables au projet, mais qui souhaiteraient un examen plus poussé.

Pour les participants favorables à une modification constitutionnelle ou souhaitant que la question fasse l'objet d'un examen plus approfondi, le projet porte sur une question de fond touchant à la répartition des compétences entre le Parlement et le gouvernement, qui doit être réglée au niveau constitutionnel; ils soulignent cependant que la Constitution actuelle ne contient aucune disposition explicite relative à la compétence en matière de dénonciation de traités internationaux. À noter que les participants en question n'ont pas abordé les arguments de la commission contre la nécessité d'une modification de la Constitution.

En raison de ces retours, la commission s'est vue confortée dans son idée de proposer son projet de modification de la loi et a adopté le projet par 11 voix contre 0 et 1 abstention à l'intention du Conseil des Etats. Donnant suite à des remarques émanant des participants à la consultation, elle a procédé à trois modifications mineures: ­

Sur proposition de l'Union démocratique du centre, elle a complété l'art. 7a LOGA par un al. 1bis, en vertu duquel le Conseil fédéral doit dénoncer seul (c'est-à-dire sans procédure d'approbation préalable) des traités internationaux lorsqu'une disposition constitutionnelle directement applicable le prescrit.

­

Sur proposition du parti Vert'libéral, elle a apporté des corrections de nature rédactionnelle en trois endroits du projet, lesquelles ont pour but de préciser que ce n'est pas un parallélisme des formes qui est appliqué, mais un parallélisme des compétences selon l'importance du contenu (voir à ce sujet le chap. 2.3 du présent rapport).

­

Selon la recommandation du Conseil d'Etat du canton d'Appenzell RhodesExtérieures, la nouvelle terminologie utilisée dans la LParl et dans la LOGA a été reprise dans la loi fédérale sur la participation des cantons à la politique extérieure de la Confédération (LFPC): on ne parle plus uniquement de «conclusion», mais de «conclusion, modification ou dénonciation» de traités.

2

Grandes lignes du projet

2.1

Nécessité de clarifier la situation juridique

Jusqu'à présent, la question de savoir à qui revenait la compétence de dénoncer les traités internationaux importait peu en pratique. En règle générale, les rares traités dénoncés étaient ceux qui arrivaient à échéance et ceux qui étaient devenus obsolètes en raison de la signature de nouveaux traités. Aucun traité important n'a encore été dénoncé.

La question de la dénonciation de traités importants a toutefois été soulevée récemment. Bien que l'initiative populaire «Contre l'immigration de masse», acceptée le 9 février 2014, ne demandât que la renégociation et la modification de traités dans un but précis, la question de savoir s'il faudrait dénoncer les traités en question si ce but ne pouvait pas être atteint s'est posée. Le Conseil fédéral et la majorité du Par3595

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lement y ont toutefois répondu par la négative. L'initiative populaire intitulée «Halte à la surpopulation ­ Oui à la préservation durable des ressources naturelles», qui a elle été rejetée par le peuple et les cantons le 30 novembre 2014, demandait explicitement que les traités qui contreviendraient aux objectifs visés par le nouvel art. 73a, qu'elle entendait introduire dans la Constitution1, soient «si nécessaire» dénoncés.

Enfin, l'initiative populaire «Le droit suisse au lieu de juges étrangers», qui n'a pas encore fait l'objet d'une votation, propose, avec son projet d'art. 56a, une formulation similaire, bien qu'elle soit plus générale: «en cas de conflit d'obligation» entre le droit constitutionnel et des traités internationaux dont l'arrêté d'approbation n'a pas été soumis à référendum, la Confédération et les cantons «veillent à ce que les obligations de droit international soient adaptées aux dispositions constitutionnelles, au besoin en dénonçant les traités internationaux concernés».

Indépendamment des questions pouvant se poser dans le cadre de la mise en oeuvre éventuelle de ces initiatives, il serait judicieux de se pencher sur le thème de la compétence en la matière, qui pourrait se révéler d'une grande importance, et de répondre clairement aux questions en suspens. Il est en effet essentiel, pour garantir la légitimité des décisions politiques, de définir les règles avant que le «match» n'ait commencé.

La commission est convaincue que le droit constitutionnel en vigueur règle déjà clairement cette question: les compétences en matière de conclusion de traités internationaux doivent également s'appliquer à la dénonciation et à la modification de ces mêmes traités. Si la compétence d'approuver la conclusion d'un traité revient au peuple et aux cantons (référendum obligatoire), uniquement au peuple (référendum facultatif) ou à l'Assemblée fédérale, la même compétence doit s'appliquer à la dénonciation ou à la modification de ce même traité (voir à ce sujet le ch. 2.2). Cela ne signifie pas que les critères formels applicables à l'attribution des compétences pour légiférer au niveau national doivent aussi être déterminants pour la création de droit au niveau international, où les critères applicables devraient plutôt être de nature matérielle (voir à ce sujet le ch. 2.3).

Toutefois,
comme le Conseil fédéral affirme avoir lui seul la compétence de dénoncer les traités (voir ch. 1), il est nécessaire que la loi réponde à cette question controversée et que ce point soit ainsi réglé dans le droit positif.

