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FEUILLE FÉDÉRALE 108e année

Berne, le 26 janvier 1956

Volume I

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 30 francs par an; 16 Irancs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des Hoirs C.-J.Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la révision du régime du blé (Du 13 janvier 1956) Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet d'article constitutionnel sur le ravitaillement du pays en blé.

I. INTRODUCTION e

Jusqu'au XVI siècle, la production indigène de céréales suffisait à couvrir les besoins de notre population, du moins lorsque les récoltes étaient normales. Les distances relativement faibles permettaient aux cantons producteurs d'écouler leurs excédents et d'assurer le ravitaillement des régions déficitaires. Aussi les pouvoirs publics se bornaient-ils à entretenir quelques réserves de blé pour assurer l'approvisionnement en cas de mauvaises récoltes. Par suite de l'accroissement de la population, les besoins augmentèrent au-delà des possibilités de la production indigène. C'est pourquoi, après la guerre de trente ans, la Suisse fut contrainte d'importer du blé du Sud de l'Allemagne, d'Alsace et de Bourgogne. A partir du XIXe siècle, l'essor pris par la culture des céréales dans le sud-est de l'Europe et outre-mer et le développement simultané des moyens de transport eurent pour effet d'augmenter toujours davantage la concurrence des marchés étrangers, auxquels nous recourions jusqu'alors uniquement pour compléter la production indigène. Le blé étranger devint si bon marché que le paysan suisse dut renoncer peu à peu à une culture de moins en moins rémunératrice. Il ne maintint cette culture que pour ses besoins propres en blé et surtout en paille, ou encore en raison des nécessités de l'assolement.

Feuille fédérale. 108" année. Vol. I.

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La conséquence de cette évolution fut qu'au début du XXe siècle nous étions tributaires de l'étranger pour les quatre cinquièmes environ de notre ravitaillement en pain. Les dangers qu'une telle évolution impliquait en cas de conflit armé entre nos voisins préoccupèrent à maintes reprises l'opinion publique, les chambres et le Conseil fédéral. Toutefois, à la veille de la guerre de 1914, aucune solution n'avait encore été apportée à ce problème. Le Conseil fédéral s'était borné à relever à 30 000 tonnes les réserves de blé de l'administration militaire et à conclure au printemps 1914, avec la France et l'Allemagne, des accords, en vertu desquels ces pays s'engageaient à laisser passer par leur territoire, en cas de guerre, les envois de blé destinés à la Suisse.

Durant la première guerre mondiale, le Conseil fédéral dut prendre diverses dispositions pour assurer le ravitaillement du pays en blé, en se fondant sur les pouvoirs extraordinaires qui lui avaient été conférés par les chambres. C'est ainsi qu'il instaura, le 9 janvier 1915, le monopole d'importation des céréales panifiables et fourragères; d'autre part, il édicta des prescriptions concernant l'obligation des agriculteurs de cultiver du blé, la livraison, l'emploi et la mise en oeuvre des céréales et des produits de la mouture, le ravitaillement direct des producteurs, ainsi que les prix de la farine et du pain.

Après la fin des hostilités, les mesures d'économie de guerre furent abolies successivement, sauf les prescriptions concernant la livraison du blé à la Confédération, le ravitaillement direct, la réserve de blé et le monopole d'importation des céréales panifiables. Le peuple suisse rejeta, le 5 décembre 1926, un projet d'arrêté élaboré par les chambres et qui visait à rendre cette institution définitive. Le Conseil fédéral prépara alors un projet d'article constitutionnel -- article 236*5 -- destiné à servir de fondement à un régime du blé sans monopole.

Le 3 mars 1929, le peuple suisse accepta ce nouvel article constitutionnel, dont le texte avait été opposé, comme contre-projet de l'Assemblée fédérale, à l'initiative populaire du 16 octobre 1926, qui ne contenait aucune disposition sur le financement du régime, ni sur la protection de la meunerie, ne prévoyait aucune garantie d'achat du blé indigène et ne mentionnait pas de
façon claire et complète les dérogations au principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Ce contre-projet fut accepté par 18 cantons et 6 demi-cantons et par 461176 voix contre 228 357. Après une réglementation provisoire qui fut instituée par l'arrêté fédéral du 22 juin 1929 et dura quatre ans, les chambres adoptèrent la loi du 7 juillet 1932 concernant le ravitaillement du pays en blé; cette loi entra en vigueur le 1er juillet 1933 sans que le referendum eût été demandé.

Les principes sur lesquels repose le régime du blé de 1929 peuvent se résumer comme il suit :

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-- La Confédération entretient les réserves de blé nécessaires pour assurer l'approvisionnement du pays; -- elle protège et encourage la culture du blé indigène; -- elle assure le maintien de la meunerie nationale; -- elle sauvegarde les intérêts des consommateurs de farine et de pain; -- les dépenses occasionnées par le- ravitaillement du pays en blé sont couvertes partiellement à l'aide du produit du droit de statistique relevé, perçu sur toutes les marchandises franchissant la frontière douanière suisse.

Cette réglementation fut complétée et modifiée en partie pendant la guerre et l'après-guerre, sous le régime des pouvoirs extraordinaires et, par la suite, en vertu d'un additif constitutionnel adopté le 23 novembre 1952 par 583 546 voix contre 188 044 et par tous les cantons, sauf un demicanton. Les principes de cette réglementation transitoire sont les suivants : -- L'administration des blés a seule le droit d'acheter et d'importer des céréales panifiables étrangères; -- la Confédération a la compétence de régler le magasinage, la répartition, l'emploi et la mouture des céréales panifiables; -- elle peut également édicter des prescriptions sur la fabrication, la cession, l'acquisition, le prix, l'emploi et l'exportation de la farine et du pain.

Fondées sur ces dispositions, les chambres fédérales édictèrent, le 19 juin 1953, un arrêté prévoyant notamment la compétence du Conseil fédéral de fixer les prix de la farine et du pain, la perception d'une taxe sur la farine blanche et la semoule en vue de réduire le prix du pain, le contingentement des ventes de farine, l'égalisation partielle de la marge de mouture et une réglementation de la mouture des céréales panifiables (taux d'extraction et échantillon-type).

La validité de ce régime transitoire étant limitée à fin 1957, il importe de préparer dès maintenant la législation qui devra entrer en vigueur le !<«· janvier 1958.

II. LA REVISION DU RÉGIME DU BLÉ Bien que le régime de 1932 ait facilité le ravitaillement du pays en blé durant la guerre, les circonstances ont fait apparaître diverses lacunes qu'il convient de combler, compte tenu des leçons de l'expérience. Il ne saurait donc être question d'en revenir purement et simplement à la loi de 1932, après l'abolition du régime transitoire.

Il s'agissait de déterminer tout d'abord si l'on pourrait se contenter de reviser la loi sur le blé de 1932 ou si la revision devait s'étendre à l'ar-

ticle 23bis de la constitution. Nous chargeâmes, en 1948, une commission d'experts d'examiner le problème sous tous ses aspects. La commission, qui tint sa dernière séance en 1952, était présidée par feu le professeur J. Piller, député au Conseil des Etats, et comprenait des représentants de l'agriculture, du commerce des céréales, de la meunerie, de la boulangerie et des consommateurs. Les experts furent d'avis qu'il s'imposait de refondre totalement la législation d'avant-guerre, y compris l'article 23bis de la constitution. En effet, le texte constitutionnel actuel ne permet pas d'introduire dans la loi sur le blé certaines dispositions nouvelles que les experts ont estimées nécessaires. Par exemple, il ne serait pas possible, en vertu de ce texte, d'obliger les meuniers à racheter le blé indigène à un prix dépassant celui du blé étranger de qualité équivalente. Or si, comme nous le prévoyons, le Conseil fédéral doit s'efforcer de maintenir le prix du pain à un niveau équitable et aussi stable que possible, il doit pouvoir fixer librement le prix de vente du blé indigène; c'est la seule possibilité qu'il aura de compenser quelque peu les écarts de prix du blé étranger. Par ce moyen, par l'octroi d'allocations et par la perception de contributions -- la base constitutionnelle fait défaut sur ce point également -- nous pourrons assurer une meilleure couverture financière du nouveau régime du blé. Enfin, l'article 23 ois actuel n'indique pas avec suffisamment de clarté jusqu'à quel point il est possible d'édicter des prescriptions sur la mouture et les prix ou de maintenir les mesures de protection prises ces dernières années en faveur de la meunerie, ce que règle en revanche le nouvel article 236is. Il est donc indispensable de reviser cet article constitutionnel.

