Garantie de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 9 mai 2017

2017-1309

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Rapport 1

Introduction

En janvier 2013, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de procéder à une évaluation de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée1. En accomplissement de ce mandat, le CPA a identifié et apprécié les bases légales visant à garantir l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation et a analysé la façon dont ces normes étaient appliquées.

Se fondant sur ces travaux, la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a rédigé un rapport, qu'elle a adopté en octobre 20152, en priant le Conseil fédéral de prendre position. Celui-ci a donné son avis le 18 décembre 20153. Estimant que la réponse du Conseil fédéral comportait des lacunes concernant certains points, la CdG-E lui a demandé de fournir des informations complémentaires sous forme d'une nouvelle prise de position. Les questions de la commission portaient essentiellement sur deux aspects: d'un côté, l'accent mis sur la loi-type concernant les «établissements accomplissant des tâches de surveillance de l'économie ou de la sécurité» et, de l'autre côté, la réponse à la recommandation n o 3 ­ jugée insatisfaisante par la commission ­ laissant entendre qu'il n'existait pas de profils d'exigences pour certaines autorités de surveillance ou de régulation. Le Conseil fédéral a répondu aux différentes questions de la CdG-E par lettre du 17 juin 2016.

Le présent rapport succinct a pour objet l'appréciation des réponses du Conseil fédéral à la lumière des recommandations de la CdG-E.

2

Appréciation des deux avis du Conseil fédéral

Dans son rapport, la CdG-E avait formulé quatre recommandations à l'adresse du Conseil fédéral et lui avait demandé de donner son avis sur ces recommandations.

Dans sa réponse du 18 décembre 2015, le Conseil fédéral s'est dit généralement disposé à accepter les recommandations de la commission, tout en précisant que

1

2

3

Evaluation concernant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée. Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 2.2.2015 (FF 2016 1561).

Garantie de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée. Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 6.10.2015 (FF 2016 1549).

Rapport du 6.10.2015 de la Commission de gestion du Conseil des Etats concernant la garantie de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée. Avis du Conseil fédéral du 18.12.2015 (FF 2016 1603).

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certaines avaient déjà été mises en oeuvre et que d'autres l'avaient été dans une large mesure4.

S'agissant de l'autonomie des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée, il importe de relever à titre préliminaire que l'indépendance de ces entités décentralisées par rapport au Conseil fédéral ne peut pas être absolue: les entités administratives décentralisées assument des tâches de la Confédération qui, précédemment, relevaient de la compétence d'un département. En conséquence, le Conseil fédéral conserve toujours une certaine fonction de surveillance. La seule manière de résoudre ce paradoxe est de trouver le bon équilibre entre les deux intérêts antinomiques que sont la surveillance d'une part et l'indépendance de l'autre. C'est dans ce contexte que les quatre champs conceptuels de l'indépendance, définis par le CPA dans son rapport5, doivent être concrétisés.

2.1

Recommandations 1 et 2 (normes régissant l'indépendance)

Dans sa recommandation 1, la CdG-E avait prié le Conseil fédéral «d'élaborer un concept visant à harmoniser les normes régissant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation»6. Dans sa recommandation 2, elle lui avait demandé de veiller, dans le cadre de futurs projets de loi, «à ce que des normes suffisamment détaillées régissent l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation à tous les niveaux, sur la base d'un concept uniforme»7. Il devait aussi examiner la possibilité de «prévoir explicitement l'indépendance des autorités vis-à-vis de la Confédération et des organismes soumis à la surveillance ainsi que l'obligation, pour les autorités, de se doter d'un dispositif d'autorégulation»8. La CdG-E avait également demandé au Conseil fédéral de faire usage de ses compétences en matière d'édiction d'ordonnances et de surveillance afin de renforcer l'autorégulation de l'indépendance en matière de personnel9.

La CdG-E est d'accord avec le Conseil fédéral lorsqu'il estime, dans sa réponse, qu'en ce qui concerne l'harmonisation des normes régissant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation, une mise en oeuvre immédiate au moyen de larges révisions de lois n'est pas une mesure judicieuse. Il indique que les modifications destinées à garantir l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation seront apportées progressivement dans le cadre de révisions partielles des actes régissant l'organisation des autorités concernées10.

