17.063 Message relatif à l'initiative populaire «Stopper le mitage ­ pour un développement durable du milieu bâti (initiative contre le mitage)» du 11 octobre 2017

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Stopper le mitage ­ pour un développement durable du milieu bâti (initiative contre le mitage)», en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

11 octobre 2017

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Condensé L'initiative populaire «Stopper le mitage ­ pour un développement durable du milieu bâti (initiative contre le mitage)» veut mettre un terme à l'extension des zones à bâtir et encourager simultanément le développement d'une urbanisation de qualité à l'intérieur du milieu bâti. Le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative.

Contenu de l'initiative L'initiative populaire «Stopper le mitage ­ pour un développement durable du milieu bâti (initiative contre le mitage)» a été déposée le 21 octobre 2016 munie de 113 216 signatures valables. Elle veut mettre un terme à l'extension des zones à bâtir en gelant leur surface totale sans limite de temps. La création de nouvelles zones à bâtir ne serait admise que si une surface d'une taille au moins équivalente et d'une valeur de rendement agricole comparable était déclassée de la zone à bâtir.

Simultanément, la Confédération, les cantons et les communes devraient veiller à créer un environnement favorable à des formes d'habitat et de travail durables et oeuvrer à un développement urbain de qualité à l'intérieur du milieu bâti. En dehors des zones à bâtir, seules les constructions destinées à l'agriculture dépendante du sol et les constructions d'intérêt public dont l'emplacement est imposé par leur destination seraient encore autorisées. Les constructions existantes bénéficieraient de la garantie de la situation acquise et pourraient faire l'objet d'un agrandissement ou d'un changement d'affectation mineurs.

Avantages et inconvénients de l'initiative L'initiative populaire soulève des thèmes importants de l'aménagement du territoire en Suisse. Le but visé, qui est le développement durable de l'urbanisation, est à saluer. Cependant, le gel général et illimité des surfaces de zone à bâtir ne tient pas compte des différences cantonales et régionales. Il pénaliserait les cantons qui ont fait un usage mesuré du sol. Dans certaines régions, la rareté du terrain à bâtir risquerait d'atteindre un degré intolérable, faisant grimper les prix du terrain, avec toutes les conséquences négatives qui s'ensuivraient (p. ex. hausse des prix de l'immobilier résidentiel et de l'immobilier industriel et artisanal). Elle pourrait sévèrement compliquer les implantations d'entreprises, ce qui nuirait à
la compétitivité de la Suisse. L'acceptation de l'initiative limiterait également fortement les possibilités de développement dans l'agriculture. Par ailleurs, les dispositions prévues sur les constructions en dehors des zones à bâtir nécessiteraient d'être interprétées, de sorte que des difficultés seraient à prévoir au moment de leur mise en oeuvre.

Le Conseil fédéral est conscient que les surfaces d'habitat et d'infrastructure augmentent depuis des décennies. Pour contrer cette évolution, les Chambres fédérales ont adopté en 2012 une révision de la loi sur l'aménagement du territoire. Les mesures sévères qu'elle contient ont été approuvées en votation populaire; leur mise en oeuvre est en cours. Il n'est pas opportun de modifier une nouvelle fois les cri-

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tères de création de zones à bâtir avant de disposer des premiers chiffres concrets sur les effets de cette révision.

Proposition du Conseil fédéral Par le présent message, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire «Stopper le mitage ­ pour un développement durable du milieu bâti (initiative contre le mitage)».

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte

L'initiative populaire «Stopper le mitage ­ pour un développement durable du milieu bâti (initiative contre le mitage)» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 75, al. 4 à 7 Dans les limites de leurs compétences respectives, la Confédération, les cantons et les communes veillent à créer un environnement favorable à des formes d'habitat et de travail durables dans des structures de petite taille se caractérisant par une qualité de vie élevée et de courts trajets (quartiers durables).

4

Ils oeuvrent à un développement du milieu bâti vers l'intérieur, qui s'accorde avec une qualité de vie élevée et des dispositions de protection particulières.

5

La création de nouvelles zones à bâtir n'est admise que si une autre surface non imperméabilisée d'une taille au moins équivalente et d'une valeur de rendement agricole potentielle comparable a été déclassée de la zone à bâtir.

6

En dehors de la zone à bâtir, seules les constructions et les installations qui sont destinées à l'agriculture dépendante du sol et dont l'emplacement est imposé par leur destination, ainsi que les constructions d'intérêt public dont l'emplacement est imposé par leur destination, peuvent être autorisées. La loi peut prévoir des exceptions. Les constructions existantes bénéficient de la garantie de la situation acquise et peuvent faire l'objet d'un agrandissement ou d'un changement d'affectation mineurs.

7

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «Stopper le mitage ­ pour un développement durable du milieu bâti (initiative contre le mitage)» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 7 avril 20152 et a été déposée le 21 octobre 2016 munie du nombre de signatures requis. Par décision du 29 novembre 2016, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 113 216 signatures valables et qu'elle avait donc abouti3.

L'initiative revêt la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose ni contre-projet direct, ni contre-projet indirect. En vertu de l'art. 97, al. 1, let. a, de la 1 2 3

RS 101 FF 2015 2975 FF 2016 8297

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loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)4, le Conseil fédéral a jusqu'au 21 octobre 2017 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. En vertu de l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a jusqu'au 21 avril 2019 pour recommander au peuple et aux cantons d'accepter ou de rejeter l'initiative.

