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FEUILLE FÉDÉRALE 102e année

Berne, le 7 septembre 1950

Volume II

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 28 flancs par an; 15 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des hoirs C.-J.Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE

du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'institution d'une commission des indemnités de nationalisation et d'une commission de recours (Du 5 septembre 1950) Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet d'arrêté fédéral instituant une commission des indemnités de nationalisation et une commission de recours.

Lorsqu'il s'est agi de faire approuver les accords conclus par la Suisse avec la Yougoslavie, la Pologne et la Tchécoslovaquie au sujet de l'indemnisation d'intérêts suisses, nous vous avons rendu compte de la teneur de ces accords (voir nos messages relatifs aux accords avec la Yougoslavie du 29 octobre 1948 (FF 1948, III, 672); avec la Pologne du 7 octobre 1949 (FF 1949, II, 621); avec la Tchécoslovaquie du 17 février 1950 (FF 1950, I, 452).

Lors de la préparation des différentes négociations qui aboutirent à la conclusion des accords précités, on pouvait déjà prévoir que l'application des conventions et surtout la répartition de l'indemnité globale placeraient les autorités fédérales devant une série de problèmes, absolument nouveaux, soulevant des questions de fait et de droit. C'est pourquoi nous avons chargé, le 13 juillet 1948, une commission directement subordonnée au chef du département politique d'exécuter les accords d'indemnisation. La présidence en fut confiée à M. le ministre Max Troendle, délégué du Conseil fédéral aux accords commerciaux. Elle comprend, outre des fonctionnaires du département politique, des représentants des milieux économiques. L'activité déployée jusqu'ici par ladite commission est exposée dans notre rapport sur la gestion en 1949 (p. 96 s.).

Feuille, fédérale. 102e année. Vol. II.

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En plus de sa participation à la préparation des négociations, la commission eut notamment à s'occuper de l'établissement d'un plan de répartition découlant de l'accord d'indemnisation conclu avec la Yougoslavie.

On s'aperçut rapidement que l'exécution de cette tâche exigeait que la commission fût entièrement familiarisée avec ces sortes de problèmes. La contribution apportée par les représentants des milieux économiques se révéla particulièrement utile dans les délicates questions d'évaluation.

Par suite do la nouveauté des tâches imposées à la commission, celle-ci ne pouvait que très rarement fonder ses décisions sur les règles de droit existantes. Aussi dut-elle trancher maintes questions selon sa libre appréciation. Notons à ce propos que ses décisions peuvent parfois être lourdes de conséquences pour les intéressés. Si l'on voulait cependant donner à ceux qui entendent avoir* part à la répartition de l'indemnité globale des renseignements sur la manière d'introduire leur demande et sur ce qui est exigé pour leur qualification ou le bien-fondé de leur prétention il fallait, inévitablement, ériger certains principes en un ensemble de règles. Cela répondait d'ailleurs aux conceptions générales de notre droit.

Ces considérations nous avaient amenés, dès le début, à porter une attention particulière à la question des recours contre les décisions de la commission. L'acuité du problème a été mise en évidence dès que la commission fut appelée à trancher les premiers cas d'espèce.

Comme la commission des indemnités de nationalisation était subordonnée au chef du département politique, ses décisions pouvaient faire l'objet d'un recours à ce département, conformément à l'article 23 de la loi fédérale du 26 mars 1914 sur l'organisation de l'administration fédérale. Selon l'article 124 de la loi fédérale d'organisation judiciaire, la décision du département devait pouvoir à son tour être déférée au Conseil fédéral.

Or, on peut toutefois se demander si la procédure de recours ordinaire est suffisante en ce domaine. Sans doute s'agit-il pour la commission, en ce qui concerne la détermination du montant des indemnités, d'un cas particulier d'application de principes relatifs à la protection diplomatique, c'est-à-dire de trancher une question qui est de notre ressort exclusif. Il ne faut cependant pas
oublier que la protection diplomatique a été fixée dans ses généralités par les trois accords précités, lorsqu'il s'est agi de circonscrire la qualité du demandeur. Mais il existe encore bien d'autres questions à résoudre qui ressortissent à des domaines particuliers et ne correspondent pas au champ d'activité ordinaire de l'administration. C'est la raison pour laquelle nous sommes arrivés à la conclusion qu'en ce qui concerne les voies de droit, il convenait d'adopter une procédure divergeant de la législation usuelle (loi fédérale sur l'organisation de l'administration fédérale; loi fédéral© d'organisation judiciaire).