4 5 6 7 8 9 10

FF 2016 1604 s.

Indépendance fonctionnelle, indépendance institutionelle, indépendance en matière de personnel et indépendance financière (cf. FF 2016 1573).

FF 2016 1553 FF 2016 1555 FF 2016 1555 FF 2016 1555 FF 2016 1604 s.

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Renvoyant au rapport sur le gouvernement d'entreprise de 200611, le Conseil fédéral part du principe qu'un concept harmonisé existe déjà. Il est précisé dans ce rapport que les entités exécutant des tâches de surveillance de l'économie ou de la sécurité jouissent d'un «degré poussé d'indépendance» et que les modalités d'exécution «ne sauraient faire l'objet d'un pilotage politique»12. En octobre 2015, la CdG-E avait cependant critiqué le fait que ce rapport, qui était censé garantir un pilotage uniforme des entités devenues autonomes, ne traitait «des autorités de surveillance et de régulation que de façon marginale» et ne pouvait donc pas être considéré comme un concept de base à part entière13.

Dans son avis de décembre 2015, le Conseil fédéral renvoie aussi à deux lois-types élaborées conjointement par l'Administration fédérales des finances (AFF) et par l'Office fédéral de la justice (OFJ): d'abord, la «loi-type concernant des établissements qui fournissent des prestations à caractère monopolistique», publiée en 2012 et actualisée au 1er juillet 201614. Ce modèle de norme porte essentiellement sur la composition et la constitution des organes ainsi que sur les tâches de ces derniers.

Depuis juillet 2016, il existe également une «loi-type concernant des établissements qui exercent une surveillance dans le domaine de l'économie ou de la sécurité» 15.

Dans sa prise de position, le Conseil fédéral estime que cette loi-type régit explicitement non seulement l'indépendance de l'établissement dans l'exercice de ses tâches et dans son organisation, mais aussi son autonomie sur le plan comptable.

Elle définit en outre, selon lui, comment procéder pour le signalement des intérêts et pour le règlement des conflits d'intérêts. Les deux lois-types reposent sur divers principes directeurs énoncés dans le rapport sur le gouvernement d'entreprise. Chacun de ces deux documents a en outre été complété par un commentaire détaillé.

La CdG-E salue cette concrétisation des principes directeurs et constate avec satisfaction que le Conseil fédéral entend prendre au sérieux sa responsabilité en matière de garantie de l'indépendance. Sur le plan formel, les lois-types (ainsi que les commentaires y afférents) sont une base importante dans la perspective de l'harmonisation des projets législatifs demandée par la CdG-E,
même si l'on peut se demander dans quelle mesure elles constituent un concept d'harmonisation au sens de la recommandation 1 de la CdG-E16.

Ci-après, la CdG-E évalue dans quelle mesure l'aspect de l'indépendance a été pris en compte dans les deux lois-types. Dans ce cadre, elle a focalisé son attention sur le projet relatif aux établissements exerçant une surveillance dans le domaine de l'éco-

11 12 13 14 15 16

Rapport du Conseil fédéral sur l'externalisation et la gestion des tâches de la Confédération (Rapport sur le gouvernement d'entreprise) du 13.9.2006 (FF 2006 7799).

FF 2006 7831 FF 2016 1552 Loi-type concernant des établissements qui fournissent des prestations à caractère monopolistique (projet du 1.7.2016).

Loi-type concernant des établissements qui exercent une surveillance dans le domaine de l'économie ou de la sécurité (projet du 1.7.2016).

FF 2016 1553

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nomie ou de la sécurité17, en l'analysant à la lumière des quatre champs conceptuels de l'indépendance que le CPA avait définis dans son rapport18.

Analyse détaillée des lois-types Selon l'art. 1 de la loi-type concernant des établissements qui exercent une surveillance dans le domaine de l'économie ou de la sécurité (ci-après: «loi-type»), l'établissement est doté de la personnalité juridique, règle lui-même son organisation et tient sa propre comptabilité. De l'avis de la CdG-E, tant la personnalité juridique propre qu'une comptabilité distincte représentent des composantes importantes de l'indépendance institutionnelle.

