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FEUILLE FÉDÉRALE 103e année

Berne, le 12 avril 1951

Volume I

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 28 francs par an; 15 francs pour sis mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'Imprimerie des Hoirs O.-J. Wyss. société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à la révision de la loi sur les stupéfiants (Du 9 avril 1951) Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, le projet de revision de la loi sur les stupéfiants.

I. INTRODUCTION Par arrêté fédéral du 5 juin 1924, la Suisse a adhéré à la convention internationale de l'opium du 23 janvier 1912 (1). La loi du 2 octobre 1924 ( 2 ) sur les stupéfiants, entrée en vigueur le 1er août 1925, permet de satisfaire aux obligations découlant de cette adhésion. Pour diverses raisons, il importe de procéder aujourd'hui à la revision de cette loi, en tenant compte avant tout du développement qu'a pris le contrôle international des stupéfiants. De plus, il y a lieu de tirer parti des expériences qu'a permis de faire l'application de la loi, afin de combler les lacunes constatées et de rapporter les dispositions qui ne sont pas absolument nécessaires.

Les travaux préparatoires, commencés depuis fort longtemps et mentionnés dans le rapport sur la gestion du Conseil fédéral en 1944, tiennent largement compte des suggestions contenues dans le postulat déposé par M. le conseiller national Freimüller, et que le Conseil fédéral avait accepté le 20 juin 1945. Le premier projet de revision a été soumis en automne 1948 aux gouvernements cantonaux et aux autorités sanitaires des cantons, à divers services de l'administration fédérale, aux associations de médecins et de pharmaciens, ainsi qu'aux milieux intéressés de l'industrie et du commerce. Sur le vu des avis exprimés, il a été retouché et a fait l'objet, (*) Arrêté fédéral du ö juin 1924 portant approbation de la convention internationale de l'opium du 23 janvier 1912. KO 41, 691 (2) RO 41, 445 Feuille fédérale, 103e année. Vol. I.

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le 17 décembre 1948, des délibérations d'une commission d'experts comprenant des représentants des mêmes milieux. Le deuxième projet, sorti de ces délibérations, a été mis au point le 16 novembre 1949 par la commission d'experts pour l'application de la loi sur les stupéfiants, élargie de quelques spécialistes. A l'exception de quelques points particuliers (interdiction de la diacétylmorphine, droit des médecins-dentistes de prescrire des stupéfiants), il a rencontré l'assentiment de tous les groupements intéressés.

IL LE CONTRÔLE INTERNATIONAL DES STUPÉFIANTS Dès qu'un organisme appelé à contrôler le mouvement mondial des stupéfiants eut été créé au sein de la Société des Nations, la Suisse a appuyé les efforts tendant à établir, sur le plan international, une réglementation du trafic de ces produits fondée sur les seuls besoins médicaux, et à parer ainsi à leur commerce illicite. Elle a collaboré au développement de cette oeuvre internationale et a bien souvent fait valoir, d'une manière toute générale, le point de vue humanitaire. Elle avait d'ailleurs des intérêts économiques à défendre, l'industrie suisse étant intéressée au premier chef au commerce international des stupéfiants; en effet, nombre de spécialités pharmaceutiques fabriquées dans notre pays et devant être considérées comme des stupéfiants ont acquis, en tant que médicaments, un très grand renom dans le monde.

L'importance de notre collaboration au contrôle international des stupéfiants, collaboration qui nous paraît aujourd'hui indispensable et naturelle, découle du fait que les conventions internationales sont universellement appliquées. C'est ainsi que jusqu'au 30 avril 1949 ont ratifié la convention du: 23 janvier 1912

Etats membres des Nations Unies Autres Etats Total

53 16 69

19 février 1925

44 16 60

13 juillet 1931

53 17 70

Les considérations qui suivent éclairent sur la teneur de chacune de ces conventions et sur notre position à leur égard.

1. La convention internationale de l'opium du 23 janvier 1912 (l) oblige les puissances contractantes à édicter les dispositions et à prendre les mesures permettant de surveiller la production et le commerce de l'opium brut, de l'opium préparé, de l'opium médicinal, en outre de la morphine, de la diacétylmorphine et de la cocaïne, ainsi que des sels de ces substances.

La fabrication et le commerce de ces drogues doivent être limités aux (!) BO 4l, 692

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usages médicaux et licites et seules les personnes et les maisons au bénéfice d'une autorisation officielle peuvent s'y adonner.

L'exportation de l'opium brut à destination des pays qui en ont prohibé l'importation ne doit pas être autorisée. Il doit être mis fin à la fabrication et au commerce de «l'opium préparé» (opium brut propre à la consommation), et l'importation et l'exportation de ce produit doivent être interdites.

Doivent aussi être soumis au contrôle officiel tous les dérivés de la morphine, de la cocaïne, leurs sels, de même que d'autres alcaloïdes de l'opium, s'il ressort de recherches scientifiques, généralement reconnues, qu'ils peuvent entraîner un usage abusif, suivi d'effets nocifs analogues.

Les puissances contractantes s'engagent à édicter des dispositions légales réprimant la possession illicite des stupéfiants que vise la convention.

En outre, elles doivent se communiquer réciproquement leurs textes législatifs et échanger régulièrement tout renseignement d'ordre statistique concernant le trafic des substances dont il s'agit.

Notons que la convention comme telle n'impose aucune obligation formelle; elle ne contient que des recommandations.

L'application de cette convention a rencontré des difficultés, du fait que les puissances signataires ne l'ont pas toutes ratifiée, alors que cette ratification était une condition sine qua non de son entrée en vigueur.

Ce n'est qu'au cours d'une troisième conférence internationale, tenue en 1914, que fut signé un protocole additionnel permettant à chaque puissance ayant ratifié la convention de la mettre en vigueur. La convention put ainsi enfin être appliquée. Ce n'est toutefois par la mention qui en est faite dans le traité de paix de Versailles (article 295) et par l'insertion d'une clause y relative dans le pacte de la Société des Nations (article 23, lettre c) (1) que la convention a pu déployer tous ses effets; un organe permanent de surveillance fut alors institué pour la première fois. Par la suite, la Société des Nations a développé sur cette base le contrôle international du mouvement des stupéfiants, en tentant tout d'abord, par diverses résolutions de l'assemblée générale, de combler les lacunes que présentait la convention de l'opium de 1912.

2. La convention internationale relative aux stupéfiants du 19 février 1925
(2) est l'aboutissement de deux conférences internationales réunies par la Société des Nations. Comparée à la convention de l'opium de 1912, celle de 1925 a élargi le contrôle, en ce sens qu'en plus des substances mentionnées dans l'accord de 1912, elle englobe la feuille de coca, la cocaïne brute et l'ecgonine, de même que le chanvre indien. Elle donne des définitions exactes de toutes les substances. Toutes les préparations d'héroïne ( l ) HO 3«, 667 ( z ) RO 45, 113

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sont soumises au contrôle, même si elles contiennent moins de 0,1 pour cent de ce toxique.

Les préparations contenant des stupéfiants mais qui n'engendrent pas la toxicomanie sont soustraites à la surveillance officielle. La convention de 1925 reprend la disposition de 'celle de 1912, aux termes de laquelle le contrôle doit être étendu aux nouveaux stupéfiants, sous certaines conditions bien déterminées (abus analogues, mêmes effets nuisibles). Les décisions dont il s'agit sont prises selon une procédure que fixe la convention.

Pour que le mouvement international des stupéfiants puisse être contrôlé efficacement, une autorisation officielle est prescrite pour leur importation et exportation.

Particulièrement importante est l'institution du système de l'évaluation des besoins en stupéfiants. Les Etats contractants doivent notamment indiquer, préalablement, pour chaque stupéfiant, les quantités qui leur seront vraisemblablement nécessaires l'année suivante pour couvrir leurs besoins intérieurs. Il incombe au comité central permanent, nouvellement créé, de vérifier ces indications. Le comité central a le droit de demander des précisions au gouvernement d'un pays qui risque de devenir un centre de trafic illicite et, si les renseignements donnés ne sont pas suffisants, d'en informer le conseil de la Société des Nations ; en même temps, il peut recommander aus parties contractantes de suspendre les exportations de stupéfiants à destination du pays dont il s'agit. Celui-ci, comme aussi les puissances contractantes, peuvent porter la question devant le conseil de la Société des Nations.

Enfin, les Etats parties doivent édicter des dispositions pour réprimer les infractions aux prescriptions arrêtées en application de la convention.

Si remarquables que fussent les progrès que permit de réaliser la nouvelle convention par rapport à celle de 1912, le problème, fort compliqué, du contrôle n'était pas encore définitivement réglé.

3. La convention internationale pour limiter la fabrication et réglementer la distribution des stupéfiants du 13 juillet 1931 (1) repose sur la résolution qu'adopta le 24 septembre 1929 l'assemblée de la Société des Nations, résolution qui demandait que des mesures efficaces soient prises en vue de limiter aux besoins médicaux et scientifiques du monde la fabrication des drogues
nuisibles. Cette convention n'abroge pas les deux accords internationaux antérieurs, mais elle les complète sur certains points.

Les définitions habituellement données jusqu'alors de chaque stupéfiant ne sont pas reprises dans la convention de 1931, Les substances qu'elle vise sont désignées par groupes. Aux stupéfiants mentionnés dans les conventions précédentes est ajoutée une série de dérivés alors nouvellement (!) RO 49, 329

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fabriquée, les esters de la morphine, parmi lesquels il faut mentionner des préparations telles que l'eucodal, le dicodide, le dilaudide et l'acédicone.

Un autre groupe réunit des produits non dangereux par eux-mêmes, mais dont on peut tirer des stupéfiants. Un troisième groupe comprend des substances dont la fabrication et l'emploi sont soumis à un contrôle moins étendu. Leur énumération est importante, du fait que les produits non mentionnés ne doivent absolument pas être fabriqués sans autorisation officielle (article 11).

La diacétylmorphine fait l'objet d'une réglementation spéciale. Son exportation ne doit en principe plus être autorisée; si un pays ne fabrique pas de diacétylmorphine mais en a besoin pour des fins médicales ou scientifiques, ce produit peut être envoyé à l'administration officielle du pays, indiquée dans le permis d'importation. L'une des recommandations de l'acte final invite les puissances contractantes à examiner la possibilité d'abolir ou de restreindre l'usage de la diacétylmorphine.

Le régime des évaluations annuelles instauré par la convention de 1925 est élargi. Il n'englobe plus seulement les quantités nécessaires pour couvrir les besoins intérieurs, mais aussi les quantités de stupéfiants destinés à être transformés en d'autres drogues, et à maintenir les stocks de réserve et les stocks d'Etat. Cette extension a eu pour effet d'étendre les attributions du comité central permanent; d'entente avec tout Etat partie, il peut modifier les évaluations ou même les établir s'il a été omis d'en fournir.

L'ensemble des évaluations annuelles représente les besoins médicaux et scientifiques du monde en stupéfiants.

Aux termes de l'article 6 de la convention de 1931, la quantité de chaque stupéfiant qu'un Etat membre peut fabriquer au cours d'une année est limitée à celle qui lui est nécessaire pour ses besoins intérieurs et pour l'exportation. En confrontant les évaluations avec les importations et exportations des divers pays, le comité central peut constater s'il y a dépassement et, le cas échéant, empêcher toute nouvelle exportation à destination du pays en cause. Sur le vu du bilan annuel qu'il dresse luimême, le comité central peut demander des précisions par l'entremise du secrétariat de la Société des Nations au pays qui ne satisfait pas à ses obligâtions. Les
Etats contractants veillent eux-mêmes à ce que les stocks de matières premières en possession des fabricants ne dépassent pas les quantités nécessaires aux besoins normaux d'un semestre. En outre, les fabriques et les maisons de commerce sont tenues de fournir régulièrement des rapports. Les parties contractantes doivent se communiquer réciproquement leurs lois et règlements donnant effet à la convention et se renseigner au sujet des cas notoires de trafic illicite.

Cette brève récapitulation des caractéristiques des diverses conventions internationales que la Suisse a ratifiées ne motive pas leurs dispositions.

Des précisions ont été données sur ce point par les messages adressés aux

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chambres à l'appui des propositions d'approbation de ces conventions, messages qui renseignent aussi sur les débats auxquels elles ont donné lieu (i).

4. La convention internationale pour la répression du trafic illicite des drogues nuisibles du 26 juin 1936, dont la recommandation V de la convention de 1931 demande la conclusion dans le plus bref délai et qui est entrée en vigueur le 26 octobre 1939, se fonde sur les travaux préparatoires de la commission internationale de police criminelle. En plus du chapitre 11 I, le message spécial que nous vous adresserons prochainement au sujet de l'approbation de cette convention renseignera quant à sa teneur.