2.2

Compétence constitutionnelle de l'Assemblée fédérale

2.2.1

Introduction

Le principe de l'acte contraire (c'est-à-dire le parallélisme des compétences) signifie que la compétence de modifier ou d'abroger du droit dépend de la compétence de créer ce même droit. Dans une manifestation formelle de ce parallélisme, la même compétence que celle de créer le droit est valable automatiquement pour sa modification et son abrogation. Dans une manifestation matérielle, la compétence de modi1

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fication et d'abrogation est réglée d'après le même critère matériel que pour la création. Ce principe s'applique aussi sans que la compétence d'abroger ou de modifier soit explicitement mentionnée. Par exemple, la Constitution octroie à l'Assemblée fédérale la compétence d'édicter des dispositions fixant des règles de droit sous la forme d'une loi fédérale sans mentionner expressément la compétence de modifier ou d'abroger ces mêmes dispositions (art. 163 Cst.). Il en va de même pour la compétence du peuple et des cantons concernant les révisions de la Constitution (art. 140 Cst.). Non seulement les lois fédérales visées à l'art. 141 Cst., mais également leurs abrogations ­ qui ne sont pas explicitement mentionnées ­ sont sujettes au référendum. Par analogie, la compétence de l'Assemblée fédérale ou du peuple d'approuver la conclusion d'un traité international crée implicitement celle d'approuver sa dénonciation. A l'inverse des compétences liées à la création, à la modification et à l'abrogation du droit national, les compétences dans le domaine du droit international ne peuvent logiquement pas être attribuées en fonction de critères formels, mais doivent l'être sur la base de critères matériels (voir à ce sujet le ch. 2.3).

Un examen précis de la teneur de la Constitution montre également que la compétence de l'Assemblée fédérale et du peuple ne se limite pas à la conclusion des traités: ­

«[...] sont soumis au vote du peuple: [...] d. les traités internationaux [...]» (art. 141, al. 1);

­

«Elle [l'Assemblée fédérale] approuve les traités internationaux» (art. 166, al. 2);

­

«Il [le Conseil fédéral] les [les traités] soumet à l'approbation de l'Assemblée fédérale» (art. 184, al. 2).

La Constitution ne mentionne donc pas la conclusion de traités, mais les traités euxmêmes. Cette formulation permet de conclure que ce n'est pas seulement la conclusion des traités en question qui est soumise au vote du peuple ou à l'approbation de l'Assemblée fédérale, mais aussi leur modification et leur dénonciation2. On arrive à la même conclusion en lisant attentivement les constitutions fédérales de 1848 et 1874: selon l'art. 74, ch. 5, de la constitution de 1848, qui a été repris mot pour mot à l'art. 85, ch. 5, de la constitution de 1874, l'Assemblée fédérale avait compétence pour «les alliances et les traités avec les Etats étrangers» et pas seulement pour la conclusion de ces alliances et traités. Le Conseil fédéral était donc d'avis, aux débuts de l'Etat fédéral, que l'Assemblée fédérale avait compétence pour approuver la

2

En vertu de l'art. 140, al. 1, let. b, Cst., «l'adhésion à des organisations de sécurité collective ou à des communautés supranationales» est soumise au vote du peuple et des cantons.

A la différence des art. 141, 166 et 184, il n'est donc pas question ici de tous les actes juridiques relatifs à l'appartenance à des organisations de sécurité collective ou à des communautés supranationales, puisque seule «l'adhésion» est mentionnée explicitement.

Malgré cela, il est permis de partir du principe que la sortie de ces organisations est aussi concernée implicitement: compte tenu de l'importance de l'appartenance de la Suisse à l'ONU, par exemple, il paraît difficilement concevable que le Conseil fédéral décide unilatéralement que le pays quitte cette organisation (voir à ce sujet PASCAL BAUR/ DANIEL THÜRER, St. Galler Komm. BV, art. 197, Zurich/Saint-Gall 2014).

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dénonciation de traités internationaux3. Lorsque le référendum facultatif concernant les lois fédérales et les arrêtés fédéraux de portée générale a été introduit dans la constitution de 1874 (art. 89, al. 2), le législateur n'a pas fait de distinction entre l'adoption, la modification et l'abrogation de ces actes. L'al. 3 du même article, ajouté en 1921, a introduit le référendum pour les traités internationaux et se référait directement à l'al. 2: «Le 2e alinéa est aussi applicable aux traités internationaux»4.

D'après cette formulation, le référendum facultatif aurait pu être lancé non seulement contre la conclusion, mais aussi contre la modification et la dénonciation, pour les traités comme pour les lois et arrêtés fédéraux.

Le Conseil fédéral a toutefois gagné en importance par rapport à l'Assemblée fédérale entre la fin du XIXe et la seconde moitié du XXe siècle. «Ce transfert de compétence n'a pas été provoqué, ni même induit, par des changements dans la Constitution; il s'est simplement produit en pratique, praeter constitutionem, voire contra constitutionem» [trad.] (HANSJÖRG SEILER, Gewaltenteilung, Berne 1994, p. 443).

Cette nouvelle interprétation ne peut toutefois pas se fonder sur une pratique suivie depuis plusieurs décennies puisque la question de la dénonciation de traités internationaux importants ne s'est guère posée en pratique. La réponse théorique apportée par le Conseil fédéral et une partie de la doctrine constitutionnelle n'a par conséquent pas pu créer de «droit constitutionnel coutumier», dont la modification aurait rendu nécessaire une modification constitutionnelle. La question de la nécessité d'une telle modification de la Constitution ne se pose de toute façon même pas étant donné que les modifications de la Constitution du 18 avril 1999 et du 9 février 2003 auraient mis fin à un «droit constitutionnel coutumier» différent si celui-ci avait existé.