Les membres du conseil d'administration doivent être indépendants et signaler leurs liens avec des groupes d'intérêts au Conseil fédéral, y compris tout changement dans ces liens (art. 5 de la loi-type). Si un membre du conseil d'administration entretient avec un groupe d'intérêt des liens jugés incompatibles avec les activités de l'établissement, il peut être révoqué. Le Conseil fédéral peut aussi avoir recours à la révocation pour d'autres justes motifs. Dans cette même perspective, le Conseil fédéral a modifié l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA) à la fin de l'année 2016 afin de «rendre publics les liens d'intérêts des membres des organes de direction des établissements de la Confédération»19.

Si le fait que les liens avec des groupes d'intérêts soient soumis à un contrôle strict contribue de manière substantielle à garantir l'indépendance personnelle des membres du conseil d'administration, le pouvoir conféré au Conseil fédéral de révoquer des membres du conseil d'administration pour de justes motifs risque d'entrer en contradiction avec l'objectif d'indépendance. La notion des «justes motifs» est développée de manière détaillée dans le commentaire de la loi-type20. La CdG-E est d'avis que le Conseil fédéral ne doit avoir recours à cette clause de révocation qu'en faisant preuve d'une grande prudence et en s'en tenant strictement aux critères définis. Au vu du caractère potentiellement controversé de cette clause, la CdG-E se demande s'il ne serait pas opportun de reprendre au niveau de la loi la définition précise des «justes motifs» évoquée dans le commentaire.

17

18 19 20

Le projet de loi-type ne permet pas de déterminer à quels établissements il s'appliquera en fin de compte. La CdG-E part du principe qu'il est fondé sur la définition des «entités exécutant des tâches de surveillance de l'économie ou de la sécurité» donnée par le Conseil fédéral dans son rapport sur le gouvernement d'entreprise (FF 2006 7828 ss et 7851 ss) et vise donc les mêmes établissements que celui-ci.

FF 2016 1573 Le Conseil fédéral décide d'introduire l'égalité de traitement dans la publication des liens dintérêts, communiqué du Conseil fédéral du 9.12.2016.

Commentaire de la loi-type concernant des établissements qui exercent une surveillance dans le domaine de l'économie ou de la sécurité, p. 16: «Il y a de justes motifs lorsque la poursuite des rapports de travail ne peut plus être raisonnablement exigée en vertu de la bonne foi, par exemple lorsqu'un membre du conseil d'administration ne remplit plus les conditions d'exercice du mandat ou viole gravement ses obligations, ou lorsqu'un conflit d'intérêts durable de ce membre ne peut plus être résolu autrement (voir également la pratique relative à l'art. 337, al. 2, CO). Eu égard à la garantie de l'accès au juge, la révocation doit pouvoir être examinée par les instances juridiques administratives fédérales.

Pour ce faire, il faut compléter l'art. 33, let. b, de la loi sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF), du moins tant que cette norme énumérera des cas individuels au lieu d'englober tous les établissements dans une clause générale.»

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La durée de fonction des membres du conseil d'administration est limitée à quatre ans, une restriction qui favorise l'indépendance de l'autorité sur le plan personnel.

Les conflits d'intérêts doivent être évités et c'est au conseil d'administration qu'il appartient d'en juger et, le cas échéant, d'intervenir (art. 6 de la loi-type). Cette disposition sert l'indépendance de l'autorité.

Il est précisé dans le commentaire de la loi-type que la sélection des membres du conseil d'administration doit s'appuyer «sur le profil d'exigences du Conseil fédéral pour les membres du conseil d'administration ou du conseil d'institut des entités de la Confédération devenues autonomes» (cf. recommandation 3)21. Il y est aussi spécifié que les «directives sur la nomination des cadres supérieurs», entrées en vigueur le 1er janvier 2015 sur recommandation de la CdG-N, ne s'appliquent pas aux unités décentralisées, mais que le Conseil fédéral étudie «l'opportunité d'une réglementation similaire pour les procédures de nomination des organes de direction de ces unités»22. La CdG-E salue cette initiative et suivra avec intérêt les travaux du Conseil fédéral à ce sujet.

Il est aussi prévu dans la loi-type (art. 6) que la conclusion et la résiliation du contrat de travail avec le directeur ou la directrice de l'établissement doivent être approuvées par le Conseil fédéral. Cette disposition est contraire au principe directeur n o 4 énoncé dans le rapport du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise 23. Pour la CdG-E, cette contradiction montre que l'établissement de normes visant à assurer l'indépendance ne repose pas encore sur un concept clair et que, dans la pratique, le rapport de 2006 ne lui sert pas systématiquement de base.