5. Le contrôle des stupéfiants par les Nations Unies.

a. Le protocole amendant les conventions internationales sur les stupéfiants, du 11 décembre 1946 ( 2 ) -- Par une résolution du 16 février 1946, l'assemblée générale des Nations Unies a déclaré que l'application des conventions internationales sans caractère politique qui incombait jusqu'alors aux organes de la Société des Nations doit être assumée par les Nations Unies. L'assemblée de la Société des Nations s'étant ralliée à cette décision par une résolution adoptée le 18 avril 1946 (3), le secrétariat général des Nations Unies a institué une division spéciale des stupéfiants et a pris les mesures nécessaires pour que le comité central permanent et l'organe de contrôle puissent poursuivre les travaux. Le conseil économique et social, qui avait été chargé de surveiller l'application des conventions internationales relatives aux stupéfiants, a constitué une commission des stupéfiants, dans laquelle, sur son invitation, les pays indiqués ci-après ont délégué des représentants: Egypte, Canada, Chine, France, GrandeBretagne, Inde, Iran, Yougoslavie, Mexico, Pays-Bas, Pérou, Pologne, Union des Républiques socialistes soviétiques, Turquie et Etats-Unis de l'Amérique du Nord.

Le protocole sur les stupéfiants, approuvé le 11 décembre 1946 par l'assemblée générale des Nations Unies, contient les statuts de l'organisation ainsi créée. Il complète les conventions internationales en vigueur, (1) Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 8 février 1924 demandant l'approbation de la convention internationale de l'opium du 23 janvier 1912; FF 1924, I, 205; Message du Conseil fédéral à l'Assemblée
fédérale du 5 décembre 1927 demandant l'approbation de la convention internationale relative aux stupéfiants conclue, à Genève, le 19 février 1925; FF 1927, II, 537; Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 19 septembre 1932 sur la convention internationale pour limiter la fabrication et réglementer la distribution des stupéfiants, du 13 juillet 1931; FF 1932, II, 517.

( a ) Protocole amendant les accords, conventions et protocoles sur les stupéfiants, du 11 décembre 1946. RO 63, 1362 ( s ) Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la XXIe session de l'assemblée de la Société des Nations (du 19 août 1946). FF 1946, II, 1177

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en chargeant les institutions des Nations Unies d'exercer les fonctions et les pouvoirs attribués précédemment aux organes de la Société des Nations. Pour cela, il amende certaines dispositions les concernant. H récapitule en annexe les articles des diverses conventions ainsi modifiées.

Il est stipulé dans le protocole que les Etats parties prennent l'engagement d'attribuer plein effet juridique aux modifications qu'il a été convenu d'apporter aux instruments mentionnés dans l'annexe audit protocole et de les introduire dans leur législation nationale. Tous les Etats qui ont ratifié l'une des conventions internationales sur les stupéfiants et qui ont reçu le protocole peuvent y adhérer.

L'annexe au protocole mentionne par le détail les amendements devant être apportés aux accords, conventions et protocoles. En voici les particularités : l'examen des nouvelles préparations incombe à l'Organisation mondiale de la santé (articles 8 et 10 de la convention de 1925; article 11 de la convention de 1931). L'organe de contrôle (article 5 de la convention de 1931) chargé d'examiner les évaluations est constitué sur une nouvelle base; il comprend quatre membres, dont deux sont nommés par l'Organisation mondiale de la santé et deux, de part et d'autre,, par la commission des stupéfiants et par le comité central permanent.

Les modifications touchant les diverses conventions internationales, spécifiées dans l'annexe au protocole, sont entrées en vigueur à la date à laquelle la majorité des Etats qui ont adhéré à ces instruments l'eurent signé, c'est-à-dire le 3 février 1948 pour la convention de 1925, le 21 novembre 1947 pour celle de 1931 et le 10 octobre 1947 pour celle de 1936. Le protocole lui-même déploie ses effets, pour chaque Etat partie, dès le jour où il l'a signé ou déposé un instrument d'acceptation.

Conformément à l'arrêté du Conseil fédéral du 11 juillet 1947, la déclaration d'adhésion de la Suisse a été déposée au secrétariat général des Nations Unies le 25 septembre 1947. Le protocole a donc déployé ses effets dès cette date pour notre pays. Il est satisfait depuis lors aux obligations qui en découlent.

La Suisse pouvait participer aux pourparlers touchant aux stupéfiants qui se déroulaient sous l'égide de la Société des Nations. Aujourd'hui il ne lui est plus possible de prendre part
directement à de telles délibérations, du fait que, n'étant pas membre de l'organisation des Nations Unies, elle n'a pas été invitée à désigner un représentant dans la commission des stupéfiants. Notons cependant que le conseil économique et social a comblé en 1948 une vacance au comité central permanent en faisant appel à un Suisse, le Dr H. Fischer, professeur à Zurich. Ledit comité l'a délégué comme son représentant dans l'organe de contrôle.

5. Le protocole plaçant sous contrôle international les stupéfiants synthétiques, du 19 novembre 1948 -- Sur la proposition de la commission des

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stupéfiants, les organes compétents des Nations Unies ont établi, en 1948, un protocole complétant la convention internationale de 1931, protocole aux termes duquel les stupéfiants synthétiques sont également soumis aux effets de la convention. Les Etats adhérant à ce protocole s'engagent à signaler au secrétariat général, à l'intention des autres parties contractantes et de la commission des stupéfiants, les nouvelles drogues pouvant provoquer les mêmes abus et avoir les mêmes effets que les stupéfiants mentionnés dans la convention de 1931. Si le comité d'experts constitué par l'Organisation mondiale de la santé constate qu'une telle drogue peut engendrer la toxicomanie, la commission des stupéfiants indique les dispositions de la convention qui doivent être appliquées. Dès que les Etats parties ont reçu notification de cette décision, ils sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour surveiller le commerce de la drogue visée.

L'assemblée générale des Nations Unies, siégeant à Paris, a approuvé ce protocole le 8 octobre 1948. Il a été ouvert à la signature des Etats, en cette ville, le 19 novembre 1948. Par un arrêté du 5 novembre 1948, le Conseil fédéral a répondu à l'invitation qui lui a été adressée de signer ce document. Il en chargea un délégué, qui le fit toutefois sous réserve expresse d'acceptation ultérieure. Il ne pourra en effet être satisfait à l'obligation de contrôler les stupéfiants synthétiques que lorsque notre législation aura été complétée dans ce sens.

Le protocole est entré en vigueur le 1er décembre 1949, après que 25 Etats l'eurent signé.

c. Le développement depuis lors du contrôle international des stupéfiants -- La commission des stupéfiants du conseil économique et social des Nations Unies a pris, au cours de sa 4e session, (16 mai au 3 juin 1948), diverses décisions de grande portée pour le contrôle international dans l'avenir.

H est prévu de limiter tout d'abord la culture du pavot. Les pays producteurs ont été invités à se mettre d'accord à cette fin. Lors de pourparlers qui eurent lieu à Ankara du 21 novembre au 7 décembre 1949, les représentants de l'Inde, de l'Iran, de la Turquie et de la Yougoslavie sont convenus en principe de limiter la culture du pavot, placée sous le contrôle de l'Etat, aux besoins médicaux du monde en opium. Ils sont aussi parvenus
à une entente en ce qui concerne les contingents attribués à leur pays; notons à ce propos que les Etats ayant pris part à la conférence produisaient jusqu'ici approximativement 90 pour cent de l'opium brut contrôlé; enfin, on s'est accordé à recommander que le monopole d'Etat de l'opium brut, déjà existant, doit être maintenu, même après l'institution du système du contingentement international.

En donnant connaissance des résultats auxquels elle a abouti, la conférence d'Ankara a proposé à la commission des stupéfiants des Nations Unies d'instituer un organisme international qui prendrait à sa charge toute la production contingentée de l'opium brut et la revendrait aux pays

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fabricants, en s'en tenant aux quantités dûment annoncées pour couvrir leurs besoins. Un autre organisme international devrait procéder aux enquêtes nécessaires à cette fin, fixer les contingents de fabrication et les surveiller. La commission des stupéfiants a soumis ces propositions à une conférence des représentants des pays producteurs et fabricants, qui a siégé à Genève du 7 au 28 août, puis à New York du 14 au 30 novembre 1950 ; elle se réunira, encore une fois en avril 1951 probablement, à Genève pour terminer l'examen du projet d'une nouvelle convention internationale concernant la limitation de la production de l'opium. La commission des stupéfiants croit qu'elle pourra déjà s'entretenir de la nouvelle convention dans sa session de 1951 et la soumettre ensuite pour avis aux gouvernements intéressés.

La commission des stupéfiants des Nations Unies a en outre suggéré de réunir dans une nouvelle convention les accords et protocoles internationaux actuellement en vigueur et de créer ainsi un instrument uniforme, simple et parfaitement efficace. Les travaux préparatoires en sont confiés au secrétariat des Nations Unies. Il ne faut toutefois guère s'attendre à ce que ladite convention entre en vigueur avant 6 ou 8 ans.

Quant au fond, la nouvelle convention reprendra les principes des divers accords en vigueur, y compris le protocole du 8 octobre 1948, qui institue le contrôle des stupéfiants synthétiques, et l'arrangement portant sur la limitation de la culture du pavot.

La nouvelle convention innovera considérablement par des modifications d'ordre administratif. C'est ainsi qu'il est prévu d'instituer deux organes de contrôle en lieu et place des trois qui fonctionnent actuellement, en maintenant la commission des stupéfiants et un office de contrôle au sens précis du terme, tout en réunissant leurs secrétariats. Il est envisagé d'apporter des allégements dans l'établissement des rapports que doivent présenter les Etats. Pour cela, on renoncerait à certaines notifications expressément exigées aujourd'hui, on simplifierait les statistiques et fixerait les délais pour leur envoi en tenant mieux compte des conditions du moment.

On pourrait se demander s'il n'y aurait pas lieu de différer la revision de la loi sur les stupéfiants et d'attendre que cette convention soit élaborée, aux fins
d'adapter en tous points la loi revisée à la nouvelle convention internationale. Les grandes lignes de la future réglementation internationale sur les stupéfiants sont cependant connues. Comme il s'agit non pas de reprendre textuellement dans la législation nationale les dispositions édictées sur le plan international, mais de s'en tenir simplement aux principes conventionnels et d'en assurer l'application, il n'y a pas lieu d'ajourner la revision de notre loi sur les stupéfiants. Il suffira de tenir compte, dans la rédaction de certains articles, du développement du contrôle international des stupéfiants, tel que nous venons de l'exposer. Des conversations avec les organes compétents des Nations Unies ont d'ailleurs établi

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que le présent projet de loi permettra à notre pays de satisfaire aux obligations découlant de la future convention internationale sans qu'il soit nécessaire de procéder dans la suite à une revision.

Pour la révision immédiate de la loi militent les raisons majeures, exposées dans les deux chapitres qui suivent.

IH. LA LOI SUR LES STUPÉFIANTS ET LES CONVENTIONS LNTEENATIONALES 1. Le terme, «stupéfiant». -- Comme la convention internationale de l'opium de 1912, la loi actuellement en vigueur indique expressément les stupéfiants qu'elle vise, en mentionnant les substances ci-après, définies également dans la convention: l'opium sous toutes ses formes; la morphine et ses sels, de même que les préparations contenant plus de 0,2 pour cent de morphine ; la diacétylmorphine et ses sels, de même que les préparations contenant plus de 0,1 pour cent d'héroïne; la cocaïne et ses sels, de même que les préparations contenant plus de 0,1 pour cent de cocaïne.

Une lacune de la convention de 1912 a été comblée par le fait que la feuille de coca, matière dont est extraite la cocaïne, a été ajoutée aux substances déjà mentionnées. Ainsi donc, il a été tenu compte d'une des adjonctions apportées par la convention de 1925 à la liste des stupéfiants soumis au contrôle.

Ont en outre été nouvellement reconnues comme stupéfiants et définies dans la convention de 1925 l'ecgonine (l'alcaloïde de la coca) et la cocaïne brute, en tant que matière intermédiaire servant à la fabrication de la cocaïne.

L'arrêté du Conseil fédéral du 4 août 1931 ( l ) soumet l'ecgonine au contrôle officiel. La cocaïne brute, dès que, sous forme de préparation, elle contient plus de 0,1 pour cent de cocaïne, est soumise de plein droit à la surveillance des autorités. Pour éviter toute méprise, il convient toutefois, en ce qui concerne les substances dont il s'agit, de créer la concordance entre la loi revisée et les conventions de 1925 et 1931.

' A l'encontre de la convention de 1912, qui limite ses effets à la diacétylmorphine et aux préparations qui contiennent plus de 0,1 pour cent de diacétylmorphine, la convention de 1925 soumet au contrôle ofiîciel, sans exception, toutes les préparations contenant de la diacétylmorphine. La loi en vigueur ne tient pas compte de ce renforcement du contrôle, ce qui, hâtons-nous de le dire, n'a pas eu
jusqu'ici de conséquences, du fait que ces préparations ont peu d'importance sur le marché.

f 1 ) Arrêté du Conseil fédéral du 4 août 1931 étendant le contrôle institué par la loi fédérale du 2 octobre 1924 sur les stupéfiants. KO 47, 487.

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Beaucoup plus marquant est le fait que la convention de 1931 place d'emblée sous la surveillance des autorités les préparations contenant des stupéfiants, sans s'en tenir au pourcentage. C'est là un principe qui doit être observé, si l'on veut éviter que le trafic international ne rencontre des difficultés.