Le département des finances et des douanes rédigea un avant-projet d'article 23 ois et le soumit à une commission comprenant des représentants des professions intéressées, des associations économiques et des consommateurs. Puis les cantons et les associations furent invités à soumettre leurs observations par écrit. Nous exposons, sous chiffre III ci-après, le résultat de ces consultations. Le projet d'article constitutionnel issu de ces délibérations et consultations a la teneur suivante : 1

La Confédération assure le ravitaillement du pays en blé.

Elle encourage la culture du blé de bonne qualité; elle achète le blé indigène panifiable à des prix qui en permettent la culture ; elle règle l'emploi du blé indigène et en fixe les prix de vente. Elle assure l'existence de réserves suffisantes de blé et réglemente l'importation et l'emploi du blé étranger et de la farine panifiable ; ce faisant, elle s'appuie sur la collaboration de l'économie privée. Elle prend des mesures visant à maintenir une meunerie forte et décentralisée. Elle sauvegarde les intérêts des consommateurs et peut édicter, 'à cet effet, des dispositions concernant les prix et la fabrication, tout en tenant compte des professions intéressées.

3 A ces fins, la Confédération peut accorder des allocations et percevoir des contributions pour couvrir une partie des dépenses occasionnées par le ravitaillement en blé.

4 Les dispositions d'exécution sont édictées par voie législative ; elles peuvent, au besoin, déroger à la liberté du commerce et de l'industrie.

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Les buts et principes énoncés dans cet article peuvent être résumés comme il suit: Le nouveau régime se fonde sur les expériences faites avec l'article 2Sbis actuel, la loi sur le blé de 1932 et les prescriptions édictées depuis 1940. Les dispositions qui se sont révélées judicieuses sont maintenues si possible telles quelles, en partie tout au moins. Nous avons donc comme point de départ un régime qui est déjà connu de tous.

Nous proposons de maintenir et d'améliorer la réglementation actuelle relative à l'encouragement de la culture du blé indigène, à la prise en charge de ce blé et à la constitution des réserves. L'importation des céréales panifiables sera réglée comme avant la guerre, toutefois sans contingentement.

L'importation du blé étranger par le commerce et la meunerie offrira certainement des avantages, mais n'exclura pas l'intervention de l'Etat dans les cas où elle est indiquée, par exemple pour renouveler les réserves que la Confédération entretient dans l'intérêt du peuple et de l'armée, ou pour faire face à d'éventuelles difficultés d'approvisionnement.

La meunerie doit assumer une série de tâches dont l'exécution implique une certaine stabilité de la profession, partant diverses mesures de protection. Simultanément, il faut garantir un approvisionnement süffisant du marché à des conditions favorables pour les consommateurs.

Il convient de veiller tout particulièrement à la sauvegarde des intérêts de ceux-ci. Outre les possibilités que lui offre l'article 23bis actuel, la Confédération doit pouvoir édicter des dispositions concernant les prix et la fabrication, afin d'assurer la fourniture de farine et de pain de bonne qualité à des prix équitables et aussi stables que possible.

Dans les limites du régime du blé, la Confédération doit pouvoir accorder des allocations et percevoir des contributions. Celles-ci ne visent pas à libérer l'Etat de toutes charges financières; comme par le passé, la Confédération supportera elle-même une part équitable des dépenses occasionnées par le régime du blé.

Les dispositions d'exécution du nouvel article constitutionnel devront être édictées par voie législative, c'est-à-dire par les chambres, sous réserve du referendum facultatif. Elles ne pourront déroger au principe de la liberté du commerce et de l'industrie que si une limitation de
l'activité privée est indispensable pour atteindre les buts énoncés aux premier et deuxième alinéas de l'article constitutionnel.

III. ESQUISSE DU NOUVEAU RÉGIME DU BLÉ Le commentaire du texte constitutionnel que nous donnons ci-dessous nous permettra d'indiquer à grands traits ce que serait le nouveau régime du blé.

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1. Généralités Le nouvel article constitutionnel diffère dans sa structure de l'article 23bis actuel. Le premier alinéa confère un mandat général à la Confédération; le deuxième donne aux chambres certaines directives concernant la législation sur le blé; le troisième crée le fondement du régime financier; enfin, le quatrième prévoit que les dispositions d'exécution peuvent, au besoin, déroger à la liberté du commerce et de l'iAdustrie.

Le nouvel article constitutionnel aurait pu, à la rigueur, se limiter au premier alinéa, qui attribue à la Confédération la mission générale d'assurer le ravitaillement du pays en blé. Il n'eût pas été nécessaire de prévoir d'avance dans la constitution la manière dont l'Etat doit s'acquitter de sa tâche, puisque de toute façon le peuple et les cantons par leurs représentants aux chambres fédérales, ainsi que le citoyen par le referendum facultatif, auraient encore la possibilité de faire entendre leur voix. Même sans le troisième alinéa, il va de soi que la Confédération devrait recevoir les moyens financiers indispensables à la couverture des dépenses. Enfin, le quatrième alinéa ne serait pas absolument nécessaire, car la future loi sur le blé pourrait déroger au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, conformément au premier alinéa.

Nous renonçons toutefois à vous proposer un bref article attributif de compétence rédigé en termes généraux, et cela pour les deux motifs suivants : L'actuel article 23 ois énumère toutes les mesures qui peuvent être prises en dérogation au principe de la liberté du commerce et de l'industrie; depuis bientôt 30 ans qu'il existe, il est entré dans les moeurs sous cette forme, et les milieux intéressés ne seraient guère disposés à le voir remplacer aujourd'hui par une formule générale et abstraite. D'autre part, l'union suisse du commerce et de l'industrie et les bourses du blé de Zurich et de Berne, appuyées par la fédération suisse des importateurs et du commerce de gros, ont souligné les dangers que présentait ' l'adoption d'un simple article attributif de compétence. Ils ont rédigé des contre-projets énumérant les mesures que la Confédération serait autorisée à prendre, en dérogeant au besoin à la liberté du commerce et de l'industrie.

Si nous sommes conscients des inconvénients qu'impliqué une simple déclaration
de compétence, nous ne voudrions pas, en revanche, aller trop loin dans l'autre sens et ancrer déjà dans la constitution une grande partie de la législation. Les circonstances sont si multiformes et les données économiques changent si souvent qu'il est impossible de régler de façon définitive dans la constitution, pour plusieurs décennies, une partie de l'économie publique suisse. Enfin, le respect que nous devons à la loi fondamentale de l'Etat postule que nous n'y inscrivions pas des règles qui, à vues humaines, pourraient être revisées dans un proche avenir déjà. C'est pourquoi nous nous sommes efforcés de rédiger un article constitutionnel qui soit un judi-

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cieux compromis entre la délégation générale de compétence et une disposition qui énumère de façon limitative les diverses tâches et attributions de la Confédération, mais qui risque d'être dépassée dans quelques années déjà par l'évolution de l'économie.

Nous devons aussi examiner à ce propos la question de principe soulevée par la fédération des coopératives Migros, savoir : Est-il encore nécessaire de maintenir un article spécial sur le blé dans la constitution et ne pourrait-on prendre les mesures envisagées en se fondant sur les textes législatifs énumérés ci-après ? . En effet, depuis que le peuple a adopté, le 3 mars 1929, l'article 23bis actuel, les articles économiques ont vu le jour et ont donné naissance à la loi sur l'agriculture du 3 octobre 1951 et à la loi du 30 septembre 1955 sur la préparation de la défense nationale économique. D'autre part, les chambres ont pris, le 14 octobre 1933, un arrêté fédéral concernant les mesures de défense économique envers l'étranger. Tous ces textes donnent à la Confédération d'importants pouvoirs, dont elle pourrait aussi faire usage pour le secteur du blé.

Cette opinion appelle les commentaires suivants: a. La loi sur l'agriculture du 3 octobre 1951 (RO 1953, 1095) ne fournirait pas une base juridique suffisante pour adopter certaines mesures prévues dans le nouvel article constitutionnel et dans la nouvelle loi sur le blé, par exemple pour la prise en charge du blé indigène; du reste, nous avons réservé expressément la législation sur le blé dans notre message du 19 janvier 1951 relatif à la loi sur l'agriculture (FF 1951, I, 141, 154 et 189).

6. Les explications que nous avons déjà données dans notre message du 10 février 1953 concernant le ravitaillement du pays en céréales parti fiables (FF 1953, I, 337 et 355) au sujet de la réserve fédérale de blé valent également, mutatis mutandis, pour la loi du 30 septembre 1955 sur la préparation de la défense nationale économique (RO 1956, 89).

