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Message du

conseil fédéral à l'assemblée fé dérale concernant la création en Suisse d'une station centrale d'essais forestie s.

(Du 6 décembre 18 4.)

Monsieur le président et messisu rs, En date du 9 août 1878, le comit permanent de la société des forestiers suisses nous a adressé une pétition demandant : 1° Que le conseil fédéral confie à école forestière fédérale, comme station centrale d'essais foi estiers, la tâche indiquée dans le projet d'organisation anne: é à la pétition, et qu'il lui accorde le crédit nécessaire à c t effet.

2° Que le personnel enseignant de l'éc île forestière fédérale soit augmenté en conséquence.

.3° Qu'il soit accordé à la société des forestiers suisses un subside annuel pour la création de sta ions météorologiques forestières et pour le développement de essais forestiers.

Comme la direction des essais deva t, selon la proposition de la société des forestiers suisses, être rattr chée à la section forestière du Polytechnicum fédéral, le département de l'intérieur soumit cette pétition au conseil scolaire fédéral, en 1 li demandant son préavis.

. Par lettres en date du 20 septen ore 1878 et du 20 mars 1879, le président du conseil scolaire le déral s'est déclaré d'accord en principe avec cette proposition.

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Le département du commerce et de l'agriculture, auquel le service des eaux et forêts a été confié à partir du 1er janvier 1879, a, depuis, examiné de près la question des essais forestiers, et a soumis au conseil fédéral, en date du 14 avril 1880, un projet y relatif.

Le département de l'intérieur, invité le 20 du môme mois à faire également un rapport sur cette question, appuya vivement le projet présenté par le département du commerce et de l'agriculture, et déclara qu'il était disposé à favoriser l'exécution de ce projet, en tenant compte de la création d'une nouvelle chaire à l'école forestière dans la demande qu'il aurait à adresser aux chambres fédérales au sujet de l'augmentation du crédit annuel destiné à l'école polytechnique fédérale.

Le 30 avril 1880, le conseil fédéral décida, pour ne pas modifier encore l'économie du budget qui venait d'être établi, que cette affaire serait traitée simultanément avec la demande d'augmentation de crédit pour le l'olytechnicum, que le département de l'intérieur annonçait dans son rapport.

Cette décision fut portée à la. connaissance du comité permanent de la société des forestiers suisses le 2 juin 1884.

Le département de l'intérieur présenta sa demande d'augmentation de crédit au conseil fédéral le 26 août 1880, et le projet du département du commerce et de l'agriculture concernant les essais forestiers fut de nouveau discuté à cette occasion. La discussion aboutit à un renvoi, motivé principalement par le fait qu'avant de rien décider, on devrait avoir un titulaire pour la chaire à créer, que le nombre des forestiers suisses était encore trop peu nombreux pour leur permettre de participer aux essais forestiers, et qu'en particulier, ceux de la zone forestière fédérale étaient encore trop occupés par l'application de la loi forestière fédérale, pour pouvoir entreprendre autre chose.

Depuis cette époque, quatre ans se sont écoulés. Pendant cet intervalle, une troisième chaire a été créée à l'école forestière et pourvue d'un professeur capable, ce qui satisfait à la demande formulée au chiffre 2 de la pétition de la société des forestiers suisses.

Le nombre des fonctionnaires forestiers possédant des connaissances scientifiques s'est aussi accru dès lors, et si quelques cantons sont encore retardés dans h;ur organisation forestière, cela a maintenant
moins d'importance que précédemment en ce qui concerne l'introduction d'essais forestiers, car, grâce aux expériences faites dans d'autres Etats, on est maintenant d'avis que les essais prineipaux doivent se faire dans une station centrale, et .que les tra-

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vaux dans la forût doivent aussi avoir lieu sous la direction immodiate du directeur de la station ou de ses assistants. Il résulte de là que les fonctionnaires forestiers des cantons, des communes et des autres propriétaires de forêts seront moins mis à contribution qu'on, ne le pensait d'abord.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que le groupe de l'économie forestière à l'exposition nationale de Zurich a fortement contribué à faire reconnaître la grande importance des forêts au point de vne de l'économie nationale et de la défense du pays contre les inondations, etc., et a ainsi frayé la voie aux essais forestiers.

Le département du commerce et de l'agriculture a donc cru le temps venu de s'occuper de nouveau de cette question, et a convoqué une commission d'hommes spéciaux, pour s'entendre avec eux sur la meilleure organisation à donner à l'institution projetée. Lr résultat de cette conférence a été communiqué au département de l'intérieur et soumis par ce dernier à l'examen du conseil scolaire fédéral; c'est ainsi qu'ont été obtenus les matériaux qui servent de base au présent message.