On peut se demander tout d'abord si le Tribunal fédéral ne pourrait pas être désigné comme autorité de recours pour les décisions rendues par

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la commission des indemnités de nationalisation. Il est prévu expressément que des décisions de la nature de celles que prend ladite commission peuvent faire l'objet d'un recours de droit administratif (art. 100 de la loi federale d'organisation judiciaire). Cependant, la particularité des faits à juger et le surcroît de travail dont souffre déjà le Tribunal fédéral nous ont amenés à considérer qu'une telle solution n'est pas recommandable. Mais si le Conseil fédéral et le Tribunal fédéral n'entrent pas en considération comme autorité de recours, il n'est pas nécessaire pour autant d'instituer une réglementation d'un nouveau genre. La création d'une commission de recours, appelée à statuer en dernier ressort, est une solution qui, appliquée à d'autres domaines, a donné satisfaction depuis des années. Il suffit de citer à ce propos, outre le Tribunal fédéral des assurances (art. 122 de la loi du 13 juin 1911 sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents), la commission de recours des douanes (art. 164 de la loi d'organisation judiciaire), la commission de recours de l'alcool (loi du 21 juin 1932 sur l'alcool), la commission de recours des blés (art. 45 de la loi du 7 juillet 1932 sur l'approvisionnement du pays en blé). Quant à l'exécution d'accords internationaux, on peut encore nommer, en particulier, la commission de recours prévue par l'accord de Washington (voir annexe à l'accord de Washington du 25 mai 1946, chif. III, 1er al.., RO 62, 661).

H reste encore à examiner s'il conviendrait d'insérer les détails de la procédure dans l'arrêté que nous vous soumettons. Etant donnés la particularité des questions à trancher et le besoin de pouvoir, le cas échéant, adapter la procédure aux nécessités de la pratique, il se justifierait de déléguer au Conseil fédéral la compétence de régler cette procédure de recours. Au reste, les règles de procédure des commissions de recours déjà existantes ont été édictées sous la forme d'ordonnances ou de règlements du Conseil fédéral.

II

En ce qui concerne la forme à donner à l'acte législatif prévu, il faut partir du principe que l'institution d'une commission de recours spéciale implique une modification des dispositions législatives actuelles (en particulier de l'art. 23 de la loi fédérale sur l'organisation de l'administration fédérale), de telle sorte qu'il devrait s'agir soit d'une loi fédérale, soit d'un arrêté fédéral de portée générale. Nous donnons la préférence à cette dernière forme, puisque l'on a affaire ici à une réglementation applicable à un certain nombre de cas d'espèce et de nature temporaire. L'arrêté fédéral, de portée générale, serait ainsi soumis au referendum facultatif.

L'article 104 de la constitution nous autorise, pour l'exécution des tâches qui nous sont confiées, à faire appel à des experts, même en dehors de l'administration. Ainsi, pour l'institution de la commission de première instance -- la commission des indemnités de nationalisation -- un arrêté

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du Conseil fédéral suffisait. A l'effet d'unifier les bases juridiques de la procédure en matière d'indemnisation, nous saisissons l'occasion que nous offre l'institution de la commission de recours pour instaurer également la commission de première instance dans le cadre de l'arrêté fédéral prévu.

III

Les différentes dispositions contenues dans le projet d'arrêté ci-annexé appellent les remarques suivantes: L'article 'premier prévoit l'institution définitive de la commission des indemnités de nationalisation. En raison des tâches spéciales incombant à cette commission, il ne paraît pas nécessaire de déterminer dans l'arrêté le champ d'activité et la composition de la commission, L'article 2 prescrit à la commission l'application des accords d'indemnisation. Il a paru en outre utile de prévoir qu'elle peut, le cas échéant, être chargée d'autres tâches, L'article 3 énonce les règles applicables à la répartition de l'indemnité globale. Elles sont étroitement liées aux problèmes mêmes que soulèvent les accords d'indemnisation forfaitaire. A ce propos, nous disions ce qui suit dans notre message du 29 octobre 1948 concernant l'accord sur les nationalisations conclu entre la Suisse et la Yougoslavie (FF 1948 III 683): II y a lieu de faire remarquer à ce sujet que la Suisse, lorsqu'elle entreprend de sauvegarder les intérêts de ses ressortissants à l'étranger, fait valoir un droit qui lui appartient en propre et n'agit pas sur mandat des citoyens intéressés.

