18.063 Message concernant l'approbation de la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices du 22 août 2018

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, le projet d'arrêté fédéral portant approbation de la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 août 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2018-0473

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Condensé Le 7 juin 2017, la Suisse a signé la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices. Cette dernière permettra une révision efficiente des conventions en vue d'éviter les doubles impositions concernées.

Par le présent projet, la convention est soumise pour approbation.

Contexte La lutte contre l'évasion fiscale injustifiée des sociétés multinationales est devenue une préoccupation majeure de la communauté étatique internationale. Dès lors, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a lancé en 2013, en collaboration avec les États du G20, un projet de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting, BEPS). Le plan d'action BEPS regroupant quinze actions et visant à s'attaquer à la réduction excessive du bénéfice imposable et au transfert artificiel de bénéfices dans des États prévoyant une imposition faible ou nulle a été adopté en 2013, et les travaux techniques en découlant se sont terminés en 2015 par la publication de plusieurs rapports.

Certains de ces rapports contiennent des propositions de dispositions visant à modifier les conventions contre les doubles impositions (CDI) en vigueur. Dans le but de mettre en oeuvre ces modifications rapidement et économiquement, l'OCDE a chargé un groupe d'experts d'examiner la possibilité de créer un instrument multilatéral pour modifier les CDI bilatérales (action 15 du projet BEPS). Dans son rapport, ce groupe d'experts a conclu qu'un instrument multilatéral était souhaitable et possible.

L'élaboration de cet instrument a été entreprise par un groupe de plus de 100 États et territoires (groupe ad hoc), parmi lesquels la Suisse. En novembre 2016, ce groupe a adopté la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (convention BEPS).

Une partie des dispositions prévues par la convention BEPS relatives aux CDI sont des standards minimaux que tous les États membres de l'OCDE et du G20 ainsi que d'autres États et territoires se sont engagés à mettre en oeuvre. Ces standards correspondent fondamentalement à la
politique actuelle de la Suisse relative aux CDI.

Ils font aussi l'objet de négociations bilatérales menées par la Suisse dans le domaine des CDI. Pour s'assurer que ces standards sont mis en oeuvre et qu'aucun État ou territoire n'obtiendra un avantage concurrentiel en ne les appliquant pas, leur mise en oeuvre sera contrôlée au moyen d'examens par les pairs (peer reviews).

Contenu du projet En tant qu'État membre de l'OCDE, la Suisse a participé activement au projet BEPS en général et à l'élaboration de la convention BEPS en particulier. Elle a contribué à conférer à la convention BEPS la flexibilité requise pour que sa mise en

5444

oeuvre soit compatible avec la politique en matière de CDI et l'ordre juridique suisses. Sachant que la convention BEPS prévoit la possibilité d'émettre des réserves, elle n'impose pas la reprise de dispositions qui ne sont pas des standards minimaux.

En substance, la Suisse met en oeuvre, par l'intermédiaire de la convention BEPS, les standards minimaux relatifs à la prévention de l'utilisation abusive des conventions et à une meilleure efficacité des mécanismes de règlement des différends. Une liste des réserves et notifications de la Suisse est partie intégrante de l'arrêté fédéral portant approbation de la convention BEPS. Elle est basée sur celle que le Conseil fédéral a remise au Dépositaire lors de la signature de la convention BEPS et tient compte des développements survenus entretemps. Cette liste est soumise avec la convention BEPS pour approbation.

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Table des matières Condensé

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1

Grandes lignes du projet 1.1 Contexte 1.2 Élaboration et importance de la convention BEPS 1.3 Structure et fonctionnement de la convention BEPS 1.3.1 Structure de la convention BEPS 1.3.2 Structure des dispositions matérielles 1.4 Position de la Suisse 1.4.1 Généralités 1.4.2 Modification des CDI par la convention BEPS 1.4.3 Condensé de la position suisse concernant les dispositions matérielles de la convention BEPS 1.5 Rapport avec d'autres traités 1.5.1 Conventions contre les doubles impositions 1.5.2 Accord avec l'UE sur l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers

5448 5448 5448 5450 5450 5451 5452 5452 5452

2

Consultation 2.1 Résultats de la procédure de consultation 2.2 Nouveautés par rapport au projet mis en consultation

5455 5456 5457

3

Commentaire des dispositions de la convention BEPS

5457

4

Conséquences 4.1 Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes 4.2 Conséquences économiques 4.3 Conséquences sur les recettes fiscales

5478

5

Relation avec le programme de législature

5479

6

Aspects juridiques 6.1 Constitutionnalité 6.2 Forme de l'acte à adopter 6.3 Commentaire des dispositions de l'arrêté fédéral portant approbation de la convention BEPS

5480 5480 5480

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5453 5454 5454 5455

5478 5479 5479

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Arrêté fédéral portant approbation de la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (Projet)

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Convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices

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Message 1

Grandes lignes du projet

1.1

Contexte

Le projet de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting; ci-après BEPS), qui a pour objet d'empêcher l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices dans des pays pratiquant une imposition faible ou nulle, a été lancé le 12 février 2013 par un premier rapport de l'OCDE1. Sur cette base, l'OCDE a publié le 19 juillet 2013 son plan d'action regroupant 15 mesures et visant à s'attaquer dans le détail à la problématique. Le G20 a soutenu le projet et le plan d'action. C'est pourquoi tous les États membres de l'OCDE et du G20 ont participé avec les mêmes droits aux travaux techniques du projet.

Les rapports finaux du projet BEPS adoptés et publiés en octobre 2015 contiennent également des dispositions consistant à modifier certaines conventions bilatérales contre les doubles impositions (CDI). Ces dispositions sont issues des rapports finaux sur les actions suivantes du plan d'action BEPS: neutraliser les effets des dispositifs hybrides, empêcher l'utilisation abusive des conventions fiscales, empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d'établissement stable et accroître l'efficacité des mécanismes de règlement des différends. Une partie de ces dispositions relatives aux conventions fiscales constituent des standards minimaux.

La mise en oeuvre de ces standards est contrôlée par des examens par les pairs effectués par un comité de l'OCDE, le Cadre inclusif sur le BEPS2 (Inclusive Framework on BEPS).

Pour modifier rapidement et économiquement les CDI en vigueur ­ il y en a plus de 3500 dans le monde ­ un groupe de plus de 100 États et territoires (groupe ad hoc), dont la Suisse, a élaboré une convention multilatérale dans le cadre de l'action 15 du projet BEPS pour mettre en oeuvre les mesures relatives aux conventions fiscales en vue de prévenir la réduction de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (ci-après convention BEPS).

1.2

Élaboration et importance de la convention BEPS

L'élaboration de la convention BEPS s'est faite en deux temps: dans un premier temps, un groupe d'experts en droit international public et en fiscalité internationale a examiné la possibilité de réaliser un instrument multilatéral en vue de mettre en oeuvre les mesures arrêtées au cours des travaux sur le BEPS et de modifier dans ce

1 2

OCDE, Lutter contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, publié le 12 février 2013.

Pour plus d'informations sur le Cadre inclusif sur le BEPS (Inclusive Framework on BEPS), voir: www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/a-propos-de-beps.htm.

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sens les CDI bilatérales. Dans le rapport du 16 septembre 2014 publié par l'OCDE3, ce groupe d'experts est arrivé à la conclusion qu'un tel instrument multilatéral était souhaitable et possible. Dans un second temps, un mandat en vue d'élaborer un instrument multilatéral, c'est-à-dire la convention BEPS, a été défini à partir de cette analyse et confié à un groupe ad hoc. Ce groupe, au sein duquel la Suisse a participé activement en tant qu'État membre de l'OCDE, a commencé son travail en mai 2015.

Fin novembre 2016, la convention BEPS a été adoptée formellement et publiée en anglais et en français par l'OCDE. Le groupe ad hoc a adopté en même temps une note explicative (explanatory statement) portant sur la convention BEPS.

Le rapport de faisabilité publié en 2014 sur la convention BEPS suit l'approche selon laquelle cette convention déploie ses effets parallèlement aux CDI bilatérales et ne modifie pas les textes des CDI couvertes par elle. Toujours selon cette approche, la convention BEPS et les CDI coexistent et sont à lire en parallèle, sachant toutefois que la convention BEPS, qui a été conclue plus tard, prévaut sur l'ancien texte ­ divergent ­ des CDI. Il s'ensuit une perte totale de visibilité, sans prise en considération de l'exigence suisse de publication d'actes consolidés, actualisés dans le recueil systématique du droit fédéral. C'est pourquoi, en vertu de cette exigence, le texte des CDI couvertes par la convention BEPS sera modifié.

L'avis défendu par la Suisse, à savoir garantir la clarté et la lisibilité des CDI, répond aux exigences de sa législation relative à la publication de traités4.

Aussi, selon le point de vue de la Suisse concernant la convention BEPS, il convient d'arrêter par écrit avec chacun des États partenaires concernés le texte exact des modifications apportées aux CDI couvertes par la convention BEPS. De tels accords sur le libellé exact des modifications constituent un constat, concerté de façon bilatérale, des incidences textuelles de la convention BEPS sur chacune des CDI en question. Il ne s'agit pas, en revanche, de protocoles de modification. Ces accords reposent sur la convention BEPS et découlent des réserves et notifications formulées par la Suisse et chacun des États parties à une CDI avec elle. Ils servent uniquement à transposer formellement les
modifications apportées aux CDI par la convention BEPS dans les textes consolidés des CDI concernées. Ils ne créent donc aucune obligation nouvelle ou ne contiennent aucune renonciation à des droits existants. Les CDI contiennent en outre une clause qui permet la conclusion d'accords amiables pour résoudre les difficultés ou dissiper les doutes relatifs à leur interprétation ou à leur application. Sur cette base, le Département fédéral des finances (DFF) est compétent pour procéder à la consolidation des textes et conclure les accords correspondants.

Bien que l'adhésion à la convention BEPS soit facultative, l'OCDE et le G20 recommandent toutefois l'adhésion à cette dernière, dans la mesure où elle constitue un instrument efficace pour mettre en oeuvre les recommandations du projet BEPS relatives aux conventions fiscales.

3

4

Ce rapport peut être consulté à l'adresse suivante: www.oecd.org/fr/ctp/l-elaboration-dun-instrument-multilateral-pour-modifier-les-conventions-fiscales-bilaterales-action-15rapport-final-2015-9789264248588-fr.htm.

Cf. art. 11 de la loi du 18 juin 2004 sur les publications officielles (LPubl; RS 170.512).

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La convention BEPS ne crée pas de nouveaux standards. Il s'agit au contraire d'un accord multilatéral sur la mise en oeuvre du contenu normatif des recommandations relatives aux CDI, recommandations incluses dans les rapports finaux sur les actions du projet BEPS publiés le 5 octobre 2015.

Pour que le plus grand nombre possible d'États et territoires puissent utiliser la convention BEPS pour modifier leurs CDI, la convention BEPS comprend des dispositions assouplissant son application. Même si elle paraît être un outil efficace pour modifier les CDI, il existe bien des raisons pour lesquelles et des situations dans lesquelles la convention ne doit pas modifier certaines CDI. En tout cas, il restera possible d'adapter les CDI par des révisions bilatérales.

1.3

Structure et fonctionnement de la convention BEPS

1.3.1

Structure de la convention BEPS

La convention BEPS est une convention autonome de droit international constituant le fondement de la modification des CDI en vigueur afin qu'elles puissent être modifiées sans protocole de révision bilatéral.

La convention BEPS se compose d'un préambule et de six parties.

La partie I définit le champ d'application de la convention BEPS et l'interprétation des termes employés (art. 1 et 2).

Les parties II à V (art. 3 à 17) contiennent les dispositions matérielles de la convention BEPS. Ces dispositions sont issues des rapports finaux sur l'action 2 (neutraliser les effets des dispositifs hybrides), l'action 6 (empêcher l'utilisation abusive des conventions fiscales), l'action 7 (empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d'établissement stable) et l'action 14 (accroître l'efficacité des mécanismes de règlement des différends). Certaines des dispositions visant les CDI issues des actions 6 et 14 constituent des standards minimaux.