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité fixés à l'art. 139, al. 3, Cst.: a)

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

b)

elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c)

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

2

Contexte

En vertu de l'art. 75 Cst., la Confédération fixe les principes applicables à l'aménagement du territoire. Celui-ci incombe aux cantons et sert une utilisation judicieuse et mesurée du sol et une occupation rationnelle du territoire (al. 1). La Confédération encourage et coordonne les efforts des cantons et collabore avec eux (al. 2). Dans l'accomplissement de leurs tâches, la Confédération et les cantons prennent en considération les impératifs de l'aménagement du territoire (al. 3).

La révision partielle du 15 juin 2012 de la loi du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT)5 est entrée en vigueur le 1er mai 2014. Elle vise à endiguer le mitage du territoire et, en orientant le développement du milieu bâti davantage vers l'intérieur, à mieux protéger les terres cultivables. Cette première étape de la révision partielle de la LAT (ci-après: LAT 1) est exposée ci-après dans ses grandes lignes.

Le législateur a ajouté dans les buts de la loi (art. 1) le principe fondamental de la séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire, l'orientation du développement de l'urbanisation vers l'intérieur du milieu bâti et la création d'un milieu bâti compact. Il a également complété les principes régissant l'aménagement (art. 3) de façon à réserver à l'agriculture suffisamment de terres cultivables, en particulier les surfaces d'assolement, et à assurer une meilleure utilisation, dans les zones à bâtir, des friches et des surfaces sous-utilisées. La LAT 1 a aussi renforcé les plans directeurs des cantons dans le domaine de l'urbanisation (art. 6, 8 et 8a); désormais, les plans directeurs doivent définir la dimension totale des surfaces affectées à l'urbanisation et leur répartition ainsi que la manière de 4 5

RS 171.10 RS 700

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coordonner l'urbanisation et les transports, de concentrer le développement d'une urbanisation de qualité à l'intérieur du milieu bâti et d'assurer la conformité des zones à bâtir aux conditions de l'art. 15 LAT. Ces conditions ont été sensiblement durcies. Pour pouvoir classer de nouveaux terrains en zone à bâtir, il faut que toutes les possibilités d'utilisation des zones à bâtir réservées aient été épuisées, que les terres cultivables ne s'en trouvent pas morcelées, que la disponibilité des nouveaux terrains soit garantie et que les règles du plan directeur soient mises en oeuvre (art. 15, al. 4, let. b à e). Les cantons doivent adapter leurs plans directeurs aux nouvelles dispositions d'ici la fin avril 2019. Jusqu'à l'approbation de l'adaptation du plan directeur d'un canton, la surface totale des zones à bâtir ne doit pas augmenter dans le canton concerné. À l'échéance de ce délai, aucune nouvelle zone à bâtir ne pourra être créée dans un canton tant que l'adaptation de son plan directeur n'aura pas été approuvée par le Conseil fédéral (art. 38a). Les cantons ont également jusqu'à la fin avril 2019 pour établir une compensation équitable des avantages et inconvénients majeurs résultant des exigences de l'art. 5 LAT. À l'échéance de ce délai, aucune nouvelle zone à bâtir ne pourra être créée tant que le canton ne se sera pas acquitté de cette obligation. Les avantages résultant de mesures d'aménagement sont compensés par une taxe d'au moins 20 %.

En 2012, le peuple et les cantons ont accepté l'initiative sur les résidences secondaires. Depuis, l'art. 75b Cst. limite la part des résidences secondaires à 20 % du parc de logements d'une commune. Dans son message6 concernant la loi fédérale sur les résidences secondaires7, entrée en vigueur au début de 2016, le Conseil fédéral estime que les pertes annuelles de terres cultivables seront ainsi réduites de quelque 2 %.

L'initiative contre le mitage du territoire est à mettre en relation avec une série d'initiatives cantonales. En 2012, les Zurichois ont accepté une initiative sur les terres cultivables qui demandait, sous la forme d'une proposition formulée de manière générale, de protéger les terres cultivables de qualité. En 2016, ils ont rejeté la loi d'exécution, qui prévoyait de compenser les terres cultivables classées en zone à bâtir par
des surfaces de même taille, suivant l'argumentation que le nouveau plan directeur cantonal, conforme aux exigences de la LAT 1 et approuvé par le Conseil fédéral en avril 2015, était suffisant pour protéger les terres cultivables. Dans le canton de Berne, une initiative visant à mieux protéger les terres cultivables sur les plans qualitatif et quantitatif a par ailleurs été déposée en 2014, avant d'être retirée au profit d'un contre-projet adopté par le Grand Conseil, qui prévoit une protection renforcée des surfaces agricoles utiles et en particulier des surfaces d'assolement.

Dans le canton de Thurgovie, enfin, le souverain a approuvé à une large majorité, en février 2017, le contre-projet à une initiative cantonale sur les terres cultivables qui complète la constitution cantonale en y faisant figurer que le canton et les communes veillent au maintien du territoire non urbanisé et prennent des mesures favorables à un développement de l'urbanisation de qualité à l'intérieur du milieu bâti.