La convention de 1925 a en outre étendu le contrôle officiel au chanvre indien, dont la résine sert à préparer le hachisch. Par mesure de précaution, les autorités surveillent chez nous le commerce du chanvre indien depuis nombre d'années déjà. Si la loi n'a pas été complétée sur ce point jusqu'ici, c'est parce que ce produit est presque ignoré dans notre pays. Mais comme depuis la guerre, il est possible que des troupes étrangères notamment introduisent du hachisch ou du marihuana (sommités fleuries et feuilles du chanvre) dans les pays nous avoisinant, d'où ils peuvent être passés en Suisse, il est indiqué d'insérer le chanvre indien dans la liste des stupéfiants.

La cocaïne est un dérivé de l'ecgonine, alors que la morphine a pour base le noyau du phénanthrène. Ces systèmes chimiques cycliques ou à noyaux de l'ecgonine et du phénanthrène peuvent apparaître dans d'innombrables autres composés, dont la proche parenté chimique avec la cocaïne et la morphine laisse supposer qu'ils ont des effets analogues pouvant provoquer l'accoutumance. C'est ainsi que toute une série de dérivés de cette nature retiennent grandement l'attention en tant que stupéfiants et produits engendrant la toxicomanie. (Par exemple : héroïne = diacétylmorphine, acédicone=acétyldihydrocodéinone, duaudide=:dihydromorphinone). Nombre de composés théoriquement possibles n'ont pas encore été fabriqués jusqu'ici. H se pourrait cependant que, pour une raison ou une autre, les fabricants s'y intéressent dans un avenir plus ou moins rapproché. Il est donc nécessaire de les soumettre au contrôle officiel au moment de leur fabrication déjà et non pas après coup, lorsque les effets nuisibles auront été constatés. Comme ces nouveaux dérivés, qui ne sont pour le moment que prévisibles, ne peuvent pas, chacun en particulier, faire l'objet d'une désignation appropriée, il faut recourir à une nouvelle formule pour désigner les substances soumises au contrôle. C'est ce que fait pour la première fois la convention de 1931, qui groupe et
définit les substances selon leurs effets et leur composition chimique. Le groupe la comprend les drogues, employées en médecine, qui engendrent l'accoutumance: la morphine et ses sels; la diacétylmorphine et les autres esters de la morphine et leurs sels ; la cocaïne et ses sels, ainsi que tous les esters de l'ecgonine et leurs sels; la dihydrooxycodéinone, la dihydrocodéinone, la dihydromorphinone, l'acétylodihydrocodémone, la dihydromorphine, leurs esters et les sels de ces substances et leurs esters ; la N-oxymorphine et ses composés, ainsi que les autres dérivés morphmiques à azote pentavalent. Font partie du groupe Ib, qui englobe les substances ne provoquant

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pas l'accoutumance, l'ecgonine, la thébaïne et leurs sels; les éthers-oxydes de la morphine et leurs sels, à l'exception de la méthylmorphine (codéine) et de l'éthylinorphine. Les substances du groupe Ib se caractérisent par le fait qu'elles peuvent être transformées en un stupéfiant engendrant l'accoutumance. Le groupe II comprend la codéine et l'éthylmorphine et leurs sels, au sujet desquels la convention contient nombre de dispositions particulières. H s'agit là de substances qui ne sont pas très dangereuses, mais qui peuvent être aussi transformées en stupéfiants proprement dits.

Par les arrêtés du Conseil fédéral du 17 janvier 1930, du 4 août 1931 et du 10 juin 1932 (*), les diverses substances énumérées dans la convention de 1931 ont été placées sous le contrôle qu'institué la loi, dès que leur apparition sur le marché suisse eut été constatée. La faculté qu'a le Conseil fédéral de prendre ces mesures lui est conférée par l'article premier, 2e alinéa, de la loi actuelle, qui l'autorise à étendre par voie d'ordonnance les dispositions de la loi à tout nouveau dérivé de la morphine, de la cocaïne ou de leurs sels respectifs, à tout autre alcaloïde de l'opium, dont les recherches scientifiques, généralement reconnues, auront démontré qu'il donne lieu à des abus analogues et a pour résultat les mêmes effets nuisibles. Pour prendre sa décision, le Conseil fédéral s'est fondé sur les rapports du secrétariat de la Société des Nations, qui, conformément à l'article 10 de la convention de 1925, indique le résultat des recherches et des examens auxquels ont procédé le comité d'hygiène et l'office international d'hygiène publique à Paris. C'est l'Organisation mondiale de la santé qui se prononce depuis que les Nations Unies exercent le contrôle international des stupéfiants (2).

On a cherché à donner dans la convention de 1931 une définition aussi complète que possible du terme «stupéfiant». Il est à prévoir quelafuture convention tentera aussi d'adopter une définition toute générale, conforme aux notions que nous avons aujourd'hui. Pour notre législation suisse, il s'agit de s'en tenir à ce principe tant qu'il est compatible avec les exigences d'ordre pratique que doit imposer la loi. On doit chercher à éviter que la définition n'embrasse des substances qu'un arrêté du Conseil fédéral devrait ensuite
soustraire au contrôle officiel, parce que ne présentant pas les effets caractéristiques des stupéfiants. La réglementation la plus satisfaisante doit, en somme, soumettre aux effets de la loi toutes les substances et les préparations, ayant une certaine composition ou constitution chimiques, qui engendrent l'accoutumance (article 2, groupes B et C, du projet). Si une substance a une constitution chimique analogue (!) Arrêtés du Conseil fédéral étendant le contrôle institué par la loi fédérale du 2 octobre 1924 sur les stupéfiants

a. du 17 janvier 1930, RO 48, 50; b. du 4 août 1931, RO 47, 487; c. du 10 juin 1932, RO 48, 305 ( 2 ) Voir: chapitre II, paragraphe 5a, concernant le protocole amendant les conventions internationales sur les stupéfiants, du 11 décembre 1946

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à celle d'un stupéfiant ou si elle est fabriquée de manière à produire un effet similaire à celui d'un stupéfiant, il est indiqué, par précaution, de la soumettre au contrôle officiel aussi longtemps que ses effets ne sont pas nettement établis (article 7 du projet).

Par ce qui précède, on constate qu'il est possible de bien marquer le sens de stupéfiant et d'établir très systématiquement une liste de ces produits, comme le désirent l'industrie, le commerce et les autorités. Il est toutefois clair que le contrôle officiel ne peut s'appliquer uniformément à tous les cas; c'est ainsi que la convention internationale de 1931 insiste déjà sur le caractère particulier de la codéine et de l'éthylinorphuie, dont la fabrication et le commerce de gros seuls entrent en considération, quant à la surveillance. Pour pouvoir tenir compte du fait, la loi doit autoriser le Conseil fédéral à soustraire un stupéfiant au contrôle officiel (article 3 du projet) totalement ou partiellement, mais sous certaines conditions.

Pour les préparations pharmaceutiques, la teneur en stupéfiants est essentielle, du fait qu'il n'y a vraisemblablement danger d'accoutumance que lorsque le produit présente une certaine concentration. Pour se prononcer, il y a lieu en outre de s'assurer que la transformation en d'autres stupéfiants ou la récupération de stupéfiants sont pratiquement possibles ou non.

Si les dispositions en vigueur ont permis de placer sous contrôle officiel, par arrêtés du Conseil fédéral, toute une série de nouvelles préparations, les produits désignés comme stupéfiants synthétiques posent, eux, un problème tout à fait nouveau. Le Conseil fédéral a reconnu le bien-fondé de différentes recommandations des Nations Unies tendant à étendre ce contrôle à certains analgésiques, de compositions chimiques particulières, qui sont tout aussi dangereux, quant aux risques d'accoutumance, que les stupéfiants proprement dits (par exemple, dolantine, méthadone). Mais il a regretté de ne pouvoir donner suite à ces suggestions, faute d'une base légale. Le droit que lui confère l'article premier de la loi actuelle de soumettre d'autres substances à la surveillance des autorités est limité aux nouveaux dérivés de la morphine, de la cocaïne ou de leurs sels et aux autres alcaloïdes de l'opium. Pour cette raison, la Suisse ne pouvait
envisager d'adhérer au protocole du 19 novembre 1948 appliquant la convention de 1931 aux stupéfiants synthétiques qu'an moment où notre loi serait complétée par des dispositions touchant ces produits (i), Les analgésiques synthétiques font l'objet de très sérieuses recherches dans notre pays comme à l'étranger. C'est ainsi que divers travaux scientifiques parus tout récemment dans les revues médicales suisses attirent l'attention sur le développement que prennent ces préparations pharmaceutiques spéciales et sur les problèmes qui en résultent pour "les autorités.

(') Voir: chapitre II, paragraphe 50 concernant le protocole plaçant sous contrôle international les stupéfiants synthétiques, du 19 novembre 1948

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Tout particulièrement remarquable est l'étude du professeur H. Fischer, à Zurich, qui relève l'extension croissante de la fabrication à l'étranger notamment (Etats-Unis de l'Amérique du Nord, Angleterre) des produits totalement synthétiques engendrant la toxicomanie (1). L'absolue nécessité qu'il y a de compléter le plus tôt possible notre législation par une disposition soumettant les analgésiques synthétiques au contrôle officiel ne peut guère être mieux motivée que par les considérations du spécialiste qu'est le professeur Fischer; il écrit: «Si, à côté de la morphine et de ses dérivés pouvant engendrer la toxicomanie, la dolantine, le méthadone et d'autres analgésiques synthétiques présentant un danger d'accoutumance sont mis sur le marché dans des quantités pratiquement illimitées, on ne peut éviter que ces stupéfiants soient très fréquemment prescrits par les médecins.

Il importe donc que tout pays, lorsqu'il fixe ses besoins annuels en stupéfiants, veille à ne pas indiquer simplement, comme c'est très largement le cas, les analgésiques synthétiques qui présentent un danger d'accoutumance, à côté de la morphine et de ses dérivés. La lutte contre la toxicomanie exige, au contraire, que les quantités de morphine et de ses dérivés aient une certaine relation avec celles des stupéfiants synthétiques ayant des effets analogues à ceux de la morphine (dolantine, méthadone, etc.), de telle façon que les besoins en stupéfiants ayant une action analgésique centrale -- considérée par rapport à celle de la morphine -- ne dépassent pas trop considérablement les besoins antérieurs en morphine de chaque pays; il est loisible, bien entendu, à tout pays de procéder, dans les limites de sa quote-part de stupéfiants, à une judicieuse répartition de la morphine, du dilaudide, du permonide, de la dolantine, du méthadone, etc., suivant les besoins professionnels des médecins.» «Une protection efficace contre une extension de la toxicomanie n'est possible que par une législation et un contrôle sans lacune -- et non moins par la probité de l'industrie chimique -- et last not least par le sens de la responsabilité du médecin, lorsqu'il emploie des médicaments pouvant provoquer l'accoutumance.»

Quoique les diverses catégories de stupéfiants soient bien spécifiées dans la loi revisée, il nous paraît bon d'apporter encore une adjonction aux fins d'empêcher les opérations illégales. Il est en effet possible, techniquement, de transformer en substances entraînant la toxicomanie certaines substances qui, comme telles, n'engendrent pas l'accoutumance.

On doit donc parer au danger que ces drogues présentent en les soumettant à la surveillance prescrite pour les stupéfiants (article 3 du projet). Le principe, déjà inséré dans la convention de 1931, selon lequel doivent également être placés sous contrôle les produits qui, comme tels, n'entraînent pas la toxicomanie, mais qui peuvent être transformés en substances l'engendrant, est repris dans la loi revisée, sous la forme d'une disposition donnant pouvoir au Conseil fédéral de les soumettre aux effets de la loi.

2. La limitation de la fabrication et la distribution des stupéfiants -- Les conventions internationales tendent à limiter la fabrication et l'emploi des stupéfiants aux besoins scientifiques et médicaux. La convention de 1931 a introduit, à cette fin, les mesures les plus judicieuses. En la ratifiant, notre pays s'est engagé à indiquer, pour chaque drogue, ses besoins (1) Fischer H., professeur, Zurich: «Über vollsynthetische Analgetica mit morphinähnlicher Wirkung» (cahiers mensuels de médecine, cahier 3/1949, page 231).

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annuels dans les évaluations qui doivent être fournies au préalable, et à en maintenir la fabrication dans les limites de ces évaluations. Comme la loi actuelle ne prévoit pas ces évaluations et ne confère aucun pouvoir de limiter la fabrication des stupéfiants et d'en régler la distribution, des accords avec les intéressés permettent seuls de satisfaire aujourd'hui aux obligations découlant des instruments internationaux. S'il a toujours été possible d'arriver jusqu'ici à de tels accords, il demeure que des mesures de cet ordre doivent être régies par la loi, afin qu'en toutes circonstances l'observation et l'application puissent en être assurées.