La partie VI de la convention BEPS régit la procédure d'arbitrage. Alors que les dispositions matérielles des parties II à V proviennent des rapports finaux sur le projet BEPS de 2015, les dispositions sur l'arbitrage ont été élaborées spécifiquement pour la convention BEPS. Les nouvelles dispositions concernant la procédure d'arbitrage ne constituent pas un standard minimal. Les États et territoires signataires sont libres de décider si elles s'appliqueront à eux ou non (art. 18 à 26).

Les dispositions finales régissent pour l'essentiel les points suivants: réserves (art. 28), notifications (art. 29), Conférence des Parties (art. 31), modifications de la convention (art. 33), entrée en vigueur (art. 34), prise d'effet (art. 35 et 36) et retrait de la convention (art. 37).

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1.3.2

Structure des dispositions matérielles

Les dispositions matérielles de la convention BEPS comprennent des dispositions nouvelles qui peuvent être insérées dans les CDI couvertes en vertu de la convention BEPS. Les art. 3 à 17 correspondants de la convention BEPS présentent la structure uniforme suivante:

5

­

Réglementation matérielle: chaque article contient une disposition nouvelle qui peut être insérée dans les CDI couvertes par la convention BEPS. Ces dispositions matérielles se trouvent aussi, à quelques différences formelles près, dans le modèle de convention fiscale de l'OCDE concernant le revenu et la fortune (ci-après «modèle de convention de l'OCDE5») dans sa version mise à jour en 2017.

­

Clause de compatibilité: les clauses de compatibilité contenues dans toutes les dispositions matérielles de la convention BEPS, y compris celles de la partie VI, déterminent le mécanisme de la reprise de la disposition matérielle concernée dans la CDI couverte par la convention BEPS. En tenant compte des réserves et des notifications émises, une nouvelle disposition est insérée en vertu de la convention BEPS dans les CDI qui ne comportent pas de disposition correspondante, ou une disposition d'une CDI est remplacée par la disposition prévue par la convention BEPS.

­

Réserve: le champ d'application matériel de la convention BEPS peut être restreint par une réserve. Les réserves autorisées selon la convention BEPS sont énumérées aux par. 1 et 2 de l'art. 28. Conformément aux principes du droit international public et pour respecter la souveraineté décisionnelle des parlements nationaux, l'art. 28, par. 6, prévoit que les réserves émises lors de la signature doivent être confirmées lors du dépôt de l'instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation. Après l'entrée en vigueur de la convention BEPS, une partie peut retirer une de ses réserves et élargir ainsi le champ d'application de la convention BEPS. En revanche, l'émission de nouvelles réserves n'est plus possible après la ratification.

­

Notification: les notifications servent à définir les CDI couvertes par la convention BEPS et à communiquer le choix d'une option, comme cela est prévu par exemple à l'art. 5 (application des méthodes d'élimination de la double imposition) et, d'autre part, à constater l'existence de dispositions dans les CDI couvertes par la convention BEPS. Les notifications prévues par la convention BEPS sont énumérées à l'art. 29. Comme pour les réserves, les notifications peuvent se faire au moment de la signature ou au moment du dépôt de l'instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation. L'art. 29, par. 5 prévoit qu'une partie peut compléter en tout temps la liste de ses CDI couvertes par la convention BEPS selon l'art. 2 de la convention BEPS après l'entrée en vigueur de celle-ci. En revanche, il n'est pas possible de réduire ultérieurement la liste des CDI couvertes par la convention BEPS.

Si nécessaire, l'année de la version pertinente est précisée (par ex.: modèle de convention de l'OCDE 2014).

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1.4

Position de la Suisse

1.4.1

Généralités

En tant qu'État membre de l'OCDE, la Suisse a participé activement à l'élaboration de la convention BEPS. Cette convention BEPS ne crée pas de nouveaux standards, mais a pour but de mettre en oeuvre des règles déjà élaborées. Le 11 septembre 2015, le Conseil fédéral a approuvé l'acceptation de l'ensemble des rapports finaux du projet BEPS, y compris ceux dont sont issues les dispositions BEPS relatives aux conventions fiscales.

La convention BEPS contient toutes les dispositions relatives aux CDI issues en 2015 des rapports finaux sur les actions du projet BEPS. Elle prévoit cependant un mécanisme permettant une reprise ou une exclusion ciblée de certaines dispositions de cette convention BEPS (cf. ch. 1.3).

Par son engagement dans les travaux du projet BEPS et par l'approbation de l'ensemble des résultats du projet BEPS, la Suisse a montré son soutien aux efforts internationaux visant à accroître la transparence et à créer des conditions de concurrence équitables (level playing field) dans le domaine de l'imposition des entreprises multinationales.

La convention BEPS a été signée par la Suisse le 7 juin 2017, simultanément avec quelque 70 autres États et territoires6.

1.4.2

Modification des CDI par la convention BEPS

Pour ce qui est des effets de la convention BEPS, les juridictions contractantes défendent des points de vue différents (cf. ch. 1.2). En vertu de la convention BEPS, la Suisse ne peut modifier les CDI qu'avec les États: (i)

qui partagent son opinion selon laquelle la convention BEPS modifie les CDI concernées (de la même manière qu'un protocole de modification d'une CDI), et

(ii) qui sont disposés à déterminer d'un commun accord la teneur exacte de la CDI modifiée par la convention BEPS.

Or de nombreux États estiment que la convention BEPS ne modifie pas les CDI concernées comme le ferait un protocole de modification mais conduit à une nonapplication ciblée des CDI couvertes par la convention BEPS dans la mesure où celle-ci le prévoit.

6

Les signataires de la convention BEPS ainsi que les différentes listes de réserves et de notifications peuvent être consultés à l'adresse suivante: www.oecd.org/fr/fiscalite/conventions/convention-multilaterale-pour-la-mise-en-oeuvredes-mesures-relatives-aux-conventions-fiscales-pour-prevenir-le-beps.htm [> Signataires et Parties (Positions sur l'IM)].

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Les pourparlers bilatéraux menés en 2017 avec les États parties aux CDI avaient révélé qu'à la date de signature de la convention BEPS, le 7 juin 2017, quatorze des CDI conclues par la Suisse semblaient remplir les conditions requises pour une révision au moyen de la convention BEPS. Il s'agit des CDI avec l'Afrique du Sud, l'Argentine, l'Autriche, le Chili, l'Inde, l'Islande, l'Italie, le Liechtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, la Pologne, le Portugal, la République tchèque et la Turquie.

Mais depuis, différents États ont changé d'avis. L'Inde, le Liechtenstein et la Pologne ont fait savoir à la Suisse qu'ils observaient désormais une attitude opposée à la sienne. Le Mexique, au contraire, est à présent disposé à se rallier au point de vue de la Suisse. Ainsi, la liste visée à l'art. 2 de la convention BEPS, qui énumère les CDI couvertes conclues par la Suisse, compte à l'heure actuelle 12 États partenaires.

La Suisse est disposée à intégrer, avec les États qui ne remplissent pas les conditions évoquées plus haut concernant les effets de la convention BEPS, les résultats du projet BEPS dans les CDI concernées au moyen de protocoles de modification bilatéraux. Des négociations dans ce sens avec une série d'États sont en cours ou ont d'ores et déjà abouti. C'est ainsi que les standards minimaux du projet BEPS visant à prévenir l'utilisation abusive des conventions fiscales sont prévus dans les CDI conclues ou paraphées par la Suisse avec l'Arabie saoudite, Bahreïn, le Brésil, la Corée, l'Éthiopie, l'Irlande, le Kosovo, le Koweït, la Lettonie, Malte, la Norvège, le Pakistan, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Ukraine et la Zambie.

1.4.3

Condensé de la position suisse concernant les dispositions matérielles de la convention BEPS

Les effets des réserves au sens de l'art. 28, par. 6, de la convention BEPS et des notifications au sens de l'art. 29, par. 3, formulées par la Suisse au moment de la signature de la convention BEPS sur les CDI suisses couvertes par la convention BEPS peuvent être résumés comme suit: 1.

Les CDI sont dotées d'un préambule précisant expressément qu'en plus de l'élimination de la double imposition, elles n'offrent pas de possibilité de (double) non-imposition ou d'imposition réduite via des pratiques de fraude ou d'évasion fiscale (action 6 du projet BEPS; art. 6 de la convention BEPS).

2.

Les CDI sont complétées par une clause anti-abus générale sous la forme d'une règle du critère des objets principaux (en anglais Principal Purpose Test, règle PPT; action 6 du projet BEPS; art. 7 de la convention BEPS). Le 11 septembre 2015, le Conseil fédéral a chargé le DFF de proposer l'insertion d'une clause anti-abus générale sous la forme d'une règle PPT dans le cadre des négociations en vue de la conclusion ou de la révision d'une CDI.

Une telle clause a été convenue pour la première fois avec la Lettonie dans le cadre d'une CDI bilatérale.

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3.

Une disposition empêchant une double exemption involontaire en raison d'un conflit de qualification (action 2 du projet BEPS; art. 5 de la convention BEPS) est insérée dans les CDI.

4.

Les dispositions sur la procédure amiable et sa mise en oeuvre dans les CDI doivent être harmonisées avec les dispositions correspondantes du modèle de convention de l'OCDE, pour autant qu'il y ait des divergences et que la convention BEPS le permette (art. 16 et 17 de la convention BEPS). Le standard minimal de l'action 14 du projet BEPS doit ainsi être mis en oeuvre autant que possible.

5.

Conformément à la politique de la Suisse en matière de CDI, une clause d'arbitrage sera insérée dans les CDI couvertes par la convention BEPS , à condition que l'État partenaire de la Suisse ait opté aussi pour l'application de la partie VI de la convention BEPS. Une clause d'arbitrage au sens de la convention BEPS sera ajoutée aux CDI qui n'en contiennent pas (partie VI de la convention BEPS).

6.

La reprise de dispositions anti-abus plus sévères issues de l'action 6 du projet BEPS (en particulier la règle simplifiée de limitation des avantages) et les modifications de la définition de l'établissement stable selon l'action 7 de ce projet ne sont pas prévues. Ces dispositions ne constituent pas des standards minimaux. Leur reprise augmenterait considérablement la complexité et aurait des effets difficiles à évaluer sur la répartition du droit d'imposer dans les conventions fiscales. Quant à savoir si de telles dispositions trouveront leur place dans les CDI suisses, mieux vaut réserver la réponse à cette question aux négociations bilatérales.

En substance, la Suisse met en oeuvre, par l'intermédiaire de la convention BEPS, les standards minimaux relatifs à la prévention de l'utilisation abusive des conventions et à une meilleure efficacité des mécanismes de règlement des différends. La liste des réserves et notifications de la Suisse fera partie intégrante de l'arrêté fédéral portant approbation de la convention BEPS et sera soumise à l'approbation ensemble avec la convention BEPS. Elle est basée sur celle que le Conseil fédéral a remise au Dépositaire lors de la signature de la convention BEPS et tient compte des développements survenus entretemps.

1.5

Rapport avec d'autres traités

1.5.1

Conventions contre les doubles impositions

Le 11 septembre 2015, le Conseil fédéral a chargé le DFF de proposer, à l'avenir, une clause anti-abus générale correspondant au standard minimal de l'art. 7, par. 1, de la convention BEPS lors des négociations bilatérales en vue de la conclusion d'une CDI. Depuis septembre 2015, la Suisse a signé une série de CDI comprenant une disposition pour empêcher leur utilisation abusive correspondant à l'art. 7 de la convention BEPS. Pour ce qui est des dispositions des CDI concernant la procédure amiable, la Suisse a émis une réserve concernant la deuxième phrase de l'art. 25, par. 2, du modèle de convention de l'OCDE (lequel est compris dans l'art. 16, par. 2, 5454

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de la convention BEPS). D'après cette réserve, la Suisse doit être disposée, pour respecter le standard minimal à ce sujet, à accepter dans le cadre des négociations des CDI des dispositions qui limitent le délai pour procéder à des reprises de bénéfices d'entreprises associées ou d'établissements stables.