Le Conseil fédéral approuve les objectifs stratégiques fixés par le conseil d'administration (art. 6 de la loi-type). Il est précisé dans le rapport sur le gouvernement d'entreprise que le Conseil fédéral doit user de cette compétence avec prudence, notamment dans le domaine de la surveillance de l'économie ou de la sécurité 24.

L'OFJ et l'AFF estiment toutefois dans leur commentaire que ce droit d'approbation «ne menace pas l'indépendance de l'établissement vis-à-vis d'influences politiques» et «permet au Conseil fédéral de jouer un rôle actif et d'assumer sa responsabilité politique»25. La
CdG-E partage ce point de vue.

Selon la loi-type (art. 11), le financement est assuré soit au moyen d'émoluments, soit par des contributions annuelles de la Confédération. Il est précisé dans le commentaire que, «dans la mesure du possible, les établissements (...) se financent auprès des assujettis par l'intermédiaire d'émoluments, voire de taxes de surveil21 22 23

24 25

Commentaire de la loi-type concernant des établissements qui exercent une surveillance dans le domaine de l'économie ou de la sécurité, p. 14.

Commentaire de la loi-type concernant des établissements qui exercent une surveillance dans le domaine de l'économie ou de la sécurité, p. 14.

FF 2006 7836: «La direction des établissements, composée d'un ou plusieurs membres, est nommée par le conseil d'administration ou d'institut, sous réserve de l'approbation du Conseil fédéral. Cette dernière n'est pas requise pour les entités accomplissant des tâches de surveillance de l'économie ou de la sécurité». Dans son rapport, le Conseil fédéral avait souligné que la renonciation à l'approbation par le Conseil fédéral découlait «de l'indépendance dont ces entités doivent jouir dans l'exécution de leurs tâches concrètes».

Cf. FF 2006 7831 Commentaire de la loi-type concernant des établissements qui exercent une surveillance dans le domaine de l'économie ou de la sécurité, p. 21.

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lance». Cette disposition a tendance à renforcer l'indépendance financière des établissements. L'OFJ et l'AFF précisent que «la loi d'organisation ne réglementera plus à l'avenir le financement général de l'entité proprement dite, mais celui des différentes tâches (ou des domaines de tâches)»26. Cette disposition permet d'accroître la transparence et d'améliorer la vérité des coûts. C'est au cas par cas qu'il faudra déterminer comment un établissement est institué et financé, et si cela est compatible avec l'exigence d'indépendance.

Selon l'art. 21 de la loi-type, l'établissement accomplit ses tâches en toute indépendance. L'indépendance dans l'accomplissement des tâches fait écho à l'indépendance fonctionnelle telle qu'elle a été décrite dans le rapport du CPA. La CdG-E salue le fait que cette indépendance soit désormais explicitement mentionnée dans la loi, comme la commission l'avait demandé dans sa recommandation 2.

Il est en outre prévu à l'art. 22, al. 3, de la loi-type que le Conseil fédéral peut consulter en tout temps les documents relatifs à l'activité de l'établissement et demander des informations supplémentaires à ce sujet. D'un point de vue fonctionnel et institutionnel, on peut se demander dans quelle mesure cette disposition contrarie l'indépendance. Comme le commentaire ne contient aucune justification de principe concernant cette disposition, la CdG-E demande au Conseil fédéral de ne faire usage de ce droit de regard élargi qu'à titre exceptionnel et avec la plus grande retenue. Il serait en outre souhaitable que les limites de ce droit ainsi que les critères devant être remplis afin que le Conseil fédéral puisse y avoir recours soient définis de manière transparente et détaillée.

Appréciation de la CdG-E Dans l'ensemble, la loi-type constitue une bonne base pour la garantie de l'indépendance et répond à plusieurs des recommandations formulées par la CdG-E.

L'indépendance des établissements, en particulier, est désormais explicitement prévue dans la loi. Grâce aux lois-types, les futurs actes normatifs régissant l'autonomie des autorités de surveillance ou de régulation pourront se baser sur une structure uniforme. La CdG-E salue en outre la volonté du Conseil fédéral de réfléchir à l'opportunité d'étendre les directives relatives à la nomination des cadres supérieurs aux
entités décentralisées de l'administration.