Dans le domaine des traités internationaux, le principe de l'acte contraire doit être considéré comme à nouveau entièrement applicable en tous cas depuis la modification constitutionnelle du 9 février 2003, qui a établi un quasi-parallélisme des compétences pour légiférer au niveau national et au niveau international. Dans son message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, le Conseil fédéral
avait déjà indiqué ce qui suit au sujet du train de mesures concernant les droits populaires: «Selon le droit en vigueur, les traités internationaux importants ne sont pas tous soumis au référendum. Les citoyens ne peuvent donc pas s'exprimer sur la conclusion de nombreux traités importants, ce qui ne peut être satisfaisant d'un point de vue démocratique» (FF 1997 I 477). Bien que le train de mesures proposé par le Conseil fédéral n'ait pas abouti, les propositions relatives à l'élargissement du champ d'application du référendum en matière de traités internationaux n'avaient aucunement été contestées. La CIP-E a repris les éléments de ce train de mesures susceptibles de réunir une majorité dans son projet du 2 avril 2001. L'objectif a été atteint avec la modification de l'art. 141 Cst., qui a été acceptée par le peuple et les cantons le 9 février 2003: «Il s'agit de faire en sorte que les droits 3

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Exemple: se prononçant sur une éventuelle dénonciation du traité de commerce entre la Suisse et l'Italie, le Conseil fédéral a indiqué ce qui suit dans son rapport de gestion portant sur l'année 1875: «Des considérations constitutionnelles [...] ont empêché le Conseil fédéral d'accéder sans autre à la proposition de l'Italie. Le traité italo-suisse a été ratifié par l'Assemblée fédérale, et l'on ne peut consentir à le voir cesser d'être en vigueur, avant son échéance légale, sans l'assentiment de cette autorité.» (FF 1876 II 564).

Teneur suite à la modification de la Constitution du 13.3.1977.

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populaires soient les mêmes en matière de droit international qu'en matière de droit national» (FF 2001 4591). «[...] du fait que les traités internationaux contiennent de plus en plus de décisions de principe ayant une influence sur les législations nationales, il importe que le peuple puisse se prononcer sur l'adoption même d'un tel traité. Cela permettra d'éviter que l'adoption d'un traité soit remise en question plus tard, si le référendum est saisi par des citoyens opposés aux dispositions d'exécution élaborées» (FF 2001 4613). Le parallélisme en matière de droit de référendum dont dispose le peuple et le parallélisme de la répartition des compétences entre l'Assemblée fédérale et le Conseil fédéral pour légiférer au niveau national et au niveau international vont de pair, car la compétence du Parlement constitue une condition à l'exercice du droit de référendum par le peuple.

Le Conseil fédéral est certes compétent en matière de ratification et, par conséquent, de dénonciation et de modification des traités internationaux en vertu de l'art. 184, al. 2, Cst. Toutefois, selon l'art. 166, al. 2, Cst., le Conseil fédéral ne détient pas cette compétence à lui seul, car il doit obtenir l'approbation de l'Assemblée fédérale avant la ratification. Dans certaines conditions, l'arrêté portant approbation du traité est soumis au référendum obligatoire ou facultatif (art. 140 et 141 Cst.). En vertu du principe susmentionné de l'acte contraire, le Conseil fédéral ne peut détenir à lui seul la compétence de dénoncer ou de modifier un traité s'il ne détenait pas à lui seul la compétence de conclure ce même traité: une décision d'approbation préalable est nécessaire par analogie pour la dénonciation ou la modification du traité.

2.2.2

Compétences du Parlement et du peuple pour édicter des dispositions importantes fixant des règles de droit au niveau national et au niveau international

Contrairement à ce qui était le cas jadis, les traités internationaux ne peuvent plus être considérés avant tout comme des instruments de la politique extérieure du gouvernement. Aujourd'hui, une partie considérable de l'ordre juridique se compose de traités internationaux qui fondent des droits et obligations individuels. Il ressort de l'art. 164 Cst. que le Parlement est compétent pour édicter les «dispositions importantes qui fixent des règles de droit» au niveau national: ces dispositions doivent être édictées par l'Assemblée fédérale sous la forme d'une loi. L'art. 141 Cst. reprend l'expression «dispositions importantes qui fixent des règles de droit» et prévoit que les traités internationaux contenant de telles dispositions sont soumis au vote du peuple. Sous l'angle démocratique, il est donc crucial que la conclusion, la modification et la dénonciation de traités internationaux soient soumises à des règles analogues à celles qui s'appliquent à l'édiction, à la modification ou à l'abrogation des lois. Les traités internationaux comme la Convention européenne des droits de l'homme ou l'accord sur la libre circulation avec l'UE ne sauraient par conséquent être dénoncés par le seul Conseil fédéral. Ce dernier arrive d'ailleurs à la même conclusion dans sa réponse à l'interpellation 14.4249 (voir ch. 1). Le fait qu'il affirme être seul compétent laisse à penser qu'il souhaite pouvoir décider lui-même si un traité est «particulièrement important» et devrait ainsi exceptionnellement être soumis au Parlement et au peuple. Cela signifierait que le critère de «l'importance particulière» serait de nature politique et non juridique, ce qui irait à l'encontre de la 3599

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conception suisse des droits populaires, selon laquelle l'accomplissement de ces derniers doit dépendre de critères juridiques et non de l'appréciation politique des autorités.

L'administration a fait valoir auprès de la commission qu'une rigueur formelle moindre en matière de dénonciation des traités se justifiait dans la mesure où la dénonciation de traités permettait de lever des obligations et des engagements, ce qui rendait à l'Etat une partie de sa souveraineté. Cette argumentation tient insuffisamment compte du fait ­ essentiel ­ que les traités fondent aussi des droits de personnes individuelles et que la suppression de tels droits nécessite une légitimité démocratique.