1.5.2

Accord avec l'UE sur l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers

Afin de lutter contre la fraude fiscale transfrontalière, la Suisse et l'UE ont conclu en 2004 un accord sur la fiscalité de l'épargne7. Le 27 mai 2015, la Suisse et l'UE ont signé un protocole de modification de cet accord8, par lequel est instauré entre la Suisse et les États membres de l'UE l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (EAR), conformément à la norme de l'OCDE. Le protocole de modification est entré en vigueur le 1er janvier 2017. L'art. 9 de ce protocole reprend sans changement la disposition (art. 15) de l'accord sur la fiscalité de l'épargne entre la Suisse et l'UE concernant le paiement de dividendes, d'intérêts et de redevances entre des sociétés. Comme l'ancienne disposition, l'art. 9 prévoit qu'en cas d'application de cette disposition, les dispositions de la législation interne ou de conventions visant à prévenir la fraude ou les abus en Suisse et dans les États membres de l'UE demeurent réservées. La disposition de la convention BEPS relative à l'utilisation abusive des conventions fiscales constitue une telle prescription reposant sur les conventions. Cette prescription est par conséquent applicable aussi dans les rapports avec les États membres de l'UE, dont les CDI conclues avec la Suisse sont couvertes par la convention BEPS.

2

Consultation

Une procédure de consultation sur la convention BEPS a été menée du 20 décembre 2017 au 9 avril 20189. Le projet mis en consultation avait également pour objet le protocole de modification de la CDI avec le Royaume-Uni signé le 30 novembre 2017, qui met formellement en oeuvre la convention BEPS dans les relations avec cet État. Ce protocole sera soumis aux Chambres fédérales pour approbation par un message séparé.

7

8

9

Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, dit accord sur la fiscalité de l'épargne; RO 2005 2571.

Protocole de modification de l'accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, RO 2016 5003.

Le rapport sur les résultats de cette procédure de consultation peut être consulté à l'adresse suivante: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2018 > DFF.

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2.1

Résultats de la procédure de consultation

Les participants à la consultation sont majoritairement favorables au projet.

Dans sa prise de position du 9 février 2018, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF) a approuvé la convention BEPS dans ses grandes lignes. Elle propose néanmoins de renoncer à ratifier les dispositions relatives à l'arbitrage (partie VI de la convention BEPS) et de modifier en conséquence le projet d'arrêté fédéral. À titre de proposition subsidiaire, la CDF suggère de restreindre la procédure d'arbitrage pour le moins aux périodes fiscales qui suivront la prise d'effet du changement de réglementation.

Les cantons qui ont participé à la consultation approuvent eux aussi le projet et partagent, sur l'essentiel, la prise de position de la CDF. Certains d'entre eux (BS, SZ, ZH) rejettent toutefois la reprise de la partie VI de la convention BEPS.

Quatre partis politiques ont pris position sur le fond. Le PLR approuve la convention BEPS sans conditions. Le PDC est favorable sur le principe à la ratification de la convention BEPS, à l'exception de la partie VI (arbitrage). Le PS salue le projet tout en attendant des précisions et des explications sur les réserves émises par la Suisse.

L'UDC rejette la convention BEPS mais soutient la clause d'arbitrage qu'elle contient.

Sur les quatre associations faîtières de l'économie suisse qui ont donné leur avis, deux ont apporté des commentaires sur le fond. La Fédération des entreprises suisses, economiesuisse, approuve sans réserve le projet et se déclare expressément favorable à la reprise de la clause d'arbitrage prévue par la convention BEPS, en insistant sur l'importance de telles clauses pour améliorer le règlement de différends.

L'Association suisse des banquiers (ASB), qui prend aussi en considération les préoccupations des banques cantonales, soutient le projet et juge sensées les réserves émises par la Suisse. L'ASB, tout comme economiesuisse, salue en particulier le point de vue de la Suisse selon lequel la convention BEPS modifie les CDI qu'elle couvre, sachant que cela contribue à la sécurité du droit ainsi qu'à la clarté et à la lisibilité des conventions fiscales. L'ASB est opposée en revanche à une délégation de compétence au Conseil fédéral qui lui permettrait désormais de procéder à son gré à des modifications des CDI par
notification sous couvert de la convention BEPS.

Sur les cinq associations et organisations qui se sont prononcées sur le fond, quatre ont approuvé la ratification de la convention BEPS, y compris de sa partie VI (arbitrage). EXPERTsuisse (l'association des experts en audit, fiscalité et fiduciaires nourrit des inquiétudes quant à la majeure partie des dispositions matérielles du projet et n'approuve ce dernier qu'à certaines conditions.

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2.2

Nouveautés par rapport au projet mis en consultation

Le projet présente certaines modifications par rapport à celui qui était mis en consultation. Ces modifications interviennent en réaction aux prises de position reçues mais tiennent compte aussi des pourparlers menés entretemps avec les États parties aux CDI.

Les modifications matérielles sont les suivantes: a)

Notification, conformément à l'art. 2, par. 1, let. a, ch. ii) de la convention BEPS, concernant les CDI suisses couvertes par ladite convention. Depuis la signature, le Mexique s'est rallié à la position de la Suisse. Par contre, l'Inde, le Liechtenstein et la Pologne observent une attitude opposée. La liste des CDI couvertes par la convention BEPS sera par conséquent étendue à la CDI avec le Mexique, tandis que les CDI avec l'Inde, le Liechtenstein et la Pologne en seront supprimées.

b)

La partie VI de la convention BEPS relative à l'arbitrage sera restreinte par deux réserves prévues à l'art. 28, par. 2, let. a, de ladite convention. C'est ainsi que l'arbitrage ne s'appliquera qu'aux années fiscales commençant après la prise d'effet de la convention BEPS. Seront par ailleurs exclus d'arbitrage les cas concernant des actifs incorporels difficiles à valoriser lorsque la correction à l'étranger a lieu sans tenir compte des délais de prescription usuels.

c)

Enfin, la formulation d'une réserve au sens de l'art. 26, par. 4, de la convention BEPS garantira le maintien des clauses d'arbitrage contenues dans les CDI avec l'Afrique du Sud, l'Autriche, l'Islande et le Luxembourg.

3

Commentaire des dispositions de la convention BEPS

Préambule Le préambule décrit le but général de la convention BEPS qui est d'assurer une mise en oeuvre rapide, coordonnée et cohérente des mesures relatives aux conventions fiscales issues du projet BEPS.

Le préambule précise en particulier que les CDI conclues ne doivent pas créer des possibilités de non-imposition ou d'imposition réduite via des pratiques de fraude ou d'évasion fiscale. L'adaptation du préambule des CDI couvertes découle de l'art. 6, par. 1, de la convention BEPS.

Partie I

Champ d'application et interprétation des termes

Art. 1

Champ d'application de la convention BEPS

L'art. 1 définit le champ d'application de la convention BEPS. Celle-ci modifie toutes les conventions fiscales couvertes telles que définies à l'art. 2, par. 1, let. a.

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Comme le précise le ch. 1.4.2 du présent message, la Suisse considère que la convention BEPS modifie les CDI qu'elle couvre comme le ferait un protocole de modification, ce qui signifie que le texte des CDI couvertes par la convention sera révisé.

Art. 2

Interprétation des termes

Les termes employés au sens de la convention sont définis au par. 1.

L'expression «convention fiscale couverte» désigne une CDI en vigueur entre deux ou plusieurs parties à la convention BEPS, à propos de laquelle chacune de ces parties a notifié au Dépositaire qu'elle tombe sous le coup de la convention BEPS. À l'occasion de la signature de la convention BEPS, la Suisse a notifié au Dépositaire les CDI avec l'Afrique du Sud, l'Argentine, l'Autriche, le Chili, l'Inde, l'Islande, l'Italie, le Liechtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, la Pologne, le Portugal, la République tchèque et la Turquie. En raison des développements survenus depuis la signature, cette liste est amputée des CDI avec l'Inde, le Liechtenstein et la Pologne et complétée de la CDI avec le Mexique. Comme ces États ont également notifié que les CDI concernées avec la Suisse relevaient de l'art. 2, par. 1, de la convention BEPS, ces CDI sont considérées comme des conventions fiscales couvertes. Les accords bilatéraux concernant l'imposition des entreprises du trafic maritime et aérien de même que les assurances sociales n'entrent pas dans le champ d'application de la convention BEPS.

Le terme «partie» désigne un État ou un territoire pour lequel la convention BEPS est en vigueur.

L'expression «juridiction contractante» désigne une partie à une convention fiscale couverte.

Le par. 2 prévoit que toute expression qui n'est pas définie dans la convention BEPS doit être interprétée par la partie concernée selon la convention fiscale couverte qui est applicable, sauf si le contexte exige une interprétation différente. Si une expression n'est pas définie dans la convention fiscale concernée, il faut se référer à la définition de la notion du droit interne (lex fori) pour autant que le contexte n'exige pas une interprétation différente.

Partie II

Dispositifs hybrides

Art. 3

Entités transparentes

La réglementation matérielle de cet article (par. 1) prévoit que les avantages d'une convention fiscale couverte ne peuvent pas être accordés lorsqu'aucun État ne considère les revenus concernés comme des revenus d'un de ses résidents aux fins de leur imposition.

Cette disposition répond à une préoccupation légitime. Notamment les paiements sujets à des déductions fiscales dans un État qui ne constituent nulle part des revenus imposables ne sauraient profiter des avantages d'une CDI.

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D'un autre côté, suivant la conception de la législation interne des États contractants, cette disposition pourrait conduire à un traitement inéquitable des placements collectifs. Les placements collectifs suisses sont traités en toute transparence sur le plan fiscal et ne peuvent en principe prétendre aux avantages de la CDI. Par contre, les placements collectifs d'États partenaires bénéficieraient de la protection complète des conventions fiscales, s'ils sont considérés comme des sujets de droit autonomes, et cela même s'ils ne sont pas assujettis à une imposition effective, ce qui est courant. De plus, il y aurait le risque que des personnes qui ne peuvent pas se prévaloir d'une convention fiscale avec la Suisse parviennent à bénéficier d'une manière indue de ses avantages en investissant dans un placement collectif de capitaux de tels États partenaires.

Les conséquences précitées pourraient être réglées par une disposition supplémentaire d'après laquelle les placements collectifs de capitaux n'ont droit aux avantages de la CDI que dans la mesure où les investisseurs qui y participent ont droit aux avantages de celle-ci. Une telle disposition n'est cependant pas prévue par la convention BEPS et ne peut donc pas être insérée non plus dans les CDI suisses par le biais de celle-ci.

C'est pourquoi la Suisse a émis une réserve conformément au par. 5, let. a. Il s'ensuit que la disposition de l'art. 3 n'est pas reprise dans les CDI suisses couvertes.

Art. 4

Entités ayant une double résidence

Cet article contient une règle de départage (tie-breaker rule) modifiée (par. 1) pour les sociétés ayant une double résidence, c'est-à-dire les sociétés qui résident en même temps dans deux États d'après leur législation interne. D'après cette nouvelle règle, ce n'est plus le lieu de la direction effective de la société qui constitue le critère pour déterminer l'État de résidence aux fins des conventions fiscales. En pareil cas, les autorités compétentes des États concernés devront s'efforcer de déterminer l'État de résidence d'un commun accord.

La règle de départage a été modifiée à la lumière des réticences de nombreux États qui prétendent que les sociétés à double résidence sont utilisées également à des fins d'évasion fiscale.

Il est incontesté que la règle de départage modifiée constitue un instrument efficace contre l'évasion fiscale (même si, dans de telles situations, il s'agit le plus souvent d'éluder la législation interne et non pas la législation découlant des CDI). Cette règle souffre cependant de graves inconvénients. Elle expose les sociétés à double résidence à un énorme risque de double imposition, et ce, même si la double résidence ne tenait pas à des mobiles purement fiscaux. En outre, la règle de départage modifiée alourdit, de par sa conception, la charge de travail des autorités compétentes car chaque cas doit être traité en procédure amiable.

C'est pourquoi la Suisse a émis une réserve conformément au par. 3, let. a, de sorte que la convention BEPS ne reprend pas la règle de départage modifiée de l'art. 4 dans les conventions fiscales suisses couvertes.

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Art. 5

Application des méthodes d'élimination de la double imposition

Cet article contient trois dispositions matérielles différentes (options A, B et C) servant toutes à empêcher une double non-imposition en présence de qualifications divergentes entre l'État de résidence et l'État de la source concernant l'état de fait ou l'interprétation de termes employés dans les CDI, lorsque l'Etat de résidence évite la double imposition en utilisant la méthode de l'exemption.