Il y a déjà longtemps que la Confédération a reconnu la grande importance de l'économie forestière pour la Suisse, ce qu'elle a prouvé en fondant la section forestière au Polytechnicnm de Zurich (1855), en créant l'inspectorat fédéral des forets (1874), en édictant, enfin, la loi fédérale du 24 mars 1876 concernant la hante surveillance de la Confédération sur la police des forêts dans les régions élevées.

Or, la société des forestiers suisses, et avec elle, sans doute, tous les forestiers suisses, sont d'avis qu'il est urgent que la Confédération fasse un pas de plus en faveur de l'économie forestière, en fondant à Zurich une station centrale d'essais forestiers qui serait jointe à l'école forestière existante.

Les hommes compétents considèrent les essais forestiers comme un moyen indispensable pour procurer à l'économie forestière, et aux travaux forestiers en général, la base sûre qui leur a manqué jusqu'ici. Comme on l'avait aussi fait dans les domaines analogues, le forestier tirait principalement ses doctrines de ses expériences pratiques. S'appuyant sur ces dernières, la plupart du temps sana avoir pu tenir compte des conditions spéciales qui avaient influé sur les résultats obtenus, ni appliquer
des principes scientifiques, il tirait des conclusions et établissait des lois qu'un autre contestait aussitôt, en se fondant également sur ses propres expériences faites aussi imparfaitement que les premières.

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C'osi ainsi que malgré un grand nombre de résultats pratiques, malgré de nombreux écrits sur la matière, et de nombreuses sociétés et réunions d'hommes ou métier, le forestier n'est arrivé ii.

aucune sûreté dans ses travaux, spécialement en ce qui concerne, l'économie forestière ; le service dos forêts en général n'a pas pu prendre un développement normal, et les problèmes les pins importants sont encore à résoudre.

Dans beaucoup d'autres domaines on s'est affranchi résolument des procédés empiriques, et on a cherché de plus en plus à fonder tant la doctrine que la pratique, sur des expériences et des recherches scientifiques minutieuses ; l'agriculture marche depuis longtemps dans cette voie avec un plein succès. En Suisse, la section agricole du Polytechnicnm y est entrée depuis peu d'années.

Ce qui rend particulièrement difficile à la science forestière de suivre cet exemple et de prendre la même direction, qui est la seule correcte, c'est que ses essais et ses recherches ne portent pas sur une période de végétation d'une ou de peu d'années comme c'est le cas clans l'agriculture, mais qu'ils s'étendent au contraire à des périodes qui embrassent des dizaines d'années et jusqu'à un siècle.

Pour cette raison, les essais forestiers ne peuvent se faire et se poursuivre avec fruit qu'avec le concours de l'Etat, qui est seul à même d'accorder à cet objet une attention aussi prolongée et aussi soutenue, et qui possède aussi lés moyens financiers et les établissements scientifiques nécessaires.

C'est ainsi que quelques Etats allemands, qui ont de tout temps marché au premier rang dans la science forestière, ont, ainsi que l'Autriche, commencé à fonder des stations d'essais forestières. Les établissements do l'Allemagne se sont unis en une « Association des stations allemandes d'essais forestiers », afin de pouvoir travailler autant que possible d'après des instructions et des plans identiques et de faciliter ainsi la comparaison des résultats obtenus.

En France, en Italie et dans d'autres Etats, tout dernièrement aussi en Amérique, le besoin de stations d'essais parait se faire sentir, et divers travaux isolés ont déjà été faits dans ce sens.

On reconnaît aussi toujours d'avantage l'importance des stations météorologiques forestières, qui ont pour but de rechercher par des observations exactes
les particularités climatériques des forêts, et qui rentrent aussi dans le domaine des essais forestiers.

Les premières stations de ce genre ont été organisées par la Havière en 1864; cet exemple a été suivi par la Bohême (1868), le canton de Berne (1869), l'Italie (1870), la Prusse (1875) et l'Amérique.

672 En 1873, la société des forestiers suisses a décidé d'organiser des évaluations concernant l'accroissement ligneux ; une instruction a été élaborée pour le recueillement et le classement des matériaux en vue de l'établissement de tables d'xpériences, et a été remise aux fonctionnaires cantonaux et communaux, avec prière de prendre part à ce travail*).