Pour conclure, il convient de mentionner la deuxième étape de la révision partielle de la loi sur l'aménagement du territoire. Le projet de révision accompagné de son 6 7

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message devrait être soumis aux Chambres fédérales en 2018. Les dispositions sur la construction hors zone à bâtir, qui déterminent ce qui peut être admis en territoire non constructible, forment la clé de voûte du projet. Il est prévu d'optimiser et de simplifier ces dispositions en tenant compte d'une part des besoins de l'agriculture, en pleine transformation, et d'autre part des particularités régionales, qui requièrent une marge de manoeuvre cantonale. Il est aussi prévu de renforcer non seulement le principe de la séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire, mais aussi la protection des terres agricoles.

3

Buts et contenu

3.1

Buts visés

Comme le révèle son titre, l'initiative veut mettre un terme au mitage du territoire et encourager un développement durable du milieu bâti. Selon les auteurs de l'initiative, le mitage du territoire se reflète dans une faible densité de constructions et une vaste dispersion des habitations, ce qui entraîne une augmentation du volume des transports. Pour lutter contre le mitage, l'initiative propose de promouvoir des formes d'habitat et de travail durables dans des structures de petite taille se caractérisant par de courts trajets. Plus aucun terrain ne pourrait être classé en zone à bâtir sans qu'une surface d'une taille au moins équivalente soit déclassée de la zone à bâtir. En dehors des zones à bâtir, seules les constructions destinées à l'agriculture dépendante du sol et les constructions d'intérêt public dont l'emplacement est imposé par leur destination seraient encore admises.

3.2

Dispositif proposé

L'initiative propose de compléter les trois alinéas de l'art. 75 Cst. par quatre nouveaux alinéas. Selon le nouvel al. 4 de l'art. 75 Cst., la Confédération, les cantons et les communes veillent à créer un environnement favorable à des formes d'habitat et de travail durables dans des structures de petite taille se caractérisant par de courts trajets. Selon le nouvel al. 5, ils oeuvrent à un développement du milieu bâti vers l'intérieur, dans le sens d'une densification qui préserve simultanément une qualité de vie élevée. De l'avis des auteurs de l'initiative, une densification de qualité est l'élément central d'un aménagement durable du territoire.

Le nouvel al. 6 aurait de vastes répercussions. Selon ce nouvel alinéa, la création de nouvelles zones à bâtir ne serait admise que si une surface non imperméabilisée d'une taille au moins équivalente et d'une valeur de rendement agricole comparable était déclassée de la zone à bâtir. L'al. 6 est suivi d'un nouvel al. 7, qui prévoit que seules les constructions et les installations destinées à l'agriculture dépendante du sol et les constructions d'intérêt public dont l'emplacement est imposé par leur destination pourraient encore être autorisées en dehors de la zone à bâtir; la loi pourrait prévoir des exceptions; toujours selon l'al. 7, les constructions existantes bénéficieraient de la garantie de la situation acquise et pourraient faire l'objet d'un agrandissement ou d'un changement d'affectation mineurs.

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3.3

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

Avec les nouveaux al. 4 et 5 de l'art. 75 Cst., l'initiative cherche à promouvoir des formes d'habitat et de travail durables dans des structures de petite taille se caractérisant par de courts trajets (quartiers durables) et une densification de qualité.

L'al. 4 comprend les objectifs généraux visés par les auteurs de l'initiative. Selon eux, les formes d'habitat durables se caractérisent par une utilisation parcimonieuse du sol. Les lieux d'habitation doivent être proches des lieux de travail, assurer la mixité fonctionnelle et être bien desservis par les transports publics. De l'avis des auteurs de l'initiative, la création d'un environnement plus favorable exigée de la Confédération, des cantons et des communes suppose d'éliminer les obstacles aux quartiers durables, comme l'obligation d'aménager des places de stationnement.

D'autres mesures propices à la création d'un environnement favorable sont également citées. On y trouve par exemple l'optimisation des infrastructures, la mise à disposition de surfaces d'habitation à prix abordables et l'encouragement des coopératives d'habitation.

L'al. 5 demande d'oeuvrer à un développement du milieu bâti vers l'intérieur, qui s'accorde avec une qualité de vie élevée et des dispositions de protection particulières. Les auteurs de l'initiative visent ici une densification de qualité. Ils ne veulent cependant contraindre ni les cantons, ni les propriétaires de bâtiments à densifier, et proposent plutôt de créer des incitations par le biais des coefficients d'utilisation ou d'autres instruments. Les mesures de densification devraient tenir compte de la qualité de vie et ne pas porter atteinte aux bâtiments dignes d'être protégés.

Le nouvel al. 6 de l'art. 75 Cst. contient une exigence aux vastes conséquences: l'initiative y demande de geler la surface totale des zones à bâtir à son niveau actuel.

De nouvelles zones à bâtir ne seraient encore admises que si une surface non imperméabilisée d'une taille au moins équivalente et d'une valeur de rendement agricole comparable était déclassée de la zone à bâtir. Pour les auteurs de l'initiative, une compensation des surfaces à l'intérieur d'une même commune serait peu efficace. À long terme, un système de compensation à l'échelle nationale représente selon eux la variante la plus utile. La mise en oeuvre
pourrait se faire de deux manières.8 Dans la première, les réserves de zones à bâtir existantes seraient réparties entre les communes selon le nombre d'emplois existants, le réseau de transports et la croissance démographique prévue. Une seconde possibilité consisterait à instituer une plateforme de négoce des zones à bâtir. La compensation des surfaces serait régie par le mécanisme des prix.