L'option A vaut pour les États qui, en qualité d'État de résidence, éliminent la double imposition par l'exemption des revenus plutôt que par l'imputation des impôts étrangers. Selon la règle prévue par l'option A, l'État de résidence est dégagé de l'obligation d'exemption si l'État de la source ne soumet pas ces revenus à l'impôt au motif qu'il applique la CDI avec l'État de résidence de telle manière qu'elle le contraint à l'exemption d'impôt. L'État de résidence applique, à la place de l'exemption, la méthode de l'imputation (dite du «crédit d'impôt» dans la convention BEPS).

Les deux autres options prévoient également le passage de la méthode de l'exemption à celle de l'imputation: l'option B uniquement pour les revenus provenant de dividendes et l'option C pour tous les revenus. Pour la Suisse, seule l'option A entre en considération. L'option B ferait en effet double emploi car, pour ce qui est des dividendes, la Suisse applique de toute façon la méthode de l'imputation (y compris aux dividendes issus de participations déterminantes versés à des sociétés de capitaux) et l'option C compliquerait considérablement la procédure d'élimination de la double imposition en Suisse. En outre, les effets voulus dans le domaine des entreprises ne se produiraient pas dans de nombreux cas puisque la législation suisse prescrit la méthode de l'exemption.

Le présent article prévoit une application asymétrique des options A, B et C. Les parties peuvent choisir librement leur option (ou rejeter toutes les options). Une partie peut toutefois formuler une réserve contre cette application asymétrique. Elle dispose alors de deux solutions: une réserve générale (par. 8) ou une réserve portant uniquement sur l'option C (par. 9).

À la signature de la convention BEPS, la Suisse s'est prononcée provisoirement en faveur de l'option A et a formulé une notification en conséquence en vertu du par. 10, let. a. En outre, elle
a émis une réserve contre l'application asymétrique de l'option C par les États avec lesquels elle a signé une CDI.

Compte tenu des réserves et des notifications formulées par les États partenaires de la Suisse, la disposition de l'option A est insérée en vertu de la convention BEPS dans les CDI suisses avec les États suivants: Argentine, Autriche, Chili, Islande, Italie, Luxembourg, Mexique et Portugal, cette disposition étant appliquée de manière symétrique pour les deux États avec l'Autriche et le Luxemburg et de manière asymétrique avec les autres États uniquement pour la Suisse.

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Partie III

Utilisation abusive des conventions fiscales

Art. 6

Objet d'une convention fiscale couverte

Concernant le préambule d'une CDI, cet article contient deux dispositions supplémentaires qui ont été élaborées dans le cadre de l'action 6 du projet BEPS. Le par. 1 contient la première disposition. Elle est nécessaire afin de respecter le standard minimal fixé dans le cadre de l'action 6. Une partie ne peut exclure cette disposition par une réserve que pour les CDI comprenant un préambule correspondant ou allant plus loin. Le par. 3 contient la seconde disposition. Elle est facultative et n'est insérée dans une CDI que si les deux juridictions contractantes l'ont choisie.

La disposition du par. 1 précise que les parties n'avaient pas l'intention de créer, avec la CDI, des possibilités de non-imposition ou d'imposition réduite par le biais de pratiques de fraude ou d'évasion fiscale. En clair, une CDI a aussi pour but de prévenir la double non-imposition. Cette règle n'a pas une portée générale; elle s'applique uniquement lorsque la fraude ou l'évasion fiscale sont à l'origine de la double non-imposition. De cette manière, on tient compte du fait qu'il existe des situations voulues de double non-imposition. Songeons ici, par exemple, à l'imposition (inexistante) des dividendes distribués à des sociétés du même groupe. En pareil cas, la double non-imposition permet d'éviter des charges économiques multiples indésirables.

Les concepts associés «évasion ou fraude fiscale», «Steuerhinterziehung oder -umgehung» (en allemand), et «evasione o elusione fiscale» (en italien) sont à saisir dans le contexte international et plus précisément en considération de l'expression anglaise «tax evasion or avoidance». Ils sont censés cerner tout comportement répréhensible correspondant à tout le moins à une évasion fiscale au sens suisse.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, est réputé évasion fiscale tout procédé insolite, inadéquat ou anormal, paraissant totalement inadapté à la réalité économique et s'expliquant par la seule intention d'obtenir une économie d'impôt, laquelle serait au final bien réelle si l'autorité fiscale admettait un tel procédé.

L'évasion fiscale constitue ce faisant la limite de la liberté d'action fiscalement acceptable des contribuables.

La disposition du par. 3 fait état d'une autre raison de conclure une CDI: la promotion des relations économiques et l'amélioration de la
coopération en matière fiscale.

La Suisse n'a pas émis de réserve sur l'art. 6 et a formulé une notification pour l'admission de la disposition selon le par. 3.

Compte tenu des réserves et des notifications formulées par les États partenaires de la Suisse, la disposition du par. 1 est insérée dans chacune des douze CDI suisses modifiées par la convention BEPS et la disposition du par. 3, dans les CDI avec l'Afrique du Sud, l'Argentine, le Chili, le Luxembourg, le Mexique et la Turquie.

Art. 7

Prévenir l'utilisation abusive des conventions

Les règles matérielles de l'art. 7 englobent premièrement la règle du critère des objets principaux (Principal Purpose Test, règle PPT) au par. 1, deuxièmement une disposition supplémentaire relative à la règle PPT au par. 4 et troisièmement la règle 5461

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simplifiée de limitation des avantages (en anglais Limitations of Benefits, règle LOB) aux par. 8 à 13.

Pour satisfaire au standard minimal défini dans le cadre de l'action 6 du projet BEPS, il suffit d'insérer la règle PPT du par. 1 dans les CDI. Une réserve par rapport à la règle n'est possible que si l'État contractant a l'intention de respecter le standard minimal en adoptant une règle LOB détaillée combinée à des dispositions visant à lutter contre les mécanismes de relais (anti-conduit). Tant la disposition additionnelle à la règle PPT que la règle LOB simplifiée ne s'appliquent que si les deux États contractants les choisissent. La Suisse n'a pas opté pour ces deux dispositions à la signature de la convention BEPS. Par conséquent, seule la règle PPT selon le par. 1 est insérée par la convention BEPS dans les CDI suisses couvertes.

La règle PPT (par. 1) est une clause anti-abus qui se réfère au but principal d'un montage ou d'une transaction. En vertu de cette clause, les avantages tirés d'une CDI ne sont pas accordés lorsque leur obtention constituait un des objets principaux du montage ou de la transaction, sauf s'il est démontré que l'octroi de ces avantages est conforme à l'objet et à la finalité des dispositions pertinentes de la CDI. Cette clause anti-abus est conforme à la règle PPT figurant dans le modèle de convention de l'OCDE qui a été révisé selon les recommandations relatives à l'action 6 du projet BEPS. Elle se trouve à l'art. 29, par. 9, du modèle de convention de l'OCDE de 2017.

Cette clause anti-abus est certes formulée autrement, mais elle correspond, dans les grandes lignes, aux clauses que la Suisse a conclues pour éviter les abus dans un grand nombre de CDI ces dernières années. À la différence des CDI suisses antérieures, elle n'est pas restreinte à certains types de revenus comme les dividendes, les intérêts et les redevances de licence. Elle s'applique au contraire à toutes les dispositions des CDI. Ainsi, tout avantage tiré de la CDI est soumis à la réserve concernant l'usage abusif.

Cela dit, la nouvelle clause anti-abus se distingue de celles figurant dans les CDI suisses antérieures sur un autre point encore. Il suffit désormais pour qu'elle soit applicable que l'un des objets principaux du montage ait été l'obtention des avantages (il n'est plus nécessaire
qu'il se soit agi de l'objet principal). Cela ne fait cependant pas de différence significative quant au résultat, car la deuxième partie de la clause prévoit que les avantages tirés de la convention sont quand même accordés s'ils sont conformes à la finalité et à l'objet des dispositions correspondantes. Ce devrait être en général le cas lorsque l'obtention de l'avantage n'était pas l'objet principal du montage ou de la transaction.

D'une façon générale, l'insertion de clauses anti-abus dans une CDI présente l'avantage que les États contractants s'engagent à appliquer une réglementation commune fixant les conditions auxquelles les avantages d'une convention fiscale peuvent être refusés. À défaut d'une telle clause, chacun des deux États contractants pourrait définir lui-même la notion d'abus et décider alors unilatéralement, en application de sa législation interne, s'il y a ou non abus dans un cas concret. Cette situation créerait une insécurité juridique. L'insertion de la règle PPT dans une CDI permet d'éviter cette situation insatisfaisante. Certes, le libellé relativement vague de la règle PPT et la prise en compte de certains éléments subjectifs ne permettent pas

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de poser des critères totalement clairs et généralement admis permettant de déterminer une utilisation abusive de la convention. Cependant, l'explication détaillée et les nombreux exemples contenus dans le commentaire du modèle de convention de l'OCDE constituent les lignes directrices pour interpréter la règle PPT.

D'après la disposition supplémentaire relative à la règle PPT (par. 4), certains avantages des conventions fiscales sont quand même accordés lorsqu'il y a une utilisation abusive au sens de la règle PPT, dans le cas particulier où l'autorité compétente de l'État de la source parvient à la conclusion que les avantages de la convention auraient été accordés si la transaction abusive selon la règle PPT n'avait pas eu lieu.

Cette clause garantit à un État juridiction contractant la possibilité, en cas d'usage abusif de la convention, de prendre en considération, pour déterminer les conséquences fiscales, tout état de fait qui aurait existé sans le montage ou la transaction.

Pour la Suisse, cette clause n'a qu'un caractère déclaratoire car les autorités fiscales peuvent accorder de tels avantages selon leur législation interne, même en l'absence d'une telle clause.

À l'OCDE, au cours des discussions à ce sujet, plusieurs États avaient relevé que leurs autorités fiscales n'avaient pas la compétence d'accorder quand même certains avantages des conventions fiscales en cas d'abus, mais qu'elles devaient retenir l'impôt à la source prévu par leur législation interne. De ce point de vue, la disposition supplémentaire concernant la règle PPT constitue un avantage: suivant les circonstances, les bénéficiaires suisses de revenus provenant de l'étranger grevés de l'impôt à la source peuvent ainsi bénéficier de certains avantages des CDI malgré l'admission d'un abus.

D'un autre côté, cette disposition présente aussi des inconvénients: elle occasionne notamment un surcroît de travail administratif. Pour la Suisse, elle risque par exemple d'avoir pour conséquence que le bénéficiaire des revenus puisse s'adresser à l'autorité suisse compétente en matière de CDI afin de lui demander de vérifier si, en présence d'une utilisation abusive de la convention fiscale, le refus catégorique d'accorder ses avantages est justifié. Cette disposition avantage assurément les contribuables étrangers, mais le point
de savoir si les contribuables suisses percevant des revenus de l'étranger pourraient en profiter eux aussi est incertain, sachant que l'autorité compétente de l'État de la source jouit d'une large liberté d'appréciation.

En effet, cette autorité peut rejeter unilatéralement toutes les requêtes des contribuables suisses portant sur l'octroi de certains avantages de la convention fiscale (même si elle doit consulter préalablement les autorités suisses compétentes).

Dans l'ensemble, la Suisse a donc avantage à renoncer à l'admission automatique et complète de cette disposition supplémentaire à la règle PPT par l'intermédiaire de la convention BEPS et à décider chaque fois, dans le cadre de négociations bilatérales, si elle a du sens dans une CDI concrète.

La Suisse s'est prononcée pour la règle PPT et contre la règle LOB, tant dans sa forme détaillée que dans sa forme simplifiée (par. 8 à 13), pour les raisons suivantes: ­

Premièrement, l'avantage d'une règle LOB peut certes résider dans le fait qu'elle repose sur des contrôles objectifs et trace ainsi une ligne de démarcation plus franche qu'on ne pourrait le penser à première vue entre une utilisation abusive des conventions et un comportement protégé. En y regardant 5463

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de plus près, cette ligne de démarcation est cependant beaucoup moins nette.

En effet, la règle LOB laisse aussi une marge d'appréciation, notamment lors de l'application du contrôle de l'exercice effectif d'une activité commerciale. Elle ne se borne dès lors pas à des constats objectifs mais requiert, pour certains contrôles, l'exercice d'un pouvoir d'appréciation subjective.