La Confédération fait valoir son droit à ce que ses ressortissants soient traités par un Etat étranger conformément aux règles du droit des gens. Lorsqu'un Etat étranger ne traite pas un citoyen suisse conformément aux principes du droit international, la Confédération possède le droit propre d'exiger la réparation du dommage causé, sans égard aux prétentions que la personne lésée pourrait, le cas échéant, faire valoir individuellement et qui ne peuvent trouver leur fondement que dons le droit national. La mesure du dommage causé à un ressortissant sert de base pour l'estimation de l'indemnité que réclamera la Confédération en son propre nom. Il appartient à la Confédération seule de décider si elle entend faire valoir ses droits, de quelle manière et dans quelle mesure. Pour résoudre cette question 1» Confédération doit apprécier des intérêts généraux et particuliers; si l'intérêt général est en opposition avec l'intérêt particulier, il passe en premier.

On ne saurait déterminer les prétentions individuelles selon les accords d'indemnisation sans prendre du même coup en considération les éléments qui ont permis de fixer l'indemnité globale. Au début, la délégation suisse avait tenu généralement compte de l'évaluation de chaque prétention. Ce n'est qu'au cours des négociations, lorsqu'il apparut impossible d'arriver de la sorte à un règlement général de la question, que l'on fit abstraction des cas d'espèce, pour conclure un accord portant sur une indemnité for-

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faitaire. Cette solution est singulièrement mise en évidence dans le cas de l'accord avec la Tchécoslovaquie (RO 1950, 21 s.). En effet, les négociations avec ce pays ne portèrent à aucun moment sur les prétentions individuelles ; au contraire, elles portèrent d'emblée sur la fixation d'une indemnité forfaitaire. En revanche, l'évaluation des prétentions individuelles fut déterminante dans la fixation de l'indemnité globale yougoslave. Certaines prétentions de nature particulière furent mentionnées dans les accords, tant en ce qui concerne le principe de l'indemnisation que l'indemnité elle-même.

Dans ces cas, la commission est liée, par les accords internationaux, à l'évaluation de la prétention.

Lors de l'application des accords d'indemnisation, la commission doit trancher les cas non seulement en conformité des dispositions contractuelles et des principes généraux du droit des gens, mais également en tenant compte, dans chaque cas, des considérations exposées plus haut. Comme il n'est pas possible d'édicter des prescriptions spécialement pour l'évaluation des prétentions, étant donnés les aspects multiples et divers des faits à prendre en considération, la commission doit pouvoir disposer, dans ce domaine, d'un large pouvoir d'appréciation. Du moment qu'il s'agit de la répartition d'une indemnité globale, c'est-à-dire d'un domaine relevant du droit public, il n'y a rien de particulier à ce que la commission dispose d'une telle latitude en tant qu'elle fonctionne comme une autorité administrative.

Il est évident que la commission ne doit pas abuser de son pouvoir de libre appréciation. Au contraire, elle a le devoir de fonder ses décisions sur des règles du droit et de l'équité. La commission, au cours de l'activité qu'elle a déployée jusqu'ici, a traité de façon égale les cas présentant les mêmes caractéristiques et appliqué un traitement adéquat aux différentes catégories d'ayants droit -- cela conformément à la latitude qui lui était laissée -- de telle sorte qu'aucun ayant droit ne soit avantagé ou désavantagé. Le principe de l'équité est ici d'autant plus important qu'il est souvent impossible d'appliquer, lorsqu'il s'agit de déterminer la prétention, les dispositions du droit suisse régissant la réparation d'un dommage, en raison même de la particularité que représente l'indemnité
globale. Dans notre rapport sur la gestion en 1949 (p. 98), nous avons relevé les difficultés qu'il y a à se fonder sur un ensemble de règles générales pour l'estimation du montant que représente chaque prétention. Au reste, la liberté d'appréciation doit être circonscrite par les prescriptions que le Conseil fédéral est chargé d'édicter (voir art. 5 du projet d'arrêté).