L'al. 6 prévoit que la valeur de rendement agricole potentielle de la surface à déclasser soit comparable à celle de la surface à classer en zone à bâtir. Cette disposition vise à empêcher que la capacité de production agricole diminue. Si la surface à classer en zone à bâtir possède une valeur de rendement supérieure à celle de la surface à déclasser, la surface de terrain à déclasser devrait être plus grande, ce qui ferait diminuer la surface des zones à bâtir. Les auteurs de l'initiative soulignent que 8

Voir l'argumentaire de l'initiative contre le mitage, p. 14, consultable en ligne à l'adresse www.stop-mitage.ch/initiative > Argumentaire (passage en allemand)

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l'inverse ne s'appliquerait pas, car conformément à l'al. 6, la surface à déclasser doit être d'une taille au moins équivalente à celle de la surface à classer.9 À noter encore qu'elle ne doit pas être imperméabilisée non plus, ce qui signifie que les surfaces sur lesquelles sont érigées des constructions ou des installations et les autres surfaces imperméabilisées n'entrent pas en ligne de compte comme surfaces de compensation.

Selon les auteurs de l'initiative, la valeur de rendement agricole serait déterminée sur la base des règles du droit foncier rural, et en particulier du Guide du 26 novembre 200310 pour l'estimation de la valeur de rendement agricole (Guide d'estimation).11 Selon le Guide d'estimation, la valeur de rendement agricole exprimée en francs est calculée sur la base de la qualité du sol et d'autres critères (climat, exposition, déclivité, etc.). D'autres méthodes d'évaluation existent cependant. L'une d'elles, actuellement discutée dans le cadre de la révision du plan sectoriel des surfaces d'assolement, consiste à évaluer la valeur du sol sur la base de sa fonction.

Outre la qualité du sol, cette méthode intègre des facteurs paysagers et écologiques.

En cas d'acceptation de l'initiative, il appartiendrait au législateur de décider quelle méthode d'évaluation est la plus compatible avec le texte de l'initiative et doit être appliquée en priorité.

Les auteurs de l'initiative admettent que le gel des surfaces de zones à bâtir augmenterait la pression s'exerçant en matière de construction hors de la zone à bâtir et que la zone non constructible pourrait servir de subterfuge pour contourner l'al. 6. Pour éviter ce biais, l'al. 7 proposé détermine au niveau constitutionnel les constructions et les installations qui seraient encore autorisées en dehors de la zone à bâtir. Il s'agirait d'une part des constructions et des installations qui sont destinées à l'agriculture dépendante du sol et dont l'emplacement est imposé par leur destination et, d'autre part, des constructions d'intérêt public dont l'emplacement est imposé par leur destination. La loi pourrait prévoir des exceptions.

Le principe d'une agriculture dépendante du sol imposé par l'al. 7 est plus sévère que le droit en vigueur. Conformément à l'art. 34, al. 1, de l'ordonnance du 28 juin 2000 sur l'aménagement du territoire
(OAT)12, les constructions et les installations qui servent à l'exploitation agricole tributaire du sol ne sont pas les seules à pouvoir être autorisées. Peuvent également être déclarées conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et les installations qui servent au développement interne (p. ex. les halles d'engraissement de la volaille) et, dans les parties de la zone agricole désignées à cet effet conformément à l'art. 16a, al. 3, LAT (appelées zones agricoles spéciales), les constructions et les installations nécessaires à une exploitation excédant les limites d'un développement interne (p. ex. les serres pour la production maraîchère avant tout hors sol). Pour autant que certaines conditions soient remplies, il en va de même des constructions et des installations nécessaires à la 9 10 11 12

Voir l'argumentaire de l'initiative contre le mitage, p. 12, consultable en ligne à l'adresse www.stop-mitage.ch/initiative > Argumentaire Annexe à l'ordonnance du 4 octobre 1993 sur le droit foncier rural (ODFR, RS 211.412.110) Voir l'argumentaire de l'initiative contre le mitage, p. 14, consultable en ligne à l'adresse www.stop-mitage.ch/initiative > Argumentaire (passage en allemand) RS 700.1

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production d'énergie à partir de biomasse (p. ex. les installations de biogaz) (art. 16a, al. 1bis, LAT) et des constructions et des installations nécessaires à la détention de chevaux (art. 16abis LAT). Le durcissement que préconise l'initiative est cependant relativisé par les exceptions que la loi pourrait prévoir (al. 7, 2e phrase). Il est difficile de savoir dans quelle mesure ce nouvel alinéa permettrait d'autoriser, par exemple, les installations de biogaz ou les constructions et les installations servant au développement interne, le cas échéant à des conditions plus sévères que selon le droit en vigueur. Ce qui est certain, c'est que les exceptions ne pourraient aller jusqu'à diluer entièrement le principe de la dépendance du sol fixé à l'al. 7.

Sur la question de l'implantation des constructions imposée par leur destination (art. 24 LAT), l'al. 7 diffère du droit en vigueur en ce sens que seules les constructions d'intérêt public pourraient être autorisées. Cette condition supplémentaire est assez vague. Dans l'intérêt d'une exécution uniforme et équitable du droit, la législation d'application devra conférer des contours plus précis à cette exigence. Ici aussi, la loi pourrait prévoir des exceptions (al. 7, 2e phrase). Selon les auteurs de l'initiative, ces exceptions pourraient profiter à des projets d'associations d'utilité publique, à des cabanes de montagne ou à d'autres constructions similaires.

