13.106 Message concernant la mise en oeuvre des recommandations du Groupe d'action financière (GAFI), révisées en 2012 du 13 décembre 2013

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une loi fédérale sur la mise en oeuvre des recommandations du Groupe d'action financière, révisées en 2012, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2011

P

10.4061

Révision de la loi sur le blanchiment d'argent (N 18.03.11, Wyss)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

13 décembre 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2013-2339

585

Condensé Les recommandations du Groupe d'action financière (GAFI), qui constituent les normes internationales de référence dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, ont été partiellement révisées en 2012. Le présent projet propose plusieurs mesures législatives visant à mettre en oeuvre ces normes révisées dans le droit suisse et à empêcher ainsi que la place financière suisse ne soit utilisée à des fins criminelles.

Contexte Les efforts entrepris dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme et, depuis 2012, le financement des armes de destruction massive, s'inscrivent dans un contexte normatif qui évolue au gré du développement de la criminalité économique et financière internationale. Les recommandations du GAFI doivent être régulièrement adaptées à cette évolution et aux nouvelles méthodes, toujours plus inventives, auxquelles les criminels ont recours. Au-delà de l'évolution de la criminalité économique et financière, d'autres développements ont influencé les normes du GAFI depuis leur adoption en 1990. Suite aux attentats de 2001, les recommandations ont, par exemple, été étendues au financement du terrorisme lors de la révision totale de 2003. Plus récemment, la crise financière et les pressions internationales sur le secret bancaire ont marqué un renforcement des liens entre la lutte contre le blanchiment d'argent et la lutte contre l'évasion fiscale, ce qui a eu une influence non négligeable sur la révision partielle de 2012. Il faut, à ce titre, citer en particulier l'inclusion des infractions fiscales graves dans la liste des infractions préalables au blanchiment d'argent ou encore la précision et le renforcement des normes relatives à la transparence des personnes morales et de leurs ayants droit économiques. Les déclarations du G8 et du G20 en vue d'une mise en oeuvre robuste des normes internationales de transparence du GAFI et du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales (Forum mondial) ont encore accentué cette évolution. La problématique de l'utilisation abusive de sociétés et constructions juridiques offshore révélée dans l'affaire «Offshore leaks» n'y est pas étrangère. La révision a, enfin, été marquée par l'ancrage systématique dans les normes du GAFI de
l'approche fondée sur les risques, depuis longtemps appliquée en Suisse. Cette dernière permet de mieux focaliser les ressources, tant des intermédiaires financiers que des autorités, sur les risques les plus importants, et ainsi d'accroître l'efficacité de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

En conséquence de l'évolution des normes internationales, les législations internes doivent être régulièrement mises à jour. La dernière révision de la législation suisse en la matière est entrée en vigueur le 1er février 2009. Une adaptation de la législation interne est d'autant plus importante que sa conformité avec les recommandations du GAFI fait l'objet d'évaluations régulières par ce dernier. La Suisse a fait l'objet de l'évaluation du 3e cycle en 2005 et sera à nouveau évaluée à mi-2015 dans le cadre du 4e cycle. Ce nouveau cycle mettra, pour la première fois, un accent

586

particulier sur l'évaluation de l'efficacité des systèmes de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, en plus de l'évaluation de leur conformité au niveau technique. Il est dans l'intérêt de la place financière suisse, notamment de la préservation de son intégrité et de son attractivité, de prendre les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre les points essentiels des recommandations révisées. Cela permettra d'assurer que le système suisse demeure robuste, complet et, dans une large mesure, conforme aux recommandations du GAFI, comme l'a relevé ce dernier lors de l'évaluation de 2005.

Contenu du projet Les propositions de modifications législatives se concentrent sur sept thèmes. Le premier concerne la transparence des personnes morales et les actions au porteur.

Différentes mesures sont proposées pour garantir que les autorités aient accès aux informations relatives aux détenteurs des actions et aux personnes qui contrôlent en dernier lieu une personne morale, en particulier s'agissant des sociétés ayant émis des actions au porteur. Le projet permet à ces dernières de choisir la mesure la plus adaptée à leur structure ou la moins coûteuse. Le deuxième thème précise les obligations des intermédiaires financiers lors de l'identification des ayants droit économiques de personnes morales. La loi sur le blanchiment d'argent (LBA) est en outre adaptée afin d'y inscrire formellement l'obligation ­ existant déjà en pratique ­ de connaître systématiquement l'ayant droit économique d'une relation d'affaires.

Le troisième thème vise à étendre la définition actuelle des personnes politiquement exposées (PPE) aux PPE nationales et aux PPE d'organisations intergouvernementales et à inscrire les règles applicables directement dans la LBA. Le quatrième thème concerne la qualification d'infractions fiscales graves en infractions préalables au blanchiment d'argent. Une modification de l'approche du code pénal relative aux infractions préalables (art. 305bis CP) est prévue pour la fiscalité directe, alors que pour la fiscalité indirecte l'infraction actuelle de contrebande douanière est étendue afin de couvrir tous les impôts prélevés par la Confédération. Le cinquième thème porte sur les paiements en espèces lors d'opérations de vente, tant mobilières qu'immobilières. Le versement
de la partie du prix de vente dépassant 100 000 francs devra obligatoirement être effectué par l'entremise d'un intermédiaire financier soumis à la LBA. Cette solution permet d'éviter de soumettre à la LBA des branches entières de l'économie ne relevant ni du domaine bancaire, ni du domaine parabancaire, et ainsi de maintenir le principe de l'intermédiation financière sur lequel repose la LBA. Le sixième thème vise à renforcer l'efficacité du système de communication de soupçons. D'une part, le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (bureau de communication) pourra obtenir d'autres autorités suisses les informations nécessaires à l'analyse des communications de soupçons. D'autre part, il disposera de plus de temps pour l'analyse, grâce au blocage différé des valeurs patrimoniales concernées. Enfin, le septième thème porte sur l'amélioration de la mise en oeuvre, par la formalisation de la pratique actuelle, de la norme du GAFI relative aux sanctions ciblées liées au financement du terrorisme, correspondant à la résolution 1373 du Conseil de sécurité de l'ONU.

587

Table des matières Condensé

586

1

591 591 594 594 594 596

588

Présentation du projet 1.1 Contexte 1.2 Dispositif proposé 1.2.1 Transparence des personnes morales et actions au porteur 1.2.1.1 Contexte 1.2.1.2 Solutions retenues 1.2.1.3 Aperçu du projet de mise en oeuvre de la recommandation 24 du GAFI 1.2.2 Ayants droit économiques 1.2.2.1 Identification de l'ayant droit économique 1.2.2.2 Obligation de diligence lors de l'identification de l'ayant droit économique de personnes morales 1.2.3 Définition des PPE et fixation des obligations de diligence correspondantes dans la LBA 1.2.3.1 Elargissement de l'actuelle définition aux PPE nationales et aux PPE d'organisations intergouvernementales 1.2.3.2 Obligations de diligence accrues en relation avec les nouvelles catégories de PPE 1.2.3.3 Inclusion des nouvelles exigences 1.2.4 Qualification des infractions fiscales pénales graves en infractions préalables au blanchiment d'argent 1.2.4.1 Modification de l'approche relative aux infractions préalables en ce qui concerne la fiscalité directe 1.2.4.2 Fiscalité indirecte 1.2.4.3 Entraide judiciaire internationale 1.2.4.4 Maintien du blanchiment d'argent en tant qu'entrave à la confiscation 1.2.5 Elargissement du champ d'application de la LBA (paiement en espèces lors d'opérations de vente) 1.2.5.1 Contexte 1.2.5.2 Solution proposée: prescription concernant le paiement en espèces lors d'opérations de vente 1.2.6 Adaptation de la LP (paiement en espèces lors de ventes aux enchères) 1.2.6.1 Droit en vigueur 1.2.6.2 Solution proposée 1.2.7 Compétences du bureau de communication et efficacité du système de communication de soupçons 1.2.7.1 Analyses du bureau de communication: amélioration de l'assistance administrative interne

597 599 599 599 600 600 601 602 602 602 604 605 606 607 607 609 609 609 611 611 613

Modification du système de communication de soupçons 1.2.8 Sanctions financières ciblées liées au terrorisme et au financement du terrorisme 1.2.8.1 Contexte 1.2.8.2 Solution proposée Appréciation de la solution retenue 1.3.1 Transparence des personnes morales et actions au porteur 1.3.2 Ayants droit économiques 1.3.3 Définition des PPE et fixation des obligations de diligence correspondantes dans la LBA 1.3.4 Qualification des infractions fiscales pénales graves en infractions préalables au blanchiment d'argent 1.3.5 Elargissement du champ d'application de la LBA (paiement en espèces lors d'opérations de vente) 1.3.6 Adaptation de la LP (paiement en espèces lors de ventes aux enchères) 1.3.7 Compétences du bureau de communication et efficacité du système de communication de soupçons 1.3.8 Sanctions financières ciblées liées au terrorisme et au financement du terrorisme Comparaison avec le droit étranger, notamment européen 1.4.1 Transparence des personnes morales et actions au porteur 1.4.1.1 Existence d'actions au porteur 1.4.1.2 Mesures visant à améliorer la transparence 1.4.1.3 Données statistiques sur les sociétés émettant des actions au porteur 1.4.2 Infractions préalables en matière fiscale 1.4.3 Rapports avec le droit européen 1.4.4 Sanctions financières ciblées liées au terrorisme et au financement du terrorisme Mise en oeuvre Classement d'interventions parlementaires 1.2.7.2

1.3

1.4

1.5 1.6

615 615 615 618 619 619 622 622 623 625 628 628 630 631 632 632 632 634 635 636 636 637 637

2

Commentaire des dispositions 2.1 Code civil 2.2 Code des obligations 2.3 Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite 2.4 Code pénal 2.5 Loi fédérale sur le droit pénal administratif 2.6 Loi sur les placements collectifs 2.7 Loi sur le blanchiment d'argent 2.8 Loi sur les titres intermédiés

637 637 638 647 648 651 655 656 674

3

Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération

674 674

589

Conséquences en lien avec le traitement des communications de soupçons 3.1.2 Surveillance des intermédiaires financiers Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne Conséquences économiques 3.3.1 Transparence des personnes morales et actions au porteur 3.3.2 Identification de l'ayant droit économique 3.3.3 Infractions fiscales préalables au blanchiment d'argent 3.3.4 Prescriptions sur le paiement en espèces lors d'opérations de vente 680 3.3.5 Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent 680 Autres conséquences 3.1.1

3.2 3.3

3.4 4

5

677 677 677 679 679

680

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral 4.1 Relation avec le programme de la législature 4.2 Relation avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

681 681 681

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et légalité 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales 5.3 Forme de l'acte à adopter 5.4 Frein aux dépenses 5.5 Conformité à la loi sur les subventions 5.6 Délégation de compétences législatives

681 681 682 682 683 683 683

Loi fédérale sur la mise en oeuvre des recommandations du Groupe d'action financière, révisées en 2012 (Projet)

590

675 676

685

Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

La Suisse accorde une grande importance au maintien d'une place financière saine.

Dans le contexte d'une criminalité en évolution constante, elle adapte régulièrement sa législation, initialement mise en place il y a plus de 25 ans, afin de préserver l'intégrité de la place financière et se prémunir contre une utilisation criminelle de cette dernière, notamment aux fins de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme.

La contribution de la Suisse à la définition des normes internationales relatives à l'intégrité du marché financier, notamment celles qui visent l'harmonisation des règles en matière de lutte contre la criminalité financière, est un pilier important de sa stratégie de défense d'une place financière saine et florissante. A cette fin, la Suisse participe activement, depuis sa création, aux travaux du Groupe d'action financière (GAFI)1. Créé en 1989, le GAFI a élaboré des recommandations qui constituent les normes internationales de référence pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le GAFI a procédé entre 2009 et 2012 à un réexamen approfondi de ces recommandations, découlant notamment de l'évolution de la criminalité financière internationale, qui a abouti à l'adoption d'une révision partielle des normes de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme et à leur extension à la lutte contre le financement de la prolifération des armes de destruction massive. La Suisse a approuvé en février 2012 les 40 recommandations révisées du GAFI. Actuellement, la réglementation suisse est déjà dans une large mesure compatible avec ces nouvelles normes. Certaines adaptations sont toutefois nécessaires pour que la législation suisse soit conforme aux recommandations révisées, ainsi que pour remédier à certaines déficiences relevées lors de l'évaluation de la Suisse effectuée en 2005 par le GAFI et qui n'ont pas été corrigées depuis lors.

La conformité avec ces normes internationales est dans l'intérêt de la Suisse, vu qu'elle permet de préserver la réputation et l'attrait de sa place financière, raison pour laquelle notre pays les a reprises et prévoit d'adapter sa législation dans le cadre de la présente révision. La reprise des recommandations du GAFI permet aussi d'assurer la reconnaissance du dispositif suisse sur le plan international.

Les nouvelles recommandations diffèrent par rapport à la législation et à la politique antiblanchiment suisses actuelles sur certains points: ­

1 2

Le GAFI a clarifié ses exigences en matière de transparence des personnes morales, y compris en ce qui concerne les sociétés émettant des actions au porteur. Une révision du droit suisse est également nécessaire compte tenu des recommandations du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales (Forum mondial) concernant les sociétés avec actions au porteur. Cela entraîne des adaptations du code des obligations (CO)2, de la loi du 23 juin 2006 sur les placements collectifs (LPCC)3 En anglais: Financial Action Task Force (FATF).

RS 220

591

et du code pénal (CP)4, visant à introduire une obligation d'annoncer de l'actionnaire à la société et portant également sur les ayants droit économiques des actions. Suite à la consultation, qui s'est déroulée du 27 février au 1er juillet 20135, une variante supplémentaire a été introduite consistant à exempter l'actionnaire au porteur de son obligation d'annoncer lorsque les titres au porteur sont émis sous forme de titres intermédiés au sens de la loi du 3 octobre 2008 sur les titres intermédiés (LTI)6. Pour assurer la transparence requise par les normes internationales, une modification mineure de la LTI est néanmoins nécessaire. Des dispositions sont aussi prévues pour les sociétés avec actions nominatives. Par une modification du code civil (CC)7, l'obligation d'enregistrer les fondations au registre du commerce est étendue afin d'inclure toutes les fondations, y compris les fondations de famille et les fondations ecclésiastiques.

­

Dans le cadre des obligations de diligence des intermédiaires financiers, la norme du GAFI relative à l'identification des ayants droit économiques a été précisée s'agissant des mesures raisonnables devant être prises pour identifier les personnes physiques qui contrôlent en dernier lieu une personne morale. La loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent (LBA)8 sera aménagée pour consolider ce point.

­

Le GAFI a étendu ses recommandations aux relations d'affaires avec des personnes politiquement exposées (PPE) nationales et d'organisations internationales ­ c'est-à-dire les personnes exerçant ou ayant exercé une fonction dirigeante au sein ou pour le compte d'une organisation intergouvernementale ­, selon une approche fondée sur les risques. La LBA est modifiée par l'inclusion d'une obligation générale d'identifier les PPE ainsi que des définitions et obligations de diligence particulières relatives aux PPE nationales et aux PPE d'organisations intergouvernementales.

­

Le GAFI a élargi la liste des infractions préalables au blanchiment aux «infractions fiscales pénales». Au vu du résultat de la consultation, le Conseil fédéral renonce à introduire une infraction préalable dans la législation en matière d'impôts directs, de manière à ne pas empiéter sur la révision du droit pénal fiscal. La recommandation peut être mise en oeuvre, d'une part, par une modification du CP afin d'y introduire une infraction préalable en matière d'impôts directs et, d'autre part, par une modification plus limitée de la législation en matière d'impôts indirects (loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif, DPA9).

­

Un élargissement ponctuel du champ d'application de la LBA aux ventes immobilières et mobilières est prévu, bien que cela ne soit pas demandé en soi par la révision des recommandations du GAFI. La LBA sera modifiée

3 4 5

6 7 8 9

592

RS 951.31 RS 311.0 Le rapport sur les résultats de la consultation est disponible sous www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures terminées > 2013 > Département fédéral des finances > Mise en oeuvre des recommandations révisées du Groupe d'action financière.

RS 957.1 RS 210 RS 955.0 RS 313.0

par l'introduction d'une obligation de recourir à un intermédiaire financier pour effectuer une transaction immobilière ou mobilière dépassant un certain montant. Une solution produisant un résultat semblable est introduite dans la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)10.

­

Concernant les cellules de renseignements financiers (CRF, en Suisse le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent, ci-après «bureau de communication»), le GAFI a, d'une part, étendu leurs compétences afin qu'elles puissent obtenir des informations supplémentaires des intermédiaires financiers et, d'autre part, clarifié sa norme relative à l'échange d'informations financières entre elles. Ces points ont déjà été mis en oeuvre par le bais d'une modification de la LBA du 21 juin 2013, entrée en vigueur le 1er novembre 201311. Dans le cadre du présent projet, plusieurs mesures visant à améliorer l'efficacité du système de communication de soupçons sont introduites, tout en allégeant les procédures pour les intermédiaires financiers. Premièrement, la disposition en matière d'assistance administrative interne de la LBA est complétée et permettra au bureau de communication d'obtenir d'autres autorités suisses, sur demande, les informations nécessaires aux analyses des communications de soupçons. Cette disposition s'inscrit donc sous l'angle d'une optimisation des analyses du bureau de communication. Deuxièmement, grâce à une application différée du blocage automatique prévu par la LBA, le bureau de communication bénéficiera, selon les cas, de plus de temps pour effectuer ses analyses. Suite à la consultation, il est proposé d'introduire dans la loi un délai maximum pour cette analyse et de maintenir le droit de communication prévu par le CP.

­

Concernant la mise en oeuvre de la recommandation du GAFI relative à des sanctions financières ciblées liées au terrorisme et au financement du terrorisme, des modifications de la LBA sont prévues pour formaliser le système en place relatif à l'examen par les autorités fédérales concernées des listes de terroristes publiées à l'étranger et leur transmission aux intermédiaires financiers. Sur décision du Conseil fédéral du 4 septembre 2013, les modifications législatives précitées ont été incorporées dans le présent projet.

Certaines recommandations importantes du GAFI ­ révisées ou nouvelles ­ n'exigent pas de modifications législatives. En particulier, les pays doivent procéder à une évaluation nationale des risques de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, en vertu de la nouvelle recommandation 1 concernant l'approche fondée sur les risques. Ces évaluations reposeront largement sur des instruments existants (analyse de risques de différentes autorités, coordination entre autorités concernées).

En outre, la Suisse est déjà largement conforme à la norme révisée concernant la transparence des trusts et autres constructions juridiques. Enfin, la nouvelle norme du GAFI relative à la lutte contre le financement des armes de destruction massive exige, pour l'essentiel, la mise en oeuvre des sanctions financières ciblées décidées par le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies (ONU): la Suisse met déjà en oeuvre ces sanctions par l'intermédiaire de la loi du 22 mars 2002 sur les embargos (LEmb)12.

10 11 12

RS 281.1 RO 2013 3493 RS 946.231

593

En conclusion, la Suisse dispose déjà aujourd'hui d'un système de lutte contre la criminalité financière globalement robuste et complet. Tout comme d'autres pays, elle n'est toutefois pas épargnée par l'évolution de la criminalité et des défis qui se posent pour y répondre. La législation suisse doit donc être adaptée dans le cadre de la présente révision afin de préserver la robustesse du système actuel et améliorer son efficacité là où cela est nécessaire. Une protection efficace contre une utilisation criminelle est primordiale pour une place financière de l'importance de celle de la Suisse.

1.2

Dispositif proposé

1.2.1

Transparence des personnes morales et actions au porteur

1.2.1.1

Contexte

En 2005, le GAFI a procédé à l'évaluation du régime de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme en Suisse. Dans le cadre de cet examen, la Suisse a obtenu la notation «non conforme» pour la question de la transparence des personnes morales. Selon le GAFI, les actions au porteur, qui garantissent l'anonymat de l'actionnaire étant donné qu'elles ne sont pas émises au nom d'une personne déterminée et que tout porteur est reconnu comme étant son ayant droit, ne respectent pas la recommandation 33 (2003). Celle-ci prévoyait que «les pays devraient s'assurer que des informations adéquates, pertinentes et à jour sur les bénéficiaires effectifs et sur le contrôle des personnes morales puissent être obtenues et consultées en temps voulu par les autorités compétentes en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme». Le GAFI attend des pays qui connaissent les actions au porteur qu'ils prennent les «mesures appropriées» pour faire en sorte que les sociétés ayant émis ce type d'actions ne puissent pas être «utilisées à mauvais escient pour blanchir des capitaux». Le GAFI a donc recommandé à la Suisse d'améliorer les mesures de transparence pour les sociétés anonymes ayant émis des actions au porteur. Il n'a cependant pas exigé la suppression de ce type d'actions. Depuis 2005, le Conseil fédéral s'est attelé à trouver une solution législative visant à régler de manière satisfaisante le manque de transparence des sociétés émettant des actions au porteur.

En février 2012, le GAFI a adopté ses recommandations révisées, et notamment une norme révisée (note interprétative de la recommandation 24) relative à la transparence des personnes morales qui précise les règles en la matière. En particulier, la norme révisée clarifie, en ce qui concerne les sociétés émettant des actions nominatives et au porteur, les exigences visant à assurer l'existence d'informations sur les propriétaires légaux et les ayants droit économiques de personnes morales ainsi que l'accès des autorités compétentes à ces informations. En outre, le GAFI a précisé la définition de l'ayant droit économique13 de personnes morales. Cette définition vise les personnes physiques qui exercent en dernier lieu un contrôle effectif sur une personne morale, notamment lorsqu'elles détiennent une
participation de contrôle dans la personne morale. La note interprétative prévoit, à titre d'exemple, une participation de contrôle basée sur un taux de 25 %. Pour les sociétés émettant des 13

594

Les normes du GAFI utilisent le terme de «bénéficiaire effectif».

actions au porteur et des bons de souscription d'actions au porteur, la recommandation 24 prévoit qu'un pays doit, par exemple, appliquer un ou plusieurs des mécanismes suivants14: (i) interdire les actions au porteur; (ii) les convertir en titres nominatifs; (iii) les immobiliser en exigeant qu'elles soient détenues auprès d'un intermédiaire financier ou (iv) imposer aux actionnaires détenant une participation de contrôle d'en informer la société et à la société d'enregistrer leur identité. Ces normes révisées offrent aujourd'hui de nouvelles opportunités de mettre notre pays en conformité avec les exigences du GAFI en matière de transparence.

La pression exercée par le GAFI ces dernières années pour augmenter la transparence des personnes morales s'est accrue depuis la mise sur pied en 2009 d'un système d'évaluation par les pairs au Forum mondial. Selon l'une de ses normes principales, les membres doivent s'assurer que leurs autorités compétentes disposent des informations permettant d'identifier les propriétaires de sociétés de capitaux et autres personnes morales.

Selon le Forum mondial, le terme «propriétaire» comprend le propriétaire légal et, lorsqu'un propriétaire légal agit pour le compte d'une autre personne en qualité de mandataire ou en vertu d'une disposition similaire, cette autre personne, ainsi que les personnes qui font partie d'une chaîne de propriété (critère A.1.1). Il est exigé que lorsque les pays autorisent l'émission d'actions au porteur, ils doivent avoir mis en place des mécanismes appropriés permettant d'identifier les propriétaires de ces actions (A.1.2). Une suppression des actions au porteur n'est pas requise, mais un mécanisme fiable doit être mis en place qui assure l'identification des propriétaires de ces actions. A titre d'exemple, parmi d'autres, il est possible de conclure un accord de garde avec un conservateur agréé (custodial arrangement) ou un autre accord similaire visant à immobiliser ces actions. Le Forum mondial insiste sur la nécessité d'avoir en place des mesures «complètes» et proportionnelles à la matérialité du problème (prépondérance des actions au porteur dans un pays donné). Pour être en totale conformité avec la norme du Forum mondial, lorsque la législation d'un pays permet l'émission des actions au porteur, ce pays devra avoir mis en place
un ou plusieurs mécanismes qui assurent l'identification de chaque propriétaire d'actions au porteur.

Les exigences du Forum mondial vont donc plus loin que celles du GAFI.

La plupart des pays européens ont adapté leur législation ­ ou sont en train de le faire ­ aux nouvelles normes du GAFI et du Forum Mondial, dont récemment l'Allemagne, l'Autriche et le Liechtenstein (cf. le ch. 1.4.1). En Suisse, les sociétés anonymes émettant des actions au porteur sont en augmentation ces dernières années et dépassent le nombre de 50 000. De grandes différences sont constatées, entre cantons, quant à la prépondérance de cette forme d'actions. Si la Suisse n'agit pas en procédant à des adaptations législatives visant à introduire la transparence nécessaire, elle risque de favoriser l'usage à des fins abusives d'actions au porteur de sociétés suisses permettant de contourner les législations d'autres pays.

14

Cf. le ch. 14, let. d, de la note interprétative de la recommandation 24.

595

1.2.1.2

Solutions retenues

Actions au porteur Afin de mettre en oeuvre les exigences de transparence des personnes morales citées au chiffre précédent, le présent projet prévoit qu'une société autorisant les actions au porteur puisse recourir à l'une des quatre mesures alternatives suivantes: 1) Obligations incombant à l'actionnaire d'annoncer à la société Le projet introduit une obligation d'annoncer valable pour toute acquisition d'actions, selon laquelle l'acquéreur d'actions au porteur doit annoncer cette acquisition et décliner son identité. Si les recommandations du GAFI se contentent de l'introduction d'une obligation d'annoncer les participations supérieures à 25 % (cf. le ch. 14, let. d, de la note interprétative de la recommandation 24), cette mesure est jugée insuffisante au regard des exigences du Forum mondial. En revanche, une solution soumettant à une obligation d'annoncer tous les détenteurs (propriétaires légaux) d'actions au porteur devrait permettre à la Suisse d'être en conformité avec la norme du Forum mondial. En outre, le projet prévoit une obligation d'annoncer l'identité de l'ayant droit économique des actions pour le détenteur d'actions au porteur, dès lors que celui-ci atteint ou dépasse un seuil de participation de 25 % dans la société. Ces mesures sont complétées par une obligation pour la société de tenir une liste des détenteurs et des ayants droit économiques des actions. Afin d'être efficaces, les obligations précitées doivent être assorties de sanctions suffisamment dissuasives.

Il est à relever que si l'obligation d'annoncer était limitée au moment de la participation à l'assemblée générale, seules s'annonceraient auprès de la société les détenteurs d'actions au porteur qui souhaitent faire usage du droit de vote lié à ces actions. Dans ce cas, le risque de blanchiment d'argent et les exigences du GAFI relatives au caractère «adéquat et à jour» des informations ne seraient que partiellement pris en considération. En effet, si d'éventuels transferts des actions au porteur étaient effectués entre deux assemblées générales, les actionnaires qui ne souhaitent justement pas participer à l'assemblée générale ne seraient pas identifiés. C'est pourquoi l'obligation d'annoncer incombant aux actionnaires au porteur intervient au moment du transfert des actions, c'est-à-dire au moment de l'acquisition.
Il y a lieu de noter que cette proposition ne porte que sur les sociétés non cotées, vu que la transparence des sociétés dont les actions sont cotées en bourse est assurée par les différentes obligations d'annoncer prévues par la loi du 24 mars 1995 sur les bourses (LBVM)15. En effet, cette loi prévoit que celui qui détient, directement ou indirectement, seul ou de concert avec un tiers, un certain pourcentage des droits de vote d'une société, doit déclarer sa participation à la société et aux bourses où elle est cotée. Cette obligation d'annoncer découlant du droit boursier commence à partir d'un seuil de 3 % des droits de vote.

2) Possibilité d'annoncer à un intermédiaire financier plutôt qu'à la société La société peut décider que les annonces lors de l'acquisition des actions se font non pas auprès d'elle, mais d'un intermédiaire financier au sens de la LBA. Dans ce cas, la société déléguerait à un tiers la tenue de la liste en ce qui concerne l'identité des détenteurs et des ayants droit économiques des actions. La délégation permet tant de 15

596

RS 954.1

préserver l'anonymat des détenteurs et des ayants droit économiques d'actions au porteur vis-à-vis de la société que de garantir la transparence. Conformément à sa convention de délégation, la société devra informer l'intermédiaire financier désigné du contenu de la liste.

3) Actions au porteur émises sous forme de titres intermédiés («dématérialisation») Le projet règle également le cas de figure où les titres au porteur sont dématérialisés.

Lorsque des actions au porteur sont émises sous forme de titres intermédiés, ces derniers doivent être soit confiés à un dépositaire au sens de la LTI, soit inscrits comme droits-valeurs au registre principal et crédités sur un compte de titres (art. 6 LTI). Toutefois, il est fréquent que les titulaires de ces comptes de titres ne soient pas les actionnaires eux-mêmes, ce qui explique qu'ils ne puissent pas être identifiés directement par l'entremise du dépositaire. Le compte de titres personnel de l'actionnaire est régulièrement tenu par sa banque, laquelle dispose pour sa part d'un compte de titres soit auprès du dépositaire susmentionné, soit auprès d'un autre dépositaire (servant d'intermédiaire). Sachant que la banque d'un actionnaire, en raison des obligations qui lui incombent en application de la loi sur le blanchiment d'argent, doit connaître à la fois l'identité de son cocontractant (l'actionnaire) et celle de l'ayant droit économique, une obligation d'annoncer supplémentaire de l'actionnaire aux fins de divulgation de son identité n'apparaît pas nécessaire. En définitive, cette information peut être obtenue auprès de la banque de l'actionnaire.

4) Conversion facilitée en actions nominatives Une conversion facilitée des actions au porteur en actions nominatives est prévue.

Actions nominatives Il convient de lier l'introduction de l'obligation d'annoncer pour les détenteurs d'actions au porteur à des mesures visant à améliorer la transparence en ce qui concerne les actions nominatives d'une société anonyme et les parts sociales de la société à responsabilité limitée. Ainsi, tout comme pour les actions au porteur, il est proposé que l'acquéreur d'actions nominatives annonce l'identité de l'ayant droit économique des actions dès lors qu'il atteint ou dépasse un seuil de participation de 25 % dans la société.

1.2.1.3

Aperçu du projet de mise en oeuvre de la recommandation 24 du GAFI

Le projet, qui requiert principalement des adaptations du droit des sociétés, peut être résumé comme suit: Société anonyme Pour ce qui est des sociétés non cotées en bourse, les acquéreurs d'actions au porteur ont une obligation d'annoncer vis-à-vis de la société ou de l'intermédiaire financier désigné par la société. De plus, les détenteurs d'actions nominatives et d'actions au porteur doivent déclarer les ayants droit économiques des actions à ces mêmes sociétés non cotées ou à l'intermédiaire financier dès lors qu'ils acquièrent une participation d'au moins 25 %. La société (ou l'intermédiaire financier désigné) doit tenir une liste des détenteurs d'actions au porteur soumis à l'obligation d'annoncer et des ayants droit économiques de ces actions. Le registre des actions et la liste des 597

détenteurs d'actions soumis à l'obligation d'annoncer et des ayants droit économiques des actions doivent pouvoir être accessibles en Suisse. La durée de conservation des pièces justificatives de l'annonce est de dix ans à compter de la radiation des personnes annoncées de la liste. Le registre des actions et la liste doivent être conservés dix ans après la radiation de la société.

Un conseil d'administration ou un représentant autorisé résidant en Suisse doit avoir accès au registre des actions et à la liste des détenteurs d'actions soumis à l'obligation d'annoncer et des ayants droit économiques des actions.

Une violation des obligations peut entraîner diverses sanctions. Tout d'abord, au niveau du droit de la société, la suspension des droits de participation liés aux actions (par ex. les droits de vote) et des droits patrimoniaux (par ex. le droit aux dividendes) tant qu'il n'y a pas de conformité avec l'obligation d'annonce. De plus, des nouvelles dispositions du CP (manquement à l'obligation d'annoncer, tenue incorrecte de la liste) permettent d'infliger une sanction pénale.

La conversion des actions au porteur en actions nominatives est facilitée.

Les prescriptions en matière de transparence figurant dans la recommandation 24 du GAFI sont applicables non seulement aux sociétés anonymes au sens du CO, mais aussi aux sociétés d'investissement à capital variable (SICAV) selon les art. 36 ss de la LPCC. Dès lors, une modification correspondante de la LPCC est nécessaire.

Société à responsabilité limitée Le registre des parts sociales doit être accessible en Suisse; les pièces justificatives de l'inscription au registre des parts sociales doivent également être conservées dix ans.

Les associés ont l'obligation de déclarer à la société les ayants droit économiques dès lors que leur participation s'élève à 25 % au moins.

Les sanctions équivalent à celles du droit de la société anonyme.

Société coopérative Le projet prévoit une obligation générale de tenir en Suisse une liste complète des associés; la durée de conservation des pièces justificatives de l'inscription dans la liste est ici aussi de dix ans.

Une disposition pénale prévoit une sanction pour la tenue incorrecte de la liste des associés.

Fondation Le projet prévoit une obligation d'inscription au registre du commerce pour toutes les fondations. Cela inclut désormais également les fondations ecclésiastiques et les fondations de famille.

598

1.2.2

Ayants droit économiques

1.2.2.1

Identification de l'ayant droit économique

L'obligation d'identification de l'ayant droit économique, prévue par la recommandation 10 du GAFI, est applicable à tous les intermédiaires financiers assujettis à la LBA et vise les personnes physiques et morales, à l'exception des sociétés cotées en bourse ou des filiales détenues majoritairement par de telles sociétés. Il découle de cette obligation que l'ayant droit économique d'une relation d'affaires doit toujours être connu de l'intermédiaire financier. Une telle exigence n'est pas formellement inscrite dans la LBA bien que son principe soit connu et appliqué en Suisse depuis longtemps. Par conséquent, il est proposé de clarifier la loi en introduisant une obligation générale d'identification de l'ayant droit économique, afin de se conformer sur le plan formel aux exigences du GAFI.

1.2.2.2

Obligation de diligence lors de l'identification de l'ayant droit économique de personnes morales

Dans le cadre de la révision de la recommandation 10, les règles relatives à l'identification des ayants droit économiques de personnes morales ont été précisées.

Les nouvelles mesures prévues par les normes du GAFI reposent sur le principe général de l'identification des personnes physiques qui, en dernier lieu, possèdent ou contrôlent le cocontractant d'une relation d'affaires. Le GAFI précise que cette définition comprend les personnes physiques qui exercent en dernier lieu un contrôle effectif sur une personne morale, notamment lorsqu'elles détiennent une participation de contrôle dans la personne morale16. La législation suisse actuelle n'est pas conforme à ce principe. Les informations requises sur l'ayant droit économique de personnes morales se limitent à «la raison sociale et l'adresse du siège» pour les sociétés opérationnelles (art. 39, al. 1, let. b, de l'ordonnance de la FINMA du 8 décembre 2010 sur le blanchiment d'argent, OBA-FINMA17), à moins que la relation d'affaires ne comporte des risques accrus, auquel cas l'intermédiaire doit déterminer par qui les personnes morales sont contrôlées (art. 12, al. 2, let. h, et 14, al. 2, let. h, OBA-FINMA). Pour les structures complexes, telles que les sociétés de domicile, la société elle-même ne peut pas être l'ayant droit économique (art. 50, al. 1, OBA-FINMA). Selon la pratique actuelle, il est toutefois possible que l'ayant droit économique d'une société de domicile soit une personne morale qui exerce une activité commerciale.

Le projet propose de combler cette lacune en complétant l'art. 4 LBA (en relation avec l'art. 2a, al. 3, P-LBA). La nouvelle disposition prévoit, pour mettre en oeuvre la recommandation 10 du GAFI, que les intermédiaires financiers prennent à l'avenir des mesures raisonnables pour identifier les personnes physiques qui contrôlent en dernier lieu une personne morale. Le projet introduit des mesures graduées permettant une application en fonction de la nécessité.

16

17

Cette définition est identique à celle prévue dans la recommandation 24 du GAFI en ce qui concerne la transparence des personnes morales et les règles applicables aux sociétés (cf. ch. 1.2.1.1).

RS 955.033.0

599

1.2.3

Définition des PPE et fixation des obligations de diligence correspondantes dans la LBA

1.2.3.1

Elargissement de l'actuelle définition aux PPE nationales et aux PPE d'organisations intergouvernementales

En vertu de la recommandation 12 du GAFI, les obligations de diligence actuelles vis-à-vis de PPE étrangères sont étendues au cercle des PPE nationales et des PPE d'organisations internationales. Dans sa définition, le GAFI ne distingue pas entre les PPE étrangères et nationales, et se fonde pour les deux catégories sur le même cercle de personnes. Selon le glossaire complétant les recommandations du GAFI, les PPE tant nationales qu'étrangères, exerçant des fonctions publiques dirigeantes, sont «les chefs d'Etat et de gouvernement, les politiciens de haut rang, les hauts responsables au sein des pouvoirs publics, les magistrats et militaires de haut rang, les dirigeants d'entreprise publique et les hauts responsables de partis politiques».

