00.078 Message concernant la loi fédérale sur la culture et la production cinématographiques (Loi sur le cinéma, LCin) du 18 septembre 2000

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons par le présent message, en vous proposant de l'adopter, un projet de loi fédérale sur la culture et la production cinématographiques.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 septembre 2000

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Adolf Ogi La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2000-1390

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Condensé Depuis l'entrée en vigueur de l'actuelle loi sur le cinéma, en 1962, l'évolution sociale, technique et économique a amené, dans le monde entier, de gigantesques transformations dans les domaines cinématographique et audiovisuel. Ces mutations requièrent des adaptations de notre politique culturelle en la matière. Les instruments qu'offre l'actuelle loi sur le cinéma ne sont plus à jour.

D'après l'art. 71 de la Constitution du 18 avril 1999, la Confédération peut promouvoir la production cinématographique suisse et la culture cinématographiques ; elle est en outre habilitée à légiférer pour encourager une offre d'oeuvres cinématographiques variée et de qualité. Le présent projet de loi a pour objectif non seulement de répondre aux conditions et aux besoins d'aujourd'hui, mais aussi de fournir une base solide et adéquate, à moyen et à long terme, à la culture et à la production cinématographiques suisses. Ce projet de nouvelle loi fédérale sur la culture et la production cinématographiques repose sur deux piliers: des instruments modernes d'encouragement du cinéma et une réglementation libéralisée, mais susceptible de garantir la subsistance de notre vie cinématographique exceptionnellement diversifiée, qui représente actuellement un cas unique en Europe. «La qualité grâce à la diversité», telle est la devise de la nouvelle loi fédérale sur la culture et la production cinématographiques. Les définitions qui y sont données du cinéma et du film sont indépendantes des procédés techniques utilisés pour leur production et leur transmission.

Les objectifs et les lignes directrices de l'encouragement du cinéma seront fixés dans des régimes d'encouragement portant sur des périodes limitées, qui seront établis par le Département fédéral de l'intérieur. Les instruments d'encouragement seront en partie sélectifs et en partie liés au succès. On procédera régulièrement à des évaluations des régimes et des instruments d'encouragement, afin de déterminer leur efficacité et leur adéquation aux buts recherchés. Le financement de la production et de l'exploitation de films sera assuré par le biais d'un plafond de dépenses pluriannuel dont le montant sera fixé par le Parlement.

Le projet de loi contient par ailleurs, comme le prévoit la Constitution fédérale, des prescriptions visant à promouvoir la diversité
et la qualité de l'offre cinématographique. En ce qui concerne la distribution et l'exploitation des salles, le régime d'autorisation jusqu'ici en vigueur sera remplacé par une simple obligation d'enregistrement, qui est liée à des critères purement formels. Les obligations d'informer et d'annoncer permettront de récolter les informations dont la Confédération a besoin pour remplir sa mission en matière de culture cinématographique.

En dépit des avis exprimés lors de la consultation, on a renoncé à introduire un système d'autorisations pour les grands complexes multisalles. Un tel système est de nature trop dirigiste et serait quasiment inapplicable dans la pratique. Dans une déclaration commune rendue publique le 7 août 2000 à Locarno, PROCINEMA et CINESUISSE, les organisations faîtières de la branche cinématographique, ont annoncé leur volonté de prendre de leur plein gré des mesures concertées pour contribuer à la diversité de l'offre cinématographique. Une taxe à cet effet ne serait perçue que s'il devait apparaître que ces mesures n'ont pas l'efficacité souhaitée.

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Les mesures portant sur la distribution et sur les cinémas sont ainsi de nature extrêmement libérale et respectent l'autonomie des acteurs du marché.

Enfin, le projet de loi précise les attributions de la Commission fédérale du cinéma.

Ce projet ouvre la voie à un encouragement du cinéma résolument tourné vers l'avenir, tout en atteignant un judicieux équilibre entre un effort de libéralisation et un souci de préserver la qualité de l'offre. L'intérêt du public demande en effet que, dans le cadre d'un marché du cinéma caractérisé par des situations d'oligopole, on n'abandonne pas la garantie de la qualité aux seules forces du marché.

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Message 1

Partie générale

1.1

Le point de la situation

Une société a besoin de s'exprimer ­ par les mots, les images, les sons. Le désir de s'exprimer et la possibilité de concrétiser ce désir sont constitutifs du caractère, de l'histoire et du développement d'une société: les événements qui forment l'histoire de cette société, sa façon particulière de sentir et de percevoir, les formes d'expression qui lui sont propres, forgent son identité.

Depuis plus de cent ans, les «images en mouvement» qui racontent des histoires, présentent des documents d'époque, apportent des informations, des divertissements, et bien d'autres choses encore, contribuent à façonner cette identité. Elles font désormais partie intégrante de notre quotidien. Des générations entières ont été influencées par les grands films de fiction de leur temps (qu'on songe aux effets à long terme que la création cinématographique du «Groupe des cinq» a exercés en Suisse). Les films documentaires apportent une illustration concrète aux débats sur l'histoire, comme l'ont encore prouvé, dernièrement, d'impressionnants documentaires sur le rôle de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale.

Un pays qui n'aurait pas sa propre littérature, sa propre musique, ses propres revues, nous semble inconcevable. Il en va de même pour le cinéma. A l'ère de l'audiovisuel, il est d'une importance capitale qu'on puisse réaliser des films en Suisse.

Mais pour cela, il faut que la Confédération s'engage fermement.

La situation est semblable dans tous les pays d'Europe. Au cours des dernières décennies, la création cinématographique européenne n'a pas pu suivre le rythme des grands films de divertissement provenant des USA, ni du point de vue du volume de production, ni quant au budget de chacun des films. Seul le marché des Etats-Unis a la dimension nécessaire pour permettre à lui seul le refinancement de la production de films. Durant ces dernières années, le cinéma américain a dominé partout le paysage cinématographique et il a conquis des parts de marché allant jusqu'à plus de 80%.

Dans toute l'Europe, la production cinématographique est encouragée par l'Etat. Cet encouragement est indispensable pour le cinéma européen ­ même pour celui qui a du succès. De grands pays comme la France, l'Angleterre et l'Allemagne sont en rivalité avec Hollywood; les pays plus petits essaient de gagner la faveur du public
et le succès artistique avec des films qui se démarquent clairement, du point de vue du genre comme du budget investi ­ sensiblement moindre ­, des films à grand public.

Les pays dans lesquels les pouvoirs publics investissent substantiellement dans la production cinématographique nous apportent la preuve que ces encouragements portent leurs fruits. Le Danemark, la Belgique et l'Autriche (des pays dont la grandeur est comparable à celle de la Suisse) en sont des exemples récents bien connus.

Cependant, l'expérience nous montre également que, dans les petits pays, l'évolution n'est jamais linéaire et que, par conséquent, il ne faut pas s'attendre à obtenir des «succès» ou à établir des «records» en permanence.

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En ce qui concerne le long métrage de fiction, la Suisse est en train de redresser la barre. Les producteurs cherchent à renouer avec le succès qui les a boudés pendant quelques années. Le court métrage et le cinéma documentaire helvétiques jouissent d'une grande renommée.

La Suisse dispose, notamment grâce à la loi sur le cinéma en vigueur, d'une offre cinématographique qui, en comparaison européenne, est très variée et de grande qualité, bien qu'elle n'ait pas été épargnée par les processus de concentration, ni par la tendance générale au nivellement par le bas. Dans l'intérêt du public, il faut veiller à ce que cette offre cinématographique reste de haut niveau.

On ne dispose pas en Suisse d'assez de chiffres officiels pour pouvoir procéder à un état des lieux complet et détaillé. Le nouveau projet de loi a pris en compte cette insuffisance d'informations et de chiffres, insuffisance qui s'explique par le fait que les acteurs de la branche n'ont pas d'obligation d'informer et qu'on ne fait pas établir assez de statistiques.

1.1.1

La production

La production cinématographique européenne se caractérise par une multitude de petites entreprises qui produisent chacune un ou deux longs métrages par année.

En 1999, 22 longs métrages de fiction et 23 documentaires ont été produits en Suisse. 13 longs métrages et 2 documentaires étaient des coproductions. Les plus importants pays participant à ces coproductions sont nos voisins : la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche. Le film qui a remporté le plus grand succès a été «Beresina» de Daniel Schmidt, qui a enregistré 120 000 spectateurs1.

1.1.2

La structure de la distribution et des salles

Par rapport aux autres pays d'Europe, l'offre de films dans les cinémas suisses est variée et de bonne qualité. Les raisons principales en sont notamment les intérêts multiples du public, le plurilinguisme, les petites structures, mais aussi, tout simplement, le fait que certaines évolutions qui se sont déjà produites à l'étranger ne s'amorcent que maintenant chez nous. Il n'en reste pas moins que, en Suisse aussi, la diversité et la qualité tendent à baisser. La progression constante, depuis le milieu des années 80, des chaînes de cinémas, des multiplexes et des films à grand public se poursuit sans faiblir, et de nombreuses entreprises de distribution et beaucoup de salles indépendantes doivent lutter pour leur survie.

Sur le marché de la distribution en Suisse, il y a longtemps que la mondialisation est devenue réalité: entre 60 et 80% du marché helvétique sont aux mains des firmes cinématographiques des Etats-Unis, présentes dans le monde entier. Leur part de marché n'a cessé de croître depuis le début des années 80: ainsi, dans cette situation de concurrence acharnée, les productions indépendantes arrivent de moins en moins à subsister et perdent sans cesse des parts de marché.

En 1999, on a vendu 15,4 millions d'entrées de cinéma. Les cinq grandes entreprises de distribution que sont Buena Vista, 20th Century Fox, Monopole Pathé/Universal, 1

Newsletter, Swiss Film Center, Spring 2000.

5023

UIP et Warner Bros. ont enregistré une part de marché de 72 %. Les films provenant des Etats-Unis ont attiré 75,6 % du public, suivis par les films français avec 9,4 % et les productions anglaises avec 5,5 %. Les films suisses ont atteint 2,3 % des entrées2.

De grands distributeurs suisses qui étaient naguère encore indépendants, qui achetaient et distribuaient donc eux-mêmes des films, ont été rachetés par des entreprises étrangères. Par exemple, la Rialto Film AG a été rachetée par la société allemande Kinowelt Medien AG.

La situation d'oligopole dans la distribution rend difficile, voire impossible, l'accès au marché pour les films indépendants: les grands distributeurs internationaux contrôlent fermement les meilleures périodes de lancement. Les films indépendants, qui ne peuvent profiter ni d'une promotion intensive sur le plan mondial, ni d'un grand nombre de copies, n'obtiennent jamais le même accès au marché, quels que soient leur qualité et leur public potentiel. C'est le cas des films suisses, ainsi que des films provenant de pays qui ont une petite production indépendante. Même dans notre pays plurilingue, un phénomène nouveau se développe depuis quelques années, avec des conséquences néfastes sur nombre de films indépendants: les films en langue anglaise jouissent d'un avantage sur le marché.

La grande baisse de fréquentation des cinémas qui s'est amorcée dans les années 50, du fait de l'irruption de la télévision, a été suivie d'une longue période de stagnation, et la situation ne s'est redressée qu'au milieu des années 80. L'évolution actuelle semble positive: si l'on ne peut espérer retrouver les flots de spectateurs du début des années 50, les résultats de ces dernières années laissent entrevoir une certaine stabilité de la fréquentation des cinémas dans les petits pays d'Europe.

Après les fermetures de cinémas provoquées par l'apparition de la télévision, le nombre des cinémas s'est stabilisé en Suisse dans les dix dernières années, même si c'est à un niveau sensiblement plus bas que durant l'âge d'or. En 1992, le nombre des écrans et le nombre des places ont recommencé à augmenter, pour la première fois depuis trente ans. Avec ses quelque 430 salles de cinéma, la Suisse a une très bonne densité de cinémas par rapport aux autres pays d'Europe. En comparaison avec d'autres petits
pays d'Europe, les recettes des cinémas sont chez nous importantes, proportionnellement à la population. Mais il faut remarquer qu'en Suisse les prix d'entrée, qui sont en moyenne de 8,10 ECU (1995), sont parmi les plus élevés d'Europe, se situant nettement au-dessus de la moyenne de 4,43 ECU. Aux EtatsUnis et au Canada, les prix d'entrée s'élèvent en moyenne à 3,42 ECU 3.

Une cinquantaine de multiplexes (cinémas ayant au moins huit écrans) sont actuellement en projet, financés par des investisseurs étrangers: le monde du cinéma va donc chez nous très vraisemblablement au-devant de changements radicaux. Même si seule une partie de ces multiplexes seront réalisés et si la concentration des salles de cinéma a d'ores et déjà engendré des situations de monopole discutables, les salles de projection suisses, qui se caractérisaient jusqu'ici par une structure essentiellement constituée de PME, pourraient se trouver dans une situation de concurrence impitoyable. Avec des investissements se situant entre 35 et 60 millions de francs suisses, on peut penser que les propriétaires de cinémas multiplexes mettront tout en oeuvre pour concentrer sur leurs cinémas les films qui attirent le plus grand public et génèrent le plus de bénéfices. Or, cette concentration sur de tels films 2 3

PROCINEMA, Facts & Figures 1999, public version, Berne, mars 2000 Annuaire statistique 1997, Observatoire européen de l'audiovisuel, Strasbourg 1996

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exclurait en elle-même la diversité qui est souhaitable et, de ce fait, la qualité de l'offre cinématographique, solidaire de la diversité.