Lorsque des traités internationaux contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit, le Conseil fédéral ne peut donc pas fonder sa compétence de dénoncer un traité international sur le simple fait qu'il est chargé des affaires étrangères (art. 184, al. 1, Cst.). Les compétences en matière de conclusion et, par extension, en matière de dénonciation et de modification de traités internationaux sont exclusivement régies par l'art. 166, al. 2, et l'art. 184, al. 2, Cst.: aux termes de ces dispositions, l'Assemblée fédérale approuve les traités internationaux, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international. Lors de l'examen de la Constitution fédérale du 18 avril 1999, les Chambres fédérales ont rejeté la proposition du Conseil fédéral qui visait à inscrire dans le texte une compétence découlant directement de la Constitution pour la conclusion de traités (message du Conseil fédéral du 20.11.1996 sur une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 400, 424 s., 634, 637). Depuis cette date en tout cas, le Conseil fédéral ne peut plus revendiquer un quelconque «droit constitutionnel coutumier» en la matière. Il a par conséquent fallu créer les bases légales régissant les compétences du Conseil fédéral en matière de traités internationaux. En vue de l'entrée en vigueur de la Constitution révisée, la possibilité pour le Conseil fédéral de conclure seul des traités de portée mineure a été inscrite dans la loi sur les rapports entre les conseils avec la modification du 8 octobre 1999 (art. 47bisb LREC, RO 2000 273; transféré
à l'art. 7a de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [LOGA] lorsqu'a été édictée la loi du 13.12.2002 sur le Parlement, RO 2003 3543; modifié lors de la modification de la LOGA du 26.9.2014, RO 2015 969). Un peu plus tard, le 8 octobre 2004, la base légale nécessaire à l'application à titre provisoire des traités internationaux par le Conseil fédéral a été introduite dans la LOGA (art. 7b, RO 2005 1245; un droit de veto des commissions compétentes a été introduit avec la modification du 26.9.2014, le Parlement devenant ainsi compétent en dernière instance en lieu et place du Conseil fédéral, RO 2015 969). Il est donc cohérent que la compétence de dénoncer et modifier les traités internationaux soit aussi régie par la loi.

2.2.3

Jurisprudence et doctrine

Les tribunaux fédéraux n'ont pas la compétence de statuer sur la validité de la dénonciation d'un traité international. Le Tribunal administratif fédéral (TAF) a pourtant émis, dans un arrêt du 2 mars 2011, des critiques à l'endroit de la décision 3600

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du Conseil fédéral du 18 février 2009 de ne pas poursuivre avec le Kosovo, Etat qui venait d'être créé, la convention de sécurité sociale conclue avec la Yougoslavie: «La question de savoir si ­ comme dans le cas présent ­ le Conseil fédéral peut décider unilatéralement, sans la participation de l'Assemblée fédérale, de mettre fin à un traité international en vigueur n'est pas expressément réglée et, vu l'art. 166, al. 1, Cst., en vertu duquel «[l]'Assemblée fédérale participe à la définition de la politique extérieure et surveille les relations avec l'étranger», elle est de toute façon problématique et controversée dans la doctrine. La dénonciation de traités internationaux importants peut en effet avoir de graves conséquences sur la politique extérieure de la Suisse» [trad.] (arrêt rendu en langue allemande par le TAF C-4828/ 2010, consid. 4.4.5).

Ainsi que le relève le TAF, la doctrine est partagée pour ce qui est d'apprécier les compétences en matière de dénonciation des traités internationaux.

Dans les commentaires généraux, la majorité des exégètes du droit public suisse défendent l'interprétation que le Conseil fédéral fait de la Constitution, à savoir qu'il est seul à avoir compétence pour dénoncer les traités internationaux. Dans son commentaire de la Constitution, WALTHER BURCKHARDT constate en une seule phrase, sans y apporter de justification: «La dénonciation d'un traité est par contre effectuée par le Conseil fédéral seul» [trad.] (WALTER BURCKHARDT, Komm. BV 1874, Berne 1914, p. 692). À partir de 1896, WALTHER BURCKHARDT a été adjoint, puis directeur de la division de la législation et de la justice du Département fédéral de justice et police (DFJP). Dès 1899, il a été en outre professeur de droit public suisse. Dans cette double fonction, il a posé les fondements de la réinterprétation, constatée depuis la fin du XIX e siècle, de la Constitution en faveur des compétences du Conseil fédéral et au détriment de celles de l'Assemblée fédérale (pour davantage de détails concernant le contexte historique, voir HANSJÖRG SEILER, Gewaltenteilung, Berne 1994, pp. 444 ss). La doctrine fondée par BURCKHARDT a été reprise par beaucoup d'autres commentateurs, par exemple JEAN-FRANÇOIS AUBERT (Traité de droit constitutionnel suisse, vol. II, Neuchâtel 1967, N 1324), DIETER SCHINDLER (Komm. BV
1874, Bâle/Zurich/Berne 1989, art. 85, ch. 5, N 55), ULRICH HÄFELIN/WALTER HALLER/HELEN KELLER (Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Zurich/Bâle/Genève, 2012, N 1659), GIOVANNI BIAGGINI (Komm. BV, Zurich 2007, N 9), ANDREAS AUER/GIORGIO MALIVERNI/MICHEL HOTTELIER (Droit constitutionnel suisse, vol. I, Berne 2013, N 1340). Tous ces auteurs se bornent à répéter ce que BURCKHARDT a résumé en une phrase; il n'y a que SCHINDLER pour ajouter que la ratification incombe déjà au Conseil fédéral seul et que la dénonciation n'impose pas d'obligations nouvelles à la Suisse.

Cependant, certaines voix défendaient déjà une interprétation différente sous le régime de la constitution de 1874. Pour FRITZ FLEINER, «l'approbation de l'Assemblée fédérale est nécessaire pour tous les traités internationaux de la Suisse avec l'étranger, et ce, aussi bien pour leur conclusion que pour leur modification ou leur dénonciation» [trad.] (Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Tübingen 1923, p. 754).