Le facteur distinctif réside donc dans le pays qui a confié la fonction publique dirigeante à la personne. La définition étant la même pour les PPE nationales et les PPE étrangères, il est assuré que les mêmes fonctions sont réputées PPE et dans le pays et à l'étranger.

Dans ses considérations, le GAFI précise expressément que, selon le contexte, des fonctions publiques dirigeantes peuvent également être exercées au niveau subnational. Toutefois, une définition formelle des PPE au niveau subnational n'est pas une exigence absolue, ce qui laisse aux Etats la liberté de décider quelles sont les PPE nationales qui à leurs yeux présentent un risque accru. Le projet prévoit par conséquent une extension aux seules PPE exerçant des fonctions publiques dirigeantes au niveau national (et non aux niveaux cantonal et communal).

Pour ce qui est des PPE d'organisations internationales, il s'agit de personnes exerçant ou ayant exercé un mandat au plus haut niveau dans des organisations intergouvernementales, qui sont des sujets de droit international public. On compte par exemple parmi elles l'ONU et ses agences, ou le Fonds monétaire international. En sont exclues toutes les organisations internationales de droit privé (par ex. la FIFA ou le CIO). On précisera à ce propos que les intermédiaires financiers doivent se conformer aux obligations de diligence accrues indépendamment de l'existence ou non d'un statut de PPE lorsque, en considérant l'ensemble de la relation d'affaires, les critères de risque énumérés aux art. 12, al. 2, let. a à h, et 13, al. 2 et 3, OBAFINMA sont
réunis. Le cas échéant, ceci vaut également pour les personnes au service d'organisations internationales de droit privé.

En vertu de la recommandation 12 du GAFI, les obligations de diligence doivent également s'appliquer aux personnes proches des PPE.

Les exigences relatives aux PPE sont actuellement réglées dans l'OBA-FINMA.

L'ordonnance de la CFMJ18 du 12 juin 2007 sur le blanchiment d'argent (OBA CFMJ)19 contient également certaines dispositions à cet égard. Cette situation n'est guère satisfaisante dans la mesure où l'OBA-FINMA s'adresse exclusivement aux banques, aux directions de fonds, aux sociétés d'investissement de fonds collectifs, aux gestionnaires de fortune au sens de la LPCC, aux institutions d'assurance et aux 18 19

600

Commission fédérale des maisons de jeu RS 955.021

négociants en valeurs mobilières (intermédiaires financiers au sens de l'art. 2, al. 2, let. a à d, LBA), de même qu'aux intermédiaires financiers directement soumis (IFDS) au sens de l'art. 2, al. 3, LBA. Pour sa part, l'OBA CFMJ ne s'applique qu'aux maisons de jeu (art. 2, al. 2, let. e, LBA). En revanche, les dispositions relatives aux PPE ne s'appliquent pas aux membres des organismes d'autorégulation, car ces derniers n'entrent pas dans le champ d'application de l'OBA-FINMA ou de l'OBA CFMJ. Pour des raisons de sécurité du droit et pour éviter un traitement différencié des PPE, il est judicieux de régler de manière uniforme les exigences relatives aux PPE. Une réglementation au niveau de la loi permet de garantir que les exigences contraignantes dans le domaine des PPE valent de la même manière pour tous les intermédiaires financiers.

Par conséquent, le projet prévoit d'élargir aux PPE nationales et aux PPE d'organisations intergouvernementales le cercle des PPE actuellement définies dans l'OBAFINMA et dans l'OBA CFMJ, conformément aux nouvelles normes du GAFI, et d'inscrire les réglementations correspondantes dans la loi.

1.2.3.2

Obligations de diligence accrues en relation avec les nouvelles catégories de PPE

Contrairement aux PPE étrangères, et conformément à la recommandation 12 du GAFI, les PPE nationales et les PPE d'organisations internationales ne doivent pas nécessairement être classées dans les relations d'affaires comportant des risques accrus. Le présent projet de loi prévoit par conséquent, en accord avec cette norme du GAFI, de ne qualifier les PPE nationales et les PPE d'organisations intergouvernementales de relations d'affaires comportant des risques accrus qu'en association avec d'autres facteurs de risque. Les intermédiaires financiers doivent déjà aujourd'hui tenir compte des risques éventuels que représente une relation d'affaires avec une PPE nationale, même si cette personne n'est pas identifiée comme telle. En fonction des circonstances, la relation d'affaires doit déjà être considérée comme comportant des risques accrus. Cela vaut également pour toute relation d'affaires avec un client qui n'est pas une PPE, mais qui représente des risques particuliers en raison, par exemple, de son pays d'origine ou de la nature de son activité (cf. l'art. 12 OBA-FINMA ou l'art. 10, al. 2, OBA CFMJ). En d'autres termes, l'approche fondée sur les risques, prévue dans le projet de loi pour les relations d'affaires avec des PPE nationales, est déjà appliquée aujourd'hui.

Pour autant qu'une personne relève des nouvelles catégories de PPE et soit considérée comme une relation d'affaires comportant des risques accrus, il convient désormais de respecter les obligations de diligence applicables aux PPE étrangères. Le projet prévoit également que, le cas échéant, les intermédiaires financiers doivent aussi respecter ces obligations de diligence accrues à l'égard des personnes qui, de manière reconnaissable, sont proches des PPE nationales et des PPE d'organisations intergouvernementales.

601

1.2.3.3

Inclusion des nouvelles exigences

Les risques accrus que présentent les PPE étrangères se fondent sur la réglementation figurant à l'art. 12, al. 3, OBA-FINMA ou à l'art. 10, al. 3, OBA CFMJ. Pour garantir un traitement uniforme des PPE sur l'ensemble de la place financière et dans toutes les branches de l'intermédiation financière, il convient également de régler au niveau de la loi les obligations de diligence accrues à l'égard des PPE. Le projet prévoit par conséquent de transférer les dispositions y afférentes des ordonnances dans la loi. Pour ce qui est des deux nouvelles catégories de PPE, elles ne doivent pas nécessairement être considérées comme des relations comportant des risques accrus (cf. la recommandation 12 du GAFI) et peuvent donc faire l'objet d'une réglementation séparée. Dès lors, le projet contient certains alinéas spécifiques assimilant les nouvelles catégories à la catégorie existante des PPE étrangères.

Les facteurs de risque définis à l'art. 12, al. 2, OBA-FINMA et à l'art. 10, al. 2, OBA CFMJ continuent de former la base pour l'appréciation des risques d'une relation d'affaires, permettant aussi, le cas échéant, de considérer une PPE nationale ou une PPE d'organisation intergouvernementale comme présentant un risque accru.

1.2.4

Qualification des infractions fiscales pénales graves en infractions préalables au blanchiment d'argent

1.2.4.1

Modification de l'approche relative aux infractions préalables en ce qui concerne la fiscalité directe

Selon la recommandation 3 du GAFI, les pays doivent appliquer l'infraction de blanchiment de capitaux à toutes les infractions graves, afin de couvrir la gamme la plus large possible d'infractions préalables ou sous-jacentes. En ce qui concerne la définition des infractions préalables, la note interprétative de cette recommandation permet différentes approches: ­

considérer l'ensemble des infractions comme des infractions préalables (approche dite «all crimes»);

­

définir la notion d'infraction préalable par rapport à un seuil lié, soit à une catégorie d'infractions graves, soit à la peine privative de liberté dont est passible l'infraction préalable (méthode du seuil);

­

adopter une liste d'infractions préalables (approche dite «liste»).

Il est également possible de combiner ces approches.

Quelle que soit l'approche choisie, chaque pays doit au minimum inclure une gamme d'infractions graves au sein de chacune des catégories désignées d'infractions, telles que définies dans le glossaire général qui est annexé aux 40 recommandations et en constitue une partie intégrante. Dans le cadre de la révision partielle de 2012, cette liste minimale a été étendue aux infractions fiscales pénales graves (liées aux impôts directs et indirects).

La question de l'introduction dans les normes du GAFI d'infractions préalables en matière fiscale n'est pas nouvelle. Elle s'était, en effet, déjà posée lors de la révision totale de 2003, et avait abouti à l'introduction de la contrebande, laquelle peut, selon les législations ­ en particulier en Suisse ­, déjà viser certains impôts indirects, tels les droits de douanes ou la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Dans les recommanda602

tions révisées de 2012, la contrebande fait l'objet d'une catégorie séparée de celle des infractions fiscales pénales et vise notamment spécifiquement les taxes et droits de douane et les impôts à la consommation. Cette infraction préalable a été introduite dans le droit suisse par la loi fédérale du 3 octobre 2008 sur la mise en oeuvre des recommandations révisées du Groupe d'action financière20, entrée en vigueur le 1er février 2009. Il s'agit de la contrebande organisée ou «escroquerie fiscale qualifiée» au sens de l'art. 14, al. 4, DPA.

Comme c'est le cas pour les 20 autres catégories d'infractions devant obligatoirement constituer des infractions préalables au blanchiment d'argent selon les recommandations du GAFI, ce dernier n'a pas défini ce qu'il entend par «infractions fiscales pénales». Il a uniquement précisé que cette catégorie d'infractions doit viser aussi bien les impôts directs que les impôts indirects. Il appartient ainsi à chaque pays de décider, conformément à son droit interne, comment il définit ces infractions et la nature de tout élément de ces infractions qui en fait des infractions graves21. En droit suisse, les infractions «graves» constitutives d'infractions préalables sont, conformément à l'art. 305bis CP, les crimes au sens de l'art. 10, al. 2, CP, c'est-àdire les infractions passibles d'une peine privative de liberté de plus de trois ans. La Suisse a, en effet, retenu jusqu'à présent la méthode du seuil lié à une catégorie d'infractions graves. Cette méthode ayant fait ses preuves et étant, par ailleurs, conforme aux normes du GAFI, l'avant-projet prévoyait de la maintenir en introduisant également un crime dans la fiscalité directe. Afin de tenir compte des avis exprimés lors de la consultation (cf. le ch. 1.3.4), le Conseil fédéral propose désormais de changer son approche en matière d'infractions préalables au blanchiment d'argent, uniquement toutefois pour la fiscalité directe. Plutôt que d'introduire un crime dans ce domaine, il propose de modifier l'art. 305bis CP. Ainsi, outre les crimes, l'usage de faux au sens de l'actuel art. 186 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)22 ou la fraude fiscale au sens de l'actuel art. 59, al. 1, 1er état de fait, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des
cantons et des communes (LHID)23 ­ qui sont tous deux des délits ­ constitueront des infractions préalables au blanchiment d'argent, lorsque les impôts ainsi soustraits se montent à plus de 200 000 francs par période fiscale.

Cette solution reprend, dans ses grandes lignes, la proposition faite par le canton de Berne dans le cadre de la consultation24.

20 21

22 23 24

RO 2009 361 Cf. le glossaire général sous «Catégories désignées d'infractions», dernier paragraphe: «Lorsqu'il détermine la gamme des infractions constituant des infractions sous-jacentes dans chacune des catégories énumérées ci-dessus, chaque pays peut décider, conformément à son droit interne, comment il définira ces infractions et la nature de tout élément particulier de ces infractions qui en fait des infractions graves».

RS 642.11 RS 642.14 Cf. le rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.4.3, Propositions alternatives, p. 50.

603

1.2.4.2

Fiscalité indirecte25

Comme mentionné au chiffre précédent, le droit suisse comprend déjà une infraction préalable dans la fiscalité indirecte depuis le 1er février 2009 (escroquerie fiscale qualifiée au sens de l'art. 14, al. 4, DPA). Cette disposition ayant été spécifiquement introduite pour mettre en oeuvre l'infraction préalable de contrebande douanière, sa portée est limitée au trafic transfrontière de marchandises. Partant, cette disposition ne vise que la TVA à l'importation, les droits de douane ainsi que les impôts à la consommation spéciaux, tels notamment l'impôt sur le tabac ou l'impôt sur la bière.

Bien qu'il s'agisse d'impôts indirects en tant que tels, ces types d'impôts sont spécifiquement visés dans les normes du GAFI sous la catégorie désignée des infractions relatives à la contrebande. Cette catégorie a, d'ailleurs, été précisée dans la révision de 2012 de la manière suivante: «y compris relativement aux taxes et droits de douane et d'accise»26. Il est par conséquent probable que dans le cadre du 4e cycle d'évaluation mutuelle du GAFI, l'actuel art. 14, al. 4, DPA ne serait évalué que sous la catégorie «contrebande» et ne compterait pas comme une infraction de la catégorie «infractions fiscales pénales (liées aux impôts directs et indirects)».

Le Tribunal fédéral considère également que la fraude à la TVA de type carrousel constitue une escroquerie au sens du droit commun (art. 146 CP) et donc une infraction préalable au blanchiment d'argent. Aux yeux du GAFI, une telle infraction relèverait plutôt de la catégorie «fraude», qui constitue une des 21 catégories désignées d'infractions selon les normes du GAFI, voire de la catégorie «contrebande», que de celle spécifique des infractions fiscales.

Au vu de ce qui précède, la législation suisse ne comprend pas d'infractions préalables suffisamment larges dans la fiscalité indirecte. Afin d'y remédier, il est proposé d'élargir l'art. 14, al. 4, DPA, au-delà de la contrebande douanière, de telle sorte que cette disposition soit également applicable aux infractions commises sur le territoire suisse dans le domaine des contributions. La disposition sera ainsi également applicable à l'impôt anticipé ou aux droits de timbre. Elle visera aussi la TVA sur les livraisons réalisées sur territoire suisse ainsi que sur les prestations de services, ou encore l'impôt
sur l'alcool, la bière et le tabac perçu sur la fabrication en Suisse, etc.

Etant donné que cette disposition vise, d'une part, à introduire une infraction préalable plus large dans la fiscalité indirecte, et doit, d'autre part, continuer de s'appliquer à la contrebande douanière, elle sera applicable spécifiquement dans les domaines des contributions et des douanes.

Tout comme l'actuel art. 14, al. 4, DPA, la proposition de nouvelle escroquerie qualifiée dans les domaines des contributions ou des douanes est constitutive d'un crime. La peine retenue reste la même, c'est-à-dire une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire. Pour qu'une infraction soit considérée comme une escroquerie qualifiée, elle doit remplir les conditions de l'escroquerie en matière de prestations (al. 1) ou de contributions (al. 2) de l'art. 14 DPA. A cela, s'ajoutent des éléments qualifiants supplémentaires, qui lui confèrent la gravité d'un crime (avantage illicite particulièrement important ou atteinte substantielle aux

25

26

604

Aux fins du présent rapport, la notion de «fiscalité indirecte» fait référence aux impôts, taxes et autres droits et redevances prélevés par la Confédération dans les domaines fiscal et douanier (TVA, droits de douane, impôts à la consommation spéciaux, droits de timbre, impôt anticipé, etc.).

Cf. le glossaire général sous «Catégories désignées d'infractions».

intérêts pécuniaires ou à d'autres droits des pouvoirs publics ainsi qu'exercice par métier ou avec le concours de tiers). Ces éléments qualifiants supplémentaires ont été modifiés par rapport à ceux prévus à l'actuel art. 14, al. 4, DPA.

1.2.4.3

Entraide judiciaire internationale

Les recommandations révisées du GAFI exigent que l'entraide judiciaire soit accordée pour les infractions préalables et le blanchiment du produit d'infractions préalables (cf. les recommandations 37 et 38). De plus, l'extradition devrait être possible en cas de blanchiment du produit d'infractions préalables, ou le cas échéant, la poursuite pénale par délégation (cf. la recommandation 39).

L'art. 3, al. 3, let. a, de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale (EIMP)27 permet d'accorder l'entraide judiciaire si l'infraction invoquée est une escroquerie en matière fiscale. Cette disposition couvre tous les types de taxes, d'impôts et de droits de douane (soit la fiscalité directe comme la fiscalité indirecte).

Il y a escroquerie en matière fiscale lorsque le contribuable a trompé le fisc pour lui soustraire des contributions, en lui donnant des indications fausses, falsifiées ou inexactes sur le fond. En particulier, l'astuce doit être prouvée. Une tromperie astucieuse des autorités fiscales ne présuppose cependant pas forcément que des documents aient été falsifiés; d'autres moyens de tromperie sont imaginables. Mais en règle générale, l'auteur y emploie des manoeuvres particulières, des artifices ou des constructions mensongères28. L'entraide en cas d'escroquerie en matière fiscale est limitée aux actes prévus dans la 3e partie de l'EIMP (entraide pénale dite accessoire et permettant par exemple la notification de documents, la recherche de moyens de preuve ou la remise de documents), ce qui exclut aussi bien l'extradition que la délégation de la poursuite pénale.

Il est prévu que la nouvelle infraction préalable dans la fiscalité directe repose sur l'usage de faux au sens de l'art. 186 LIFD ou la fraude fiscale au sens de l'art. 59, al. 1, 1er état de fait, LHID. Selon la jurisprudence, une telle infraction constitue en général une escroquerie en matière fiscale au sens de l'EIMP. Il est en effet généralement admis qu'il y a tromperie astucieuse de l'autorité fiscale lorsque des titres faux ou falsifiés sont remis avec la déclaration d'impôt29. Par conséquent, l'entraide judiciaire peut déjà être accordée pour la future infraction préalable en matière de fiscalité directe sur la base du droit actuel. Même si cette entraide est limitée, le GAFI n'exige l'extradition ou
la délégation de la poursuite pénale que pour le blanchiment du produit d'infractions préalables, mais non pas pour les infractions préalables en tant que telles. Par conséquent, le droit actuel remplit déjà la norme du GAFI en la matière, si bien qu'une modification législative n'est pas nécessaire.

En ce qui concerne la fiscalité indirecte, l'art. 3, al. 3, let. b, EIMP permet d'accorder une entraide selon toutes les parties de cette loi ­ c'est-à-dire, y compris l'extradition et la délégation de la poursuite pénale ­ en cas d'escroquerie fiscale qualifiée au sens de l'actuel art. 14, al. 4, DPA (contrebande douanière). La nouvelle infraction préalable étendue aux autres impôts prélevés par la Confédération (art. 14,

27 28 29

RS 351.1 Cf. ATF 125 II 250, consid. 3a et b.

Cf. ATF précité.

605

al. 4, P-DPA) constitue également une escroquerie fiscale qualifiée au sens de l'art. 3, al. 3, let. b, EIMP. L'entraide judiciaire pourra par conséquent aussi être accordée, sans qu'une modification de l'EIMP ne s'impose.

1.2.4.4

Maintien du blanchiment d'argent en tant qu'entrave à la confiscation

Le Conseil fédéral a également examiné si le fait d'introduire des infractions fiscales pénales graves en tant qu'infractions préalables au blanchiment d'argent impliquait la nécessité de préciser la disposition pénale en la matière (art. 305bis CP). En effet, le principe de base de la disposition pénale sur le blanchiment d'argent n'est pas facile à concilier avec des infractions préalables dans le domaine fiscal. Alors que la conception classique de cette disposition repose sur le principe que l'infraction préalable génère directement des valeurs patrimoniales contaminées (d'origine criminelle, par ex. de l'argent volé), la situation se présente différemment en ce qui concerne les infractions préalables en matière fiscale. En effet, dans ce cas, l'infraction préalable ne génère pas directement des valeurs patrimoniales contaminées, mais elle conduit le contribuable à éviter (de manière criminelle ou délictuelle) des dépenses. Des valeurs patrimoniales initialement légales ne se transforment en une fortune d'origine criminelle ou délictuelle qu'au moment où il y a non-taxation ou taxation erronée dont découle un avantage financier effectif correspondant aux montants impayés de l'impôt. On peut partir du principe que ce cas de figure peut également tomber sous le coup de l'art. 305bis CP, c'est-à-dire que les montants impayés «proviennent d'un crime», ou ­ désormais également ­ «d'un délit fiscal qualifié», et que leur confiscation peut être entravée. Les autres états de fait compris dans la définition du blanchiment d'argent ne changeraient rien au fait que les infractions préalables en matière fiscale (notamment dans le domaine des impôts sur le revenu, la fortune et le bénéfice) ne génèrent pas directement des valeurs patrimoniales contaminées. Par ailleurs, il doit être clair que l'introduction d'infractions préalables en matière fiscale ne signifie pas que l'ensemble de la fortune du contribuable est contaminée. Seules les valeurs patrimoniales soustraites au fisc au moyen d'une infraction préalable criminelle ou délictuelle (c'est-à-dire les impôts économisés) peuvent faire l'objet de blanchiment dans un deuxième temps. D'une part, cela est suffisamment garanti par la condition figurant à l'art. 305bis CP, selon laquelle les valeurs patrimoniales concernées doivent «provenir» d'un crime
(en l'espèce, l'escroquerie qualifiée dans les domaines des contributions ou des douanes, s'agissant de la fiscalité indirecte) ou ­ nouvellement ­ d'un délit fiscal qualifié (usage de faux ou fraude fiscale qualifiés en ce qui concerne les impôts directs).

D'autre part, le droit suisse conçoit le fait en tant qu'entrave à la confiscation de valeurs patrimoniales, ce qui signifie que seules sont considérées comme objet du blanchiment les valeurs patrimoniales pouvant être confisquées selon l'art. 70 CP.

La confiscation implique à son tour que les valeurs patrimoniales délictueuses sont encore disponibles et qu'elles peuvent être suffisamment localisées. Si cela n'est plus possible, c'est-à-dire si les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le droit prévoit une créance compensatrice de l'Etat selon l'art. 71 CP.

Une éventuelle entrave à cette dernière n'est cependant plus considérée comme un acte de blanchiment d'argent.

606

Pour les raisons mentionnées, il n'est pas nécessaire de modifier la conception actuelle du blanchiment d'argent ­ acte d'entrave à la confiscation ­ de l'art. 305bis CP.

1.2.5

Elargissement du champ d'application de la LBA (paiement en espèces lors d'opérations de vente)

1.2.5.1

Contexte

Assujettissement du commerce de biens immobiliers La LBA en vigueur n'est applicable ni au commerce de biens immobiliers, ni aux négociants en biens immobiliers. Elle ne s'applique pas non plus aux notaires et aux avocats qui n'exercent pas à titre professionnel l'activité d'intermédiaire financier (a contrario, cf. les art. 2, al. 3, et 14 LBA).

L'Office fédéral de la police (fedpol) a analysé le problème de la LBA dans le domaine immobilier. Les résultats montrent que le marché immobilier suisse n'est pas systématiquement utilisé pour le blanchiment d'argent. Néanmoins, on recense plusieurs cas de blanchiment dans le commerce de biens immobiliers, pour partie en relation avec le crime organisé. Etablir la preuve d'une infraction préalable commise en majeure partie à l'étranger représente une énorme difficulté pour les autorités de poursuite pénale.

GAFI La recommandation 12 du GAFI de 2003 demandait que les obligations de vigilance relatives à la clientèle et de conservation des documents s'appliquent également aux entreprises et professions non financières désignées. Sont réputés entreprises et professions non financières désignées en particulier les négociants en biens immobiliers, les notaires, les avocats et d'autres représentants de professions juridiques. En 2005, sur la base de cette recommandation, le GAFI a soumis la Suisse à une évaluation et a critiqué à cette occasion le fait que la LBA ne s'appliquait pas à certaines activités commerciales et à certaines personnes, notamment aux négociants en biens immobiliers (agents immobiliers). Le GAFI relevait également la nécessité de revoir la situation juridique des avocats, des notaires et des représentants d'autres professions juridiques, de sorte que la préparation d'une transaction immobilière suffise déjà à imposer les obligations prévues par la LBA (c'est-à-dire sans limitation aux aspects financiers de la transaction)30.

Suite à la révision totale des recommandations du GAFI de 2003, la LBA a subi une révision visant à les mettre en oeuvre. Selon le rapport explicatif destiné à la consultation du 13 janvier 200531, certaines obligations de diligence de la LBA devaient s'appliquer aux personnes faisant le commerce de biens immobiliers en nom propre dans la mesure où elles exercent cette activité à titre commercial et qu'elles reçoivent à cet effet des sommes importantes d'argent au comptant. Il s'agissait de 30 31

Cf. le 3e Rapport d'évaluation mutuelle de la lutte anti-blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme de la Suisse (novembre 2005); § 48, p. 15.

www.admin.ch> Page d'accueil > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2005 > Département fédéral des finances > Rapport explicatif sur la mise en oeuvre des recommandations révisées du Groupe d'action financière sur la lutte contre le blanchiment de capitaux (cf. le rapport p. 36).

607

l'obligation de vérifier l'identité du cocontractant, de l'obligation d'établir l'identité de l'ayant droit économique, de l'obligation d'établir et de conserver des documents, ainsi que de l'obligation de communiquer (art. 2a LBA du projet mis en consultation). Eu égard à la qualification du négoce de biens immobiliers en tant qu'activité commerciale (et non d'intermédiation financière), il s'agissait d'introduire dans la LBA un nouveau régime de blanchiment d'argent (régime LBA) pour les activités commerciales (en sus du système applicable à l'intermédiation financière). Cette proposition a toutefois été rejetée en procédure de consultation32.

En février 2012, le GAFI a révisé ses recommandations de 2003. L'assujettissement aux règles antiblanchiment des entreprises et professions non financières désignées n'a pas subi de modification matérielle. Selon la recommandation 22 du GAFI, les obligations de diligence et de conservation des documents (recommandations 10, 11, 12, 15 et 17) sont également applicables aux entreprises et professions non financières désignées. Les négociants en biens immobiliers doivent se plier à ces obligations lorsqu'ils effectuent des transactions pour leurs clients concernant l'achat ou la vente de biens immobiliers. Les avocats, les notaires et les représentants d'autres professions juridiques doivent notamment satisfaire à ces obligations lorsqu'ils préparent ou effectuent des transactions pour leurs clients concernant des activités telles que l'achat et la vente de biens immobiliers.

Interventions En 2010 et 2011, les interventions suivantes ont été déposées en relation avec le blanchiment d'argent et le négoce de biens immobiliers: ­

10.4061 ­ Postulat Wyss Birgit: Révision de la loi sur le blanchiment d'argent (transmis);

­

10.4048 ­ Interpellation Sommaruga Carlo: Blanchiment d'argent dans l'immobilier. Extension du champ d'application de la LBA? (liquidée);

­

10.5545 ­ Heure des questions. Question Wyss Birgit: Transactions immobilières et blanchiment d'argent (liquidée);

­

11.414 ­ Initiative parlementaire Thanei Anita: Extension du champ d'application de la LBA (liquidée);

­

11.3119 ­ Motion Thanei Anita: Extension du champ d'application de la loi sur le blanchiment d'argent (liquidée);

­

11.1095 ­ Question Barthassat Luc: Fonds du Kazakhstan en Suisse (liquidée);

­

11.3711 ­ Interpellation Schwander Pirmin: Commerce de biens immobiliers et blanchiment d'argent (liquidée);

­

11.3841 ­ Motion Hiltpold Hugues: Pour en finir avec le risque de blanchiment d'argent dans l'immobilier (liquidée);

­

13.309 ­ Iv.ct. (initiative cantonale) ­ Lucerne: Extension du champ d'application de la loi sur le blanchiment d'argent au domaine de l'immobilier (non encore traitée au conseil).

32

608

Cf. message du 15 juin 2007 sur la mise en oeuvre des recommandations révisées du Groupe d'action financière (FF 2007 5919).

Quatre des interventions citées exigent que l'on réexamine la soumission à la LBA des négociants en biens immobiliers ou du commerce de ces biens (10.4048, 10.5545, 10.4061, 13.309), trois la soumission des notaires à la LBA (10.4048, 11.414, 11.3119), une que les achats immobiliers ne fassent l'objet de paiements que par le truchement d'établissements bancaires autorisés en Suisse (11.3841), et deux enfin exigent des informations et des mesures en cas d'achat immobilier (11.1095, 11.3711).

1.2.5.2

Solution proposée: prescription concernant le paiement en espèces lors d'opérations de vente

La solution proposée est directement liée à l'acte juridique. Elle part du constat que, de nos jours, dans les relations économiques, les paiements en espèces d'un montant élevé sont inhabituels et qu'ils doivent par conséquent éveiller les soupçons sous l'angle du blanchiment d'argent. Ce constat ne vaut pas que pour l'immobilier, mais également pour les biens mobiliers. C'est pourquoi le GAFI a déjà exigé des mesures pour les négociants en métaux précieux et pierres précieuses, dès lors qu'ils effectuent des transactions en espèces dans ce domaine à partir de 15 000 euros/ dollars américains. En vertu de la réglementation proposée, pour tous les contrats de vente au sens du CO, les paiements en espèces ne sont plus autorisés que jusqu'à concurrence de 100 000 francs. Le paiement de la part du prix excédant ce montant doit être effectué par l'entremise d'un intermédiaire financier au sens de la LBA. Par exemple, si le prix de vente d'un immeuble est de 1 000 000 de francs, un acompte de 100 000 francs en espèces peut être versé. Les 900 000 francs restants ne peuvent en revanche être versés au vendeur que moyennant l'intervention d'un intermédiaire financier soumis aux obligations de diligence prévues par la LBA.

Cette nouvelle prescription concernant le paiement en espèces relève d'abord du droit public et doit figurer dans la LBA. On a par conséquent renoncé à une réglementation de droit privé dans les dispositions du CO relatives à la vente. Etant donné que la LBA ne touche aujourd'hui que les intermédiaires financiers, mais que la nouvelle prescription doit s'appliquer à tout un chacun, il est nécessaire d'adapter le titre de la loi et son champ d'application. Un nouveau chapitre (1a) consacré aux paiements en espèces lors d'opérations de vente est ainsi introduit dans la LBA. Les autres chapitres ­ applicables aux intermédiaires financiers ­ ne subissent aucun changement (chap. 2 à 6).

1.2.6

Adaptation de la LP (paiement en espèces lors de ventes aux enchères)

1.2.6.1

Droit en vigueur

La réglementation envisagée pour le paiement en espèces lors d'opérations de vente fournit l'occasion de trouver une solution pour la LP qui produise un résultat semblable. Le besoin d'intervenir découle du fait que dans le cadre d'une mise aux enchères forcées de biens meubles et de créances, l'acquéreur doit en principe régler le prix d'achat en espèces (art. 129, al. 1, LP). Sous l'angle de la lutte contre le blanchiment d'argent, cette obligation pose problème car les offices des poursuites et des faillites ne sont pas soumis à la LBA en raison de leur relation souveraine 609

avec le client33, de sorte que d'importantes sommes en espèces sont susceptibles d'alimenter les circuits financiers sans contrôle LBA. Mais dans la pratique, l'obligation de paiement en espèces occasionne d'autres difficultés encore: ­

les acheteurs potentiels se voient contraints de transporter des sommes importantes en espèces sur le lieu des enchères, éventuellement de les ramener lorsque l'adjudication ne leur échoit pas. Les collaborateurs des offices des poursuites et des faillites doivent également transporter de grandes quantités d'argent liquide. La jurisprudence a certes assimilé le paiement par chèque bancaire au versement en espèces, dans la mesure où la couverture peut être vérifiée immédiatement auprès de la banque sur laquelle le chèque est tiré34.

Il en va de même pour les promesses de paiement irrévocables d'une banque dans la mesure où cette dernière est un établissement de crédit dont la solvabilité ne fait aucun doute35. Ces possibilités ne mènent toutefois pas à une simplification substantielle des procédures car elles sont avant tout utilisées dans le cas d'enchères portant sur des biens immobiliers;

­

la possibilité qu'offrent divers offices des poursuites et des faillites de prendre en dépôt des sommes importantes avant les enchères et de les restituer en l'absence d'adjudication représente une lourde charge pour tous les participants;

­

l'obligation de paiement au comptant peut empêcher un acheteur potentiel de surenchérir vis-à-vis d'un tiers parce qu'il ne dispose pas sur lui d'une somme suffisante en espèces. La perte consécutive sur le résultat de la réalisation devra alors être assumée par les créanciers.

Pour la réalisation de biens immobiliers par la voie des enchères forcées, l'art. 136 LP prévoit que le prix d'adjudication doit être payé au comptant ou à terme, le terme ne pouvant excéder six mois. Les problèmes sont fondamentalement les mêmes que ceux que l'on rencontre dans les enchères de biens meubles et de créances.

L'obligation de paiement au comptant ne correspond plus aux habitudes actuelles et mérite par conséquent d'être supprimée. En ménageant des possibilités de paiement sans espèces, on pourrait trouver une solution à la plupart des problèmes évoqués.

Etant donné que diverses dispositions de l'ordonnance sur la réalisation forcée des immeubles prévoient expressément un paiement en espèces, le Conseil fédéral devra, suite à la suppression de l'obligation de paiement au comptant, modifier également l'ordonnance du Tribunal fédéral du 23 avril 1920 sur la réalisation forcée des immeubles (ORFI)36.

33

34 35 36

610

Cf. à ce propos l'avis de l'Administration fédérale des finances AFF, Autorité de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, in Bulletin des poursuites et des faillites 2003, pp. 147 s.

ATF 91 III 66, 68 ATF 128 III 468, 470 RS 281.42

1.2.6.2

Solution proposée

L'obligation de paiement en espèces prévue dans la LP doit être supprimée.

L'acheteur a toutefois comme auparavant le droit de payer en espèces des montants jusqu'à 100 000 francs. Pour les biens mobiliers et les créances comme pour les biens immobiliers, les paiements excédant le montant de 100 000 francs ne pourront en revanche plus être effectués en espèces, mais devront obligatoirement passer par un intermédiaire financier soumis à la LBA. En outre, le préposé aux poursuites et aux faillites devra pouvoir déterminer le mode de paiement.

1.2.7

Compétences du bureau de communication et efficacité du système de communication de soupçons

La recommandation 29 du GAFI relative aux CRF et la recommandation 40 portant sur la coopération internationale (y compris entre CRF) ont été révisées et précisées dans des notes interprétatives détaillées. Les principaux éléments de cette révision sont les suivants: a.

la recommandation 29 exige que la CRF puisse recueillir de manière active auprès des intermédiaires financiers et par la suite utiliser les informations nécessaires pour exercer correctement ses fonctions. Une réserve à ce sujet dans le droit national n'est pas admissible;

b.

selon la recommandation 40 et sa note interprétative, les CRF doivent être en mesure, d'une part, de rechercher des informations pour le compte d'homologues étrangers et, d'autre part, d'échanger avec ces derniers toutes les informations qu'elles pourraient obtenir si ces demandes étaient effectuées au niveau national. Ainsi, les CRF doivent avoir le pouvoir d'échanger entre elles toutes les informations qui leur sont accessibles ou qu'elles peuvent obtenir, directement ou indirectement, en vertu des recommandations du GAFI, en particulier la recommandation 29 (principe de «disponibilité»).

Cela concerne en particulier les informations financières, notamment celles provenant des communications des intermédiaires financiers;

c.

certaines autorités doivent conclure un accord de coopération (protocole d'entente, ou Memorandum of Understanding, MoU) pour pouvoir collaborer avec leurs homologues. La recommandation 40 révisée du GAFI exige que lorsqu'un accord de coopération est nécessaire entre des autorités de même statut, les négociations à ce propos soient menées avec toute la célérité voulue. Pour ce qui est de la collaboration entre CRF, la note interprétative de la recommandation 29 va plus loin encore que la recommandation 40: elle exige en effet que les CRF soient habilitées à conclure des accords de coopération de leur propre compétence;

d.

la CRF doit servir de centre national pour la réception et l'analyse des communications de soupçons. Selon la note interprétative de la recommandation 29, l'analyse réalisée par la CRF doit ajouter de la valeur aux informations qu'elle reçoit ou détient. Afin de produire des analyses satisfaisantes, la CRF doit avoir accès à la gamme la plus large possible d'informations financières, administratives et provenant des autorités de poursuite pénale.

En outre, la CRF doit disposer de suffisamment de temps pour approfondir ses analyses, afin de pouvoir pleinement assurer sa fonction de filtre pour les 611

autorités de poursuite pénale et améliorer l'efficacité du système de communication de soupçons. Dans ce contexte, le GAFI a relevé dans l'évaluation de la Suisse en 2005 et 2009 que le système suisse de communication de soupçons posait des problèmes d'efficacité37.