1.1.3

Le marché de la vidéo et les nouvelles technologies

Avec le développement de la vidéo dans les années 80, c'est encore une nouvelle technique audiovisuelle qui a fait son apparition sur le marché, gagnant rapidement du terrain. Le marché de la vidéo, plus encore que celui du cinéma, est un marché grand public. Il se caractérise par de très forts tirages des films qui ont eu les plus gros succès dans les cinémas. La diffusion est assurée par quelques filiales des grosses firmes cinématographiques des USA, une firme européenne en plein essor (PolyGram) et quelques firmes nationales.

Le marché des cassettes vidéo repose sur quatre principaux segments: les nouveaux longs métrages de fiction, les programmes pour enfants, les vidéo musicales et les films érotiques. La location et la vente se concentrent en général sur un petit nombre de produits à succès. En examinant de plus près les différents segments, on constate que des productions autres que les fictions ont un succès croissant sur certains marchés européens. Ce sont notamment les séries télévisées récentes, les sports, les films documentaires, les films éducatifs, les émissions humoristiques, etc. Ceci montre que les différentes offres sont susceptibles de rencontrer leur public.

Il n'est pas possible de prédire quelles seront les répercussions sur la diversité et la qualité de l'offre cinématographique des nouvelles formes de marché du film, telles que les services en ligne, la vidéo à la demande, les télévisions à péage, les films sur Internet et les nouveaux supports comme les DVD. Une tendance se dégage pourtant nettement: la numérisation des «images en mouvement» provoquera dans un proche avenir une mutation du marché de l'audiovisuel. Comme on trouvera probablement les mêmes concurrents sur le marché, en raison des sources de financement actuellement disponibles, les effets de cette mutation pourraient être semblables à ceux que l'on a déjà constatés: la concentration sur un petit nombre de concurrents entraînera une nette diminution de la diversité et une baisse de la qualité des films.

1.1.4

La télévision

Les besoins en programmes télévisés se sont terriblement accrus depuis une dizaine d'années. Cela tient en partie à l'introduction des chaînes de télévision privées, mais aussi au fait que les chaînes de droit public ont augmenté le volume de leurs programmes.

L'augmentation des chaînes de télévision en Europe n'a guère entraîné pour la création cinématographique européenne un accroissement de la diversité de l'offre.

Ce sont toujours les mêmes programmes qui sont diffusés sur un plus grand nombre de chaînes. Il faut cependant reconnaître que les chaînes de télévision se mettent depuis quelques années à redécouvrir la création cinématographique de leur pays.

Elles investissent dans les productions indépendantes, un domaine qu'elles avaient longtemps négligé, confiantes d'obtenir des Etats-Unis des lots de films bon marché, parce que déjà amortis.

5025

Ainsi, durant les cinq dernières années, la SSR SRG idée suisse s'est intéressée de plus en plus à la production cinématographique suisse, ce qui se reflète, p. ex., dans les pactes de l'audiovisuel» qu'elle a conclus avec la branche cinématoraphique pour 1997­1999 et 2000­2002.

1.1.5

L'encouragement du cinéma

En Europe, il n'y a aujourd'hui plus de production cinématographique indépendante qui soit possible sans le soutien de l'Etat, car la richesse culturelle de l'Europe, avec sa diversité linguistique et culturelle, a son prix dans le domaine du cinéma: les marchés sont trop petits et trop différents les uns des autres pour pouvoir financer durablement la création cinématographique sans appoint extérieur. Même dans les grands pays européens, la production cinématographique ne peut atteindre sa masse critique si elle repose seulement sur l'économie privée. Si l'on veut que la création cinématographique ait des chances de succès, on doit prévoir un encouragement substantiel de la part de l'Etat.

Tous les pays de l'Union européenne possèdent des systèmes d'encouragement du cinéma bien développés et dotés de moyens financiers importants. Bien que ces systèmes diffèrent beaucoup d'un pays à l'autre, on voit que, là où l'encouragement est constant et les budgets adéquats, une production indépendante et forte peut s'affirmer et rencontrer le succès. L'exemple du Danemark nous montre que l'encouragement du cinéma n'a pas seulement des résultats positifs dans de grands pays comme l'Allemagne et la France: ces dernières années, le montant du soutien au cinéma y a doublé, et les films danois sont désormais à nouveau projetés dans le monde entier. Dans certains pays, la France et l'Allemagne p. ex., l'encouragement du cinéma est financé par la branche elle-même, en plus des subsides publics. Ces pays perçoivent une taxe sur chaque billet d'entrée, pour soutenir la production cinématographique nationale: avec les taxes perçues sur les films à succès, on soutient les productions nationales ayant un budget de production et de marketing «relativement faible», afin de diversifier l'offre. La création cinématographique européenne bénéficie en outre du programme MEDIA, le programme d'encouragement de la branche audiovisuelle de l'Union européenne. On a prévu de nouvelles augmentations de budget substantielles pour la suite du programme, MEDIAplus, courant de 2001 à 2005.

La plupart des pays du Conseil de l'Europe se sont associés au fonds de coproduction EURIMAGES, dont la Suisse fait également partie.

Selon le plan de répartition du 4 février 2000, quelque 45 % des 21,5 millions mis à disposition par la Confédération
pour l'encouragement du cinéma sont dépensés pour la production, l'encouragement du cinéma lié au succès et des distinctions.

Pour l'encouragement de la culture cinématographique (distribution, diffusion, festivals, revues cinématographiques, organisations de promotion du film suisse, etc.), on dispose d'environ 17 %. Les autres domaines d'encouragement reçoivent les parts suivantes: la coopération européenne, 12,5 %, la formation professionnelle et la formation continue, 9,5 %, la Cinémathèque suisse, 7 %, les mesures compensatoires de MEDIA, 8,7 %.

5026

1.1.6

La législation actuelle sur le cinéma

L'encouragement du cinéma est ancré dans la Constitution suisse depuis 1960. Par l'art. 27ter de la constitution du 29 mai 1874 (aCst.), la Confédération ne se donnait pas seulement pour tâche d'encourager le cinéma, à titre de mission culturelle et de politique générale, mais elle se dotait aussi de la compétence d'intervenir par des mesures structurelles sur la distribution de films et sur le marché cinématographique.

L'industrie cinématographique devait rester indépendante de l'étranger et garantir la diversité de l'offre par la diversité de ses structures. La loi sur le cinéma (LCin; RS 443.1) est entrée en vigueur le 1er janvier 1962. Elle a ouvert la voie à de modestes mesures d'encouragement et elle a soumis la distribution à un système de contingentement et à un régime d'autorisation fédérale. Les entreprises des EtatsUnis déjà présentes en Suisse à cette époque ont pu poursuivre leurs activités commerciales grâce à une clause sur les droits acquis. La loi sur le cinéma n'était ainsi applicable en son intégralité qu'à la moitié du marché de la distribution. La Confédération a soumis les exploitants de salles à l'obligation d'une autorisation cantonale. Il fallait préserver les intérêts généraux de la culture et de la politique générale et éviter les effets nocifs des monopoles.

La loi sur le cinéma de 1962 a permis un développement régulier de l'encouragement du cinéma, qui est toutefois resté cantonné dans des dimensions modestes ­ trop modestes, comme le relevait déjà le Rapport Clottu en 1975. Toujours est-il que les instruments d'encouragement (promotion de la distribution, formation professionnelle et formation continue) se sont développés et «européanisés» (adhésion à EURIMAGES, le fonds d'encouragement du cinéma du Conseil de l'Europe, et, jusqu'en 1992, au programme MEDIA 1 de l'Union européenne). Depuis le 1er janvier 1997, une aide au cinéma liée au succès, SUCCES CINEMA, est entrée en vigueur pour une période d'essai de cinq ans.

Le contingentement de la distribution a été en vigueur jusqu'en 1992. Le 1er janvier 1993, le Conseil fédéral, par voie d'ordonnance, l'a remplacé par une simple exigence d'autorisation. Pendant les premières décennies de l'application de la loi sur le cinéma, il avait été difficile, voire impossible, d'obtenir un nouveau contingent (en cas de création
d'une nouvelle firme) ou l'augmentation d'un contingent existant; la situation a changé dans les années 80: une entreprise à participation étrangère majoritaire (Disney-Touchstone) a pu ouvrir une filiale en Suisse et obtenir un contingent.

Afin de maintenir et d'encourager la diversité des films projetés dans les salles, le régime d'autorisation introduit pour la distribution par l'ordonnance du 24 juin 1992 (OCin; RS 443.11) était lié à des exigences de qualité et de quantité. Il était difficile de mettre en oeuvre ces critères qualitatifs, et, plus encore, d'en contrôler l'application, de telle sorte que le régime d'autorisation n'a pas amené une amélioration qualitative du marché de la distribution, ni vraiment contribué à la diversité recherchée.

Quant à l'autorisation requise pour ouvrir et exploiter des salles, aucune modification n'est intervenue depuis l'entrée en vigueur de la loi sur le cinéma. Les cantons ont appliqué les prescriptions de différentes façons et ils estimaient différemment la part de marché à partir de laquelle on se trouve en présence d'une position de monopole et le moment à partir duquel ce monopole est nuisible. Dans de nombreux cas, la procédure d'autorisation n'a servi qu'à permettre aux entreprises cinémato-

5027

graphiques existantes sur la place d'empêcher par leurs oppositions, au moins pendant quelques années, l'entrée sur le marché de nouveaux concurrents indésirables.

La nouvelle Constitution fédérale du 18 avril 19994 (art. 71, al. 1) confie à nouveau à la Confédération la mission de promouvoir la production et la culture cinématographiques. La Confédération peut en outre légiférer pour encourager une offre d'oeuvres cinématographiques variée et de qualité (al. 2).

1.2

Les efforts entrepris jusqu'ici en faveur d'une loi sur la culture et la production cinématographiques

Depuis plus de vingt ans, la révision totale de la loi sur le cinéma du 28 septembre 1962 est à l'ordre du jour de la politique fédérale. On n'a pas donné suite à plusieurs projets parce qu'ils n'étaient pas assez novateurs, ni dans le domaine de l'encouragement du cinéma, ni dans les prescriptions se rapportant aux entreprises de projection et de distribution. La branche n'était alors pas prête à expérimenter des modèles d'encouragement liés au succès, ni à renoncer au système des autorisations.

La révision totale de la loi sur le cinéma est donc restée un des objectifs législatifs du Conseil fédéral.

1.3

La préparation de la loi sur le cinéma

Le 29 mai 1998, le Département fédéral de l'intérieur (DFI) a désigné une nouvelle commission d'experts, lui donnant mandat d'élaborer jusqu'au 31 mars 1999 un projet de nouvelle loi sur le cinéma. Pierre Moor, professeur ordinaire de droit public et codirecteur de l'Institut de droit public de l'Université de Lausanne en assurait la présidence. Elle était formée d'un petit noyau de personnes appuyées par des groupes travaillant sur des thèmes spécifiques (encouragement du cinéma, industrie du film et de l'audiovisuel, aspects formels et application); ces groupes étaient composés de spécialistes des principaux domaines de la branche du cinéma et de l'audiovisuel ainsi que de représentants d'autres services fédéraux. La commission Moor a commencé son travail le 4 juillet 1998. Dans un premier temps, elle a établi un inventaire et un état des lieux du marché et de la culture cinématographiques. Ensuite, sur la base des analyses et des discussions menées avec les différents groupes de spécialistes, ainsi qu'avec un représentant de la branche de la vidéo et un représentant de la Conférence des chefs cantonaux de justice et police, la commission a élaboré son projet de loi.

Le 6 avril 1999, le projet d'une loi fédérale sur la culture et la production cinématographiques (projet de la commission) a été livré au DFI avec les commentaires s'y rapportant. La Commission fédérale du cinéma a discuté du projet le 23 avril 1999 et elle a recommandé au Conseil fédéral de le soumettre tel quel à la procédure de consultation, pour s'assurer que la branche du cinéma accueille positivement les propositions de la commission Moor, avant que l'administration ne retravaille le projet.

4

RO 1999 2556

5028

1.4

Résultats de la procédure de consultation

1.4.1

Résumé

Par décision du 23 juin 1999, le Conseil fédéral a autorisé le Département fédéral de l'intérieur (DFI) à ouvrir une procédure de consultation sur le projet de loi fédérale sur la culture et la production cinématographiques, tel qu'il avait été adopté le 6 avril 1999 par la commission Moor. La procédure de consultation s'est close le 31 octobre 1999. 97 destinataires (cantons, partis politiques, organisations faîtières de l'économie, organisations de la branche cinématographique, organisations culturelles et autres organismes intéressés) ont été invités à prendre position sur le projet en général et, plus spécifiquement, à répondre à huit questions.

77 prises de position ont été remises au DFI, dont 62 provenant de milieux officiellement consultés. 15 organisations se sont prononcées sans y avoir été invitées.

Par décision du Conseil fédéral du 24 mai 2000, les résultats de la procédure de consultation ont été publiés.