Pour sa part, KURT EICHENBERGER constate «une pratique qui n'est pas au-dessus de tout soupçon, car la dénonciation d'un traité international peut être d'une portée tout aussi grande que sa conclusion, par exemple» [trad.] (Die Oberste Gewalt im Bunde, Berne/Zurich 1949, p. 126). HANSJÖRG SEILER affirme quant à lui qu'une «dénoncia3601

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tion requiert, au moins pour les traités les plus importants, l'approbation de l'Assemblée fédérale» [trad.] (Gewaltenteilung, Berne 1994, p. 666).

Dans toutes les recherches récentes qui se sont intéressées à cette question, non pas accessoirement, dans le cadre d'un commentaire général du droit public, mais d'une manière approfondie, l'interprétation dominante veut également qu'un droit de regard ou des compétences de codécision plus ou moins étendus reviennent à l'Assemblée fédérale en matière de dénonciation des traités internationaux.

BERNHARD EHRENZELLER a étudié la question en détail et examiné attentivement les arguments opposés (Legislative Gewalt und Aussenpolitik, Bâle/Francfort 1993, pp. 537 à 553). Il part du principe que «l'Assemblée fédérale détient un droit constitutionnel de participer aux dénonciations importantes» [trad.]. A ses yeux, une dénonciation par le Conseil fédéral nécessite une délégation de compétences de la part de l'Assemblée fédérale (ibid., p. 544). Pour DANIEL THÜRER et FRANZISKA ISLIKER, «l'Assemblée fédérale devrait plutôt participer au cas par cas à la décision déterminant si une dénonciation est justifiée ou même si elle s'impose» [trad.] (St. Galler Komm. BV, Zurich 2008, art. 166, N 57). Les critères permettant de définir les cas dans lesquels une telle participation aurait lieu demeurent toutefois peu clairs. NINA BLUM, VERA NAEGELI et ANNE PETERS ont consacré un essai à ce thème (Die verfassungsmässigen Beteiligungsrechte der Bundesversammlung und des Stimmvolkes an der Kündigung völkerrechtlicher Verträge, in ZB1 114/2013, pp. 527 à 562) et sont arrivées à la conclusion suivante: «La dénonciation d'un traité qui contient des dispositions fondamentales relatives aux droits et obligations individuels doit être approuvée par l'Assemblée fédérale» [trad.] (ibid., p. 543). Dans son récent commentaire de la Constitution (Basler Komm. BV, Bâle 2015, art. 184, N 27), JÖRG KÜNZLI abonde dans le sens du «principe de l'acte contraire» et, ainsi, dans le sens de l'opinion défendue ici par la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats.

2.2.4

Compétences en matière de conclusion, de modification et de dénonciation de conventions intercantonales

Il est intéressant de s'attarder quelque peu sur le droit constitutionnel des cantons: à l'instar de la Confédération, qui prend des engagements contractuels à l'égard d'autres Etats, les cantons concluent entre eux des conventions intercantonales. Ce sont les gouvernements cantonaux qui négocient et signent ces conventions; quant aux parlements cantonaux, ils approuvent la conclusion des conventions dans la mesure où celles-ci contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral; en règle générale, les conventions de ce type sont soumises à référendum. Plusieurs constitutions cantonales prévoient explicitement la compétence du parlement d'approuver la dénonciation des conventions (GL, SH, AR, AI, SG). Cependant, même lorsque les compétences en matière de dénonciation ne sont pas réglées expressément, il ressort

3602

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visiblement de la pratique que le «principe de l'acte contraire» est respecté 5 ­ celuilà même que le présent projet prévoit d'inscrire dans la loi au niveau fédéral. A propos des conventions sujettes au référendum, les auteurs du commentaire de la constitution du canton de Berne disent ceci: «Le fait qu'il s'agisse d'une nouvelle convention ou de la modification ou de la dénonciation d'une convention en vigueur ne joue aucun rôle» [trad.] (WALTER KÄLIN/URS BOLZ, Handbuch des Bernischen Verfassungsrechts, Berne/Stuttgart/Vienne 1995, p. 404, se référant au procès-verbal [non publié] de la commission de la révision constitutionnelle du canton de Berne).

2.3

Parallélisme des compétences selon l'importance du contenu

En droit interne, une loi fédérale ne peut être modifiée que sous la forme d'une loi fédérale; la modification de la loi en question doit aussi être décidée par l'Assemblée fédérale et est également sujette au référendum. Cette règle s'applique même si la modification ne comporte pas de «dispositions importantes qui fixent des règles de droit» au sens de l'art. 164 Cst. Le «principe de l'acte contraire» est donc appliqué dans un strict parallélisme des formes.

A la différence du droit interne, le droit international ne connaît pas de hiérarchie entre différentes formes d'acte clairement définies. Alors que, en droit interne, les dispositions d'exécution peuvent être édictées sous la forme d'ordonnances du Conseil fédéral, d'un département ou d'un office, cela n'est pas possible en droit international, où les «dispositions d'exécution» sont incluses dans l'accord lui-même, voire dans des annexes. Si l'on respectait un strict parallélisme des formes, toutes les modifications de ces «dispositions d'exécution» que le Conseil fédéral a approuvées lui-même jusqu'à présent ­ en raison de leur nature technique ­ devraient désormais être soumises au Parlement. Considérant ces dernières années, une telle pratique aurait obligé le Conseil fédéral à soumettre en moyenne environ dix messages supplémentaires par an à l'Assemblée fédérale pour la modification de traités internationaux. Le surcroît de travail qui en aurait découlé aurait été disproportionné par rapport au peu d'importance de ces modifications, qui étaient de nature purement technique.