3. L'interdiction du hachisch et de la diacétylmorphine -- Aux termes d'une recommandation de la convention de 1925, l'interdiction qui frappe actuellement l'opium à fumer doit être étendue au hachisch, qui n'est pas nécessaire en thérapeutique. Des intérêts économiques ne seront nullement lésés par l'interdiction de ces deux produits, qui ne sont guère connus chez nous, H n'en est pas de même pour la diacétylmorphine, qui intéresse au premier chef nos exportateurs.

La question de savoir si la diacétylmorphine, qui engendre très facilement l'accoutumance et est considérée de ce fait comme un produit extrêmement dangereux, doit être mise hors commerce, a déjà été examinée lors des délibérations sur la convention de 1931, On avait alors renoncé à interdire totalement cette préparation, étant donné qu'elle est utilisée comme médicament, mais il a été recommandé de n'en autoriser l'exportation que dans les quantités reconnues nécessaires pour couvrir les besoins médicaux et scientifiques du pays importateur et que sous la responsabilité même de ses autorités. En même temps, il a été demandé aux Etats contractants d'examiner avec le corps médical si l'usage de la diacétylmorphine ne pourrait pas être aboli ou du moins restreint. Selon le rapport relatif à l'examen des statistiques pour 1947 que le comité central permanent a adressé le 5 novembre 1948 au conseil économique et social des Nations Unies, les pays indiqués ci-après ont complètement renoncé, depuis 1931, à fabriquer et à employer la diacétylmorphine : Bulgarie Mexico Grèce Nicaragua Luxembourg Salvador Autriche Brésil Pologne Chili Espagne Colombie Etats-Unis Pérou Costa-Bica Venezuela Cuba Chine République Dominicaine Japon Guatemala Egypte Honduras Libéria,

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Depuis que ce rapport a été publié, la diacétylmorphine a été prohibée en Allemagne, dans la zone américaine. La Hollande en a interdit l'importation.

Dans quelques pays, l'emploi de la diacétylmorphine à des fins prétendument thérapeutiques a augmenté de façon excessive. Aussi le comité central a-t-il proposé au conseil économique et social de demander à la conférence internationale qui sera chargée d'élaborer une nouvelle convention générale, unifiée sur les stupéfiants, d'examiner le problème que pose la diacétylmorphine, Notre pays, depuis des années, ne consomme que peu de diacétylmorphine (moins d'un kilogramme annuellement); on ne peut donc pas parler d'un véritable besoin en thérapeutique. Aussi le corps médical accepte-t-il que l'héroïne soit purement et simplement interdite. L'opposition que manifeste l'industrie pharmaceutique montre toutefois que des intérêts économiques sont en jeu. L'industrie ne s'élèverait pas contre cette interdiction si elle ne craignait pas que, par la concurrence étrangère, elle n'ait pour elle de redoutables conséquences, tant que la fabrication de la diacétylmorphine n'est pas universellement interdite. Les quantités de diacétylmorphine fabriquées en Suisse ne sont pas considérables (10 à 70 kilogrammes annuellement), mais notre industrie pourrait perdre des commandes d'autres produits, et pas seulement de stupéfiants, si elle n'était plus à même de fournir de la diacétylmorphine. Cette crainte peut, ici et là, être fondée, mais il est bien permis de penser que le fait de renoncer au commerce de l'héroïne rencontrerait le meilleur écho précisément sur le marché sérieux, ce qui, certainement, stimulerait le mouvement des affaires. Sans ignorer de très légitimes intérêts économiques, il ne faut pas perdre de vue, en fin de compte, qu'il s'agit-là, sous l'angle social et sanitaire, d'une question majeure. En prenant, de sa propre initiative, la décision qui s'impose en l'occurrence, notre pays remplira une tâche humanitaire bien conforme à ses traditions.

4. Dispositions -pénales. Office central -- La convention du 26 juin 1936 pour la répression du trafic illicite des drogues nuisibles demande que les législations nationales mentionnent autant que possible tous les faits répréhensibles ; elle indique, à cette fin, toute une série de faits qui doivent être
réprimés dès qu'ils sont commis au mépris du contrôle officiel. L'énumération des délits de l'article 11 de la loi en vigueur ne satisfait pas complètement aux exigences de la convention internationale. Comme la ratification de cet arrangement est prévue, la liste des infractions doit être complétée dans la loi revisée.

La convention attache une grande importance à l'extradition des personnes ayant contrevenu au trafic licite des stupéfiants et, en conséquence, règle par le détail la procédure qui leur est applicable. La lutte contre le trafic illicite des stupéfiants doit être soutenue sous toutes ses

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formes. Mais avant que notre pays puisse collaborer pleinement, dans l'esprit même de la convention, il est nécessaire d'aggraver les peines que fixe la loi actuelle pour répondre aux conditions d'extradition qu'imposent certains Etats.

Sur ce point, les effets que déploie la convention de 1936 s'apparentent avec l'essentiel du postulat de M. le conseiller national Ereimïiller. Ce postulat exprime l'idée que les peines devraient être aggravées non seulement pour permettre la ratification de la convention de 1936, mais pour mieux soutenir les mesures prises pour prévenir les abus des stupéfiants.

Nous n'en sous-estimons pas la portée, mais nous devons relever que, jusqu'ici, le juge n'a jamais appliqué les peines les plus graves que prévoit la loi.

Le postulat vise en outre à rendre uniforme dans les cantons la procédure de la poursuite, tout particulièrement à l'égard des personnes exerçant une activité médicale. Ce désir est légitime, et il peut y être satisfait du moment que les faits sont mieux définis que jusqu'ici et sont jugés chacun pour soi. Notons, du reste, que le traitement médical des toxicomanes est plus important que leur châtiment; le présent message consacre à ce problème un chapitre spécial.

Si, après ces considérations rendues nécessaires par le postulat, nous revenons à la convention de 1936, il y a heu de mentionner une autre conséquence de cet accord: la poursuite des déhts commis à l'étranger.

Il nous paraît indiqué de satisfaire à cette exigence, du moment que le code pénal suisse contient déjà des dispositions analogues pour la traite des femmes et des enfants (article 202, chiffre 5), le faux-monnayage (article 240, 3e alinéa) et la falsification de timbres officiels (article 245, chiffre 1, 4e alinéa).

En vertu de l'article 11 de la convention, les parties contractantes institueront, sur la base de leur législation nationale, un office central chargé de surveiller et de coordonner le travail de la police et la poursuite pénale, lorsqu'il s'agit de délits concernant les stupéfiants. D'entente avec les autorités cantonales compétentes et par analogie avec ce qui se fait dans d'autres domaines de la justice pénale, dans lesquels des conventions internationales de même nature ont été conclues (faux-monnayage, traite des femmes et des mineurs, publications obscènes),
le ministère public de la Confédération exerce depuis le 1er septembre 1949 les fonctions d'un «office central.» Vu les expériences faites jusqu'ici, nous estimons qu'il est indiqué que ledit office central, tel qu'il est organisé actuellement, soit mentionné dans la loi.

Nous signalons expressément que le ministère public de la Confédération ne traite, en tant qu'office central, que les affaires pénales, tandis que la surveillance de l'exécution de la loi et du trafic continue a être exercée par le département de l'intérieur et son service de l'hygiène puFeuille fédérale. 103e année. Vol. I.

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bhque, avec l'appui des commissions et des organismes qu'instituent les diverses conventions.

IV. LA REVISION DE LA LOI SUR LES STUPÉFIANTS FONDÉE SUR L'EXPÉRIENCE 1. Le, commerce des stupéfiants -- La loi actuelle soumet au contrôle officiel la fabrication, la préparation, l'importation, le transit, l'exportation, la détention, la possession, l'achat, la vente et la cession de stupéfiants.

L'ordonnance du Conseil fédéral, du 23 juin 1925, concernant le commerce des stupéfiants mentionne dans la définition qu'elle donne du terme «commerce» les opérations énumérées dans la loi, à l'exception de la «possession», mais elle ajoute le transport, l'oifre et le courtage. Cette confrontation des textes montre déjà qu'il est difficile en cette matière d'énumérer les opérations ayant un caractère commercial. C'est pourquoi les jugements rendus dans les cas d'infractions à la loi sur les stupéfiants ont constaté que la question de la punissabilité devait être résolue non pas à la lumière de la notion de «commerce», définie différemment dans la loi et l'ordonnance, mais d'après la disposition pénale de la loi.

La surveillance qu'institué la loi s'exerce sur tout le mouvement des stupéfiants, de leur importation ou fabrication à leur emploi. Ce but est atteint et ne peut l'être que par le système des autorisations et des contrôles. Les mesures arrêtées à cette fin étant fixées par le détail, on peut renoncer à énumérer les opérations qui sont soumises au contrôle officiel.

La convention de 1936 mentionne chacune des opérations qui, conformément aux diverses conventions internationales, sont soumises à la surveillance des autorités, et il y est satisfait, vu que les faits sont bien spécifiés dans les dispositions pénales.

2. Le permis pour l'importation, l'exportation et le transit de stupéfiants -- Le système des certificats d'importation et d'exportation, traité pour la première fois dans une résolution de l'assemblée de la Société des Nations de 1921, est réglé en détail par la convention de 1925. La loi en vigueur répond à ces dispositions, mais en limitant ladite réglementation au trafic avec les pays parties à la convention. Le système des certificats d'importation et d'exportation étant aujourd'hui universellement appliqué, il n'y a plus heu de maintenir cette restriction. La pratique suivie depuis
l'entrée en vigueur de la loi actuelle permet également de renoncer au préavis de l'autorité cantonale pour l'octroi d'un permis d'exportation ou d'importation.

Pour la surveillance des envois de stupéfiants en transit, la convention de 1925 prévoit des mesures très strictes, auxquelles satisfait le mode de faire adopté en Suisse. Ainsi, à l'arrivée d'un colis en transit, le bureau de douane contrôle les papiers d'accompagnement; s'ils sont en ordre et

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si les indications qu'ils donnent sur l'envoi sont exactes, le colis est admis au transit. Le bureau de douane de sortie en confirme le passage au service de l'hygiène publique. Si le bureau de douane d'entrée constate ou suppose des irrégularités, à retient le colis et en informe le service de l'hygiène publique, qui examine l'affaire et la transmet, le cas échéant, à l'autorité cantonale compétente pour procéder à l'instruction pénale.

Le principe de la surveillance des envois passant en transit est fixé dans la loi; l'ordonnance d'exécution doit en régler les modalités.

3. Droits des personnes vouées aux professions médicales -- En ce qui concerne l'autorisation de se procurer des stupéfiants, la loi actuelle, à l'encontre de ce qu'elle fait pour les médecins, les médecins-dentistes et les médecins-vétérinaires, ne mentionne pas les pharmaciens, mais les pharmacies publiques. Comme ce n'est pas la pharmacie, mais le pharmacien dirigeant qui doit remplir les conditions exigées pour que l'autorisation puisse être accordée, il est plus logique de faire mention du dirigeant responsable que de la maison.

Sont actuellement autorisées à se procurer des stupéfiants les personnes vouées aux professions médicales, si elles «sont titulaires d'un diplôme reconnu par le canton.» La définition insuffisante de «personnes vouées aux professions médicales» est maintenant remplacée par un renvoi à la loi du 19 décembre 1877/21 décembre 1886 concernant l'exercice des professions de médecin, de pharmacien et de vétérinaire dans la Confédération suisse. Ainsi, les personnes qui, exerçant une activité médicale, sont autorisées à se procurer des stupéfiants sont désignées par une formule généralement reconnue et qui s'est révélée fort pratique.

La loi actuelle accorde aux personnes vouées aux professions médicales le droit de se procurer des stupéfiants si elles exercent leur profession à titre indépendant ou sous la responsabilité d'un autre praticien. Cela a donné heu à bien des discussions. La loi revisée doit établir nettement que seul le fait d'exercer sous sa propre responsabilité une profession médicale confère cette très large faculté, ce qui implique une responsabilité correspondante.

Cette précision oblige de fixer dans la loi les droits de ceux qui exercent une profession médicale en qualité de
remplaçants. Pour les autres personnes qui ne pratiquent pas de façon indépendante, il est plus rationnel que les conditions qui leur sont applicables soient fixées par l'ordonnance d'exécution.

Plus d'une fois on a dû se demander s'il est indispensable que le médecindentiste puisse prescrire des stupéfiants «dans les limites de ses besoins professionnels.» Lors des délibérations portant sur le premier projet de revision, la commission d'experts a exprimé l'avis que le médecin-dentiste doit pouvoir utiliser et dispenser des stupéfiants dans son cabinet de con-

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sultation. Mais si le patient en a encore besoin après la consultation, son traitement relève du médecin. Conformément à cette décision que nous considérons comme judicieuse, le présent projet de loi limite le droit de prescrire les stupéfiants aux médecins et aux médecins-vétérinaires.

Selon les conventions conclues avec les Etats nous avoisinant sur l'admission réciproque des médecins et des médecins-vétérinaires domiciliés à proximité de la frontière à l'exercice de leur art dans les communes limitrophes, des praticiens étrangers sont autorisés à exercer leur profession dans notre pays; ils doivent donc pouvoir utiliser et prescrire des stupéfiants dans les limites de cette autorisation. La loi actuelle n'a pas pris la chose en considération.