La commission constate néanmoins que la loi-type reste très générale. L'indépendance des autorités de surveillance doit être appréciée et évaluée concrètement au cas par cas. Par principe, une certaine prudence est de mise à chaque fois qu'il existe un risque d'abus. En conséquence, la CdG-E invite le Conseil fédéral ainsi que les commissions parlementaires compétentes à accorder à cette question une attention accrue lors de leurs futures activités législatives.

Globalement, la loi-cadre concernant des établissements qui exercent une surveillance dans le domaine de l'économie ou de la sécurité accorde au Conseil fédéral de vastes compétences dans pratiquement tous les domaines (nominations, révocations, contrôle de gestion, surveillance, approbation des objectifs stratégiques et de l'ordonnance sur le personnel, nomination et révocation de l'organe de révision, 26

Commentaire de la loi-type concernant des établissements qui exercent une surveillance dans le domaine de l'économie ou de la sécurité, p. 39.

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approbation du contrat de travail du directeur etc.). Comme les autorités de surveillance et de régulation travaillent dans des domaines relevant de la compétence des départements, il importe, selon le rapport sur le gouvernement d'entreprise, qu'elles puissent opérer indépendamment du département compétent. Dans le cas des autorités de surveillance dans les domaines de l'économie et de la sécurité, l'indépendance politique est un facteur particulièrement important27. La CdG-E constate cependant que certaines dispositions prévues dans la loi-type s'éloignent de ce principe fondamental défini dans le rapport sur le gouvernement d'entreprise, ce qui pourrait entraîner une réduction de l'indépendance visée. Ces conclusions sont, pour l'essentiel, aussi valables pour la loi-type concernant des établissements qui fournissent des prestations à caractère monopolistique. Comme ces établissements n'ont pas pour mission première d'exercer une fonction de surveillance ou de régulation, il n'y a toutefois pas lieu de poursuivre la discussion à ce sujet dans le cadre du présent rapport.

S'agissant des commissions (extraparlementaires) de surveillance et de régulation, la question qui se pose encore est celle des principes en vertu desquels les révisions législatives futures devront être conduites. Il ressort de l'avis du Conseil fédéral de décembre 2015 que les principes du gouvernement d'entreprise sont aussi applicables à ces commissions28. Les lois-types publiées récemment ne semblent pourtant pas s'appliquer à cette catégorie d'autorités.

2.2

Recommandation 3 (profils d'exigences)

Dans sa recommandation 3, la CdG-E avait demandé au Conseil fédéral de s'assurer que des profils d'exigences précis et transparents seraient définis en prévision de la nomination des organes dirigeants des autorités de surveillance et de régulation et d'accorder davantage d'importance aux compétences de pilotage et de surveillance dont il disposait à travers cette nomination29.

Dans sa réponse du 18 décembre 2015, le Conseil fédéral note que la recommandation 3 a été partiellement mise en oeuvre et renvoie à l'art. 8j de l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA) 30. Conformément à cette disposition, qui se rapporte aux établissements de la Confédération31, le Conseil fédéral nomme le conseil d'administration ou le conseil d'institut et établit un profil d'exigences pour chaque organisation au sens de l'art. 8j OLOGA. Selon les avis du Conseil fédéral, cette disposition s'applique toutefois uniquement aux établissements de la Confédération32.

27 28 29 30 31 32

FF 2006 7829 FF 2016 1610 FF 2016 1556

Ordonnance du 25.11.1998 sur l'organisation du gouvernement et de ladministration (RS 172.010.1).

Dans cette catégorie, le CPA a étudié les établissements suivants: FINMA, IPI, IFSN, ASR, SERV et Swissmedic, cf. FF 2016 1566.

FF 2016 1611

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Cette réponse n'a pas été jugée satisfaisante par la CdG-E, car le CPA n'a pas trouvé de profils d'exigences pour certaines autorités de surveillance et de régulation (par ex. pour la ComCom) dans le cadre de ses recherches. Elle a donc demandé au Conseil fédéral de démontrer l'existence de profils d'exigences pour chacune des seize autorités de surveillance et de régulation recensées dans l'évaluation du CPA.