Le projet de la commission a été accueilli favorablement par la grande majorité des participants à la consultation. Ils ont reconnu la nécessité d'une révision totale de la loi sur le cinéma et unanimement apprécié l'idée de favoriser la qualité de l'offre en encourageant la diversité, qui est au coeur du projet de la commission. Les milieux concernés ont salué l'introduction à titre définitif d'instruments d'encouragement liés au succès des films, mais ils ont cependant demandé que l'encouragement sélectif que nous connaissions jusqu'ici et l'encouragement lié au succès se complètent à l'avenir dans un système reposant sur deux piliers de même importance. On a reconnu la nécessité d'augmenter substantiellement le crédit du cinéma et soutenu la proposition de regrouper tous les moyens financiers dans un fonds spécifique.

Il est vrai que quelques points du projet ont été critiqués, et parfois même désapprouvés, par les milieux concernés. C'est le cas principalement de l'introduction d'une taxe d'incitation sous la forme prévue par la commission, du renoncement au régime d'autorisation pour les grandes entreprises de projection (le renoncement aux autorisations en général n'a, pour sa part, pas été contesté), de l'application de la réglementation à la vidéo, ainsi que des mesures d'intervention prévues. Enfin, certains ont souhaité que le projet abandonne le terme «film», à leurs
yeux suranné, et exprime clairement le fait qu'à l'ère de l'audiovisuel, il s'agit de promouvoir les «images en mouvement» en général. On développera ces cinq points ci-dessous (cf.

ch.. 1.4.2).

Quelques participants ont mis en doute ­ et même nié ­ la constitutionnalité, la légalité et la compatibilité avec le droit international du chap. 3 du projet de loi, qui prévoit des prescriptions en faveur de la diversité et de la qualité de l'offre cinématographique dans les salles publiques, et en particulier une taxe d'incitation. Selon eux, l'al. 2 de l'art. 71 de la Constitution ne fournit pas à ces prescriptions une base constitutionnelle suffisante. On reviendra sur ces questions aux ch. 1.4.2.1 et 5.

5029

1.4.2

Prise de position sur les principales objections et propositions

1.4.2.1

L'introduction d'une taxe d'incitation pour promouvoir la diversité de l'offre cinématographique

Le projet de loi (PLCin) prévoit dans son art. 21 une taxe subsidiaire, dont le but est de promouvoir la diversité de l'offre en matière de distribution et de projection publique de films.

Cette taxe se fonde sur d'autres critères que la taxe d'incitation prévue dans le projet Moor. Elle a pour origine une déclaration commune de la branche cinématographique rendue publique le 7 août 20005, qui a permis d'éliminer les principales divergences relatives à la révision de la loi. Il y sera fait allusion à diverses reprises dans la suite du message.

L'«amende» à affectation spéciale que la branche a finalement acceptée en dernier recours peut, dogmatiquement parlant, être qualifiée de taxe d'incitation. (A propos de la qualification de pure taxe d'incitation et de sa constitutionnalité, voir les commentaires relatifs à l'art. 21 dans la partie spéciale de ce message.)

Au sujet de la compatibilité avec le droit international de la taxe proposée à titre subsidiaire, voir le ch. 5 du présent message.

1.4.2.2

L'abandon du régime d'autorisation pour les entreprises de projection

On n'a pas contesté l'abandon du régime d'autorisation dans le domaine de la distribution. Cependant, plusieurs cantons, partis et organisations de la branche ont de5

«Un grand pas en avant pour la loi sur le cinéma Les associations intéressées de la branche cinématographique ont franchi aujourd'hui une étape décisive dans la discussion des points controversés relatifs à la taxe d'incitation et aux mesures interventionnistes prévues par la révision de la loi sur le cinéma.

Il faut maintenir et encourager la diversité culturelle en Suisse: ce postulat fait l'unanimité dans le secteur cinématographique. Pour cela, il faut veiller en particulier à proposer une offre cinématographique variée sur le plan local comme sur le plan national. Afin de parvenir à cet objectif, il a été convenu d'en appeler, en premier lieu, à la responsabilisation des exploitants et des distributeurs, représentés par PROCINEMA.

D'entente avec le Département fédéral de l'intérieur et les milieux intéressés, PROCINEMA édictera des dispositions afin de garantir la diversité de l'offre.

Une déclaration leur conférant force obligatoire générale doit assurer que tous les participants au marché s'y tiendront. Si les dispositions d'autorégulation ne sont pas observées, mettant par là en danger la diversité de l'offre, l'association PROCINEMA se chargera elle-même de rétablir une situation conforme aux objectifs de la loi. En dernier ressort, le Département peut infliger une amende dont les bases doivent être ancrées dans la loi sur le cinéma; le produit de ces éventuelles amendes sera entièrement consacré aux mesures d'encouragement de la diversité de l'offre.

Cette réglementation permet de renoncer à une taxe d'incitation et aux mesures interventionnistes prévues jusqu'à présent.

Avec cette solution, les associations PROCINEMA et Cinésuisse veulent aider la loi sur le cinéma à aller de l'avant et luttent ensemble en faveur du doublement progressif du crédit fédéral alloué au cinéma.» (Communiqué de presse commun de Cinésuisse et PROCINEMA, Locarno, le 7.8.2000)

5030

mandé le maintien des autorisations pour les cinémas multiplexes et mégaplexes, afin de prévenir une concurrence acharnée qui mettrait en péril la diversité de l'offre. Le projet du Conseil fédéral renonce néanmoins au maintien des autorisations pour les grands complexes cinématographiques. Il est en effet difficile d'établir des critères objectifs suffisamment fiables qui permettraient de déterminer dans quels cas une autorisation pourrait être accordée pour des raisons de politique culturelle et dans quels cas une telle autorisation ne se justifierait pas. Les dispositions du ch. 3 concernant la diversité de l'offre permettront de contrecarrer d'éventuels développements indésirables.

1.4.2.3

L'application au marché de la vidéo des prescriptions du chap. 3 du projet de loi

Le projet de la commission soumis à la procédure de consultation prévoyait que les prescriptions du chap. 3 s'appliquent également à la branche de la vidéo, mais la majorité des participants ont mal accueilli cette proposition: on a mis en doute le fait que la Constitution donne à la Confédération la compétence d'intervenir dans ce domaine, ainsi que l'idée que l'intérêt public requière un contrôle du marché de la vidéo par l'Etat et une garantie légale de la diversité de l'offre sur ce marché, qui obéit à d'autres règles que la diffusion et la projection d'oeuvres cinématographiques.

Le Conseil fédéral se rallie à cette position et renonce à légiférer sur le marché de la vidéo. Par contre, l'encouragement de la réalisation vidéo tel qu'il est déjà prévu dans la loi actuelle reste naturellement possible.

1.4.2.4

Les mesures visant à la diversité de l'offre (art. 17 à 22 PLCin)

Le projet du Conseil fédéral tient compte des critiques exprimées lors de la consultation et renonce à introduire, pour protéger la diversité de l'offre, un instrument s'inspirant de la procédure devant la Commission de la concurrence. Le projet se contente d'une évaluation régulière des mesures prises de plein gré par les milieux du cinéma en faveur de la diversité de l'offre. Si ces mesures devaient se révéler insuffisantes, l'office compétent pourrait inviter les entreprises concernées à remédier à la situation. En dernier recours, une taxe pourrait être introduite; d'autres formes d'intervention, comme l'imposition de charges, ne sont pas prévues.

1.4.2.5

A l'ère de l'audiovisuel, quel est exactement l'objet de la loi?

Certains participants à la consultation ont regretté que, dans sa terminologie, le projet de la commission ne se distancie pas davantage du terme «film», ressenti comme désuet, et qu'il n'indique pas plus clairement que, à l'ère de l'audiovisuel, il doit être question de l'encouragement des images en mouvement en général.

5031

Dans les prochaines années, les vidéos classiques seront de plus en plus remplacées par des supports numériques comme les Digital Versatile Discs (DVD) ou les CDROMs.

Le projet du Conseil fédéral va dans ce sens. Pourtant, si l'on veut éviter de fâcheux néologismes, on ne peut renoncer au terme «film». Cependant, le projet de loi a été formulé de telle manière qu'il réserve une place aux futurs développements du «film».

1.4.3

Autres aspects

1.4.3.1

Réglementation fédérale en matière de protection de la jeunesse (limites d'âge)

Dans la consultation, six cantons (ZH, ZG, SH, SG, GR, AG), de même que l'Association suisse des distributeurs de films et l'Association suisse du cinéma d'art, se sont prononcés en faveur d'une réglementation fédérale en matière de protection de la jeunesse (limites d'âge). Dans une ère de mobilité et de médias audiovisuels (vidéo, télévision et Internet) qui, soustraits à tout contrôle, s'offrent à la consommation par-delà les frontières, une réglementation des limites d'âge au niveau cantonal leur semble ne plus correspondre à la réalité juridique du fait que les limites d'âge n'exercent plus qu'une protection restreinte. Par ailleurs, des réglementations différentes d'un canton à l'autre conduisent à des distorsions de concurrence, un canton pouvant fixer la limite d'âge à 18 ans pour un film, alors que le canton voisin en autorise la projection sans restriction.

La Constitution ne permet pas de se rallier à cette position, bien que celle-ci repose sur des arguments tout à fait plausibles. Les dispositions en matière de protection de la jeunesse sont en effet exclusivement de la compétence des cantons.

1.4.3.2

Prescriptions de réinvestissement des subsides alloués à des projets de films

Le Syndicat suisse des mass média et huit organisations de la branche du cinéma estiment que le projet de la commission ne tient pas assez compte des aspects économiques de la production cinématographique. Selon eux, il importe de renforcer le rôle de la Suisse comme lieu de production cinématographique (pour le tournage, le montage et la mise au point) et de garantir l'existence d'entreprises cinématographiques et audiovisuelles indépendantes des chaînes de télévision. Elles demandent explicitement que l'on prescrive un réinvestissement des subsides accordés à des projets de films.

Le projet de loi sur le cinéma contient, à son art. 2, al. 2, let. c, une disposition qui vise à assurer une prise en compte optimale des techniciens suisses ainsi que des entreprises suisses spécialisées dans la technique cinématographique. Cela laisse aux autorités une latitude d'appréciation dans l'application concrète. Des prescriptions trop strictes en matière de réinvestissement conduiraient à un renchérissement du coût des films et contraindraient les producteurs à prendre des décisions inappropriées. De toute façon, on ne parviendrait pas à appliquer de telles prescriptions visà-vis des grands pays voisins.

5032

1.5

La conception à la base de la loi

1.5.1

Aperçu

Sur la base des résultats de la consultation et de la décision prise le 24 mai 2000 par le Conseil fédéral sur la poursuite de la procédure, le projet de la commission a été remanié au sein de l'administration fédérale, sous la responsabilité de l'Office fédéral de la culture (OFC). Lorsque cela était possible et justifié par les faits, on a tenu compte des objections, propositions et remarques qui ont été exprimées lors de la consultation.

1.5.2

Objectifs de la loi fédérale sur la culture et la production cinématographiques

Les deux axes principaux du projet de loi sont les mêmes que ceux fixés par l'art. 71 Cst.: ­

l'encouragement d'une production et d'une culture cinématographiques indépendantes et évolutives;

­

l'encouragement de la variété et de la qualité de l'offre cinématographique au moyen de mesures et de dispositions appropriées.

Le projet de loi se rattache, plus que ne le faisait jusqu'à présent la loi sur le cinéma, à l'idée que la diversité de l'offre cinématographique est la véritable clé de la qualité de cette offre. Ce n'est pas à l'Etat de définir quelles sont les créations de valeur.

Les mesures en faveur de la diversité conduiront à une meilleure qualité de l'offre cinématographique.

Le projet de loi qui suit remplit le mandat constitutionnel en mettant en place des instruments adaptés aux besoins de notre époque. Les mesures d'encouragement y ont été préférées aux mesures contraignantes. Les dispositions contraignantes qui subsistent ont été prévues à titre subsidiaire, dans un esprit libéral et de façon à laisser à la branche du cinéma toute l'autonomie possible. Le projet s'efforce d'établir le meilleur équilibre possible entre les exigences économiques et culturelles.

Les régimes d'encouragement prévus par le projet de loi représentent un nouvel instrument d'intervention qui, avec le plan de répartition, définira de façon durable l'orientation de la politique d'encouragement du cinéma.

Le renoncement au régime d'autorisation traduit la libéralisation qui a été entreprise.

L'obligation de l'enregistrement, couplée aux obligations d'informer et d'annoncer, résulte du renoncement à poser des exigences qualitatives incontrôlables ou des conditions matérielles. Elle se borne à exiger que le siège des entreprises qui produisent, distribuent ou projettent des films se trouve en Suisse, de même que le domicile des membres de leur direction. Il convient de maintenir ces deux conditions, car une culture cinématographique indépendante ne saurait se passer d'un marché national de la distribution. Ce n'est qu'ainsi qu'on pourra éviter un partage de la Suisse par aires linguistiques et l'annexion de chacune de ces aires linguistiques au marché de la distribution étranger correspondant.

5033

Par principe, il faut renforcer l'autonomie de la branche du cinéma. Le nouvel instrument intégré dans ce projet de loi laisse aux entreprises concernées la possibilité de rétablir elles-mêmes la diversité de l'offre cinématographique avant que la Confédération n'intervienne.