Cette loi ne permet de prendre des mesures de précaution qu'en période troublée, lorsque l'importation de marchandises indispensables est sérieusement entravée ou en cas de danger de guerre imminent. Or, la Confédération doit pouvoir assurer l'approvisionnement du pays en pain en période normale comme en période difficile. En outre, l'article 4, 3e alinéa,
de la loi réserve expressément les dispositions de la législation sur le blé relatives à la constitution de stocks de céréales panifiables.

c. La validité de l'arrêté fédéral du 14 octobre 1933 sur les mesures de défense économique envers l'étranger, dans la teneur du 22 juin 1939, est limitée au 31 décembre 1956 (RS 10, 523; RO 1954, 1345). Ses dispositions et son fondement constitutionnel ne permettent pas de régler la question des importations comme nous l'avons prévu en fonction du nouvel article 23bis.

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Considérant, enfin, que non seulement l'agriculture, mais aussi le commerce, l'artisanat, l'industrie et les consommateurs ont intérêt que le ravitaillement du pays en blé fasse l'objet de dispositions spéciales, codifiées en un texte distinct, nous tenons pour indiqué de maintenir un article constitutionnel particulier et la législation spéciale qui en découle.

2. Le ravitaillement du pays en blé «La Confédération assure le ravitaillement du pays en blé.ì) L'article 23 ois, 1er alinéa, donne à la Confédération la compétence générale de légiférer pour assurer le ravitaillement du pays en blé. Le nouveau texte va donc plus loin que l'article actuel, qui énumère de façon limitative les domaines dans lesquels la Confédération peut intervenir. La place qu'occupé cet article dans la première partie de la constitution et la teneur de son premier alinéa montrent que les mesures destinées à assurer le ravitaillement en blé ressortissent désormais -- comme par le passé du reste -- à la Confédération et non aux cantons. Outre cette délimitation entre Confédération et cantons, le premier alinéa contient le principe de la séparation entre le droit privé et le droit public, plus précisément entre l'autonomie privée et la sphère d'activité de l'Etat. L'administration fédérale devra désormais assurer le ravitaillement du peuple et de l'armée en blé, en temps de paix comme en temps de guerre, sans toutefois restreindre inutilement l'activité de l'économie privée, ainsi que nous le verrons plus avant.

En vertu des deux premiers alinéas, la Confédération peut prendre des mesures propres à encourager l'activité privée sans la limiter. Mais elle a également la faculté d'intervenir, par des dispositions légales, dans l'activité économique des particuliers, pour la restreindre ou la diriger. Enfin, le premier alinéa, combiné avec les deuxième et quatrième, lui donne le droit de se substituer dans une certaine mesure à l'économie privée. Elle ne peut cependant pas agir arbitrairement; au contraire, ainsi que nous l'exposerons encore plus loin, elle devra toujours, parmi plusieurs mesures appropriées, choisir celle qui s'écarte le moins du principe de la liberté du commerce et de l'industrie.

Le deuxième alinéa de l'article 23 ois donne au législateur certaines directives concernant les dispositions d'exécution, sans
énumérer toutefois > de façon limitative les domaines dans lesquels il peut intervenir. Chaque fois que le ravitaillement du pays en blé l'exige, la Confédération a le droit de légiférer, dans quelque secteur que ce soit, voire, au besoin, en dérogeant à la liberté du commerce et de l'industrie. Si, par exemple, l'état de notre approvisionnement nous imposait d'interdire l'exportation des céréales panifiables et des produits qui en sont issus, le législateur pourrait édicter les dispositions nécessaires, quand bien même le deuxième alinéa de l'article 23bis ne prévoit pas une réglementation de l'exportation.

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L'expression «ravitaillement du pays en blé» doit être comprise dans son sens le plus large. Elle englobe toutes les mesures qui contribuent, en temps de paix comme en temps de guerre, à couvrir les besoins en blé du peuple et de l'armée, partiellement aussi des organisations d'entraide internationale (par ex. le comité international de la Croix-Rouge). Ces mesures s'étendent à la production indigène, à la constitution de réserves, à l'acheminement des marchandises de l'étranger, à la formation des prix, à l'utilisation du blé indigène ou étranger et des produits de sa mouture ou de sa transformation.

Il y a lieu d'admettre que, comme par le passé, le champ d'application du futur régime du blé ne sera pas limité au territoire de la Confédération suisse, mais s'étendra également à la principauté du Liechtenstein, en vertu d'accords passés entre les deux Etats. En outre, les producteurs domiciliés en Suisse doivent pouvoir continuer de livrer à la Confédération le blé qu'ils ont également cultivé dans la zone limitrophe étrangère.

L'objet auquel s'applique le nouveau régime est donné par la définition du mot «blé». Il faut entendre par blé non seulement toutes les céréales utilisées en Suisse pour la préparation du pain, savoir le froment (triticum. vulgäre), le seigle (secale cereale), l'épeautre (triticum spelta), l'engrain (triticum monococcum), l'amidonnier (triticum dicoccum) et les mélanges de ces céréales, mais également le blé dur (triticum durum), qu'on n'utilise normalement que pour la fabrication des fins finots et des pâtes alimentaires. Il ne paraît pas exclu, à l'heure actuelle, que la culture du blé dur puisse s'introduire un jour en Suisse et s'y développer quelque peu. Cette perspective et le fait qu'on peut remplacer du blé tendre par du blé dur pour fabriquer de la farine panifiable, ou, vice versa, du blé dur par du blé tendre pour extraire des fins finots, nous font une nécessité d'inclure le blé dur dans la législation sur le blé. Enfin, le maïs et, dans les régions de montagne, l'orge, ont été jusqu'ici assimilés au blé pour le ravitaillement direct des producteurs, et soumis, de ce fait, à la législation sur le blé.

Alors que l'article constitutionnel actuel obligeait la Confédération à tenir compte, pour la culture du blé indigène, de la situation particulière des régions
de montagne, nous avons renoncé à une telle mention dans le nouvel article. Quelques cantons ont exprimé le voeu que le nouvel article constitutionnel prévoie expressément que la Confédération doit tenir compte des conditions de culture plus difficiles des régions de montagne.

Nous préférons y renoncer, attendu que la nouvelle législation, s'inspirant d'un principe admis généralement, prendra en considération les conditions de vie plus pénibles des. populations montagnardes et non seulement les difficultés accrues auxquelles se heurte la culture du blé dans les régions de montagne.

Selon le commentaire de la constitution rédigé par le professeur W. Burckhardt, l'article actuel sur le blé vise à assurer le ravitaillement du

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pays en pain et à aider la classe paysanne. Le fait que le premier alinéa de notre projet ne mentionne que le ravitaillement du pays en blé ne signifie naturellement pas qu'on n'accordera pas, sous le nouveau régime, la même importance que par le passé au maintien d'une population paysanne saine et forte. En revanche, il convenait que nous distinguions entre l'intérêt général, qui postule, pour la Confédération, l'obligation d'assurer le ravitaillement du pays en blé, ainsi qu'il ressort du premier alinéa, et les intérêts des consommateurs, des agriculteurs, des meuniers, des commerçants en blé et des boulangers, qui sont l'objet du deuxième alinéa; ces intérêts particuliers, en partie inconciliables, doivent être tous subordonnés à- l'intérêt général.

3. Le blé indigène «Elle encourage la culture du blé de bonne qualité; elle achète le blé indigène panifiable à des prix qui en permettent la culture; elle règle l'emploi du blé indigène et en fixe les prix de vente.»

Les dispositions légales visant à encourager la culture du blé indigène ont prouvé leur utilité durant la dernière guerre. Elles ont largement contribué à assurer le ravitaillement en denrées alimentaires, lequel a donné satisfaction dans l'ensemble. La culture des champs, qui avait repris à grandpeine quelque essor durant la première guerre mondiale, a pu ensuite être maintenue, grâce à la loi sur le blé, dans la majeure partie du pays ; la Suisse se trouva ainsi en 1939 dans une situation beaucoup plus favorable qu'en 1914. L'expérience enseigne qu'on ne peut se contenter d'ordonner simplement la culture des champs en période de guerre ou de difficultés d'approvisionnement, car pour atteindre le but visé il est indispensable que les agriculteurs acquièrent des connaissances spéciales, qu'ils possèdent des machines et des outils appropriés et qu'ils disposent de semences adaptées aux conditions du sol et du climat. C'est uniquement parce que la Suisse se trouvait dans cette situation en 1939 qu'il a été possible de mener à bien le programme d'extension des cultures. Toutefois, de 1939 à 1945, les emblavures se sont accrues de 19 202 hectares seulement (de 114 746 à 133 948 hectares), alors que l'ensemble des terres cultivées passait de 209 301 à 355 293 hectares, en augmentation de 145 992 hectares. Cela ne signifie nullement que les mesures prises pour encourager la culture du blé n'ont pas été judicieuses. En effet, l'agriculture devait développer non seulement la culture des céréales panifiables, mais aussi celle d'autres produits, pommes de terre et légumes principalement. En outre, elle devait pallier la pénurie de fourrages concentrés en produisant de plus grandes quantités de fourrages, afin de couvrir les besoins de la population en graisse, lait et viande. Même dans ces conditions, elle a pu fournir, en 1943 et 1944, environ 60 pour cent des quantités de blé nécessaires. Si nous avons pu

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faire face à toutes ces tâches, c'est que le paysan suisse possédait une longue et précieuse expérience de la culture des champs.