La mise en oeuvre des points a à c fait déjà l'objet d'une modification de la LBA du 21 juin 2013, faisant suite à une menace de suspension du Groupe Egmont à l'encontre du bureau de communication. Le bureau de communication était en effet jusqu'au 1er novembre 2013, date d'entrée en vigueur de cette modification38, la seule CRF de ce Groupe à ne pas pouvoir échanger d'informations financières avec ses homologues étrangers dans le cadre de l'assistance administrative, ces informations étant protégées par le secret bancaire et le secret de fonction du bureau de communication. Considérant que cela était contraire à ses principes relatifs à l'échange d'informations entre CRF ainsi qu'aux recommandations du GAFI, le Groupe Egmont avait formellement menacé, en juillet 2011, de suspendre le bureau de communication de ce groupe. Cette menace était accompagnée d'une demande enjoignant à la Suisse de démontrer, en juillet 2012 au plus tard, qu'elle avait engagé le processus législatif requis pour que sa CRF soit en mesure d'échanger aussi des informations financières. En 1995, 13 CRF se sont regroupées sous la dénomination de «Groupe Egmont», qui accueille actuellement 139 CRF de toutes les régions du monde, et parmi elles les bureaux de communication de tous les Etats abritant des places financières à vocation mondiale. En s'inspirant des normes du GAFI, le groupe s'est fixé pour objectif de promouvoir la coopération internationale entre les CRF membres par un échange d'informations direct, informel et efficace. Le bureau suisse de communication est membre du Groupe Egmont depuis 1998.

L'objectif central de la modification de la LBA du 21 juin 2013 est de permettre au bureau de communication d'échanger les informations financières dont il dispose avec d'autres CRF. La modification prévoit également deux autres nouveautés, découlant des recommandations révisées du GAFI et matériellement liées à l'échange d'informations financières. Premièrement, la compétence du bureau de communication de requérir des informations auprès d'intermédiaires
financiers pour compléter des communications déjà transmises est ponctuellement élargie: le bureau de communication peut désormais aussi réclamer des informations auprès d'intermédiaires financiers tiers, c'est-à-dire auprès de ceux qui n'ont pas eux-mêmes signalé d'opérations suspectes. Cela n'est toutefois possible que si un lien existe avec des éléments provenant d'une communication déjà transmise au bureau de communication. Deuxièmement, le bureau de communication se voit attribuer la compétence de conclure seul un protocole d'accord technique (MoU) avec les CRF étrangères qui en ont besoin pour pouvoir coopérer avec lui.

Le point d est, quant à lui, traité dans le cadre du présent projet de loi sur la mise en oeuvre des recommandations révisées du GAFI (cf. les ch. 1.2.7.1 et 1.2.7.2). Dans le cadre de la révision des recommandations du GAFI, on demande explicitement et pour la première fois, dans la note interprétative de la recommandation 29 (B.b.3), que la CRF mène non seulement une analyse opérationnelle, mais encore une analyse stratégique. Alors que l'analyse opérationnelle relève de l'activité principale

37 38

612

Les rapports d'évaluation sont disponibles sous: www.sif.admin.ch > Documentation > Rapports > Lutte contre la criminalité financière.

RO 2013 3493; cf. également message du Conseil fédéral du 27 juin 2012, FF 2012 6449.

d'une CRF, c'est-à-dire le traitement des communications de soupçons, l'analyse stratégique doit être vue comme une tâche plus globale. Cette dernière couvre l'analyse systématique des tendances et modèles généraux en matière de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme, et l'élaboration des informations qui permettront aux autorités de l'Etat et à la place financière d'identifier et de contrer à temps les menaces et les faiblesses. A propos de l'analyse opérationnelle du bureau de communication, on se référera au ch. 1.2.7.1 ci-après.

Ni la LBA, ni l'ordonnance du 25 août 2004 sur le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (OBCBA)39 ne mentionnent explicitement l'analyse stratégique. Toutefois, en rapport avec les tâches du bureau de communication, l'art. 1, al. 1, let. d, et 2, let. f, OBCBA dispose que le bureau de communication est chargé d'exploiter les informations liées au blanchiment d'argent, à la criminalité organisée et au financement du terrorisme par l'intermédiaire d'une statistique annuelle anonymisée. De jure, ces dispositions autorisent le bureau de communication à mener une analyse stratégique, de sorte qu'aucune adaptation législative ne s'impose. De facto, l'analyse stratégique se focalise aujourd'hui sur la publication de la statistique anonymisée, assortie d'une typologie des cas et de jugements des tribunaux. Ceci ne répond pas aux exigences du GAFI concernant l'analyse stratégique d'une CRF, car le rapport annuel n'aborde pas de manière ciblée les tendances et les modèles en matière de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme.

Au sein de fedpol, les rapports d'analyse stratégique sur la situation du blanchiment d'argent en Suisse ne sont pas établis en premier lieu par le bureau de communication, mais par la division Analyse de la Police judiciaire fédérale. De tels rapports d'analyse sur le blanchiment d'argent ne sont toutefois pas publiés régulièrement, mais ponctuellement en fonction de priorités annuelles prédéfinies. L'analyse stratégique du bureau de communication (fedpol) doit dès lors être améliorée. Pour la rendre conforme aux recommandations du GAFI, des effectifs supplémentaires sont nécessaires (cf. le ch. 3.1).

1.2.7.1

Analyses du bureau de communication: amélioration de l'assistance administrative interne

L'analyse opérationnelle du bureau de communication est réglée à l'art. 23 LBA.

Pour tirer une plus-value d'une communication de soupçons dans le cadre de son analyse, le bureau de communication a besoin de nombreuses sources d'information complémentaires.

Le bureau de communication a accès à un certain nombre d'informations supplémentaires de deux manières. Premièrement, il a un accès en ligne à plusieurs bases de données. Deuxièmement, il peut obtenir des informations sur demande auprès de certaines autres autorités nationales, voire étrangères.

Accès aux bases de données Outre sa propre banque de données GEWA (art. 23, al. 3, LBA), le bureau de communication peut aujourd'hui consulter en ligne les banques de données suivantes (art. 35a LBA):

39

RS 955.23

613

a.

index national de police (RIPOL, JANUS, PAGIRUS);

b.

système d'information central sur la migration (ZEMIS);

c.

casier judiciaire informatisé (VOSTRA);

d.

système de traitement des données relatives à la protection de l'Etat (ISIS);

e.

système de gestion de personnes, de dossiers et d'affaires dans le cadre de l'entraide judiciaire internationale en matière pénale (IPAS).

En sus, le bureau de communication exploite des sources d'information publiques, par exemple FACTIVA, Dun&Bradstreet, Teledata, le registre du commerce et Internet.

Assistance administrative interne et internationale Les art. 31a et 35 LBA forment la base légale de l'échange d'informations avec les autorités de police et les ministères publics dans le cadre de l'assistance administrative. L'art. 29, al. 1, LBA constitue la base légale de l'assistance administrative avec la FINMA et la Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ).

A l'art. 31a, la LBA renvoie à la loi fédérale du 7 octobre 1994 sur les Offices centraux de police criminelle de la Confédération (LOC)40. L'art. 4 LOC règle pour le bureau de communication la collaboration avec les autorités et les offices. De plus, le bureau de communication peut recourir à l'assistance administrative au sens de l'art. 19, al. 1, de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)41, qui lui permet dans le cas particulier, et lorsque cela se justifie, de solliciter auprès d'un organe fédéral des informations dont il a absolument besoin pour accomplir sa tâche légale.

De plus, le bureau de communication peut échanger directement des informations, depuis le 1er novembre 2013 également financières, avec toutes les CRF en se réclamant de l'art. 30 LBA.

L'échange d'informations entre le bureau de communication et les autres autorités nationales repose donc sur des bases légales différentes selon les autorités concernées (LBA, LOC, voire LPD) et est soumis à des conditions différentes. Le traitement des requêtes fondées sur la LPD demande généralement beaucoup de temps, raison pour laquelle le bureau de communication renonce fréquemment à se procurer des informations par ce biais.

La multiplicité des bases légales applicables entraîne un manque de visibilité quant aux possibilités de coopération interne et de sécurité juridique. Il n'est également pas certain que les bases légales actuelles permettent au bureau de communication de collaborer avec toutes les autorités suisses qui pourraient détenir des informations pertinentes pour ses analyses (par ex. les autorités fiscales dans les cantons dont la législation ne prévoit pas la publicité des rôles fiscaux). Il serait dès lors souhaitable que la LBA règle directement l'assistance
administrative entre le bureau de communication et les services des autorités avec lesquelles il collabore le plus. C'est pourquoi le projet propose d'ajouter un nouvel al. 2 à l'art. 29 LBA relatif à l'échange d'informations entre les autorités nationales afin de permettre au bureau de commu-

40 41

614

RS 360 RS 235.1

nication de demander à d'autres autorités fédérales, cantonales et communales toutes les informations nécessaires à ses analyses.

1.2.7.2

Modification du système de communication de soupçons

Le système suisse actuel de lutte contre le blanchiment d'argent distingue selon leur degré les soupçons susceptibles d'être signalés au bureau de communication. Ces soupçons peuvent être regroupés en deux catégories, à savoir les soupçons fondés et les soupçons simples. A ces deux catégories correspondent deux dispositions légales ­ l'art. 9 LBA et l'art. 305ter, al. 2, CP ­, avec des conséquences différentes pour l'intermédiaire financier et les autorités.

La plus importante de ces conséquences est le blocage automatique et obligatoire appliqué lors d'une communication de soupçons en vertu de l'art. 9 LBA. Ce blocage de cinq jours (art. 10 LBA) oblige les autorités ­ en premier lieu le bureau de communication ­ à effectuer des analyses accélérées. Le bureau de communication doit ainsi déterminer, dans un délai de trois à quatre jours, si le soupçon de l'intermédiaire financier en vertu de l'art. 9 LBA est confirmé. Dans un tel cas, le dossier est transmis aux autorités de poursuite pénale afin qu'une décision soit prise dans un délai d'un à deux jours.

L'analyse accélérée du bureau de communication peut avoir des répercussions négatives sur sa qualité. En outre, dans un délai aussi bref, le bureau de communication ne peut obtenir les informations qu'il demande notamment auprès des homologues étrangers, la criminalité financière ne connaissant pas de frontières.

Le présent projet prévoit d'appliquer le blocage des avoirs de manière différée afin de donner plus de temps non seulement au bureau de communication, mais aussi aux autorités de poursuite pénale. Ainsi, ce n'est plus la communication de soupçons de l'intermédiaire financier selon l'art. 9 LBA qui déclenche le blocage automatique de cinq jours, mais la transmission à l'autorité de poursuite pénale compétente par le bureau de communication des informations communiquées par un intermédiaire financier, lorsque les soupçons se confirment après analyse. Un mécanisme est toutefois prévu afin d'empêcher que les valeurs patrimoniales communiquées ne puissent échapper à une future confiscation ou lorsqu'elles servent au financement du terrorisme (art. 9a P-LBA). Le blocage différé et le mécanisme précité s'appliquent aussi bien à l'obligation de communiquer (art. 9 LBA) qu'au droit de communication (art. 305ter, al. 2, CP). Outre le seuil de soupçon, l'autre différence entre ces deux types de communication est qu'un délai maximum est prévu pour l'analyse des communications au sens de l'art. 9 LBA.

1.2.8

Sanctions financières ciblées liées au terrorisme et au financement du terrorisme

1.2.8.1

Contexte

Obligations internationales Sur le plan mondial, deux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU constituent les documents de base de la lutte internationale contre le financement du terrorisme.

615

C'est sur ces deux résolutions que s'appuie le GAFI, en tant qu'auteur de normes internationales, pour formuler sa recommandation 6 concernant le gel de fonds et autres biens appartenant à des terroristes et à des organisations terroristes.

La première, la résolution 1267 (1999)42 concernant Al-Qaïda, Oussama ben Laden et les Taliban, prévoit entre autres des sanctions financières ciblées, notamment le gel de fonds des personnes et organisations nommément désignées (inscrites sur des listes) comme terroristes par le Conseil de sécurité lui-même. Se fondant sur la LEmb, le Conseil fédéral a mis en oeuvre ces mesures contraignantes au travers de son ordonnance du 2 octobre 2000 instituant des mesures à l'encontre des personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au groupe «Al-Qaïda» ou aux Taliban43.

Avant le 1er janvier 2003, date d'entrée en vigueur de la LEmb, c'est une ordonnance édictée par le Conseil fédéral en vertu de l'art. 184, al. 3, de la Constitution (Cst.)44 qui servait de base à la mise en oeuvre de la résolution 1267 (1999). Ce faisant, la Suisse s'est conformée entièrement aux recommandations du GAFI en la matière.

La seconde, la résolution 1373 (2001), a un champ d'application plus large. Contrairement à la résolution 1267 (1999), elle ne prévoit pas l'élaboration de listes par le Conseil de sécurité mais exige surtout de la part des Etats membres qu'ils coopèrent étroitement à la répression du financement du terrorisme et se dotent des compétences et des procédures requises pour pouvoir geler les avoirs des terroristes et des organisations terroristes. Toutefois, elle ne contraint pas les Etats membres à dresser des listes nationales de terroristes ni à reprendre les listes d'Etats tiers. Il s'ensuit que l'établissement d'une liste par un Etat ne saurait engager juridiquement un autre Etat.

La norme du GAFI qui fait foi pour la Suisse, la recommandation 6, a été précisée dans le cadre de la révision. Construite sur la résolution 1373 (2001), mais allant plus loin que cette dernière, elle prévoit essentiellement que les pays doivent disposer de mécanismes leur permettant d'identifier et de désigner eux-mêmes, sous certaines conditions, des terroristes et des organisations terroristes. En outre, le GAFI attend expressément des pays qu'ils puissent également procéder à de telles
désignations à la demande d'un pays tiers (par ex. en reprenant les listes des EtatsUnis).

Mise en oeuvre en Suisse, à ce jour, de la résolution 1373 du Conseil de sécurité et de la norme correspondante du GAFI En 2001, la Suisse a mis en oeuvre les exigences de la résolution 1373 puis les recommandations du GAFI concernant la lutte contre le financement du terrorisme sans adaptation du droit, préférant au contraire ­ notamment à propos de la reprise des listes de terroristes d'Etats tiers ­ développer une pratique utilisant les structures et procédures en place de la législation sur le blanchiment d'argent. Cette pratique consiste, pour l'essentiel, à faire transmettre par l'autorité de surveillance (l'actuelle FINMA) aux intermédiaires financiers les listes étrangères de terroristes communiquées à la Suisse. Les intermédiaires vérifient alors leurs relations d'affaires en 42

43 44

616

Y compris les résolutions ultérieures, à savoir 1333 (2000), 1390 (2002), 1455 (2003), 1526 (2004), 1617 (2005), 1735 (2006), 1822 (2008), 1904 (2009), 1989 (2011), ainsi que 2082 et 2083 (2012).

RS 946.203 RS 101

fonction des risques émanant des listes et en application de l'obligation de diligence accrue que leur impose la loi. En cas de soupçon fondé, l'intermédiaire financier informe le bureau de communication, conformément aux dispositions de la LBA; cette communication déclenche à son tour le blocage des avoirs identifiés tel que le prévoit la loi. Cette pratique a permis jusqu'à présent de répondre rapidement aux requêtes de pays tiers et, le cas échéant, de geler, du moins pendant une brève période, certains avoirs appartenant aux personnes et organisations ainsi désignées. C'est ainsi qu'après les attentats du 11 septembre 2001 et jusqu'en 2008, les autorités de surveillance ont transmis aux intermédiaires financiers vingt listes provenant des Etats-Unis et deux listes émanant de l'UE, portant au total sur une centaine de noms de personnes et d'organisations. Des montants substantiels ont été bloqués à ces occasions.

Quant à la désignation de terroristes par la Suisse elle-même, il n'existe en l'espèce aucune base légale. Le Conseil fédéral pourrait cependant ­ comme il l'avait déjà fait, avant l'entrée en vigueur de la LEmb en 2003, pour mettre en oeuvre les sanctions de droit international à l'encontre d'Al-Qaïda ­ procéder éventuellement à de telles désignations en vertu de l'art. 184, al. 3, Cst. Le Conseil fédéral n'a toutefois pas fait usage de cette possibilité. Par contre, l'Assemblée fédérale a adopté le 23 décembre 2011 l'ordonnance interdisant le groupe Al-Qaïda et les organisations apparentées45. A noter que le Tribunal fédéral ou, plus exactement, le Tribunal pénal fédéral, selon une jurisprudence constante depuis 1999, a qualifié à ce jour sept groupements d'organisations criminelles terroristes au sens de l'art. 260ter CP46. Il n'empêche que tous ces arrêts ne répondent pas à l'exigence du GAFI concernant la compétence nationale en matière de désignation.

Critique du GAFI et base légale insuffisante de la pratique actuelle La pratique de la Suisse a été instituée dans l'urgence à la suite des attentats du 11 septembre 2001, afin de pouvoir satisfaire rapidement et de manière efficace aux exigences de la résolution 1373. Bien qu'elle se soit révélée efficace ces dix dernières années quant à l'objectif à atteindre, à savoir bloquer les avoirs de personnes et d'organisations listées, cette pratique présente un certain nombre de lacunes: 1.

Dans ses rapports d'évaluation mutuelle de la Suisse de 2005 et 2009, le GAFI a estimé que les bases légales requises pour désigner des terroristes et assurer un gel complet de leurs fonds étaient insuffisantes, la Suisse ne se conformant ainsi que partiellement à la recommandation sous-jacente.

La Suisse devra se soumettre à une nouvelle évaluation en 2015. Il lui appartiendra alors d'expliquer qu'elle a réalisé des progrès dans la mise en oeuvre de la norme du GAFI.

2.

45 46

Cette absence de base légale a pour conséquence que la communication informelle des listes étrangères aux intermédiaires financiers n'entraîne, selon la pratique en cours, aucune obligation légale directe pour ces intermédiai-

RS 122 Il s'agit d'Al-Qaïda et de son réseau (arrêt du TF 1A.194/2002 du 15 novembre 2002), des Brigades Rouges (ATF 128 II 355 ss et 125 II 569 ss), de l'ETA (arrêt du TF 1A.174/2002 du 21 octobre 2002,), des «Martyrs pour le Maroc» (arrêt du TF 1A.50/2005 du 5 avril 2005,), de l'Armée nationale albanaise (ATF 131 II 235 ss), de la «Force de Défense Populaire» (HPG) bras armé du PKK et des «Faucons de la liberté du Kurdistan» (TAK), liés eux aussi au PKK (arrêt du TF 1C.470/2012 du 25 octobre 2012).

617

res. Le respect des listes transmises par la FINMA est facultatif et leur sert uniquement à se prémunir contre les risques de perte de réputation et à éviter de se voir reprocher par la FINMA de n'avoir pas satisfait au principe d'une gestion irréprochable. Bref, la réception et la communication des listes par la FINMA ne sont toujours pas réglées.

Il n'empêche que les intermédiaires financiers déclarent aujourd'hui systématiquement au bureau de communication les relations d'affaires qu'ils entretiennent avec des personnes ou organisations figurant sur une liste étrangère, et ce, qu'ils nourrissent ou non des soupçons fondés. Il incombe au bureau de communication et, le cas échéant, au Ministère public de la Confédération, de vérifier si un soupçon est fondé ou non. En pratique, il n'est toutefois guère possible d'obtenir par la voie de l'assistance administrative ou de l'entraide judiciaire des informations utiles de la part du pays qui a dressé la liste des terroristes.

Au final, les éléments de preuve ne permettent généralement pas l'ouverture d'une enquête pénale en Suisse, ce qui fait que les blocages d'avoirs ordonnés en application de la loi ou par le Ministère public sont classés sans suite ou doivent être suspendus. Ainsi, entre 2003 et 2012, le bureau de communication a transmis au total 86 annonces pour soupçon de financement du terrorisme aux autorités de poursuite pénale. Un cas s'est soldé par un jugement, 25 sont encore en cours d'instruction auprès des autorités de poursuite pénale et 10 autres sont suspendus. Dans les 50 cas restants, le Ministère public a décidé soit de ne pas entrer en matière, soit de classer l'affaire47.

1.2.8.2

Solution proposée

Vu la critique formulée par le GAFI, il est proposé d'instaurer dans la LBA une procédure formelle régissant la gestion des listes étrangères par les autorités de surveillance et définissant les obligations des intermédiaires financiers auxquels les autorités de surveillance ont communiqué des informations sur les personnes et organisations figurant sur ces listes.

L'ajout qu'il est proposé d'apporter à la LBA prévoit, d'une part, que les listes étrangères de personnes et d'organisations qui sont adressées à la Suisse soient examinées quant au respect d'exigences formelles minimales par un groupe de travail interdépartemental. L'élément concret de soupçon de financement du terrorisme ne peut être vérifié à défaut d'accès aux informations pertinentes et, par conséquent, ne fait pas l'objet d'une telle vérification. Ce groupe de travail sera présidé par le DFF, et ce dernier, après audition des autres services, décidera de la transmission des listes aux autorités de surveillance. A leur tour, les autorités de surveillance auront la compétence de transmettre les listes aux intermédiaires financiers. D'autre part, l'intermédiaire financier sera tenu, en application de ses obligations de diligence, de vérifier l'objet et l'arrière-plan d'une relation d'affaires ou d'une transaction dans laquelle est impliquée une personne ou une organisation figurant sur la liste communiquée par les autorités de surveillance. Si l'intermédiaire financier sait, sur la base de ses clarifications, ou s'il a des raisons de supposer que les données concernant une personne inscrite sur la liste coïncident avec celles

47

618

Source: Rapport annuel 2012 du bureau de communication, ch. 2.4, tableau p. 28.

portant sur une personne impliquée dans une relation d'affaires ou une transaction, il lui incombera de procéder à une communication de soupçons.

Tandis que l'obligation de communiquer ne prend actuellement effet qu'en cas de soupçon fondé, elle sera désormais étendue aux cas dans lesquels l'intermédiaire financier, sur la foi de ses clarifications, devra considérer que la personne ou l'organisation identifiée par ses soins est bien un terroriste ou une organisation terroriste figurant sur une liste étrangère. Le blocage des avoirs faisant suite à l'annonce sera effectué en application des dispositions du nouvel art. 9a, al. 3, P-LBA ou de l'art. 10 P-LBA.

1.3

Appréciation de la solution retenue

1.3.1

Transparence des personnes morales et actions au porteur

Règles relatives aux actions au porteur La solution retenue, à savoir un éventail de mesures alternatives (cf. le ch. 1.2.1.2) offert à la société, devrait satisfaire aux exigences de la recommandation 24 du GAFI de même qu'à celles du Forum mondial, et permettre aux sociétés de choisir le modèle qui leur occasionne le moins de coûts (cf. le ch. 3.3.1), tout en leur garantissant, au besoin, le choix de l'anonymat de l'actionnaire. L'introduction des mesures 1, 2 et 4 (décrites au ch. 1.2.1.2) a été accueillie favorablement par une grande majorité de participants (tous partis, cantons et milieux économiques confondus) lors de la consultation relative à l'avant-projet. Par ailleurs, la consultation a révélé une préférence marquée des milieux économiques en faveur de l'introduction d'une quatrième possibilité applicable lorsque la société décide de déposer les actions au porteur non cotées auprès d'un tiers. Le Conseil fédéral a jugé que les arguments présentés en faveur de cette variante (cf. le ch. 4.4.1 du rapport sur les résultats de la consultation, pp. 14­15) étaient en grande partie justifiés. C'est pourquoi le projet inclut désormais une exception à l'obligation d'annoncer lorsque les titres au porteur sont émis sous forme de titres intermédiés selon la LTI (cf. le ch. 1.2.1.2). Par contre, la proposition ­ issue de la consultation ­ d'immobiliser les titres au porteur en les matérialisant sous la forme d'un certificat global auprès d'un dépositaire en Suisse, exigerait d'examiner de nombreuses questions, en particulier quant à la nature du dépôt des actions, la légitimation de l'actionnaire pour l'exercice des droits, la représentation de l'actionnaire, le transfert des actions, l'obligation pour l'intermédiaire financier de tenir un registre des actions, et le droit transitoire. Une partie de ces questions a été abordée dans le cadre des travaux parlementaires concernant la révision du droit de la société anonyme. Etant donné la nécessité de coordonner l'introduction d'un possible modèle d'immobilisation des titres avec les travaux de révision du droit de la société anonyme, le Conseil fédéral propose de ne pas donner suite à cette proposition dans le cadre du présent projet. Les travaux concernant le projet 08.011 ont été interrompus et le dossier renvoyé au Conseil fédéral afin qu'il
consolide ce projet suite à l'acceptation de l'initiative populaire Minder. Le DFJP (OFJ) a été chargé d'élaborer d'ici à fin 2014 un nouvel avantprojet de révision de la société anonyme, qui devra notamment tenir compte des débats qui ont eu lieu au Parlement (proposition «nominee»).

619

Il convient de relever que des solutions alternatives (suppression ou dépôt des actions au porteur) envisagées par le passé afin de garantir la transparence des actions au porteur, n'ont pas été retenues en tant que solutions uniques applicables à toutes les sociétés pour les raisons suivantes: ­

La suppression pure et simple de l'action au porteur garantirait certes la transparence quant à l'identité des actionnaires. Il n'y aurait plus alors que des actionnaires nominatifs, qui doivent se faire inscrire dans le registre des actionnaires car vis-à-vis de la société, ne sont réputés actionnaires que les personnes figurant dans ce registre. Une mesure visant la suppression de l'action au porteur permettrait à la Suisse de répondre entièrement aux recommandations du GAFI et du Forum mondial. Toutefois, l'idée d'une telle suppression, lorsqu'elle avait été proposée dans le projet du 2 décembre 2005 de modification du droit de la société anonyme, avait été majoritairement rejetée lors de la procédure de consultation. Le Conseil fédéral s'est en outre déjà prononcé à plusieurs reprises ces dernières années contre la suppression des actions au porteur. Une telle suppression équivaudrait à une rupture radicale avec les choix politiques et s'opposeraient aux intérêts manifestés par les milieux économiques ces dernières années. Elle irait aussi à l'encontre des avis émis par la majorité des participants lors la consultation relative à l'avant-projet du 27 février 2013. Une mesure semblable mais moins absolue serait l'introduction d'une clause de sauvegarde des droits acquis (grandfathering) en vertu de laquelle plus aucune action au porteur ne pourrait être émise dès l'entrée en vigueur de la modification législative; les actions existantes pourraient par contre être conservées. Au regard de la solution proposée (cf. le ch. 1.2.1.2), une telle mesure est toutefois jugée inutile.

­

Une solution visant à obliger tous les détenteurs d'actions au porteur, ou ceux dont la participation dépasse un certain pourcentage, à déposer leurs titres auprès d'un établissement tiers (une banque par exemple) présente des inconvénients majeurs. Ainsi, bien qu'elle réponde aux exigences de transparence nécessaires et permette que seul l'établissement ait connaissance de l'identité de l'actionnaire, elle pourrait cependant (si elle est imposée à toutes les sociétés) entraîner des conséquences financières lourdes pour les actionnaires qui devraient faire appel à ces établissements tiers pour le dépôt et la gestion des titres déposés. Par ailleurs, le dépôt des actions au porteur aurait pour conséquence de supprimer une caractéristique importante, à savoir la transmission sans restriction de ce type d'action. Les effets d'une telle solution seraient proches d'une suppression des actions au porteur. Le dépôt des actions au porteur auprès de la société aurait les mêmes conséquences négatives que leur dépôt auprès d'un intermédiaire financier. La suppression de facto de l'action au porteur serait dans ce modèle encore renforcée, car les détenteurs d'actions au porteur pourraient non seulement être identifiés, mais seraient connus de la société en permanence. Néanmoins, s'il est envisagé comme une solution alternative complémentaire à l'obligation d'annoncer (cf. ci-dessus), le dépôt des actions au porteur non cotées auprès d'un tiers ­ assorti des mesures de transparence appropriées ­ peut présenter des avantages pour certaines sociétés et constituer une solution pour garantir la transparence des actions au porteur.

620

Une partie des milieux économiques, des cantons et certains partis ont souhaité limiter l'obligation d'annoncer aux actionnaires dont la participation excède un seuil minimum (3 %, 5 % ou 25 %) en raison du fait que cela contribuerait à limiter les charges administratives résultant de la nouvelle réglementation et pour assurer la cohérence avec le régime applicable aux actions nominatives. Le Conseil fédéral reste d'avis que l'introduction d'un tel seuil ne remplirait pas les exigences du Forum mondial et que la mise en oeuvre de ces exigences revêt une grande importance pour la Suisse.

S'agissant des critiques émises en relation avec certaines sanctions prévues par les modifications légales de ce projet (péremption des droits patrimoniaux et sanctions pénales en cas de violation de l'obligation d'annoncer), le Conseil fédéral est d'avis qu'elles sont nécessaires pour se conformer aux normes internationales qui exigent qu'un éventail de sanctions dissuasives existe aux fins d'assurer la fiabilité de l'information et l'efficacité du régime dans son ensemble.

Règles relatives à l'ayant droit économique La consultation a révélé qu'une partie des milieux économiques rejette l'obligation d'annoncer portant sur l'ayant droit économique (cf. l'art. 697j P-CO), estimant qu'il convient d'attendre de savoir comment cette obligation sera mise en oeuvre à l'étranger. Le Conseil fédéral souligne qu'à titre comparatif, le projet de révision de la 3e directive européenne antiblanchiment de février 2013 prévoit à l'art. 29 que «les États membres veillent à ce que les sociétés ou les entités juridiques établies sur leur territoire obtiennent et détiennent des informations adéquates, exactes et actuelles sur leurs bénéficiaires effectifs». Les mesures prévues à l'art. 697j P-CO (en relation avec l'art. 2a, al. 3, P-LBA) s'inscrivent donc entièrement dans l'orientation prise par la Commission européenne. Les mesures sur l'ayant droit économique envisagées dans ce projet (cf. aussi le ch. 1.3.2) constituent le minimum requis pour se conformer aux normes internationales. Suite à certaines observations des milieux intéressés, l'art. 697j P-CO a été adapté pour mieux assurer sa cohérence avec les règles applicables aux intermédiaires financiers en la matière.

Règles particulières pour la SICAV La solution retenue
tient compte des avis émis par les milieux économiques concernés lors de la consultation en relation avec l'introduction d'une obligation d'annoncer pour les actionnaires investisseurs détenant des actions au porteur.

De fait, la SICAV présente certaines particularités qui la distinguent des autres formes de société. La SICAV incorpore la société, d'une part, et le produit financier, d'autre part. En tant que placement collectif ouvert, ni son capital ni le nombre d'actions ne sont déterminés d'avance. L'assujettissement de la SICAV à une obligation d'annoncer basée sur un pourcentage de la participation au capital-actions ou des voix est difficilement réalisable pour la catégorie des actionnaires investisseurs, le capital de la SICAV et le nombre d'actions n'étant pas déterminés d'avance; généralement, les actionnaires investisseurs ont droit au remboursement de leurs parts. En outre, l'autorisation accordée à la SICAV selon la LPCC se fonde sur les assurances et qualifications qu'offrent les actionnaires entrepreneurs, et c'est à cette catégorie d'actionnaires qu'il appartient de dissoudre la SICAV (art. 41, al. 3, LPCC). Selon l'art. 55, al. 1, de l'ordonnance du 22 novembre 2006 sur les place-

621

ments collectifs (OPCC)48, sont pris en compte comme fonds propres uniquement les apports versés par les actionnaires entrepreneurs. Bien que les actionnaires investisseurs disposent en principe des droits des actionnaires selon le droit de la société anonyme (art. 50, al. 3, LPCC et art. 63 OPCC), l'organisation et la structure de la SICAV indiquent que, contrairement aux actionnaires entrepreneurs, ils représentent de fait des investisseurs plaçant leurs apports dans le fonds de placement collectif. Aussi les actionnaires investisseurs n'ont-ils pas la possibilité d'exercer un contrôle effectif sur la SICAV.

En outre, l'art. 108, al. 2, OPCC n'autorise que la remise de papiers-valeurs (art. 965 CO) sans valeur nominale, qui sont libellés au nom d'une personne déterminée et créés comme des titres à ordre (art. 967 et 1145 CO). Pour les actionnaires investisseurs, seules les actions sous forme de titres intermédiés peuvent donc toujours être libellées au porteur. Dans ces cas-là, l'exigence de transparence est respectée par le dépositaire (cf. le ch. 1.2.1.2) qui garde les parts des actionnaires investisseurs.

En résumé, tenant compte des particularités de la SICAV et du droit applicable (capital variable; pas de possibilité pour les actionnaires investisseurs d'exercer le contrôle effectif sur la SICAV; pas d'émission physique d'actions au porteur des actionnaires investisseurs) et du fait de l'introduction d'un régime de transparence pour les titres au porteur dématérialisés, le Conseil fédéral estime qu'une exception aux obligations d'annoncer au sens des art. 697i et 697j P-CO s'impose pour les actionnaires investisseurs de la SICAV.

1.3.2

Ayants droit économiques

De l'avis d'un grand nombre de participants à la consultation, la limitation de la définition de l'ayant droit économique à une «personne physique» constitue, sur le principe, un changement de paradigme. Les avis sur les mesures proposées (définition, modification du principe de la présomption) sont partagés, certains approuvant les changements sous réserve de certains ajustements, d'autres les rejetant. En réponse à certaines observations des milieux intéressés, des adaptations techniques ont été effectuées dans la définition (cf. l'art. 2a, al. 3, P-LBA) afin de mieux distinguer l'ayant droit économique de la personne morale du propriétaire légal des actions ainsi que du membre le plus haut placé de l'organe de direction.

1.3.3

Définition des PPE et fixation des obligations de diligence correspondantes dans la LBA

Plusieurs participants à la consultation sont d'avis que des règles sur les PPE nationales ne sont pas nécessaires, vu que la Suisse est un Etat de droit, que la corruption y est basse et que ces personnes ne représentent pas un risque particulier, contrairement aux PPE étrangères. Le Conseil fédéral rappelle que les normes du GAFI exigent d'introduire des règles sur les PPE nationales. Par conséquent, une modification de la législation suisse s'impose. Cela ne devrait toutefois pas entraîner de changements importants par rapport à la pratique actuelle (cf. le ch. 1.2.3.2). Le 48

622

RS 951.311

Conseil fédéral rappelle en outre que la définition de PPE nationale est limitée aux personnes exerçant ou ayant exercé leur fonction au niveau fédéral, ce qui a d'ailleurs été très largement salué dans la consultation.

Certains participants ont également relevé que la définition de PPE a été élargie, dans la mesure où elle couvre également les PPE qui ont, par le passé, été chargées de fonctions publiques dirigeantes. Ils estiment que considérer une personne comme une PPE ou une proche de PPE toute sa vie est disproportionné et demandent qu'un délai soit fixé dans la loi au terme duquel il serait possible de ne plus considérer la personne comme une PPE ou une proche de PPE une fois que la fonction publique dirigeante a pris fin. Le Conseil fédéral rejette l'introduction d'une telle règle. Cela ne serait pas conforme aux normes du GAFI, comme ce dernier l'a relevé lors de l'évaluation de certains Etats membres de l'UE qui avaient repris la règle de la 3e directive antiblanchiment prévoyant un délai d'une année pour les PPE étrangères. Il n'est en effet pas possible de fixer un délai au terme duquel le statut de PPE prend fin, étant donné que cela dépend des circonstances particulières. Par contre, une approche fondée sur les risques est applicable dans un tel cas. Cela a été confirmé par le GAFI dans des lignes directrices adoptées en juin 201349 et correspond, en outre, à la pratique de la FINMA.

Sur la base de ce qui précède, le Conseil fédéral propose de maintenir la proposition mise en consultation en février 2013.

1.3.4

Qualification des infractions fiscales pénales graves en infractions préalables au blanchiment d'argent

En septembre 2012, le Conseil fédéral a chargé le DFF de préparer une révision du droit pénal fiscal50. Fin mai 2013, le Conseil fédéral a ouvert la consultation y relative51, qui a duré jusqu'au 30 septembre 2013. La mise en oeuvre des recommandations du GAFI dans le droit interne ne devait pas, en principe, anticiper cette révision et devait reposer dans la mesure du possible sur le droit en vigueur. En proposant d'introduire un crime directement dans la législation en matière d'impôts directs, un empiétement sur cette révision était inévitable. Bien que limité au strict nécessaire, ce dernier a été considéré comme inadmissible par une grande majorité des participants à la consultation ­ en particulier la quasi-totalité des cantons ­ qui a demandé que les modifications de la législation fiscale directe soient traitées de manière coordonnée dans le cadre de la révision du droit pénal fiscal et non du présent projet. Des incohérences et des problèmes ont notamment été relevés en relation avec la procédure qui avait été proposée pour la poursuite de l'escroquerie fiscale, les sanctions, les personnes morales ou encore la prescription. Les éléments constitutifs de l'escroquerie fiscale ont également été contestés, avant tout par les milieux économiques et certains partis politiques. Le présent projet tient compte de ces critiques en proposant de modifier l'approche prévue dans le code pénal en matière d'infractions préalables au blanchiment d'argent plutôt que d'aménager un 49 50 51

Cf. la FATF Guidance ­ Politically Exposed Persons (Recommendations 12 and 22), par. 44 et 45, publiée sur le site Internet du GAFI, www.fatf-gafi.org.