Aux termes de l'article 11 de la loi en vigueur, les personnes vouées aux professions médicales ne doivent dispenser et prescrire des stupéfiants que «dans le cas où la science le prévoit.» Il se justifie d'introduire dans la loi, sous forme d'une disposition de droit matériel, ce principe, qui n'était contenu jusqu'ici que dans les dispositions pénales, et d'obliger ainsi les personnes exerçant une activité médicale à employer les stupéfiants selon les règles que reconnaît la science.

Maintes fois s'est posée la question de savoir si l'on ne pourrait pas autoriser les pharmaciens à exécuter les ordonnances de stupéfiants qu'établissent les médecins et les médecins-vétérinaires, sans qu'il soit tenu compte de leur lieu de résidence. S'inspirant fortement du régime de l'autorisation cantonale que prévoit la loi, l'ordonnance d'exécution actuellement en vigueur dispose notamment (article 23) que «l'ordonnance est établie par un médecin, un dentiste ou un vétérinaire porteurs d'un diplôme reconnu par le canton.» En conséquence, le pharmacien n'est pas autorisé à exécuter l'ordonnance d'un médecin pratiquant dans un autre canton.

H faut reconnaître que cette réglementation peut être la cause de difficultés pour le malade et pour le pharmacien. En revanche, elle contribue efficacement à assurer le contrôle des autorités. Comme elle a' donné satisfaction, les organes cantonaux de surveillance désirent la maintenir. La première commission d'experts a approuvé cette manière de voir, mais en exprimant le désir que soit conféré aux cantons le droit d'autoriser
les pharmaciens à exécuter les ordonnances qu'établissent les médecins et les médecinsvétérinaires de cantons voisins. En raison de l'enchevêtrement que les frontières cantonales présentent en maints endroits, cette proposition susciterait bien des complications. Aussi la commission d'experts, qui a examiné la question dans la suite, a-t-elle estimé qu'il était préférable qu'une ordonnance de stupéfiants puisse être exécutée dans toute pharmacie du pays. Nous sommes d'avis que cette réglementation a sa raison d'être, même si elle doit rendre plus difficile le contrôle.

4. La lutte contre la toxicomanie -- Selon l'article 15 de la convention de 1931, les parties contractantes doivent «organiser la lutte contre

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la toxicomanie, en prenant toutes les mesures utiles pour en empêcher le développement et pour combattre le trafic illicite.» En somme, toutes les mesures prises jusqu'ici, comme celles qui le seront à l'avenir, tendent à ces fins. Notons cependant que, dans notre pays, le législateur ne s'est pas encore occupé d'un aspect assez particulier du problème; nous pensons à l'intérêt que présentent pour la communauté le toxicomane et sa guérison.

Dans le domaine international également, on accorde maintenant plus d'importance à cet effet des dispositions quant aux personnes, c'est-à-dire à la question des toxicomanes. Ainsi, le conseil économique et social des Nations Unies a procédé, au printemps 1947, à des enquêtes très poussées portant sur les textes législatifs concernant les toxicomanes et le genre de traitement auquel Us sont soumis. La commission des stupéfiants, dans sa session de 1949, a examiné la documentation ainsi réunie; pour la mettre en oeuvre, elle est entrée en relation avec le comité d'experts de l'Organisation mondiale de la santé. Nous pensons que ces données seront mises à profit, lors de l'élaboration de la nouvelle convention.

Le danger que présente la toxicomanie a été exposé d'une façon très approfondie quand notre pays a adhéré à la convention de 1912 (*); il est aujourd'hui plus grand encore qu'il ne l'était lors de l'entrée en vigueur de la loi actuelle, les offres de stupéfiants ayant considérablement augmenté.

On ne possède pas de précisions sur l'étendue de la toxicomanie dans notre pays. Dans les milieux médicaux, on estimait à 0,66 le pourcentage des personnes qui, traitées de 1930 à 1940 pour toxicomanie en général, s'étaient adonnées aux stupéfiants. Même si ce chiffre a sûrement augmenté depuis lors (il a peut-être doublé au maximum), il est clan- qu'à l'encontre de l'étranger, on ne peut pas parler chez nous d'un véritable danger. Nous avons le plus grand intérêt à chercher, par le maintien d'un contrôle efficace du trafic des stupéfiants, à ce que les choses en restent là.

Au lieu d'essayer d'intimider le toxicomane par des sanctions très rigoureuses, il paraît indiqué de considérer la toxicomanie non pas comme un délit ou même un crune, mais comme une maladie. Celui qui s'adonne aux stupéfiants doit donc être soumis à un traitement médical ; des mesures
préventives s'imposent alors, pour qu'il n'y ait pas emploi abusif de stupéfiants. Tandis que la législation tient largement compte de ces fins, une disposition relative au traitement des toxicomanes fait encore défaut aujourd'hui. On peut se demander avec raison jusqu'où le législateur peut aller en l'occurrence. De l'avis des spécialistes, le traitement de la toxicomanie ne peut pas faire l'objet d'une réglementation systématique. Pourtant, la communauté peut, suivant les cas, exiger que le toxicomane soit soumis au traitement médical que nécessite son état. Mais, en ce sens également, il ne peut s'agir d'une obligation absolue, une telle mesure n'étant même pas prévue pour d'autres graves habitudes beaucoup plus (*) Note 1 au bas de la page 846.

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répandues. Partageant la manière de voir de la commission d'experts, nous estimons qu'il est indiqué que le médecin traitant décide s'il y a lieu de dénoncer le toxicomane, parce que des mesures officielles s'imposent dans son propre intérêt ou dans celui de la société. L'intérêt public est en jeu lorsque le toxicomane, par son penchant à user des stupéfiants, menace la vie et les biens qui lui sont confiés (par exemple: médecin, pharmacien, automobiliste, caissier).

Le pharmacien, dans l'exercice de sa profession, peut présumer, suivant les circonstances, que les stupéfiants qu'il dispense sont employés abusivement. Il lui manque toutefois la possibilité de juger s'il s'agit d'une thérapeutique ordonnée par le médecin ou d'un abus. L'obligation de signaler les cas de toxicomanie pourrait, éventuellement, aller contre les intentions du médecin et être préjudiciable aux intérêts du malade. Si le pharmacien croit pouvoir néanmoins dénoncer un cas, il est, comme le médecin, délié du secret professionnel.

L'autorité cantonale compétente prend dans chaque cas les mesures qui s'imposent. Il faut avant tout empêcher le toxicomane de se procurer des stupéfiants. C'est pourquoi la loi fait expressément mention des décisions entraînant l'interdiction d'acquérir des stupéfiants. L'ordonnance cantonale sur le traitement médical des toxicomanes ne doit pas être fondée sur la loi sur les stupéfiants ; elle doit avoir d'autres bases légales.

5. Droits des établissements hospitaliers --· Selon l'article 5 de la loi actuelle, les établissements hospitaliers et les instituts scientifiques peuvent, avec l'assentiment de l'autorité cantonale compétente, se procurer, détenir et utiliser des stupéfiants dans les limites de leurs besoins. Alors que le dirigeant qui répond de l'activité de l'institut scientifique peut, sans difficulté aucune, être désigné comme responsable du mouvement des stupéfiants, la chose est beaucoup plus compliquée en ce qui concerne les établissements hospitaliers. En effet, peu nombreux sont les grands hôpitaux qui ont une pharmacie dirigée par un pharmacien diplômé, seule possibilité de résoudre simplement et pratiquement la question de la responsabilité quant aux stupéfiants. Pour la majeure partie des établissements hospitaliers, il est donc nécessaire de prévoir qu'un médecin autorisé
légalement à utiliser des stupéfiants doit être tenu pour responsable de leur acquisition, de leur détention et de leur emploi. Bien entendu, les hôpitaux qui laissent aux malades choisir leurs médecins pourront régler la chose (stupéfiants, par exemple, conservés ou employés en commun ou séparément), en s'en tenant aux conditions qui leur sont particulières. Nous prévoyons en outre d'introduire dans l'ordonnance d'exécution une disposition aux termes de laquelle les assistants n'exerçant pas sous leur propre responsabilité peuvent utiliser des stupéfiants.

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6. Le contrôle officiel --· Pour exercer sur leur territoire le contrôle du trafic des stupéfiants qui leur incombe, les autorités cantonales compétentes se fondent sur les articles 6 et 7 de la loi actuelle, selon lesquels toute livraison de stupéfiants doit être notifiée et un registre spécial tenu.

Ces dispositions n'étaient pas sans provoquer souvent des mécontentements, leur application étant considérée comme prenant beaucoup trop de temps et, en somme, comme peu utile. C'est ainsi que certains milieux de médecins et de pharmaciens notamment n'ont cessé de relever que les contrôles que leur imposent les dispositions relatives à l'exercice des professions médicales rendent superflues les instructions spéciales concernant la vente, l'acquisition et l'emploi des stupéfiants. Aussi, au cours de la revision de la loi, n'a-t-on pas manqué de demander à nouveau, et avec insistance, d'alléger les dispositions qui concernent les médecins et les pharmaciens.

L'obligation qu'ont les maisons et les personnes d'obtenir une autorisation pour fabriquer ou faire le commerce des stupéfiants, obligation qu'introduit déjà la loi actuelle et que reprend le projet de revision, est la base même du contrôle ofliciel. Cette obligation est nécessairement complétée par celle de notifier toute livraison de stupéfiants. L'importance fondamentale de ces notifications se passe de commentaires.

La commission d'experts a vivement critiqué le fait que toute livraison de stupéfiants doit être annoncée aux autorités. Les pourparlers qui ont eu lieu ensuite entre les représentants de l'économie privée et les services officiels ont toutefois prouvé l'utilité de ces communications. Aussi le principe de la notification obligatoire a-t-il rencontré l'assentiment de ces milieux, sous réserve, il est vrai, qu'on trouve une procédure aussi simple que peu coûteuse, mais tout aussi efficace. Après avoir examiné de près l'ensemble de la question, le service de l'hygiène publique a retenu la solution que voici.

Le fournisseur doit établir un bulletin de livraison pour toute livraison de stupéfiants et l'envoyer au destinataire en même temps que la marchandise. Tout destinataire de stupéfiants reçoit ainsi, d'emblée, la pièce indispensable pour le contrôle officiel. Comme le montrera encore le chapitre suivant, cela est important
notamment pour les pharmaciens, les médecins, les médecins-dentistes et les médecins-vétérinaires.

Les maisons et les personnes autorisées à fabriquer et à transformer les stupéfiants envoient en outre au service de l'hygiène publique les doubles des bulletins de h'vraison en nombre suffisant. Les organes cantonaux de contrôle doivent absolument pouvoir se fonder sur les notifications concernant les livraisons et les acquisitions. L'envoi des bulletins de livraison par l'entremise du service de l'hygiène publique a donné jusqu'ici pleine satisfaction.

864

Ne sont pas soumises à la notification les dispensations de stupéfiants qu'effectuent les médecins, les médecins-dentistes et les médecins-vétérinaires, ainsi que les pharmaciens au public et aux médecins pratiquant dans leur canton, qui ne dispensent pas eux-mêmes des stupéfiants.

Le «contrôle de magasin» de la loi actuelle consiste en une comptabilité englobant tout le mouvement des stupéfiants. La rédaction donnée à la disposition correspondante du projet (article 17) tient compte de ce fait. Précisons que l'obligation de tenir une comptabilité proprement dite est limitée aux fabriques et aux maisons de commerce, ainsi qu'aux établissements et instituts. Aucune disposition n'en prescrit la forme (livres ou fichier, etc.). En revanche, l'ordonnance d'exécution indiquera les données qui, en tout cas, devront ressortir de cette comptabilité. La requête des associations de médecins et de pharmaciens tendant à être dégagés de cette obligation s'est révélée fondée. Aussi les personnes exerçant ces professions ne doivent-elles plus que légitimer l'acquisition et l'emploi des stupéfiants. Le médecin, pharmacien, médecin-dentiste ou médecinvétérinaire ne doit donc tenir à disposition des autorités, en cas de contrôle/ que les pièces (comme les bulletins de livraison) justifiant l'emploi des stupéfiants.

Les fabriques et les maisons de commerce sont tenues de renseigner l'autorité cantonale compétente, à la fin de chaque année, sur le trafic des stupéfiants et les stocks de ces produits. Ces dispositions ont été reprises de l'ordonnance d'exécution de la loi actuelle parce qu'on a vu qu'il est rationnel que ledit rapport soit présenté annuellement.

H est nécessaire de demander aux fabriques d'établir un rapport trimestriel. Pour contrôler si la fabrication et l'emmagasinage se font dans les limites des évaluations, afin de prendre, le cas échéant, les mesures qui s'imposent au sens de l'article 6 du projet, il importe de pouvoir constater à intervalles réguliers quelle quantité de chaque stupéfiant a été fabriquée. Comme ce contrôle s'étend à l'ensemble du pays, il doit être confié à un office central.

Le droit et l'obligation de surveiller les maisons et les personnes impliquent l'inspection des locaux de fabrication et de vente et des entrepôts. Ce droit, déjà reconnu par la loi actuelle, est repris
dans le projet.