La proposition de taxe subsidiaire destinée à promouvoir la diversité de l'offre résulte de l'accord auquel les milieux du cinéma sont parvenus dans leur déclaration de Locarno. Les éventuelles recettes de cette taxe d'incitation seront réinvesties en faveur de la diversité de l'offre cinématographique sur le même marché local.

En se basant notamment sur des considérations de droit constitutionnel, on a renoncé, dans ce projet de loi, aux autres mesures fiscales envisageables en faveur de l'encouragement du cinéma, telles qu'en connaissent, par exemple, la France et l'Allemagne.

2

Partie spéciale

2.1

Commentaire du projet de loi

2.1.1

Chapitre 1

2.1.1.1

But (art. 1)

Dispositions générales

Le titre de la loi reprend les deux notions énoncées à l'art. 71 de la Constitution : production et culture cinématographiques. C'est à ces deux domaines ­ le cinéma suisse et le cinéma en Suisse ­ que la loi doit servir. Elle doit par ailleurs, comme jusqu'à présent, clairement poursuivre des objectifs culturels.

L'objectif prioritaire de la nouvelle loi sur le cinéma consiste à promouvoir la diversité et la qualité de l'offre cinématographique (art. 1 LPCin). Ce n'est pas à l'Etat qu'il appartient de définir la notion de qualité. La loi sur le cinéma part du principe qu'il n'est pas de meilleur garant de la qualité qu'une offre cinématographique variée.

2.1.1.2

Définitions (art. 2)

Le projet de loi conserve le terme de «film» et le définit comme une suite d'images enregistrées et structurées destinées à la reproduction (cf. art. 2, al. 1, PLCin). Tous les modes de transmission au public sont visés par ce terme et non pas seulement la plus classique, celle de la projection en salle. La nouvelle loi sur le cinéma doit, dans la mesure du possible, suivre le rythme des développements technologiques.

Aussi l'art. 2, al. 1, PLCin définit-il la notion classique de film indépendamment du média et des procédés techniques utilisés. Cette définition s'impose si on veut donner au terme de film, souvent associé au seul cinéma (et plus fortement encore en français, avec l'utilisation de l'adjectif «cinématographique»), l'ouverture dont il a besoin, qui se reflète aujourd'hui déjà dans la terminologie quelque peu différente utilisée à l'article premier de l'OCin.

Le projet de loi définit également la notion de film suisse (art. 2, al. 2, LPCin), notion importante dans le domaine de l'encouragement de la production cinématographique, de la reconnaissance de la nationalité et de la coproduction internatio5034

nale. La définition se rapporte à des critères formels, non à des contenus: le domicile des auteurs ou le siège de la production doit se trouver en Suisse. Il est également souhaitable que les autres collaborateurs, artistiques ou techniques, vivent en Suisse.

Pour la politique cinématographique, il est essentiel de considérer les industries techniques suisses. Une culture cinématographique indépendante passe par une infrastructure solide.

A la différence de la loi en vigueur, le projet renonce à prescrire la Suisse comme lieu de tournage. C'est le sujet du film qui doit déterminer le lieu de tournage.

2.1.2

Chapitre 2

Encouragement du cinéma

Le chapitre Encouragement du cinéma décrit dans la section 1 les domaines d'encouragement, dans la section 2 les instruments d'encouragement, dans la section 3 les régimes d'encouragement et l'évaluation, dans la section 4 les aides financières et les autres formes de soutien et, enfin, dans la section 5 les films ne pouvant bénéficier des mesures d'encouragement.

2.1.2.1

Section 1

Domaines d'encouragement

Un des principaux instruments sont les aides financières, fournies dans les domaines d'encouragement suivants: ­

la création cinématographique suisse (art. 3 PLCin),

­

la diversité et la qualité de l'offre cinématographique (art. 4 PLCin),

­

la culture cinématographique (art. 5 PLCin),

­

la formation professionnelle et la formation continue (art. 6 PLCin).

Ces domaines d'encouragement existent déjà dans la législation en vigueur. Aujourd'hui, ils figurent pour l'essentiel seulement dans l'ordonnance sur le cinéma.

La place de ces prescriptions est sans aucun doute dans une loi formelle.

Les quatre domaines de l'encouragement du cinéma forment un réseau complet.

L'encouragement de la production n'a aucun sens si l'exploitation ne bénéficie d'aucune aide. Encourager l'exploitation des films suisses reste sans effet si l'environnement est ignoré. Les activités culturelles ­ des archives de la Cinémathèque suisse aux festivals de cinéma ­ constituent l'environnement nécessaire des salles et de la distribution. La formation professionnelle et la formation continue des professionnels du cinéma sont autant d'autres éléments essentiels pour assurer la compétitivité et le professionnalisme des milieux du cinéma.

2.1.2.1.1

Création cinématographique suisse (art. 3)

L'art. 3 PLCin énumère les objectifs de la loi. L'accent est mis sur le rayonnement culturel, la vitalité économique, la continuité et le potentiel de développement de la production cinématographique indépendante.

5035

L'expression de «production cinématographique suisse indépendante» (art. 3 PLCin) désigne la bénéficiaire de l'encouragement de la production: la création cinématographique indépendante. « Indépendant » signifie ici que la société de production ne peut pas être propriétaire des médias servant à l'exploitation (comme p. ex. les chaînes de télévision). L'indépendance est également souhaitée au sens de la liberté de création. Bien sûr, cette indépendance est relative puisqu'aujourd'hui bien des films produits de manière indépendante le sont (doivent l'être) avec des moyens de la télévision. Mais il est très important, pour la diversité et la qualité de la création cinématographique suisse, de maintenir cette autonomie relative. Le terme de production cinématographique vise la branche économique du cinéma, c'est-à-dire que seuls les professionnels du cinéma peuvent bénéficier d'aides financières de la Confédération au titre d'encouragement du cinéma. Cette disposition est reprise du droit actuel.

Est encouragée la production de films suisses et de films coproduits par la Suisse et l'étranger. Dans l'espace germanophone, la production comprend le développement de projets, d'une part, et la réalisation, de l'autre. La coopération internationale figure déjà dans le droit actuel du cinéma.

Parce que les coûts de production d'un film de fiction dépassent en général, en Suisse ou ailleurs, les possibilités de financement tant publiques que privées, la plupart des productions cinématographiques sont des coproductions européennes.

La Suisse a passé des accords de coproduction avec la Belgique, l'Allemagne, la France, le Canada, l'Italie et l'Autriche. En tant que signataire de la Convention européenne sur la coproduction cinématographique, elle est liée à 18 Etats européens. Les accords internationaux placent à égalité, sous certaines conditions, les films coproduits et les productions nationales, leur ouvrant ainsi les instruments d'encouragement des pays partenaires.

Pour les pays avec lesquels aucun accord n'a été passé, le principe d'égalité est respecté sous certaines conditions, p. ex. pour autant que la réciprocité soit garantie.

2.1.2.1.2

Diversité et qualité de l'offre cinématographique (art. 4)

L'encouragement de la distribution, de la diffusion et des salles de cinéma rejoint les buts de diversité culturelle et linguistique et de qualité des productions. L'exploitation doit porter sur des films en provenance du monde entier. Ce type d'encouragement existe déjà et a fait ses preuves. Grâce à l'aide à la distribution, des films de fiction et des documentaires d'Europe et d'ailleurs ont pu être projetés dans les salles de Suisse; certains d'entre eux ont enregistré un nombre respectable d'entrées.

2.1.2.1.3

Culture cinématographique (art. 5)

L'art. 5 PLCin reprend la teneur ­ légèrement reformulée ­ des définitions figurant à l'art. 12 Ocin. Seule nouveauté: la disposition sur l'encouragement des initiatives culturelles destinées à faciliter «la diffusion de la culture cinématographique et la sensibilisation au cinéma» (art. 5, let. a). La Confédération soutient déjà des activités de ce type. Ainsi, la Cinémathèque suisse à Lausanne ne sert-elle pas uniquement à archiver et à restaurer des films, mais aussi à faire connaître les trésors de la ciné5036

matographie suisse. La «Lanterne magique», le ciné-club destiné aux enfants, initie le public de demain aux grands classiques dans plus de 50 localités.

La notion de développement et d'innovation en la matière de la production et de la culture cinématographiques (art. 5, let. e, PLCin) est nouvelle. Les mesures d'encouragement du cinéma devront tenir compte de ce domaine dans la perspective des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) qui ne manqueront pas d'influencer le cinéma. Sur ce plan, la Suisse aussi a ses chances: ainsi, Swisseffects par exemple a élaboré un procédé qui permet de transférer des images vidéo sur des films conventionnels. Ce procédé, mondialement connu, a influencé positivement la conception artistique de productions suisses.

Les activités culturelles peuvent également être promues par d'autres formes de soutien que des aides financières: citons à titre d'exemple les patronages tels que le droit actuel les prévoit déjà (art. 14 OCin) ou encore des prestations telles que conseils ou lettres de recommandation pour des tournages à l'étranger. L'OFC fournit déjà ce type de soutien et souvent d'ailleurs dans des domaines qui, a priori, seraient d'un intérêt réel pour le cinéma mais qui ne bénéficient d'aucune aide financière pour des raisons budgétaires ou autres.

2.1.2.1.4

Formation professionnelle et formation continue (art. 6)

En matière d'encouragement du cinéma, la formation professionnelle et la formation continue sont deux enjeux de première importance. Dans le domaine de la formation professionnelle et de la formation continue (art. 6 PLCin), la Confédération soutient déjà des cursus en Suisse et à l'étranger. L'essentiel de la formation continue est assuré par FOCAL, une fondation renommée née de la branche cinématographique, qui bénéficie déjà du soutien de la Confédération. Cette dernière verse également des subventions à des séminaires européens de formation continue pour permettre à des Suisses de participer à ce type de cours malgré l'exclusion de notre pays des programmes européens MEDIA. La formation professionnelle et la formation continue jouent un rôle capital en matière de développement du cinéma.

2.1.2.2

Section 2

Instruments d'encouragement

Les articles suivants régissent les instruments à l'aide desquels l'encouragement doit être mis en oeuvre. Ces instruments se partagent entre les récompenses (art. 7 PLCin), l'aide sélective et l'aide liée au succès (art. 8 PLCin), la délégation de l'encouragement du cinéma à des institutions (art. 9 PLCin) et les conventions de prestations (art. 10 PLCin).

2.1.2.2.1

Récompenses (art. 7)

L'art. 7 PLCin inscrit dans la loi l'attribution de primes et de distinctions (réglementation qui figure pour l'heure dans l'ordonnance) comme le Prix du cinéma suisse, décerné pour la première fois en 1998. A l'avenir, il s'agirait de récompenser non seulement des performances exceptionnelles des professionnels du cinéma, mais 5037

également celles d'acteurs méritants de la culture cinématographique. Les distinctions de ce type jouent en effet un rôle promotionnel non négligeable dans le monde du cinéma.

2.1.2.2.2

Aide sélective et aide liée au succès (art. 8)

L'aide sélective choisit et apprécie une production selon des critères qualitatifs.

Pour ce faire, la législation actuelle utilisait l'expression de film de valeur, notion aux accents moralistes. Pour reprendre la terminologie utilisée dans la Constitution, il a été décidé d'opter pour le terme de qualité.

L'aide au cinéma liée au succès récompense le succès d'une réalisation. Aucun jugement de valeur n'est énoncé. Seul compte le succès que réserve le public à un film. Ce succès, traduit mathématiquement en bonifications, permet aux créateurs concernés de poursuivre leur travail. Ainsi, le succès public revêt également un attrait pour les films à orientation culturelle. Les sociétés de production sont elles aussi encouragées à entreprendre des efforts pour que l'exploitation d'un film soit efficace. Le 1er janvier 1997, une formule d'encouragement lié au succès (Succès Cinéma) a été lancée à titre d'essai pour une période de cinq ans. Elle consiste à donner à la production, à la distribution et aux salles de cinéma une bonification pour chaque entrée, somme qu'elles sont tenues d'investir dans des projets cinématographiques.

Même si cette période d'essai n'est pas encore tout à fait achevée, on peut d'ores et déjà constater, notamment sur la base d'un rapport intermédiaire indépendant de l'Université de Berne, que l'aide liée au succès a sa raison d'être et qu'elle doit être inscrite dans la loi. Combiner l'aide sélective et l'aide liée au succès fait tout particulièrement sens puisque cela permet d'arriver à un certain équilibre, même si l'aide au succès est appelée à prendre plus d'importance.

Les modalités des aides financières, c'est-à-dire les critères, les conditions que les bénéficiaires doivent remplir et la procédure, sont réglées ­ comme par le passé ­ au niveau du Département. Cette manière de procéder permet d'édicter des prescriptions relativement détaillées qui peuvent être adaptées rapidement à l'évolution des besoins. Les règlements actuels sur l'aide sélective et sur l'aide liée au succès donnent aux candidats tous les renseignements utiles, dans deux règlements exhaustifs, sur les conditions à respecter pour bénéficier des deux formes d'encouragement.