Cf. communiqué de presse du 21 septembre 2012: www.news.admin.ch > Communiqués de presse et discours.

Cf. communiqué de presse du 30 mai 2013: www.efd.admin.ch > Documentation > Informations destinées aux médias.

623

crime dans la fiscalité directe. Il prend également en considération l'opposition de plusieurs participants à un durcissement du droit pénal fiscal pour les contribuables suisses sous couvert de la lutte contre le blanchiment d'argent. Enfin, il tient compte de l'avis exprimé à maintes reprises, selon lequel le Conseil fédéral ne doit pas aller au-delà de ce qu'exige le GAFI et doit utiliser la marge de manoeuvre disponible pour mettre en oeuvre ces recommandations. En particulier, le GAFI n'exige pas que l'infraction préalable constitue impérativement un crime.

La nouvelle proposition a l'avantage de ne pas empiéter sur la révision du droit pénal fiscal, contrairement à celle qui avait été envoyée en consultation. Les deux projets sont désormais complètement séparés l'un de l'autre. La solution proposée dans le présent projet préserve ainsi entièrement la marge de manoeuvre du législateur en lien avec la révision du droit pénal fiscal et n'anticipe aucunement sur le débat qui sera consacré à celle-ci. La proposition ne nécessite également aucune modification des législations fiscales cantonales ni aucune ressource supplémentaire, aussi bien pour les administrations fiscales cantonales que pour l'Administration fédérale des contributions (AFC). En effet, ces autorités ne se voient attribuer aucune nouvelle tâche de poursuite, puisque les procédures de poursuite des infractions fiscales ne sont pas touchées. Si la proposition modifie quelque peu l'approche du code pénal en matière d'infractions préalables, elle ne change toutefois pas le concept suisse du blanchiment d'argent, qui demeure un acte d'entrave à la confiscation de valeurs patrimoniales d'origine «illégale». La modification est en outre limitée à la fiscalité directe. Il n'est en effet pas question que tous les délits deviennent désormais des infractions préalables au blanchiment d'argent. La nouvelle infraction préalable a, enfin, l'avantage de reposer sur l'usage de titres faux, infraction avec laquelle les intermédiaires financiers ont déjà une certaine expérience.

Cette infraction constitue en effet déjà un crime selon le code pénal et donc une infraction préalable au blanchiment d'argent, à moins qu'elle ne soit réalisée à des fins fiscales. Quant au seuil de 200 000 francs d'impôts soustraits ­ ou l'équivalent en monnaie étrangère
s'agissant des clients étrangers ­, bien qu'il puisse être relativement difficile à déterminer pour les intermédiaires financiers, il vise notamment à éviter une communication des cas de peu d'importance et, partant, une avalanche de communications de soupçons au bureau de communication.

Suite à la consultation, le Conseil fédéral a également examiné les autres propositions reçues. Il a en particulier étudié la proposition, présentée notamment par les milieux bancaires, consistant en l'introduction dans la législation fiscale d'une nouvelle norme indépendante constitutive de blanchiment d'argent en matière fiscale et considérée comme une entrave à la procédure de rappel d'impôt. Non seulement cette proposition aurait nécessité de modifier le droit pénal fiscal, ce qui aurait empiété sur la révision de ce dernier, mais en outre elle n'aurait pas répondu à la définition du blanchiment d'argent, telle qu'elle ressort des conventions internationales pertinentes mentionnées dans les recommandations du GAFI. Elle se serait également éloignée du concept suisse du blanchiment d'argent. Par conséquent, cette proposition n'a pas été retenue. Le Conseil fédéral n'a pas non plus retenu les autres propositions, qui auraient impliqué de modifier le droit pénal fiscal, même de manière limitée. Enfin, le Conseil fédéral n'a pas suivi la proposition de séparer la mise en oeuvre de l'infraction préalable en matière fiscale du présent projet pour la traiter dans le cadre de la révision du droit pénal fiscal. Le présent projet forme en effet un train de mesures visant le même but, à savoir la mise en oeuvre des recommandations du GAFI révisées en 2012. Le Conseil fédéral ne souhaite pas morceler ce projet.

624

En ce qui concerne la fiscalité indirecte, le Conseil fédéral propose de maintenir telle quelle sa proposition du 27 février 2013. Alors qu'un nombre très important de prises de position ont été reçues s'agissant de la fiscalité directe, très peu de participants se sont prononcés expressément sur cette proposition. Si certaines prises de position contestent les nouveaux éléments constitutifs retenus ou relèvent des difficultés pratiques pour les intermédiaires financiers, la nécessité d'élargir le champ d'application de l'art. 14, al. 4, DPA au-delà de l'infraction de contrebande douanière n'est par contre pas remise en question. Sans cette modification, en effet, le droit suisse ne remplirait pas les exigences du GAFI en la matière.

1.3.5

Elargissement du champ d'application de la LBA (paiement en espèces lors d'opérations de vente)

Les prescriptions concernant le paiement en espèces lors d'opérations de vente se sont heurtées durant la procédure de consultation à des critiques, notamment de la part des milieux économiques et des partis bourgeois, étant précisé que la réglementation des ventes mobilières a suscité davantage de réticences que celle sur l'achat et la vente de biens immobiliers. Pour l'essentiel, c'est la constitutionnalité des réglementations qui a été mise en doute, les opposants ayant fait valoir que ces dernières ne respectaient pas le principe de la proportionnalité, objectant par ailleurs qu'elles étaient contraires à la systématique de la LBA et relevaient du droit privé. En revanche, ces prescriptions ont été accueillies favorablement par la majorité des cantons participant à la consultation, les partis de gauche et les associations.

Dans ses prises de position sur diverses interventions parlementaires demandant une lutte renforcée contre les risques de blanchiment d'argent dans les transactions immobilières (cf. le ch. 1.2.5.1), le Conseil fédéral a toujours insisté sur le fait qu'il était d'accord avec la ligne directrice de ces interventions mais qu'il ne jugeait pas opportun d'assujettir les négociants en biens immobiliers ni même d'autres branches à la LBA. Le Conseil fédéral a reconnu également qu'il existait un risque d'abus à propos des ventes immobilières à la faveur desquelles les opérations de paiement échappent au champ d'application de la LBA, transitant par exemple par des banques étrangères ou se faisant en espèces, sans la participation d'un intermédiaire financier soumis à la LBA (cf. l'avis rendu suite au postulat 10.4061).

Le Conseil fédéral maintient sa proposition de renoncer à l'assujettissement des négociants en biens immobiliers à la LBA, pour les raisons suivantes: ­

il est peu judicieux de soumettre la catégorie professionnelle des négociants en biens immobiliers à la LBA car elle n'est pas impliquée dans la transaction proprement dite. Contrairement à l'officier public qui établit les actes authentiques, le négociant en biens immobiliers agit comme intermédiaire avant l'achat proprement dit. Il ne connaît généralement ni le prix d'achat effectivement payé ni les autres conditions du contrat. De même, il ne contrôle aucunement les flux financiers entre les parties susceptibles de relever du blanchiment d'argent;

­

par ailleurs, il n'existe aucune obligation légale de recourir à un négociant en biens immobiliers pour l'achat d'un immeuble et de l'associer à la transaction proprement dite. Si des personnes envisagent réellement de blanchir des avoirs d'origine criminelle au moyen d'un achat immobilier, elles renonce625

raient certainement à recourir aux services d'un négociant en biens immobiliers soumis à la LBA. En revanche, un officier public doit être associé dans tous les cas à une transaction immobilière en Suisse; ­

dans le cadre de la dernière révision de la LBA (2005 à 2007), on a déjà examiné attentivement le problème de l'assujettissement du négoce de biens immobiliers à la LBA. Selon le projet mis alors en consultation, le négoce de biens immobiliers devait être soumis à la LBA dans le cadre d'un nouveau régime LBA pour les activités commerciales. L'assujettissement à la LBA dépendait de certaines conditions (activité commerciale ne constituant pas une intermédiation financière, exercice à titre commercial, acceptation de sommes importantes au comptant). Quand bien même les négociants en biens immobiliers n'auraient pas été soumis à la LBA d'une manière générale, mais uniquement à certaines conditions, la proposition a été rejetée en procédure de consultation. On ne distingue à cet égard aucune nouvelle volonté politique. Les interventions politiques déposées montrent toutefois une sensibilité nouvelle à ces questions.

Le Conseil fédéral a également examiné si les obligations de diligence de la LBA pouvaient être imposées aux notaires ou aux conservateurs du registre foncier sollicités en raison de l'exigence d'un acte authentique, ce que demandent d'ailleurs plusieurs des interventions citées sous le ch. 1.2.5.1. A cet égard, un assujettissement des notaires figure au premier plan car ceux-ci doivent, dans le cadre de la procédure d'établissement de l'acte authentique, rassembler certaines informations sur les parties (par ex. sur leur identité et leurs droits de disposer de la chose). Leurs obligations d'examen et de diligence concernent également les aspects matériels et juridiques de la transaction (notamment l'examen de sa légalité). Les conservateurs du registre foncier examinent en revanche surtout les aspects formels de la procédure d'établissement de l'acte authentique. Le fait que les notaires entretiennent généralement des contacts directs avec les parties plaiderait en faveur d'un assujettissement de cette catégorie professionnelle. Le Conseil fédéral renonce malgré cela à assujettir les notaires à la LBA. Cette décision se fonde essentiellement sur une réflexion systématique: soumettre à la LBA une personne qui ne pratique aucune intermédiation financière est fondamentalement contraire au régime suisse antiblanchiment.

Une application généralisée de la LBA aux notaires poserait des problèmes de délimitation non négligeables pour la surveillance de l'Etat sur les notaires publics.

De plus, il faudrait également se demander si d'autres branches dans lesquelles le blanchiment d'argent est possible ne devraient pas être soumises à la loi. Une modification aussi fondamentale du système dépasserait le cadre du présent projet.

Quant à l'instauration de prescriptions limitant les paiements en espèces pour les ventes mobilières, la Suisse n'emprunte nullement des voies nouvelles. L'UE, notamment, connaît d'ores et déjà des prescriptions à ce chapitre. La réglementation communautaire diffère cependant de l'amorce de solution suisse en ce sens que les personnes qui font commerce de biens à titre professionnel sont soumises aux obligations de diligence dès lors que les paiements sont effectués en espèces pour un montant supérieur ou égal à 15 000 euros (selon la proposition de la Commission européenne concernant
une révision de la 3e directive européenne antiblanchiment, il est prévu d'abaisser ce seuil à 7500 euros). Au surplus, les Etats membres sont libres d'adopter des dispositions plus rigoureuses en matière de paiement en espèces, ce qui a conduit dans divers pays à l'introduction de plafonds très largement inférieurs

626

aux 100 000 francs proposés par le Conseil fédéral (Italie: 999,99 euros; France: 3000 euros; Belgique: 5000 euros, avec une prochaine baisse à 3000 euros).

Voilà pourquoi, en dépit des critiques qu'elles suscitent, le Conseil fédéral s'en tient, sur le principe, aux réglementations sur le paiement en espèces mises en consultation.

Négoce des matières premières pour compte propre Le Conseil fédéral a examiné la question d'un assujettissement à la LBA du négoce des matières premières pour compte propre et est parvenu à la conclusion qu'un tel assujettissement n'était pas nécessaire pour les raisons suivantes.

Selon la législation en vigueur en Suisse, ni le négoce de matières premières pour compte propre ni les négociants eux-mêmes ne sont soumis à la LBA, à moins que ces derniers effectuent de l'intermédiation financière, c'est-à-dire qu'ils agissent pour le compte de tiers en achetant des produits standardisés sur des bourses de matières premières. Dans ce cas, le négociant en matières premières est soumis à des obligations de diligence à l'égard de son client au sens de la LBA. En outre, vu l'importance des montants liés à de telles transactions, il est rare que le négociant en matières premières ne recoure pas à un autre intermédiaire financier (par ex. une banque) pour le paiement de la transaction. Dans ce cas d'espèce, des obligations de diligence s'appliquent également entre le négociant et la banque. De telles activités sont soumises à la surveillance directe de la FINMA ou d'organismes d'autorégulation. En revanche, le négoce de matières premières pour compte propre est une activité strictement commerciale par laquelle le négociant opère en premier lieu dans une perspective d'achat et de vente en y investissant ses propres ressources. Le risque de blanchiment d'argent lié à de telles transactions est en théorie limité, et n'a pas été constaté dans la pratique. En outre, le négociant en matières premières serait alors lui-même à la fois cocontractant et ayant droit économique de la marchandise, et devrait selon la LBA appliquer les obligations de diligence à son propre cas, et vérifier notamment l'arrière-plan économique de sa propre transaction. Or, de tels contrôles ne font aucun sens. Les recommandations du GAFI ne demandent en outre pas de soumettre le négoce de matières premières
à un régime antiblanchiment.

Relevons que dans le cadre du présent projet, la Suisse prévoit de modifier son dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme afin de renforcer les obligations de diligence de tous les intermédiaires financiers, notamment en ce qui concerne l'identification de l'ayant droit économique de valeurs patrimoniales (cf. le ch. 1.2.2). Ces mesures devraient également contribuer à renforcer la lutte contre les abus dans le domaine du secteur des matières premières et de leur commerce.

Sur le fond, le négoce des matières premières soulève surtout des questions relatives à l'éthique économique, à la transparence et à la fiscalité. Eu égard à l'intérêt croissant du public pour le secteur des matières premières, à l'importance de ce sujet dans la politique intérieure et extérieure, ainsi qu'à son poids économique, le Conseil fédéral a mis en place au printemps 2012 une plate-forme interdépartementale dirigée par le DFF, le DFAE et le DEFR en vue de la rédaction d'un rapport sur le sujet52. Publié entretemps sous le titre de «Rapport de base: matières premières», ce 52

Le Conseil fédéral a proposé d'accepter le postulat 11.3803 (Fässler-Osterwalder) «Rôle de la Suisse en tant que siège de sociétés de matières premières», qui exige un rapport du Conseil fédéral au Parlement, mais le Conseil national l'a rejeté le 16 mars 2012.

627

rapport souligne l'importance économique du secteur des matières premières en Suisse. Il constate aussi que la Suisse déploie déjà de nombreux efforts pour préserver tant la compétitivité que l'intégrité de sa place économique, y compris du négoce des matières premières. Les recommandations spécifiques qui sont formulées dans le rapport devraient permettre de poursuivre l'amélioration des conditions-cadres et de réduire les risques existants, y compris le risque de réputation53.

1.3.6

Adaptation de la LP (paiement en espèces lors de ventes aux enchères)

Les participants à la consultation ne se sont exprimés que de façon isolée sur les propositions faites sous ce titre; la plupart des avis sont positifs et dépourvus de commentaires. Une modification importante a été proposée, qui consiste à réviser non pas les art. 129 et 136 mais l'art. 12 LP, afin de disposer en termes généraux que les paiements de plus de 100 000 francs en mains des offices des poursuites et des offices des faillites ne peuvent plus être effectués que par l'entremise d'un intermédiaire financier au sens de la LBA. Ainsi, il deviendrait en particulier impossible au débiteur poursuivi de régler la créance due en espèces à l'office des poursuites.

Quand bien même une telle mesure permettrait d'interdire l'une des échappatoires offertes aux blanchisseurs, deux arguments de poids s'opposent à une telle solution: ­

Ainsi que l'expose de façon convaincante la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse dans la consultation, le débiteur doit avoir le droit de régler sa dette en espèces à tout moment: dans le cas contraire, en effet, il lui serait impossible de s'en acquitter juste avant la mise aux enchères du bien-fonds pour faire annuler celle-ci. Ce qui, semble-t-il, se produit de temps à autre.

­

Contrairement à l'usage lors d'une vente aux enchères, le débiteur a la possibilité de s'acquitter de sa dette envers l'office des poursuites en la payant par traites. Le seuil de 100 000 francs pourrait être facilement contourné par un fractionnement en montants inférieurs. Et même en groupant les versements à effectuer dans la perspective d'une poursuite, la possibilité existerait toujours de demeurer en deçà du seuil et donc de le contourner par une ventilation sur plusieurs poursuites.

On ne voit pas comment une loi permettrait de résoudre ces problèmes. Aussi le Conseil fédéral estime-t-il inopportun d'inscrire une règle générale à l'art. 12 LP.

1.3.7

Compétences du bureau de communication et efficacité du système de communication de soupçons

Le Conseil fédéral maintient sa proposition de régler dans la LBA l'assistance administrative relative au bureau de communication. Cette proposition n'a fait l'objet que de peu de remarques lors de la consultation.

53

628

On trouvera ce rapport du 27 mars 2013 à l'adresse Internet: www.news.admin.ch > Communiqués de presse et discours.

Il maintient également sa proposition de différer le blocage des valeurs patrimoniales, afin de laisser plus de temps au bureau de communication pour effectuer ses analyses et ainsi améliorer l'efficacité du système de communication de soupçons.

Une telle amélioration est d'autant plus nécessaire, en vue de la future évaluation par le GAFI en 2015, que ce dernier a relevé en 2005, puis en 2009, que le système suisse de communication de soupçons posait des problèmes d'efficacité. Les ordres courants des clients portant sur les valeurs patrimoniales communiquées pourront ainsi être exécutés pendant l'analyse du bureau de communication, ce qui diminue également fortement les risques que le client soit informé qu'une communication de soupçons a été faite à son encontre54. Si toutefois un tel ordre vise à entraver la future confiscation des valeurs patrimoniales communiquées ou à financer le terrorisme, l'intermédiaire financier devra avertir immédiatement le bureau de communication et suspendre l'exécution de l'ordre du client pendant cinq jours ouvrables. Le Conseil fédéral est conscient que ce système exige une surveillance accrue de la relation d'affaires pendant l'analyse du bureau de communication. Il rappelle toutefois que la surveillance des transactions fait partie de l'activité des intermédiaires financiers.

Il aurait été possible de remplacer le blocage différé par une délégation au bureau de communication du pouvoir d'ordonner le blocage de valeurs patrimoniales sur la base des faits décrits par l'intermédiaire financier. Mais le Conseil fédéral ne souhaite pas introduire une telle mesure. En effet, une autorité administrative comme le bureau de communication ne pourrait pas prendre de décisions de blocage ­ non soumises à un recours ­ qui engageraient la responsabilité civile de la Confédération, pour des montants pouvant être très importants. En outre, confier une telle tâche au bureau de communication déresponsabiliserait les intermédiaires financiers, qui ont toujours été considérés comme partie intégrante du système de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Toutefois, afin de tenir compte de la majorité des avis exprimés lors de la consultation, le Conseil fédéral propose de fixer au bureau de communication, dans la LBA, un délai maximum de 30 jours
ouvrables pour procéder à l'analyse des communications effectuées sur la base de l'obligation de communiquer de l'art. 9 LBA.

Enfin, suite à la consultation, le Conseil fédéral a décidé de maintenir le droit de communication prévu à l'art. 305ter, al. 2, CP. L'unification du seuil de soupçon sur la base du critère du soupçon fondé ayant été largement rejetée dans la consultation, le Conseil fédéral a examiné la solution consistant à abaisser le seuil pour passer au soupçon simple pour toutes les communications. Il est arrivé à la conclusion qu'une telle solution entraînerait une modification fondamentale du système, à commencer par une très forte augmentation du nombre des communications, dont une bonne partie seraient classées sans suite. Cela nécessiterait aussi des ressources supplémentaires très importantes pour le bureau de communication, voire une restructuration complète de ce dernier. Ce modèle entraînerait en outre, lui aussi, une déresponsabilisation des intermédiaires financiers et une nette baisse de la qualité des communications de ces derniers. Au final, l'efficacité du système ne serait pas améliorée.

C'est pourquoi le Conseil fédéral a renoncé à unifier le seuil de soupçon en l'abaissant au soupçon simple.

54

L'interdiction du tipping off (interdiction de divulguer au client le fait qu'une communication de soupçons a été effectuée) est prévue expressément dans les normes du GAFI (cf. la recommandation 21, let. b).

629

1.3.8

Sanctions financières ciblées liées au terrorisme et au financement du terrorisme

Du fait de l'instauration d'une obligation légale pour les intermédiaires financiers de remplir les obligations de clarification faisant suite à une information émanant des autorités de surveillance et d'effectuer une communication de soupçons au sujet d'une personne mentionnée sur une liste comme étant impliquée dans une relation d'affaires ou une transaction, la pratique actuelle se trouve formalisée, ce qui en améliore la conformité avec la recommandation du GAFI. Cela crée du même coup une sécurité du droit pour les autorités de surveillance et les intermédiaires financiers.

La solution proposée est conforme à la pratique actuelle et n'entraînera donc aucun surcroît de charges notable pour les intermédiaires financiers. Quant aux clarifications à mener et aux communications de soupçons à faire en rapport avec des valeurs patrimoniales d'origine criminelle, les intermédiaires financiers puisent d'ores et déjà aux sources publiques disponibles, sans compter qu'ils travaillent tous aujourd'hui avec les banques de données d'agences telles que Worldcheck, Factiva, Reuters ou Lexis Nexis, qui contiennent des informations sur les personnes et organisations inscrites sur une liste par des Etats étrangers, informations qu'ils recoupent régulièrement avec leurs propres bases de données clients.

Le bureau de communication conserve par ailleurs la possibilité de classer ou de ne pas transmettre au Ministère public de la Confédération des communications qui s'appuient sur une liste nominative étrangère, par exemple lorsqu'elles sont insuffisamment motivées ou lorsqu'il y a méprise avérée sur le nom (dites false positives).

De plus, en raison de la modification proposée pour le système de communication de soupçons, le blocage légal des avoirs n'intervient que lorsque le bureau de communication a transmis une communication au Ministère public ou quand se produit le cas décrit à l'art. 9a, al. 3, P-LBA. Ainsi, le client peut continuer de payer ses primes d'assurance, ses impôts, ses loyers ou les biens et services d'usage quotidien. Enfin, la poursuite d'un blocage éventuel est couplée à la vérification matérielle des faits reprochés dans le cadre d'une procédure pénale formelle qui ménage des droits de défense et de participation aux personnes concernées.

C'est à dessein que le Conseil fédéral renonce à
une base légale qui lui permettrait de désigner de manière autonome des terroristes et des organisations terroristes et d'établir des listes suisses de ces personnes ou organisations. Une base légale devrait définir des critères valables à cet égard mais aussi pour engager une procédure de désignation qui puisse également être déclenchée sur la base de listes étrangères, fixer les mesures à prendre (blocage, saisie, confiscation des avoirs, dispositions dérogatoires) ainsi que la procédure de radiation (delisting), les dispositions pénales et les moyens de droit. De l'avis du Conseil fédéral, il est quasiment impossible de définir des critères objectifs permettant de déterminer qui, en Suisse, doit être désigné comme terroriste ou organisation terroriste. Au reste, ces critères devraient être compatibles avec le droit pénal suisse. Sur ce point, le législateur s'est abstenu à ce jour de définir un élément constitutif d'infraction spécifique au terrorisme ou à une organisation terroriste. La question pourra être réexaminée dans le cadre de la mise en oeuvre de la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme du 16 mai 2005, que la Suisse a ratifiée le 11 septembre 2012. Le Conseil fédéral serait ainsi exposé à de possibles pressions en matière de politique étrangère, qui 630

l'obligeraient à établir des listes de terroristes ou à reprendre celles d'autres Etats, sans être lui-même sous le coup de menaces directes émanant de personnes ou organisations figurant sur ces listes. Par le passé, la Turquie a ainsi exigé à plusieurs reprises l'interdiction du PKK en Suisse. Le PKK est considéré en Turquie et dans d'autres pays comme une organisation terroriste. De surcroît, l'adoption de listes étrangères serait contraire au principe d'une politique extérieure indépendante et compromettrait la politique suisse des bons offices. Enfin, pour pouvoir identifier des terroristes et vérifier en toute indépendance des listes étrangères de terroristes, il faudrait mobiliser des ressources considérables au sein de l'administration et des tribunaux.

1.4

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

Bien que les recommandations du GAFI n'aient pas la même valeur juridique contraignante qu'une convention internationale ratifiée par un Etat, tout Etat qui les approuve prend l'engagement politique de les mettre en oeuvre dans son ordre juridique. A cet égard, le GAFI reconnaît que les Etats sont dotés de systèmes juridiques et financiers divers, et qu'en conséquence, tous ne peuvent pas prendre des mesures identiques afin de réaliser l'objectif commun. Les recommandations établissent par conséquent des normes minimales qui requièrent l'adoption par les pays de mesures de mise en oeuvre précises, en fonction de leurs circonstances particulières et de leurs cadres constitutionnels. Les recommandations du GAFI ont également été mises en oeuvre par des Etats non membres et ont été reconnues par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale comme les normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

La Suisse a, comme les autres Etats membres du GAFI, approuvé les recommandations révisées. Elle est par conséquent tenue de les mettre en oeuvre en droit interne afin de respecter ses obligations internationales. Cette mise en oeuvre devrait être atteinte par l'intermédiaire de ce projet. Le GAFI évaluera la conformité de la législation suisse avec ses recommandations dans le cadre de l'examen correspondant.

L'administration fédérale suit l'évolution de la législation européenne en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (cf. le ch. 1.4.3) dont elle a tenu compte lors de la préparation du présent projet. En outre, certains sujets ont été soumis à une étude approfondie. Ainsi, la problématique des actions au porteur a fait l'objet d'une étude comparative confiée à l'Institut suisse de droit comparé (ISDC) (cf. le ch. 1.4.1) et dont les résultats ont été pris en compte dans l'élaboration du présent projet. L'ISDC a également été chargé de réaliser une étude de droit comparé portant sur la mise en oeuvre de l'infraction préalable en matière fiscale (cf. le ch. 1.4.2). Enfin, le Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales (SFI) a effectué des recherches sur la mise en oeuvre de la norme du GAFI relative aux sanctions financières ciblées liées au terrorisme et au financement du terrorisme (cf. le ch. 1.4.4).

631

1.4.1

Transparence des personnes morales et actions au porteur

L'Office fédéral de la justice a chargé l'ISDC de présenter un rapport sur l'admissibilité et la diffusion d'actions au porteur. L'étude de droit comparé effectuée par l'ISDC est disponible sous forme électronique sur le site Internet du SFI55.

Les conclusions du rapport d'expertise du 21 mai 2012 sont présentées ci-après.

1.4.1.1

Existence d'actions au porteur

Sauf au Japon et au Canada (Québec), on trouve des actions au porteur dans tous les pays passés en revue lors de l'étude (Iles Vierges britanniques, Danemark, Allemagne, France, Royaume-Uni, Hong Kong, Iles Caïmans, Liechtenstein, Luxembourg, Pays-Bas, Autriche, Panama, Espagne et Afrique du Sud). Au Japon, l'action au porteur a été abolie en 1990 à la faveur de la réforme de la loi sur le commerce. Sur la base des informations disponibles, on peut conclure qu'il ne reste plus aucune action au porteur émise avant cette réforme. Au Canada (Québec), l'émission d'actions au porteur est désormais interdite par la Loi sur les sociétés par actions du Québec. Bien que cette modification législative n'ait aucune incidence sur les actions au porteur existantes, les recherches de l'ISDC n'ont pas permis de démontrer que des actions au porteur circulent à ce jour. En Italie, pour des raisons fiscales, l'émission d'actions au porteur est limitée aux azioni di risparmio et aux actions d'une società di intermediazione finanziaria a capitale variabile qui sont soumises à certaines restrictions par rapport aux actions au porteur usuelles.

Pour les pays où l'action au porteur existe encore, il convient de tenir compte de certaines particularités. Ainsi, on trouve une exception au Danemark en ce sens que les private limited companies, c'est-à-dire les sociétés à responsabilité limitée, ne peuvent émettre d'actions au porteur. Les Pays-Bas connaissent une réglementation semblable: seules les naamloze vennootschappen (sociétés anonymes) peuvent émettre des actions au porteur. Des prescriptions semblables ont cours dans les Iles Vierges britanniques (companies limited by shares) et à Hong Kong (public companies limited by shares). En Autriche, suite à une réforme du droit de la société anonyme en 2011, seules les actions nominatives sont autorisées pour les sociétés non cotées en bourse. En Afrique du Sud, enfin, plus aucune action au porteur ne peut être émise depuis le 1er mai 2011, mais les actions au porteur existantes subsistent.

1.4.1.2

Mesures visant à améliorer la transparence

Suppression de l'action au porteur Au-delà des exceptions citées au ch. 1.4.1.1, il n'existe pas d'autres intentions de supprimer l'action au porteur, sauf dans un cas: un projet de loi a été déposé à Hong Kong, qui prévoit la suppression de l'action au porteur et qui devrait entrer en vigueur en 2013 ou 2014. La suppression de ce type d'actions est également en discussion au Panama.

55

632

www.sif.admin.ch > Documentation > Rapports > Lutte contre la criminalité financière

Immobilisation des actions au porteur Les recherches de l'ISDC montrent que l'immobilisation d'actions au porteur sous la forme d'un dépôt est prévue en Autriche, au Panama, aux Iles Vierges britanniques et aux Iles Caïmans. Le dépôt se fait auprès de banques dépositaires dites custodians (Iles Vierges britanniques et Iles Caïmans). En Italie, les actions au porteur sont administrées par la banque du détenteur dans le dossier titoli de ce dernier.

L'Allemagne et le Liechtenstein envisagent d'introduire une obligation de dépôt. La législation luxembourgeoise ne prescrit pas de dépôt, mais ce dernier est possible dans la pratique tout en n'ayant aucune incidence sur la transmissibilité des actions.

Obligations d'annoncer des actionnaires Pour ce qui est des obligations d'annoncer, il convient de distinguer entre d'une part l'obligation des détenteurs d'actions au porteur de se faire inscrire dans un registre des actions, et d'autre part les obligations d'annoncer en cas de dépassement de certaines valeurs seuils.

L'obligation d'enregistrement des actions au porteur n'existe dans aucun des pays étudiés. Toutefois, le Danemark envisage d'introduire une obligation d'enregistrement pour les détenteurs d'actions au porteur d'une société non cotée en bourse. La chambre basse des Pays-Bas prône également une obligation similaire. A Hong Kong, les statuts de la société peuvent prévoir une inscription des noms des détenteurs d'actions au porteur dans un registre des actionnaires. En Autriche, une inscription dans le registre de la société est requise lorsque toutes les parts à la société appartiennent soit à un seul actionnaire, soit à un actionnaire unique aux côtés de la société elle-même. Au Japon, les détenteurs d'actions (nominatives) doivent se faire inscrire dans un registre des actionnaires tenu au siège principal de la société.

En revanche, dans la plupart des pays étudiés, on trouve des obligations d'annoncer lorsque l'on dépasse, ou n'atteint pas, certaines valeurs seuils. Dans les Etats membres de l'UE (Allemagne, Danemark, Royaume-Uni, France, Luxembourg, PaysBas, Autriche et Espagne, à l'exception de l'Italie), ces obligations résultent de la mise en oeuvre de la directive 2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2004 sur l'harmonisation des obligations de transparence
concernant l'information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2001/34/CE56. On déroge toutefois fréquemment aux valeurs seuils qui y sont fixées: 5, 10, 15, 20, 25, 30, 50 et 75 %. En Italie, les prescriptions de la directive relative aux actions au porteur ne trouvent pas d'application, vraisemblablement en raison des formes particulières de l'action au porteur qui ne confère pas de droit de vote à son détenteur.

Le Liechtenstein connaît des obligations d'annoncer comparables en vertu de la loi sur la publicité imposée aux sociétés cotées en bourse. L'Afrique du Sud s'est dotée d'un régime semblable. On trouve au Japon également une réglementation similaire pour les actions des sociétés cotées en bourse, qui doivent faire l'objet d'une annonce à l'autorité de surveillance des marchés financiers dès lors qu'une participation dépasse la valeur seuil de 5 % puis ultérieurement pour chaque augmentation supérieure à 1 %.

56

www.eur-lex.europa.eu > FR> Recherche simple par numéro Celex > 32004L0109

633

Autres mesures visant à améliorer la transparence La dématérialisation des actions au porteur constitue une autre mesure visant à améliorer la transparence. La portée de la dématérialisation varie d'un pays à l'autre: en France, elle est obligatoire pour les actions, et en Afrique du Sud, les actions au porteur ne peuvent être vendues que si elles sont dématérialisées. En Espagne, la dématérialisation est une condition impérative du négoce sur le marché secondaire.

En Italie, toutes les formes d'actions sont dématérialisées. Aux Pays-Bas, la dématérialisation était assortie d'un délai au 1er janvier 2013. Le Panama prévoit également la dématérialisation des actions au porteur. Au Luxembourg, un projet de loi devrait permettre l'émission d'actions dématérialisées, mais il y existe déjà une dématérialisation de facto. Au Japon, enfin, les actions de toutes les sociétés cotées en bourse ont été dématérialisées suite à la suppression des actions au porteur.

1.4.1.3

Données statistiques sur les sociétés émettant des actions au porteur

En Suisse, quelque 195 000 sociétés anonymes sont inscrites au registre du commerce, et 50 000 d'entre elles ont émis des actions au porteur. De grandes différences sont constatées d'un canton à l'autre quant à la prépondérance de cette forme d'actions.

Les raisons de recourir à des actions au porteur sont multiples. Ces actions peuvent être transmises de façon simple, c'est-à-dire sans endossement. De plus, leur transmissibilité ne peut être restreinte, ce qui constitue une certitude pour l'acquéreur sur le marché secondaire. L'action au porteur confère également l'anonymat à l'actionnaire vis-à-vis de la société. Enfin, grâce à la mise en gage, les actions au porteur se prêtent bien à la garantie de crédit.

Seules l'Allemagne et l'Autriche disposent de données statistiques sur le nombre de sociétés recourant aux actions au porteur. Dans le cadre d'un sondage non officiel réalisé en 2011, on a constaté qu'un tiers au moins de toutes les sociétés anonymes existant en Allemagne en possèdent (soit 5700 sociétés au moins). En Autriche, 1650 sociétés anonymes non cotées en bourse et sociétés européennes (SE) disposent exclusivement ou partiellement d'actions au porteur. Les Pays-Bas ont chiffré le nombre total d'actions au porteur existantes, mais ces données incluent seulement les actions au porteur non dématérialisées. Des 1 530 741 actions au porteur dénombrées en 2008, il n'en subsistait plus que 486 259 en mai 2009, ce que l'on impute à la dématérialisation des actions.

A Hong Kong, selon les indications fournies par le registre des sociétés et la bourse, il semble qu'il n'existe pas d'actions au porteur malgré la possibilité d'en émettre.

En ce qui concerne les Iles Vierges britanniques et le Royaume-Uni, les recherches de l'ISDC permettent de conclure que les actions au porteur y sont rares.

634

1.4.2

Infractions préalables en matière fiscale

L'étude de droit comparé effectuée par l'ISDC est disponible sous forme électronique sur le site Internet du SFI57. Elle porte sur les principales places financières voisines ou concurrentes de la place financière suisse, en l'occurrence l'Allemagne, l'Autriche, la France, l'Italie, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Japon ainsi que Singapour. L'étude date du 3 avril 2013 et ne tient par conséquent pas compte des développements intervenus depuis lors.

Cette étude analyse tout d'abord de manière générale quelles infractions peuvent être considérées comme des infractions préalables au blanchiment d'argent et notamment la question de savoir si, et comment, les infractions fiscales sont reconnues comme telles dans ce contexte. Elle s'attache ensuite à examiner les obligations de communiquer qui incombent aux intermédiaires financiers, les indicateurs permettant de concrétiser ces obligations en présence d'infractions fiscales ainsi que les questions liées à la poursuite pénale de ces dernières.

L'étude aboutit aux conclusions suivantes58: «Il ressort de nos analyses que les droits japonais et luxembourgeois ne reconnaissent pas les infractions fiscales comme des infractions préalables à un blanchiment punissable. Aux Etats-Unis, les infractions fiscales peuvent certes donner lieu à des poursuites pénales pour blanchiment, sans toutefois constituer en soi des infractions préalables au blanchiment.