Sous le régime actuel, les mesures suivantes visent à encourager la culture du blé: a. La prise en charge du blé indigène à un prix garanti; 6. L'allocation d'une prime de mouture pour favoriser le ravitaillement direct ; c. Le soutien accordé à la sélection et à la culture du blé de semence.

Cette réglementation s'est révélée judicieuse; aussi n'avons-nous pas l'intention de modifier sensiblement les principes qui ont eu de bons effets et les mesures auxquelles les producteurs se sont habitués. Nous envisageons principalement quelques améliorations de caractère plutôt technique et administratif, qui ne concernent cependant pas l'article constitutionnel et qui devront être examinées lors de la revision de la loi sur le blé (fixation des prix d'achat du blé par le Conseil fédéral, nouvelle base pour le calcul de la prime de mouture, etc.).

Si la constitution impose à la Confédération le devoir d'encourager la culture du blé, il reste à savoir jusqu'où s'étend cette obligation, en d'autres termes, où sont les limites des mesures qu'elle doit prendre, quelle est l'ampleur souhaitable que doit atteindre la production indigène. Nous ne pensons pas seulement à la nécessité de maintenir un juste équilibre entre la culture des champs et la production herbagère ni aux exigences d'un assolement judicieux, mais plutôt à l'importance que revêt la culture du blé indigène par rapport à l'ensemble du régime du blé. Il convient, d'une part, d'encourager la production du froment, de seigle et d'épeautre de façon qu'elle contribue dans une large mesure au maintien d'une classe paysanne saine et d'une agriculture forte et que nous soyons toujours assurés de couvrir, en période difficile, une partie appréciable de nos besoins avec des produits de notre propre sol ; mais il ne faut pas, d'autre part, que les mesures décrétées représentent, en temps normaux, une charge excessive pour la caisse fédérale et entraînent un développement de la production si considérable qu'il en résulte une restriction excessive des importations de blé étranger, ce qui porterait préjudice aux intérêts de notre politique commerciale. Dans ces conditions et du point de vue de l'économie publique, le développement
qu'il convient de donner à la culture indigène est difficile à déterminer et dépend également de la situation extérieure et intérieure du pays. En tout état de cause, les mesures visant à encourager la culture du blé doivent s'inspirer d'une politique à longue vue et tendre à une certaine stabilité des emblavures.

Outre la prise en charge du blé indigène et l'octroi d'une prime de mouture destinée à stimuler le ravitaillement direct, le législateur s'est efforcé de développer la culture indigène en encourageant la sélection et

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l'emploi de blé de semence de bonne qualité. A cette fin, il a pris jusqu'ici les mesures suivantes : permis obligatoire pour l'importation et le commerce des semences de céréales panifiables, versement de primes et de subsides pour les semences reconnues et de haute qualité, prise en charge d'une partie des frais de transport, achat des excédents de semences par la Confédération. Il faudra décider, lors de la revision de la loi sur le blé, si l'on entend maintenir ou modifier ces dispositions. De toute façon, nous ne pensons pas qu'il serait opportun de régler cet objet dans la constitution, comme l'ont proposé les cantons de Vaud et de Genève. Relevons toutefois à ce propos qu'aux termes du nouvel article constitutionnel, la Confédération n'encourage que la culture du blé de «bonne qualité», alors que l'article actuel mentionne uniquement qu'elle encourage la culture du blé dans le pays. Nous voulons exprimer ainsi la nécessité de marquer une nette différence, tant pour la sélection des semences que pour la prise en charge du blé indigène, entre les variétés dont les propriétés culturales, meunières ou boulangères ne donnent pas satisfaction et celles qui se prêtent particulièrement bien à la culture dans notre climat, ainsi qu'à la transformation en farine et en pain.

De toutes les mesures concernant le blé indigène, la fixation du prix d'achat de celui-ci est sans conteste la plus importante. A part quelques modifications de détail, notre projet est identique au texte actuel («elle achète le blé indigène panifiable à des prix qui en permettent la culture»).

Vu que cette disposition n'est pas très précise et peut donner lieu à diverses interprétations, nous avons tenté de la remplacer par une formule plus exacte (par ex., «à des prix qui couvrent les frais» ou «qui en assurent la production»). Ces expressions ne donnant toutefois pas satisfaction, nous sommes revenus finalement à l'ancien texte connu de tous. Cependant, vu l'importance de la question, il nous paraît indispensable de préciser encore quelque peu ce qu'on entend par «des prix qui en permettent la culture».

Si l'on se rapporte à la genèse de la loi sur le blé (1), on constate que le législateur a voulu sanctionner un prix qui couvre les frais de production.

Or, pour atteindre ce but, la Confédération doit acheter le blé indigène
à un prix supérieur au coût de revient de la marchandise étrangère de qualité équivalente (surprix).

Pour développer autant que possible la production du blé indigène durant la seconde guerre mondiale, nous nous sommes écartés, en 1940, du principe de la couverture des frais de production et avons fixé un prix d'achat qui non seulement couvrait ces frais, mais devait, en outre, (!) Bulletin sténographique du Conseil national 1928, p. 749 II, 752 et 770; message du 26-1-1932 relatif à un projet de loi concernant le ravitaillement du pays en blé, FF 1932, I, 133; Bulletin sténographique du Conseil national 1932, p. 118 II, 122, 129 I i. f., 138 II, 142 I, 149 I i. f.; Bulletin sténographique du Conseil des Etats 1932, p. 235, 239 II, 2401, 2481, 2501, 2721; message du 12-IX-1933 concernant la fixation du prix d'achat du froment indigène de la récolte de 1933, FF 1933, II, 337.

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stimuler l'extension des cultures (ACF du 16 février 1940). Par la suite, nous avons veillé à maintenir une certaine parité avec le prix des autres produits agricoles. En 1947, nous avons relevé le prix d'achat du blé en vue de compenser les déficits dus à la sécheresse (ACF du 29 août 1947) et, en 1948, pour atténuer les pertes dues au mauvais temps (ACF du 17 septembre 1948). Dans les années d'après-guerre, nous avons même pris en considération les rendements déficitaires d'autres produits agricoles (FF 1950, II, 698). Puis il fallut examiner si l'article 29 de la loi sur l'agriculture, relatif aux prix, était également applicable à la fixation du prix d'achat du blé indigène; dans un mémoire très fouillé du 23 octobre 1953, la division de justice répondit négativement à cette question et arriva à la conclusion que, dès la suppression des pouvoirs extraordinaires, nous devions revenir au seul principe de là couverture des frais de production du blé.

Nous devons donc résoudre aujourd'hui, comme il y a 30 ans environ, la question suivante: quel est le prix qui permet la culture du blé, c'està-dire qui couvre les frais de production ? Il faudra fixer un prix qui couvre les frais de production moyens, calculés sur une période de plusieurs années, d'entreprises agricoles non situées dans des régions de montagne, exploitées d'une façon rationnelle et reprises à des conditions normales; de plus, on devra se fonder sur des normes de production moyennes. Pour tenir compte des difficultés accrues de la production dans les régions de montagne, on accordera des suppléments. Les autorités fédérales chargées de fixer le prix d'achat du blé devront jouir d'une certaine liberté d'action; elles pourront exercer une influence déterminante, par le moyen des prix, sur la culture du blé dans son ensemble ou sur la production de certaines espèces et variétés de céréales. Ce moyen ne doit toutefois pas être utilisé à d'autres fins encore, telles que la compensation de rendements déficitaires d'autres produits agricoles.

Aussi bien l'ancien que le nouveau texte de l'article 23bis n'imposent à la Confédération que l'obligation de prendre en charge le blé indigène panifiable, c'est-à-dire le blé dont on peut tirer une farine panifiable de bonne qualité marchande. Elle n'est pas tenue d'acheter le blé moucheté, moisi ou
germé, ni le seigle contenant un trop fort pourcentage de grains ergotes. L'union suisse du commerce et de l'industrie, l'union des meuniers suisses et les bourses du blé désirent même faire un pas de plus et demandent que seul le blé indigène de bonne qualité soit pris en charge par la Confédération. Nous estimons toutefois qu'il est plus correct de distinguer entre le critère «blé panifiable», qui doit être déterminant pour la prise en charge, et le critère «blé de bonne qualité» qui doit être déterminant pour le calcul de suppléments ou de réfactions sur le prix d'achat, puis ensuite sur le prix de revente aux meuniers.