Dans sa deuxième réponse, le Conseil fédéral reprend la distinction faite dans la loi et classe les autorités de surveillance et de régulation en deux catégories: d'une part les «conseils d'administration ou d'institut des établissements de la Confédération» et d'autre part les commissions extraparlementaires. Pour la première catégorie, le Conseil fédéral est tenu, en vertu de l'art. 8j, al. 2, OLOGA, d'établir un profil d'exigences pour les organes de direction, ce qui a été fait dans le cas des différentes autorités (FINMA, IPI, IFSN, ASR, SERV et Swissmedic). L'obligation d'avoir recours au «profil d'exigences du Conseil fédéral pour les membres du conseil d'administration ou du conseil d'institut des entités de la Confédération devenues autonomes» se retrouve d'ailleurs dans le commentaire de la loi-type établi par l'OFJ et l'AFF33.

Le Conseil fédéral estime que cette obligation ne s'applique pas à la deuxième catégorie d'entités que sont les commissions extraparlementaires, ce qui, selon lui, explique l'absence de profils d'exigences pour ce type d'entités, incluant la ComCom. Il renvoie aussi aux dispositions des lois spéciales pertinentes ainsi qu'à l'art. 57c, al. 2, de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)34 en relation avec l'art. 8e OLOGA. Selon le Conseil fédéral, les compétences spécifiquement requises dans chaque cas découlent de la décision d'institution et sont régies par l'art. 8e OLOGA, qui contient un catalogue de conditions relatives au contenu de cette décision. En conséquence, il estime inutile d'établir des profils d'exigences supplémentaires.

Les différentes lois spéciales contenant les bases légales pour l'institution des commissions extraparlementaires (de surveillance et de régulation) régissent essentiellement des questions se rapportant à l'organisation et à la composition de ces autorités. Il y est généralement précisé que
les membres doivent être des experts ou des spéclialistes indépendants n'ayant pas d'instructions à respecter. L'art. 8e OLOGA contient en outre une liste d'éléments supplémentaires devant être réglementés dans la décision d'institution.

Il en résulte quelques conditions spécifiques à respecter lors de l'institution des différentes commissions et autorités. La CdG-E demande malgré tout au Conseil fédéral d'élaborer des profils d'exigences également pour ces autorités, en adéquation avec la mission et l'organisation spécifiques de chacune des entités en question.

Cela se justifie par le fait que les commissions extraparlementaires sont souvent chargées de missions similaires à celles des établissements de la Confédération dans le domaine de la surveillance et de la régulation. En ce qui concerne le contenu, il importera d'y intégrer les exigences résultant des lois spéciales et de l'art. 8e OLOGA. Ces normes n'empêchent en aucune manière le Conseil fédéral d'élaborer 33 34

Commentaire de la loi-type concernant des établissements qui exercent une surveillance dans le domaine de l'économie ou de la sécurité, art. 5, p. 14. Voir aussi ch. 2.1.

Loi du 21.3.1997 sur l'organisation du gouvernement et de ladministration (RS 172.010).

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des profils d'exigences spécifiques, qui sont souhaitables au vu de la fragmentation des différentes conditions. De tels profils d'exigences sont destinés non seulement à augmenter la transparence, mais aussi à garantir l'autonomie des entités en question.

2.3

Recommandation 4 (Sensibilisation)

Finalement, la CdG-E avait demandé au Conseil fédéral de renforcer la sensibilisation à l'indépendance au sein des autorités de surveillance et de régulation et d'examiner les mesures susceptibles d'être prises en ce sens35.

Selon l'avis du Conseil fédéral, de telles mesures relèvent de la compétence propre de chaque commission ou établissement. Elles doivent être prises par les entités elles-mêmes et non par le Conseil fédéral dans le cadre de sa fonction de surveillance36. Le rôle du Conseil fédéral est de créer le cadre juridique et financier ainsi que les conditions en matière de personnel qui permettent le bon fonctionnement de l'unité37.