L'élément déterminant pour répondre à la question de savoir si la modification d'un traité doit être approuvée par l'Assemblée fédérale n'est donc pas le fait que l'accord lui-même ait été approuvé préalablement, mais le contenu de la modification. La teneur actuelle de l'art. 7a LOGA définit les conditions auxquelles le Conseil fédéral peut conclure seul des traités internationaux. Les mêmes conditions doivent être 5

Exemple: le 5.7.2017, le Conseil exécutif du canton de Bâle-Ville a soumis au Grand Conseil son avis concernant la dénonciation du concordat du 12.11.2010 sur les prestations de sécurité effectuées par des personnes privées (CPSP) en ces termes: «Comme l'adhésion aux conventions intercantonales, la dénonciation de ces dernières nécessite l'approbation du Grand Conseil si le Conseil exécutif n'a pas compétence pour les conclure ou les dénoncer seul. Vu que le CPSP contient des normes légales, la décision du Grand Conseil d'approuver la dénonciation conformément à la proposition du Conseil exécutif est sujette au référendum en vertu de l'art. 52, al. 1, let. a, de la constitution du 23.3.2005 du canton de Bâle-Ville [trad.] (Kantonsverfassung, KV, SG 111.100).»

3603

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réunies pour que le Conseil fédéral puisse modifier seul de tels traités, même si la conclusion du traité a dû être approuvée par l'Assemblée fédérale. A l'inverse, il peut arriver aussi que la modification d'un traité que le Conseil fédéral a pu conclure seul doive être approuvée par l'Assemblée fédérale si la modification ne remplit pas les conditions permettant au Conseil fédéral d'y procéder seul. Cette règle correspond à la pratique en vigueur.

Ce raisonnement est valable également pour la dénonciation d'un traité. Il est possible en effet qu'un traité dont la conclusion a dû être approuvée par l'Assemblée fédérale perde de son importance au fil du temps et que les conditions permettant au Conseil fédéral de le dénoncer seul soient réunies. Dans un passé récent, cela aurait par exemple été le cas pour l'abrogation des accords commerciaux bilatéraux conclus avec les Etats qui rejoignaient l'Union européenne (UE) et remplacés, sur le fond mais pas sur la forme, par les accords bilatéraux entre la Suisse et l'UE (par ex.

RO 2004 2317, 2319 et 2321), ou pour les accords bilatéraux d'entraide judiciaire qui étaient devenus obsolètes après l'adhésion des partenaires concernés à des conventions multilatérales (par ex. RO 2011 3679). Dans ces cas-là, comme dans d'autres où une dénonciation n'a aucune conséquence ou uniquement des conséquences marginales sur le plan pratique pour la Suisse ­ et où il ne s'agit pour l'essentiel que d'une formalité ­, le Conseil fédéral doit avoir la compétence de dénoncer seul un traité, comme il a la compétence de conclure seul un traité selon la teneur actuelle de l'art. 7a LOGA.

2.4

Dénonciation urgente de traités

La Constitution prévoit des instruments qui permettent, à certaines conditions, une entrée en vigueur rapide de nouvelles normes légales internes: une loi fédérale (ou sa modification ou son abrogation) peut être déclarée urgente (art. 165 Cst.); l'Assemblée fédérale ou le Conseil fédéral peuvent édicter des ordonnances de nécessité (art. 173, al. 1, let. c, 184, al. 3, et 185, al. 3, Cst.).

La conclusion d'un traité international peut elle aussi se révéler urgente, auquel cas celui-ci peut être appliqué à titre provisoire. Le Conseil fédéral peut appliquer à titre provisoire un traité international dont l'approbation relève de l'Assemblée fédérale «si la sauvegarde d'intérêts essentiels de la Suisse et une urgence particulière l'exigent» (art. 7b, al. 1, LOGA). Au préalable, il doit toutefois consulter les commissions compétentes des deux conseils. Si celles-ci s'y opposent, le traité ne peut être appliqué à titre provisoire (droit de veto des commissions; art. 7b, al. 1bis, LOGA).

La dénonciation d'un traité international peut également apparaître urgente. Le cas échéant, suivre la procédure normale d'approbation pourrait gêner ou empêcher une action dont les circonstances exigent qu'elle soit rapide. Or, le Conseil fédéral ne dispose pas de la compétence constitutionnelle directe, selon l'art. 166, al. 2, Cst., de décider seul du sort des traités internationaux. La compétence de procéder à la dénonciation urgente d'un traité international doit donc lui être octroyée par la loi; il s'agit aujourd'hui de combler cette lacune en adaptant l'art. 152, al. 3bis, LParl et en insérant un art. 7bbis dans la LOGA. Afin que le Conseil fédéral puisse assumer cette compétence, deux conditions doivent être remplies cumulativement, les mêmes que 3604

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pour l'application à titre provisoire: la sauvegarde d'intérêts essentiels de la Suisse et une urgence particulière. En ce qui concerne la procédure, il est aisément compréhensible qu'elle soit analogue à celle de l'application à titre provisoire, en ce sens que le Conseil fédéral doit consulter les commissions compétentes. Si les deux commissions s'opposent à la dénonciation urgente, le traité ne peut être dénoncé de cette manière, c'est-à-dire que le Conseil fédéral doit alors emprunter la voie de la procédure normale d'approbation. A la différence d'une application à titre provisoire, qui prend fin lorsque le traité est rejeté par l'Assemblée fédérale dans le cadre de la procédure normale d'approbation qui s'ensuit, une dénonciation qui n'est pas contestée par les commissions revêt un caractère définitif.