Vu le régime envisagé, on peut admettre que, abstraction faite des quantités gardées par les producteurs pour leur ravitaillement direct, la

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totalité du blé indigène sera livrée à la Confédération ; celle-ci devra aussi veiller à ce que la marchandise soit employée de façon judicieuse. Par «emploi», nous entendons aussi bien la cession, l'acquisition, que la mise en oeuvre, le mélange, le magasinage et le traitement, de même que l'utilisation dans'le ménage du producteur. La constitution donne à la Confédération la compétence d'insérer dans la loi sur le blé des prescriptions sur la répartition du blé indigène aux meuniers, sur la composition des lots de mouture et sur la fabrication de la farine. Elle peut interdire aux meuniers de sortir du blé indigène non travaillé et, au besoin, défendre aux producteurs de vendre directement leur blé aux exploitants de moulins de commerce.

Elle est autorisée à légiférer sur le magasinage et le traitement du blé indigène à la ferme et dans les moulins et peut également régler la question du ravitaillement direct des producteurs de blé. En répartissant le blé indigène aux meuniers, elle veillera, conformément à l'article 4 de la constitution, à traiter tous les meuniers sur un pied d'égalité: chacun recevra, au prorata de ses moutures, les mêmes quantités et espèces de céréales indigènes, d'une qualité à peu près égale et au même prix. C'est la seule manière d'assurer une égalité de traitement absolue aux meuniers et de leur permettre de remplir leurs obligations à l'égard de la Confédération.

Le meilleur moyen d'y parvenir consistera à introduire un système semblable à celui qui était appliqué avant la guerre (Leistungssystem), étant entendu que le législateur aura la tâche de fixer les règles selon lesquellesles meuniers devront acheter et moudre le blé indigène.

Le texte du nouvel article 23 ois laisse toute liberté au législateur d'arrêter les principes applicables désormais à la fixation des prix de vente du blé indigène. Nous avons volontairement renoncé à assimiler les prix de vente du blé indigène aux prix du marché mondial du blé étranger de qualité équivalente. Cette solution a, en effet, un inconvénient majeur : les fluctuations des prix de revient du blé étranger ont une influence décisive sur la mise à contribution de la caisse fédérale. Chaque écart de prix assez important sur les marchés mondiaux se traduit par un changement du prix du pain; les consommateurs n'ont ainsi aucune
garantie de stabilité. Comme nous l'exposons plus loin, nous prévoyons d'assurer, tout au moins partiellement, une meilleure stabilité des prix du pain et, de ce fait, des charges de la Confédération, en fixant de façon appropriée le prix de vente du blé indigène.

4. La réserve «Elle assure l'existence de réserves suffisantes de blé...; ce faisant, elle s'appuie sur la collaboration de l'économie privée.» La nécessité de constituer une réserve de blé suffisante ne semble pas devoir soulever d'opposition. A la suite des expériences faites pendant la première guerre mondiale, nous n'avons jamais changé d'opinion. Nous renvoyons

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à ce propos à notre rapport du 2 avril 1928 à l'Assemblée fédérale sur l'initiative populaire demandant l'insertion dans la constitution fédérale d'un article 2Bbis relatif à l'approvisionnement de la Suisse en blé (FF 1928, I, 933 et 950), à notre message du 26 janvier 1932 relatif à un projet de loi concernant le ravitaillement du pays en blé (FF 1932, I, 133 et 138), à notre message du 10 février 1933 concernant le ravitaillement du pays en céréales panifiables (FF 1953, I, 337 et 350) dont les considérations sont encore pleinement valables aujourd'hui. Soucieux de conserver notre indépendance, nous sommes contraints, pour tenir compte de la situation géographique de notre pays, au centre d'un continent, sans accès à la mer, de faire un effort un peu plus grand que d'autres Etats.

Contrairement à l'ancien article, le nouveau texte constitutionnel prévoit uniquement que la Confédération assurera désormais l'existence de réserves suffisantes de blé; il lui laisse en revanche toute liberté de régler les modalités de l'entreposage (constitution, entretien et renouvellement).

Sous réserve des explications que nous donnons au quatrième alinéa cidessous et abstraction faite de l'obligation d'édicter les dispositions d'exécution par voie législative, les autorités fédérales ont la possibilité soit de constituer elles-mêmes les réserves nécessaires, soit de les faire constituer par des tiers. Elles devront toutefois veiller à ce que la Confédération soit propriétaire de cette réserve ou qu'elle ait au moins un droit de disposition sur elle, afin qu'elle puisse, en cas de nécessité, l'utiliser au mieux dans l'intérêt général. Elles devront enfin décider si et dans quelle mesure le magasinage sera assuré par des particuliers, comme jusqu'ici, sans indemnité, ou s'il fera l'objet de prescriptions obligatoires ou d'un contrat de droit public.

L'expression «réserves suffisantes» implique qu'on laisse le soin à la Confédération de fixer, selon les circonstances, l'importance de la réserve de blé. Nous pensons que la meilleure solution consiste à charger le Conseil fédéral de cette tâche: il s'en acquittera en tenant compte de la situation politique extérieure, de la situation économique et intérieure du pays, des possibilités de transport, des prix du blé et de l'ampleur des récoltes indigènes. C'est ainsi
qu'on pourra le mieux s'adapter aux circonstances et réduire quelque peu, par exemple avant la récolte indigène, les stocks de blé étranger pour éviter des difficultés de magasinage. Cette, solution permettra en outre de tenir secrète, en période troublée, l'importance de notre réserve.

La constitution étant muette à ce sujet, c'est la future loi sur le blé qui disposera si et dans quelle mesure la réserve sera confiée aux meuniers et, le cas échéant, aux négociants en blé, voire à d'autres tiers. Il serait donc prématuré de prendre aujourd'hui déjà une décision sur la façon dont la réserve sera répartie. Relevons simplement que, sur ce point aussi, la Confédération doit donner à l'économie privée l'occasion de collaborer; en

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effet, la disposition constitutionnelle «ce faisant, elle s'appuie sur la collaboration, de l'économie privée» ne se rapporte pas seulement à l'importation et à l'emploi du blé. En outre, conformément au quatrième alinéa du nouvel article 23 ois, la liberté du commerce et de l'industrie ne doit pas être limitée plus qu'il n'est nécessaire.

Alors que les cantons et la majorité des associations économiques ont approuvé le texte proposé, l'union suisse du commerce et de l'industrie et les bourses du blé de Zurich et de Berne, appuyées par la fédération suisse des importateurs et du commerce de gros, auraient préféré que la Confédération renonçât désormais complètement au magasinage du blé étranger. Elles proposent que la Confédération se borne à entretenir des stocks de blé indigène, ce qui nous paraît inopportun. En effet, il suffit que la constitution l'oblige à créer des réserves de blé et à recourir à la collaboration de l'économie privée, tout en s'abstenant de limiter inutilement la liberté du commerce et de l'industrie. Nous ne pensons pas qu'il serait indiqué de restreindre davantage la compétence des autorités fédérales, sinon leur action risquerait d'en être entravée, voire paralysée en certaines circonstances. D'ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que, depuis la première guerre mondiale, et notamment sous le régime de 1932, puis durant le second conflit, meuniers, entrepositaires privés et administration ont construit à grands frais des silos et des magasins, à des endroits choisis en partie pour des raisons d'ordre militaire ou d'autres motifs, mais où le commerce du blé, par exemple, n'a pas coutume de constituer des stocks en temps normaux. Il conviendra d'examiner attentivement, lors de la revision de la loi sur le blé, s'il serait indiqué d'ignorer l'évolution des 20 à 30 dernières années et d'interdire le magasinage du blé étranger à l'administration et aux nombreux établissements publics et maisons privées qui travaillent pour elle, alors qu'ils possèdent l'expérience voulue et les installations adéquates.

5. Importation et emploi du blé étranger et de la farine paniflable «La Confédération réglemente l'importation et l'emploi du blé étranger et de la farine panifiable; ce faisant, elle s'appuie sur la collaboration de l'économie privée.» Par importation au sens de l'article
constitutionnel, il ne faut pas entendre, ainsi qu'il est courant dans le commerce du blé, l'achat, l'acheminement, le dédouanement, voire en partie le transport à l'intérieur du pays, mais il faut entendre uniquement le passage à la frontière, en d'autres termes le dédouanement. La Confédération se bornera donc à l'avenir à désigner par voie législative les personnes qui seront autorisées à dédouaner le blé et la farine panifiable ; elle fixera, d'autre part, les quantités admises, les conditions requises et, le cas échéant, la nature et la qualité de la marchandise; en revanche, elle ne devra pas limiter directement les achats

81 conclus à l'étranger par des maisons privées. Diverses raisons rendent cette réglementation indispensable. Tout d'abord, il faut veiller à ce que les stocks de blé étranger de haute qualité appartenant à la Confédération ne soient pas remplacés par de la marchandise de qualité inférieure; cela implique des prescriptions sur les variétés, sur la qualité (par ex. absence de charançons), éventuellement sur la provenance du blé à dédouaner.