L'article 4 prévoit que les décisions de la commission des indemnités de nationalisation peuvent être déférées à la commission de recours, qui statue en dernier ressort. Ses membres seront nommés par le Conseil fédéral, qui édictera, le cas échéant, les prescriptions nécessaires. Il est prévu que les dispositions sur les voies de droit s'inspireront des règles en matière de recours de droit administratif.

798 L'article 5, comme il l'a été dit plus haut, mentionne les dispositions d'exécution relatives à la procédure à suivre devant la commission de première instance et la commission de recours.

Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous vous proposons d'adopter le projet d'arrêté fédéral ei-annexé.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 5 septembre 1950.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Max PETITPIERRE 8304

Le vice-chancelier, Ch. OSER

799 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL instituant

une commission des indemnités de nationalisation et une commission de recours

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 85, chiffre 2, de la constitution, vu le message du Conseil fédéral du 5 septembre 1950, arrête :

Article premier Le Conseil fédéral instituera une commission des indemnités de nationalisation, composée de représentants de l'administration fédérale et des milieux économiques.

Art. 2 1 La commission des indemnités de nationalisation est chargée de l'application des accords internationaux qui ont pour objet le paiement à la Confédération d'indemnités globales destinées à couvrir les prétentions de personnes suisses lésées par des mesures de nationalisation.

2 Le Conseil fédéral peut confier d'autres tâches à la commission.

Art. 3 La commission répartit l'indemnité globale conformément aux accords internationaux et aux autres dispositions applicables du droit fédéral, ainsi qu'aux principes généraux du droit des gens.

2 Dans les limites de ces règles de droit, elle statue selon son pouvoir d'application.

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Art. 4 Les décisions de la commission des indemnités de nationalisation peuvent être déférées à la commission de recours, qui statue en dernier ressort.

2 La commission de recours est composée de trois membres et de deux suppléants nommés par le Conseil fédéral.

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Art. 5 Le Conseil fédéral est chargé d'exécuter le présent arrêté et d'édicter les dispositions d'exécution nécessaires.

2 II publiera le présent arrêté, conformément à la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux et fixera la date de son entrée en vigueur.

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Instructions du Conseil fédéral concernant

le congédiement des agents de la Confédération indignes de confiance (Du 5 septembre 1950)

1. Les fonctionnaires, employés et ouvriers de la Confédération qui, par leur activité politique, ne méritent pas la confiance qu'exigé l'exercice de leur charge seront congédiés. Ne mérite pas cette confiance celui dont on ne peut plus être sûr qu'il est indéfectiblement fidèle au pays, qu'il fera tout ce qui est conforme aux intérêts de la Confédération et qu'il s'abstiendra de tout ce qui leur porte préjudice.

2. Le congédiement se fera, à la date la plus rapprochée possible, sous la forme de la non-réélection pour les fonctionnaires, sous celle de la résiliation des rapports de service pour les autres agents.

3. Les fonctionnaires qui doivent être considérés comme peu sûrs, mais sans qu'il existe des raisons suffisantes pour les congédier en application du chiffre premier, peuvent être maintenus au service de la Confédération à titre d'employés ou d'ouvriers à engagement résiliable.

4. Les agents de la Confédération appartenant à la catégorie visée par le chiffre 3 ne peuvent être ni promus, ni nommés ou transférés à des postes dont les titulaires doivent inspirer une confiance particulière. S'ils occupent de tels postes, ils seront, le cas échéant, transférés à des postes pour lesquels ils conviennent mieux.

5. Les présentes instructions entrent immédiatement en vigueur.

Berne, le 5 septembre 1950.

Par ordre du Conseil fédéral: 83T5

Le vice-chancelier, Ch. OSEE,

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'institution d'une commission des indemnités de nationalisation et d'une commission de recours Du 5 septembre 1950)

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