3

Commentaire par article

3.1

Loi sur le Parlement

Art. 24, al. 2 et 3 La version actuelle des al. 2 et 3 (l'Assemblée fédérale «approuve les traités internationaux») n'indique pas quelles décisions relatives aux traités internationaux doivent être approuvées par l'Assemblée fédérale. Le nouveau texte précise que la compétence d'approbation ne s'étend pas seulement à la conclusion, mais aussi à la modification et à la dénonciation de ces traités (voir argumentation développée au ch. 2.2). La notion de «conclusion» inclut les processus similaires, comme l'adhésion à une organisation internationale; et ce qui est valable pour la «dénonciation» est en conséquence valable aussi, par exemple, pour le retrait d'une organisation internationale.

L'al. 2 se réfère notamment à la compétence du Conseil fédéral de conclure seul un traité, qui est définie plus précisément aux art. 7a et 7bbis LOGA. Le renvoi direct à l'art. 7a LOGA fait référence, d'une part, aux traités de portée mineure (art. 7a, al. 2 à 4) et, d'autre part, ­ indirectement ­ à la délégation de compétence au Conseil fédéral par d'autres lois et par des traités internationaux approuvés par l'Assemblée fédérale (art. 7a, al. 1). La nouvelle teneur de l'al. 2 clarifie le fait que le Conseil fédéral a compétence pour modifier ou dénoncer seul des traités internationaux lorsque sont réunies les conditions ­ posées à l'art. 7a LOGA ­ pour qu'il puisse conclure seul de tels traités. Concrètement, cela signifie que la pratique actuelle peut être maintenue: la modification d'un traité dont l'Assemblée fédérale a précédemment approuvé la conclusion peut très bien être «de portée mineure» au sens de l'art. 7a LOGA. La dénonciation d'un traité qui a été approuvé par l'Assemblée fédérale peut elle aussi être «de portée mineure» si elle n'entraîne pas «de renonciation à des droits existants» (art. 7a, al. 3, let. a, LOGA), par exemple parce que le traité est devenu obsolète. Voir l'exposé détaillé des motifs au ch. 2.3.

Art. 152, al. 3bis et 3ter Le texte en vigueur impose au Conseil fédéral de consulter les commissions compétentes des deux conseils avant de pouvoir appliquer à titre provisoire un traité international dont l'approbation relève de l'Assemblée fédérale. A noter que l'application 3605

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à titre provisoire ne requiert pas l'approbation des deux commissions. Le Conseil fédéral reste seul compétent à cet égard, sauf si les deux commissions s'y opposent.

Dans ce dernier cas, la compétence est transmise à l'Assemblée fédérale, c'est-à-dire à ses commissions par le biais d'une délégation législative. Le traité ne peut alors pas être appliqué à titre provisoire. Seul un refus aura un effet juridique contraignant. La décision d'une commission d'approuver l'application à titre provisoire n'a qu'un caractère consultatif. Il n'y a pas de procédure d'élimination des divergences.

La nouvelle mouture des al. 3bis et 3ter (la répartition de la disposition originelle sur deux alinéas répond à des considérations d'ordre purement rédactionnel) entraîne l'application de la même procédure lorsque le Conseil fédéral veut procéder à la dénonciation urgente d'un traité, la base légale nécessaire étant inscrite à l'art. 7bbis LOGA, qui est nouveau (voir à ce sujet le ch. 2.4).

La révision fournit l'occasion de remédier à une formulation quelque peu malheureuse dans le texte en vigueur, où il est dit que le Conseil fédéral «renonce» à l'application à titre provisoire (ou à la dénonciation urgente, si l'on conservait cette formulation dans le projet) si les commissions compétentes des deux conseils s'y opposent. On ne peut en effet renoncer qu'à une chose que l'on serait en droit de faire. Or, le Conseil fédéral ne dispose pas du libre arbitre que sous-entend le verbe «renoncer», puisque sa compétence est alors transmise aux commissions.

3.2

Loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration

Art. 7a, titre, al. 1, 1bis, 2, 3, phrase introductive, et 4, phrase introductive Grâce à la nouvelle formulation, il est clairement établi que l'art. 7a ne concerne pas uniquement la conclusion, mais aussi la modification et la dénonciation de traités internationaux par le Conseil fédéral seul (voir argumentation développée au ch. 2.2).

L'al. 1bis précise que le Conseil fédéral doit dénoncer seul des traités internationaux lorsqu'une disposition constitutionnelle prescrit leur dénonciation. D'après le droit en vigueur, il est certes déjà clair qu'une disposition constitutionnelle ­ acceptée par le peuple et les cantons ­ prime une disposition légale ­ adoptée par l'Assemblée fédérale ou, en cas de référendum, par le peuple (mais pas par les cantons). Or, on pourrait croire que la nouvelle réglementation des compétences en matière de dénonciation de traités exige aussi une procédure d'approbation, qui pourrait conduire à ce que l'Assemblée fédérale ou, en cas de référendum, le peuple compromette la volonté du constituant. C'est pour éviter cette fausse interprétation que l'al. 1bis souligne que, en pareils cas, le Conseil fédéral doit procéder lui-même à la dénonciation.