2.1.2.2.3

Délégation de l'encouragement du cinéma à des institutions (art. 9)

L'art. 9 PLCin intègre l'expérience (positive) de Succès Cinéma. Actuellement, ce projet d'aide liée au succès, d'une durée de cinq ans, est réalisé en collaboration avec la SRG SSR idée suisse, la fondation culturelle SUISSIMAGE et l'association faîtière PROCINEMA. Ces trois organisations et la Confédération participent conjointement au financement. L'association Succès cinéma a été fondée tout spécialement pour les besoins de cette opération. L'art. 9 PLCin définit les conditions nécessaires à la délégation d'une partie des mesures d'encouragement du cinéma. Pareille délégation peut être envisagée lorsque des tiers ­ comme Succès cinéma ­ fournissent une contribution importante au financement d'une tâche. Il incombe au Conseil 5038

fédéral de prendre les décisions de principe; le Département fixe les conditions générales et désigne les éventuels représentants de la Confédération. On avait d'ailleurs procédé de cette manière pour le règlement du DFI, datant du 13 décembre 1996, sur la mise en oeuvre de l'aide au cinéma liée au succès La Confédération doit en outre conclure un contrat de prestations avec les organisations en question (al. 3). Ce contrat doit notamment prévoir le règlement par un tribunal d'arbitrage de tout litige éventuel opposant l'organisation responsable et les ayant droits.

2.1.2.2.4

Conventions de prestations (art. 10)

L'instrument de la convention de prestations a été introduit avec l'adoption du règlement du DFI du 13 décembre 1996 sur l'encouragement sélectif du cinéma.

Aujourd'hui, l'OFC négocie pareils conventions de prestations avec des organisations telles que le Centre suisse du cinéma et Media Desk/Euroinfo Suisse, mais aussi avec les festivals de Soleure, de Locarno et de Nyon. Ces conventions sont généralement signées pour une durée de trois ans avec des organisations qui bénéficient régulièrement d'aides financières. Elles comprennent un état des lieux, fixent des objectifs pour la période considérée et décrivent les mesures devant permettre d'atteindre ces objectifs. Elles prévoient également une évaluation régulière ­ élément important ­ destinée à contrôler les prestations, c'est-à-dire l'opportunité des mesures et leur efficacité. Le but de cette évaluation est d'assurer l'efficience des moyens financiers fédéraux engagés pour une tâche donnée.

Dans un même temps, la convention fixe le montant de la subvention fédérale sous réserve des compétences budgétaires des Chambres fédérales et décrit les autres sources de financement. Pour l'essentiel, l'état des lieux, les objectifs et les mesures sont définis par l'organisation elle-même, avant d'être examinés dans le cadre de la procédure d'évaluation. Cet instrument doit obliger l'organisation à se remettre en question régulièrement et à travailler de manière ciblée. L'art. 10 PLCin donne une base légale à la convention de prestations.

2.1.2.3

Section 3

Régimes d'encouragement et évaluation

2.1.2.3.1

Régimes d'encouragement (art. 11)

Les régimes d'encouragement constituent un instrument ayant pour but d'instaurer une politique de promotion cinématographique dynamique et ciblée. L'article de loi est le fruit des travaux de la Commission Moor, occupée à la révision totale de l'ordonnance sur le cinéma. La Commission s'est rendu compte qu'une politique de promotion ciblée devait se doter d'autres instruments que celui d'une ordonnance à durée indéterminée. Le Conseil fédéral se rallie à cette suggestion. Ainsi, le régime d'encouragement, le plan de répartition (art. 25, al. 2, let. a, PLCin) et l'évaluation (art. 12 PLCin) constituent les trois piliers d'une politique d'encouragement efficace.

5039

2.1.2.3.2

Evaluation (art. 12)

L'évaluation ne doit pas seulement s'appliquer aux organisations bénéficiaires des mesures d'aide. Les instruments de l'encouragement du cinéma doivent eux-mêmes être évalués régulièrement (art. 12 PLCin). Cette évaluation se fera au plan interne et externe et sera réglée en détail dans l'ordonnance d'exécution. Les obligations d'informer et d'annoncer prévues à l'art. 24 PLCin doivent contribuer à ce que les faits et chiffres pertinents soient établis à intervalles réguliers afin d'en permettre une analyse complète et utile.

Les résultats de l'évaluation doivent être publiés (al. 2). La Commission fédérale du cinéma aura un rôle central à jouer dans l'analyse des résultats (voir aussi art. 25, al. 2, let. b, PLCin).

2.1.2.4

Section 4 soutien

Aides financières et autres formes de

2.1.2.4.1

Formes des aides financières (art. 13)

La disposition qui régit les formes des aides financières (art. 13 PLCin, remboursement sous condition ou contribution à fonds perdus) reprend le texte en vigueur.

Dans la pratique, presque toutes les aides financières ont été versées à fonds perdus.

La formule des aides financières remboursables sous condition doit néanmoins être maintenue.

2.1.2.4.2

Décisions portant sur les aides financières ou d'autres formes de soutien (art. 14)

L'art. 14 PLCin régit les compétences décisionnelles. Il se fonde sur la situation juridique actuelle, dans laquelle l'administration (aujourd'hui l'Office fédéral de la culture) décide en principe des demandes d'aide financière qui lui sont adressées.

L'administration recourt à des spécialistes dans les domaines où elle ne dispose pas des connaissances nécessaires.

L'al. 3 décrit les voies de droit usuelles. Le contrôle de l'opportunité est abandonné, par analogie avec la procédure appliquée par Pro Helvetia pour ses décisions d'encouragement, parce que l'opportunité se heurte là à des jugements esthétiques, empêchant tout contrôle.

2.1.2.4.3

Octroi et répartition des moyens (art. 15)

Les bases légales qui règlent l'allocation des crédits constituent aujourd'hui un obstacle majeur pour l'encouragement du cinéma. La production cinématographique n'a cure des années civiles, obéissant uniquement à ses propres périodicités. Ainsi, à une année riche en grandes productions cinématographiques peut succéder une année moins prolifique, marquée par des réalisations plus modestes. La rigidité du cadre budgétaire annuel ne permet pas de tenir compte de ces fluctuations. Chaque année, la Confédération débourse les mêmes sommes, indépendamment du nombre effectif de films réalisés. Cette formule empêche d'utiliser efficacement les fonds 5040

publics, rendant impossible une planification à moyen et à long termes. Un plafond de dépenses portant sur une période de plusieurs années, autorisant une certaine flexibilité, devrait permettre une meilleure gestion des ressources financières.

Les domaines d'encouragement visés aux art. 5 à 7 PLCin peuvent être budgétisés dans le cadre annuel normal dans la mesure, où l'encouragement concerne ici généralement des institutions.

Il faut en plus inscrire comme recettes les moyens visés à l'art. 15, al. 2, PLCin qui doivent être spécialement affectés à l'encouragement du cinéma.

La clé de répartition permet de préciser les priorités à l'intérieur de chaque article budgétaire. Il s'agit là d'un instrument déjà employé et qui a fait ses preuves.

2.1.2.5

Section 5 Films ne pouvant bénéficier des mesures d'encouragement

2.1.2.5.1

(art. 16)

L'art. 16 PLCin règle la question des films qui ne peuvent bénéficier des mesures d'encouragement. Il traite de deux situations totalement différentes l'une de l'autre: L'art. 16, al. 1, PLCin reprend la législation existante. Il s'agit d'encourager la création cinématographique indépendante, et non pas les films réalisés dans un but précis. Ne peuvent par conséquent pas bénéficier d'une aide financière les films publicitaires et les films de commande (tels que les portraits d'entreprises, les films de relations publiques consacrés à un secteur économique donné, les films touristiques, etc.). Cette exclusion concerne également les films destinés en priorité à transmettre des connaissances scientifiques (p. ex. les films médicaux), un message spécial (comme un film sur la prévention des accidents) ou encore des connaissances pédagogiques (un cours d'anglais). Cette catégorie de films, dont l'intérêt n'est au demeurant nullement mis en cause, doit recourir à d'autres canaux de financement.

Délimiter ces catégories n'est certes pas toujours chose facile, mais néanmoins indispensable, si l'on veut éviter que l'encouragement du cinéma se disperse à l'infini.

L'art. 16, al. 2, PLCin prive des films de toute mesure d'encouragement pour de toutes autres raisons: lorsque la dignité humaine est violée, que la violence est glorifiée ou minimisée ou qu'un film a un caractère pornographique, l'encouragement public du cinéma ne peut et ne veut pas s'impliquer. La Commission donne à ces termes un sens plus large que le droit pénal. Aussi les mesures de promotion cinématographiques doivent-elles toujours rester en amont du droit pénal.

2.1.3

Chapitre 3 Prescriptions régissant l'encouragement de la diversité des films projetés en public

2.1.3.1

Remarques préliminaires

La diversité culturelle constitue en Suisse un enjeu de première importance. Cela se reflète dans nos structures fédératives, dans la compétence culturelle primaire des cantons, dans l'attention portée au multilinguisme, dans les efforts engagés pour améliorer les échanges entre les régions géographiques et linguistiques du pays, etc.

5041

La diversité est une composante essentielle de l'«idée suisse», formule qui ne se réfère pas qu'à elle-même mais aussi au monde qui l'entoure et qui le rend plus proche, plus compréhensible.

La diversité est l'essence même de la démocratie. Aussi la liberté d'opinion n'a-telle vraiment de sens dans la pratique que si les canaux permettant aux nombreuses opinions de s'exprimer et de se propager existent. Ce besoin de diversité ne se limite pas à la seule information ou à l'expression d'une opinion; elle concerne toutes les formes d'expression de notre vie sociale, y compris tout ce qu'englobe la culture.

C'est la raison pour laquelle la Confédération s'efforce, dans son domaine de compétence, d'assurer la diversité des médias. La diversité de la création cinématographique en fait également partie. Le cinéma, média de masse, marque plus que toute autre forme d'expression la société de l'information de son empreinte. D'ailleurs, la Suisse n'est pas seule à se soucier d'assurer une offre cinématographique variée: les Etats européens, le Conseil de l'Europe et l'Union européenne inscrivent tous cette priorité à leur agenda et ont créé les instruments d'encouragement et les prescriptions nécessaires (comme la directive de l'UE sur la télévision transfrontalière et les quotas de films européens).

Le souci de préserver et de cultiver sa propre voix ­ en l'occurrence celle du cinéma suisse ­ fait partie de cette diversité.

L'art. 71, al. 2, de la Constitution fédérale confie à la Confédération, sous la forme d'une disposition potestative, la tâche de «légiférer pour encourager une offre d'oeuvres cinématographiques variée et de qualité». Marqué par des oligopoles, le marché de la distribution et des cinémas ne fonctionne pas librement dès lors qu'il est livré à lui-même. C'est pourquoi il faut le réglementer. Certains films susceptibles d'intéresser tel ou tel public ne parviendront pas, ou que très difficilement, à sortir parce que les écrans des villes clés ou des villes de moyenne importance sont pour ainsi dire monopolisés par les grands distributeurs. Exploitants de salles et distributeurs axent leurs plans de bataille sur les films qui rapporteront gros, ce choix étant fait au détriment de la diversité de l'offre et du public.

Par rapport au droit actuel, les prescriptions seront libéralisées et
la responsabilité de la branche renforcée. Les mesures librement consenties visant à promouvoir la diversité de l'offre (art. 17 LPCin), les évaluations et les mesures permettant de rétablir la diversité de l'offre (art. 20) ainsi que la taxe subsidiaire (art. 21 PLCin) constituent les garde-fous nécessaires grâce auxquels le mandat constitutionnel pourra être rempli.

2.1.3.2

Section 1

Mesures librement consenties

2.1.3.2.1

Principe (art. 17)

L'art. 17 LPCin reprend le mandat de l'al. 2 de l'art. 71 de la Constitution sous la forme d'une disposition de principe et impose aux distributeurs et aux exploitants de salles de contribuer à la diversité de l'offre dans le cadre de leurs activités. L'al. 2, let. a et b, et l'al. 3 précisent sous quelle forme les entreprises de distribution et de projection doivent remplir cette tâche. Cette disposition a pour origine la déclaration rendue publique le 7 août 2000 par PROCINEMA et CINESUISSE, par laquelle la branche s'est engagée à prendre des mesures pour promouvoir la diversité de l'offre.

Les milieux du cinéma et le Département, s'inspirant de la solution proposée dans la 5042

loi sur le CO2 (FF 1997 III 410), ont convenu que les objectifs de la loi devaient d'abord être atteints par des mesures prises par la branche elle-même, l'introduction d'une taxe n'étant envisagée que si ces mesures librement consenties devaient se révéler inadéquates.

Des accords portant sur les mesures visées à l'art. 17, al. 1, let. b, LPCin seront probablement conclus avant la fin du débat parlementaire. Sur le fond, ils traiteront des mêmes problèmes que ceux auxquels s'attaquaient le droit actuel ou les différents projets de loi, à savoir l'interdiction du louage en bloc et l'occupation d'un nombre excessif d'écrans dans une localité ou un complexe multisalles, la promotion de séances en pré-soirée ou en matinée, la présence d'un nombre suffisant d'opérateurs sur un marché local, etc. Sur ces points-là au moins, on devrait aboutir à des solutions favorables à la diversité de l'offre, dans la mesure où les professionnels s'accordaient à dire que tant le projet Moor que ceux qui ont ensuite été élaborés par l'administration mettaient en évidence les points critiques. Les désaccords ne portaient que sur le choix des instruments.