Malheureusement cette louable initiative est demeurée sans grand résultat pratique, car, bien que certains districts forestiers aient été désignés pour les essais, et que l'on y ait pratiqué des levés du matériel sur pied, la plupart des essais furent bientôt abandonnés, faute d'une direction unitaire.

Ces derniers temps, il s'est fait quelques bons travaux dans le domaine des essais forestiers, comme on a pu s'en assurer en partie à l'exposition nationale de Zurich ; mais ce ne sont pourtantque des faits, sporadiques, dont ou ne pourra tirer parti que par lafondation d'une station centrale.

l'eu de pays possèdent, comparativement à leur étendue, des matériaux aussi divers, aussi riches et intéressants que la Suisse pour les essais forestiers, et pour aucun d'eux les travaux d'une station centrale ne pourraient Être plus utiles. Che/ nous, le but important de défendre les forêts aussi complètement que possible contre les phénomènes météorologiques nuisibles et contre les dangers résultant du terrain, vient encore se joindre au but qu'on poursuit généralement dans les essais, et qui est de rendre l'exploitation des forets -aussi fructueuse et constante que possible.

Si la Suisse occupe une place eminente au point de vue de son industrie, il s'en faut encore de beaucoup qu'elle ait atteint un niveau suffisant dans l'agriculture, l'économie alpestre et l'économie forestière, qui forment ensemble la base la plus sûre de sa sa prospérité nationale.

Or, ce sont les essais scientifiques qui doivent montrer aux forestiers le vrai chemin à suivre pour atteindre promptement et sûrement.le but indiqué plus haut.

Nous rappelons encore que l'industrie et les petits métiers utilisent dans une grande mesure les produits de la foret et particulièrement le bois, surtout certaines essences possédant des qualités particulières. Une des tâches du sylviculteur suisse est donc de fournir à l'industrie un bois ayant toutes les qualités désirables, et c'est en quoi
la station d'essais forestiers doit lui venir en aide.

Permettez-nous d'indiquer quelques-unes des tâches qui seront confiées à la station d'essais.

*) Journal suisse de l'économie forestière 1873, p. 132, et 1874, p. 33.

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Les forestiers suisses ne sont toujours pas au clair sur l'accroissement annuel par rapport aux conditions du lieu de station, à l'âge des arbres et à l'état du peuplement ; c'est pourquoi nous ne possédons pas encore les données nécessaires pour l'établissement de tables d'expériences incliquant le matériel ligneux et l'accroissement annuel. En outre, on ignore encore quels sont les mélanges des diverses essences forestières et les modes d'aménagement qui donnent relativement les meilleurs résultats pratiques, ainsi que l'influence exercée par les divers systèmes d'éclaircissements sur l'augmentation du volume et de la qualité du bois. Voilà autant de questions capitales dont la solution est très-importante pour l'économie nationale.

Il y a encore la question de la constitution physique, chimique et même organique (fabrication de la pâte de bois) des divers bois, qui se rapporte à leur utilisation pour le bâtiment ou pour l'industrie. Des expériences sui' des bois divers, faites en vue de l'exposition nationale de Zurich- ii l'aide de la machine à éprouver les résistances du Polytechnicum, ont donné, quant à la solidité de diverses essences de bois provenant de lieux différents, des résultats qui, sous réserve de contrôle, peuvent fournir au forestier des données certaines pour le choix des essences de bois destinées à divers lieux de station.

Un établissement fédéral, créé tout d'abord pour l'agriculture, mais qui peut aussi rendre de bons services à la sylviculture, est la station de contrôle des semences.

Certains forestiers affirment que les semences forestières suisses provenant d'expositions favorables, en particulier celle du rnélèzg, sont de qualité bien supérieure aux semences étrangères ; et cependant presque toutes' les semences forestières employées en Suisse sont tirées de l'étranger. Des expériences comparatives exactes entre les semences étrangères et indigènes, au point de vue de leur faculté de germination et da leur bonne qualité, résoudraient cette question d'une manière définitive, et auraient probablement pour conséquence la création de sécheries de graines forestières, et avec elle, l'introduction en Suisse d'une industrie nouvelle.

Nos tanneries soutiennent actuellement une lutte sérieuse avec la concurrence étrangère, ce qui provient en partie du fait que la Suisse ne
produit qu'une quantité minime d'écorce de chêne, qui la plupart du temps est encore de qualité inférieure. Or, le Tessin jouit d'un climat excellent et possède un terrain très-favorable pour les taillis de chêne à écorce ; de plus, la yeuse (chêne vert) y croit, et l'on dit qu'elle fournit un tan de meilleure qualité que nos chênes ordinaires.