­

Deuxièmement, la règle LOB ne constitue pas, contrairement à la règle PPT, une clause exhaustive pour prévenir les utilisations abusives des conventions fiscales. La règle LOB n'est pas une clause anti-abus générale (general anti avoidance rule, en abrégé GAAR), mais une clause anti-abus spécifique (specific anti avoidance rule, en abrégé SAAR) visant à prévenir le chalandage fiscal (treaty shopping), qui ne permet même pas de prévenir toutes les formes de ce chalandage. C'est pourquoi une telle règle ne permet pas à elle seule de satisfaire au standard minimal.

­

Troisièmement, la règle LOB recèle le risque que les contrôles soient trop restrictifs, au point de conduire à un déni injustifié des avantages des conventions dans des situations ne constituant effectivement aucun abus.

La Suisse n'a pas émis de réserve sur l'art. 7. Elle a toutefois formulé une notification conformément au par. 17, let. a, et y a énuméré les dispositions des CDI en vigueur qu'elle veut supprimer des CDI concernées lors de l'adoption de la règle PPT.

Compte tenu des réserves et des notifications formulées par des États partenaires de la Suisse, la règle PPT est insérée dans les douze CDI suisses modifiées par la convention BEPS. En outre, les dispositions en vigueur concernant les abus seront supprimées dans les CDI conclues avec le Chili (ch. 5 du protocole à la CDI), l'Islande (ch. 4 du protocole à la CDI), l'Italie (art. 23), le Mexique (ch. 6, al. 1, du protocole à la CDI), le Portugal (art. 27, al. 3) et la République tchèque (ch. 8 du protocole à la CDI).

Art. 8

Transactions relatives au transfert de dividendes

La réglementation matérielle (par. 1) de l'art. 8 prévoit l'introduction d'une période minimale de détention d'un an pour l'octroi du taux privilégié de l'impôt à la source sur les dividendes versés au sein d'un groupe.

Plusieurs CDI suisses contiennent déjà une telle période minimale, notamment lorsque le droit d'imposer des dividendes issus de participations déterminantes est attribué exclusivement à l'État de résidence. Dans certains cas, cette disposition est apte à empêcher une utilisation abusive sans constituer une atteinte grave à la liberté d'action des acteurs économiques, d'autant plus que cette période minimale ne doit pas nécessairement être atteinte au moment du versement des dividendes mais peut l'être ultérieurement. En outre, la disposition prévoit que les restructurations de la société qui verse ou qui reçoit les dividendes ne sont pas prises en compte pour calculer la période. Il convient cependant de clarifier ce qu'il faut comprendre exactement par restructuration d'entreprises. D'après la terminologie suisse, les transformations et les transferts d'actifs au sein d'un groupe sont aussi considérés comme des restructurations, à côté des fusions et des scissions. Il serait cependant illogique de ne pas recommencer à faire courir la période, par exemple, en cas de vente d'une 5464

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participation d'une société d'un groupe à une autre société du groupe. Du point de vue suisse, il est donc nécessaire de préciser, dans une énumération exhaustive, que la notion de restructuration d'entreprises comprend la fusion, la scission et la transformation. Une telle définition des restructurations d'entreprises n'est pas prévue dans la convention BEPS et nécessite par conséquent un accord au cours des négociations bilatérales d'une CDI.

C'est pourquoi, lors de la signature de la convention BEPS, la Suisse a émis une réserve conformément au par. 3, let. a. La disposition matérielle de l'art. 8 de la convention BEPS n'est par conséquent pas reprise dans les CDI suisses couvertes.

Art. 9

Gains en capital tirés de l'aliénation d'actions, de droits ou de participations dans des entités tirant leur valeur principalement de biens immobiliers

Cet article concerne la clause relative à l'imposition des gains tirés de l'aliénation de sociétés immobilières selon l'art. 13, par. 4, du modèle de convention de l'OCDE.

D'une part, la convention BEPS adapte les clauses des CDI conclues (par. 1) à la version du modèle de convention de l'OCDE de 2017, et, d'autre part, crée la possibilité de reprendre la clause modifiée selon le modèle de convention de l'OCDE de 2017 dans les CDI qui ne contiennent pas encore cette clause (par. 3).

Il faut prendre en considération le fait qu'en qualité d'État de situation d'immeubles, la Suisse ne fait qu'un usage limité du droit d'imposition concédé par l'art. 13, par. 4, du modèle de convention de l'OCDE de 2014. En vertu de sa législation interne, la Suisse impose en principe uniquement l'aliénation de participations majoritaires dans des sociétés immobilières, mais pas les participations minoritaires comme le permettrait l'art. 13, par. 4, du modèle de convention de l'OCDE de 2014, ce qui soulève un risque de double non-imposition.

Ce risque ne serait qu'augmenté si non seulement les participations dans des sociétés immobilières, mais aussi celles dans d'autres entités devaient tomber sous le coup de cette disposition comme le prévoit la première modification selon la convention BEPS car, en Suisse, des impôts sur les gains immobiliers consécutifs à des mutations économiques ne sont perçus que dans le cas de sociétés immobilières, mais pas dans celui de fonds de placement immobilier ou de SICAV (société d'investissement à capital variable) par exemple.

La deuxième modification prévue par la convention BEPS de l'art. 13, par. 4, du modèle de convention de l'OCDE de 2014 consiste en l'introduction d'un délai pour déterminer si la participation concernée est constituée en majorité par des immeubles. Cette réglementation entend faire barrage aux montages par lesquels une société immobilière est sortie du champ d'action de la réglementation par l'apport de liquidités, avant que les parts dans la société soient aliénées en exonération d'impôt dans l'État de situation des immeubles. La disposition laisse toutefois différentes questions sans réponse, notamment celle de savoir ce qu'il advient si la société dont les parts ont été vendues a aliéné ses immeubles durant la période minimale de détention ou si le montage
précité doit toujours être accepté après l'expiration de la période de détention d'un an. C'est pourquoi la Suisse s'en sortira mieux si elle continue de convenir dans ses CDI d'une clause au sens de l'art. 13, par. 4, du 5465

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modèle de convention de l'OCDE de 2014, qui tient compte de ses besoins spécifiques et ignore les deux modifications prévues par la convention BEPS.

Lors de la signature de la convention BEPS, la Suisse a donc émis une réserve conformément au par. 6, let. a. La disposition matérielle de l'art. 9 de la convention BEPS n'est par conséquent pas reprise dans les CDI suisses couvertes.

Art. 10

Règles anti-abus visant les établissements stables situés dans des juridictions tierces

Les établissements stables ne sont pas considérés comme des résidents au sens des CDI et n'ont pas droit, en tant que tels, aux avantages des CDI. Toutefois, ils peuvent en principe se prévaloir de la CDI de l'État de résidence de l'entreprise à laquelle ils appartiennent. Cet article comprend une clause anti-abus pour les établissements stables situés dans des juridictions tierces (par. 1 à 3). En vertu de cette clause, l'État de la source peut refuser les avantages de la CDI pour les revenus d'un tel établissement stable si la juridiction tierce ne les soumet pas à une imposition minimale. L'impôt minimal est égal à 60 % de l'impôt qui devrait être acquitté dans l'État de résidence de l'entreprise.

Cette clause a ceci de particulier qu'elle définit une utilisation abusive d'une CDI en fonction du respect d'un certain impôt minimal. Du point de vue de la Suisse, une faible imposition ne justifie pas, à elle seule, le refus des avantages des CDI. Un autre aspect choquant de cette clause anti-abus est qu'elle ne prévoit aucune exception lorsque s'applique entre l'État de la source et celui de l'établissement stable une CDI prévoyant des taux d'imposition résiduelle identiques ou inférieurs à ceux de la CDI entre l'État de la source et l'État de résidence de l'entreprise. En présence de tels cas, on peut toutefois exclure que la structure a été créée à seule fin de tirer profit de manière abusive des avantages de la CDI.

C'est pourquoi la Suisse a émis une réserve conformément au par. 5, let. a. La clause anti-abus de l'art. 10 n'est par conséquent pas reprise dans les CDI suisses couvertes.

Art. 11

Application des conventions fiscales pour limiter le droit d'une Partie d'imposer ses propres résidents

La réglementation matérielle (par. 1) de cet article prévoit qu'une juridiction contractante peut imposer ses résidents comme le prévoit sa législation fiscale interne sans égard à d'éventuelles dispositions différentes de la CDI concernée. Le même paragraphe prévoit une série d'exceptions (let. a à j) à cette réglementation.

Bien que cela ne soit précisé nulle part, cette disposition a été créée en tout premier lieu pour les États qui possèdent des dispositions applicables aux sociétés étrangères contrôlées (SEC; en anglais Controlled Foreign Company). D'après ces dispositions, ces États ajoutent, dans certaines situations, les revenus de sociétés étrangères à ceux d'une société indigène, bien que la société étrangère soit sans contestation possible un sujet fiscal autonome. L'art. 11 fournit une base juridique à ces dispositions. La Suisse n'a pas de dispositions applicables aux SEC et n'a aucun intérêt à ce que d'autres États appliquent de telles dispositions aux sociétés d'un groupe suisse.

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Elle considère que les bénéfices d'une société suisse ne peuvent pas être soumis à une imposition supplémentaire à l'étranger au seul motif que les parts de cette société sont détenues par une personne étrangère.

C'est pourquoi elle a émis une réserve conformément au par. 3, let. a. La disposition matérielle de l'art. 11 de la convention BEPS n'est par conséquent pas reprise dans les CDI suisses couvertes.

Partie IV

Mesures visant à éviter le statut d'établissement stable

Art. 12

Mesures visant à éviter artificiellement le statut d'établissement stable par des accords de commissionnaire et autres stratégies similaires

Cet article (par. 1 et 2) donne une définition modifiée de l'établissement stable constitué par un commissionnaire (art. 5, par. 5 et 6, du modèle de convention de l'OCDE). Par rapport à la définition initiale, celle-ci apporte certes davantage de clarté dans l'ensemble; mais son intégration aux CDI reviendrait à élargir l'acception de la notion d'établissement stable constitué par un commissionnaire, ce que la Suisse ne souhaite pas. Cela ne correspond pas à la notion d'établissement stable connu par le droit suisse. Par conséquent, la reprise d'une telle disposition affecterait l'équilibre des CDI, raison pour laquelle elle devrait tout au plus demeurer réservée aux négociations bilatérales.

C'est pourquoi, lors de la signature de la convention BEPS, la Suisse a émis une réserve conformément au par. 4. La définition modifiée de l'établissement stable formé d'un commissionnaire en vertu de l'art. 12 n'est par conséquent pas reprise dans les CDI suisses couvertes.

Art. 13

Mesures visant à éviter artificiellement le statut d'établissement stable par le recours aux exceptions applicables à certaines activités spécifiques

Cet article concerne la liste des activités dont l'exercice ne fonde pas un établissement stable (art. 5, par. 4, du modèle de convention de l'OCDE de 2017). Il contient deux options: dans l'option A (par. 2), toutes les activités énumérées dans la liste sont soumises à la réserve d'une activité préparatoire ou auxiliaire. L'option B (par. 3) s'appuie en revanche sur l'art. 5, par. 4, du modèle de convention de l'OCDE de 2014. Les activités énumérées dans la liste sont par conséquent considérées comme des activités qui, en soi, ne fondent pas d'établissement stable. Le fait qu'il s'agisse là d'une exception en soi découle manifestement de la disposition de l'option B et des commentaires correspondants du modèle de convention de l'OCDE de 2017. À la différence de ces commentaires, les explications des commentaires du modèle de convention de l'OCDE dans les versions antérieures à 2017 laissent planer un doute sur la question de savoir si les exceptions énumérées ne portent pas quand même sur des activités préparatoires ou auxiliaires.

5467

FF 2018

En plus de ces deux options, cet article contient encore une disposition matérielle, la clause anti-fragmentation (par. 4). D'après cette disposition, les activités visées par les exceptions figurant dans la liste fondent néanmoins un établissement stable si l'entreprise (ou une entreprise du même groupe) exerce encore d'autres activités dans l'État concerné de telle façon que toutes ces activités forment un ensemble cohérent d'activités d'entreprise qui ne remplit pas les conditions de la disposition sur les exceptions.

Du point de vue de la Suisse, il faut rejeter l'option A et la clause anti-fragmentation. Elles augmentent le nombre des établissements stables et les incertitudes pour les entreprises. Étant donné qu'elles ont un impact sur l'équilibre des CDI, elles doivent demeurer réservées à des négociations bilatérales.