L'al. 7 prévoit de plus que les constructions existantes en dehors de la zone à bâtir bénéficieraient de la garantie de la situation acquise13. Compte tenu de l'orientation générale de l'initiative, on peut admettre que les auteurs de l'initiative ne veulent pas aller au-delà de ce qui découle aujourd'hui déjà de la garantie constitutionnelle de la situation acquise. En vertu de la Constitution, les constructions érigées légalement mais devenues ultérieurement contraires à l'affectation de la zone et encore utilisables conformément à leur destination bénéficient de la garantie de la situation acquise14. Cette garantie inclut le droit d'utiliser ces constructions comme précédemment et le droit de les entretenir dans le cadre de leur durée de vie normale, mais non le droit de les reconstruire15.

En vertu de l'al. 7, les constructions bénéficiant d'une garantie de la situation acquise comme
définie ci-dessus pourraient faire l'objet d'un agrandissement ou d'un changement d'affectation mineurs. En élargissant ainsi la garantie des droits acquis, les auteurs de l'initiative font de toute évidence référence à l'art. 24c, al. 2, LAT, qui dispose que les constructions et installations qui bénéficient de la garantie de la situation acquise peuvent faire l'objet d'une rénovation, d'une transformation partielle, d'un agrandissement mesuré ou d'une reconstruction. L'al. 7 ne reprend que de manière limitée l'élargissement de la garantie des droits acquis qui a été opéré dans la LAT. À la différence de l'art. 24c, al. 2, LAT, l'al. 7 ne mentionne pas la reconstruction. Cette omission serait à interpréter comme un silence qualifié et une interdiction des reconstructions. Les travaux de transformation autorisés vont 13

14 15

Sur la notion de garantie de la situation acquise, voir p. ex. Muggli in Aemisegger/ Moor/Ruch/Tschannen, Commentaire pratique LAT: Construire hors zone à bâtir, Berne, 2017, art. 24c, N 11.

La garantie constitutionnelle de la situation acquise fait partie intégrante de la protection de la bonne foi (art. 9 Cst.) et de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.).

Voir Muggli, in Aemisegger/Moor/Ruch/Tschannen, Commentaire pratique LAT: Construire hors zone à bâtir, Berne, 2017, art. 24c, N 11.

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également moins loin que dans l'art. 24c, al. 2, LAT. Alors que cette disposition autorise des transformations partielles et des agrandissements mesurés, l'al. 7 ne mentionne que des agrandissements et des changements d'affectation mineurs. Il appartiendra au législateur de préciser ce qu'il faut entendre par là et de clarifier la relation entre l'al. 7 et l'art. 24a LAT (changement d'affectation ne nécessitant pas de travaux de transformation), l'art. 24b LAT (activités accessoires non agricoles), l'art. 24d LAT (habitations sans rapport avec l'agriculture et constructions dignes de protection), l'art. 24e LAT (détention d'animaux à titre de loisir) et l'art. 37a LAT (constructions et installations à usage commercial non conformes à l'affectation de la zone). Selon les auteurs de l'initiative, les agrandissements ou les changements d'affectation qui augmenteraient le nombre de bâtiments d'habitation au-delà de ce que requiert l'exploitation agricole proprement dite ne pourraient pas être autorisés.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Appréciation des exigences de l'initiative

Les nouveaux al. 4 et 5 de l'art. 75 Cst. ont pour but de promouvoir des formes d'habitat et de travail durables dans des structures de petite taille se caractérisant par de courts trajets (quartiers durables) et une densification de qualité. L'encouragement du développement durable est aujourd'hui déjà un mandat constitutionnel (voir les art. 2 et 73 Cst.). Le Conseil fédéral définit sa politique en la matière dans la «Stratégie pour le développement durable». Dans la stratégie 2016­19 en cours, les objectifs qu'il a fixés pour le champ d'action «Développement urbain, mobilité et infrastructures» sont de freiner le mitage du territoire et d'assurer un développement de grande qualité à l'intérieur du milieu bâti. La loi sur l'aménagement du territoire contient elle aussi différents principes et objectifs en faveur d'un développement durable du milieu bâti et d'une densification intérieure. Selon l'art. 1, al. 2, let abis, LAT, la Confédération, les cantons et les communes soutiennent par des mesures d'aménagement les efforts qui sont entrepris aux fins d'orienter le développement de l'urbanisation vers l'intérieur du milieu bâti, tout en maintenant une qualité de l'habitat appropriée. L'art. 8a, al. 1, let. c, LAT oblige les cantons à définir dans leur plan directeur la manière de canaliser le développement d'une urbanisation de qualité à l'intérieur du milieu bâti. Dans son rapport16 établi en réponse au postulat von Graffenried n° 14.3806, le Conseil fédéral parvient à la conclusion que les cantons et les communes disposent de la marge de manoeuvre nécessaire pour mettre en oeuvre et promouvoir le développement d'une urbanisation interne. Dans le cadre du «programme d'impulsion destiné au développement vers l'intérieur», la Confédération soutient financièrement les efforts entrepris dans ce sens pendant la période 2016­ 2020. Toujours à ce chapitre, il convient de mentionner la Politique des agglomérations 2016+, les projets-modèles pour un développement territorial durable et les Programmes Quartiers durables. Le Conseil fédéral estime dès lors que le droit en vigueur tient déjà compte des objectifs formulés par les nouveaux al. 4 et 5.