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Une analyse chimique des écorces tessinoises, au point de vue de leur richesse en tannin, établirait sans aucun doute leur excellente qualité et les mettrait au même rang que celles du midi de la France. Il ne serait alors pas difficile d'obtenir la création dans le Tessin d'un champ d'essais et d'une culture modèle pour les taillis de chêne à écorce.

Les considérations qui précèdent suffiront pour démontrer clairement l'importance des essais forestiers. Nous nous permettons encore d'ajouter que ces essais stimuleraient et feraient progresser l'école foi estière et les forestiers suisses en général, apprendraient à ces derniers à cultiver les forêts d'une manière rationnelle, et leur donneraient la sûreté si nécessaire dans leurs travaux.

Après une sérieuse délibération, le conseil fédéral est arrivé à la conviction qu'à tous les points de vue, l'intérôt de la Suisse exige la création d'une station centrale d'essais forestiers, telle qu'elle a été proposée par la société des forestiers suisses, par le département de l'intérieur et par celui du commerce et de l'agriculture, et qu'elle a été appuyée par les préavis du conseil scolaire fédéral et d'une, commission spéciale. Il estime, en outre, que la Suisse ne doit pas non plus se désintéresser complètement des questions qui touchent à la science forestière et qui n'intéressent qu'indirectement l'économie forestière proprement dite. Si, comme nous l'avons déjà mentionné, la sylviculture suisse occupe dès maintenant une place honorable parmi les Etats européens, en' ce qui concerne les forêts d'Etat dans certains cantons et certaines forêts communales, elle s'élèvera par l'introduction des essais forestiers à la hauteur des pays les plus avancés dans ce domaine.

Nous arrivons maintenant à la question de savoir comment la station d'essais forestiers doit être organisée, quel champ de travail doit lui être assigné en premier lieu, quels seront ses frais d'installation, et à quelle somme s'élèveront ses dépenses annuelles régulières.

Tous les préavis reçus s'accordent avec la pétition de la société des forestiers suisses pour demander que la station d'essais forestiers soit unie organiquement à l'école forestière fédérale.

Nous partageons cette manière de voir et pensons que cet établissement devrait être soumis à l'ordre général du Polytechnicum,
tout en étant dirigé par une commission spéciale, composée de l'inspecteur fédéral des forêts et d'un professeur de l'école forestière, sous la présidence du président du conseil scolaire fédéral.

La tâche de la commission consisterait : a. à élaborer le règlement et les instructions nécessaires;

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l>. à examiner les programmes qui lui seraient soumis par le directeur de l'établissement, à les renvoyer au conseil scolaire avec son préavis, et à surveiller leur exécution ; c. à examiner et à approuver les évaluations des dépenses faites en vue du budget; d. à examiner les travaux à publier et à approuver leur publication ; e. à surveiller l'établissement en général et à examiner son rapport de gestion annuel.

Le fesseurs stisdite suivant mission

directeur de l'établissement serait nommé parmi les prode l'école forestière, et ne pourrait pas faire partie de la commission; il lui serait adjoint un ou deux assistants, les besoins. Le directeur assisterait aux séances de la comavec voix consultative.

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La tâche du directeur serait : a. élaborer les programmes et devis, tenir la comptabilité et en rendre compte à la commission ; &. entretenir les relations avec les professeurs du Polytechnicum et les fonctionnaires qui prendraient part aux essais, avec les propriétaires de forêts, les administrations forestières, les fonctionnaires forestiers et les stations d'essais forestiers de l'étranger; c. examiner, classer et publier les matériaux recueillis ; d. préparer et, autant que possible, diriger personnellement les expériences et les essais, en particulier ceux faits sui- le champ d'essais, et, en tous cas, répartir le travail et le surveiller ; e. pourvoir à l'entretien des installations et des appareils, et les surveiller.

En ce qui concerne les localités nécessaire?, l'établissement pourrait s'accommoder, pour commencer, de trois chambi es, destinées à l'origine aux assistants et actuellement inhabitées, qui sont situées dans les mansardes de l'école forestière et agricole. Lors de la construction du bâtiment projeté pour l'enseignement de la physique, il y aurait lieu d'y comprendre la place nécessaire pour la station d'essais forestiers, soit environ 220 m-, savoir : a. trois chambres de travail claires pour les professeurs et les assistants, environ 120m 2 ; b. une salle de travail pour les étudiants, destinée en même temps à recevoir les collections; c. de la place dans les combles pour le dépôt de sujets d'expériences et de diverses collections.