À première vue, la mise en oeuvre de l'option B contribuerait à une clarification des CDI suisses concernées. Toutefois, les raisons qui parlent en défaveur de cette option sont prépondérantes. Premièrement, l'option B ne s'applique que si le partenaire à la CDI la choisit aussi. Les États qui ne considèrent pas les activités énumérées à l'art. 5, par. 4, du modèle de convention de l'OCDE comme des exceptions en soi ne choisiront pas l'option B. Cela signifie que la disposition de cette option ne serait insérée que dans les CDI de la Suisse avec les États qui partagent déjà sa position concernant l'interprétation de la disposition en vigueur. La modification ne présenterait donc aucun avantage matériel supplémentaire. De plus, cette option pourrait faire naître des doutes sur l'engagement de la Suisse par rapport à la convention BEPS, si la Suisse choisissait l'option B et excluait simultanément la clause anti-fragmentation.

C'est pourquoi, lors de la signature de la convention BEPS, la Suisse a émis une réserve conformément au par. 6, let. a. Les modifications matérielles de l'art. 13 de la convention BEPS concernant l'art. 5, par. 4, du modèle de convention de l'OCDE ne sont par conséquent pas reprises dans les CDI suisses couvertes.

Art. 14

Fractionnement de contrats

Cet article contient une clause anti-abus spécifique relative aux établissements stables en rapport avec des chantiers (par. 1). Elle a été créée pour les États qui n'introduisent pas la règle PPT dans leurs CDI. Ces États peuvent avoir besoin d'une clause anti-abus spécifique dans leurs CDI afin d'empêcher leur utilisation abusive en relation avec des établissements stables en rapport avec des chantiers. La Suisse n'a pas besoin de cette clause anti-abus spécifique car elle insère la clause PPT dans ses CDI.

C'est pourquoi, lors de la signature de la convention BEPS, la Suisse a émis une réserve conformément au par. 3, let. a. La disposition matérielle de l'art. 14 n'est par conséquent pas reprise dans les CDI suisses couvertes.

Art. 15

Définition d'une personne étroitement liée à une entreprise

Cet article contient une définition de la notion de personne étroitement liée à une entreprise (par. 1). Cette définition est utilisée aux fins de la définition modifiée de l'établissement stable formé d'un commissionnaire (art. 12), de la clause anti5468

FF 2018

fragmentation (art. 13) et de la clause anti-abus spécifique concernant les établissements stables en rapport avec des chantiers (art. 14). Pour les États comme la Suisse qui ont émis une réserve pour chacune de ces dispositions, la reprise de cette définition dans leurs CDI n'a pas de sens.

C'est pourquoi, lors de la signature de la convention BEPS, la Suisse a émis une réserve au sens du par. 2. La définition contenue dans l'art. 15 n'est par conséquent pas reprise dans les CDI suisses couvertes.

Partie V

Améliorer le règlement des différends

Art. 16

Procédure amiable

Les réglementations matérielles de cet article sont contenues dans ses par. 1, 2 et 3.

Elles ont été développées dans le cadre de l'action 14 du projet BEPS et font partie du standard minimal. Ces dispositions correspondent aux par. 1, 2 et 3 de l'art. 25 du modèle de convention de l'OCDE de 2017. Sur le fond, il s'agit de dispositions destinées à régler les différends en cas d'imposition non conforme à la CDI. De tels différends doivent être réglés par les autorités compétentes des États contractants concernées dans le cadre d'une procédure entre États.

Les CDI suisses contiennent déjà de telles dispositions, avec certaines différences.

La convention BEPS les complète ou les modifie dans la mesure où elles ne sont pas complètes ou si elles contiennent des réglementations divergentes.

La seule différence importante dans les CDI suisses concerne la disposition de la deuxième phrase de l'art. 25, par. 2, du modèle de convention de l'OCDE, qui correspond à la deuxième phrase de l'art. 16, par. 2, de la convention BEPS. Cette disposition veut que les accords amiables soient appliqués quels que soient les délais prévus par le droit interne. La Suisse a émis une réserve sur la disposition correspondante du modèle de convention de l'OCDE. Il s'ensuit que seules quelques rares CDI conclues par la Suisse contiennent cette disposition.

Du point de vue suisse, la collectivité publique doit obtenir une certitude sur ses recettes fiscales après un certain temps. La ligne directrice en l'espèce est le délai de dix ans qui s'applique en droit national à la révision de taxations entrées en force et court dès la date de cette prise d'effet. Étant donné que la durée de la procédure amiable ne dépend pas du contribuable, le délai est considéré comme respecté si la demande d'ouverture d'une procédure amiable est déposée dans les 10 ans.

L'art. 16, par. 5, let. c, de la convention BEPS prévoit la possibilité d'émettre une réserve concernant la deuxième phrase de l'art. 16, par. 2. Pour respecter quand même le standard minimal, la Suisse doit être prête, dans ce cas, à accepter des dispositions limitant le délai pour procéder à des ajustements des bénéfices d'entreprises associées ou d'établissements stables lors des négociations d'une CDI.

À la signature de la convention BEPS, la Suisse a émis une réserve
conformément au par. 5, let. c, réserve limitée à la deuxième phrase du par. 2. Elle a également donné des renseignements sur les dispositions en vigueur dans ses CDI, par une notification.

5469

FF 2018

Compte tenu des réserves et des notifications formulées par les États partenaires de la Suisse, les dispositions correspondantes des douze CDI suisses modifiées en vertu de la convention BEPS sont adaptées aux par. 1 à 3 de l'art. 16 (à l'exception de la deuxième phrase du par. 2).

Art. 17

Ajustements corrélatifs

La réglementation matérielle de cet article (par. 1) correspond à celle de l'art. 9, par. 2, du modèle de convention de l'OCDE. Elle fait partie du standard minimal fixé par l'action 14 du projet BEPS. Cette disposition prévoit l'obligation de procéder à un ajustement corrélatif en cas de reprise de bénéfices.

Par le passé, la Suisse ne reprenait pas cette disposition dans ses CDI. C'est pourquoi la plupart d'entre elles ne la contiennent pas ou seulement sous une forme remaniée. Ce n'est qu'en 2005 que la Suisse a retiré la réserve correspondante dans le commentaire du modèle de convention de l'OCDE et a commencé à convenir de cette disposition avec ses partenaires aux CDI au motif que cette prescription n'impose pas d'ajustements corrélatifs automatiques. La Suisse ne doit au contraire procéder à un ajustement corrélatif que si cela correspond au résultat d'une solution amiable.

La Suisse n'a pas émis de réserve sur l'art. 17, mais a donné des renseignements sur les dispositions en vigueur dans ses CDI.

Compte tenu des réserves et des notifications formulées par les États partenaires de la Suisse, la disposition correspondante des CDI avec l'Afrique du Sud, l'Argentine, l'Autriche, l'Italie, la Lituanie, le Luxembourg, le Mexique et le Portugal est modifiée conformément à la disposition du par. 2.

Partie VI

Arbitrage

Art. 18

Choix d'appliquer la partie VI

Les dispositions concernant la procédure d'arbitrage ne constituent pas un standard minimal. Les États et territoires signataires peuvent par conséquent décider s'ils entendent appliquer la partie VI à leurs CDI couvertes par la convention BEPS, ce qu'a fait la Suisse à titre provisoire par une notification en vertu de l'art. 29, par. 3, lors de la signature de ladite convention. Cette notification doit être confirmée lors de la ratification de la convention BEPS. La partie VI ne s'applique à une CDI couverte par la convention BEPS que si les deux juridictions contractantes l'ont notifié au Dépositaire.

La partie VI contient une clause d'arbitrage qui, pour l'essentiel, impose aux juridictions contractantes les mêmes obligations que celles énoncées à l'art. 25, par. 5, du modèle de convention de l'OCDE, lequel a été intégré à bon nombre de CDI

5470

FF 2018

suisses10. La partie VI renferme toutefois beaucoup plus de détails sur la procédure que l'art. 25, par. 5, du modèle de convention de l'OCDE.

En vertu de l'art. 25, par. 5, du modèle de convention de l'OCDE, ces règles de procédure doivent être fixées par un accord entre les autorités compétentes. La partie VI de la convention BEPS n'échappe pas non plus à un tel accord puisque différents détails de la procédure (par ex. les délais ou les documents requis pour qu'un cas soit réputé intégralement soumis aux autorités compétentes) doivent être arrêtés entre les autorités compétentes (art. 19, par. 10).

Art. 19

Arbitrage obligatoire et contraignant

Si les autorités compétentes ne parviennent pas un accord dans le cadre de la procédure amiable dans un délai de deux ans, le contribuable peut demander par écrit que son cas soit soumis à la procédure d'arbitrage. La possibilité de formuler une réserve afin de remplacer le délai de deux ans par un délai de trois ans est prévue (par. 11).

Lors de la signature de la convention BEPS, la Suisse a formulé une telle réserve afin de faire coïncider le délai prévu par la convention BEPS avec sa pratique conventionnelle dans ce domaine. La réserve doit être confirmée lors de la ratification.

La décision de la commission d'arbitrage est définitive et contraignante, sauf notamment lorsqu'une personne directement concernée par le cas n'accepte pas l'accord amiable qui met en oeuvre cette décision, par exemple lorsque cette personne choisit de faire trancher les questions litigieuses par un tribunal. Un tel mécanisme permet de tenir compte des intérêts des contribuables qui subissent une double imposition et garantit la sécurité juridique.

Art. 20

Désignation des arbitres

Cette disposition contient un certain nombre de règles qui s'appliqueront si les autorités compétentes ne conviennent pas de règles différentes.

Elle prévoit, en particulier, que la commission d'arbitrage se compose de trois personnes physiques possédant une expertise ou une expérience en matière de fiscalité internationale (par. 2, let. a). Chaque autorité compétente doit désigner un membre, et les deux membres ainsi désignés doivent désigner un troisième arbitre qui n'est ni un ressortissant, ni un résident de l'une ou l'autre juridiction contractante et qui assumera la fonction de président de la commission d'arbitrage (par. 2, let. b). Chaque membre de la commission d'arbitrage doit être impartial et indépendant des autorités compétentes, des administrations fiscales et des ministères des finances des juridictions contractantes (par. 2, let. c).

Si l'autorité compétente omet de désigner un membre ou le président de la commission d'arbitrage, le membre manquant est désigné par le responsable ayant le rang le plus élevé au sein du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE et 10

La Suisse a convenu d'un arbitrage au sens de l'art. 25, par. 5, du modèle de convention de l'OCDE dans les CDI avec les États et territoires suivants: Afrique du Sud, Albanie, Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Espagne, Estonie, France, Grèce, Hong Kong, Islande, Kazakhstan, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, République slovaque, Slovénie, Suède et Uruguay.

5471

FF 2018

qui n'est ressortissant d'aucune des deux juridictions contractantes (par. 2 et 3). Ce dispositif, qui ne s'applique qu'à défaut d'accord entre autorités compétentes prévoyant des règles différentes, vise à assurer que l'arbitrage sur des questions posées dans un cas de procédure amiable ne puisse être retardé indûment.

Art. 21

Confidentialité de la procédure d'arbitrage

Afin de garantir que l'arbitrage atteigne son but sans nuire à la confidentialité de la procédure amiable, cet article dispose que les membres de la commission d'arbitrage se voient appliquer les prescriptions de confidentialité prévues par les dispositions en matière d'échange de renseignements (par. 1) de la CDI couverte.

Les autorités compétentes des juridictions contractantes doivent veiller à ce que les membres de la commission d'arbitrage et leurs collaborateurs s'engagent par écrit, avant de participer à la procédure d'arbitrage, à traiter tout renseignement en lien avec cette procédure conformément aux obligations de confidentialité et de nondivulgation prévues en matière d'échange de renseignements (par. 2).

Art. 22

Règlement d'un cas avant la conclusion de l'arbitrage

Cette disposition précise que la procédure d'arbitrage prend fin si les autorités compétentes des juridictions contractantes parviennent à un accord amiable permettant de résoudre le cas, ou si la personne qui a soumis le cas retire sa demande de procédure amiable ou d'arbitrage.