Cependant, l'al. 1bis s'applique uniquement aux dispositions constitutionnelles directement applicables qui ne laissent aucune marge de manoeuvre quant à la détermination de la nécessité d'une dénonciation. Par exemple, l'initiative populaire «Pour une immigration modérée (initiative de limitation)», qui se trouve encore au stade de la récolte des signatures, exige du Conseil fédéral qu'il dénonce l'accord sur la libre 3606

FF 2018

circulation des personnes avec l'UE dans un délai de 30 jours s'il n'est pas possible de l'abroger, par voie de négociation, dans les douze mois qui suivent l'acceptation de l'initiative (FF 2018 106). Si l'initiative en question était acceptée, la dénonciation devrait être effectuée directement par le Conseil fédéral; l'approbation préalable de l'Assemblée fédérale ­ voire du peuple ­ serait superflue, que le Conseil fédéral soit explicitement mentionné dans le texte constitutionnel ou non. Par contre, il existe une marge de manoeuvre, par exemple, dans le cas de l'initiative populaire fédérale «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l'auto détermination)», actuellement pendante devant l'Assemblée fédérale, qui exige que les traités internationaux concernés soient dénoncés «au besoin» lorsqu'il y a conflit entre les obligations de droit international et les dispositions constitutionnelles (art. 56a Cst.; FF 2015 1831). Ce ne serait alors pas au Conseil fédéral de déterminer si une dénonciation est nécessaire, mais à l'Assemblée fédérale et, en cas de référendum, au peuple.

Une minorité de la commission (Stöckli, Cramer) souhaite renoncer à l'introduction de l'al. 1bis. D'une part, elle considère qu'il va de soi qu'une disposition constitutionnelle directement applicable a la priorité et qu'une clarification à ce sujet est dès lors inutile; d'autre part, elle estime que la disposition risquerait d'être interprétée ­ à tort ­ comme un mandat impératif au Conseil fédéral de dénoncer lui-même des dispositions même quand il existe une marge de manoeuvre qui doit être évaluée par le Parlement et, le cas échéant, par le peuple.

A l'al. 2 et dans les phrases introductives des al. 3 et 4, il est précisé que le Conseil fédéral peut aussi modifier seul des traités dont la conclusion a été approuvée par l'Assemblée fédérale si la modification est de portée mineure (voir argumentation développée au ch. 2.3). Cette disposition s'étend également aux traités acceptés par le peuple, car ceux-ci avaient aussi été préalablement approuvés par l'Assemblée fédérale. Inversement, le Conseil fédéral ne peut pas modifier seul un traité qu'il a conclu seul si la modification n'est pas de portée mineure.

Art. 7b, al. 1bis Voir commentaire au ch. 3.1, dernier paragraphe relatif à l'art. 152, al. 3bis, LParl.

Art. 7bbis

Dénonciation urgente de traités internationaux par le Conseil fédéral

Voir commentaire au ch. 2.4 Art. 48a, al. 1, première phrase, et al. 2, première phrase La nouvelle formulation de l'art. 48a établit clairement que celui-ci ne s'applique pas seulement à la conclusion, mais aussi à la modification et à la dénonciation des traités internationaux. Il s'agit en l'occurrence de la possibilité qu'a le Conseil fédéral de déléguer à un département, à un groupement ou à un office la compétence de conclure, de modifier et de dénoncer un traité international (al. 1) et du fait qu'il rende compte chaque année à l'Assemblée fédérale des traités conclus, modifiés et dénoncés sans l'approbation de cette dernière (al. 2). Alors que le compte rendu de la conclusion et de la modification de traités permet à l'Assemblée fédérale de 3607

FF 2018

demander qu'on lui soumette le texte après coup pour approbation, cette possibilité n'existe pas pour ce qui est de la dénonciation, parce que cette dernière implique la suppression définitive des droits et obligations contractuels et qu'il n'est pas possible de la faire annuler. Dans ce dernier cas, le compte rendu ne constitue ainsi qu'un rapport de nature politique ­ ce qui n'est tout de même pas négligeable.

En 2016, la Délégation des Commissions de gestion (DélCdG) des Chambres fédérales a constaté que, en raison de la formulation de l'art. 48a, al. 2 (2e phrase), LOGA, elle n'était pas informée de certains traités, alors qu'il serait important qu'elle le soit pour remplir ses tâches. L'art. 6 de la loi sur les publications officielles (LPubl), auquel renvoie l'actuel art. 48a LOGA, constitue la base légale pour les exceptions à l'obligation de publication définie à l'art. 3 LPubl. Le renvoi à l'art. 6 LPubl figurant dans l'art. 48a LOGA a pour conséquence que les traités dont la publication n'est pas obligatoire ne doivent pas être portés à la connaissance de la DélCdG. Il s'agit par exemple d'accords-cadres conclus dans le domaine de l'armement ou du Service de renseignement. À la demande de la DélCdG, le Conseil fédéral s'est montré disposé, par lettre du 9 décembre 2016, à adapter l'art. 48a lors de la prochaine révision de la LOGA de sorte que la DélCdG doive être informée de tous les traités. Dans l'intervalle, cet objectif a déjà été atteint au niveau de l'ordonnance (nouvel art. 5c OLOGA, en vigueur depuis le 1.7.2017; RO 2017 3275). La présente révision de la LOGA offre l'occasion de procéder à la modification correspondante au niveau de la loi.

3.3

Loi fédérale sur la participation des cantons à la politique extérieure de la Confédération

Art. 2, let. b L'art. 2, let. b, de la loi fédérale sur la participation des cantons à la politique extérieure de la Confédération (LFPC) doit être complété conformément aux modifications apportées à la LParl et à la LOGA, de sorte que la participation des cantons à la politique extérieure de la Confédération vise à contribuer dans la mesure du possible à sauvegarder les compétences des cantons non seulement lors de la «conclusion», mais aussi lors «de la modification ou de la dénonciation» de traités internationaux.

4

Conséquences pour les finances et le personnel

Le projet n'a aucune conséquence quantifiable pour les finances ou le personnel.

5

Bases légales

Les modifications législatives proposées reposent sur la base constitutionnelle formée des art. 140, al. 1, let. b, 141, al. 1, let. d, 166, al. 2, et 184, al. 2, Cst. (voir l'exposé détaillé des motifs au ch. 2).

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