Dans les autres pays examinés, la possibilité de blanchiment avec infraction fiscale comme acte préalable existe. En Belgique, en Italie et au Royaume-Uni, toutes les infractions peuvent en principe être qualifiées d'infractions préalables; en Allemagne, en Autriche, en France et aux Pays-Bas règnent d'autres conditions, en général une menace de peine minimale ou l'inscription sur une liste normalisée d'infractions préalables qualifiables comme telles. A Singapour, seules quelques infractions fiscales sont qualifiées d'infractions préalables (contrebande, certains actes improbables de criminalité fiscale organisée). Une modification de la loi permettra cependant d'admettre en juillet 2013 d'autres infractions fiscales sur la liste des infractions préalables au blanchiment d'argent.

Parmi les pays étudiés, la Belgique, la France et les Pays-Bas suivent une approche
consistant à consigner dans la loi les indices dont la présence doit amener les collaborateurs de prestataires financiers à soupçonner une infraction de blanchiment potentielle. En France, en Italie, en Allemagne, au Royaume-Uni et à Singapour, il existe à titre de recommandations, donc en deçà de la loi, des listes de tels indices.

L'Autriche, le Luxembourg et le Japon ne connaissent pas de telles listes de critères.» A Singapour, plusieurs modifications législatives sont entrées en vigueur le 1er juillet 2013. Depuis, la soustraction d'impôt (tax evasion) et la soustraction d'impôt frauduleuse grave (serious fraudulent tax evasion), commises intentionnellement, constituent des infractions préalables au blanchiment d'argent dans la fiscalité directe. S'agissant des impôts indirects, les nouvelles infractions préalables sont la soustraction d'impôt et l'obtention injustifiée de remboursement (improperly obtaining refunds), commises intentionnellement. La législation de Singapour va par conséquent beaucoup plus loin que le présent projet, puisqu'elle considère déjà la soustraction d'impôt intentionnelle comme une infraction préalable au blanchiment 57 58

www.sif.admin.ch > Documentation > Rapports >Lutte contre la criminalité financière Traduction (la langue originale du résumé de l'étude réalisée par l'ISDC est l'allemand).

635

d'argent. Il en va de même en Afrique du Sud, en Belgique, au Brésil, au Canada, en Finlande, en France, à Hong Kong, en Irlande, au Mexique, en Norvège, aux PaysBas, au Portugal, au Royaume-Uni et en Suède, selon les informations ­ non vérifiées ­ communiquées par ces pays au GAFI. Toutefois, dans certains pays, l'obligation des intermédiaires financiers de communiquer les soupçons à la cellule de renseignements financiers compétente est limitée aux cas graves, afin notamment d'éviter une avalanche de communications de soupçons.

1.4.3

Rapports avec le droit européen

Au niveau de l'UE, les règles se fondent, dans une large mesure, sur les normes internationales adoptées par le GAFI. Suite à la révision des normes du GAFI, la 3e directive européenne antiblanchiment doit également être adaptée. La Commission européenne a publié le 5 février 2013 sa proposition de modification59. Les dirigeants européens ont appelé à adopter la révision de la 3e directive européenne d'ici à fin 201360. Ce texte traite dans une large mesure les sujets faisant l'objet du présent projet, notamment en ce qui concerne les obligations de diligence, la transparence des personnes morales, les PPE et le système de communication de soupçons. Il mentionne désormais expressément les infractions fiscales pénales liées aux impôts directs et indirects dans la liste des infractions préalables, sans toutefois fournir de définition plus précise. Plusieurs Etats membres de l'UE ont déjà transposé cette nouvelle catégorie d'infraction préalable. Comme la directive n'assure qu'une harmonisation minimale, ce cadre doit être complété par des règles arrêtées au niveau national.

L'administration fédérale observera de près l'évolution de ces projets législatifs dans les mois à venir.

1.4.4

Sanctions financières ciblées liées au terrorisme et au financement du terrorisme

Si l'Italie et les Pays-Bas disposent à l'échelle nationale de procédures de désignation légales, ils n'y ont jusqu'à présent jamais recouru pour établir des listes nationales et décider des gels de fonds en application de la résolution 1373 du Conseil de sécurité de l'ONU. La plupart des autres Etats membres de l'UE ne connaissent pas de mécanismes de désignation nationaux et sont tenus de mettre en oeuvre un règlement communautaire qui leur est directement applicable61. Ce dernier n'est que partiellement conforme à la norme du GAFI. La Finlande a instauré des dispositions qui complètent celles du règlement de l'UE, mais sans que les nouvelles mesures n'aient influé sur la notation de cette année (conformité partielle). Dans leur grande

59 60 61

636

www.eur-lex.europa.eu > FR > Recherche simple par numéro CELEX > 52013PC0045 Cf. les conclusions du Conseil européen du 22 mai 2013: www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/137218.pdf Règlement (CE) no 2580/2001 du Conseil du 27 décembre 2001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme; www.eur-lex.europa.eu > FR > Recherche simple par numéro CELEX > 32001R2580.

majorité, les Etats membres de l'ONU n'ont mis en oeuvre que de façon insuffisante les dispositions de la résolution 1373 et du GAFI.

Les Etats-Unis sont quasiment le seul pays à dresser des listes nationales de terroristes en application de la résolution 1373 et à demander à d'autres pays de les reprendre et de geler les avoirs des personnes et organisations qui y figurent. Le Canada et la Grande-Bretagne à l'échelle nationale, de même que l'UE sur tout son territoire, ont eux aussi désigné des terroristes et des organisations terroristes et ordonné le blocage de leurs avoirs, mais ils n'ont encore jamais demandé à la Suisse de reprendre leurs listes.

1.5

Mise en oeuvre

L'OBA-FINMA, l'OBA CFMJ et l'OBCBA devront être adaptées suite, notamment, à la modification de la LBA.

1.6

Classement d'interventions parlementaires

Les dispositions proposées concernant les paiements lors d'opérations de vente (cf. le nouveau chapitre 1a de la LBA) concrétisent les demandes formulées dans le postulat 10.4061 de Birgit Wyss, «Révision de la loi sur le blanchiment d'argent», sous la forme annoncée par le Conseil fédéral dans l'avis qu'il a rendu à ce propos à l'époque et dans sa proposition d'accepter le postulat. Cette intervention peut donc être classée.

2

Commentaire des dispositions

2.1

Code civil

Art. 52, al. 2, et titre final, art. 6b, al. 2bis Le droit actuel n'oblige pas les fondations ecclésiastiques et les fondations de famille à s'inscrire au registre du commerce. Afin d'instaurer davantage de transparence dans le domaine des fondations, le projet prévoit désormais une telle obligation.

Un délai d'adaptation de deux ans est prévu pour se conformer à cette nouvelle obligation. D'après la disposition citée, les fondations non inscrites au registre du commerce alors qu'elles sont nouvellement tenues de le faire ne perdraient pas leur personnalité juridique à l'entrée en vigueur de la loi révisée, mais elles devraient procéder à cette inscription dans un délai de deux ans. Si elles ne le font pas, elles ne seront plus considérées comme des personnes morales à l'expiration de ce délai.

637

2.2

Code des obligations

Art. 627, ch. 7 Il n'est plus nécessaire que les statuts prévoient expressément la faculté de convertir des actions nominatives en actions au porteur (l'art. 627, ch. 7, CO est abrogé).

Art. 686, al. 1, 2e phrase, et al. 5 L'actuel al. 1 est complété par l'obligation de tenir le registre des actions de manière à ce qu'il soit possible d'y accéder en tout temps en Suisse. Cette précision tient compte de la note interprétative de la recommandation 24 du GAFI, selon laquelle le registre des actions doit être disponible dans le pays, afin de garantir que les autorités compétentes puissent avoir accès à l'information du registre des actionnaires en temps opportun.

De plus, le nouvel al. 5 prévoit que les documents sur lesquels se fonde l'inscription au registre des actions devront être conservés pendant au moins dix ans à compter de la radiation de l'actionnaire du registre. Il convient de préciser que les pièces justificatives peuvent également être numérisées.

Art. 697i

Obligation d'annoncer de l'actionnaire; Annonce de l'acquisition d'actions au porteur

La note interprétative de la recommandation 24 du GAFI, ch. 14, énumère plusieurs mécanismes visant à prévenir l'utilisation abusive des actions au porteur.

L'approche choisie dans le nouvel art. 697i P-CO est celle de l'obligation d'annoncer. Selon cet article, les actionnaires existants ou les personnes qui acquièrent des actions auront l'obligation d'annoncer l'achat d'actions au porteur à la société (al. 1). Soulignons que cette obligation s'appliquera pour tout achat de titres au porteur et non uniquement à partir d'un certain niveau de participation (cf. le ch. 1.2.1.2; 1). En même temps, ces personnes devront indiquer leur prénom et leur nom (pour les personnes morales: leur raison sociale) ainsi que leur adresse.

Le projet prévoit cependant une exception à l'obligation d'annoncer du détenteur d'actions au porteur: celle-ci ne s'applique pas lorsque les actions de la société sont cotées en bourse. Dans ce cas, la transparence est déjà assurée en vertu de l'obligation de déclarer certaines participations (à partir de 3 % des droits de vote) prévue à l'art. 663c CO et à l'art. 20 LBVM.

Selon l'al. 2, l'actionnaire doit également établir qu'il détient effectivement les actions. Il pourra le faire soit en produisant les actions originales, soit en fournissant une copie de ces dernières. Si plusieurs personnes prétendent détenir simultanément les mêmes actions, l'attestation de la détention ne pourra être apportée que moyennant la production des titres originaux.

Lorsqu'il apportera l'attestation qu'il est bien le détenteur des actions au porteur, l'actionnaire devra s'identifier auprès de la société. Dans le cas d'une personne physique, l'identification devra avoir lieu sur la base de l'original ou de la copie d'un document de légitimation officiel (passeport, carte d'identité ou permis de conduire). Pour les personnes morales, le projet distingue deux cas de figure: s'il s'agit d'une société suisse, il y aura lieu de présenter un extrait du registre du commerce, alors que dans le cas d'une société étrangère, l'identification devra se fonder 638

sur un extrait actuel authentique du registre du commerce étranger ou, à défaut, sur un document équivalent. Un tel document devra être présenté lorsque l'Etat de domicile de la société ne dispose pas d'un registre comparable au registre suisse du commerce. Il pourra consister en un registre de société, un acte de fondation ou des statuts authentiques, dont l'équivalence devra être déterminée en fonction des caractéristiques du droit national concerné. Le régime d'identification des détenteurs d'actions au porteur diffère de celui prévu pour les actions nominatives. Cela s'explique par le fait que dans le régime applicable aux actions nominatives, les mécanismes de transfert d'actions impliquent déjà un certain nombre de conditions de transparence à l'exercice des droits (endossement de l'action, approbation de la société lorsque les actions sont liées, inscription dans le registre des actions basée sur un pièce établissant l'acquisition).

Pour que la liste des détenteurs d'actions au porteur soit toujours à jour, l'al. 3 oblige ces derniers à communiquer également à la société toute modification de leur prénom et de leur nom ou le cas échéant de leur raison sociale, ainsi que de leur adresse mentionnés à l'al. 1.

Les actions au porteur émises sous forme de titres intermédiés ne donnent lieu à aucune obligation d'annoncer au sens de l'art. 697i P-CO (al. 4). L'identification des actionnaires se fait par l'intermédiaire des dépositaires visés par la LTI. Il appartient toutefois à la société de désigner un dépositaire en Suisse, auprès duquel les actions seront déposées ou les droits-valeurs inscrits au registre principal.

Art. 697j

Annonce de l'ayant droit économique des actions

Selon la note interprétative de la recommandation 24 du GAFI, ch. 15, des mesures doivent être prises pour prévenir l'utilisation abusive d'actions inscrites au nom de prête-noms (nominee shareholders)62.

L'al. 1 impose donc à tous les détenteurs d'actions, aussi bien nominatives qu'au porteur, une obligation d'annoncer: si leur participation atteint ou franchit le seuil de 25 % du capital-actions ou des voix, ils seront tenus d'annoncer le nom de la personne physique pour le compte de laquelle ils agissent en dernier lieu, c'est-à-dire la personne qui est l'ayant droit économique des actions. Cette personne peut être l'actionnaire lui-même ou un tiers. L'actionnaire devra annoncer ­ au mieux de ses connaissances ­ qui est la personne qui est au bout de la chaîne de contrôle. Par exemple, si l'actionnaire agit pour le compte d'une personne morale, il devra s'informer auprès de la personne morale sur l'identité de l'ayant droit économique de cette personne morale et ainsi de suite. La coopération de la personne morale est donc une condition de l'annonce de l'ayant droit économique. En cas de refus de la personne morale de fournir cette information, l'actionnaire s'exposera aux sanctions liées à la violation de l'obligation d'annoncer s'il procède à une annonce sans être en possession de ladite information. S'il n'y a pas d'ayant droit économique (par ex.

lorsqu'il s'agit d'une organisation d'utilité publique), l'actionnaire devra annoncer ce fait à la société. Le contrôle de sociétés non cotées en bourse présuppose, au sens des normes du GAFI, une participation qualifiée, si bien que le seuil de 25 % paraît approprié. Il semble également judicieux, s'agissant de la présente obligation d'annoncer selon le droit de la société anonyme, de fixer la valeur seuil de la partici62

Cf. aussi les ch. 7 à 10 de cette note interprétative, relatifs à l'information sur les ayants droit économiques.

639

pation donnant le contrôle au même niveau que dans la nouvelle définition de l'ayant droit économique de personnes morales au sens de l'art. 2a, al. 3, P-LBA. Le seuil de 25 % se fonde en outre sur la 3e directive européenne antiblanchiment, qui attribue la qualité d'ayant droit économique d'une personne morale à partir d'une participation de 25 %63.

L'information sur ces personnes constitue la source d'information principale en vue de l'identification de l'ayant droit économique de la personne morale au sens de l'art. 2a, al. 3, P-LBA.

Le projet prévoit cependant une exception à l'obligation des actionnaires d'annoncer l'ayant droit économique: celle-ci ne s'applique pas lorsque les actions de la société sont cotées en bourse. Dans ce cas, la transparence est déjà assurée en vertu de l'obligation de déclarer certaines participations (à partir de 3 % des droits de vote) prévue à l'art. 663c CO et à l'art. 20 LBVM. Ce dernier est en outre précisé par l'art. 9 de l'ordonnance du 25 octobre 2008 de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (OBVM-FINMA)64. Selon cet article, l'obligation de déclarer incombe aux ayants droit économiques qui acquièrent ou aliènent, directement ou indirectement, des titres de participation et dont la participation, dès lors, atteint, dépasse ou descend sous les seuils de l'art. 20, al. 1, LBVM.

Enfin, l'al. 2 dispose que les actionnaires sont tenus de communiquer toute modification du prénom, du nom ou de l'adresse de l'ayant droit économique des actions mentionnés à l'al. 1. Cette obligation garantit que la liste est constamment à jour.

Comme pour l'obligation d'annoncer de l'art. 697i P-CO, les actions au porteur émises sous forme de titres intermédiés ne donnent lieu à aucune obligation d'annoncer au sens de l'art. 697j P-CO (al. 3). L'identification des actionnaires se fait par l'intermédiaire des dépositaires visés par la LTI. Il appartient toutefois à la société de désigner un dépositaire en Suisse, auprès duquel les actions seront déposées ou les droits-valeurs inscrits au registre principal.

Art. 697k

Annonce auprès d'un intermédiaire financier et obligation de renseigner incombant à ce dernier

Selon l'al. 1, l'assemblée générale peut décider que les actionnaires effectuent leur annonce concernant les actions au porteur au sens de l'art. 697i, al. 1, et l'art. 697j, al. 1, non pas à la société, mais à un intermédiaire financier soumis à la LBA. Cette compétence de l'assemblée générale peut être déléguée au conseil d'administration dans les statuts. L'intermédiaire financier est alors chargé de tenir la liste selon l'art. 697l P-CO en lieu et place de la société. Cela permet à la société, au besoin, de garantir l'anonymat de l'actionnaire caractéristique des titres au porteur et de respecter ainsi le caractère impersonnel de la participation des détenteurs d'actions au porteur prévu par le droit de la société anonyme, cette participation étant par essence liée au capital, c'est-à-dire axée sur la participation financière et non sur la personne de l'actionnaire65. C'est d'ailleurs ce qui distingue les détenteurs d'actions au por63 64 65

640

La proposition de la Commission européenne de révision de cette directive confirme ce choix.

RS 954.193 Meier-Hayoz/Forstmoser, Schweizerisches Gesellschaftsrecht, 10e éd., Berne 2007, § 16 N 139.

teur des détenteurs d'actions nominatives: ces derniers doivent impérativement être inscrits au registre des actions pour pouvoir exercer leurs droits sociaux (art. 689a CO), alors que les détenteurs d'actions au porteur peuvent faire valoir ces droits en vertu de la seule possession des actions. La délégation de l'annonce à un intermédiaire financier est seulement prévue pour les actions au porteur. En effet, l'application de l'art. 697k P-CO (obligation d'annoncer au sens de l'art. 697j P-CO) aux actions nominatives contredirait l'actuel art. 685b CO, qui prévoit que la société peut refuser l'inscription au registre des actions si l'acquéreur n'a pas expressément déclaré qu'il reprenait les actions en son propre nom et pour son propre compte. Par ailleurs, une telle extension aux actions nominatives impliquerait que l'information sur l'actionnaire et celle sur l'ayant droit économique ne seraient pas disponibles au même endroit. L'art. 697k P-CO vise donc à maintenir l'anonymat des actionnaires au porteur, tout en répondant aux nouvelles exigences de transparence. La mesure dans laquelle cet anonymat est respecté vis-à-vis de la société dépend des rapports juridiques liant cette dernière à l'intermédiaire financier mandaté, lequel est tenu au minimum par l'obligation de renseigner selon l'al. 3. L'étendue de cette obligation de renseigner dépend principalement de la convention de délégation et des motifs de la délégation selon l'art. 697k P-CO (garantie de l'anonymat vis-à-vis de la société ou réduction des coûts). Dans tous les cas, l'intermédiaire financier est tenu de renseigner la société à tout moment sur les actions au porteur pour lesquelles une annonce selon l'art. 697i et éventuellement l'art. 697j a été effectuée, ainsi que sur les actions nominatives ayant fait l'objet d'une annonce selon l'art. 697j. Si la délégation vise à garantir l'anonymat des actionnaires, l'intermédiaire financier ne communique pas l'identité des détenteurs des actions au porteur, mais se contente d'indiquer pour quelles actions spécifiques (par ex. les actions au porteur 1 à 297) une annonce a eu lieu, avec identification du détenteur, et pour lesquelles cela n'a pas été le cas. Ces informations suffisent pour que la société sache pour quelles actions au porteur les détenteurs concernés sont autorisés à exercer
leurs droits sociaux et patrimoniaux ou, le cas échéant, à en déléguer l'exercice à l'intermédiaire financier. Si la société souhaite garantir l'anonymat, l'intermédiaire financier peut délivrer à l'actionnaire une attestation confirmant que celui-ci a rempli son obligation d'annoncer, avec l'indication précise des actions concernées. La société pourrait en outre convenir avec l'intermédiaire financier que l'attestation ne soit délivrée qu'en vue de l'exercice de droits déterminés (pas d'attestation «en blanc»), par exemple une attestation limitée à l'exercice du droit de vote lors de la prochaine assemblée générale.

Par analogie avec l'annonce à la société, l'actionnaire devra, selon l'al. 1, établir qu'il détient effectivement les actions au porteur concernées et, par la même occasion, s'identifier. Les modalités sont les mêmes que celles prévues à l'art. 697i, al. 2, P-CO. Le détenteur des actions au porteur est également tenu, par analogie avec l'art. 697i, al. 3, P-CO, de communiquer à l'intermédiaire financier toute modification de son prénom et de son nom ou le cas échéant de sa raison sociale mentionnés à l'al. 1, ainsi que de son adresse. Les obligations de l'art. 697j s'appliquent également par analogie lorsque l'annonce est effectuée auprès d'un intermédiaire financier.

Selon l'al. 2, le conseil d'administration désigne l'intermédiaire financier visé à l'al. 1 et communique son identité aux actionnaires. La forme de cette communication est régie par les dispositions statutaires en vertu de l'art. 626, ch. 7, CO.

641

La délégation prévue par l'art. 697k P-CO permet de confier la tenue de la liste à des établissements qui fournissent déjà des services similaires. En mettant en place un système d'annonce conforme à l'art. 697k P-CO, ces établissements pourraient développer leur offre de prestations et optimiser ainsi l'exploitation de l'infrastructure et du savoir-faire dont ils disposent déjà. De plus, la délégation devrait permettre à la société ­ en fonction de sa taille, de sa structure et de son organisation ­ d'économiser des coûts.

Art. 697l

Liste

L'al. 1 prévoit que le conseil d'administration doit tenir une liste des détenteurs d'actions au porteur annoncés ainsi que des ayants droit économiques d'actions nominatives ou au porteur. Si la société a désigné un intermédiaire financier selon l'art. 697k, c'est à ce dernier qu'il incombe de tenir la liste et de conserver les documents en Suisse (al. 4). Il s'agit d'une tenue de registre de type administratif. Tout comme le registre des actions selon le droit actuel, la liste des actionnaires soumis à l'obligation d'annoncer n'est pas publique (ni pour les actionnaires, ni pour les tiers). Le droit d'accès des actionnaires et des ayants droit économiques aux données et informations de la liste qui les concernent est le même que pour le registre des actions nominatives.

Selon l'al. 2, la liste doit contenir le prénom et le nom ou le cas échéant la raison sociale ainsi que l'adresse des détenteurs d'actions au porteur et des ayants droit économiques annoncés. Le caractère d'actualité de l'adresse dépend de la bonne volonté de l'actionnaire, car cette information n'est en principe pas contenue dans la pièce de légitimation (passeport, carte d'identité, permis de conduire). La société ne doit donc pas vérifier cette information. Toutefois, les sanctions pénales prévues à l'art. 327 P-CP visent à assurer que les modifications de l'adresse de l'actionnaire et de l'ayant droit économique des actions sont annoncées à la société, et que l'information est ainsi à jour et exacte. La liste doit aussi mentionner la nationalité et la date de naissance des détenteurs d'actions (lorsque ces derniers sont des personnes physiques) figurant sur la pièce de légitimation présentée par l'actionnaire au sens de l'art. 697i, al. 2, P-CO. Cela permet encore d'améliorer l'exactitude de l'identification de la personne. Une annonce particulière concernant ces données n'est pas nécessaire car elles découlent des documents d'identification mentionnés à l'art. 697i, al. 2, P-CO. Ces mêmes informations sont également nécessaires à un intermédiaire financier pour l'établissement d'une relation d'affaires en vertu des exigences de la LBA.

La liste des actionnaires soumis à l'obligation d'annoncer n'est constitutive d'aucun droit sur la société. L'exercice des droits sociaux des actionnaires est réglé à l'art. 689a CO, avec
pour éventuelle condition supplémentaire le respect de l'obligation d'annoncer selon les art. 697i et 697j (art. 697m).

L'al. 3 prescrit que la durée de conservation des documents relatifs à l'obligation d'annoncer et à l'inscription au registre des actions est de dix ans au minimum à compter de la radiation de la personne inscrite de la liste ou du registre des actions.

Une telle disposition correspond à la réglementation prévue dans la LBA.

Afin de garantir le respect de l'obligation du GAFI de disposer des documents en Suisse, l'al. 5 prévoit que cette liste et le registre des actions doivent être tenus de manière à ce qu'il soit possible d'y accéder en tout temps depuis la Suisse (cf. les explications données à l'art. 686, al. 1).

642

Art. 697m

Non-respect des obligations d'annoncer

Pour imposer le respect des obligations prévues, la note interprétative de la recommandation 24 du GAFI, ch. 18, exige que le pays dispose de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives.

L'art. 697m du projet fixe donc les conséquences du non-respect de l'obligation d'annoncer sur les droits sociaux et patrimoniaux.

L'al. 1 prévoit que tant qu'il n'a pas rempli ses obligations d'annoncer selon les art. 697i, 697j et 697k P-CO, l'actionnaire ne peut pas exercer ses droits sociaux (en particulier son droit de vote). Il en va de même de ses droits patrimoniaux (en particulier le droit au dividende): selon l'al. 2, il ne peut les exercer que s'il a rempli son obligation d'annoncer.

De plus, l'al. 3 prévoit que si l'actionnaire soumis à l'obligation d'annoncer ne s'acquitte pas de cette obligation dans le délai d'un mois à compter de l'achat des actions, ses droits patrimoniaux s'éteignent. Cette disposition renforce sensiblement l'obligation d'annoncer. Toutefois, s'il répare cette omission à une date ultérieure, il peut faire valoir les droits patrimoniaux qui naissent à compter de cette date.

L'al. 4 prévoit que le conseil d'administration doit contrôler qu'aucun actionnaire n'exerce ses droits en violation de son obligation d'annoncer. Notamment dans le cas des sociétés anonymes dont le cercle des actionnaires est restreint, un contrôle pourrait être effectué lors de l'assemblée générale. Dans le cas des sociétés dont le cercle des actionnaires est plus grand, en revanche, des mesures devraient être prises avant l'assemblée générale et être annoncées dans la convocation. Or, si les annonces relatives aux achats d'actions au porteur ou concernant l'identité de l'actionnaire ou de l'ayant droit économique sont effectuées auprès d'un intermédiaire financier, comme prévu à l'art. 697k P-CO, la société n'est pas en mesure de remplir seule l'obligation de contrôle qui lui incombe selon l'al. 4 sans la collaboration de l'intermédiaire financier. C'est pourquoi ce dernier est tenu de renseigner la société, afin qu'elle puisse réaliser ce contrôle malgré la délégation de la tenue de la liste (cf. l'art. 697k, al. 3). Sur cette base, la société peut prévoir une collaboration avec l'intermédiaire financier pour remplir son obligation au sens de l'al. 4.

Art. 704a

Conversion d'actions au porteur en actions nominatives

La note interprétative de la recommandation 24 du GAFI, ch. 14, propose comme solution à la problématique des actions au porteur notamment leur conversion en actions nominatives.

Le projet facilite donc la conversion d'actions au porteur en actions nominatives. La décision de conversion devra obligatoirement être prise à la majorité simple, puisqu'il sera interdit de fixer un quorum plus élevé dans les statuts. Les quorums statutaires en vigueur actuellement seront abolis au terme du délai d'adaptation des statuts au nouveau droit (art. 2 P-Disp. trans.).

Cette disposition anticipe déjà la formulation de l'art. 703 CO prévue dans le projet de modification du code des obligations relatif notamment au droit de la société anonyme et au droit comptable66, qui n'a pas encore été approuvée. Cette modification prévoit qu'à l'avenir, les abstentions ne seront plus comptabilisées pour déter66

FF 2008 1571, 1601

643

miner la majorité requise lors des votes de l'assemblée générale («à la majorité des votes exprimés» au lieu de la formulation actuelle «à la majorité absolue des voix attribuées aux actions représentées»). Sur le plan purement rédactionnel, l'adjectif «absolue» a été supprimé de la proposition concernant la conversion des actions, car dans ce contexte il est dépourvu de signification. En supposant que la présente révision entre d'abord en vigueur, il en résultera alors une simplification par rapport à la participation majoritaire lors des décisions de l'assemblée générale jusqu'à ce que la révision plus générale du CO concernant la conversion des actions au porteur en actions nominatives s'applique elle aussi. En l'espèce, les abstentions compteraient pour les décisions particulières, mais pas pour les conversions. L'entrée en vigueur de la révision plus générale adapterait les règles ordinaires à la participation majoritaire concernant la conversion.

Art. 718, al. 4 La note interprétative de la recommandation 24 du GAFI, ch. 9, prévoit qu'une personne physique résidant en Suisse doit être autorisée à communiquer aux autorités compétentes les informations sur les actionnaires et, le cas échéant, sur les ayants droit économiques.

Le projet complète donc l'art. 718, al. 4, en précisant qu'au moins une personne habilitée à représenter la société et domiciliée en Suisse doit avoir accès au registre des actions et à la liste selon l'art. 697l.

Si les annonces sont effectuées auprès d'un intermédiaire financier, comme prévu à l'art. 697k P-CO, l'accès à la liste selon l'art. 697l P-CO est garanti par l'intermédiaire financier concerné.

Art. 747

Conservation du registre des actions, des livres de la société et de la liste

La note interprétative de la recommandation 24 du GAFI, ch. 10, prévoit que la société doit conserver toutes les informations pendant au moins cinq ans après la date à laquelle elle est dissoute ou cesse d'exister.

Le projet complète par conséquent l'actuel art. 747 CO par un nouvel al. 1, qui prévoit que le registre des actions, les livres de la société et la liste selon l'art. 697l P-CO ainsi que les pièces justificatives qui la concernent doivent être conservés pendant dix ans après la radiation de la société en un lieu sûr. L'al. 2 précise que le registre des actions et la liste doivent être conservés de manière à ce qu'il soit possible d'y accéder en tout temps en Suisse (cf. les explications données à l'art. 686, al. 1).

En vertu des normes de renvoi des art. 826, al. 2, et 913, al. 1, CO, cette disposition s'applique aussi aux sociétés à responsabilité limitée et aux sociétés coopératives.

Art. 790, al. 1, 2e phrase, et al. 5 Les associés d'une société à responsabilité limitée sont inscrits dans le registre des parts sociales et sont donc connus de la société (art. 790 CO). Ils doivent également être inscrits au registre du commerce (art. 791 CO).

Le droit actuel prévoit déjà que la société doit tenir un registre des parts sociales, contenant notamment le nom et l'adresse des associés.

644

L'actuel al. 1 est complété par l'obligation de tenir le registre des parts sociales de manière à ce qu'il soit possible d'y accéder en tout temps en Suisse. Cette précision tient compte de la note interprétative de la recommandation 24 du GAFI selon laquelle le registre des parts sociales doit être disponible dans le pays (cf. les explications données à l'art. 686, al. 1, P-CO).

De plus, le nouvel al. 5 prévoit que les documents sur lesquels se fonde l'inscription au registre des parts sociales doivent être conservés pendant au moins dix ans à compter de la radiation de l'associé concerné du registre.

Art. 790a

Annonce de l'ayant droit économique des parts sociales

Selon la note interprétative de la recommandation 24 du GAFI, ch. 15, des mesures doivent être prises pour prévenir l'utilisation abusive d'actions inscrites au nom de prête-noms (nominee shareholders)67. La même note interprétative, ch. 17, invite en outre à instaurer une transparence équivalente pour les autres types de personnes morales.

C'est pourquoi les associés des sociétés à responsabilité limitée sont également soumis à une obligation d'annoncer. Si leur participation atteint 25 % du capital social ou des voix, ils seront tenus d'annoncer immédiatement le nom de la personne physique pour le compte de laquelle ils agissent en dernier lieu, c'est-à-dire la personne qui est l'ayant droit économique des parts sociales (al. 1). Cette personne peut être l'associé lui-même ou un tiers.

L'al. 2 dispose que les associés sont tenus de communiquer toute modification du prénom, du nom ou de l'adresse de l'ayant droit économique des parts sociales.

Cette obligation garantit que la liste est constamment à jour (si la participation descend sous le seuil fixé, le gérant procède à la radiation de l'associé de la liste).

Pour ce qui est des obligations relatives à la tenue de la liste des ayants droit économiques des parts sociales et aux conséquences du non-respect de l'obligation d'annoncer, l'al. 3 renvoie aux dispositions correspondantes du droit de la société anonyme (art. 697l et 697m).

Art. 814, al. 3 La note interprétative de la recommandation 24 du GAFI, ch. 9, prévoit qu'une personne physique résidant en Suisse doit être autorisée à communiquer les informations sur les associés et, le cas échéant, sur les ayants droit économiques aux autorités compétentes en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Le projet complète donc l'art. 814, al. 3, en précisant qu'au moins une personne habilitée à représenter la société et domiciliée en Suisse doit avoir accès au registre des parts sociales et à la liste des ayants droit économiques des parts sociales.

67

Cf. aussi les ch. 7 à 10 de cette note interprétative, relatifs à l'information sur les ayants droit économiques.

645

Art. 837

Liste des associés

Selon le droit actuel, la société coopérative ne doit tenir une liste de ses associés que si ses statuts prévoient la responsabilité individuelle de ces derniers et leur obligation d'opérer des versements supplémentaires.

Le projet complète cette disposition en instaurant une obligation générale de tenir une liste des associés de manière à ce qu'il soit possible d'y accéder en tout temps depuis la Suisse, mais ne prévoit sciemment aucune disposition obligeant les associés à annoncer les ayants droit économiques à la société coopérative, car ce problème ne se pose pas avec ce type de société.

La liste des associés ne sera pas publiée et la société ne sera pas tenue de la déposer à l'office du registre du commerce. L'obligation correspondante, qui découle de l'art. 837 CO actuel, est ainsi supprimée.

Les associés sont dans tous les cas connus de la société, car quiconque désire acquérir la qualité d'associé doit présenter à cet effet une déclaration écrite (art. 840, al. 1, CO). Le problème des titres au porteur ne se pose donc pas.

Il est vrai cependant que la société ne connaît pas nécessairement les ayants droit économiques (lorsque ceux-ci ne se confondent pas avec les associés). Toutefois, étant donné qu'une société coopérative doit compter au moins sept membres (art. 831, al. 1, CO) et impérativement appliquer le système du droit de vote par tête (art. 885 CO; cf. l'ATF 67 I 262, 267 s.), aucun associé ne peut en prendre le contrôle. Il ne peut donc pas y avoir d'ayants droit économiques au sens de la recommandation 24 du GAFI.

Art. 898, al. 2 La note interprétative de la recommandation 24 du GAFI, ch. 9, prévoit qu'une personne physique résidant en Suisse doit être autorisée à communiquer les informations sur les associés et, le cas échéant, sur les ayants droit économiques aux autorités compétentes.

Le projet complète donc l'art. 898, al. 2, en précisant qu'au moins une personne habilitée à représenter la société et domiciliée en Suisse doit avoir accès à la liste des associés.

Dispositions transitoires Art. 1 et 2

Règle générale; Adaptation des statuts et des règlements

Les dispositions transitoires du CC (titre final CC) s'appliquent aussi au CO, sous réserve de dispositions contraires (art. l, al. 1, P-Disp. trans.).

Les prescriptions du nouveau droit s'appliqueront à toutes les sociétés existantes dès leur entrée en vigueur (art. 1, al. 2, P-Disp. trans.). Les entreprises disposeront cependant d'un délai transitoire de deux ans pour adapter leurs statuts et leurs règlements aux nouvelles dispositions légales (art. 2, al. 1, P-Disp. trans.).

La révision du droit de la société anonyme de 1991 prévoyait un délai transitoire de cinq ans. Dans la pratique, ce délai s'est révélé inapproprié, car les adaptations nécessaires ont d'abord été différées, pour être ensuite oubliées. La doctrine a donc largement critiqué le délai transitoire de 1991 comme étant trop long. Celui de 646

deux ans inscrit dans le projet est jugé suffisant pour adapter les statuts et les règlements au nouveau droit.

Si une société ne procède pas aux adaptations nécessaires dans le délai prévu, toutes les dispositions de ses statuts et règlements non conformes au nouveau droit perdront leur validité au terme de ce délai (art. 2, al. 2, P-Disp. trans.).

Art. 3

Obligation d'annoncer

Les actionnaires qui détiennent déjà des actions au porteur au moment de l'entrée en vigueur du nouveau droit sont également soumis à l'obligation d'annoncer (les obligations d'annoncer prévues aux art. 697i et 697j P-CO sont applicables lors de l'achat de titres). Contrairement aux obligations d'annoncer prévues aux art. 697i et 697j P-CO, l'obligation d'annoncer après coup selon l'art. 3 des dispositions transitoires ne vaut que pour les détenteurs d'actions au porteur, et non pour les détenteurs d'actions nominatives. Cette différence dans le champ d'application de la disposition transitoire se justifie comme suit: en ce qui concerne l'obligation d'annoncer les ayants droit économiques d'actions représentant une participation qui atteint le seuil de 25 % du capital-actions ou des voix, on ne doit pas faire de distinction selon qu'il s'agit d'actions nominatives ou d'actions au porteur. L'obligation d'annoncer selon l'art. 697j P-CO s'applique donc indifféremment aux deux types d'actions. Toutefois, la disposition transitoire applicable à l'entrée en vigueur du nouveau droit étend le champ d'application de l'obligation d'annoncer à tous les actionnaires qui existent au moment de cette entrée en vigueur. Or, cette intégration de tous les actionnaires existants ne se justifie que pour les détenteurs d'actions au porteur, car ceux-ci, en raison de l'anonymat de l'actionnaire caractéristique des titres au porteur, présentent davantage de risques de blanchiment d'argent.