Art. 23

Méthode d'arbitrage

À titre de règle par défaut, l'art. 23, par. 1, de la convention BEPS contient la méthode de l'«offre finale», également appelée celle de la «dernière meilleure offre». Ainsi, sous réserve d'accord entre les autorités compétentes prévoyant une méthode différente, cette méthode prévoit que chacune des autorités compétentes soumet à la commission d'arbitrage une proposition de résolution portant sur les questions non résolues du cas concret. Les propositions de résolution soumises par les autorités compétentes de chacune des juridictions contractantes peuvent être étayées par un exposé écrit. Chaque autorité compétente peut également soumettre un mémoire en réponse à la proposition de résolution et à l'exposé écrit soumis par l'autre autorité compétente. Ce mémoire a pour unique but de répondre aux avis et arguments de l'autre autorité compétente. Il ne sert pas à offrir à une autorité compétente la possibilité d'avancer des arguments supplémentaires pour renforcer sa propre position. La commission d'arbitrage choisit comme décision l'une des propositions de résolution du cas soumises par les autorités compétentes. La décision est adoptée à la majorité simple des membres de la commission d'arbitrage, et ne comprend aucune motivation ou explication. La décision est communiquée par écrit aux autorités compétentes des juridictions contractantes et ne peut servir de précédent dans aucun autre cas.

En vertu de l'art. 23, par. 2, une partie qui n'accepte pas la méthode de l'«offre finale» en tant que règle par défaut peut se réserver le droit de ne pas appliquer cette méthode à ses conventions fiscales couvertes et d'adopter la méthode de l'«opinion 5472

FF 2018

indépendante». Dans ce cas, sauf dans la mesure où les autorités compétentes des juridictions contractantes liées par une CDI couverte s'entendent sur des règles différentes, les autorités compétentes doivent communiquer aux membres de la commission d'arbitrage les informations qui peuvent être nécessaires pour rendre la décision d'arbitrage. La commission d'arbitrage tranche en libre application du droit et indique les sources juridiques sous-jacentes à sa décision ainsi que les arguments qui y ont conduit. Prise à la majorité simple des membres de la commission d'arbitrage, la décision n'a aucune valeur de précédent.

La Suisse est fondamentalement favorable à une disposition sur l'arbitrage. Elle privilégie à ce propos la variante de l'«offre finale», autrement dit la règle standard prévue par la convention BEPS. Elle se réserve aussi, au terme d'un examen approfondi de la situation, la faculté d'adopter à titre subsidiaire la variante de l'«opinion indépendante».

Art. 24

Accord sur une solution différente

Cet article prévoit la possibilité au par. 2 de ne pas appliquer la décision rendue par la commission d'arbitrage si les autorités compétentes des juridictions contractantes conviennent d'une autre solution dans les trois mois suivant la date à laquelle la décision leur a été communiquée.

La Suisse entend faire usage de cette faculté, toutefois en la limitant, conformément au par. 3, aux cas d'arbitrage relevant de l'«opinion indépendante». Étant donné qu'une autorité compétente obtient gain de cause avec sa dernière offre en cas d'arbitrage selon la méthode de l'«offre finale», un accord amiable sur une solution différente est improbable.

Art. 25

Coûts de la procédure d'arbitrage

Cette disposition prévoit que les rémunérations et les dépenses des membres de la commission d'arbitrage, ainsi que les coûts liés à la procédure d'arbitrage supportés par les juridictions contractantes, sont pris en charge par ces dernières selon des modalités déterminées d'un commun accord. À défaut d'un tel accord, chaque juridiction contractante supporte ses propres dépenses et celles du membre de la commission d'arbitrage qu'elle a désigné. Les coûts afférents au président de la commission d'arbitrage sont supportés à parts égales par les juridictions contractantes.

La convention BEPS ne prévoit aucune option quant au partage des coûts selon le principe de causalité, partage que demandaient certains cantons dans le cadre de la procédure de consultation.

Art. 26

Compatibilité

Le par. 1 de cet article contient une disposition sur la compatibilité qui décrit l'interaction entre les dispositions de la partie VI et celles des CDI couvertes par la convention BEPS. Selon cette disposition, la partie VI s'applique en lieu et place d'une clause d'arbitrage en vigueur ou en plus d'une disposition relative à la procédure amiable pour le cas où une clause d'arbitrage fait défaut dans une CDI. Le 5473

FF 2018

par. 4 permet toutefois à chacune des parties d'exclure l'application de la partie VI de la convention BEPS par une réserve concernant une ou plusieurs CDI prévoyant déjà une clause d'arbitrage.

Parmi les CDI suisses couvertes par la convention BEPS, celles conclues avec l'Afrique du Sud, l'Autriche, l'Islande et le Luxembourg contiennent d'ores et déjà une clause d'arbitrage. La reprise de la partie VI de la convention BEPS dans ces CDI n'est pas nécessaire. Aussi la Suisse entend-elle exclure l'application de cette partie VI pour ses CDI qui incluent déjà une clause d'arbitrage en émettant une réserve au sens de l'art. 6, par. 4, de la convention BEPS.

Compte tenu des notifications formulées par la Suisse en vertu de l'art. 18, les deux CDI conclues avec l'Italie et le Portugal comportent désormais une clause d'arbitrage.

Partie VII

Dispositions finales

Art. 27

Signature et ratification, acceptation ou approbation

Depuis le 31 décembre 2016, la convention est ouverte à la signature de tous les États, des trois possessions de la Couronne britannique (Jersey, Guernesey, Île de Man) et de toute autre juridiction autorisée à devenir une partie au moyen d'une décision prise par consensus des parties et des signataires (par. 1). En vertu de l'art. 184, al. 2, de la Constitution (Cst.)11, il incombe au Conseil fédéral de signer les traités, de les soumettre à l'approbation de l'Assemblée fédérale puis de les ratifier. Se fondant sur la décision du Conseil fédéral du 24 mai 2017, la Suisse a signé la convention BEPS le 7 juin 2017, sous réserve de ratification. À fin juillet 2018, 82 États et territoires avaient signé la convention BEPS. Sachant que cinq signataires l'ont ratifiée, elle a pu entrer en vigueur le 1er juillet 2018. La convention BEPS doit être ratifiée pour qu'elle puisse entrer en vigueur pour la Suisse. Conformément à l'art. 166, al. 2, Cst., la convention BEPS est soumise à l'Assemblée fédérale pour approbation.

Art. 28

Réserves

Ainsi qu'il est précisé au ch. 1.3, la convention BEPS permet d'émettre des réserves.

Par celles-ci, les parties peuvent exclure certaines dispositions de la convention BEPS, de sorte que ces dispositions ne s'appliquent pas aux conventions fiscales couvertes. Les réserves ne sont admises que si elles sont expressément prévues dans les dispositions de la convention BEPS énumérées au par. 1. Lors de la signature de la convention, la Suisse a exclu, conformément à ce paragraphe, les dispositions matérielles de la convention issues du projet BEPS qui ne constituent pas des standards minimaux. Font exception les dispositions sur la prévention des doubles nonimpositions (option A de l'art. 5), la deuxième disposition supplémentaire concernant le préambule d'une CDI (par. 3 de l'art. 6) et les dispositions sur la procédure d'arbitrage. L'insertion d'une clause d'arbitrage dans les CDI n'est pas un standard 11

RS 101

5474

FF 2018

minimal, mais cette clause correspond à la politique conventionnelle de la Suisse, raison pour laquelle celle-ci a opté provisoirement pour sa reprise à la signature de la convention BEPS.

Aux termes du par. 2, une partie à la convention BEPS qui a choisi d'appliquer la partie VI (Arbitrage) peut émettre une ou plusieurs réserves par lesquelles elle restreint la procédure d'arbitrage. Une telle réserve s'applique à une CDI si elle a été acceptée par l'autre juridiction contractante. Si cette dernière la rejette, la partie VI de la convention BEPS n'est pas applicable à la CDI concernée.

La Suisse envisage, par une réserve au sens du par. 2, de restreindre l'arbitrage aux années fiscales commençant après la prise d'effet de la convention BEPS. Seront exclus par ailleurs les cas d'arbitrage portant sur des actifs incorporels difficiles à valoriser lorsque la correction à l'étranger a lieu sans tenir compte des délais de prescription usuels.

Le par. 3 confirme l'effet des réserves formulées conformément à la convention BEPS entre la partie qui a émis la réserve et l'autre partie. Il précise que, dans la mesure où la convention BEPS ne prévoit pas expressément autre chose, une réserve émise par une partie modifie la disposition correspondante de la convention BEPS dans la même mesure pour la partie qui a émis la réserve que pour l'autre partie.

Autrement dit, les réserves s'appliquent de façon symétrique aux deux parties à une CDI couverte, à moins que la convention BEPS n'en dispose autrement.

Les par. 5 à 7 déterminent le moment de l'émission d'une réserve. Les réserves peuvent être formulées lors de la signature ou lors du dépôt de l'instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation. Au sens de l'art. 28, par. 6, la Suisse a émis, lors de la signature de la convention BEPS, des réserves qui devront être confirmées à sa ratification.

Le par. 9 prévoit que toute partie qui a émis une réserve conformément à la convention BEPS peut la retirer ou la remplacer par une réserve de portée plus limitée. Une telle modification se fait au moyen d'une notification au Dépositaire. Ce paragraphe règle en outre les modalités de la prise d'effet d'un retrait ou d'un remplacement.

Art. 29

Notifications

Les par. 1, 3 et 4 fixent le moment du dépôt des notifications formulées conformément aux dispositions de la convention BEPS. Comme pour les réserves, la Suisse a formulé, lors de la signature de la convention BEPS, des notifications au sens de l'art. 29, par. 3, et devra les confirmer à la ratification. Le par. 5 prévoit qu'une partie peut à tout moment compléter la liste de ses conventions fiscales couvertes après l'entrée en vigueur de la convention BEPS en formulant une notification adressée au Dépositaire (art. 29, par. 1, let. a). S'appuyant sur cette disposition, la Suisse pourrait notifier des CDI supplémentaires, pour autant que soient remplies les deux conditions évoquées au ch. 1.4 du présent message, qui sont indispensables, aux yeux de la Suisse, à une révision au moyen de la convention BEPS. En outre, le par. 6 permet aux parties de formuler les notifications complémentaires prévues au par. 1, let. b à s, au moyen d'une notification adressée au Dépositaire.

5475

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Art. 30

Modifications ultérieures des conventions fiscales couvertes

La convention BEPS n'affecte pas les modifications ultérieures apportées à une CDI couverte qui ont été convenues par les États parties à cette CDI. Cette disposition dit clairement qu'une convention fiscale couverte peut être révisée après sa modification par la convention BEPS et que ces révisions peuvent aussi porter sur les dispositions qui ont été modifiées ou insérées en vertu de la convention BEPS.

Art. 31

Conférence des Parties

Le par. 1 prévoit que les parties peuvent convoquer une conférence des parties afin de prendre toute décision ou d'exercer toute fonction qui pourrait être requise ou appropriée en vertu des dispositions de la convention BEPS. Les par. 2 et 3 règlent les modalités de la convocation d'une conférence des parties.

Art. 32

Interprétation et mise en oeuvre

Selon le par. 1, les questions relatives à l'interprétation ou à la mise en oeuvre des dispositions d'une CDI couverte telles que modifiées par la convention BEPS sont réglées par accord amiable.

Selon le par. 2, ces questions peuvent être traitées par une conférence des parties convoquée conformément à l'art. 31, par. 3. Le par. 2 constitue une norme dite potestative. Les questions d'interprétation et d'application peuvent donc être traitées aussi d'une autre manière. Les autorités compétentes pour une convention fiscale couverte peuvent convenir entre elles des effets et du fonctionnement de la convention BEPS à l'égard de cette CDI.

Art. 33

Modifications

Toute partie peut proposer une modification de la convention BEPS en soumettant une proposition de modification au Dépositaire. Une conférence des parties peut être convoquée afin d'examiner la proposition de modification conformément au par. 3 de l'art. 31.

Art. 34

Entrée en vigueur

La convention BEPS entre en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date du dépôt du cinquième instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation. Pour chaque signataire qui ratifie, accepte ou approuve la convention BEPS après le dépôt du cinquième instrument, elle entre en vigueur le premier jour du mois suivant l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date du dépôt par ce signataire de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation. La convention BEPS est entrée en vigueur le 1er juillet 201812.

12

Les réserves et notifications formulées dans le cadre de la ratification peuvent être consultées à l'adresse suivante: www.oecd.org > Centre de politique et d'administration fiscales > Conventions fiscales > Convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir le BEPS > Signataires et Parties (Positions sur l'IM)].