Il est quelque mieux précisé, pour des raisons d'ordre pratique. Le nouveau texte spécifie notamment que les renseignements demandés lors de contrôles doivent être fournis.

V. REMARQUES CONCERNANT LES DIVERSES DISPOSITIONS DE LA LOI REVISÉE Les questions de principe ayant été traitées dans les chapitres précédents, nous nous bornons ici à examiner quelques dispositions qui n'ont pas encore été commentées.

865

Titre et préambule. La loi soumet les stupéfiants au contrôle officiel au sens des conventions internationales. H est fait abstraction des autres substances pouvant nuire à la santé. Le titre actuel est donc maintenu.

En liaison avec la ratification de la convention internationale relative aux stupéfiants de 1925 et l'élaboration de la loi actuellement en voie de revision, la base constitutionnelle du contrôle des stupéfiants a fait l'objet d'une étude approfondie. On était alors d'avis, et c'est d'ailleurs encore le cas ici et là aujourd'hui, que, juridiquement, l'article 69 de la constitution n'offre pas une base suffisante pour une loi fédérale devant permettre de remplir des obligations découlant d'engagements internationaux.

Le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale se sont ralliés cependant à l'avis opposé (qui est également celui de jurisconsultes), selon lequel la toxicomanie doit être considérée comme une maladie dangereuse au sens de l'article 69 de la constitution.

Le contrôle des stupéfiants totalement synthétiques institué pour la première fois par le présent projet a la même base que la surveillance exercée jusqu'ici, c'est-à-dire la possibilité qu'ils engendrent la toxicomanie et portent ainsi gravement atteinte à la santé. Les objectifs de la loi n'ont donc pas changé et elle peut de nouveau être fondée sur l'article 69 de la constitution fédérale.

Dans les commentaires touchant à la constitutionnalité, le message du 8 février 1924 concernant l'approbation de la convention internationale de l'opium du 23 janvier 1912 indique que les dispositions d'exécution suisses peuvent aussi se fonder sur l'article 69&is de la constitution fédérale.

A l'encontre de la décision prise, à l'époque, de renoncer à mentionner l'article GQbis, il paraît indiqué de fonder également la loi revisée sur cet article, dont la lettre b donne à la Confédération le pouvoir de légiférer sur le commerce d'autres articles de ménage et objets usuels pouvant mettre en danger la santé ou la vie. Les stupéfiants doivent être assimilés aux objets usuels qui menacent certainement la vie et la santé. En considération des restrictions que prévoit la loi revisée pour le trafic de certaines substances et sous certaines conditions, il importe d'en mentionner la base constitutionnelle.

Les restrictions qu'apporté la
loi actuelle à la liberté du commerce et de l'industrie sont fondées sur l'ancien article 31, lettre d, de la constitution, qui réservait les mesures de police sanitaire. Comme l'article 31 revisé ne contient plus cette limitation expresse de la liberté du commerce et de l'industrie, on s'est demandé s'il y avait lieu de maintenir cette réserve.

La base constitutionnelle a été bien étudiée, du fait aussi des importantes prescriptions que prévoit la loi revisée pour la fabrication, la transformation et le commerce des drogues qu'elle vise (1). Il a alors été relevé que, selon l'article 31, 1er alinéa, de la constitution, la liberté de l'industrie n'est (1) Rapport de la division de justice du 20 août 1949.

866

garantie que dans la mesure où la constitution elle-même et la législation qui en découle ne la limitent pas. Comme le projet de loi ne dépasse pas les bornes des articles 69 et 69Ms de la constitution, les dispositions restreignant la liberté du commerce et de l'industrie n'excèdent pas les limites du premier alinéa de l'article 31 de la constitution; la réglementation prévue s'en tient donc à la disposition constitutionnelle mentionnée en dernier lieu.

On arrive à la même conclusion si l'on se fonde sur l'histoire de la revision des articles économiques. Selon le message du 10 septembre 1937 concernant une revision partielle des dispositions constitutionnelles qui régissent l'ordre économique (1), le deuxième alinéa de l'ancien article 31 ne mentionne pas toutes les restrictions que le droit cantonal et fédéral peut apporter à la liberté du commerce et de l'industrie; de plus, l'énumération que donnait cet article n'était pas ordonnée logiquement, de sorte que la portée fondamentale de la liberté du commerce et de l'industrie n'apparaissait pas clairement. C'est pourquoi on a renoncé, lors de la revision, à reprendre rémunération des réserves de l'ancien article 31, 2e alinéa, étant entendu qu'elles sont visées par la disposition générale concernant les restrictions prévues par le nouvel article 31, plus brièvement rédigé.

1. Dispositions générales L'article premier soumet les stupéfiants au contrôle qu'institué la

loi.

Article 2. Au regard de la loi actuelle (article premier, 1er alinéa), la liste des stupéfiants a été considérablement élargie, pour satisfaire aux nouvelles conventions internationales et pour répondre à la nécessité d'élaborer une réglementation de plus vaste portée, comme il est exposé au chapitre III. L'article 2 du projet comble les lacunes de la loi en vigueur, en englobant dans quatre groupes tous les stupéfiants connus à ce jour ou prévisibles: A) les drogues; B) les alcaloïdes de l'opium et de la feuille de coca et leurs dérivés et leurs sels ; C) les autres substances (synthétiques) et D) les préparations des groupes A à C.

Ont été incorporés dans le groupe A, en plus de l'opium et des feuilles de coca déjà mentionnés dans la loi actuelle, la paille de pavot et le chanvre.

La paille de pavot est utilisée, surtout en temps de guerre, comme produit de base pour la production de la morphine, d'où nécessité d'en surveiller le commerce. L'article 11 de la convention de 1925 veut que le commerce du «chanvre indien» soit contrôlé. Selon l'article premier de cette convention, il faut entendre ici l'herbe, quelle qu'en soit l'espèce, du cannabis saliva L., et non pas seulement la varietà^ indica. La pharmacopée hel(') Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 10 septembre 1937 concernant une revision partielle des dispositions constitutionnelles qui régissent l'ordre économique; FF 1937, II, 829.

867 vétique d'ailleurs en fait de même. Cela est conforme aux constatations des auteurs, d'après lesquelles la drogue européenne comme la drogue américaine peuvent aussi être très actives. Pour cette raison, on a mentionné dans le groupe A le «chanvre» et non pas le «chanvre indien.» Selon la teneur des chiffres 2 et 4, il n'est pas prévu de contrôler la culture du pavot et du chanvre comme telle, ni l'utilisation de la paille de pavot et du chanvre à des fins non en rapport avec la production de stupéfiants.

La cocaïne brute, en tant que produit mi-fabrique, n'est pas mentionnée dans la Uste du groupe A; elle est indiquée dans celle du groupe B 2.

La liste du groupe B ne mentionne pas les diverses substances, étant donné que toutes les drogues engendrant l'accoutumance, qui appartiennent au groupe des alcaloïdes de l'opium et à celui des dérivés de l'ecgonine, sont considérées comme stupéfiants.

Le groupe C comprend les analgésiques synthétiques et, éventuellement, d'autres substances analogues. Ici le texte doit être rédigé de manière à avoir une portée générale pour tenir compte des développements non encore prévisibles de la chimie pharmaceutique. Il ne faut pas donner sur ce point trop d'extension à la loi. C'est pourquoi on ne vise expressément ici que les seules substances reconnues comme engendrant l'accoutumance et ayant des effets analogues à la morphine et à la cocaïne. C'est ainsi qu'il n'est point envisagé de qualifier de stupéfiant l'acide barbiturique, ses dérivés ou certaines aminés stimulantes («weckamines»). L'introduction du groupe C rend possible l'application du protocole, du 8 octobre 1948, plaçant les stupéfiants synthétiques sous les effets de la convention de 1931.

Le groupe D embrasse toutes les préparations contenant les substances indiquées dans les groupes A, B ou C.

L'article 3 est motivé dans les commentaires concernant le sens à donner au terme «stupéfiant». Par le 2e alinéa, il est possible de soustraire à la surveillance dans le trafic intérieur les préparations qui contiennent moins de 0,2 pour cent de morphine ou moins de 0,1 pour cent de cocaïne.

Il n'en est pas de même dans le trafic international, les dispositions légales concernant les stupéfiants devant être aussi appliquées à ces préparations (convention de 1931, article 13).

2. Fabrication,
dispensation, acquisition et emploi de stupéfiants A. Fabriques et maisons de commerce. Articles 4 et 5. --. Comme jusqu'ici, le contrôle des stupéfiants reposera sur le système de l'autorisation.

Les restrictions à édicter en vertu de l'article 6, pour satisfaire aux obligations découlant des conventions internationales, toucheront en général un stupéfiant déterminé et non pas l'ensemble du trafic d'une maison.

868

Vu la très grande portée de cette mesure, il importe de la confier au Conseil fédéral; il peut conférer cette faculté au département de l'intérieur, à condition de conserver la haute surveillance.

Signalons que ni les rapports de fabrication qui doivent être envoyés tous les trimestres au service de l'hygiène publique, ni les décisions du Conseil fédéral concernant la limitation de la fabrication, de l'importation ou de l'emmagasinage, ne portent atteinte à la compétence des cantons en matière de surveillance du trafic des stupéfiants. Bien au contraire, les cantons collaboreront à l'exécution de ces mesures.

Article 7 (voir les commentaires concernant le sens attribué au terme «stupéfiant»), Par rapport à la disposition correspondante de la loi actuelle (article 9), l'article 8 a été complété par l'interdiction du hachisch et de la diacétyL morphine. L'importance fondamentale de cette mesure réside dans le fait que le Conseil fédéral est autorisé à prohiber également d'autres stupéfiants que les conventions internationales interdiraient ou à la fabrication et au commerce desquels les principaux pays producteurs renonceraient.

Les stocks de stupéfiants prohibés doivent être transformés, sous la surveillance de l'autorité cantonale compétente, en une substance autorisée par la loi; si cela n'est pas possible, ils doivent être détruits. Est réservée l'autorisation du service de l'hygiène publique d'utiliser à des fins scientifiques les substances mentionnées aux 1er et 3e alinéas.

B. Professions médicales -- Les articles 9,10 et 11 fixent en matière de stupéfiants les droits des personnes exerçant une activité médicale. Les modifications apportées à la réglementation actuelle ont été motivées dans le chapitre précédent.

TJarticle 12 permet de dénoncer les cas de toxicomanie, ce que la loi actuelle ne prévoit pas. Il s'agit là d'empêcher avant tout le toxicomane de se procurer des stupéfiants. Pour rendre ces mesures vraiment eflîcaces, les cantons doivent communiquer les décisions qu'ils prennent au service fédéral de l'hygiène publique, qui en informe les autorités des autres cantons, à l'intention des médecins et des pharmaciens.

"L'article 13 autorise les cantons à retirer définitivement ou temporairement à la personne exerçant une activité médicale, qui s'adonne aux stupéfiants ou qui a
été condamnée pour contravention à la loi, les droits que lui confère l'article 9. Mais le retrait de l'autorisation d'exercer la profession elle-même, retrait dont il a souvent été question dans cet ordre d'idées, ne peut être décidé que si la législation cantonale le prévoit.

Article 14. Bien que les articles 4 à 12 du projet fixent très nettement les droits de dispensation et de prescription des stupéfiants, il paraît indiqué de reprendre ici expressément les dispositions auxquelles doit s'en tenir le public pour s'en procurer.

869

C. Etablissements hospitaliers et instituts -- 'L'article 15 indique quels sont les droits des établissements hospitaliers et des instituts scientifiques.

Il correspond à l'article 5 de la loi actuelle, mais en disposant qu'un médecin ou un pharmacien doit assumer la responsabilité du mouvement des stupéfiants dans les établissements hospitaliers.

L'établissement hospitalier n'est pas tenu de demander l'autorisation de se procurer des stupéfiants. Dans l'établissement qui n'use pas de cette autorisation, les médecins sont personnellement responsables des stupéfiants qu'ils prescrivent à leurs malades (articles 9 à 11 de la loi).

Le pharmacien, titulaire du diplôme fédéral, qui dirige la pharmacie d'un établissement hospitalier a les mêmes droits que le dirigeant responsable d'une pharmacie publique.

Les établissements hospitaliers sont autorisés à se procurer les stupéfiants dans les limites de leurs besoins médicaux, étant entendu que les stupéfiants acquis ne peuvent être dispensés qu'aux malades qui y sont en traitement. Le responsable des stupéfiants dans un hôpital doit également en légitimer l'acquisition et l'emploi, comme le médecin pratiquant ou le pharmacien. Ainsi donc, les hôpitaux qui laissent les malades choisir leurs médecins doivent veiller à ce que ces derniers attestent eux-mêmes les acquisitions de stupéfiants destinés aux personnes qu'ils soignent.

Cette réglementation nous paraît indispensable pour assurer un contrôle efficace du mouvement des stupéfiants dans les établissements hospitaliers. Elle doit pouvoir être appliquée sans difficulté, du fait qu'elle permet de tenir compte des conditions particulières à chaque endroit.

3. Contrôle Nous renvoyons en ce qui concerne les articles 16 à 18 aux considérations émises dans le chapitre précédent, dans lequel les raisons justifiant le contrôle ont été examinées par le détail.