On doit pouvoir en outre empêcher l'importation et la mouture de blé contenant des corps étrangers indésirables ou nuisibles à la santé (ivraie, seigle ergoté, ail, etc.), afin de garantir une qualité irréprochable du pain.

D'autre part, le blé indigène devant être probablement attribué aux moulins de commerce au prorata des quantités qu'ils auront dédouanées, il importe que celles-ci soient exactement comptabilisées à la frontière et que les importations soient soumises à un régime de permis. Il faut encore empêcher que du blé étranger, par exemple le froment provenant des pays voisins, qui est très semblable au nôtre, ne soit importé et ne parvienne pas des voies détournées à des producteurs suisses, qui pourraient le livrer ensuite au prix fort à la Confédération. Ainsi que nous l'exposons plus loin, il convient de prendre des mesures appropriées à la frontière pour limiter l'importation de la farine panifiable étrangère. En revanche, nous tenons à relever expressément que le nouvel article constitutionnel ne crée aucune base juridique permettant d'utiliser le régime des importations de blé à des fins de politique commerciale. Il n'autorise une intervention de l'Etat sur les importations de blé et de farine panifiable que dans la mesure où elle est indispensable à assurer l'approvisionnement du pays en pain et en pâtes alimentaires, à encourager la culture du blé indigène, à protéger les consommateurs et la meunerie. Si notre politique commerciale nous oblige à prescrire la provenance du blé à importer, à en contingenter l'importation ou. à décréter des achats obligatoires, ces dispositions devraient être prises en vertu des articles 28 et 29 de la constitution et de la législation sur les mesures de défense économique envers l'étranger.

Le nouveau texte constitutionnel ne permet pas de maintenir ou de rétablir le monopole d'importation du blé ou de la
farine panifiable; en effet, selon un principe général du droit public fédéral, on ne peut créer un monopole en faveur de l'Etat que si l'intérêt public l'exige et uniquement si une disposition constitutionnelle le prévoit expressément. Alors que le régime actuel attribue à la Confédération le droit exclusif d'importer de la farine panifiable, le nouvel article sur le blé ne contient pas de disposition semblable. Il faudra donc trouver un autre moyen pour éviter que le marché suisse ne soit inondé par de la farine panifiable étrangère. Nous nous sommes déjà exprimés sur les avantages d'une solution sans monopole dans notre rapport du 2 avril 1928 (FF 1928, I, 980) et nous avons également confronté les avantages et les inconvénients du monopole et de la libre importation dans notre message du 10 février 1953 concernant le ravitaillement du pays en céréales panifiables (FF 1953,1,345). Nous pouvons Feuille fédérale. 108« année. Vol. I.

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82 donc nous abstenir d'y revenir ici. Quatre cantons seulement ont exprimé leur avis sur le futur régime des importations : tous approuvent l'abolition du monopole. Saint-Gali estime même qu'on pourrait confier sans hésiter toute l'importation du blé à l'économie privée, alors que Vaud redoute au contraire que l'abolition du monopole ne favorise uniquement les grands moulins. La plupart des associations économiques consultées se sont prononcées pour la suppression du monopole d'importation. Deux d'entre elles ont toutefois formulé quelques réserves: l'union syndicale suisse estime que le monopole permet de mieux assurer le ravitaillement en blé et la protection des consommateurs, tandis que la fédération suisse des syndicats chrétiens nationaux subordonne son accord quant à l'abolition du monopole à diverses conditions : il ne faudrait pas qu'il en résulte une aggravation des charges des consommateurs ou de la Confédération, la stabilité des prix du pain et la qualité de la farine, du pain et des pâtes alimentaires devraient être garanties, le monopole de la Confédération ne saurait être remplacé par le monopole privé de quelques importateurs.

L'union suisse du commerce et de l'industrie, les bourses du blé de Berne et de Zurich et la fédération suisse des importateurs et du commerce de gros voudraient, au contraire, priver entièrement la Confédération du droit d'importer du blé elle-même; elles proposent que ce droit soit conféré, dans la constitution, exclusivement à l'économie privée, savoir au commerce et à la meunerie.

Il y a donc lieu d'établir si la Confédération a encore le droit, selon le texte constitutionnel proposé, d'importer du blé et de la farine panifiable.

Il est constant que la Confédération doit acheter et importer elle-même du blé dans la mesure où les tâches qui lui ont été confiées par l'article 23 ois ne peuvent être remplies, ou ne peuvent l'être de façon satisfaisante, par les importateurs privés. En temps normaux, les maisons privées pourront approvisionner le pays en blé à des prix équitables aussi bien que l'administration. En pareil cas, celle-ci devra faire preuve de retenue dans ses achats. Mais il peut survenir des circonstances qui contraindront l'Etat à intervenir, et de toutes ses forces, pour assurer le ravitaillement du pays ou empêcher un renchérissement
général (pénurie de blé et hausse des prix sur les marchés mondiaux, récoltes déficitaires dans le pays, etc.). On ne saurait refuser à la Confédération, c'est-à-dire à l'administration des blés, le droit d'acheter et d'importer du blé étranger, et, au besoin, de la farine panifiable. En effet, une telle solution serait incompatible avec la mission générale que le législateur attribue à la Confédération dans le premier alinéa du nouvel article 23bis.

Les négociants et les meuniers se demandent à juste titre si leurs intérêts ne seront pas lésés sous le nouveau régime, notamment lorsque la Confédération viendrait à importer elle-même une certaine quantité de blé. Nous pouvons leur répondre que la constitution prévoit expressément que la Confédération doit «s'appuyer sur la collaboration de l'économie

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privée». On entend par là que le futur régime des importations de blé mettra l'accent sur la participation des maisons privées et que la Confédération n'achètera elle-même du blé étranger que dans la mesure où elle sera contrainte de le faire dans l'exercice de ses attributions. Ainsi que nous l'avons déjà répété maintes fois, elle ne devra pas restreindre la liberté du commerce et de l'industrie plus qu'il ne sera nécessaire. Alors qu'un des avant-projets prévoyait que la Confédération devait «sauvegarder» la collaboration de l'économie privée, en d'autres termes devait la tolérer, les mots actuels «elle s'appuie sur» lui font maintenant une obligation de recourir aux services de l'économie privée pour assurer le ravitaillement du pays en blé. L'expression «économie privée» doit être comprise ici dans l'acception la plus large ; en d'autres termes, sous le nouveau régime, les autorités devront donner aux négociants, aux meuniers, aux maisons de commerce et d'entreposage, aux banques et aux compagnies d'assurance, etc., la possibilité de participer à l'achat et à l'importation de blé étranger.

Si, comme lors des années trente, l'Etat et les maisons privées importent de nouveau simultanément du blé, il est évidemment nécessaire de tracer une limite entre leurs sphères d'activité. Cette question n'a certainement pas sa place dans la constitution, et il est même peu vraisemblable que la future loi sur le blé puisse la résoudre une fois pour toutes. Il n'y a au fond pas là matière à légiférer, mais il s'agit plutôt d'une tâche que les autorités devront résoudre de temps à autre, compte tenu des circonstances politiques et économiques les plus diverses. La loi pourra toutefois prescrire, par exemple, que l'administration des blés doit acheter le blé étranger par l'entremise des négociants suisses en céréales ou des représentants, domiciliés en Suisse, de maisons étrangères de premier ordre. De cette façon, l'administration devrait s'appuyer, même pour ses propres importations, sur la collaboration du commerce. En outre, la loi sur le blé devra probablement autoriser la Confédération à importer de temps à autre une cargaison pour renouveler les stocks de blé étranger qu'elle loge dans ses propres entrepôts. L'administration pourra ainsi conserver le contact avec les marchés mondiaux et un droit de regard
sur la formation des prix. Il ne faudra toutefois pas perdre de vue que le futur régime des importations devra être aussi libre que possible, et ne prévoir d'atteintes à la liberté du commerce que dans la mesure où le ravitaillement du pays, l'encouragement de la culture du blé indigène ou la protection de la meunerie et des consommateurs le rendront nécessaire.