5476

FF 2018

Art. 35

Prise d'effet

Les modifications des conventions fiscales couvertes s'appliquent conformément aux dispositions de l'art. 35 concernant la prise d'effet de la convention BEPS.

Le par. 1 règle la prise d'effet de la convention BEPS à l'égard d'une convention fiscale couverte pour les impôts prélevés à la source sur les sommes payées ou attribuées à des non-résidents (let. a), et pour tous les autres impôts perçus par une juridiction contractante (let. b).

Pour les impôts prélevés à la source visés à la let. a, la convention BEPS prend effet lorsque les faits générateurs de l'impôt se produisent le 1er janvier de l'année civile suivant la dernière des dates d'entrée en vigueur de la convention BEPS pour les juridictions contractantes ou après cette date. Cela signifie que la convention BEPS prendra effet pour les faits générateurs de l'impôt se produisant le 1er janvier 2020 ou après cette date si la convention BEPS entre en vigueur, par exemple, le 1er mars 2018 pour la première juridiction contractante et le 1er mars 2019 pour la seconde.

Pour les impôts visés à la let. b, la convention BEPS prend effet pour les impôts perçus au titre d'une période d'imposition commençant à l'expiration ou après l'expiration d'une période de six mois à compter de la dernière des dates à laquelle la convention BEPS entre en vigueur. Cela signifie que si elle entre en vigueur le 1er septembre 2018 par exemple pour la deuxième juridiction contractante, la convention BEPS prendra effet pour tous les impôts qui ne sont pas prélevés à la source à partir de la première période fiscale commençant au plus tôt le 1er mars 2019. Si la période d'imposition correspond à l'année civile, les dispositions de la convention BEPS prendront effet à l'égard de la période d'imposition qui commence le 1er janvier 2020.

Le par. 5 règle la prise d'effet de la convention BEPS pour les CDI nouvellement couvertes qu'une partie notifie au Dépositaire conformément à l'art. 29, par. 5.

Tenant compte des différentes procédures internes des parties pour mettre en oeuvre la convention BEPS, le par. 7 prévoit qu'une partie peut se réserver le droit de retarder la prise d'effet de la convention BEPS. Selon cette réserve, les dispositions de la convention BEPS ne prendront pas automatiquement effet à son entrée en vigueur mais seulement après que l'État auteur
de la réserve aura notifié au Dépositaire l'accomplissement de ses procédures internes. Lors de la signature de la convention BEPS, la Suisse a émis une réserve selon l'art. 35, par. 7, let. a. Elle s'assure ainsi que la convention BEPS ne prendra effet pour ses CDI couvertes que lorsque les modifications de la CDI concernée par la convention BEPS seront définitivement établies.

Art. 36

Prise d'effet de la partie VI

L'art. 36 régit la prise d'effet de la partie VI de la convention BEPS relative à l'arbitrage. La réserve visée à l'art. 35, par. 7, let. a, de la convention BEPS s'applique elle aussi à la prise d'effet de la partie VI.

5477

FF 2018

Art. 37

Retrait

Le par. 1 prévoit qu'une partie peut se retirer à tout moment de la convention BEPS en formulant une notification à cet effet au Dépositaire.

D'après le par. 2, le retrait prend effet le jour de la réception de la notification par le Dépositaire. Si une CDI couverte est entrée en vigueur entre deux (ou plusieurs) juridictions contractantes avant la prise d'effet du retrait d'une partie, cette CDI demeure telle qu'elle a été modifiée par la convention BEPS (par. 2).

Art. 38

Relation avec les protocoles

Cet article prévoit que la convention BEPS peut être complétée par un ou plusieurs protocoles. Une partie n'est liée par un protocole que si elle devient partie à ce protocole en vertu des dispositions de celui-ci. Les protocoles sont régis par la même procédure de ratification que la convention BEPS.

Art. 39

Dépositaire

Le Dépositaire de la convention BEPS et des protocoles visés à l'art. 38 est, aux termes du par. 1, le Secrétaire général de l'OCDE.

Le par. 2 énumère les notifications que le Dépositaire communique aux parties et aux signataires. Par ailleurs, le Dépositaire tient à jour des listes, accessibles au public, des CDI couvertes ainsi que des réserves émises et des notifications formulées par les parties (par. 3).

4

Conséquences

4.1

Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes

Avec la mise en oeuvre d'une série de nouvelles mesures développées dans le cadre du projet BEPS, les cas de double imposition risquent d'augmenter. Le nombre des procédures amiables pour les résoudre pourrait par conséquent augmenter aussi. La convention BEPS est utile et joue même un rôle important en l'espèce puisqu'elle permet d'améliorer les mécanismes de règlement des différends entrant dans le champ d'application de la procédure amiable.

La modification par la convention BEPS des CDI conclues est économique du point de vue de la procédure et plus efficiente que la modification d'une multitude de CDI.

Toutefois, la position de la Suisse quant aux effets juridiques de la convention BEPS sur les CDI (cf. ch. 1.2), qui est guidée par son souci de clarté et de sécurité du droit, fait que la majorité des CDI suisses devront continuer à être modifiées par la voie de la révision ordinaire (cf. ch. 1.4.2). La nouvelle convention BEPS pourra être mise en oeuvre dans le cadre des ressources en personnel actuelles.

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4.2

Conséquences économiques

Plus de 100 États et territoires ­ dont tous les États membres de l'OCDE et du G20 ainsi que d'autres ­ se sont politiquement engagés à reprendre et à mettre en oeuvre les standards minimaux découlant du plan d'action BEPS. Relevons parmi ces standards minimaux ceux qui portent sur la prévention de l'utilisation abusive des CDI ainsi que sur les mécanismes de règlement des différends, standards qui sont tous deux couverts par la convention BEPS.

La mise en oeuvre de ces standards par la convention BEPS ou par des protocoles de modification bilatéraux des CDI doit permettre d'atteindre une situation équitable (level playing field) garantissant que les personnes assujetties à l'impôt en Suisse ne sont pas désavantagées au niveau de la concurrence et que la Suisse remplit les standards minimaux relatifs aux CDI définies par le projet BEPS.

4.3

Conséquences sur les recettes fiscales

La convention BEPS ne prévoit pas de modifications des normes d'attribution des droits d'imposition dans le domaine des CDI couvertes. Elle contient au contraire des dispositions pour empêcher l'utilisation abusive des conventions fiscales couvertes et pour améliorer la procédure amiable en tant que moyen de régler les différends en cas de double imposition. La convention BEPS n'aura pas d'incidences prévisibles sur les recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes.

5

Relation avec le programme de législature

Annoncé dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de législature 2015 à 201913, le projet correspond à l'objectif 2 du programme de législature intitulé «La Suisse crée un environnement économique optimal à l'intérieur du pays et renforce ainsi sa compétitivité», selon lequel des mesures doivent être prises en vue de préserver la compétitivité et d'accroître la prospérité économique. De plus, le 11 septembre 2015, le Conseil fédéral a chargé le DFF de proposer, à partir de cette date, une clause générale contre l'utilisation abusive des conventions conforme au standard minimal de l'art. 7 de la convention BEPS au cours des négociations bilatérales portant sur une CDI. En appliquant ce standard minimal et celui concernant les mécanismes de règlement des différends, la Suisse crée un environnement économique optimal et renforce ainsi sa compétitivité.

La respect des standards internationaux en matière fiscale et en particulier la mise en oeuvre des standards minimaux prévus par le projet BEPS sont des pierres angulaires de la stratégie du Conseil fédéral en vue d'une place financière concurrentielle pour la Suisse.

13

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Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Le projet d'arrêté fédéral portant approbation de la convention BEPS se fonde sur l'art. 54, al. 1, Cst., qui confère à la Confédération une compétence générale dans le domaine des affaires étrangères. D'autre part, l'art. 184, al. 2, Cst. confère au Conseil fédéral la compétence de signer des traités internationaux et de les ratifier. En vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale approuve les traités internationaux, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international (art. 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration; LOGA14). En vertu de l'art. 7a, al. 2, LOGA, le Conseil fédéral peut conclure seul des traités internationaux de portée mineure. Tel n'est toutefois pas le cas en l'espèce. La convention BEPS renferme des dispositions importantes fixant des règles de droit. Il s'agit d'un traité international dont l'approbation relève de la compétence de l'Assemblée fédérale.

6.2

Forme de l'acte à adopter

Selon l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., les traités internationaux qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales sont sujets au référendum. Aux termes de l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)15, sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Pour déterminer si l'arrêté fédéral contient des dispositions importantes fixant des règles de droit, il convient de considérer que la convention BEPS prévoit la mise en oeuvre de standards minimaux dans le domaine des conventions contre les doubles impositions.

Ces standards sont conformes à la politique suisse actuelle en matière de double imposition. La convention BEPS contient de nouvelles dispositions importantes fixant des règles de droit au sens de l'art.141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., qui prendraient la forme d'une loi si elles étaient édictées dans le droit national. C'est pourquoi l'arrêté fédéral portant approbation de la convention BEPS est sujet au référendum.

6.3

Commentaire des dispositions de l'arrêté fédéral portant approbation de la convention BEPS

À l'occasion de la signature de la convention BEPS, le Conseil fédéral a déposé auprès du Dépositaire les réserves et les notifications formulées par la Suisse conformément à cette convention. Pour être prises en considération, ces réserves et notifications doivent être confirmées lors du dépôt de l'instrument de ratification (art. 28, par. 6, et 29, par. 3).

14 15

RS 172.010 RS 171.10

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Depuis la signature de la convention BEPS, le Mexique a rejoint la position suisse quant aux répercussions de cette convention sur les CDI à modifier (cf. ch. 1.2). La Suisse peut donc soumettre sa CDI avec le Mexique à la convention BEPS. Ces mêmes réserves et notifications que la Suisse avait formulées à l'occasion de la signature vaudront également pour le Mexique, sous réserve d'approbation par le Parlement. Aussi cette CDI sera-t-elle inscrite sur la liste des réserves et notifications suisses concernant la convention BEPS (cf. art. 1, par. 3, du projet d'arrêté fédéral).

Concernant les CDI couvertes par la convention BEPS que la Suisse a d'ores et déjà notifiées au moment de la signature16, il y a lieu de signaler les événements suivants survenus depuis cette date: l'Inde, le Liechtenstein et la Pologne ont revu leur position quant aux effets de la convention BEPS et ne partagent plus l'avis de la Suisse.

La Pologne souhaite en outre une révision complète de la CDI en vigueur et éliminera par conséquent la Suisse de sa liste des CDI couvertes par la convention BEPS (art. 2, par. 1, let. a, ch. ii, de la convention BEPS). Les CDI avec l'Inde, le Liechtenstein et la Pologne annoncées par la Suisse à la signature de la convention BEPS seront donc supprimées de la liste suisse des réserves et notifications concernant la convention BEPS (cf. annexe du projet d'arrêté fédéral).

Art. 1 D'après l'art. 1, al. 2, du projet d'arrêté le Conseil fédéral est autorisé à ratifier la convention BEPS. Il est aussi habilité (al. 3) à formuler les réserves et notifications prévues en annexe du projet d'arrêté fédéral, lors de la ratification conformément aux art. 28, par. 6, et 29, par. 3, de la convention BEPS.

Art. 2 Il n'est pas exclu que d'autres États en viennent à partager la position suisse sur les effets de la convention BEPS (cf. ch. 1.4.2). En raison de la portée limitée de la Convention BEPS, l'art. 2 du projet d'arrêté prévoit que le Conseil fédéral, après consultation des commissions parlementaires de l'économie et des redevances, puisse notifier au Dépositaire comme couvertes par la convention BEPS des CDI qui n'avaient pas été déclarées comme telles au Dépositaire au moment de la ratification mais qui doivent être modifiées ultérieurement au moyen de la convention BEPS.

Les réserves et
notifications suisses valent également pour de telles CDI. Si la Suisse devait modifier ses réserves et notifications, le projet correspond devrait être soumis à l'approbation de l'Assemblée fédérale par voie d'arrêté fédéral.

16

Il s'agit des CDI avec l'Afrique du Sud, l'Argentine, l'Autriche, le Chili, l'Inde, l'Islande, l'Italie, le Liechtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, la Pologne, le Portugal, la République tchèque et la Turquie.

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