16

À consulter à l'adresse www.parlement.ch > 14.3806 > Rapport en réponse à l'intervention parlementaire.

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Les auteurs de l'initiative sont d'avis que le mitage n'est pas stoppé efficacement malgré l'adoption de la LAT 1 et l'acceptation de l'initiative sur les résidences secondaires. À les en croire, la faiblesse de la LAT 1 est d'axer l'approche sur la demande: quand le besoin en terrain à bâtir augmente, du terrain supplémentaire est classé en zone à bâtir. Ils ajoutent que les cantons peuvent de surcroît diluer les intentions du législateur en choisissant le scénario d'évolution démographique utilisé pour calculer leurs besoins. Ils en concluent que la surface totale des zones à bâtir doit être gelée, et pour une durée illimitée (nouvel al. 6). De l'avis du Conseil fédéral, une mesure aussi sévère ne tient pas compte adéquatement de l'évolution démographique, du développement économique et des situations propres à chaque canton ou région. Il l'avait déjà fait remarquer dans son message relatif à l'initiative populaire «De l'espace pour l'homme et la nature (initiative pour le paysage)»17, qui demandait un moratoire de vingt ans sur les zones à bâtir. Certes, le Conseil fédéral est conscient que tant la surface d'habitat et d'infrastructure que la surface consommée par habitant se sont accrues. Outre les aires de bâtiments (y c. les terrains attenants), la surface d'habitat et d'infrastructure englobe toutes les autres infrastructures utilisées pour se loger et travailler, pour les loisirs et la mobilité. Les espaces verts utilisés comme lieux de détente (p. ex. les parcs publics) en font également partie. Les aires de bâtiments et les aires industrielles et artisanales occupent en tout près de 60 % des surfaces d'habitat et d'infrastructure. Les surfaces de transport en représentent à peine un tiers. La surface d'habitat et d'infrastructure s'étend sur 7,5 % du territoire suisse. Sur le Plateau, sa part est plus de deux fois plus élevée (16,0 %) qu'en moyenne nationale. Au début des années 80, la surface consommée par habitant était de 387 m2. Selon la dernière statistique de la superficie (2004/09), elle s'élève aujourd'hui à 407 m2. Le seuil de 400 m2 par habitant qui avait été fixé comme plafond par le Conseil fédéral dans la Stratégie pour le développement durable 2012­15 a donc été franchi. Face à cette évolution, les Chambres fédérales ont mis sous toit la LAT 1 en 2012. Le peuple a approuvé
par référendum du 3 mars 2013 les mesures sévères qu'elle contient. Entrée en vigueur le 1er mai 2014, la LAT 1 est en cours de mise en oeuvre. Les travaux dans les cantons sont très avancés (état au 20 septembre 2017): le Conseil fédéral a déjà approuvé huit plans directeurs cantonaux (AG, BE, BS, GE, LU, SZ, UR, ZH); six autres sont en cours d'examen (AI, NW, SG, SO, TG, VD), cinq ont franchi l'étape de l'examen préalable (AR, BL, GR, VS, ZG) et quatre s'y trouvent encore (JU, NE, SH, TI). Les cantons ont jusqu'à fin avril 2019 pour adapter leurs plans directeurs aux nouvelles restrictions.

Tant que son plan directeur n'a pas été approuvé, un canton n'a pas le droit d'augmenter la surface totale de ses zones à bâtir. À compter du 1er mai 2019, aucune nouvelle zone à bâtir ne pourra être créée dans un canton tant que l'adaptation de son plan directeur n'aura pas été approuvée par le Conseil fédéral (voir l'art. 38a LAT). Parallèlement à l'adaptation de leurs plans directeurs, les cantons doivent aussi modifier leurs législations, en vue notamment d'appliquer l'art. 5 LAT (taxe sur la plus-value) et l'art. 15a LAT (disponibilité des terrains constructibles). Les cantons ont jusqu'à fin avril 2019 au plus tard pour satisfaire aux exigences de l'art. 5 LAT. À l'échéance de ce délai, aucune nouvelle zone à bâtir ne pourra être

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créée dans un canton ne satisfaisant pas aux exigences de l'art. 5 (voir l'art. 38a, al. 5, LAT).

Il n'est actuellement pas possible de dire de combien la consommation de sol sera freinée par la LAT 1. Les prescriptions des plans directeurs doivent dans un premier temps être transposées dans les plans d'affectation des communes, opération qui prendra un certain temps. Les premiers chiffres dont pourront être tirés d'importants éléments de réponse devraient être disponibles en 2022. Il s'agit d'une part des chiffres de la statistique de la superficie. Si les résultats du relevé 2013/18 en cours sont déjà connus pour la Suisse occidentale, les chiffres de toute la Suisse ne seront pas disponibles avant 2021 au plus tôt. D'autre part, la statistique 2022 des zones à bâtir permettra d'évaluer l'évolution de la situation entre 2017 et 2022. Bien que les données statistiques manquent encore en partie, il apparaît que la LAT 1 déploie déjà des effets dans différentes directions. Au nombre de ces effets, on citera par exemple des déclassements, l'établissement de zones réservées pour préserver les surfaces qui se prêtent à un déclassement, la désignation de territoires qui se prêtent à une densification, des prescriptions obligatoires concernant les densités minimales ainsi que des guides et des recueils de bonnes pratiques dans le domaine du développement durable à l'intérieur du milieu bâti.