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Pour le début, on trouvera dans le laboratoire de chimie agricole suffisamment de place pour les travaux de chimie ; pour plus tard, la place nécessaire a été prévue dans le bâtiment du chimie qui est actuellement en construction.

La station ne peut guère se passer d'un champ d'essais d'environ 1 hectare et aussi rapproché d'elle que possible. Mais, comme les terrains situés à proximité du Polytechnicum sont beaucoup trop chers pour que nous puissions penser ù eu acquérir ou à eu louer, nous avons prié le conseil municipal du Zurich Je bien vouloir affermer à la Confédération 1 hectare de terrain dans la, forêt municipale d'Adlisberg, située à 3 kilomètres de distance et à 670 mètres au-dessus du niveau de la mer ; ce conseil nous a donné, en dato du 20 novembre dernier, une réponse favorable à ce sujet.

L'emplacement choisi, qui se prête fort bien à l'installation d'un champ d'essais, aurait encore l'avantage de pouvoir Otre surveillé par le garde forestier qui habite dans le voisinage immédiat. On pourrait charger le servant de la station des soins il donner au champ d'essais.

Dans sa pétition, la société des forestiers suisses avait proposé la création de plusieurs stations météorologiques forestières. Après avoir mûrement réfléchi à cette question, nous avons jugé convenable de nous borner à ne créer qu'une seule station de ce genre, située dans le voisinage de la station centrale. Nous avons été amenés à cette manière de voir d'abord par la question des frais, puis par la considération qu'il faut procéder avec la plus grande prudence au choix de l'emplacement et à l'installation do ces stations, et qu'il est très-difficile de trouver des observateurs de confiance. De plus, les résultats de differentes recherches qui su poursuivent actuellement dans des stations météorologiques parfaitement organisées, comme par exemple celle de Munich, n'ont pas seulement une valeur locale, mais une valeur générale, et n'ont par conséquent pas besoin d'être répétées par nous. Le personnel forestier de la Suisse a, du reste, déjà entrepris un travail météorologique important, savoir l'observation des tombées de grêle.

Quant à la localité où la station météorologique devra être établie, nous ne sommes pas encore en mesure de faire de proposition ; mais il se pourrait que le voisinage du champ d'essais
mentionné plus haut s'y prêtât, ce qui faciliterait les observations et la surveillance, tout en réduisant les frais.

Nous avons prévu une station double, située, d'une part, dans la forêt, de l'autre, en rase campagne, afin da pouvoir comparer l'influence des deux emplacements sur la pluie, la grêle, etc , ainsi que sur le climat en général.

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Comme le canton de Berne a, -- nous l'avons déjà dit, -- organisé et entretenu dès-1869 trois stations météorologiques forestières, nous trouvons équitable que la Confédération se charge à l'avenir des frais d'observation et d'entretien qui s'y rapportent, à condition que leur emplacement soit jugé convenable et que l'exactitude des observations soit assurée, ce qui pourrait être examiné par la commission de surveillance.

La station météorologique forestière de Zurich, de même qu'éventuellement 1
Nous arrivons maintenant aux objets des essais, savoir la forêt et ses produits.

En Suisse, les forêts appartiennent, pour la plus grande partie, aux communes et aux corporations ; une petite partie seulement appartient aux cantons et aux' particuliers. La Confédération ne possède pas de forêts.

Pour ces raisons, la station d'essais forestiers choisira principalement, pour ses expériences et ses essais, les forêts, appartenant aux communes et aux corporations, et, parmi ces dernières, celles qui sont déjà bien administrées, particulièrement celles appartenant à des communes de villes ; elle s'occupera également des forêts où l'on tend à une bonne économie forestière.

Ce champ d'essais est vaste et varié, et les expériences qui se font sur cette grande échelle peuvent être considérées comme décisives. Il ne sera nullement difficile d'obtenir des propriétaires l'autorisation de faire dans leurs forêts des essais et des recherches, pourvu que les frais y relatifs ne soient pas supportés par eux, ou seulement dans une proportion minime, que les forêts n'en souffrent pas et que la culture ne soit pas entravée.

Or, presque tous les travaux à entreprendre, comme par exemple les cubages nécessités pour l'évaluation du matériel et de l'accroissement ligneux des
pinces d'essais, etc., n'entraînent que peu de frais et ne nuisent absolument pas aux forêts ; au contraire, les résultats obtenus pourront, la plupart du temps, être utiles aux propriétaires des forêts.