L'instrument d'autorégulation doit être efficace et suivi d'effets si l'on veut éviter les mesures subsidiaires.

2.1.3.2.2

Diversité de l'offre (art. 18)

L'art. 18 PLCin qualifie l'offre de diversifiée (objectif visé par la Constitution et par la loi) lorsque, dans une localité, les films proposés sont de langues différentes, de genres et de styles différents et de provenances différentes.

Le terme de « localité » peut englober plusieurs localités si les cinémas sont en concurrence pour le public d'une même aire géographique (ex. Baden et Wettingen).

L'art. 21 PLCin n'établit pas de critères précis pour analyser la diversité et la qualité des films mais fournit des indices. Ainsi, on peut p. ex. examiner quels films sont montrés dans quelles localités et comment le public d'une région géographique donnée peut y avoir accès. Seule la concordance ou l'absence de plusieurs indices, pour une période donnée, permet de constater que l'offre d'un marché est diversifiée ou non.

Différentes pratiques répandues chez les distributeurs et les exploitants de salles peuvent mettre en péril la diversité de l'offre dans une localité. La branche reconnaît d'ailleurs que les distributeurs menacent cette diversité lorsque, dans une localité, un film projeté dans la même version linguistique occupe un trop grand nombre d'écrans ou de places par rapport au total des écrans ou des places disponibles, lorsqu'on interdit d'intercaler d'autres films dans la programmation, ou encore lorsqu'un seul distributeur occupe en moyenne annuelle plus d'un quart des écrans ou des places. La branche estime également dommageable pour la diversité de l'offre le fait qu'un exploitant de salle occupe un trop grand nombre d'écrans par un seul et même film projeté simultanément dans la même version linguistique.

2.1.3.2.3

Diversité linguistique (art. 19)

L'art. 19 PLCin vise à favoriser la projection de films variés dans les différentes régions linguistiques. L'al. 1 dispose que les films bénéficiant d'une aide doivent 5043

être accessibles dans plus d'une langue nationale, conformément à la politique culturelle de la Suisse, pour intensifier les échanges au-delà des frontières linguistiques (art. 70, al. 3, Cst.). Cette disposition ne s'applique pas seulement aux films ayant obtenu des aides à la réalisation mais également à ceux dont l'exploitation est encouragée.

La clause dite du «distributeur unique» figurant à l'al. 2 est reprise de la législation actuelle; ainsi, un même film ne peut être exploité que par un seul distributeur suisse. Cette disposition sert également à faire obstacle à la prise de contrôle sur la Suisse et à la mainmise des grands pays voisins sur les différentes régions linguistiques (comme l'a vécu la distribution autrichienne avec son grand voisin allemand).

L'obligation prévue à l'art. 19, al. 2, se limite à la première exploitation des films, car il est souvent difficile, en cas de réédition, d'acquérir les droits pour toutes les versions linguistiques.

Il s'est avéré payant, du point de vue de la politique culturelle, qu'une seule et même société de distribution exploite un film sur l'ensemble du territoire helvétique.

2.1.3.2.4

Evaluation et rétablissement de la diversité de l'offre (art. 20)

Les activités et les mesures prises par les entreprises de distribution et de projection en faveur de la diversité de l'offre sont régulièrement évaluées pour que l'on puisse s'assurer qu'elles ont effectivement un impact. Ces évaluations sont effectuées sur la base des obligations d'informer et d'annoncer prévues à l'art. 24.

L'al. 2 de l'art. 20 dispose que l'office compétent, s'il constate que l'offre n'est pas diversifiée dans une localité, invite les entreprises de distribution et de projection à rétablir un état conforme aux objectifs de la loi ou à lui soumettre des propositions permettant de remédier à la situation. L'art. 3 précise que ces propositions doivent être soumises à l'approbation du Département, qui statue ensuite par voie de décision.

Cette procédure est légèrement différente de celle proposée par la branche. Il ne serait pas opportun de confier à PROCINEMA la tâche d'exécuter la loi. Les conflits d'intérêts sont trop importants au sein de la branche pour pouvoir être réglés par un organe de l'association. Les représentants de l'association sont également des intéressés.

Le fait de confier à l'office le devoir de surveillance et de faire valider les propositions par une décision du Département permet d'atteindre indirectement le caractère de force obligatoire générale visé par la branche; ainsi, les parties qui ne respecteraient pas les recommandations de la branche et qui ne prendraient pas d'autres mesures propres à garantir la diversité de l'offre, pourraient être par ce biais contraintes d'adopter un comportement conforme aux objectifs de la loi.

5044

2.1.3.3

Section 2 de l'offre

Taxe visant à promouvoir la diversité

2.1.3.3.1

Taxe (art. 21)

L'art. 21, al. 1, dispose qu'une taxe peut être prélevée en dernier ressort si l'on constate que la diversité de l'offre n'est pas suffisante dans une localité. Les entreprises concernées de la localité en question sont tenues d'acquitter la taxe si elles ne rétablissent pas un état conforme aux objectifs de la loi ou ne soumettent pas de propositions concrètes ou suffisantes propres à rétablir la diversité de l'offre. Avant de percevoir la taxe, le Département consulte les milieux concernés et la Commission du cinéma.

Les sociétés conservent la liberté d'entreprendre tant qu'elles agissent dans le respect de la loi. La taxe est une mesure intervenant en dernier ressort qui doit contribuer par son effet de stimulation économique à décourager les comportements dommageables. Aussi, lorsque les limites sont respectées, aucune taxe n'est due. La taxe ne pénalise nullement les chances de succès des films grand public. Un film peut très bien être un immense succès commercial sans pratiques prédatrices, telles que l'occupation d'un nombre excessifs de salles par un film dans une même localité. A preuve, Titanic, le film de tous les records, est sorti à Zurich sur deux écrans seulement. Les limitations prises en faveur de la diversité de l'offre ne pénalisent pas les films à succès; elles permettent à davantage de films d'avoir des chances de succès.

Les recettes de la taxe devront être investies dans la promotion de la distribution et de la projection de films absents du marché considéré.

D'un point de vue dogmatique, les taxes peuvent être qualifiées de taxes d'incitation. Le terme d'«amende» utilisé par PROCINEMA et CINESUISSE dans leur déclaration méconnaît le fait que les amendes sont des instruments relevant du droit pénal, dont le produit n'a pas d'affectation spéciale.

Les taxes d'incitation font partie du droit fiscal public. La doctrine distingue deux grandes catégories de redevances: les impôts et les redevances causales. Contrairement aux redevances causales, les impôts sont dus sans condition; ils alimentent habituellement les caisses de l'Etat pour permettre l'accomplissement de tâches publiques d'intérêt général. Les redevances causales, en revanche, ne sont pas dues sans condition. Elles sont la contrepartie d'un avantage procuré par l'Etat ou d'une contre-prestation de l'Etat selon le
principe de causalité. La taxe d'incitation, quant à elle, constitue une nouveauté qui se situe entre ces deux formes de redevances traditionnelles, ne pouvant être rangée ni parmi les impôts, ni parmi les redevances causales. Le prélèvement de la taxe d'incitation doit permettre d'infléchir d'une certaine manière le comportement des citoyens et de l'économie en poursuivant un objectif d'incitation précis. Le but de la taxe d'incitation est d'encourager les contribuables à renoncer aux activités ou aux produits assujettis à cette taxe. La taxe d'incitation est un instrument de régulation qui constitue une alternative aux interdictions et aux prescriptions policières. Plutôt que de lutter contre les pratiques indésirables à coups d'interdits et de commandements, on cherche à rendre celles-ci inintéressantes du point de vue économique.

Les taxes d'incitation ne sont pas les seuls instruments pouvant permettre de favoriser un certain type de comportement. Les impôts et les redevances causales y parviennent aussi dans une certaine mesure. Impôts incitatifs et taxes causales d'inci5045

tation se différencient en conséquence. Les taxes d'incitation pures forment finalement une catégorie intermédiaire propre. La doctrine établit la distinction entre les divers types de taxes d'incitation sur la base de deux critères. Le premier critère est l'impact économique, le second l'objectif visé par la taxe d'incitation. Les taxes visant un but déterminé peuvent être classées comme suit: ­

l'impôt incitatif: la priorité réside dans le but fiscal, l'effet d'incitation ne jouant qu'un rôle secondaire;

­

la taxe causale d'incitation: taxe à but partiel de régulation des coûts (comme la taxe sur les sacs à ordure);

­

la taxe d'incitation pure: l'effet de régulation visé par la taxation est au premier plan, le produit ne jouant qu'un rôle secondaire. L'utilisation des moyens doit se faire sans incidence sur la quote-part de l'Etat (c'est-à-dire que la taxe d'incitation doit être restituée intégralement à la population et ne pas devenir une source permanente de rendement supplémentaire pour la Confédération). La taxe d'incitation pure n'est pas une rémunération pour une contre-prestation de l'Etat (ce qui est le cas des redevances causales), et son produit ne peut aboutir dans les caisses générales de l'Etat (ce qui est le cas des impôts).

Une taxe devra satisfaire à tels ou à tels autres principes constitutionnels selon sa qualification. Par ailleurs, sa perception relèvera également, selon les cas, d'autorités différentes (fédérales ou cantonales).

Par son effet de stimulation économique, la taxe d'incitation doit faire en sorte que le plus grand nombre possible de films, de genres les plus différents les uns des autres, bénéficient dans une localité de chances équitables au moment de leur sortie.

Les sommes provenant de la taxe d'incitation serviront à promouvoir la diversité de l'offre dans la localité où elles auront été prélevées. Puisque sa finalité est de nature incitative et que les sommes recueillies sont également réaffectées à cette même fin, cette taxe, telle que prévue par le projet de loi et telle que définie ci-dessus, peut être qualifiée de taxe d'incitation pure.

La répartition des compétences entre la Confédération et les cantons en matière de droit fiscal est réglée à l'art. 3 Cst. Cette disposition établit la compétence générale dite subsidiaire des cantons. Ceux-ci sont par conséquent habilités à prélever des redevances lorsque cette compétence n'est pas déléguée au pouvoir fédéral ou lorsque ce dernier n'en fait pas usage. Dès lors, la Confédération doit, selon l'art. 3 Cst., disposer d'une base constitutionnelle pour pouvoir prélever des redevances. Selon la doctrine dominante, la compétence fédérale de prélever une taxe d'incitation existe déjà dans la mesure où la Confédération dispose d'une compétence technique; il serait donc superflu d'inscrire explicitement cette pratique dans la Constitution.

L'art. 71, al. 1, Cst. définit la compétence fédérale d'encouragement dans le domaine de la production et de la culture cinématographiques suisses. Par ailleurs, l'art. 71, al. 2, Cst. habilite la Confédération à légiférer pour promouvoir des oeuvres cinématographiques variées et de qualité. Ainsi, une compétence spécifique dans ce domaine est déjà attribuée au pouvoir fédéral dans la Constitution et lui permet entre autres de prélever une taxe d'incitation. Le projet de loi sur le cinéma se fonde d'ailleurs sur cette compétence fédérale. Ainsi, sur le plan constitutionnel, rien ne s'oppose au prélèvement par la Confédération d'une taxe d'incitation en vertu de l'art. 21 de la loi sur le cinéma.

5046

La mise en place de la taxe d'incitation doit toutefois satisfaire à une série de principes constitutionnels: elle nécessite une base légale suffisante, elle doit respecter le principe de la proportionnalité et doit répondre à un intérêt public prépondérant.

Selon la doctrine, une taxe d'incitation satisfait au cadre légal lorsque l'objectif de l'incitation, les contribuables concernés, l'objet de la redevance, les critères d'évaluation et l'utilisation effective de cette redevance sont nommés formellement dans une loi. Le titre de l'art. 21 définit l'encouragement de la diversité de l'offre cinématographique comme objectif de l'incitation. A l'art. 21, al. 1, PLCin, on définit les entreprises de distribution et les entreprises de projection assujetties, c'est-à-dire les contribuables concernés. On entend par objet de la redevance tout film qui, par la manière dont il est exploité dans une localité, entrave la diversité de l'offre cinématographique en ce lieu. Les al. 2 et 3 de l'art. 21 définissent les critères d'évaluation, alors que l'al. 4 règle l'utilisation des recettes de cette taxe. Dès lors, l'art. 21 du projet satisfait pleinement à toutes les exigences légales en matière de taxes d'incitation.

Pour qualifier une taxe d'incitation de proportionnelle, il faut que celle-ci permette d'atteindre l'objectif visé et soit nécessaire à cette fin. Une taxe d'incitation est considérée comme nécessaire lorsqu'aucune mesure moins contraignante ne permet d'atteindre le résultat recherché. Par ailleurs, la taxe d'incitation doit préserver un équilibre raisonnable entre l'objectif visé et le degré de l'intervention chez les particuliers et les secteurs économiques touchés.

L'intérêt public de la taxe d'incitation visée à l'art. 21 PLCin paraît évident puisque cette taxe permet d'infléchir les pratiques des distributeurs et des exploitants de salles, tout en préservant la diversité de l'offre cinématographique.

C'est dire si la taxe d'incitation prévue satisfait à toutes les exigences de droit constitutionnel et que rien ne s'y oppose sur le plan juridique.