Au vu de la réorientation amorcée et de la mise en oeuvre en cours de la LAT 1, le Conseil fédéral est d'avis qu'il n'est pas nécessaire d'adopter de nouvelles règles sur la création de zones à bâtir. Une telle procédure pourrait même se répercuter défavorablement sur la collaboration entre la Confédération et les cantons.

En ce qui concerne la construction hors de la zone à bâtir, l'al. 7 proposé fixe dans la Constitution les constructions et les installations admissibles. Dans le domaine de l'agriculture, l'initiative renvoie les constructions et les installations destinées à l'exploitation agricole indépendante du sol dans la zone à bâtir. Certes, la loi pourrait prévoir des exceptions (al. 7, 2e phrase). L'agriculture n'en serait pas moins fortement limitée dans ses possibilités de développement. Du point de vue du Conseil fédéral, la réglementation actuelle a fait ses preuves: elle autorise les constructions
et installations destinées à une production mineure non dépendante du sol (développement interne) et prévoit des zones spéciales dans la zone agricole (zones agricoles spéciales) pour les constructions et installations dépassant le cadre du développement interne. Dans le droit en vigueur déjà, conformément au principe de concentration, les zones attribuées à ces utilisations spéciales doivent jouxter la zone à bâtir.

Contrairement à la législation actuelle, l'al. 7 prévoit que les constructions et installations hors zone à bâtir bénéficiant de la garantie de la situation acquise ne pourraient faire l'objet que d'un agrandissement ou d'un changement d'affectation mineurs. Il appartiendrait au législateur de préciser dans quelle mesure cette disposition restreindrait les possibilités de construction ménagées par le droit en vigueur (voir ci-dessus le ch. 3.3).

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4.2

Conséquences en cas d'acceptation

En cas d'acceptation de l'initiative, la Confédération, les cantons et les communes seraient tenus de créer un environnement favorable à des quartiers durables (al. 4).

Les auteurs de l'initiative énumèrent une série de mesures et d'instruments au service de cet objectif, comme la mise à disposition de surfaces de logement à prix abordables grâce à une politique foncière active des pouvoirs publics, l'encouragement des coopératives d'habitation et l'élimination de divers obstacles, telle l'obligation d'aménager des places de stationnement.

L'al. 5, qui vise le développement du milieu bâti vers l'intérieur, recouvre très largement l'orientation de la LAT 1 (voir ci-dessus le ch. 4.1). Les auteurs de l'initiative soulignent que ni les cantons ni les propriétaires n'auraient l'obligation de densifier.

Le gel des surfaces de zones à bâtir prévu à l'al. 6 aurait de larges répercussions.

Les classements en zone à bâtir ne seraient possibles que si ailleurs, simultanément, une surface d'une taille au moins équivalente et d'une valeur de rendement agricole comparable était déclassée. Si un système de compensation paraît réalisable à l'échelle d'une commune ou même d'un canton, sa faisabilité au-delà des frontières cantonales relève de l'inconnu. Le législateur, tenu de créer un système de compensation applicable, jouerait un rôle déterminant. Les cantons ayant beaucoup de zones à bâtir non construites devraient, si nécessaire, être obligés de céder une part de leurs réserves à d'autres cantons. L'initiative pour le paysage prévoyait elle aussi un moratoire ­ d'une durée de vingt ans ­ sur les zones à bâtir. Dans son message18, le Conseil fédéral relevait que là où la demande en zones à bâtir est forte, le développement de l'urbanisation vers l'intérieur du milieu bâti est aussi souvent très avancé.

En cas d'échange insuffisant des réserves au-delà des frontières régionales et cantonales, la rareté du terrain à bâtir dans ces régions deviendrait telle qu'elle dépasserait les limites du tolérable et ferait grimper les prix de l'immobilier, avec toutes les conséquences négatives qui s'ensuivraient (p. ex. hausse des coûts de l'immobilier résidentiel et de l'immobilier industriel et artisanal). L'offre de terrain pourrait devenir si faible que les nouvelles entreprises pourraient avoir de la peine à
trouver des sites d'implantation adéquats. Il faudrait s'attendre à voir de plus en plus d'entreprises s'installer à l'étranger plutôt qu'en Suisse.

En ce qui concerne la construction hors zone à bâtir, l'acceptation de l'initiative aurait notamment de profondes répercussions sur l'agriculture. Les constructions et les installations destinées à la production indépendante du sol ne seraient en principe plus admissibles dans la zone agricole. La limitation du nombre de constructions et installations dont l'emplacement est imposé par la destination qui pourraient être autorisées dépendrait de la façon dont serait interprété l'intérêt public visé à l'al. 7 et des exceptions qui seraient autorisées. Quant aux constructions bénéficiant de la garantie de la situation acquise, les possibilités de les transformer seraient sensiblement réduites.

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4.3

Avantages et inconvénients

L'encouragement d'une urbanisation de qualité à l'intérieur du milieu bâti est à saluer du point de vue de l'aménagement du territoire. Comme on l'a vu pourtant, une modification de la Constitution ne s'avère pas nécessaire.

L'initiative met un terme à l'extension des zones à bâtir. Simultanément, elle renforce la protection des terres agricoles et limite la consommation de sol par habitant.

Elle ne stopperait toutefois pas le mitage dans certaines régions, et l'accentuerait même, notamment si l'activité de construction se déplaçait vers des zones à bâtir situées en périphérie ou inadéquates, à la suite du gel des surfaces de zones à bâtir.