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II nous parait équitable, et surtout dans l'intérêt du but qu'on se propose, que la Confédération supporte les frais de travaux (instruments, journées d'ouvriers, fraisMe transport, etc.) ; eu revanche, les propriétaires forestiers devraient autoriser leurs employés à prendre part aux travaux sans qu'il en-résulte de frais pour la Confédération ; ils devraient aussi renoncer à réclamer une indemnité pour les travaux entrepris dans leur forôt, comme par exemple l'abatage de quelques arbres, etc , faire surveiller par leur personnel, et préserver contre tout dommage ou tout changement les terrains ou les sujets sur lesquels portent les expériences.

Une entente préalable entre le. directeur de la station d'essais et les propriétaires devrait en tout cas avoir lieu à chaque expérience.

Il serait également facile de recevoir des pièces de bois et d'autres produits forestiers pour les soumettre à des essais, vu que le résultat de ces derniers profiterait en première ligne au propriétaire. Dans le cas où des propriétaires de forêts, et surtout des cantons ou des communes, voudraient entreprendre de leur propre chef des expériences et des recherches, lu station centrale fédérale pourrait, sur leur demande, entreprendre la direction des travaux aux frais de la Confédération, ainsi que l'élaboration et l'impression des matériaux recueillis. Cette collaboration aurait lieu à la condition que les prescriptions données par la station seraient strictement observées.

Dans le but d'attirer dès maintenant l'attention dea cantons sur le projet de création d'une station d'essais fédérale, ainsi que sur la perspective d'essais entrepris dans les forêts des cantons, des communes et des corporations, nous leur avons envoyé un certain nombre d'exemplaires du présent message.

L'établissement fédéral pour l'examen des matériaux de construction pourrait être chargé des recherches concernant la solidité des diverses espèces de bois, moyennant le payement des taxes établies, ou en vertu d'un arrangement à prendre à ce sujet.

La même chose pourrait avoir lieu en ce qui concerne la station pour le contrôle des semences.

Quant aux autres recherches se rapportant à la zoologie, à la botanique, à la technologie, à la physique, etc., on devrait, pour chaque cas spécial, se mettre en rapport avec les professeurs que cela
concernerait.

Pour ce qui regarde le côté financier de la question, on a évalué les frais d'installation à fr. 12,000, et les dépenses annuelles à fr. 22,000. Mais nous croyons que les premiers pourront être réduits à fr. 8000, et les seconds à fr. 15,000. Nous ne manque-

679 querons pas d'examiner cette question sous toutes ses faces lors de l'établissement du budget pour l'année prochaine. Dans tous les cas, les irais ne dépasseront pas les limites indiquées plus haut.

Persuadés que l'introduction des essais forestiers contribuera puissamment au développement normal de notre économie forestière et à l'exécution correcte de la loi fédérale du 24 mars 1876 concernant la haute surveillance de la Confédération sur la police des forêts dans les régions élevées, nous recommandons, Messieurs, le 'projet d'arrêté ci-joint à votre acceptation, et nous saisissons cette occasion pour vous assurer de notre haute considération.

Berne, 6 décembre

1884.

Au nom du conseil fédéral suisse, Le président de la Confédération : WELTI.

Le chancelier de la Confédération : RINGIER.

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Projet.

Arrêté fédéral concernant

la création d'une station centrale d'essais forestiers et d'une station météorologique forestière.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu le message du conseil fédéral du 6 décembre 1884-, arrête : Art. 1er. Une station centrale d'essais forestiers, comprenant, pour le moment, nne station météorologique forestière, sera jointe à la section forestière de l'école polytechnique fédérale de Zurich.

Art. 2. Cette station a pour but de fournir, par des expériences, des recherches et des observations exactes et scientifiques, une base certaine pour l'économie forestière, pour la protection dn pays par les forêts, et pour la solution de questions importantes de météorologie forestière.

Art. 3. L'organisation de la station centrale sera fixée par un règlement spécial du conseil fédéral.

Art. 4. Le crédit nécessaire sera porté au budget du département de l'intérieur.

Art. 5.- Le conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant la votation populaire sur les Içis et arrêtés fédéraux, de publier le présent arrêté fédéral et de fixer l'époque où il entrera en vigueur.

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Message du conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant la création en Suisse d'une station centrale d'essais forestiers. (Du 6 décembre 18 4.)

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