Politiquement, elle correspond à la recommandation de la branche cinématographique.

2.1.3.3.2

Exemption du paiement de la taxe (art. 22)

L'al. 1 de l'art. 22 donne aux entreprises d'une localité la possibilité d'être exemptées du paiement de la taxe si elles prennent vis-à-vis de la Confédération l'engagement formel d'apporter une contribution particulière à la diversité et à la qualité de l'offre cinématographique. On entend par contribution « particulière» une activité allant au-delà du simple accomplissement du mandat donné à l'art. 17 LPCin (c'est-à-dire une programmation particulièrement variée, des projections art et essai, etc.). L'al. 2 dispose que la taxe est due sans condition en cas de nonrespect de l'engagement visé à l'al. 1.

5047

2.1.3.4

Section 3 Obligation d'enregistrement et obligations d'informer et d'annoncer

2.1.3.4.1

Obligation d'enregistrement (art. 23)

L'abandon du système d'autorisation représente un pas important en direction d'une libéralisation pour les distributeurs et les exploitants de salles. Dans le même temps, cette mesure tire les conclusions du manque d'efficacité de l'autorisation prévue aux art. 31 et 35 OCin, dont les exigences qualitatives ne sont pas vérifiables. Contrôler la santé culturelle et économique des entreprises de distribution et de projection requérant une autorisation ainsi que les qualifications techniques du personnel ­ comme l'exigent aujourd'hui les articles mentionnés ­ n'est ni possible ni sensé.

Les entreprises professionnelles de distribution et de projection ne seront plus soumises qu'à la seule obligation de s'inscrire dans un registre. Cette mesure est indispensable pour définir un point d'ancrage précis et obtenir les indications nécessaires à l'exécution des prescriptions qui suivent.

La disposition obligeant les entreprises de distribution et de projection à avoir leur siège en Suisse est maintenue. En termes de politique culturelle, il importe en effet que les programmes de distribution et les programmations des cinémas soient élaborés en Suisse. Si tel n'était pas le cas, la Suisse serait très rapidement répartie en trois régions linguistiques dont chacune serait contrôlée par des entreprises établies dans les centres des grands pays voisins (voire même d'outre-mer).

On a renoncé à des dispositions particulières sur la limitation de participations étrangères. Seul le critère formel du siège est conservé, s'appliquant à la société comme à sa direction.

Le registre doit être tenu par la Confédération et doit être public. Cette disposition répond à l'objectif urgent de disposer des données ­ centralisées et exploitables ­ nécessaires à l'instauration d'une politique culturelle efficiente.

2.1.3.4.2

Obligations d'informer et d'annoncer (art. 24)

Comme le précisent les remarques préliminaires, la politique cinématographique doit pouvoir se fonder sur des faits clairs, sans lesquels il n'est pas possible de conduire une politique efficace. Les évaluations prescrites aux art. 12 et 20 PLCin en dépendent aussi. La manière dont sont saisis, à l'heure actuelle, les faits et les chiffres concernant la branche cinématographique suisse est insatisfaisante, rendant impossibles tout inventaire et toute évaluation précis. La branche et les autorités ont besoin de connaître précisément le marché et l'offre cinématographique. Aussi l'art.

24 PLCin soumet-il les entreprises de distribution, de projection et de production à une obligation d'annoncer tous les facteurs pertinents. Il s'agit en l'occurrence de données administratives de la Confédération, fondées sur l'art. 4 de la loi sur la statistique fédérale (LSF, RS 431.01), données que la Confédération doit gérer selon les dispositions de la loi sur le cinéma dans le cadre de l'exécution de cette loi. Les indications doivent être publiées dans la mesure où la protection des données ne l'interdit pas. Ainsi, on assurera la transparence nécessaire du marché tout en fournissant à ses acteurs les données dont ils ont besoin pour contrôler leur comportement.

5048

La nécessité de disposer de statistiques complètes est presque unaniment admise dans la branche. Les associations professionnelles demandent depuis longtemps à la Confédération de légiférer en la matière, n'étant-elles-mêmes jamais parvenues à créer un instrument statistique fiable tel qu'il en existe dans pratiquement tous les pays d'Europe. A la demande de diverses associations professionnelles, des pourparlers sont en cours avec l'Office fédéral de la statistique et l'OFC en vue de mettre sur pied un outil statistique commun, qui couvrira à la fois les besoins publics et ceux de la branche.

Les déclarations concernant les données seront réglées selon les besoins. Les milieux du cinéma souhaitent que les données concernant les villes clés soient publiées toutes les semaines. Les villes clés sont les suivantes: Bâle, Berne, Genève, Lausanne et Zurich.

2.1.4

Chapitre 4

Commissions

2.1.4.1

Commission fédérale du cinéma (art. 25)

L'art. 25 PLCin confirme la Commission fédérale du cinéma dans son rôle de commission consultative extra-parlementaire. Le projet de loi se limite aux principes et ne détaille plus, comme dans la loi actuelle, la composition, les tâches ni même l'organisation de la Commission. Le projet se contente d'énumérer de façon non exhaustive les principales missions de la Commission du cinéma.

L'organisation et la procédure seront à l'avenir réglées par le Département pour autant qu'elles ne soient pas régies par l'ordonnance du 3 juin 1996 sur les commissions extra-parlementaires, les organes de direction et les représentants de la Confédération (Ordonnance sur les commissions; RS 172.31).

Le Conseil fédéral nomme comme actuellement le président et les membres.

2.1.4.2

Commissions d'experts (art. 26)

Pour ce qui est des commissions d'experts, seul le principe est réglé, de façon analogue à ce qui est prévu pour la Commission du cinéma. Le nombre des commissions d'experts sera fixé en relation avec les instruments d'encouragement par voie d'ordonnance. Aujourd'hui, certaines commissions sont mentionnées dans la loi, d'autres dans l'ordonnance, ce qui est contraire au bon sens. Les commissions seront comme actuellement désignées par le Département, lequel réglera également l'organisation et les procédures.

2.1.5

Chapitre 5

Dispositions pénales

2.1.5.1

Remarques générales sur les art. 27 à 32 PLCin

Les art. 27 à 32 PLCin répriment les infractions intentionnelles contre les prescriptions du chap. 3 du projet qui portent sur l'encouragement de la diversité des films projetés en public. Les infractions sont punies d'une amende, voire des arrêts si l'infraction se répète.

5049

Lorsque l'infraction permet d'obtenir un avantage économique substantiel, l'amende peut atteindre respectivement 100 000 francs (art. 29 PLCin: Infractions aux prescriptions sur la diversité linguistique) et 200 000 francs (art. 30 PLCin: Infractions aux mesures du Département au sens de l'art. 20 PLCin). La soustraction à la taxe d'incitation (art. 31 PLCin) peut être punie d'une amende pouvant atteindre le triple du montant concerné. La tentative de procurer à soi-même ou à un tiers un avantage illicite relatif à l'acquittement de la taxe est punissable.

2.1.5.2

Poursuite pénale (art. 32)

L'art. 32 PLCin renvoie à la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA, RS 313.0) et délègue au Département, selon la pratique habituelle, la compétence d'engager les poursuites pénales et de juger.

2.1.6

Chapitre 6

Procédure et exécution

2.1.6.1

Procédure et voies de droit (art. 33)

L'art. 33 PLCin contient les renvois habituels aux dispositions de procédure et d'organisation de la Confédération.

2.1.6.2

Coopération internationale (art. 35)

L'art. 35 PLCin habilite, comme à l'art. 8 de la loi actuelle, le Conseil fédéral à conclure des traités internationaux.

2.1.7

Chapitre 7

Dispositions finales

2.1.7.1

Modification du droit en vigueur (art. 37)

A l'art. 36 PLCin, le Conseil fédéral juge indispensables les adaptations suivantes du droit fédéral: Avec l'art. 100, al. 1, let. q, (nouvelle) OJ, les décisions de recours portant sur l'encouragement du cinéma ne peuvent, à l'instar de la solution choisie pour Pro Helvetia, faire l'objet de recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral.

Alors que la SRG SSR apporte aujourd'hui déjà des contributions à la production de films suisses, les diffuseurs privés, toujours plus nombreux sur le marché, sont tenus dans les concessions d'externaliser leur production de manière appropriée et d'acquitter une redevance destinée à la promotion du cinéma. Ces deux obligations seront désormais inscrites dans la LRTV (art. 31, al. 2, let. d et e). Ces nouvelles dispositions ont été formulées en accord avec l'Office fédéral de la communication.

5050

2.1.7.2

Référendum et entrée en vigueur (art. 38)

Comme il s'agit d'une loi fédérale, le présent projet est sujet au référendum en vertu de l'art. 141, al. 1, Cst. L'art. 38 autorise le Conseil fédéral à fixer la date de l'entrée en vigueur.

3

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

3.1

Pour la Confédération

L'introduction définitive de l'aide liée au succès des films entraîne bon an mal an quelque trois millions de dépenses supplémentaires pour la Confédération. L'administration de l'aide liée au succès des films nécessite la création d'un poste et demi.

L'abandon des autorisations de distribution et la gestion du registre des autorisations de distribution et d'exploitation se compensent dans l'ensemble l'un l'autre en termes financiers et de personnel.

Selon l'Office fédéral de la statistique, il faudra compter, pour la tenue de la statistique, un poste et demi supplémentaire dans cet office: un demi-poste pour les tâches administratives, c'est-à-dire pour la saisie des données, et un poste scientifique pour leur mise en valeur. A cela s'ajoute un crédit de 50 000 pour des travaux d'experts.

Les mesures visant à rétablir la diversité de l'offre et la taxe d'incitation entraînent des dépenses administratives relativement modestes. Toutes les données requises sont de toute manière déjà recueillies pour l'évaluation.

La loi sur le cinéma n'entraîne pas d'autres effets directs sur les finances et sur l'état du personnel. Il faut toutefois mettre en évidence le fait que les buts de la loi sur le cinéma (de la nouvelle comme de l'ancienne) ne pourront pas être atteints si la Confédération n'augmente pas sensiblement le crédit du cinéma.

3.2

Pour les cantons et les communes

Pour les cantons, la charge financière et les besoins en ressources humaines diminueront par suite de l'abandon des autorisations auxquelles étaient assujetties les entreprises de projection.

La loi sur le cinéma n'a pas de conséquences financières ni d'effets sur l'état du personnel au niveau communal.

3.3

Dans le domaine informatique

Le controlling des mesures prises pour promouvoir le cinéma ainsi que la saisie des données administratives nécessitent un investissement unique de l'ordre de 500 000 francs pour la conception et la création d'une banque de données ainsi qu'une contribution d'exploitation annuelle de 25 000 francs (entretien et adaptations).

5051

3.4

Pour l'économie

L'abandon des autorisations représente un allègement des charges pour les distributeurs et les exploitants de salles.

La mise en place d'instruments d'encouragement efficaces renforcera le secteur de la production.

L'obligation de fournir des données pour la saisie des faits et des chiffres relatifs à l'industrie du cinéma entraînera certaines charges supplémentaires pour l'ensemble de la branche. Le surcroît de travail sera cependant minime. Les milieux cinématographiques fournissent de toute manière déjà pour l'essentiel les données exigées pour leurs propres statistiques («Cinéchiffre», «PROCINEMA Box Office», etc.). La partition de PROCINEMA et de l'Association cinématographique suisse en plusieurs organisations fait que les données recueillies par la branche sont lacunaires.

La nouvelle disposition légale permettra de procéder, à moindre frais, à une évaluation nationale fiable des données recueillies. Le but est de trouver une solution globale, qui fait depuis des années l'objet de discussions. Travailler sur la base de statistiques aussi complètes que possible en matière de cinéma relève de l'évidence dans tous les principaux pays européens.

Les mesures librement consenties entraîneront certaines dépenses pour la branche.

Pour ce qui est de la taxe visant à promouvoir la diversité de l'offre, les dépenses ne peuvent être chiffrées pour l'instant dans la mesure où cette taxe ne sera introduite qu'à titre subsidiaire.

4

Programme de la législature

La loi sur la culture et la production cinématographiques figure dans le Programme de la législature 1999­2003 sous la rubrique Société et culture (R 22; FF 2000 2230).

5

Rapport avec le droit international

5.1

OMC

L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a été instituée le 1er janvier 1995.

Ayant pris la succession du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade), elle administre l'accord issu de l'Uruguay Round. En tant qu'organisation intergouvernementale, l'OMC a comme objectif de libéraliser le commerce mondial. Elle repose sur trois piliers: le nouvel Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade, GATT), l'Accord général sur le commerce des services (General Agreement on Trade in Services, GATS) ainsi que l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC). La Suisse est devenue membre de l'OMC en signant l'accord de l'Uruguay Round à Marrakech le 15 avril 1994, qu'elle a ensuite ratifié.

La Suisse est liée par ces accords depuis le 1er juillet 1995.

5052

5.1.1

Le droit de l'OMC et la loi sur le cinéma

Le troisième pilier de l'OMC, l'accord ADPIC, n'est pas applicable dans le cadre de la législation sur le cinéma, dans la mesure où cette dernière ne s'occupe pas des questions particulières touchant à la propriété intellectuelle.