La CdG-E estime que la sensibilisation au sujet de l'indépendance doit avoir lieu au sein même des organismes concernés. Dans les limites, bien évidemment, des compétences que lui confère la loi, le Conseil fédéral peut y contribuer par exemple au moyen des objectifs stratégiques ou par la discussion avec les représentants des autorités de surveillance ou de régulation. Cela ne limite en rien la liberté des différents organismes de s'organiser comme ils l'entendent. La CdG-E attend du Conseil fédéral qu'il prenne en considération cette recommandation dans ce sens.

3

Suite de la procédure et observations finales

Contrairement à l'avis exprimé par le Conseil fédéral, la CdG-E estime que toutes les recommandations n'ont pas encore été mises en oeuvre de manière satisfaisante.

Du point de vue de la commission, les recommandations 1 et 2 n'ont été réalisées qu'en partie. Il existe maintenant une loi-type qui permettra une harmonisation des futures normes régissant l'autonomie des autorités de surveillance et de régulation et qui fait explicitement mention de l'indépendance de ces autorités. Ce modèle laisse néanmoins au Conseil fédéral une marge de manoeuvre considérable dans la définition du degré d'autonomie accordé aux autorités de surveillance et de régulation.

Même si le rapport sur le gouvernement d'entreprise a, ces dernières années, été complété par des lois-types ainsi que par les commentaires y afférents, la CdG-E continue d'estimer que ces documents ne peuvent pas être considérés comme un concept uniforme d'harmonisation des normes régissant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation. Preuve en est, par exemple, le fait que certaines dispositions des nouvelles lois-types (par ex. nomination du directeur ou approbation des objectifs stratégiques) s'écartent explicitement des principes fondamentaux 35 36 37

FF 2016 1559 FF 2016 1605 FF 2016 1612

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établis dans le rapport sur le gouvernement d'entreprise. Ayant à coeur d'assurer la cohérence des décisions stratégiques futures à prendre par le Conseil fédéral dans ce domaine, la CdG-E réitère donc sa demande au Conseil fédéral d'élaborer un concept transparent qui vienne actualiser, voire remplacer les principes directeurs concernés du rapport sur le gouvernement d'entreprise et qui puisse servir de base aux futures normes régissant l'autonomie des autorités de surveillance et de régulation.

La mise en place d'un concept est aussi justifiée par le fait que les lois-types existantes ne s'appliquent pas à toutes les autorités de surveillance ou de sécurité (elles ne sont notamment pas applicables aux commissions extraparlementaires).

S'agissant de l'autonomie des commissions extraparlementaires, la CdG-E constate que les différentes normes contenues dans la LOGA et dans l'OLOGA n'éliminent pas complètement la nécessité de prendre des mesures, en élaborant également pour ces autorités des profils d'exigences (recommandation 3). Le simple renvoi aux dispositions de la loi et de l'ordonnance est insuffisant.

Pour ce qui est de la recommandation 4, la CdG-E estime en revanche que l'on peut se passer de mesures supplémentaires. Elle n'a d'ailleurs jamais défendu le point de vue selon lequel les mesures de sensibilisation devaient être prises par le Conseil fédéral lui-même, mais continue d'estimer qu'il a l'obligation de créer le cadre juridique nécessaire pour que la sensibilisation puisse effectivement avoir lieu.

Avec le présent rapport, la CdG-E conclut son inspection pour le moment. Elle continuera de suivre attentivement la mise en oeuvre de ses recommandations et rouvrira le dossier pour réaliser un contrôle de suivi dans deux à trois ans.

9 mai 2017

Pour la Commission de gestion du Conseil des Etats: Le président, Hans Stöckli La secrétaire, Beatrice Meli Andres

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Abréviations AFF

Administration fédérale des finances

ASR

Autorité fédérale de surveillance en matière de révision

CdG

Commissions de gestion des Chambres fédérales

CdG-E

Commission de gestion du Conseil des Etats

CdG-N

Commission de gestion du Conseil national

CO

Code des obligations

ComCom

Commission fédérale de la communication

CPA

Contrôle parlementaire de l'administration

FF

Feuille fédérale

FINMA

Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers

IFSN

Inspection fédérale de la sécurité nucléaire

IPI

Institut fédéral de la propriété intellectuelle

LOGA

Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010)

LTAF

Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (RS 173.32)

OFJ

Office fédéral de la justice

OLOGA

Ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010.1)

SERV

Assurance suisse contre les risques à l'exportation

Swissmedic

Institut suisse des produits thérapeutiques

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