2.3

Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite

Art. 129, al. 1 et 2 Le projet propose de supprimer l'obligation de payer comptant le prix d'adjudication de biens meubles. L'acheteur doit toutefois avoir le droit, comme auparavant, de payer en espèces des montants jusqu'à 100 000 francs. En outre, le préposé aux poursuites se voit donner la compétence de déterminer de quelle façon le paiement doit être effectué. Cela permettra aux préposés aux poursuites d'utiliser des moyens de paiement modernes, tels que cartes de débit ou de crédit. Il faut néanmoins s'attendre à ce que les paiements en espèces gardent une certaine importance, surtout si le prix d'adjudication est peu élevé. La possibilité d'effectuer le paiement d'une autre manière libérera cependant les acheteurs de l'obligation de porter sur eux de grosses sommes d'argent en numéraire.

L'al. 2 exclut le paiement en espèces de la part du prix d'adjudication excédant 100 000 francs, par exemple lors de la vente de voitures ou d'objets d'art. Le but est de prévenir les opérations de blanchiment d'argent. Il appartiendra au préposé aux poursuites de décider comment le paiement doit être effectué, par exemple par virement bancaire. Il sera toutefois possible d'effectuer un paiement en espèces jusqu'à 100 000 francs au moment de l'adjudication et de payer le solde par virement à une date ultérieure.

647

Art. 136

Mode de paiement

Le risque de blanchiment est particulièrement important lors de la réalisation forcée d'immeubles. C'est pourquoi le nouveau droit propose également d'interdire les paiements en espèces dépassant 100 000 francs et d'obliger l'acheteur à payer la part du prix excédant ce montant par l'entremise d'un intermédiaire financier soumis à la LBA. Pour les acheteurs en Suisse, ce changement ne devrait guère poser de problèmes, car leurs avoirs liquides sont généralement déposés sur un compte auprès d'un établissement soumis à la LBA. Les acheteurs étrangers supporteront par contre certaines charges supplémentaires, du fait qu'ils devront d'abord virer le montant du prix d'adjudication à un intermédiaire financier soumis à la LBA, qui le versera ensuite à l'office des poursuites. La pratique actuelle consistant à payer au moyen d'un chèque bancaire est en outre maintenue. En effet, dans un tel cas le paiement est effectué par l'entremise d'une banque et donc d'un intermédiaire financier au sens de la LBA.

2.4

Code pénal

Art. 305bis, ch. 1 et 1bis Les termes «ou d'un délit fiscal qualifié» sont ajoutés au ch. 1. Outre les crimes au sens de l'art. 10, al. 2, CP, le délit fiscal qualifié en matière d'impôts directs, tel que défini au ch. 1bis, constituera désormais une infraction préalable au blanchiment d'argent. Une exception au seuil du crime est ainsi prévue, mais de manière strictement limitée à la fiscalité directe. S'agissant de la fiscalité indirecte, l'art. 14, al. 4, P-DPA a la gravité d'un crime et entre par conséquent déjà dans le champ d'application de l'art. 305bis CP, du fait de la référence à la notion générique de crime. La définition de l'acte de blanchiment d'argent reste par contre la même. Il s'agit principalement d'un acte d'entrave à la confiscation de valeurs patrimoniales d'origine criminelle, ou désormais également d'origine délictuelle.

Le ch. 1bis définit le délit fiscal qualifié. Il s'agit de l'infraction visée à l'art. 186 LIFD en relation avec les impôts directs fédéraux, et à l'art. 59, al. 1, 1er état de fait, LHID en ce qui concerne les impôts directs des cantons et des communes. Il s'agit, en d'autres termes, de l'usage de titres faux, falsifiés ou inexacts quant à leur contenu dans le dessein de tromper l'autorité fiscale et dans le but de commettre une soustraction d'impôt, également connu sous le nom de fraude fiscale. L'usage de faux doit avoir été commis intentionnellement au sens de l'art. 12 CP. Ainsi, l'auteur doit avoir agi avec conscience et volonté, étant entendu que ce dernier agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait.

Les infractions prévues aux art. 186 LIFD et 59 LHID sont des infractions formelles.

L'acte punissable est réalisé par l'usage de faux, c'est-à-dire la remise ou le dépôt du faux document auprès de l'autorité fiscale dans le but de commettre une soustraction. La soustraction d'impôt n'a pas besoin d'être réalisée. Pour qu'il puisse y avoir blanchiment d'argent, il faut par contre un objet, c'est-à-dire des valeurs patrimoniales susceptibles d'être confisquées. Il est donc nécessaire que l'infraction ait entraîné un résultat, en l'occurrence que des impôts aient été effectivement soustraits. Le ch. 1bis en tient compte. Pour éviter que le bureau de communication ne se retrouve subitement sous une avalanche de communications de soupçons, portant sur des cas 648

de faible importance, il est prévu d'aménager l'usage de faux ou la fraude fiscale en infraction préalable au blanchiment d'argent uniquement lorsque les impôts soustraits se montent à plus de 200 000 francs par période fiscale. L'inscription de ce seuil directement dans la loi fixe également le seuil à partir duquel les intermédiaires financiers doivent remplir leurs obligations de diligence accrues en lien avec cette infraction préalable fiscale, et, en cas de soupçon de blanchiment d'argent, faire une communication au bureau de communication. Ce seuil ne change par contre rien à l'infraction de base, qui demeure un délit.

Le Conseil fédéral estime que ce seuil de 200 000 francs est raisonnable. Il constitue en effet une atteinte aux intérêts pécuniaires de l'Etat suffisamment importante pour justifier la qualification d'infraction préalable au blanchiment d'argent. Un seuil trop élevé ne serait guère admissible aux yeux du GAFI, car il restreindrait de manière importante le champ d'application de cette nouvelle infraction préalable et, partant, également la coopération internationale.

Le Conseil fédéral admet qu'il peut être difficile pour un intermédiaire financier de déterminer ce seuil, surtout lorsque le client est soumis à une législation fiscale étrangère, qui, selon les cas, peut être très différente du système fiscal suisse. Il n'est toutefois pas possible de retenir un autre type de seuil, comme le revenu ou les bénéfices non déclarés. En effet, ne pas déclarer un revenu ­ même important ­ n'implique pas encore qu'il y ait effectivement une soustraction d'impôt en fin de compte, comme l'ont relevé la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances ainsi que plusieurs cantons dans le cadre de la consultation68. Or sans impôt soustrait, il ne peut y avoir blanchiment d'argent, étant donné qu'il n'y a pas d'objet susceptible d'être confisqué. Une autre solution possible aurait été de renoncer à un seuil monétaire. Toutefois, comme mentionné plus haut, cela aurait conduit à une avalanche de communications de soupçons. Une telle solution aurait été audelà des exigences internationales et aurait nécessité la création de nombreux postes de travail supplémentaires au bureau de communication, voire une réorganisation importante de cette autorité. Le Conseil fédéral a par
conséquent écarté cette solution. Il rappelle toutefois que l'intermédiaire financier ne doit pas prouver l'infraction préalable fiscale, ni calculer au centime près le montant d'impôt soustrait. Il doit uniquement disposer d'indices suffisants justifiant une communication de soupçons. Il est en outre protégé par la loi dans la mesure où il effectue une telle communication de bonne foi, que ce soit sur la base de l'obligation ou du droit de communiquer (art. 11 LBA).

En vertu de l'art. 305bis, ch. 3, CP, le délinquant est aussi punissable lorsque l'infraction principale a été commise à l'étranger et lorsqu'elle est aussi punissable dans l'Etat où elle a été commise. Ce principe vaut également en cas d'infraction préalable fiscale au sens du ch. 1bis. Ainsi, il y a également blanchiment d'argent au sens du droit suisse lorsqu'une infraction commise au détriment d'un fisc étranger remplit les éléments constitutifs de l'art. 186 LIFD ou de l'art. 59, al. 1, 1er état de fait, LHID, que l'impôt soustrait dans la période fiscale dépasse l'équivalent en monnaie étrangère de 200 000 francs et que l'infraction est punissable selon la législation de l'Etat où elle a été commise.

68

Cf. le rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.4.3, p. 45.

649

Afin que la disposition ne reste pas lettre morte lorsque l'infraction a été commise à l'étranger, la condition de la double incrimination ne doit pas être interprétée de manière trop stricte. A l'exception, par exemple, de l'Autriche, la plupart des législations étrangères ne connaissent pas d'état de fait similaire en tous points à la soustraction d'impôt commise au moyen de titres faux ou falsifiés, telle que prévue au ch. 1bis. Dans une grande majorité de pays, la soustraction d'impôt est déjà punissable ­ et également constitutive d'une infraction préalable au blanchiment d'argent ­, indépendamment de la manière dont elle a été commise, c'est-à-dire indépendamment de l'usage de titres faux ou de tous autres agissements frauduleux.

Souvent, l'usage de titre faux n'est qu'un indice parmi d'autres déclenchant l'obligation de communiquer, mais pas un élément constitutif de l'infraction en tant que tel. Lorsque la soustraction «simple» est déjà punissable à l'étranger, la condition de la double incrimination doit être considérée comme remplie.

Lorsque l'infraction préalable fiscale a été commise à l'étranger, le montant des impôts soustraits doit être équivalent à plus de 200 000 francs suisses. Ce montant est déterminé selon la législation applicable dans le pays dans lequel le client est contribuable. Les impôts entrant en ligne de compte sont les impôts étrangers similaires aux impôts couverts par la LIFD et la LHID (impôts sur le revenu et la fortune des personnes physiques, impôts sur le bénéfice et le capital des personnes morales et impôts sur les gains immobiliers).

Application Le nouvel art. 305bis P-CP ne sera applicable qu'aux faits survenus après son entrée en vigueur. En conséquence, il ne peut y avoir une communication de soupçons au bureau de communication selon l'art. 9 LBA ou l'art. 305ter, al. 2, CP pour des délits fiscaux qualifiés au sens de l'art. 305bis, ch. 1bis, P-CP commis avant l'entrée en vigueur de l'art. 305bis CP modifié, étant donné que la législation en vigueur jusquelà ne les considérait pas encore comme des infractions préalables au blanchiment d'argent (pas de rétroactivité).

Art. 305ter, al. 2 Une référence au délit fiscal qualifié au sens de l'art. 305bis, ch. 1bis, P-CP est ajoutée, de telle sorte que le droit de communication porte également sur cette nouvelle infraction préalable en matière de fiscalité directe.

Art. 327

Violation de l'obligation d'annoncer selon le droit de la société et

Art. 327a

Violation des obligations du droit des sociétés sur la tenue des livres

Pour imposer le respect des obligations prévues, la note interprétative de la recommandation 24 du GAFI, ch. 18, exige que les pays disposent de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives.

En sus des conséquences du non-respect des obligations d'annoncer selon les art. 697i, 697j et 697k P-CO sur les droits sociaux, les nouveaux art. 327 et 327a P-CP prévoient de sanctionner pénalement quiconque, intentionnellement, enfreint les obligations d'annoncer (omission de l'annonce ou fausses informations) ou ne tient pas les registres ou listes requis.

650

Sera également passible d'une sanction pénale quiconque, intentionnellement, omettra d'annoncer les modifications du prénom et du nom ou le cas échéant de la raison sociale, ainsi que de l'adresse de l'acquéreur selon les art. 697i, al. 3, et 697j, al. 2, P-CO, ou donnera de fausses informations à ce sujet.

2.5

Loi fédérale sur le droit pénal administratif

Art. 14, al. 4 Les éléments constitutifs de la nouvelle escroquerie qualifiée dans les domaines des contributions ou des douanes s'inscrivent dans l'escroquerie en matière de prestations (al. 1) et de contributions (al. 2) de l'art. 14 DPA, d'où la nécessité d'en remplir les conditions. Autrement dit, l'attitude astucieuse de l'auteur doit aboutir à l'obtention frauduleuse d'une prestation ou à la soustraction d'un montant important représentant une contribution (éléments constitutifs objectifs de base).

Cependant, pour que l'état de fait de l'escroquerie qualifiée soit réalisé, il faut encore que l'auteur ait agi par métier ou avec le concours d'un ou de plusieurs tiers et que, par ses agissements, il se soit procuré ou ait procuré à un tiers un avantage illicite particulièrement important ou qu'il ait porté atteinte de façon substantielle aux intérêts pécuniaires ou à d'autres droits des pouvoirs publics (autres éléments constitutifs objectifs).

Eléments constitutifs objectifs de base a) Tromperie astucieuse Comme pour l'escroquerie du droit pénal ordinaire (art. 146 CP), l'escroquerie du DPA est fondée sur la notion de «tromperie astucieuse». L'acte délictueux consiste donc à tromper l'administration et l'amener ainsi à fournir une prestation à tort (par ex. subvention, remboursement, etc.) ou à lui soustraire un montant important de contributions.

Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 14 DPA, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade l'administration de vérifier ou prévoit qu'un tel contrôle ne pourrait se faire sans grande peine ou mise sur un rapport de confiance.

L'astuce n'est toutefois pas réalisée si les pouvoirs publics pouvaient se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'eux.

Selon l'art. 14 DPA, la tromperie peut se présenter sous trois formes différentes: ­

des affirmations fallacieuses

­

la dissimulation de faits vrais

­

le fait de conforter l'administration dans l'erreur.

651

b) Erreur L'administration doit être dans l'erreur, c'est-à-dire qu'elle doit se faire une fausse représentation de la réalité.

c) Obtention frauduleuse d'une prestation, soustraction d'un montant important aux pouvoirs publics ou atteinte, d'une autre manière, à leurs intérêts pécuniaires Le résultat peut se concrétiser de différentes manières: ­

l'auteur a obtenu de façon indue, pour lui-même ou pour un tiers, notamment un remboursement de contribution ou une autre prestation de la part de l'administration, d'une autorité ou d'un tiers;

­

l'auteur a éludé un montant important correspondant à une contribution ou une prestation due aux pouvoirs publics;

­

l'auteur a porté atteinte d'une autre manière aux intérêts pécuniaires des pouvoirs publics.

d) Lien de causalité Il faut un rapport de causalité entre les différents éléments ci-dessus.

Autres éléments constitutifs objectifs L'escroquerie qualifiée dans les domaines des contributions ou des douanes est réalisée lorsque, outre les éléments objectifs de base ci-dessus, l'auteur s'est procuré ou a procuré à un tiers un avantage illicite particulièrement important ou a porté atteinte de façon substantielle aux intérêts pécuniaires ou à d'autres droits des pouvoirs publics. En outre, il doit avoir agi soit par métier, soit avec le concours d'un ou de plusieurs tiers.

a) Réalisation du résultat L'art. 14, al. 4, P-DPA se calque sur le faux dans les titres réglé à l'art. 15 DPA.

Toutefois, contrairement à ce dernier, pour que l'escroquerie qualifiée soit réalisée, il ne suffit pas que l'auteur ait eu le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou encore de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits des pouvoirs publics. Il faut que ce résultat se soit effectivement produit, qui plus est, dans une mesure particulièrement importante. En effet, l'art. 14, al. 4, P-DPA est une infraction de résultat, laquelle est consommée lorsque l'auteur ou un tiers obtient, en raison d'une tromperie astucieuse, un avantage illicite particulièrement important, ou lorsque la collectivité est lésée dans une mesure importante.

Même si la répétition du résultat peut sembler étrange, elle est nécessaire, car pour que l'escroquerie de base au sens de l'al. 1 soit réalisée, il n'y a pas besoin que l'avantage obtenu soit important.

b) Avantage illicite particulièrement important L'avantage est une notion très large. Il peut être patrimonial ou d'une autre nature. Il n'est même pas nécessaire que l'auteur sache exactement en quoi il consiste. Il suffit que l'auteur ait amélioré sa situation personnelle.

Cette terminologie se prête mieux aux particularités de l'escroquerie qualifiée dans les domaines des contributions ou des douanes que celle du «gain» de l'actuel art. 14, al. 4, DPA, par quoi il faut entendre le bénéfice net tiré d'une telle infrac652

tion69. Le terme «montant», mentionné à l'art. 14, al. 2, DPA, n'est également pas adapté au cas aggravé d'escroquerie en matière de prestations (al. 1). En effet, alors qu'une contribution est toujours quantifiable en argent, tel n'est pas le cas des prestations (par ex. concession, autorisation, contingent).

Quant à l'importance de cet avantage, il est volontairement laissé à la jurisprudence le soin de préciser cette notion, compte tenu des spécificités de l'activité déployée, du marché et des différents taux applicables aux impôts, taxes et droits visés70. Il est toutefois précisé que cet avantage illicite doit être «particulièrement» important.

C'est pourquoi il doit être supérieur à celui défini par la jurisprudence en relation avec l'art. 14, al. 2, DPA71. Etant donné que l'infraction prévue à l'al. 4 constitue un crime, il est normal que l'avantage illicite retiré par son auteur ou par un tiers soit plus élevé que celui retiré dans le cadre de l'infraction définie à l'al. 2 qui a la gravité d'un délit.

c) Pour soi-même ou un tiers L'auteur ne peut pas échapper à la sanction en faisant valoir qu'il n'a rien obtenu pour lui-même, puisqu'il suffit qu'il ait procuré un avantage illicite à un tiers.

d) Atteinte substantielle aux intérêts pécuniaires ou à d'autres droits des pouvoirs publics L'atteinte aux intérêts pécuniaires des pouvoirs publics a été reprise en raison de la deuxième partie de l'art. 14, al. 2, DPA, selon laquelle il y a escroquerie en matière de contributions également lorsque l'attitude astucieuse de l'auteur aura eu pour effet de «porter atteinte d'une autre manière à leurs intérêts pécuniaires». Ici, il est question d'une lésion du patrimoine de la collectivité, c'est-à-dire une augmentation du passif, une diminution de l'actif, une non-augmentation de l'actif ou une nondiminution du passif.

S'agissant des «autres droits», notons simplement que, lorsqu'il est question de concessions ou d'autorisations notamment, il n'est pas toujours question «d'intérêts pécuniaires». En outre, cette notion est également reprise à l'art. 15 DPA.

L'atteinte aux intérêts pécuniaires ou à d'autres droits des pouvoirs publics doit être substantielle ou, en d'autres termes, particulièrement importante. Sinon, il y aurait un déséquilibre entre l'état de fait «se procurer un avantage illicite» et celui de «porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou à d'autres droits», du fait que ce dernier ne serait pas assorti d'un élément qualifiant.

69 70 71

ATF 122 IV 211, consid. 2d, p. 216.

De quelques pour mille s'agissant des droits de timbre à 35 % en ce qui concerne l'impôt anticipé.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (TF) dans les affaires pénales en matière fiscale, le montant soustrait est réputé important au sens de l'art. 14, al. 2, DPA à partir de 15 000 francs (arrêt du TF 6B 79/2011). Le TF se réfère aux travaux d'Edgar H. Paltzer, «Der Abgabe- und Steuerbetrug im schweizerischen Bundessteuerrecht im Vergleich zu den entsprechenden Regelungen in der BRD und den USA», diss. Zurich 1989, p. 51, de Peter J. Michael, «Der Steuer- und Abgabebetrug im schweizerischen Recht», diss.

St-Gall 1992, p. 135, et de Meier-Schatz/Nobel/Waldburger, «Die Auswirkungen eines EU-Beitritts auf den Finanzplatz Schweiz», Zurich 2001, N. 695, p. 249. Ces auteurs renvoient en l'occurrence à la pratique de l'AFC, selon laquelle un montant doit être considéré comme important au sens de l'art. 14, al. 2, DPA à partir de 15 000 francs, quelle que soit la situation financière de l'auteur de l'infraction.

653

e) Métier En 1990, le Tribunal fédéral (TF) a modifié sa jurisprudence en relation avec l'élément de qualification «par métier»72. Selon la nouvelle jurisprudence, la définition de la pratique par métier doit s'appuyer sur la notion d'exercice à titre professionnel. L'auteur agit par métier lorsque le temps et les moyens qu'il consacre à ses agissements délictueux, la fréquence de ses actes pendant une période déterminée ainsi que les revenus envisagés ou obtenus permettent de conclure qu'il exerce son activité coupable à la manière d'une profession. Des agissements délictueux constituant une quasi-activité accessoire peuvent suffire à remplir la condition de la pratique par métier. Il faut que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance73.

f) Concours de tiers Cet élément remplace l'agissement en bande tel qu'il est prévu dans l'actuel art. 14, al. 4, DPA. Il est apparu en effet que des infractions fiscales graves ne peuvent pas être réprimées en vertu de l'art. 14, al. 4, faute de pouvoir prouver que leur auteur a agi comme membre d'une bande. L'agissement en bande présuppose la volonté des membres de la bande de concourir à l'avenir à la commission de plusieurs infractions pénales, indépendantes les unes des autres et éventuellement encore indéterminées. Toutefois, notamment dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée, il est possible, par des pratiques frauduleuses telles que fraude tournante, sociétés phénix, etc., et à l'aide d'une organisation raffinée, de causer d'importants dommages en ne commettant qu'une seule infraction. Le concours à la commission de telles infractions, qui implique une pluralité d'auteurs, doit être plus sévèrement puni à l'avenir.

L'élément qualifiant «avec le concours de tiers» vise à souligner le fait que les auteurs planifient systématiquement leurs agissements, chacun contribuant de manière essentielle à la planification, à la préparation ou à la réalisation de l'infraction.

Ils concourent ainsi à la commission de l'infraction en tant que coauteurs. Un tel concours ne peut pas se produire par négligence, et le fait de jouer un rôle subordonné dans la commission de l'infraction au sens de la complicité
ne suffit pas non plus à sa réalisation. C'est ce qui ressort de la jurisprudence du TF, selon laquelle a qualité de coauteur celui qui participe intentionnellement à la décision, à la planification ou à l'exécution d'une infraction et collabore de manière importante avec les autres auteurs, si bien qu'il apparaît comme un participant principal74.

L'auteur principal et le tiers coauteur ont tous deux une volonté délictueuse commune et une maîtrise collective du déroulement de l'infraction. Dès lors que l'infraction apparaît comme l'expression d'une volonté commune, aussi bien l'auteur principal que le tiers coauteur sont pénalement tenus pour le tout, pour autant que leurs actes soient dans un rapport de causalité avec le résultat, c'est-à-dire qu'ils y aient contribué.

72 73 74

654

ATF 116 IV 319 ss ATF 119 IV 129; ATF 129 IV 253, consid. 2.1, p. 254; et ATF 123 IV 113, consid. 2c, p. 116 et les arrêts cités.

ATF 118 IV 227 E. 5d/aa, p. 230; ATF 108 IV 88 E. I.2, p. 92.

Eléments constitutifs subjectifs L'escroquerie qualifiée dans les domaines des contributions ou des douanes est une infraction qui ne peut être commise qu'intentionnellement.

Le nouvel art. 14, al. 4, P-DPA implique l'obtention effective d'un avantage illicite important, comme c'est le cas pour les infractions de base (art. 14, al. 1 et 2, DPA), alors que selon l'al. 4 actuel, il suffit que l'auteur ait eu l'intention de réaliser un gain important. Cette nouveauté garantit la double cohérence de cette infraction qualifiée: d'une part, avec les infractions de base selon l'art. 14 DPA et, d'autre part, avec l'infraction préalable en matière d'impôts directs. Si aucun avantage illicite n'est obtenu, il peut néanmoins y avoir, selon les circonstances, tentative d'infraction.

En outre, l'intention particulière n'est plus nécessaire, dès lors que l'on ne parle plus de «gain» (bénéfice net), mais d'avantage illicite. En matière douanière, il est admis que cet avantage existe dès le passage de la marchandise à la frontière. En ce qui concerne l'impôt anticipé, celui-ci est prélevé à la source, de sorte qu'il y a avantage illicite lorsque l'impôt dû n'est pas déclaré ni versé à l'AFC dans les délais prescrits.

Champ d'application de la nouvelle escroquerie qualifiée dans les domaines des contributions ou des douanes L'art. 14, al. 4, P-DPA n'est plus limité au trafic transfrontière de marchandises et donc à la TVA sur les importations, aux droits de douane et aux impôts spéciaux à la consommation applicables dans un contexte transfrontière. Il est désormais applicable à tous les impôts, taxes, droits et autres redevances prélevés par la Confédération, en l'occurrence l'AFC et l'Administration fédérale des douanes, dans les domaines fiscaux et douaniers. Cela concerne en particulier les droits de douane, la TVA aussi bien à l'importation que sur les opérations internes et les services, les impôts spéciaux à la consommation (tels les impôts sur le tabac, la bière, l'alcool ou les huiles minérales), l'impôt anticipé et les droits de timbre. L'art. 14, al. 4, P-DPA est également applicable aux exonérations fiscales et remboursements d'impôts qui, selon la jurisprudence75, peuvent être qualifiés de subventions. La nouvelle infraction peut en outre s'appliquer en relation avec la redevance sur le trafic des poids lourds, l'imposition des automobiles ou encore la taxe sur le CO2.

2.6

Loi sur les placements collectifs

Section 2

Droits et obligations des actionnaires

Art. 46, al. 3, 2e phrase, et art. 46a Obligations d'annoncer des actionnaires entrepreneurs La SICAV est une société autonome régie par une loi spéciale (art. 36, al. 1, LPCC), ainsi que par les dispositions du code des obligations concernant la fondation de la société anonyme (à l'exception des dispositions sur les apports en nature, les reprises de biens et les avantages particuliers; art. 37, al. 1, LPCC). Son capital se compose des actions des entrepreneurs et des actions des investisseurs. Les actions 75

ATAF 2010/6

655

des entrepreneurs sont toujours nominatives (art. 40, al. 1, LPCC). Conformément à l'art. 46 LPCC, la SICAV doit tenir un registre de ces actions. Dans le cas des actionnaires entrepreneurs, l'obligation d'annoncer l'actionnaire au sens de l'art. 697i P-CO est donc respectée au niveau de la LPCC. Afin de remplir l'obligation d'annoncer les ayants droit économiques des actions au sens de l'art. 697j P-CO, l'art. 46a, al. 1, P-LPCC dispose que quiconque acquiert des actions d'entrepreneurs émises par la SICAV doit effectuer une annonce à la société au sens de l'art. 697j P-CO, en indiquant les nom, prénom ainsi que l'adresse de la personne physique qui est l'ayant droit des actions. L'art. 46, al. 3, LPCC est complété de manière à prévoir que la société tienne une liste des ayants droit économiques au sens de l'art. 697l P-CO. Vu les particularités de la SICAV (cf. le ch. 1.3.1), cette obligation ne peut être appliquée aux actionnaires investisseurs. En outre, étant donné que les actions des actionnaires entrepreneurs ne peuvent pas être libellées au porteur, l'art. 697k P-CO ne s'applique pas à cette catégorie d'actionnaires.

Les conséquences du non-respect de l'obligation d'annoncer prévue à l'art. 46a, al. 2, P-LPCC sont réglées par les dispositions du code des obligations et consistent en une restriction des droits sociaux et des droits patrimoniaux.

Art. 149, al. 1, let. f L'art. 46a, al. 1, P-LPCC, qui prévoit une obligation analogue à celle prévue dans le code des obligations, est couvert par les nouvelles dispositions du code pénal relatives à la société anonyme prévues à l'art. 327, let. b, et à l'art. 327a, let. a, P-CP.

Toutefois, les art. 327 et 327a P-CP ne s'appliquent pas à la disposition autonome prévue à l'art. 46, al. 3, 1ère phrase, LPCC. Le nouvel art. 149, al. 1, let. f, P-LPCC prévoit que quiconque, intentionnellement, ne tient pas correctement le registre des actions au sens de l'art. 46, al. 3, LPCC sera puni d'une amende de 500 000 francs au plus.

2.7

Loi sur le blanchiment d'argent

Titre de la LBA Etant donné qu'il est proposé d'étendre le champ d'application de la LBA à des activités commerciales n'ayant rien à voir avec l'intermédiation financière en tant que telle, il y a lieu de supprimer dans le titre la mention «dans le secteur financier».

Art. 2, al. 1bis A l'avenir, la LBA s'appliquera non seulement aux intermédiaires financiers, comme jusqu'à présent, mais encore aux personnes impliquées dans un contrat de vente, conformément au nouvel al. 1bis. Il s'agit en premier lieu du vendeur et de l'acheteur, mais aussi ­ dans les ventes immobilières ­ de l'officier public et du bureau du registre foncier participant à la transaction. Toutefois, contrairement aux intermédiaires financiers, ces personnes ne sont pas soumises aux obligations de diligence et de clarification que prévoit la LBA. Elles doivent uniquement veiller à respecter les prescriptions sur le paiement en espèces lors d'opérations de vente arrêtées dans le nouveau chap. 1a.

656

Les nouvelles dispositions (cf. les art. 2b et 2c P-LBA) commentées ci-après n'entraînent aucune nouvelle obligation pour les intermédiaires financiers. Si ceuxci reçoivent des espèces à transférer sur le compte d'un vendeur, ils appliquent les obligations de diligence auxquelles ils sont déjà soumis aujourd'hui. Si, dans le cas particulier de l'achat d'un immeuble, ils doivent confirmer au responsable du registre foncier, pour le compte de l'acquéreur, que le prix d'achat a été réglé conformément aux modalités convenues, il ne s'agit pas d'une nouvelle obligation selon la LBA, mais d'une prestation contractuelle fournie à leurs clients.

Art. 2a

Définitions

Al. 1 et 2 Les définitions des PPE de l'art. 2, al. 1, let. a, OBA-FINMA et de l'art. 10, al. 4, let. a, OBA CFMJ sont complétées par les nouvelles catégories «PPE en Suisse» et «PPE au sein d'organisations intergouvernementales» et inscrites dans la LBA.

L'al. 1, let. a, définit les PPE à l'étranger, comme jusqu'à présent, tandis que la nouvelle catégorie des PPE en Suisse est décrite à l'al. 1, let. b. Etant donné que le GAFI ne fait pas de différences matérielles dans ses définitions des «PPE étrangères» et des «PPE nationales» et qu'il y décrit les fonctions concernées dans les mêmes termes, il paraît judicieux que le nouveau droit donne des PPE à l'étranger et des PPE en Suisse des définitions présentant aussi une structure équivalente, sans toutefois reprendre exactement les mêmes termes pour décrire les fonctions, en raison des particularités du système suisse. Compte tenu de ces particularités, les personnes entrant dans la définition des PPE en Suisse selon l'al. 1, let. b sont les suivantes: les conseillers fédéraux, le chancelier de la Confédération, les conseillers nationaux et les conseillers aux Etats, les directeurs d'office et les secrétaires généraux de l'administration fédérale, le procureur général de la Confédération, les procureurs fédéraux, les juges fédéraux, les officiers généraux de l'armée, les présidents et les secrétaires généraux des partis politiques nationaux ainsi que les membres du conseil d'administration ou de la direction d'entreprises étatiques d'importance nationale. Sont réputées entreprises étatiques d'importance nationale La Poste Suisse, Swisscom, CFF, SUVA, armasuisse, RUAG, Empa76 et IFSN77. On constate donc que, conformément au modèle du GAFI, seules des personnes exerçant des fonctions publiques dirigeantes au niveau national sont formellement désignées comme faisant partie des PPE en Suisse. Les PPE au niveau régional, telles que les conseillers d'Etat, les procureurs généraux des cantons, les présidents de sections cantonales des partis politiques ou les responsables de services des constructions de communes, ne sont pas visées par cette définition. Toutefois, conformément à l'art. 12, al. 1, OBA-FINMA et à l'art. 10 OBA CFMJ, les intermédiaires financiers ont toujours l'obligation de fixer des critères permettant de détecter les relations d'affaires
présentant des risques accrus. Cela leur permet, compte tenu des clarifications qu'ils entreprennent et des critères qu'ils élaborent eux-mêmes, de désigner également des PPE aux niveaux cantonal et communal en tant que relation à risque accru, conformément à l'approche basée sur les risques applicable en la matière.

76

77

Institution de recherche et de services interdisciplinaire du domaine des Ecoles polytechniques fédérales qui se consacre à la science des matériaux et aux développements technologiques.

Inspection fédérale de la sécurité nucléaire

657

La définition des PPE du GAFI n'inclut pas les suppléants des personnes concernées ­ à moins qu'il ne s'agisse de personnes proches ­, si bien que le projet ne les qualifie pas non plus de PPE. Dans la pratique, il pourrait néanmoins arriver que si un ou plusieurs des critères fixés à l'art. 12 OBA-FINMA et à l'art. 10 OBA CFMJ sont remplis, le suppléant d'une PPE soit tout de même considéré comme une relation d'affaires présentant un risque accru.

Etant donné que les fonctions dirigeantes des PPE dans une organisation intergouvernementale ne se définissent pas de la même manière que celles des PPE en Suisse et des PPE à l'étranger, le projet consacre une lettre particulière à la catégorie des PPE au sein d'organisations intergouvernementales (al. 1, let. c).

Enfin, l'al. 2 définit les personnes proches des PPE. Si la définition des PPE à l'art. 2, al. 1, let. a, OBA-FINMA et à l'art. 10, al. 4, let. a, OBA CFMJ inclut explicitement les personnes morales, celles-ci ne peuvent en réalité être des PPE. La nouvelle définition à l'art. 2a, al. 2, P-LBA en tient compte. Dans le même temps, elle est harmonisée avec la définition du GAFI. Etant donné que les intermédiaires financiers doivent identifier les ayants droit économiques d'une personne morale (art. 4 LBA), les obligations de diligence accrues doivent également s'appliquer à la relation d'affaires avec la personne morale concernée, si ses ayants droit économiques sont des PPE. Ainsi, donc, la pratique en cours demeure inchangée, même sans mention explicite d'entreprises dans la définition des PPE, à savoir que l'ayant droit économique, s'il s'agit d'une PPE, doit être présenté à la direction pour approbation et soumis à un contrôle périodique. Contrairement à ce qui est le cas avec la définition figurant dans la loi fédérale du 1er octobre 2010 sur la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite de personnes politiquement exposées (LRAI)78, la définition de la personne proche mentionnée dans le projet conserve sciemment la précision «de manière reconnaissable», afin d'éviter que des intermédiaires financiers ayant procédé à toutes les clarifications requises à un moment donné ne puissent se voir reprocher a posteriori de n'avoir pas entièrement rempli leurs obligations de diligence.

Al. 3 Il est renvoyé aux commentaires sous l'art. 4 LBA.

Chapitre 1a Art. 2b

Paiement lors d'opérations de vente Vente immobilière

L'al. 1 traduit dans la loi la volonté exprimée dans les interventions parlementaires d'empêcher que de l'argent ne soit blanchi à la faveur d'opérations de vente immobilière. De nos jours, il est certes inhabituel qu'une somme de plusieurs dizaines de milliers de francs soit versée en espèces lors de la vente d'un bien immobilier. La plupart des contrats de vente immobilière sont d'ores et déjà exécutés au moyen d'un virement bancaire et le vendeur qui se verrait remettre 100 000 francs ou plus de la main à la main devrait se poser des questions sur l'origine de cet argent. La solution proposée règle donc formellement une pratique déjà largement consacrée par l'usage, en prévoyant que, lors de ventes immobilières, les paiements de plus de 100 000 francs ne pourront plus intervenir directement entre l'acheteur et le vendeur, mais devront obligatoirement passer par un intermédiaire financier soumis à la LBA.

78

658

RS 196.1

A charge ensuite pour cet intermédiaire financier de remplir ses obligations légales de diligence et de clarification, qui existent déjà aujourd'hui. Le flux financier proprement dit pourra être assuré de différentes manières: par l'entremise de la banque (ou d'un autre intermédiaire financier soumis à la LBA) de l'acheteur, de celle du vendeur ou des deux à la fois. Il est également possible de régler le prix d'achat via le compte client que l'officier public dressant l'acte authentique détient auprès d'un intermédiaire financier.

La réglementation ne porte pas uniquement sur l'achat d'immeubles. Le terme «immeuble» à l'art. 216 CO, auquel renvoie l'art. 2b du projet, correspond à la notion qui prévaut dans le domaine des droits réels et englobe notamment les droits distincts et permanents inscrits au registre foncier (comme les droits de superficie distincts) et les parts de copropriété (cf. l'art. 655 CC).

Cette réglementation simple permet de résoudre dans une large mesure le problème du blanchiment d'argent dans le secteur immobilier, sans pour autant soumettre des branches entières ­ telles que celles des notaires ou des agents immobiliers, qui ne sont pas des intermédiaires financiers ­ aux obligations de diligence et de clarification et autres exigences découlant de la LBA, ce qui irait au demeurant à l'encontre du système. Une telle soumission serait en outre non seulement disproportionnée, mais encore inappropriée. L'activité régulière d'un agent immobilier, par exemple, consiste uniquement à mettre vendeurs et acheteurs en contact. Il n'exerce aucun contrôle sur le flux financier qui intervient ensuite entre les parties au contrat. En revanche, les intermédiaires financiers impliqués dans l'opération de vente n'y ont aucun intérêt propre et peuvent contrôler le flux financier. Ils sont par conséquent beaucoup mieux à même d'observer les obligations de diligence applicables en matière de lutte contre le blanchiment d'argent.