Le droit du commerce mondial qualifie les supports physiques d'un film cinématographique comme étant une marchandise soumise au GATT. En conséquence, des droits de douane peuvent en principe également être perçus sur les oeuvres cinématographiques. Ces dernières sont rangées dans le tarif douanier sous une propre position tarifaire. Mais comme la loi sur le cinéma ne contient de dispositions ni sur la limitation de l'importation de films ni sur la vente ou la location de cassettes vidéo et de DVD, elle se situe de ce fait hors du champ d'application du GATT.

Par contre, le droit du commerce mondial considère la distribution et la projection de programmes audiovisuels, sous quelque forme que ce soit, comme étant des services soumis au GATS. La loi sur le cinéma (art. 21) prévoit que les entreprises de distribution et de projection peuvent être, sous certaines conditions, tenues d'acquitter une taxe lorsqu'elles portent atteinte à la diversité de l'offre. N'est concernée que la distribution de films cinématographiques destinés à des projections publiques. Elle est de ce fait assimilée selon le droit de l'OMC à un service soumis au GATS, ce qui explique que les dispositions du GATS soient applicables à cette taxe.

5.1.2

La loi sur le cinéma dans le contexte du GATS

Le GATS est en principe applicable à tous les secteurs de services et au commerce de services sous toutes ses formes (fourniture transfrontière de services, établissement d'une présence commerciale à l'étranger, mouvement transfrontalier des fournisseurs et consommateurs de services). Certains secteurs ont été l'objet de controverses jusqu'à la fin des négociations. Aucun accord substantiel n'a en particulier pu être atteint en ce qui concerne les services audiovisuels. Ces derniers n'ont toutefois pas été exclus du champ d'application de l'accord.

Le GATS se compose d'un accord-cadre, de nombreuses annexes ainsi que des listes d'engagements et d'exemption des pays membres6. L'Accord-cadre contient des dispositions et des obligations générales relatives à la libéralisation du commerce des services que tous les membres de l'OMC doivent observer à compter de l'entrée en vigueur de l'accord. Une annexe règle les possibilités d'exemptions nationales au traitement de la nation la plus favorisée. Les listes d'exemption nationales concernent l'octroi du traitement de la nation la plus favorisée. Les listes d'engagement spécifiques des Membres déterminent les droits concrets d'accès aux marchés pour les fournisseurs de services étrangers.

Comme les USA n'étaient pas prêts à accepter d'ancrer expressément le principe de la spécificité culturelle dans l'Accord-cadre, à côté de la méthode flexible de libéralisation, aucun pas n'a été fait en direction d'une libéralisation dans le domaine de l'audiovisuel. De plus, l'UE et d'autres pays ont fait valoir des exemptions au principe de la nation la plus défavorisée. Cela leur permet de continuer à réserver un 6

Cf. message relatif à l'approbation des accords du GATT/OMC, FF 1994 IV 237 et RS 0.632.20, p. 327 ss.

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traitement privilégié aux productions audiovisuelles de certains pays partenaires, par exemple dans le cadre de la coopération européenne dans le domaine des médias.

Toutefois, les services audiovisuels ne sont pas totalement exclus du GATS: les obligations générales et les principes de base, tels que la transparence ou la libéralisation progressive, s'appliquent aussi au secteur audiovisuel.

Comme la Suisse n'a pas contracté d'engagements proprement dits dans le domaine de l'audiovisuel, la taxe d'incitation n'entre pas en contradiction avec le droit de l'OMC en vigueur.

De plus, la taxe est perçue de façon équivalente pour chaque film (quelle que soit son origine) lorsque sont donnés les éléments constitutifs énoncés dans le commentaire du chap. 3 de la loi (voir ch. 2 du message). Elle est donc prélevée de manière non discriminatoire. Dans le projet de loi, le critère sur la base duquel la taxe peut être perçu est celui de la localité. En conséquence, une taxe n'est due en dernier ressort que lorsque les éléments selon l'art. 21 sont réunis et que la diversité de l'offre fait défaut dans une localité déterminée. La taxe se limite donc aux villes clés et aux villes de moyenne importance et ne s'applique de ce fait pas uniquement aux films provenant de certains pays: tout film, quelle que soit son origine, peut rentrer dans le champ d'application de la taxe si les éléments constitutifs sont réunis. La taxe d'incitation n'a pas d'effet discriminatoire, ni de jure ni de facto. Elle est par conséquent compatible avec le droit de l'OMC.

5.2

Relation avec le droit européen

Le projet de loi est conforme au droit communautaire en la matière. Selon l'art. 87 al. 3, let. d, du Traité instituant la Communauté européenne du 25 mars 19577 (TCE), les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine sont compatibles avec le marché commun, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

On entend par «culture» toutes les activités à but non lucratif exercées dans le secteur culturel, qui comprend également les beaux-arts et les spectacles vivants. Le contenu intellectuel d'un film est également compris dans la notion de culture. La Commission de l'UE se montre généralement très large pour encourager le cinéma en tant que bien culturel. La commission a approuvé en 1992 l'allocation d'aides dans le domaine de l'audiovisuel en Allemagne (22. Wettbewerbsrecht RN 442). La loi allemande encourageant le cinéma prévoit des aides à la production et à la distribution pour les films par le biais d'un impôt sur le chiffre d'affaires des cinémas, des stations de télévision et des entreprises de distribution vidéo. La France prélève dans le domaine de l'audiovisuel plusieurs redevances sur les films, p. ex. une redevance de 5.5 % sur le chiffre d'affaires des recettes publicitaires des diffuseurs de téléfilms ainsi qu'une redevance de 11 % sur les entrées de cinéma. Le produit de ces redevances est réaffecté au soutien des productions nationales dans le secteur de l'audiovisuel.

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Traité instituant la Communauté européenne, version consolidée dans laquelle ont été intégrées les modifications apportées par le traité d'Amsterdam, signé le 2 octobre 1997 (JO C 340 du 10.11.1997, p. 173)

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Parallèlement à la réglementation d'exception de l'art. 87, al. 3, let. d, TCE, la compétence de la Communauté dans le domaine de la culture est inscrite à l'art. 151 TCE (en rel. avec l'art. 3, al. 1, let. q,TCE : épanouissement de la vie culturelle dans les Etats membres comme objectif communautaire). Les affaires culturelles restent cependant prioritairement du ressort des Etats membres (compétence concurrente entre la Communauté et les Etats membres dans le domaine culturel). Afin d'éviter que la culture nationale ne dépérisse, ce qui risque en particulier d'arriver lorsqu'elle est exposée à la concurrence, l'action de l'Etat peut être nécessaire. Avec l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam (1er mai 1999), l'art. 151 TCE a été complété par un nouvel alinéa, l'al. 4.

La Communauté tient compte des aspects culturels dans son action au titre d'autres dispositions de ce traité, afin notamment de respecter et de promouvoir la diversité de ses cultures. On entend également par diversité culturelle la «diversité locale» et le devoir de préserver plusieurs cultures nationales au sein d'un même Etat membre.

Les taxes d'incitation et les mesures destinées à rétablir la diversité de l'offre prévues dans le présent projet de loi sont à cet égard également eurocompatibles.

L'obligation d'enregistrement est compatible avec nos engagements envers la Communauté pour autant qu'on renonce à assujettir à cette obligation les activités de distribution et de projection n'excédant pas 90 jours déployées en Suisse par des entreprises ayant leur siège dans un pays de l'UE. Comme les activités des entreprises de distribution et de projection s'inscrivent dans un plus long terme, cette exception est sans importance.

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Bases juridiques

6.1

Constitutionnalité

La Confédération tire sa compétence de promouvoir la culture et la production cinématographiques suisses et d'arrêter des dispositions destinées à encourager la diversité et la qualité de l'offre de l'art. 71 de la Constitution du 18 avril 1999 8.

L'article sur le cinéma avait été introduit, en son temps, pour des raisons d'ordre culturel et politique. Il a pour but d'assurer l'indépendance et l'organisation de l'industrie suisse du cinéma, de limiter les influences économiques et idéologiques de l'étranger et de promouvoir une production cinématographique suisse qui souffre d'un marché intérieur insuffisant. Pour tout ce qui touche aux aspects économiques et culturels du cinéma, la Confédération dispose d'une compétence concurrente dotée d'un effet dérogatoire (message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale9).

L'art. 27ter, al. 1, let. b, de la constitution du 29 mai 1874 autorisait la Confédération à édicter, pour réglementer l'ouverture et la transformation de cinémas, des dispositions qui dérogent au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, autrement dit qui restreignent, voire excluent la concurrence économique; cette réglementation ne s'applique toutefois que lorsqu'il y va de la sauvegarde d'intérêts culturels nationaux. A l'art. 71 de la nouvelle Constitution fédérale, on a renoncé à mentionner expressément cette compétence, sans pour autant chercher à modifier le droit en 8 9

RS 101 FF1 1997 I 1; voir en particulier les commentaires relatifs à l'article sur le cinéma, p. 277 ss du message

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vigueur. Cette solution n'implique aucune modification matérielle: la Confédération pourra comme jusqu'ici édicter des dispositions qui dérogent au principe de la liberté économique pour réglementer l'ouverture et la transformation de cinémas; mais, comme jusqu'ici également, elle ne pourra le faire que si la sauvegarde d'intérêts culturels nationaux l'exige. Cette habilitation n'est plus incluse que de manière implicite et non plus explicite (message du 20 novembre 1996 relative à une nouvelle constitution fédérale).

La conformité de la taxe d'incitation à la Constitution et au droit international est commentée plus en détail aux ch. 1.4.2.1 et 5.

Le présent projet de loi se divise en deux parties ­ l'une consacrée aux mesures d'encouragement, l'autre aux aspects réglementaires ­, selon un dispositif qui satisfait au mandat de légiférer donné aux al. 1 et 2 de l'art. 71 Cst. D'éventuelles restrictions à l'exercice du droit fondamental de la liberté économique (art. 27 Cst.), dont l'essence n'est d'ailleurs pas mise en question, sont manifestement justifiées par l'intérêt public et, partant, elles respectent le principe de la proportionnalité.

6.2

Délégation de compétences législatives

Nombre de domaines régis par la loi sur le cinéma renvoient à des techniques qui évoluent très rapidement et qui induisent dans le secteur du cinéma et de l'audiovisuel des mutations difficiles à prévoir. Afin de pouvoir faire face à ces évolutions avec une souplesse suffisante, la loi sur le cinéma a été conçue sous la forme d'une loi cadre qui permet de déléguer de nombreuses compétences au Conseil fédéral et au DFI. Cette manière de procéder permettra à la Suisse de s'adapter rapidement à l'évolution des techniques audiovisuelles et de procéder sans délai à une harmonisation du droit au niveau international. Cela traduit la volonté de conduire une politique du cinéma à la fois souple ­ c'est-à-dire capable de réagir rapidement aux besoins nouveaux ­ et coordonnée. Les normes introduites au niveau de l'ordonnance sont essentiellement de nature administrative. La volonté de ne pas trop détailler certaines réglementations, ce qui serait disproportionné dans le cadre d'une loi formelle, donnent à penser que les délégations de compétences prévues se justifient et qu'elles sont judicieuses. La délégation de compétences législatives se limite à certains objets seulement et est, selon le contenu, l'objet et la portée, suffisamment concrétisée. Pour l'exposé des différentes normes de délégation de compétences, nous renvoyons aux explications correspondantes de la partie spéciale (ch. 2).

6.3

Concordance avec les principes régissant la loi sur les subventions

Selon l'art. 3 de la loi fédérale du 5 octobre 1990 sur les aides financières et les indemnités (Loi sur les subventions; RS 616.1), sont des aides financières les avantages monnayables accordés à des bénéficiaires étrangers à l'administration fédérale aux fins d'assurer ou de promouvoir la réalisation d'une tâche que l'allocataire a décidé d'assumer. Les avantages monnayables peuvent prendre notamment les formes suivantes: prestations pécuniaires à fonds perdu, conditions préférentielles consenties lors de prêts, cautionnements ainsi que prestations en nature et services accordés à titre gracieux ou à des conditions avantageuses.

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Le chap. 2 (art. 3 à 6) de la loi sur le cinéma énumère plusieurs états de fait pouvant déclencher l'allocation d'aides financières. La Confédération est attachée à l'existence d'une culture et d'une production cinématographiques indépendantes. Or, pour que cela soit, des aides fédérales sont indispensables, les milieux du cinéma n'étant raisonnablement pas en mesure, compte tenu également des autres sources de financement possibles, d'assumer les charges financières qui en découlent. Ainsi, les conditions permettant d'édicter des dispositions législatives sur les aides financières en vertu de la loi sur les subventions sont remplies. Il incombera à l'autorité compétente de préciser les questions de détail par une décision ou dans le cadre d'un contrat de droit public.

6.4

Forme du texte de loi

Conformément aux art. 163 et 164, al. 1, de la nouvelle Constitution, toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Appartiennent en particulier à cette catégorie les dispositions fondamentales relatives à la restriction des droits constitutionnels, aux droits et aux obligations des personnes, à la qualité de contribuable, à l'objet des impôts et au calcul du montant des impôts, aux tâches et aux prestations de la Confédération. Le texte proposé contient de telles dispositions. Aussi doit-il revêtir la forme d'une loi fédérale. Cette dernière est sujette au référendum (art. 141, al. 1, let. a, Cst.).

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