Au sujet de la réglementation concernant l'obligation de garder le secret professionnel (article 18, 2e alinéa), on s'est demandé si la Confédération ou le canton pourrait être rendu responsable des dommages résultant de la violation de cette obligation. Au vu d'un avis de droit (1), nous avons renoncé à introduire une telle disposition. La décision concernant la responsabilité doit donc être prise en conformité de la loi du 9 décembre 1850 sur la
responsabilité des autorités et des fonctionnaires de la Confédération.

L'article 3, 3e alinéa, de cette loi oblige la Confédération à réparer subsidiairement le dommage causé par les membres des autorités. En revanche, pour les personnes, qui n'agissent pas en tant que membres des autorités, c'est-à-dire les fonctionnaires proprement dits, les employés et les autres (*) Rapport de la division de justice du 20 août 1949; rapport de l'administration des finances du. 20 septembre 1949.

870

personnes investies d'une fonction officielle (voir rémunération de l'article 2 de la loi sur la responsabilité), la possibilité de recours n'a pas été insérée dans la loi. Il ne serait pas indiqué qu'une loi spéciale comme celle sur les stupéfiants s'écarte de ce principe général du droit. La Confédération n'encourant aucune responsabilité pour la violation du secret par ses fonctionnaires, elle ne peut pas non plus être rendue responsable des agissements des fonctionnaires cantonaux.

4. Dispositions pénales Les dispositions pénales de la loi actuelle ont été revues sur la base des considérations émises dans le chapitre concernant la convention internationale de 1936.

L'énumération précise des faits punissables que donne l'article 19 a été complétée, par rapport à celle de l'article 11 de la loi actuelle. Elle satisfait aux exigences de la convention internationale de 1936, notamment pour la répression des actes préparatoires.

L'article 20 vise quelques délits spéciaux dont on connaît par expérience l'importance pour notre pays. Ainsi, la nouvelle disposition concernant le délit putatif; on sait, en effet, que la pratique suivie jusqu'ici en l'occurrence par les autorités chargées de l'instruction était loin d'être uniforme. Les machinations dont il s'agit -- mettre dans le commerce un produit donné comme stupéfiant -- témoignent d'une mentalité qui appelle la répression.

Les deux articles prévoient des peines plus sévères, ainsi l'emprisonnement jusqu'à deux ans (un an jusqu'ici) ou l'amende jusqu'à 30 000 francs (20 000 francs jusqu'ici). Cette aggravation des peines n'est pas seulement une mesure préventive; par elle, la loi sur les stupéfiants satisfera aux conditions d'extradition de certains Etats. Si le délinquant a agi dans un dessein de lucre, la peine, de l'avis de la commission d'experts, doit pouvoir s'élever jusqu'à cinq ans de réclusion dans les cas graves. Le délinquant qui a agi par négligence peut être puni des arrêts ou d'une amende jusqu'à 10 000 francs.

Les articles 21, 22 et 23 correspondent aux articles 12, 14 et 16 de la loi actuelle, mais ils prévoient également des peines plus élevées.

"L'article 24 est nouveau; il permet au juge de condamner le délinquant à restituer à l'Etat le montant de l'enrichissement illégitime qu'il s'est procuré.

La confiscation des
stupéfiants fait l'objet, à l'article 25, d'une nouvelle réglementation fondée sur les suggestions de diverses autorités cantonales.

La première phrase correspond à l'article 58 du code pénal. Elle est nécessaire parce qu'elle permet de confisquer la marchandise lorsqu'il s'agit de trafic illicite et que l'on ne peut pas tout simplement dire, en parlant de stupéfiants, comme l'article 58 du code pénal, qu'ils «compromettent la

871

sécurité des personnes, la morale ou l'ordre putide». Etant donnés les très grands montants qui, dans certains cas, peuvent être en jeu, il convient que le juge puisse ordonner, suivant le degré de culpabilité du propriétaire (par exemple, lorsqu'il s'agit d'un délit de peu de gravité), la restitution en tout ou en partie du produit des stupéfiants mis dans le commerce licite.

Le 2e alinéa réserve le droit des autorités administratives cantonales de procéder à la confiscation en conformité de la législation cantonale.

Selon le 3e alinéa, les organes de police et de l'administration sont tenus d'assurer la confiscation, en séquestrant préalablement la marchandise.

"L'article 26 reprend, pour plus de clarté, le principe de l'article 333 du code pénal.

L'article 27 correspond au dernier alinéa de l'article 11 de la loi actuelle; il est rédigé dans les mêmes termes que l'article 399, lettre c, du code pénal, sauf que les réserves sont formulées d'une manière plus générale.

Selon Yarticle 28, la poursuite pénale incombe comme jusqu'ici aux cantons. Conformément à la réglementation que prévoit l'article 345, chiffre 1, 2e alinéa, du code pénal, ils peuvent déférer à une autorité administrative le jugement des infractions qui ne sont punies que des arrêts ou de l'amende.

5. Office central Les mesures que prévoit l'article 29 se fondent sur les exigences découlant de la convention de 1936; cette disposition permet de satisfaire aux conditions posées pour que cet accord puisse être ratifié par notre pays.

6. Dispositions finales Les articles 30 à 37 n'appellent pas de commentaires, à l'exception de l'article 30. H paraît indiqué d'entendre les cantons et la commission fédérale des stupéfiants lors de l'élaboration des ordonnances et arrêtés d'exécution. La commission des stupéfiants, qui se substitue à la commission d'experts fonctionnant jusqu'ici, a avant tout un caractère consultatif.

Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous avons l'honneur de vous soumettre le projet de loi revisée ci-joint et de vous en recommander l'adoption.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 9 avril 1951.

Au nom du Conseil fédéral suisse: g651

Le président de la Confédération, Ed. de STEIGER Le chancelier de la Confédération, LEEMCrRUBER

872 (Projet)

LOI FÉDÉRALE SUR LES STUPÉFIANTS

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 69 et 69ois, lettre b, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 9 avril 1951, arrête : I. DISPOSITIONS GÉNÉRALES Article premier Les stupéfiants sont soumis au contrôle institué par la présente loi.

2 Ce contrôle est exercé : 1. A l'intérieur du pays, par les cantons sous la surveillance de la Confédération; 2. Aux frontières du pays (importation, transit et exportation) et dans les douanes (entrepôts fédéraux et ports-francs), par la Confédération.

1

Art. 2 La présente loi entend par stupéfiants : A. 1° L'opium; 2° La paille de pavot utilisée pour la production des substances ou des préparations indiquées sous B. 1, C ou D; 3° La feuille de coca; 4° Le chanvre utilisé pour la production de substances ou de préparations indiquées sous B. 3, C ou D ; B. 1° Les alcaloïdes phénanthrènes de l'opium et leurs dérivés, de même que leurs sels respectifs, qui engendrent l'accoutumance ; 2° L'ecgonine et ses dérivés, de même que leurs sels respectifs, qui engendrent l'accoutumance; 3° La résine des poils glanduleux du chanvre; 1

873

C. Toute antre substance qui peut engendrer l'accoutumance et avoir des effets nocifs analogues à ceux de la morphine, de la cocaïne et du hachisch; D. Toute préparation contenant les substances indiquées sous A, B ou C.

2 Le service fédéral de l'hygiène publique établit la Uste des substances et des préparations qui doivent être considérées comme des stupéfiants au sens des lettres A à D.

Art. 3 1 Le Conseil fédéral a pouvoir de soumettre au régime de la présente loi les substances qui, n'engendrant pas l'accoutumance par elles-mêmes, peuvent être transformées en substances entraînant la toxicomanie.

2 Le Conseil fédéral a pouvoir de soustraire totalement ou partiellement au régime de la présente loi les substances visées à l'article 2, dont la concentration ou la quantité utilisée n'engendre pas l'accoutumance, et s'il est pratiquement impossible de les transformer en d'autres stupéfiants ou de les récupérer.

IL FABRICATION, DISPENSATION, ACQUISITION ET EMPLOI DE STUPÉFIANTS 1. Fabriques et maisons de commerce

Art. 4 Les maisons et personnes qui veulent fabriquer, préparer des stupéfiants ou en faire le commerce, doivent y être autorisées par l'autorité cantonale compétente.

a Le Conseil fédéral arrête les modalités de ces autorisations, ainsi que les conditions qui régissent leur octroi, leur durée, leur retrait et leur extinction.

Art. 5 1 Un permis spécial du service fédéral de l'hygiène publique doit être requis pour toute importation et exportation de stupéfiants. Ce permis est accordé en conformité des conventions internationales sur les stupéfiants ratifiées par la Confédération. Un permis d'exportation peut être accordé si la législation du pays de destination le prescrit.

2 L'administration des douanes exerce avec le service fédéral de l'hygiène publique le contrôle sur le transit des stupéfiants.

1

Art. 6 En conformité des conventions internationales sur la matière ratifiées par la Confédération, le Conseil fédéral a pouvoir de limiter ou d'interFeuitte fédérak. 103e année. Vol. I.

61 1

874

dire, à tout détenteur de l'autorisation, la fabrication, l'importation, l'exportation et la conservation de certains stupéfiants.

2 II peut conférer cette faculté au département de l'intérieur, qui l'exerce sous sa haute surveillance.

Art. 7 Les substances et les préparations qui ne sont pas des stupéfiants au sens de l'article 2, mais dont la composition chimique est la même ou de la fabrication desquelles on attend un effet similaire aux stupéfiants, ne peuvent être fabriquées, importées à des fins commerciales ou utilisées qu'avec l'assentiment exprès du service fédéral de l'hygiène publique, et selon les conditions que fixe ce service.

2 Cette autorisation a effet jusqu'au moment où le service fédéral de l'hygiène publique a tranché la question de savoir si la substance ou la préparation est ou n'est pas un stupéfiant.

1

Art. 8 Les substances indiquées ci-après et les préparations obtenues en partant de ces substances ne peuvent être ni importées, ni fabriquées ou mises dans le commerce, sous quelque forme que ce soit : a. L'opium à fumer et les déchets provenant de sa fabrication ou de son utilisation; 5. La résine des poils glanduleux du chanvre (hachisch) ; c. La diacétylmorphine et ses sels.

2 Le Conseil fédéral édicté les prescriptions complémentaires concernant l'interdiction des substances visées sous lettre c.

3 Le Conseil fédéral peut arrêter que d'autres stupéfiants dont les conventions internationales interdisent la fabrication, ou à la fabrication desquels les principaux Etats producteurs renoncent, ne peuvent être ni importés, ni fabriqués dans le pays ou mis dans le commerce sous quelque forme que ce soit.

4 Les stocks éventuels de stupéfiants prohibés doivent être transformés, sous surveillance de l'autorité cantonale, en une substance autorisée par la loi; à défaut de cette possibilité, ils doivent être détruits.

5 Est réservée l'autorisation que peut donner le service de l'hygiène publique d'utiliser à des fins scientifiques les substances mentionnées aux 1er et 3e alinéas.

2. Professions médicales Art. 9 1 Les médecins, les médecins-dentistes, les médecins-vétérinaires et les dirigeants responsables d'une pharmacie publique ou d'hôpital qui exercent leur profession sous leur propre responsabilité, en vertu d'une 1

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décision de l'autorité cantonale prise en conformité de la loi fédérale du 19 décembre 1877/21 décembre 1886 concernant l'exercice des professions de médecin, de pharmacien et de vétérinaire dans la Confédération, peuvent sans autorisation se procurer, détenir, utiliser et dispenser des stupéfiants dans les limites que justifie l'exercice, conforme aux prescriptions, de leur profession. Sont réservées les dispositions cantonales réglant la dispensation directe par les médecins et les médecins-vétérinaires.

2 Cette faculté s'étend aux médecins, pharmaciens, médecins-dentistes et médecins-vétérinaires, ainsi qu'aux étudiants en médecine, en pharmacie et en médecine-vétérinaire, en tant qu'ils sont autorisés par l'autorité cantonale à remplacer un médecin, un pharmacien, un médecindentiste ou un médecin-vétérinaire.

3 Les droits des médecins, pharmaciens, médecins-dentistes et médecinsvétérinaires qui n'exercent pas leur profession sous leur propre responsabilité sont réglés par le Conseil fédéral.

4 D'entente avec le service fédéral de l'hygiène publique, les cantons fixent les normes applicables aux établissements hospitaliers étrangers situés en Suisse.

Art. 10 1 Les médecins et les médecins-vétérinaires visés par l'article 9 sont autorisés à prescrire des stupéfiants.

2 Les médecins et les médecins-vétérinaires étrangers autorisés à pratiquer dans les zones frontières suisses, en vertu d'un arrangement international, peuvent utiliser et prescrire les stupéfiants qui leur sont nécessaires dans l'exercice de leur profession en Suisse. Leurs ordonnances doivent être exécutées par une pharmacie de la zone frontière.

3 Le Conseil fédéral édicté les prescriptions complémentaires selon lesquelles une ordonnance établie par un médecin ou un médecin-vétérinaire étrangers peut être exécutée en Suisse.