La restriction proposée des possibilités de paiement en espèces au sens du projet ne contrevient à aucun droit constitutionnel, contrairement à ce que certains participants à la consultation ont affirmé. Même si l'on veut y voir une limitation de la liberté économique selon l'art. 27 Cst., cette limitation est autorisée par l'art. 36 Cst., car elle est régie par
une loi fédérale, elle sert l'intérêt public prépondérant de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme et elle est proportionnée compte tenu du seuil de 100 000 francs et des habitudes de paiement actuelles.

Les prescriptions concernant le paiement en espèces figurant aux art. 2b et 2c P-LBA priment, en tant que lex specialis, sur l'obligation ­ prévue à l'art. 3, al. 2, de la loi fédérale du 22 décembre 1999 sur l'unité monétaire et les moyens de paiement (LUMMP)79 ­ d'accepter en paiement des billets de banque suisses sans limitation de la somme.

La détermination du seuil au-dessous duquel le paiement en espèces reste possible est une question d'appréciation. Le nouveau droit propose de fixer ce seuil à 100 000 francs, en partant du principe qu'il existe souvent des raisons valables expliquant que l'on dispose d'un montant en espèces inférieur, et qu'il ne faut donc pas aussitôt conclure à du blanchiment d'argent. L'acheteur peut par exemple disposer d'une importante somme d'argent à la suite d'une donation en espèces de la part d'un membre de sa famille ou du remboursement d'un prêt.

79

RS 941.10

659

Selon l'al. 2, pour être valables, les contrats de vente immobilière doivent être passés en la forme authentique. De plus, le transfert de la propriété du bien immobilier doit faire l'objet d'une inscription au registre foncier. Ces exigences légales auxquelles l'opération de vente immobilière doit satisfaire permettent d'imposer et de contrôler le respect des modalités de paiement fixées à l'al. 1. Les parties à la vente immobilière sont en effet tenues de stipuler expressément dans le contrat de vente que le paiement de la part du prix de vente excédant 100 000 francs sera effectué par l'entremise d'un intermédiaire financier au sens de la LBA. L'officier public qui authentifie le contrat de vente s'assure également, dans le cadre de sa fonction, que l'acte répond aux exigences d'un document pouvant être enregistré.

Dans ce contexte, l'al. 2 apparaît comme une évidence. Il faut cependant que tout un chacun, et en particulier les parties au contrat de vente, puissent connaître les modalités requises pour satisfaire les prescriptions sur le paiement en espèces et les conséquences de leur non-respect.

Une fois que le contrat de vente a été dressé en la forme authentique, que le paiement du prix de vente a été effectué (au moins en partie) et que l'inscription du nouveau propriétaire au registre foncier a été requise, l'acte de disposition est réputé effectué. Aux fins de l'inscription au registre foncier, l'intermédiaire financier impliqué ou l'officier public dont le compte client est utilisé pour exécuter l'opération (al. 3) doivent attester que le paiement du prix de vente a bien eu lieu par leur entremise, conformément à l'al. 1. S'il ne s'est agi que d'un paiement partiel, ils doivent également attester que le solde sera aussi payé conformément aux prescriptions légales. L'attestation originale de l'intermédiaire financier doit être remise au bureau du registre foncier lors de la réquisition d'inscription, avec les pièces justificatives accompagnant la réquisition selon l'art. 51 de l'ordonnance du 23 septembre 2011 sur le registre foncier (ORF)80. La pièce justifiant du paiement doit prouver sans ambiguïté que les parties au contrat de vente sont respectivement l'assignant et l'assignataire du paiement. Si cette preuve n'est pas apportée, le bureau du registre foncier doit refuser l'inscription
du nouveau propriétaire. Compte tenu du nouveau droit, l'art. 51 ORF devrait être complété et disposer qu'en sus des pièces justificatives qui y sont déjà indiquées, la personne qui présente la réquisition doit également fournir l'attestation visée à l'art. 2b, al. 3, P-LBA.

Art. 2c

Vente mobilière

L'al. 1 prévoit, pour les ventes mobilières, une règle similaire à celle de l'art. 2b, al. 1, P-LBA, si bien que les réflexions d'ordre général relatives à ce dernier valent aussi ici par analogie. En matière de ventes mobilières également, les gros paiements en espèces sont rares de nos jours et il paraît raisonnable, dans l'intérêt supérieur de la lutte contre le blanchiment d'argent, de prévoir qu'en cas de vente dépassant un certain montant, le paiement doive être effectué par l'entremise d'un intermédiaire financier. Etant donné que la plupart des transactions relevant du trafic des paiements se déroulent déjà par l'intermédiaire de banques ou au moyen de cartes de crédit ­ donc aussi par l'entremise d'un intermédiaire financier soumis à la LBA (cf. l'art. 2, al. 3, LBA) ­, les nouvelles prescriptions n'entraîneront pas de changement fondamental des habitudes de paiement. En s'appliquant en principe à toutes les ventes mobilières, les dispositions de l'al. 1 tiennent compte du fait que le blanchiment d'argent peut toucher les opérations de vente dans n'importe quel domaine.

80

660

RS 211.432.1

Si l'on en limitait le champ d'application par exemple aux ventes de pierres précieuses et d'immeubles, le risque de blanchiment se reporterait sur les ventes d'objets d'art, de chevaux de course ou de voitures de luxe, qui ne sont guère moins exposées à ce risque. Cette application de la loi dans tous les domaines est cependant d'emblée atténuée par le fait que seuls sont concernés les contrats de vente de plus de 100 000 francs, autrement dit, en règle générale, le segment du grand luxe. Ce seuil est approprié dans la mesure où l'attrait d'une opération de vente en termes de blanchiment est directement proportionnel à l'importance de la somme qu'elle permet de blanchir. Les opérations de vente de la vie quotidienne ainsi que les ventes de biens de luxe (montres, bijoux ou voitures) jusqu'à 100 000 francs pourront donc continuer à faire l'objet de paiements en espèces.

Relevons que les opérations de vente réalisées en violation des prescriptions sur le paiement en espèces des art. 2b et 2c P-LBA ne seront pas simplement nulles. Il serait en effet disproportionné, notamment en cas de violation non intentionnelle des prescriptions, d'annuler un contrat dont tous les éléments essentiels ont par ailleurs été valablement convenus entre les parties. Ce serait en outre d'autant moins approprié que l'objet du contrat aurait pu être entre-temps vendu à un autre acquéreur et que les suites de l'annulation concerneraient alors aussi des tiers non impliqués.

Enfin, pousser les suites juridiques de la violation jusqu'à l'annulation serait inutile, d'une part parce que la sévérité de la peine prévue à l'art. 38 P-LBA et la possibilité d'une confiscation fondée sur l'art. 70 CP sont à même d'imposer le respect des prescriptions sur le paiement en espèces et, d'autre part, parce que le juge pourrait toujours, s'il apparaissait en cours de procédure qu'il y a effectivement eu blanchiment d'argent, déclarer le contrat nul en vertu de l'art. 20 CO.

La pratique pourrait néanmoins montrer que l'application de l'al. 1 à certaines catégories d'opérations de vente (selon l'objet de la vente ou la forme du contrat) est inappropriée. Le cas échéant, le Conseil fédéral doit avoir la possibilité d'arrêter des exceptions, sans qu'il soit nécessaire de modifier la loi (al. 2).

Art. 4 en relation avec l'art. 2a, al. 3
Identification de l'ayant droit économique L'actuel art. 4 LBA exige que le cocontractant se procure une déclaration écrite indiquant qui est l'ayant droit économique dans des cas de figure particuliers (al. 1).

La présomption est que le cocontractant est identique à l'ayant droit économique et qu'une déclaration du cocontractant sur l'ayant droit économique (formulaire A) n'est pas automatiquement requise. L'intermédiaire financier se doit, déjà selon le droit actuel, de connaître ses clients et ses affaires et de s'organiser de manière à être en mesure de reconnaître des indices lui permettant de conclure soit à la présomption de la coïncidence de l'identité du cocontractant et de l'ayant droit économique, soit à la situation de doute décrite à l'al. 1, laquelle oblige l'intermédiaire financier à exiger le formulaire A. Il est proposé d'ajouter un nouvel al. 1 à l'art. 4 LBA visant à inscrire dans la loi le principe général de l'identification de l'ayant droit économique. L'al. 1 précise que l'intermédiaire financier doit identifier l'ayant droit économique «avec la diligence requise par les circonstances». Il est ainsi demandé à l'intermédiaire financier qu'il détermine les personnes qui, de manière reconnaissable pour lui, contrôlent effectivement la personne morale. Selon ce nouvel alinéa, l'intermédiaire financier devrait documenter, au sens de l'art. 7 LBA, qu'il estime que le cocontractant est aussi l'ayant droit économique. Ainsi, en l'absence de doute, 661

l'intermédiaire financier pourra se contenter d'identifier l'ayant droit économique en établissant dans les documents d'ouverture de compte qu'il n'y a aucun indice laissant penser que le cocontractant n'est pas l'ayant droit économique. C'est uniquement cette obligation d'établir des documents qui sera introduite par rapport à la situation actuelle où l'intermédiaire financier doit réagir lorsqu'il constate la présence d'éléments qui pourraient faire douter que le cocontractant est aussi l'ayant droit économique. Ainsi, la modification proposée n'oblige pas les intermédiaires financiers à demander un formulaire A dans tous les cas, ce qui signifie que la disposition en vigueur en ce qui concerne l'obtention d'une déclaration écrite sur l'ayant droit économique est maintenue et devient l'al. 2. Néanmoins, les intermédiaires financiers sont libres d'introduire le formulaire A de manière généralisée pour l'ensemble de leurs relations d'affaires.

Les sociétés cotées en bourse et leurs filiales majoritairement contrôlées peuvent être exemptées de cette mesure du fait des mesures de transparence résultant de leurs exigences boursières. Cette exception est prévue dans la note interprétative de la recommandation 10 du GAFI (chap. C, let. b, dernier par.). L'art. 49, al. 3, OBAFINMA n'en tient actuellement pas entièrement compte. Pour des raisons de clarté et de sécurité juridique, il est par ailleurs nécessaire d'inscrire cette exception concernant le champ d'application général de l'art. 4 dans la LBA plutôt que dans l'OBA-FINMA. L'al. 1 de l'art. 4 LBA est complété à cette fin. Dans la pratique, l'intermédiaire financier devra s'assurer, aux fins de l'application de cette exception ­ et conformément aux exigences du GAFI ­ qu'une société filiale étrangère détenant un contrôle majoritaire est assujettie dans la juridiction d'origine, en vertu des règles du marché boursier, à des obligations de publication visant à garantir une transparence satisfaisante des ayants droit économiques.

L'al. 2 est également complété de façon à faire porter l'obligation d'identification également sur les personnes physiques qui sont des ayants droit économiques de personnes morales exerçant une activité opérationnelle. La pratique actuelle selon laquelle il n'est pas nécessaire d'identifier ces ayants droit économiques ne
peut pas être maintenue, car elle contrevient aux normes des recommandations 10 et 24 du GAFI. Selon ces recommandations, les personnes physiques ayants droit économiques de personnes morales exerçant une activité opérationnelle doivent être systématiquement identifiées. Cette mesure se justifie également en raison du risque de blanchiment d'argent81. L'al. 1 prévoit que seules les sociétés cotées en bourse et les filiales détenues majoritairement par de telles sociétés sont dispensées de cette obligation.

La règle selon laquelle l'ayant droit économique ne peut pas être une société de domicile reste inchangée.

L'art. 2a, al. 3, P-LBA définit les ayants droit économiques de personnes morales comme étant les personnes physiques qui, en dernier lieu, contrôlent la personne morale. Il instaure un seuil de participation à partir duquel une personne physique peut être considérée comme l'ayant droit économique d'une personne morale. Il suit en cela la note interprétative de la recommandation 10 du GAFI (en particulier la note de bas de page 30, qui donne pour exemple un seuil de 25 % du capitalactions). Le seuil de 25 % est celui qui est prévu dans la 3e directive européenne antiblanchiment (état au 20 mars 2008). La proposition de la Commission de révi81

662

Cf. rapport 2011 de fedpol, p. 12: www.admin.ch > Site DFJP > Site Office fédéral de la police > Documentation > Rapports > Rapports annuels fedpol

sion de cette directive maintient ce seuil82 conformément au souhait exprimé par toutes les parties prenantes lors de la procédure de consultation83. L'art. 2a, al. 3, P-LBA prévoit aussi que le contrôle effectif sur la société peut s'exercer d'une autre manière que par la propriété du capital. Un tel contrôle peut, par exemple, être exercé par une personne physique sur l'organe de direction de la personne morale.

Selon l'art. 2a, al. 3, P-LBA, l'identification de l'ayant droit économique se déroulera comme suit: ­

les représentants de la personne morale exerçant une activité opérationnelle devront confirmer par écrit, sur la base de la liste des détenteurs et des ayants droit économiques des actions, s'il y a une participation d'au moins 25 % et qui est l'ayant droit économique des actions;

­

ils devront également informer l'intermédiaire financier s'ils ont connaissance des personnes physiques qui contrôlent la personne morale d'une autre manière sur la base d'autres sources que la liste des détenteurs et des ayants droit économiques des actions;

­

si aucune personne ne peut être identifiée en tant qu'ayant droit économique, l'intermédiaire financier devra identifier le membre le plus haut placé de l'organe de direction (par ex. en demandant une copie du passeport du CEO). Il convient de souligner qu'il s'agit là d'une mesure alternative à l'identification de l'ayant droit économique, cette personne n'étant pas en principe elle-même l'ayant droit économique.

Cette procédure présuppose que les personnes habilitées à représenter le cocontractant disposent des informations concernées. Dans ce contexte, il convient de relever que le projet introduit une obligation d'annoncer de l'actionnaire à la société sur l'identité de l'ayant droit économique des actions. Lors de l'identification de l'ayant droit économique, l'intermédiaire financier pourra partir du principe que le représentant du cocontractant a accès à ces informations, ou coopère avec la personne désignée par la société pour administrer la liste des actionnaires et des ayants droit économiques des actions. L'information obtenue par la société au moyen de l'annonce de l'actionnaire constitue une première étape de l'identification de l'ayant droit économique de la personne morale. Ainsi, il est par exemple possible que, dans une société qui compte deux actionnaires (ou les personnes au nom desquelles ces actionnaires agissent) détenant une participation d'au moins 25 % du capital ou des voix, ces actionnaires ne soient pas en dernier lieu les personnes qui contrôlent effectivement la société. Le conseil d'administration de la société qui a connaissance de cet état de fait et qui a des indices sur l'identité de la personne qui contrôle la personne morale d'une autre manière (c'est-à-dire le véritable ayant droit économique) pourra en informer l'intermédiaire financier.

L'intermédiaire financier pourra également partir du principe que la personne détentrice du pouvoir de représentation dispose des informations sur les ayants droit économiques de la personne morale, dès lors que cette dernière est domiciliée dans un pays qui a mis en oeuvre la recommandation 24 du GAFI et dans lequel les informations sur la société sont disponibles ou peuvent le devenir. Si le représentant de la personne morale exerçant une activité opérationnelle ne peut fournir aucune 82 83

www.eur-lex.europa.eu > FR > Recherche simple par numéro CELEX > 52013PC0045 Cf. rapport du 11 avril 2012 de la Commission sur la modification de cette directive: www.ec.europa.eu > marché intérieur > Droit des sociétés > Délinquance financière.

663

information sur les ayants droit économiques au sens de l'art. 2a, al. 3, P-LBA, il faudra considérer qu'il s'agit d'une relation d'affaires qui présente un risque accru et requiert par conséquent de l'intermédiaire financier qu'il remplisse ses obligations de clarification, ainsi que son obligation d'établir et de conserver des documents.

L'intermédiaire financier devra procéder aux clarifications nécessaires au sens de l'art. 14, al. 2, let. h, OBA-FINMA dans une mesure proportionnée aux circonstances. S'il n'est toujours pas possible d'identifier l'ayant droit économique, il faudra en documenter les raisons et refuser d'établir la relation d'affaires (art. 56, al. 2, OBA-FINMA). En cas de refus d'établir la relation d'affaires, il y aura également lieu de vérifier si les conditions d'exécution de l'obligation de communiquer selon la LBA sont remplies.

Les nouvelles dispositions sont applicables dès l'entrée en vigueur de la modification de la loi pour toutes les nouvelles relations d'affaires. En ce qui concerne les relations d'affaires existantes, les nouvelles dispositions sont applicables lorsque, au cours de la relation d'affaires, un renouvellement de l'identité du cocontractant ou de l'ayant droit économique est requis selon la LBA.

Art. 6, al. 2, let. b et d, al. 3 et 4 A l'al. 2, let. b, il est introduit une référence au délit fiscal qualifié au sens de l'art. 305bis, ch. 1bis, P-CP afin que les obligations de diligence particulières portent aussi sur cette nouvelle infraction préalable concernant les impôts directs.

L'al. 2 existant est complété par une nouvelle let. d. Celle-ci oblige l'intermédiaire financier à clarifier le but et l'arrière-plan d'une relation d'affaires ou d'une transaction lorsque les données concernant un cocontractant, un ayant droit ou un signataire autorisé d'une relation d'affaires ou d'une transaction concordent ou présentent de grandes similitudes avec celles d'une personne ou d'une organisation qui lui ont été transmises par les autorités de surveillance ou par un organisme d'autorégulation.

Les clarifications seront plus approfondies si, par exemple, l'orthographe du nom figurant dans les informations qui ont été transmises ne correspond pas à celle du nom d'un partenaire contractuel, ou si les informations concernant des personnes ou des organisations
impliquées sont incomplètes. Une certaine marge d'interprétation est nécessaire pour permettre à l'intermédiaire financier d'exécuter son obligation de diligence, car une communication de soupçons au bureau de communication peut être également appropriée si les données ne concordent pas, mais que les clarifications ont révélé d'autres faits requérant une communication. A l'inverse, il est possible que l'intermédiaire financier ne découvre aucun indice d'agissements suspects qui auraient donné lieu à une communication, mais qu'il doive malgré tout effectuer une communication, car il sait que la personne listée est effectivement un cocontractant, un ayant droit économique ou un signataire autorisé (cf. les commentaires sur l'art. 9, al. 1, let. c plus bas). Ces indications sont très utiles au bureau de communication pour décider d'une éventuelle transmission de la communication aux autorités de poursuite pénale.

Les al. 3 et 4 reprennent les obligations de diligence spécifiques en relation avec les PPE qui doivent être réglées dans la loi. Les dispositions concernées relatives aux PPE à l'étranger figuraient précédemment à l'art. 12, al. 3, OBA-FINMA et à l'art. 10, al. 3, OBA CFMJ. Le titre de l'article a en outre été adapté à son nouveau contenu. Selon la recommandation 12 du GAFI et contrairement aux PPE à l'étranger (cf. l'al. 3), les PPE nationales et les PPE au sein d'organisations interna664

tionales ne doivent pas obligatoirement être classées comme des relations d'affaires présentant un risque accru. Le projet prévoit par conséquent que pour qualifier les PPE en Suisse et au sein d'organisations intergouvernementales de relations d'affaires comportant un risque accru, il faut qu'elles remplissent au moins un autre critère de risque. Chacun des deux nouveaux alinéas intègre aussi les personnes proches des PPE concernées, qui font aussi l'objet, le cas échéant, des obligations de diligence pertinentes.

Les critères de risque servant à repérer les PPE en Suisse et les PPE au sein d'organisations intergouvernementales présentant un risque accru restent inscrits aux art. 12, al. 2, OBA-FINMA et 10, al. 2, OBA CFMJ, et les obligations de diligence complémentaires applicables lorsqu'une PPE est considérée comme présentant un risque accru restent inscrites aux art. 14 OBA-FINMA et 12 OBA CFMJ.

Art. 9, al. 1, let. a, ch. 2, et let. c Une référence au délit fiscal qualifié au sens de l'art. 305bis, ch. 1bis, P-CP est introduite à l'al. 1, let. a, ch. 2, afin que l'obligation de communiquer des intermédiaires financiers englobe aussi cette nouvelle infraction préalable concernant les impôts directs. Une référence analogue est inscrite à l'art. 16, al. 1, let. b, concernant la FINMA et la Commission fédérale des maisons de jeu, à l'art. 23, al. 4, let. b, concernant le bureau de communication, et à l'art. 27, al. 4, let. b, concernant les organismes d'autorégulation.

L'al. 1 existant est complété par la let. c, qui oblige l'intermédiaire financier à informer le bureau de communication lorsqu'il sait ou présume que les données qui concernent une personne ou une organisation figurant sur une liste transmise concordent avec celles de sa base de données clients ou d'une transaction. Cette communication implique que les clarifications énoncées à l'art. 6, al. 2, let. d ont été effectuées. On s'assure ainsi que l'intermédiaire financier est en mesure d'expliquer pourquoi il sait ou présume que le cocontractant, l'ayant droit économique ou le signataire autorisé d'une relation d'affaires correspond effectivement à une personne ou organisation listée ou que celle-ci est impliquée dans une transaction.

La nouvelle réglementation prévoit qu'une communication doit être effectuée même si l'intermédiaire
financier n'est pas absolument certain que la personne ou l'organisation concernée correspond vraiment à celle qui est listée. Cela se justifie par la garantie d'une activité irréprochable et par le fait qu'une concordance partielle des données peut engendrer un soupçon fondé dans le cadre existant, d'autant que le résultat des clarifications entreprises selon l'art. 6, al. 2, let. d peut déclencher un tel soupçon.

Art. 9a

Ordres des clients portant sur les valeurs patrimoniales communiquées

Selon le nouveau système présenté ici, la communication au bureau de communication n'entraîne plus un blocage immédiat des valeurs patrimoniales communiquées (cf. le commentaire de l'art. 10, al. 1, P-LBA). Pour être efficace, le système de lutte contre le blanchiment d'argent doit toutefois fournir aux intermédiaires financiers des moyens visant à empêcher que les fonds en lien avec une communication en cours d'analyse n'échappent à une éventuelle confiscation (cf. l'art. 305bis, ch. 1, CP), ou ne servent au financement du terrorisme. En effet, en l'absence de blocage 665

pendant l'analyse effectuée par le bureau de communication, les opérations sur le compte continuent à avoir lieu. Le nouvel art. 9a P-LBA prévoit la mise en place pour les intermédiaires financiers d'un mécanisme visant à faire face à ces situations.

Bien que le client ne doive en aucun cas être mis au courant de la communication au bureau de communication (cf. l'art. 10a LBA mettant en oeuvre l'interdiction d'avertir le client [tipping off] prévue par la recommandation 21 du GAFI), il n'est pas exclu qu'il puisse se douter qu'une communication a été effectuée, notamment dans les nombreux cas où les soupçons naissent à partir d'articles de presse. Cela pourrait amener le client à tenter de soustraire ses fonds à une éventuelle confiscation par les autorités pénales.

Etant donné que la non-exécution de l'ordre d'un client implique un risque de tipping off, l'intermédiaire financier exécutera généralement les ordres de clients portant sur des montants visiblement destinés à des paiements courants. Ainsi, l'al 1 permet par exemple à l'intermédiaire financier d'effectuer, sur ordre du client, le paiement des primes d'assurances, des impôts, de loyers ou de produits et services destinés à la vie quotidienne.

La non-exécution des ordres de clients interviendra dans les circonstances exceptionnelles prévues à l'al. 2. Selon cette disposition, concernant les cas qui sont en cours d'analyse au bureau de communication, si l'intermédiaire financier se trouve face à une demande de transfert de fonds de la part du client, par laquelle celui-ci cherche à entraver la confiscation ou à financer le terrorisme, il n'exécute pas l'ordre et avertit immédiatement le bureau de communication.

La décision d'avertir le bureau de communication et, partant, de suspendre la transaction, est du ressort de l'intermédiaire financier. Ce dernier doit accorder une attention toute particulière aux ordres de transfert donnés par le client concerné par une communication en cours d'analyse. Etant donné qu'une communication est en cours de traitement, l'intermédiaire financier se trouve dans un cas d'application de l'art. 6, al. 2, LBA et est obligé d'effectuer des clarifications supplémentaires afin de comprendre le but visé par la transaction en question. Pour ce faire, ses recherches ne doivent pas se limiter à son client mais
doivent aussi porter sur le destinataire des fonds. Cette attention particulière comprend aussi la surveillance des avoirs du client sur la base de critères cumulant les transactions pour éviter une diminution par petites tranches des valeurs patrimoniales communiquées.

L'exception de l'art. 9a P-LBA prévoit deux cas dans lesquels l'intermédiaire financier ne doit pas exécuter les ordres de son client portant sur des valeurs patrimoniales communiquées au bureau de communication. Ces cas sont mentionnés à l'al. 2, let. a et b. Tandis que la let. a se rapporte à des ordres susceptibles d'entraver la confiscation des valeurs communiquées, la let. b porte sur l'utilisation de ces valeurs pour financer le terrorisme: ­

666

On est en présence d'ordres de clients pouvant viser à entraver la confiscation des valeurs patrimoniales communiquées, au sens de l'art. 9a, al. 2, let. a, en particulier lorsque, sur la base d'articles de presse ainsi que d'après l'ampleur et le moment où des ordres de paiement sont donnés, l'intermédiaire financier estime que le client sait ou peut présumer que les autorités prendront des mesures pouvant conduire à la confiscation. Il en va de même si le client donne l'ordre de transférer à l'étranger une grande partie des

valeurs patrimoniales confiées, en particulier dans des juridictions non coopératives en matière d'entraide judiciaire internationale; ­

On est en présence d'ordres de clients pouvant viser à financer le terrorisme, au sens de l'art. 9a, al. 2, let. b, par exemple si des valeurs patrimoniales doivent être transférées à des destinataires soupçonnés de lien avec le terrorisme ou dans des régions du monde connues pour l'activité des réseaux terroristes. Il en va de même si l'ordre de paiement est destiné à une institution caritative soupçonnée de contribuer au soutien de réseaux terroristes. En revanche, le paiement d'impôts, de loyers ou d'autres paiements courants effectués en Suisse n'entreraient pas dans cette catégorie. Rappelons que pour déterminer s'il s'agit de financement du terrorisme, l'origine des valeurs patrimoniales n'est pas pertinente. Le fait qu'elles soient de provenance légale ou illégale n'est pas une condition à cette qualification. Si des valeurs patrimoniales, non seulement paraissent destinées au financement du terrorisme, mais en outre semblent être d'origine criminelle, les transactions devront être suspendues sur la base des deux cas prévus à l'art. 9a, al. 2, P-LBA.

L'art. 9a P-LBA est également applicable en cas de transfert de fonds vers un autre intermédiaire financier en Suisse. L'intermédiaire financier qui a fait une communication de soupçons au bureau de communication doit donc se concentrer sur le but visé par la demande de transfert de fonds du client. Dans les cas où un intermédiaire financier, qui a fait une communication au bureau de communication en vertu de l'art. 9 LBA ou de l'art. 305ter, al. 2, CP, découvre, après le transfert des fonds vers un autre intermédiaire financier en Suisse, que les conditions de l'art. 9a P-LBA sont remplies, il informe ce dernier en vertu de l'art. 10a, al. 2, LBA. Afin d'éviter d'informer indirectement le client, ce second intermédiaire financier ne refusera pas les fonds transférés au motif qu'une communication de soupçons a été effectuée au bureau de communication. Il surveillera les transactions du client et, le cas échéant, effectuera également une communication de soupçons. Les al. 2 et 3 de l'art. 10a LBA, prévoyant une exception à l'interdiction d'informer des tiers prévue à l'al. 1 du même article, ne sont pas modifiés par le présent projet et restent donc applicables. Par contre, l'interdiction d'informer aussi bien le client que des tiers selon l'art. 10a, al. 1, P-LBA est désormais illimitée dans le temps. L'interdiction limitée à la durée du blocage, telle que prévue à l'actuel art. 10a, al. 1, LBA, a en effet été considérée par le GAFI comme contraire à ses normes lors de l'évaluation de la Suisse de 2005. L'interdiction d'informer est désormais expressément étendue aux communications en vertu de l'art. 305ter, al. 2, CP. Elle s'appliquait jusqu'à présent par analogie selon la pratique du bureau de communication. Cette extension expresse garantit une plus grande sécurité juridique. Enfin, l'interdiction d'informer vaut également lorsque l'intermédiaire financier a averti le bureau de communication en vertu de l'art. 9a P-LBA.

L'intermédiaire financier qui se trouve dans un cas d'application de l'art. 9a, al. 2, P-LBA suspend les transactions pendant un délai de cinq jours à partir du moment où il a averti le bureau de communication au sujet de l'ordre du client. Le bureau de communication analyse cet ordre et communique le résultat à l'intermédiaire financier. Si, au terme de son analyse, le bureau
de communication décide que la communication de soupçons doit être transmise aux autorités de poursuite pénale, le blocage prévu à l'art. 10, al. 1, P-LBA s'applique. Ce blocage englobe tous les éléments patrimoniaux qui font l'objet de la communication et donc également les paiements 667

suspendus en vertu de l'art. 9a, al. 3. L'intermédiaire financier doit exécuter l'ordre concerné si le bureau de communication lui indique qu'il n'est pas problématique ou s'il ne l'informe pas des résultats de son analyse dans le délai de cinq jours. Le bureau de communication peut laisser le délai expirer s'il estime qu'un blocage de toutes les valeurs patrimoniales est malvenu ou contreproductif en raison du risque connexe d'avertir le client (tipping off) ou pour d'autres raisons tactiques.

On rappellera que, selon ce nouveau système, une communication sur la base de l'art. 9 LBA n'entraîne plus de blocage des valeurs patrimoniales. La suspension des transactions en vertu de l'art. 9a P-LBA intervient en principe dans un deuxième temps. Cette dernière disposition ne peut donc s'appliquer de manière indépendante.

Elle suppose l'application préalable de l'art. 9 LBA ou de l'art. 305ter, al. 2, CP.

Il peut toutefois aussi arriver que cette mesure de suspension en vertu de l'art. 9a, al. 2, P-LBA soit prise en même temps que la communication principale. Ce peut être le cas lorsque les soupçons de blanchiment de l'intermédiaire financier sont nés à la suite d'une demande de transfert de fonds de la part du client. Dans de telles situations, la communication principale et celle visant une transaction particulière sont envoyées simultanément.

Si, pendant le délai de suspension de cinq jours à partir de la première transaction non effectuée, d'autres ordres du client entrant eux aussi dans le champ d'application de l'art. 9a, al. 2, P-LBA sont reçus, l'intermédiaire financier devra à nouveau avertir le bureau de communication et procéder à une suspension de ces ordres en vertu de l'art. 9a, al. 3, P-LBA.

Le nouvel art. 11, al. 1, P-LBA prévoit pour les communications de soupçons et les suspensions de transactions en vertu de l'art. 9a P-LBA une exonération de responsabilité civile et pénale analogue à celle prévue pour la communication de soupçons en vertu de l'art. 9 LBA ou de l'art. 305ter, al. 2, CP.

Ce nouveau système renforce la place octroyée aux intermédiaires financiers dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme tout en leur accordant une certaine souplesse dans la poursuite des relations d'affaires.

Art. 10

Blocage des avoirs

Le présent projet prévoit la mise sur pied d'un nouveau type de blocage. Il s'agit toujours d'un blocage automatique, de cinq jours, mais qui n'est plus déclenché par la seule communication de soupçons fondés de l'art. 9 LBA. Il diffère donc du blocage actuel prévu à l'art. 10 LBA en ce qui concerne le moment de sa mise en place.

Le projet prévoit que l'élément déclencheur du blocage automatique est la décision interne du bureau de communication de transmettre le cas communiqué aux autorités de poursuite pénale. Cette mesure de blocage n'intervient ainsi qu'après une analyse approfondie du bureau de communication basée aussi sur des informations et documents supplémentaires que le bureau de communication peut obtenir. Elle s'applique si une communication en vertu de l'art. 9 LBA ou de l'art. 305ter, al. 2, CP est transférée par le bureau de communication aux autorités de poursuite, autrement dit en cas de confirmation du soupçon de l'intermédiaire financier. Cette dissociation entre communication et blocage s'applique à toutes les communications effectuées au bureau de communication.

668

Lors du traitement d'une communication, mis à part pendant l'analyse opérationnelle des cas qui lui sont soumis, le bureau de communication contacte l'intermédiaire financier non seulement pour accuser réception de la communication de soupçon, mais aussi pour lui communiquer la suite qu'il donne à cette communication. Ce dernier contact deviendra décisif pour la mesure de blocage (cf. également les explications en relation avec l'art. 23, al. 5 et 6, P-LBA).

Cette solution présente différents avantages. Tout d'abord, en dissociant la communication au bureau de communication du blocage automatique, le système suisse répond à une critique du GAFI. En effet, selon ce dernier, avec le blocage automatique, le client qui donne un ordre et ne le voit pas exécuté peut se douter que les autorités ont été informées à son sujet. Ce système prévu aux art. 9 et 10 LBA présente donc un risque de tipping off, que le nouveau système réduit considérablement.

Ainsi, malgré la communication au bureau de communication, les opérations sur le ou les comptes concernés continuent d'avoir lieu selon les ordres du client. Cela signifie donc qu'en principe, même des valeurs patrimoniales ayant fait l'objet de la communication peuvent être débitées selon les ordres du client, permettant ainsi l'exécution des paiements courants, comme celui des primes d'assurances, des impôts, du loyer ou de produits et services destinés à la vie quotidienne.

Un autre avantage est le fait que le bureau de communication ne sera pas soumis à la pression des cinq jours et pourra traiter les communications de manière encore plus approfondie. L'analyse nécessite par exemple plus de temps si le bureau de communication a besoin d'informations complémentaires détenues par une autorité homologue à l'étranger. En outre, les autorités de poursuite disposeront, elles aussi, de plus de temps pour prendre une décision concernant le cas transmis par le bureau de communication (ouverture d'une procédure et maintien ou non du blocage). En effet, à partir du moment où une communication en vertu de l'art. 9 LBA ou de l'art. 305ter, al. 2, CP est transférée aux autorités de poursuite, c'est le délai de cinq jours prévu à l'art. 10, al. 1, P-LBA qui s'applique. Ce blocage s'applique tant aux valeurs communiquées en vertu de l'art. 9 LBA qu'à celles communiquées
en vertu de l'art. 305ter, al. 2, CP. Le système gagnera ainsi en cohérence car le blocage s'appliquera de manière unifiée et sans distinction à toutes les communications que le bureau de communication transférera aux autorités de poursuite pénale.

Section 3b

Transmission des données relatives aux activités terroristes

Art. 22a L'article comprend les dispositions qui régissent la transmission de données des personnes et organisations listées à l'étranger aux autorités de surveillance, puis aux intermédiaires financiers. Selon l'al. 1, les listes de terroristes sont transmises aux autorités de surveillance si certaines exigences minimales formelles sont remplies.

Pour qu'une liste puisse être transmise, il faut, premièrement, qu'un autre Etat l'ait remise à la Suisse dans le cadre d'une procédure définie ou de manière informelle.

On précise ainsi que la Confédération ne doit pas rechercher des listes de terroristes et d'organisations terroristes dans le monde. Deuxièmement, seules les listes étrangères ayant déjà été publiées dans leur pays d'origine doivent être transmises. La Confédération peut ainsi s'assurer que les données transmises à la Suisse ne diffèrent pas des «données originales» et éviter l'établissement de listes propres à la Suisse. Troisièmement, les listes de terroristes et d'organisations terroristes remises à la Suisse par l'Etat requérant ne peuvent être transmises que si elles reposent sur la 669

résolution 1373 du Conseil de sécurité. Celle-ci prévoit également des exigences minimales pour la désignation de terroristes ou d'organisations terroristes. Ces exigences minimales ont été adoptées par le GAFI et s'appliquent dès lors non seulement aux propres désignations nationales, mais également aux listes de terroristes reprises d'un Etat tiers. On peut dès lors supposer que les listes ne sont pas, par exemple, motivées politiquement, mais qu'elles se justifient au moins en raison d'indices révélant un arrière-plan terroriste.

L'al. 2 définit l'obligation de transmission pour la FINMA. En vertu de cet alinéa, celle-ci est tenue de transmettre les listes qu'elle a reçues du DFF selon l'al. 1 aux intermédiaires financiers visés à l'art. 2, al. 2 et 3, qui lui sont soumis, ainsi qu'aux organismes d'autorégulation à l'attention des intermédiaires financiers qui leurs sont affiliés.