De plus, contrairement au droit en vigueur (voir l'art. 15, al. 2, LAT), le texte de l'initiative n'impose pas de réduire les zones à bâtir surdimensionnées.

Le défaut principal de l'initiative réside dans le gel indifférencié des zones à bâtir qu'elle exige. Les cantons et les communes qui ont fait un usage mesuré du sol et qui ont créé des zones à bâtir adaptées à leurs besoins seraient fortement limités dans leurs possibilités de développement. Inversement, les régions ayant des zones à bâtir surdimensionnées ou inadéquates pourraient même profiter du gel des zones à bâtir.

La question de la faisabilité au niveau suisse d'un mécanisme de compensation tenant compte des besoins de la population et de l'économie reste entière. Enfin, en cas d'échange insuffisant des réserves de zones à bâtir au-delà des frontières cantonales et régionales, la rareté du terrain dans certaines régions deviendrait telle qu'elle dépasserait le seuil du tolérable, avec toutes les conséquences négatives qui s'ensuivraient.

Les surfaces à déclasser doivent être non imperméabilisées et avoir au moins la même valeur de rendement agricole que les surfaces à classer en zone à bâtir. Si la valeur de rendement est plus faible, une surface plus grande devrait être déclassée.

Les effets déjà sévères du gel prévu des zones à bâtir seraient encore accentués.

Au moment de la création de zones à bâtir, toutes sortes d'objectifs, de principes et d'exigences sont à prendre en compte. L'initiative accorde trop de poids à la capacité de production agricole. Ce faisant, elle porte trop peu d'attention au fait que les exigences à remplir pour classer des terres cultivables de haute qualité
(appelées surfaces d'assolement) en zone à bâtir sont déjà très élevées dans la législation en vigueur (voir l'art. 30, al. 1bis, OAT).

Sous l'effet du texte de l'initiative, les constructions et installations destinées à l'agriculture indépendante du sol devraient en principe trouver place dans la zone à bâtir. L'agriculture serait ainsi fortement touchée. Il n'est pas sûr non plus ­ et il le sera encore moins en cas de gel des zones à bâtir ­ qu'il restera suffisamment de zones à bâtir adéquates pour accueillir des installations de production animale ou végétale indépendantes du sol.

Les dispositions prévues sur les constructions en dehors des zones à bâtir nécessiteraient d'être interprétées à différents égards, de sorte que des difficultés seraient à prévoir lors de leur mise en oeuvre.

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4.4

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Le Schéma de développement de l'espace communautaire (SDEC), l'Agenda territorial qui lui fait suite et le Livre vert sur la cohésion territoriale forment le cadre d'orientation de la politique de l'Union européenne dans le domaine de l'aménagement du territoire. La Suisse prend part activement aux discussions sur le développement du territoire européen. De plus, elle participe à différents programmes de la Coopération territoriale européenne (CTE). Le développement territorial s'est vu accorder une plus grande importante dans le Traité de Lisbonne. Celui-ci souligne pour la première fois explicitement la nécessité de la cohésion territoriale à l'intérieur de l'Europe.

L'approche politique du développement territorial en Europe n'est pas uniquement le fait de l'Union européenne. D'autres instances s'en préoccupent aussi. On citera par exemple le Conseil de l'Europe, qui a adopté en 2000 les Principes directeurs pour le Développement territorial durable du Continent européen (CEMAT).

En octobre 2016, la Suisse a pris part à la 3e Conférence des Nations Unies sur le logement et le développement urbain durable (Habitat III), à Quito (Équateur). En adoptant le «Nouveau Programme pour les villes», la communauté des États a réitéré son engagement en faveur d'un développement urbain durable.

Les modifications proposées par l'initiative sont compatibles avec les démarches effectuées au niveau international.

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Conclusions

L'initiative soulève d'importantes questions concernant l'aménagement du territoire en Suisse. Néanmoins, le gel général et illimité des surfaces de zones à bâtir ne tient pas compte des différences cantonales et régionales. L'initiative ne constitue pas le bon instrument pour lutter contre le mitage du paysage. Elle aurait même tendance à l'aggraver dans les régions qui comptent des zones à bâtir surdimensionnées ou inadéquates. En outre, elle pénalise les cantons qui ont fait un usage mesuré du sol.

Dans certaines régions, la rareté du terrain constructible deviendrait telle qu'elle dépasserait le seuil du tolérable et ferait grimper les prix du terrain et les loyers. Les implantations d'entreprises pourraient devenir difficiles, ce qui nuirait à la compétitivité de la Suisse. Enfin, l'acceptation de l'initiative se ferait fortement ressentir dans l'agriculture, et les possibilités de transformation des constructions en dehors des zones à bâtir seraient sensiblement limitées.

Face à la forte croissance de la surface d'habitat et d'infrastructure observée depuis des décennies, les Chambres fédérales ont réagi en adoptant en 2012 la LAT 1. La mise en oeuvre des mesures sévères qu'elle contient est en cours. Il n'est pas opportun de modifier une nouvelle fois les critères de création de zones à bâtir avant de disposer des premiers chiffres concrets sur les effets de la révision.

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Le Conseil fédéral propose donc aux Chambres fédérales, par le présent message, de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire «Stopper le mitage ­ pour un développement durable du milieu bâti (initiative contre le mitage)» sans lui opposer de contre-projet direct ni de contre-projet indirect.

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