Art. 11 Les médecins et les médecins-vétérinaires sont tenus d'employer, de dispenser ou de prescrire les stupéfiants dans la mesure reconnue par la science.

2 II en est de même pour les médecins-dentistes, en ce qui concerne l'emploi et la dispensation de stupéfiants. Pour les médecins-dentistes, les cantons peuvent limiter cette faculté à certains stupéfiants.

1

Art. 12 Les médecins signalent aux autorités cantonales compétentes les cas de toxicomanie qu'ils constatent dans l'exercice de lem- profession, 1

876

lorsqu'ils estiment que, dans l'intérêt du toxicomane ou de la communauté, des mesures officielles s'imposent.

a Les pharmaciens peuvent signaler aux autorités cantonales compétentes les cas de toxicomanie que, dans l'exercice de leur profession, ils présument comme tels.

3

Les médecins et les pharmaciens sont déliés à cette fin du secret professionnel.

4

Les cantons prennent les mesures nécessaires envers les toxicomanes.

Ils peuvent interdire de se procurer des stupéfiants ou lever cette interdiction et en avisent le service fédéral de l'hygiène publique, qui en informe les autorités compétentes des autres cantons, à l'intention des médecins et des pharmaciens.

Art. 13 1

Les cantons peuvent priver, pour un temps déterminé ou à titre définitif, des droits que confère l'article 9, le médecin, le médecin-dentiste, le médecin-vétérinaire ou le dirigeant responsable d'une pharmacie publique ou d'hôpital, qui s'adonne à la toxicomanie ou contrevient aux articles 19 à 22.

2 Une telle mesure déploie ses effets sur tout le territoire de la Confédération.

3 L'article 54 du code pénal est réservé.

Art. 14 Les pharmaciens ne peuvent dispenser des stupéfiants au public que sur présentation de l'ordonnance d'un médecin ou d'un médecin-vétérinaire.

3. Etablissements hospitaliers et instituts

Art. 15 1

Tout établissement hospitalier peut être autorisé par l'autorité cantonale compétente à se procurer, à détenir et à utiliser des stupéfiants dans les limites de ses besoins, si une des personnes visées par l'article 9 en assume la responsabilité.

2 Tout institut scientifique peut être autorisé par l'autorité cantonal compétente à se procurer, à détenir et à utiliser des stupéfiants dans le .limites de ses besoins.

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III. CONTRÔLE

Art. 16 1

Pour toute livraison de stupéfiants, un bulletin doit être établi et adressé avec la marchandise au destinataire. Ne tombe pas sous le coup de la précédente disposition la dispensation de stupéfiants par les médecins, les médecins-dentistes et les médecins-vétérinaires, par les pharmaciens au public et aux médecins pratiquant dans leur canton, qui ne dispensent pas eux-mêmes des stupéfiants.

2 Les maisons et personnes autorisées à fabriquer et à préparer des stupéfiants doivent remettre au service fédéral de l'hygiène publique, en nombre sufiîsant, un double de chaque bulletin de livraison.

Art. 17 1

Les maisons, personnes et instituts autorisés à se procurer des stupéfiants aux termes des articles 4 et 15, 2e alinéa, doivent tenir à jour une comptabilité dans laquelle, sont consignées toutes les opérations qu'ils effectuent avec des stupéfiants.

2 Les maisons et personnes que vise l'article 4 doivent renseigner, à la fin de chaque année, le service fédéral de l'hygiène publique, à l'intention de l'autorité cantonale compétente, sur le trafic et leurs stocks de stupéfiants.

8 Les maisons et personnes autorisées à fabriquer et à préparer des stupéfiants doivent en outre renseigner, chaque trimestre, le service fédéral de l'hygiène publique sur la nature et les quantités de stupéfiants qu'elles ont fabriqués et préparés.

* Les personnes autorisées aux termes de l'article 9 à acquérir, à employer et à dispenser des stupéfiants ou qui sont responsables, au sens de l'article 15, 1er alinéa, doivent en légitimer l'emploi.

Art. 18 1

Les maisons, personnes, établissements et instituts soumis au contrôle officiel sont tenus d'ouvrir leurs locaux de fabrication, magasins et entrepôts aux agents de surveillance, de leur présenter leurs stocks de stupéfiants et de leur soumettre les contrôles prescrits et toutes les pièces justificatives. Ils doivent en tout temps, sur leur demande, renseigner les autorités.

2 Les fonctionnaires de la Confédération et des cantons chargés de la surveillance du trafic des stupéfiants sont astreints au secret, sans limite de temps, au sens de l'article 320 du code pénal.

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IV. DISPOSITIONS PÉNALES Art. 19 1. Celui qui, sans droit, fabrique, prépare, transforme des stupéfiants, celui qui, sans droit, importe, passe en transit, exporte, entrepose, fait le courtage, vend, expédie, transporte ou met des stupéfiants dans le commerce de toute autre manière, celui qui, sans droit, achète, acquiert, détient, possède des stupéfiants de quelque manière que ce soit, en procure ou en prescrit à autrui, en cède ou en offre à quelque titre que ce soit, celui qui prend des mesures à ces fins, est passible, s'il a agi intentionnellement, de l'emprisonnement pour deux ans au plus ou de l'amende jusqu'à trente mille francs. Si le délinquant a agi dans un dessein de lucre, il est passible, dans les cas graves, de la réclusion pour cinq ans au plus.

L'auteur d'un délit commis à l'étranger, arrêté en Suisse et qui n'est pas extradé, est aussi puni selon les dispositions du présent chiffre 1, si son acte est réprimé dans le pays où il l'a perpétré.

2. Si le délinquant a agi par négligence, il est passible des arrêts ou de l'amende jusqu'à dix mille francs.

Art. 20 1. Celui qui, pour se procurer ou procurer à autrui un permis d'importation, de transit ou d'exportation, présente une demande contenant de fausses indications ou fait usage d'une telle demande établie par un tiers, celui qui, sans droit, à l'intérieur du pays ou a l'étranger détourne de leur lieu de destination des stupéfiants, pour lesquels il détient un permis d'exportation suisse, celui qui, pour se procurer ou procurer à autrui des stupéfiants, falsifie ou altère l'ordonnance d'un médecin ou d'un médecin-vétérinaire ou fait usage à ces fina d'une ordonnance altérée ou falsifiée par un tiers, le médecin, le médecin-dentiste ou le médecin-vétérinaire qui emploie ou dispense des stupéfiants en dehors des cas que prévoit l'article 11, et le médecin ou le mède ein-vétérinaire qui prescrit des stupéfiants en dehors de ces cas, celui qui met dans le commerce des produits qui ne sont pas des stupéfiants, mais qu'il considère comme tels, est passible, s'il a agi intentionnellement, de l'emprisonnement pour deux ans au plus ou de l'amende jusqu'à trente mille francs. Si le délinquant a agi dans un dessein de lucre, la peine peut être, dans les cas graves, la réclusion pour cinq ans au plus.

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2. Si le délinquant a agi par négligence, il est passible des arrêts ou de l'amende jusqu'à dix mille francs.

Art. 21 1. Celui qui n'établit pas les bulletins de livraison et ne tient pas les contrôles prescrits ou qui inscrit de fausses indications ou néglige de consigner celles qui sont requises par les articles 16 et 17, 1er alinéa.

celui qui fait usage de bulletins de livraison ou de registres contenant des indications fausses ou incomplètes, est passible, s'il a agi intentionnellement, de l'emprisonnement pour deux ans au plus ou de l'amende jusqu'à trente mille francs.

2. Si le délinquant a agi par négligence, il est passible des arrêts ou de l'amende jusqu'à dix mille francs.

Art. 22 Celui qui contrevient aux prescriptions de la présente loi ou à ses dispositions d'exécution est passible des arrêts ou de l'amende juqu'à di-g mille francs, s'il n'y a pas infraction au sens des articles 19 à 21.

Art. 23 En cas de violation intentionnelle de la loi, au sens des articles 19 à 22, par un fonctionnaire chargé de leur application, les pénalités sont doublées.

Art. 24 Celui qui, pour se procurer un enrichissement illégitime, commet une infraction au sens des articles 19 à 22, est condamné à restitution en faveur de l'Etat.

Art. 25 Alors même qu'aucune personne déterminée ne peut être poursuivie ou condamnée, le juge prononce la confiscation des stupéfiants qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction au sens des articles 19 à 22 ou qui sont le produit d'une telle infraction. Le juge peut ordonner que le produit des stupéfiants confisqués soit restitué à leur propriétaire en tout ou en partie, suivant le degré de sa culpabilité.

2 Est réservée la confiscation ordonnée par les autorités administratives en conformité du droit cantonal.

3 Les autorités de police et les fonctionnaires chargés de l'application de la présente loi sont tenus de prendre toutes les mesures conservatoires nécessaires (séquestre) pour permettre la confiscation.

1

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Art. 26 A défaut de prescriptions de la présente loi, sont applicables les dispositions générales du code pénal.

Art. 27 Sont réservées les dispositions spéciales du code pénal et les prescriptions de la loi fédérale du 8 décembre 1905 sur le commerce des denrées alimentaires et de divers objets usuels.

Art. 28 La poursuite pénale incombe aux cantons.

2 Les cantons peuvent déférer aux autorités administratives le jugement des infractions qui ne sont punies que des arrêts ou de l'amende.

3 Les jugements, prononcés administratifs ayant un caractère pénal et ordonnances de non-lieu doivent être communiqués immédiatement, en expédition complète, au ministère public de la Confédération, à l'intention du Conseil fédéral.

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V. OFFICE CENTRAL Art. 29 1 Le ministère public de la Confédération est l'office central suisse chargé de réprimer le trafic illicite des stupéfiants. Il recueille les renseignements propres à empêcher les infractions à la présente loi et à faciliter la poursuite des délinquants. A cette fin, il est en rapport avec les services intéressés de Fadministration fédérale (service de l'hygiène publique, direction générale des douanes, direction générale des postes, télégraphes et téléphones), avec les autorités cantonales de police, avec les offices centraux des autres pays et l'office central de la commission internationale de police criminelle.

z Les cantons doivent signaler, à temps, à l'office central toute poursuite pénale engagée pour réprimer une infraction à la présente loi.

3 Est réservé le droit du procureur général de la Confédération d'ordonner des recherches dans les limites de l'article 259 de la loi fédérale du 15 juin 1934 sur la procédure pénale.

VI. DISPOSITIONS FINALES Art. 30 1 Les cantons et la commission fédérale des stupéfiants entendus, le Conseil fédéral édicté les ordonnances et les arrêtés nécessaires pour appliquer la présente loi.

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II fixe la composition de cette commission, en détermine le champ d'activité et en nomme les membres sur la proposition du département de l'intérieur.

Art. 31 1 Le Conseil fédéral fixe le montant des taxes que le service fédéral de l'hygiène publique prélève pour les permis d'importation et d'exportation qu'il délivre.

2 II édicté des prescriptions particulières pour l'acquisition, l'emploi, le contrôle et la détention des stupéfiants nécessaires à l'armée.

Art. 32 H incombe au service fédéral de l'hygiène publique d'établir les rapports que prévoient les conventions internationales relatives aux stupéfiants.

Art. 33 Les autorités cantonales compétentes et le service fédéral de l'hygiène publique mettent en sûreté les stupéfiants qui leur sont confiés en exécution de la présente loi et il leur incombe de les vendre ou de les détruire.

Art. 34 Les cantons édictent les dispositions nécessaires en vue de l'application de la présente loi et de ses ordonnances d'exécution; ils désignent les autorités et organes compétents pour: a. Accorder les autorisations (art. 4 et 15) ; 6. Recueillir les dénonciations des cas de toxicomanie et leur donner la suite qu'ils appellent (art. 12); c. Procéder aux contrôles (art. 16 à 18) ; d. Engager les poursuites pénales (art. 28), procéder aux séquestres (art. 25, 3e al.) et retirer les autorisations de faire le commerce des stupéfiants (art. 13) ; C. Surveiller les autorités et organes mentionnés sous lettres a à rf.

2 Les ordonnances d'exécution cantonales doivent être soumises à l'approbation du Conseil fédéral.

3 Les cantons peuvent percevoir des taxes pour l'octroi des autorisations (art. 4 et 15), pour les dispositions particulières qu'ils prennent et les contrôles qu'ils font.

Art. 35 1 Le recours au Conseil fédéral est recevable dans les 30 jours contre les arrêts et les décisions pris en dernière instance cantonale, en application 1

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de la présente loi ou de son ordonnance d'exécution, par les autorités cantonales de surveillance.

2 Le même recours est aussi recevable contre les décisions du département de l'intérieur (art. 124 s. de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943).

Art. 36 Les gouvernements cantonaux adressent chaque année au Conseil fédéral un rapport sur l'application de la loi et les observations qu 'elle a suscitées.

Art. 37 1 Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

2 Dès l'entrée en vigueur de la présente loi, sont abrogées la loi fédérale du 2 octobre 1924 sur les stupéfiants, ainsi que les dispositions contraires des lois et ordonnances fédérales et cantonales.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à la révision de la loi sur les stupéfiants (Du 9 avril 1951)

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