L'al. 3 fixe de manière analogue l'obligation pour la Commission fédérale des maisons de jeu de transmettre les données. Selon cette disposition, celle-ci doit transmettre les listes qu'elle a reçues du DFF selon l'al. 1 aux intermédiaires financiers visés à l'art. 2, al. 2, qui lui sont soumis.

L'al. 4 indique dans quel contexte le DFF ne doit pas transmettre une liste. Etant donné que l'arrière-plan terroriste d'une personne ou d'une organisation ne peut être déterminé de manière concluante que dans le cadre d'une procédure pénale, il faut s'assurer d'après la norme que les principes de l'Etat de droit sont garantis (à savoir les droits de recours et de procédure en vigueur) et que les droits de l'homme (par ex. l'interdiction de toute discrimination) sont respectés vis-à-vis des personnes et organisations listées. Cette exigence se justifie, car les demandes de reprise de listes de terroristes au sens de la résolution 1373 du Conseil de sécurité ne constituent pas des demandes formelles d'entraide judiciaire. Toutefois, selon les circonstances, une transmission peut avoir des conséquences similaires à l'octroi de cette entraide (par ex. déclenchement d'un blocage des avoirs). Dans ce cadre, les droits de l'homme et les principes de l'Etat de droit doivent être respectés non seulement par la Suisse lors de la transmission de listes étrangères de terroristes, mais avant tout par l'Etat qui les a établies.

De plus,
le droit international contient lui aussi des dispositions sur l'octroi de l'entraide judiciaire en matière de terrorisme, ainsi la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme84. L'art. 15 de cette convention exclut l'entraide judiciaire si l'Etat requis a des raisons sérieuses de croire que la demande d'entraide a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des raisons tenant à sa race, sa religion, sa nationalité, son origine ethnique ou ses opinions politiques, ou que faire droit à la demande porterait préjudice à la situation d'une personne pour l'une quelconque de ces raisons. L'art. 2, let. b, EIMP comprend une disposition similaire. Il est donc approprié que seules les listes émanant d'Etats avec lesquels la Suisse peut coopérer sur le plan judiciaire soient effectivement transmises. La Suisse peut coopérer sur le plan judiciaire essentiellement avec des Etats qui répondent aux critères fondamentaux d'un Etat de droit et qui respectent les droits de l'homme et d'autres principes juridiques supranationaux pertinents.

La conformité à ces critères pouvant être évaluée de manière adéquate dans les pays avec lesquels la Suisse entretient des liens politiques, économiques et juridiques étroits, il faut notamment tenir compte des listes provenant de ces pays. L'évaluation 84

670

RS 0.353.22

du respect ou du non-respect de ces critères incombe au DFF, au DFAE, au DFJP, au DEFR et au DDPS en fonction de leurs compétences respectives. Si, après consultation des départements cités, il subsiste des raisons sérieuses de penser qu'il y a eu violation des droits de l'homme ou des principes de l'Etat de droit, le DFF ne transmet aucune liste aux autorités de surveillance.

Art. 23, al. 5 et 6 Les nouveaux al. 5 et 6 (cf. aussi l'al. 3 de l'art. 9a P-LBA) entérinent la pratique actuelle du bureau de communication, qui veut qu'il informe l'intermédiaire financier sur la transmission ou non de la communication de soupçons aux autorités de poursuite pénale. En cas de transmission, il indique également à l'intermédiaire financier à quel ministère public le cas est déféré. L'information sur le transfert du cas aux autorités de poursuite pénale est particulièrement importante en relation avec le blocage des avoirs prévu par l'art. 10, al. 1, P-LBA, qui dispose que l'intermédiaire financier doit procéder au blocage dès que le cas est transféré. C'est pourquoi le bureau de communication doit informer l'intermédiaire financier de la suite donnée à son analyse. En cas de transfert, il l'informe également de la durée du blocage légal dans le cas concerné.

A la suite de la demande de différents milieux intéressés, le Conseil fédéral propose de fixer le délai de traitement des communications en vertu de l'art. 9 LBA à 30 jours ouvrables (al. 5). Ce délai ne s'applique par contre pas aux communications en vertu de l'art. 305ter, al. 2, CP (al. 6). Dans ce dernier cas, la situation actuelle reste inchangée.

Art. 29, al. 2, 2bis et 2ter Le projet propose de régler directement dans la LBA l'assistance administrative interne relative au bureau de communication en introduisant à l'art. 29 LBA de nouveaux alinéas, qui se réfèrent à toutes les autorités fédérales.

Ces nouveautés instaurent une base légale explicite et suffisante pour l'assistance administrative interne en matière d'analyse préalable à la lutte contre le blanchiment d'argent, les infractions préalables au blanchiment d'argent, la criminalité organisée et le financement du terrorisme.

L'al. 2 régit de manière générale l'obligation de renseignement des autorités vis-àvis du bureau de communication et des offices centraux de police criminelle de
la Confédération. Ces derniers soutiennent les analyses opérationnelles et les enquêtes de police judiciaire des autorités de poursuite pénale. L'assistance administrative doit servir aux analyses des soupçons de blanchiment d'argent, d'infractions préalables au blanchiment d'argent, de criminalité organisée ou de financement du terrorisme. Par conséquent, à la demande du bureau de communication et des offices centraux de police criminelle de la Confédération, les autorités visées doivent communiquer les données appropriées en leur possession, notamment les données sensibles et les profils de personnalité tels que les informations financières et celles collectées dans des procédures administratives ou pénales.

Pour que le bureau de communication et les offices centraux puissent exécuter de manière optimale leur mission selon l'al. 2, l'obligation de renseigner doit s'étendre aux données provenant de procédures pendantes. Les intérêts de la poursuite pénale sont pris en compte selon l'art. 8 de la loi fédérale du 13 juin 2008 sur les systèmes 671

d'information de police de la Confédération (LSIP)85, auquel renvoie également l'art. 35, al. 1, LBA. Si le bureau de communication suisse transmet à un bureau de communication étranger des données concernant des faits faisant l'objet d'une procédure pénale en Suisse, la transmission de ces données par ledit bureau étranger à une autorité étrangère tierce requiert en outre l'autorisation du ministère public chargé de conduire la procédure (cf. l'art. 30, al. 5, LBA86).

Les autorités visées sont toutes les autorités fédérales, cantonales et communales susceptibles de détenir des informations pertinentes pour les analyses du bureau de communication ou des offices centraux de police criminelle de la Confédération.

Outre les autorités fiscales, il s'agit des douanes, des registres fonciers, des contrôles des habitants, etc.

La transmission de ces informations au bureau de communication doit permettre à celui-ci d'établir des analyses plus détaillées et plus fouillées, conformément à sa mission principale. Cette proposition s'inscrit par conséquent dans l'optique d'une optimisation des tâches du bureau de communication et, partant, d'une amélioration de l'efficacité du système de communication de soupçons. Ce n'est pas une conséquence directe de l'introduction d'infractions préalables au blanchiment d'argent en matière fiscale, même si les autorités fiscales font partie des autorités visées par cette nouvelle disposition.

Les al. 2bis et 2ter définissent l'assistance administrative du bureau de communication vis-à-vis de ces autorités au cas par cas, tant sur demande que de manière spontanée. Les renseignements comprennent notamment des informations financières ainsi que d'autres données sensibles et profils de la personnalité, ce qui est précisé avec la référence au nouvel art. 30, al. 2, LBA87. Il faut préciser que l'assistance administrative est restreinte, en ce sens qu'elle doit viser la lutte contre le blanchiment d'argent, les infractions préalables au blanchiment d'argent, la criminalité organisée ou le financement du terrorisme. L'al. 2bis et la référence au nouvel art. 30, al. 2 à 5, LBA88 devraient garantir qu'en matière d'échange de renseignements avec le bureau de communication, les autorités suisses seront traitées comme les autorités étrangères qui reçoivent les informations du bureau
de communication suisse par l'intermédiaire des CRF étrangères. Les al. 4 et 5 de l'art. 30 LBA définissent les conditions concrètes de la transmission de renseignements à des autorités tierces, renseignements que le bureau de communication aura fournis à ses partenaires étrangers (CRF). Dès lors, les mêmes restrictions s'appliquent à l'assistance administrative interne du bureau de communication et aux CRF étrangères pour le traitement des renseignements et leur transmission éventuelle à des autorités partenaires nationales. De même, le transfert des renseignements par les autorités suisses à d'autres autorités nécessite l'accord préalable exprès du bureau de communication.

Celui-ci fournit les renseignements sous forme de rapport, comme il le fait déjà dans ses relations avec les CRF étrangères et les autorités tierces étrangères, ce qui explique le renvoi par analogie à l'al. 3 de l'art. 30, LBA89.

85 86 87 88 89

672

RS 361 Introduit par la modification de la LBA du 21 juin 2013.

Introduit par la modification de la LBA du 21 juin 2013.

Introduit par la modification de la LBA du 21 juin 2013.

Cf. message du 27 juin 2012 relatif à la modification de la loi sur le blanchiment d'argent, FF 2012 6449, 6462, 6476 et 6489.

L'al. 2ter dispose que l'autorisation préalable expresse d'une CRF est nécessaire pour transmettre à une autorité tierce suisse les renseignements qui proviennent de cette même CRF. Cette exigence fait partie des principes centraux du Groupe Egmont et doit impérativement être respectée. Elle a également été introduite au ch. 3 de la note interprétative de la recommandation 40 du GAFI lors de la révision de 2012. Le bureau de communication fait d'ailleurs valoir la même exigence vis-àvis des CRF étrangères, et le présent al. 2ter constitue en fait le pendant du nouvel art. 30, al. 1, let. d, LBA90.

Art. 34, al. 3 En raison de la nouvelle réglementation du système de communication, il y a lieu d'adapter la dérogation ­ déjà prévue dans le droit actuel ­ au droit d'accès des personnes concernées au sens de l'art. 8 LPD. Ainsi, ce droit d'accès sera exclu non seulement pendant la durée du blocage des avoirs visé à l'art. 10, al. 1 et 2, comme c'est le cas actuellement, mais encore dès le moment où un soupçon sera communiqué, jusqu'à celui où le bureau de communication informera l'intermédiaire financier conformément à l'art. 23, al. 5 ou 6, P-LBA. Pendant ce laps de temps, durant lequel le bureau de communication procède à l'analyse des soupçons, les intérêts de l'enquête, de même que l'intérêt au maintien du secret, priment l'éventuel intérêt des personnes concernées à être renseignées.

Art. 38

Violation des prescriptions sur le paiement en espèces lors d'opérations de vente

Il y a lieu d'introduire une disposition pénale afin de garantir que seront respectées les prescriptions sur le paiement en espèces des nouveaux art. 2b et 2c P-LBA. C'est particulièrement important pour les ventes mobilières, où il est impossible d'empêcher une violation des prescriptions sur le paiement en espèces, contrairement aux ventes immobilières, soumises à des prescriptions de forme particulières (cf. l'art. 2b P-LBA). Pour des raisons de proportionnalité, la disposition pénale prévoit une amende de 100 000 francs maximum, ce qui fait de l'infraction considérée une contravention. S'il n'est pas possible dans ces conditions de s'appuyer sur l'art. 102 CP pour engager la responsabilité pénale d'une personne morale (les personnes morales servant souvent d'intermédiaires lors de ventes immobilières), l'art. 49 de la loi du 22 juin 2007 sur la surveillance des marchés financiers (LFINMA)91 n'en demeure pas moins applicable. Rappelons que cet article prévoit qu'il est loisible de renoncer à poursuivre les personnes (physiques) punissables et de condamner à leur place l'entreprise au paiement de l'amende si, d'une part, l'enquête rend nécessaire à l'égard des personnes punissables selon le droit pénal administratif des mesures d'instruction hors de proportion par rapport à la peine encourue et si, d'autre part, l'amende entrant en ligne de compte pour les infractions aux dispositions pénales de la LFINMA ou de l'une des lois sur les marchés financiers ne dépasse pas 50 000 francs. Ainsi, une entreprise servant d'intermédiaire dans un contrat de vente pourrait être tenue pour responsable d'une violation des prescriptions sur le paiement en espèces s'il apparaît que la peine pourra consister en une amende de 50 000 francs au maximum et que l'enquête pour identifier la personne physique réellement responsable entraînera une charge disproportionnée.

90 91

Introduit par la modification de la LBA du 21 juin 2013.

RS 956.1

673

Parmi les instruments qui doivent garantir que la LBA sera effectivement appliquée, il faut également signaler l'art. 70 CP, qui permet au juge de prononcer la confiscation des valeurs qui sont le résultat d'une infraction (ce qui est par définition le cas du blanchiment d'argent).

2.8

Loi sur les titres intermédiés

Art. 23a Si les actions au porteur sont émises sous forme de titres intermédiés, l'identité de l'actionnaire et celle de l'ayant droit économique (prénom et nom ou raison sociale et adresse) n'apparaissent pas forcément de façon visible, notamment lorsque, comme c'est fréquemment le cas, ce n'est pas l'actionnaire lui-même mais un tiers (une banque, par ex.) qui est titulaire du compte de titres détenu auprès du dépositaire désigné par la société. Une exception aux obligations d'annoncer des art. 697i et 697j P-CO est toutefois prévue pour les actions au porteur émises sous la forme de titres intermédiés au sens de la LTI. En effet, l'identification de l'investisseur et de ses ayants droit économiques est effectuée par le dépositaire (qui, lorsqu'il entretient une relation d'affaires avec un investisseur et qu'il est situé en Suisse, est un intermédiaire financier au sens de la LBA) préalablement à l'inscription des titres intermédiés sur le compte de titres de l'investisseur.

Les autorités requérantes doivent pouvoir disposer en temps utile des informations requises. La difficulté est que, aux termes de la LTI, il peut exister un grand nombre de dépositaires (cf. l'art. 4 LTI). C'est pourquoi il appartient à la société émettrice des actions au porteur de désigner le dépositaire auprès duquel seront déposées les actions au porteur ou les droits-valeurs inscrits au registre principal en vue de leur émission sous forme de titres intermédiés. Pour que l'autorité requérante puisse effectivement se procurer les informations nécessaires en temps utile, le dépositaire désigné par la société doit, en vertu de l'art. 23a P-LTI, s'assurer qu'il est en mesure de mettre à disposition dans la chaîne les informations émanant des autres dépositaires. Cette continuité de la chaîne d'information peut être assurée notamment par des engagements contractuels. A cette fin, le dépositaire qui est en relation d'affaires avec l'investisseur doit pouvoir garantir que cet investisseur a donné valablement son accord à la communication des informations. En présence de dépositaires étrangers, il convient enfin de vérifier, afin de garantir la continuité du flux d'information, si ces derniers sont soumis à une réglementation équivalant à celle des dépositaires suisses.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Les présentes propositions relatives à la mise en oeuvre des normes du GAFI dans le droit national visent principalement à renforcer de manière considérable les obligations de diligence et de communication des intermédiaires financiers. Leur mise en oeuvre aura des conséquences importantes en ce qui concerne le traitement des communications de soupçons, notamment pour les services directement concernés, soit le bureau de communication et la Police judiciaire fédérale (PJF). Le projet 674

entraînera également des conséquences du point de vue de la surveillance des intermédiaires financiers (FINMA). Le projet de loi aura par conséquent des répercussions sur le personnel de la Confédération.

3.1.1

Conséquences en lien avec le traitement des communications de soupçons

Fedpol est un centre de compétence pour l'analyse de la criminalité économique et transfrontalière. Avec le bureau de communication ainsi que les autres offices centraux, il dispose de cellules d'analyse qui collaborent de manière coordonnée et synergique. Sur la base d'une estimation réaliste des nouvelles tâches entraînées par le présent projet, fedpol aura besoin de sept postes supplémentaires au minimum, dont un en classe 26 et six en classe 24. Cela représentera un coût salarial total (y compris la part de l'employeur) de 1 292 400 francs. Un crédit supplémentaire (dépenses, formations, postes de travail, etc.) de 245 000 francs sera également nécessaire. Le coût total pour les sept postes s'élève à 1 537 400 francs.

En revanche, aucun moyen informatique supplémentaire particulier n'est requis. Les coûts prévus sont couverts par les dépenses courantes liées aux différents postes de travail.

Ces postes supplémentaires sont nécessaires pour les raisons suivantes: Nouveau système de communication de soupçons au bureau de communication La mise en place du nouveau système de communication de soupçons laissera plus de temps au bureau de communication pour effectuer ses analyses. Or, cet avantage sera réduit à néant si les analystes doivent traiter un grand nombre d'affaires simultanément, puisqu'ils devront alors continuer à travailler dans l'urgence en effectuant des analyses de manière rapide et peut-être superficielle, afin de ne pas laisser les communications s'accumuler. Le temps supplémentaire alloué pour les analyses doit donc s'accompagner d'une augmentation du personnel pour permettre au nouveau système de fonctionner réellement.

S'il veut approfondir ses analyses afin de mieux filtrer les affaires à transmettre aux ministères publics, le bureau de communication devra également renforcer sa collaboration avec la PJF. Cette dernière pourra ajouter une plus-value substantielle aux analyses du bureau de communication par des recherches dans ses bases de données, ou dans certains cas par des investigations policières ou grâce à sa coopération avec d'autres services de police suisses ou étrangers. L'expérience et les bases de données à disposition de la PJF apporteront une contribution importante à l'efficacité du système de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
Il faut ajouter que la nouvelle infraction fiscale préalable au blanchiment d'argent entraînera une augmentation du nombre total de communications, et donc du besoin d'analyses.

Pour pouvoir optimiser le nouveau système de communication, faire face à l'augmentation des communications de soupçons et approfondir les analyses opérationnelles, le bureau de communication a besoin de quatre postes (400 %) supplémentaires. De son côté, pour pouvoir faire face aux tâches supplémentaires qu'elle devra assumer, la PJF a besoin d'un poste (100 %) en plus.

675

Analyses stratégiques Les recommandations du GAFI prévoient que les CRF doivent effectuer des analyses stratégiques. Il s'agit d'exploiter les informations qui sont disponibles ou qui peuvent être obtenues, y compris les données fournies par d'autres autorités compétentes, afin d'identifier des tendances et schémas en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

Le bureau de communication, qui n'effectue actuellement pas ce type d'analyses, sera à l'avenir amené à en faire (cf. le ch. 1.2.7). Lors de la prochaine évaluation par le GAFI, il devra démontrer qu'il remplit cette exigence. A cette fin, au moins un poste (100 %) supplémentaire est nécessaire.

Assistance administrative avec les homologues étrangers Le nouveau système de communication de soupçons, d'une part, et l'augmentation des communications de soupçons en relation avec l'infraction préalable en matière fiscale, d'autre part, provoqueront en même temps une intensification de l'assistance administrative du bureau de communication avec ses homologues étrangers. En ce qui concerne l'infraction préalable en matière fiscale, cette collaboration sera en effet essentielle, puisqu'il s'agit d'infractions qui ne peuvent en principe pas être démontrées seulement à l'aide des informations des intermédiaires financiers. Les informations transmises par l'étranger constitueront ainsi la source principale d'informations qui fonderont l'analyse du bureau de communication. Quant au nouveau système de communication de soupçons, la prolongation du délai d'analyse permettra au bureau de communication de recourir plus systématiquement à l'assistance administrative. Fedpol estime par conséquent que les effectifs du bureau de communication devraient être augmentés d'un poste (100 %) supplémentaire.

Toutefois, il convient de relever que, si le nombre de communications de soupçons devait augmenter substantiellement ces prochaines années en raison de l'élargissement des infractions préalables au blanchiment d'argent aux infractions fiscales, cela entraînerait des répercussions importantes sur le travail des services de fedpol.

L'assistance administrative avec les homologues étrangers pourrait également s'intensifier. Le cas échéant, des ressources supplémentaires seraient nécessaires.

Conséquences au niveau de la coopération interne
Pendant le temps qu'il lui faudra pour acquérir suffisamment d'expérience en matière de communications relatives à des infractions préalables fiscales, le bureau de communication pourra être amené à demander de l'aide à l'AFC pour déterminer si une infraction préalable en matière fiscale est vraisemblablement réalisée dans tel ou tel cas particulier. Toutefois, cela ne devrait pas se traduire par un besoin de ressources supplémentaires pour l'AFC.

3.1.2

Surveillance des intermédiaires financiers

La surveillance du respect par les intermédiaires financiers des obligations liées à l'introduction de l'infraction préalable en matière fiscale nécessitera probablement des ressources additionnelles en termes de personnel. Toutefois, la FINMA étant une institution de droit public indépendante entièrement financée par les taxes de surveil676

lance et les émoluments, il n'y aura pas de conséquences financières directes pour la Confédération.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Le projet n'a pas de conséquences pour les communes, les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne. Seule l'infraction préalable en matière fiscale pourrait entraîner des conséquences au niveau des autorités de poursuite pénale des cantons (augmentation potentielle des cas transmis par le bureau de communication). Toutefois, la plupart des cas devraient concerner avant tout des infractions préalables commises à l'étranger et ne relevant donc pas de la compétence des ministères publics cantonaux. Les conséquences en termes de personnel devraient ainsi être limitées. Il n'est pas possible de les évaluer à l'heure actuelle.

3.3

Conséquences économiques

3.3.1

Transparence des personnes morales et actions au porteur

La transposition des normes du GAFI dans le droit national contribue à accroître la transparence des rapports de propriété, à diminuer le risque de criminalité financière et à renforcer de manière générale l'intégrité de la place financière suisse. Les intermédiaires financiers bénéficient à long terme de la bonne réputation de cette dernière, même s'ils doivent supporter des coûts plus élevés en raison de l'application des normes.

Jusqu'à présent, les actionnaires avaient uniquement l'obligation de libérer les actions. S'y ajouteront désormais une obligation d'annoncer et, par conséquent, de nouvelles sanctions éventuelles si cette obligation n'est pas respectée. Ces processus administratifs et ces coûts supplémentaires devraient cependant rester limités pour les actionnaires. Pour les petites entreprises, l'obligation d'annoncer devrait entraîner une augmentation limitée des charges de documentation pouvant occasionner des coûts additionnels. En vue d'une simplification administrative et d'une réduction des coûts, il faut souligner que l'obligation d'annoncer relative aux actions nominatives n'est pas rétroactive, mais s'applique uniquement en cas de nouvelle acquisition. Le transfert des actions, qui était extrêmement simple jusqu'à présent, pourrait se compliquer légèrement, mais cela ne devrait pas conduire à un changement de comportement radical lors de l'achat et de la vente de participations.

Les entreprises non cotées, qui sont majoritairement des PME importantes, arguent que leurs obligations d'identification sont désormais plus strictes que celles des entreprises cotées en bourse et qu'elles subissent dès lors un désavantage concurrentiel. On peut leur opposer l'avantage de rapports de propriété plus transparents (par ex. protection contre les rachats inamicaux). Compte tenu des nouvelles obligations d'annoncer, les entreprises non cotées sont confrontées à une hausse des charges administratives et des coûts. En Suisse, la mise en oeuvre des normes du GAFI

677

est définie de telle sorte que les sociétés puissent optimiser les coûts en fonction de leurs besoins, grâce aux quatre modèles à disposition: Conversion d'actions au porteur en actions nominatives Les sociétés peuvent convertir leurs actions au porteur en actions nominatives moyennant une modification des statuts. Or, la modification des statuts en la forme authentique ainsi que l'inscription des nouvelles actions au registre du commerce ont un coût, que permettra cependant de couvrir une dépense unique.

Annonce à la société selon le CO L'annonce de l'acquisition d'actions au porteur et des ayants droit économiques des actions ou des parts sociales impose à la société des charges administratives et, par conséquent, des coûts. Ceux-ci sont principalement liés à l'obligation de tenir un registre et au contrôle du respect de l'obligation d'annoncer. L'importance de ces coûts devrait dépendre de la taille, de la structure et de l'organisation de la société. Il faut relever qu'une obligation d'annoncer au moment du transfert des titres devrait être relativement aisée à mettre en place et entraîner une charge modeste pour les PME, en raison notamment de la faible fluctuation parmi les actionnaires. On peut en effet raisonnablement partir du principe que les actions au porteur changent de mains moins d'une fois par an en moyenne, soit à un rythme plus lent que celui des assemblées générales annuelles.

Annonce auprès d'un intermédiaire financier selon le CO La société peut désigner un intermédiaire financier auprès duquel les annonces doivent être effectuées. Avec la mise en place d'un tel système d'annonce, l'intermédiaire financier pourrait développer son offre en la matière et optimiser ainsi l'exploitation de l'infrastructure et du savoir-faire dont il dispose déjà. Quant à la société, la délégation devrait lui permettre d'économiser les coûts d'un système d'annonce propre. L'importance de ces économies devrait dépendre de la taille, de la structure et de l'organisation de la société. Cette délégation est judicieuse, car un intermédiaire financier connaît les dispositions sur le blanchiment d'argent. Ce modèle présente un autre avantage: l'anonymat des actionnaires au porteur vis-à-vis de la société peut être garanti et est toléré sur le plan international.

Dépôt auprès d'un dépositaire La société
peut aussi déposer ses actions auprès d'un dépositaire. Ce modèle a l'avantage d'occasionner moins de charges administratives et donc moins de coûts que l'obligation d'annoncer, car toutes les actions d'une société sont conservées ensemble dans un dépôt, et non séparément par actionnaire. De plus, le dépôt des actions auprès d'un dépositaire évite aux sociétés non cotées les obligations liées à l'obligation d'annoncer (par ex. tenue constante d'un registre). Ce modèle est répandu au niveau international et simplifie le transfert des parts.

678

3.3.2

Identification de l'ayant droit économique

L'obligation d'identifier l'ayant droit économique n'est certes pas formellement prévue dans la LBA (l'intermédiaire financier ne doit obtenir une déclaration formelle écrite de l'ayant droit économique que dans certains cas précis), mais elle est depuis longtemps reconnue et pratiquée en Suisse. La transposition formelle de cette obligation dans la LBA ne devrait pas entraîner de coûts supplémentaires.

Il en va tout autrement de la nouvelle prescription sur l'identification de l'ayant droit économique des personnes morales, qui entraînera une charge supplémentaire pour les intermédiaires financiers. Cette charge est liée non seulement aux coûts réglementaires et de documentation plus élevés et aux ressources supplémentaires en personnel, mais aussi aux adaptations de l'infrastructure informatique (par ex. modification des registres de données clients). Elle devrait surtout être ressentie par les entreprises les plus grandes. Il faut s'attendre à ce que les processus relatifs aux opérations bancaires avec des personnes morales gagnent en complexité et à ce que les temps de traitement de certaines opérations soient allongés, ce qui pourrait avoir des conséquences négatives pour les clients bancaires. Les processus pourraient être plus complexes et plus longs et les coûts supplémentaires correspondants pourraient être répercutés sur les clients.

Il faut cependant rappeler que les coûts supplémentaires attendus pour l'application des normes internationales sont compensés par les avantages découlant de l'identification de l'ayant droit économique. D'une part, cette vérification par les établissements conduit à un comportement commercial davantage axé sur les risques, ce qui renforce leur intégrité et leur réputation et pourrait attirer un plus grand nombre de clients. D'autre part, du point de vue macroéconomique, la stabilité et l'intégrité de l'ensemble du secteur financier augmentent, car la qualité de la clientèle croît et les pertes liées à une atteinte à la réputation diminuent.

3.3.3

Infractions fiscales préalables au blanchiment d'argent

L'extension de l'infraction de blanchiment d'argent aux infractions préalables de nature fiscale peut entraîner une charge supplémentaire considérable chez les intermédiaires financiers concernés. En effet, la vérification des indices relatifs à une infraction fiscale suppose des connaissances techniques spécifiques et, dès lors, du personnel dûment qualifié. La charge supplémentaire découlant de la vérification du seuil prévu dans la fiscalité directe est particulièrement pertinente, car il faut parfois tenir compte de plusieurs juridictions pour déterminer le montant soustrait et analyser des faits complexes. De plus, garantir le respect des nouvelles directives fiscales implique la mise en place d'une nouvelle infrastructure adéquate chez les intermédiaires financiers, et cela a un coût, notamment dans le domaine informatique. Dans le même temps, il faut souligner que les risques juridiques liés à l'argent sale doivent être réduits, indépendamment de la qualification des infractions fiscales en infractions préalables au blanchiment d'argent. La tendance visant à une conformité généralisée aux règles de la fiscalité justifie au moins en partie les mesures réglementaires nécessaires à l'application des recommandations du GAFI et les coûts supportés par les intermédiaires financiers en matière fiscale.

679

Concernant la proportionnalité de cette charge, il faut à nouveau préciser que cette dernière découle clairement de l'application requise des directives internationales en matière fiscale et dans la lutte contre le blanchiment d'argent. On peut donc supposer que les avantages individuels et systémiques de la réglementation (stabilité, intégrité et compétitivité de la place financière sur le plan international) dépasseront largement à long terme la charge supplémentaire.

3.3.4

Prescriptions sur le paiement en espèces lors d'opérations de vente

La nouvelle obligation de faire appel à un intermédiaire financier pour les paiements du prix de vente dépassant un certain montant (100 000 francs) accroît la transparence et la sécurité dans le trafic des paiements. Pour les parties aux contrats de vente, cet avantage s'accompagne d'une certaine charge et d'éventuels frais de transaction.

Ceux-ci sont toutefois négligeables au regard de l'avantage, notamment si l'on tient compte du fait que de tels paiements sont déjà régulièrement exécutés par virement bancaire. La charge supplémentaire requise et les frais correspondants ne peuvent pas être estimés précisément à l'heure actuelle. Comparé à un modèle soumettant certains groupes professionnels (par ex. agents immobiliers, notaires, etc.) à la LBA, les prescriptions sur le paiement en espèces présentent des coûts nettement plus faibles.

3.3.5

Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent

Le blocage différé des avoirs vise à améliorer l'efficacité du système de communication de soupçons. La qualité des communications de soupçons et la diligence lors de l'analyse des relations d'affaires et des flux monétaires sont accrues. Dans le même temps, la nouvelle réglementation du système de communication entraîne une charge supplémentaire pour les intermédiaires financiers. Les propositions issues de la consultation qui portent sur l'obligation de communiquer ont été reprises pour réduire les coûts supplémentaires, les risques juridiques découlant des nouvelles tâches et les effets négatifs. Le bureau de communication se voit fixer un délai de 30 jours pour ses analyses, afin que les intermédiaires financiers soient très rapidement déchargés des nouvelles tâches de contrôle et de surveillance concernant les relations d'affaires communiquées. Par ailleurs, le droit de communication est conservé, ce qui restreint proportionnellement l'intensité de l'obligation d'analyse et de contrôle des intermédiaires financiers ainsi que les tâches et risques correspondants. La procédure rapide des autorités préserve la sécurité juridique, qui est importante pour la place financière, et réduit la charge supplémentaire pour l'économie.

3.4

Autres conséquences

Les mesures proposées dans le cadre de la mise en oeuvre de la norme du GAFI concernant les avoirs de terroristes et d'organisations terroristes en lien avec la résolution 1373 du Conseil de sécurité ne devraient pas entraîner d'effets négatifs sur les relations internationales de la Suisse. Au contraire, elles permettent d'assurer 680

la coopération avec d'autres pays dans le cadre des normes internationales de droit humanitaire en vigueur et dans le respect de l'Etat de droit, ce qui devrait être perçu positivement par les autres pays.

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

4.1

Relation avec le programme de la législature

Le projet a été annoncé dans le message du Conseil fédéral du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201592.

4.2

Relation avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

En appliquant de manière cohérente les recommandations révisées du GAFI, la Suisse poursuit sa stratégie concernant la place financière, qui repose sur les principes d'intégrité, de qualité, de stabilité et de compétitivité93. L'augmentation de la transparence dans les rapports de propriété et l'extension de l'infraction de blanchiment d'argent préservent par exemple l'intégrité et la stabilité de la place financière suisse, améliorent la reconnaissance internationale et préviennent les dommages liés à une atteinte de la réputation. En participant activement aux instances pertinentes, la Suisse peut encourager l'harmonisation et le respect des normes sur le plan international (level playing field) et ainsi s'assurer que les pays ayant adopté des standards plus élevés ne subissent à court terme aucun désavantage concurrentiel grâce à un éventuel arbitrage réglementaire. En outre, l'équivalence internationalement reconnue de la réglementation suisse sur les marchés financiers garantit aux intermédiaires financiers helvétiques l'accès aux marchés étrangers. En plus d'un avantage indéniable pour l'ensemble de l'économie, chaque acteur du marché bénéficie d'une protection et d'un avantage individuels qui se concrétisent, par exemple, dans la réduction, axée sur les profits, des risques opérationnels et des pertes de placement et dans de nouvelles opportunités commerciales et qui peuvent ainsi contribuer à une hausse générale de la qualité des services financiers en Suisse.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et légalité

Les modifications proposées des différentes lois reposent sur les mêmes articles de la Cst. que ceux sur lesquels se fondent déjà les lois en question. Pour ce qui est du chapitre 1a du projet de révision de la LBA, dans la mesure où il vise des opérations de vente effectuées à titre non commercial, la base légale pertinente est l'art. 122 Cst.

92 93

FF 2012 349, ici 479 Cf. rapport du 19 décembre 2012 concernant la politique de la Confédération en matière de marchés financiers; ch. 3 et 4.

681

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales

Dans son message du 15 juin 2007 sur la mise en oeuvre des recommandations révisées du GAFI94, le Conseil fédéral mentionnait que la Suisse serait en mesure de signer, puis de ratifier la Convention du Conseil de l'Europe du 16 mai 2005 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (Convention de 2005), dès qu'elle aurait érigé certaines infractions boursières en infractions préalables au blanchiment d'argent. Tel est le cas depuis le 1er mai 2013 avec l'entrée en vigueur de la modification de la LBVM du 28 septembre 201295. La Convention de 2005 constitue à la fois une révision et un élargissement de la Convention du Conseil de l'Europe de 1990, l'un des instruments en vigueur les plus importants de l'organisation, ratifiée par tous les membres du Conseil de l'Europe96. Cette Convention a été signée par la Suisse le 23 août 1991, ratifiée le 11 mai 1993 et est entrée en vigueur le 1er septembre 1993.

La Convention de 2005 érige partiellement les recommandations du GAFI en droit international contraignant. Avec la révision partielle de 2012, les dispositions contenues dans la Convention de 2005 sont aujourd'hui dépassées. Il est fort probable qu'à court ou moyen terme, une nouvelle convention ou un protocole additionnel voie le jour. Dans la mesure où le droit suisse est déjà quasiment conforme à la Convention de 2005 et que les nouvelles normes du GAFI vont au-delà de celles de la Convention de 2005, le Conseil fédéral ne voit pas d'intérêt immédiat à ratifier un tel instrument. D'ailleurs, aucun des Etats voisins de la Suisse, ni le Royaume-Uni, le Luxembourg ou les pays scandinaves ne l'ont ratifiée. Les ratifications intervenues concernent dans une grande mesure les ex-pays de l'Est et ceux des Balkans, non membres du GAFI. Si cette Convention devait faire l'objet d'un regain d'attention au niveau international suite à une révision, le Conseil fédéral examinerait à ce moment l'éventualité d'une adhésion.

Les mesures relatives aux avoirs de terroristes et d'organisations terroristes permettent à la Suisse de disposer de pouvoirs et de procédures efficaces afin de donner effet aux actions engagées par d'autres pays dans le cadre de l'application de la résolution 1373 du Conseil de sécurité. De ce fait, la Suisse
remplit aussi ses obligations internationales en vertu de ladite résolution, selon laquelle les Etats doivent coopérer aux fins de la lutte contre le financement du terrorisme.

5.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet fixe des règles de droit. Or, l'art. 164, al. 1, let. a, Cst., précise que toutes les dispositions qui fixent des règles de droit sont obligatoirement édictées sous la forme d'une loi fédérale. Par ailleurs, les différents projets législatifs visent tous à mettre en oeuvre les recommandations révisées du GAFI et donc à renforcer le dispositif suisse de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme: cette unité de la matière légitime le recours à la forme de l'acte modificateur unique.

94 95 96

682

FF 2007 5919 RO 2013 1103 Convention du Conseil de l'Europe du 8 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (RS 0.311.53).

5.4

Frein aux dépenses

Le projet de loi n'implique pas de dépenses qui seraient assujetties au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

5.5

Conformité à la loi sur les subventions

Le projet de loi ne prévoit pas d'aides financières ni de subventions.

5.6

Délégation de compétences législatives

Le projet ne prévoit pas de déléguer au Conseil fédéral, ni à aucune autre autorité ou entité, des compétences qui les autoriseraient à adopter une ordonnance de substitution.

683

684