Il en va différemment de l'importation de la farine panifiable. Ainsi que nous l'avons déjà exposé dans notre rapport du 2 avril 1928 concernant l'insertion d'un article 23bis dans la constitution, puis dans notre message relatif à la loi sur le blé, les moulins de commerce suisses doivent être protégés d'une concurrence étrangère ruineuse, si l'on veut qu'ils puissent satisfaire à toutes les obligations que leur impose la loi sur le blé. Le régime

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actuel conférait notamment à la Confédération, à cette fin, le droit exclusif d'importer de la farine panifiable. Vu qu'elle n'a, par la suite, pas importé de farine et qu'elle n'a accordé qu'exceptionnellement des permis d'importation, et encore contre paiement d'un droit de douane compensatoire très élevé, la meunerie indigène a joui d'une protection douanière complète.

Bien que le nouvel article constitutionnel ne prévoie plus un monopole d'importation de la farine panifiable, il assure néanmoins aux meuniers une protection suffisante contre la concurrence étrangère. Il appartiendra au législateur de définir légalement la farine panifiable et d'instaurer un régime de permis combiné avec des droits de douane efficaces. En limitant l'octroi des permis et en grevant l'importation de farine panifiable de taxes appropriées, il devrait être possible d'accorder à la meunerie indigène la même protection que sous le régime actuel du monopole d'importation.

Ce que nous avons dit du droit de la Confédération d'importer du blé vaut, par analogie, pour l'importation de farine panifiable. Si l'étranger n'est plus disposé à nous fournir du blé, mais uniquement de la farine, ou si l'intérêt des consommateurs l'exige, l'administration pourra importer elle-même de la farine, ou réduire, ou même supprimer le droit de douane compensatoire, afin d'empêcher que les prix de la farine et du pain n'atteignent un niveau injustifié (voir à ce propos l'art. 27, 2e al., de la loi sur le blé, du 7 juillet 1932; RS 9, 431).

Aux fins d'assurer le ravitaillement du pays, d'encourager la culture du blé indigène, de maintenir une meunerie forte et décentralisée et de sauvegarder les intérêts des consommateurs, le nouvel article 23 ois donne à la Confédération la compétence d'édicter par voie législative toutes les prescriptions nécessaires relatives à l'emploi du blé étranger et de la farine, de provenance indigène ou étrangère. Par «emploi», on entend aussi bien la cession et l'acquisition que la mise en oeuvre, le mélange, le magasinage et le traitement. Les attributions de la Confédération empiètent partiellement sur l'activité du commerce et de la meunerie et peuvent avoir des conséquences directes ou indirectes également pour la boulangerie, l'industrie des pâtes alimentaires, le commerce des fourrages et d'autres
professions. En se fondant- sur la disposition constitutionnelle précitée, le législateur peut obliger les meuniers de commerce à reprendre, directement ou par l'entremise des négociants en céréales, le blé étranger provenant des stocks de la Confédération dont le renouvellement s'impose. Il peut interdire aux meuniers de commerce d'aliéner le blé étranger non travaillé, prohiber l'affourragement de la farine panifiable et prendre toutes mesures utiles pour empêcher que du blé étranger ne soit livré à la Confédération en lieu et place de blé indigène. Il est en outre autorisé à édicter des prescriptions sur la composition des lots de mouture, sur le taux d'extraction et sur la qualité de la farine. La plupart des mesures prises à cet effet sont précisément destinées à sauvegarder les intérêts des consommateurs et à

85 assurer le financement futur du régime du blé. En effet, la qualité de la farine, du pain et des pâtes alimentaires dépend dans une large mesure des prescriptions éventuelles sur la qualité du blé étranger destiné à la mouture, sur la composition des lots de mouture et sur le taux d'extraction des farines. Enfin, les mesures visant à réduire les prix en faveur des consommateurs ou à prélever éventuellement une taxe sur la farine blanche impliquent une réglementation sévère de la fabrication et de l'emploi de la farine panifiable.

Ces mesures, qui restreignent la liberté du commerce et de l'industrie, devront toutes être dûment consacrées par la loi sur le blé et ne pourront pas déroger à la liberté du commerce et de l'industrie plus qu'il ne sera absolument nécessaire pour permettre à la Confédération de s'acquitter des tâches que lui impose le nouvel article 23bis. Enfin, il s'agira de tracer une limite précise entre la loi sur le blé et d'autres lois et arrêtés déjà en vigueur: législation sur la douane, sur les denrées alimentaires, sur l'agriculture, etc.

6. Maintien de la meunerie indigène «Elle prend des mesures visant à maintenir une meunerie forte et décentralisée.» Le moulin à façon est le type de moulin le plus ancien; son exploitant met en oeuvre le blé du producteur, contre une rémunération en nature autrefois, en espèces aujourd'hui. A la différence de ce meunier, qui ne fait pas de commerce avec les céréales, ni avec les produits de la mouture, l'exploitant du moulin de commerce achète le blé et vend les produits de la mouture. Suivant les espèces de céréales mises en oeuvre, on distingue les moulins à blé, y compris les moulins à blé dur, les moulins à maïs, à avoine, à orge, à riz, à fèves, à pois et à millet. La législation sur le blé ne concerne que les moulins de commerce et les moulins à façon qui mettent en oeuvre du blé, selon la définition que nous en avons donnée sous chiffre 2 ci-dessus.

On peut se demander pourquoi la meunerie spéciale, c'est-à-dire celle qui ne met pas en oeuvre du blé, est exclue de la protection accordée par l'article 23bis, alors que sa situation présente des analogies avec celle de la meunerie ordinaire. Par exemple, les moulins à avoine subissent, eux aussi, une forte concurrence de l'étranger ; ils entretiennent également des réserves obligatoires
et leur maintien paraît d'autant plus justifié qu'on n'en compte plus que neuf à l'heure actuelle. Ne conviendrait-il donc pas d'étendre la protection dont jouissent les moulins à blé à la meunerie spéciale ou tout au moins à quelques-unes de ses branches ? A première vue, cette exclusion, fondée uniquement sur le fait qu'il s'agit, d'une part, de blé panifiable, d'autre part, d'avoine, peut paraître contraire à l'article 4 de la constitution fédérale. Cependant, les moulins à avoine ne sont pas tenus de prendre en charge et de moudre du blé indigène, et n'assument pas les mêmes obliga-

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tions de droit public que les moulins à blé. C'est pourquoi il n'est pas possible de les mettre au bénéfice de la même protection que ceux-ci, ce qui entraînerait d'ailleurs des conséquences imprévisibles. Si regrettable que cela soit, il est constant que plus le législateur réglemente l'économie, plus il est contraint de différencier les mesures qu'il prend, parfois aussi à l'égard de la même branche, d'où résultent nécessairement certaines inégalités de traitement (régime différent pour les grands et les petits moulins, pour les moulins à blé tendre et les moulins à blé dur, etc.).

En ce qui concerne la protection des moulins à façon (en 1953/1954, 880 entreprises environ ont moulu 7893 wagons de 10 tonnes de blé indigène pour le ravitaillement direct des producteurs), le régime du blé ne doit pas être modifié sensiblement. La meilleure protection que l'on puisse accorder à ces entreprises consiste à leur assurer, comme cela à été le cas jusqu'à présent, une occupation suffisante; si la nouvelle loi sur le blé maintient l'obligation du ravitaillement direct pour les producteurs qui livrent du blé à la Confédération, l'occupation des moulins à façon restera assurée. Toutefois, le ravitaillement direct ne leur garantit du travail en suffisance que si la mouture à façon leur est acquise ; en d'autres termes, il importe d'empêcher les grands moulins de commerce de développer démesurément leurs moutures à façon. Ajoutons qu'il faut maintenir les modestes subventions accordées jusqu'ici pour la construction et la restauration des moulins de montagne. Grâce à elles, non seulement le ravitaillement direct des producteurs domiciliés en montagne ou dans des régions éloignées s'en trouve facilité, mais elles permettent encore de tenir compte, d'une manière particulière, des conditions de vie difficiles existant dans ces régions.

Avant d'examiner s'il est nécessaire d'introduire une protection efficace des moulins, nous désirons donner quelques indications concernant la structure de la meunerie de commerce suisse. Le 1er janvier 1956, il y avait en Suisse 297 moulins de commerce, dont 140 environ étaient soumis à la loi fédérale sur les fabriques. Durant l'exercice 1954/1955, ces entreprises ont mis en oeuvre 48 728 wagons de 10 tonnes de blé. Le débit de farine s'est élevé, pour la même période, à 38 748
wagons. Ainsi, leur capacité a été utilisée à 50 pour cent environ. Il subsiste donc une réserve dont le pays pourrait tirer parti si la consommation du pain venait à augmenter fortement ou si quelques moulins devaient disparaître en temps de guerre. Cette faible utilisation de la capacité de production, qui existe depuis des années, a eu pour effet de provoquer une concurrence acharnée au sein de la meunerie, ce qui a causé la disparition de nombreuses exploitations. Malgré les mesures de protection prises par la Confédération, 73 moulins ont été désaffectés de 1929 à 1955 ; la quantité de blé mise en oeuvre par ces exploitations en une année s'élevait à environ 5400 wagons de 10 tonnes, soit à plus de 10 pour cent de la production totale. Durant la même période, 91

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nouveaux moulins ont été ouverts, ayant un contingent annuel total de 1372 wagons seulement.

La meunerie exige d'importantes mises de fonds. Les immeubles, les machines et les installations absorbent des capitaux considérables, et, aux frais fixes qui résultent de ces investissements comme d'autres causes encore, s'ajoutent des frais variables relativement peu élevés (salaires, énergie électrique, frais de vente, etc.). De plus, les frais d'installation ne s'accroissent pas dans une mesure proportionnelle au développement de la capacité de production. Plus le débit de farine est élevé par rapport à la longueur des cylindres, plus les frais de production à l'unité, de poids sont bas. C'est là surtout ce qui explique pourquoi tous les meuniers s'efforcent d'accroître leurs ventes.

En Allemagne occidentale, où la concurrence entre moulins n'a pas été limitée ces dernières années, la situation se présente de la manière suivante, d'après les renseignements fournis par la presse spécialisée: du 1er juillet 1951 au 30 septembre 1954, 1549 moulins sur 16 500 environ ont suspendu leur activité, dont 1136, la plupart de faible ou moyenne importance, ont été fermés en raison de leur état de vétusté, de leur rentabilité insuffisante ou de difficultés financières, ou encore par suite de faillite. Afin de remédier à cette situation, les autorités allemandes paraissent décidées à prendre des mesures en vue d'empêcher une concurrence excessive, comme l'a fait récemment le gouvernement français. Dans d'autres pays où l'Etat n'est pas intervenu, par exemple aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et dans une partie du Royaume-Uni, les moulins ont disparu les uns après les autres jusqu'à ce qu'il ne restât plus que quelques grosses entreprises à.proximité des ports et des grands centres de consommation.

Il ne suffit pas d'encourager la culture du blé indigène et d'entretenir une réserve de blé pour assurer le ravitaillement en pain. Il faut encore pourvoir à ce que le froment et le seigle puissent, en tout temps et dans toutes les régions, être transformés en bonne farine panifiable. Pour être vraiment efficace, le régime du blé doit donc prévoir des dispositions visant à assurer l'existence d'une meunerie forte et décentralisée.

La future législation sur le blé imposera à la meunerie un ensemble d'obligations de droit
public, pour lesquelles elle ne touchera aucune indemnité, savoir: -- Elle logera gratuitement une partie de la réserve fédérale.

-- Elle sera responsable de la conservation et du renouvellement de cette réserve.

-- L'encouragement à la culture du blé indigène l'obligera à tirer parti de céréales dont la qualité est souvent fort irrégulière, ce qui lui occasionnera parfois de grandes difficultés, notamment lorsqu'elle devra incorporer 50 pour cent de blé indigène aux moutures, comme c'est le cas actuellement.

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-- Enfin, les mesures destinées à améliorer la qualité de la farine et du pain, la perception éventuelle d'une taxe sur la farine blanche et la réduction du prix du pain à l'aide d'un système de péréquation requerront dans une large mesure la collaboration des meuniers.

Il ne serait ni équitable ni raisonnable d'imposer aux meuniers de telles obligations dans l'intérêt général et de les abandonner à une concurrence étrangère ou indigène mettant leur existence en péril. La protection de la meunerie ne doit pas être considérée comme un privilège, mais lui sera accordée uniquement à raison des charges qu'elle devra assurer dans l'intérêt national. Ce n'est qu'à cette condition qu'il sera possible d'assurer l'application des mesures nécessaires au ravitaillement du pays en pain.

Il ne s'agit donc pas de créer un régime de faveur, mais seulement de garantir l'existence des moulins indispensables à l'exécution de la législation sur le blé. Du reste, nous avons l'intention de nous borner à maintenir les mesures de protection qui existent déjà.

Ces dispositions visent tout d'abord à protéger la meunerie · contre la concurrence étrangère, à l'aide de prescriptions permettant d'empêcher l'importation massive de farine étrangère à bas prix.

En outre, il s'agit d'empêcher une compétition ruineuse entre les moulins de commerce. La législation actuelle tient déjà compte du fait que les moulins situés non loin des frontières, à proximité des principales voies d'importation, se trouvent dans une situation quelque peu privilégiée par rapport à ceux de l'intérieur du pays, dont les frais de transport et de camionnage sont plus élevés. C'est pourquoi la loi sur le blé du 7 juillet 1932 prescrit une égalisation partielle des frais de transport en faveur de ces derniers.

Sous le régime de l'économie de guerre, cette mesure a été transformée en une péréquation totale par la livraison du blé franco gare du moulin. D'autre part, le législateur avait institué dans les années trente, et en se fondant sur d'autres dispositions que la législation sur le blé, une certame péréquation de la marge de mouture des différentes catégories de moulins, réglementation sur laquelle nous reviendrons encore. Le futur régime du blé tend à donner à ces mesures une base constitutionnelle solide. Il vise d'autre part à rétablir un certain
équilibre dans la concurrence entre les moulins de commerce ayant des frais de production très bas et ceux pour lesquels ces frais dépassent la moyenne. Bien que les petits moulins soient souvent aux prises avec des difficultés économiques et que les frais de production des grandes entreprises soient généralement peu élevés, on ne saurait simplifier les données du problèmes et affirmer que le législateur a pour tâche unique de protéger les petits moulins contre les grands. Un rapport d'expert établi en 1938, ainsi que diverses enquêtes effectuées par le service fédéral du contrôle des prix pendant la guerre, ont montré que le débit d'un moulin ne permet pas à lui seul de donner une image exacte de sa situation économique. Au contraire, la rentabilité de certains moulins de moyenne ou de grande impor-

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tance, qui ne mettent en oeuvre que du blé, est souvent inférieure à celle de petits moulins qui pratiquent non seulement la mouture à façon, mais exploitent encore un commerce de denrées fourragères, une scierie ou un domaine agricole. Les moulins disposant de capitaux en abondance et d'entrepôts suffisants ont la possibilité de se procurer du blé à de meilleures conditions que ceux qui sont contraints de vivre au jour le jour et, faute de fonds ou d'entrepôts, ne peuvent tirer parti en temps opportun des conditions favorables du marché. Les moulins dont la production s'adapte aisément aux besoins dé leur clientèle sont mieux situés que ceux qui recrutent leurs clients uniquement en ville ou à la campagne, et auprès desquels le placement des produits fourragers et de la farine blanche est difficile. Le législateur aura donc la tâche, certes peu aisée, de rétablir, sans léser pour autant les intérêts des consommateurs, un certain équilibre de la concurrence, en tant que le déséquilibre de celle-ci est imputable à des causes économiques générales et non point à l'incapacité de l'exploitant.

Lors des · débats qui précédèrent l'institution du contingentement du tabac, les avis étaient fort partagés sur la question de savoir si les mesures fondées sur les articles dits économiques ne devaient pas se borner à protéger une branche ou une profession contre les dangers extérieurs, ou si le législateur avait la compétence de restreindre la concurrence à l'intérieur même d'une branche, par exemple en protégeant les petites exploitations contre les grandes. A notre avis, cette question ne se pose pas en l'occurrence, puisque les mesures de protection prises en faveur de la meunerie se fonderont non pas sur l'article Slbis, 3e alinéa, de la constitution, mais sur le nouvel article 23bis.

Il peut sembler, à première vue, qu'une concurrence illimitée entre les meuniers serait souhaitable pour les consommateurs, parce qu'elle permet le plus souvent d'abaisser le prix de la farine et du pain. Un tel argument pourrait justifier que l'on se bornât à protéger les moulins seulement contre la concurrence étrangère et à laisser libre cours à la compétition à l'intérieur du pays. Cependant, à la longue, une lutte sans merci entre les meuniers aurait également des conséquences indésirables pour les consommateurs.
Ainsi qu'on l'a observé à l'étranger, il se produirait une rapide concentration des entreprises et des stocks, vraisemblablement à la frontière et à proximité des grandes villes, ce qui, du point de vue de la défense nationale, n'est pas souhaitable. Les distances entre moulins et boulangeries s'accroîtraient progressivement; or, les boulangers ne disposant en général que de faibles stocks de farine, le ravitaillement en pain se trouverait considérablement entravé, si ce n'est même compromis, en cas de pénurie de moyens de transport ou d'interruption des communications. En outre, sous l'effet d'une concurrence effrénée, les meuniers auraient tendance à compenser l'abaissement des prix de vente par une diminution de la qualité de la farine. D'autre part, ainsi que l'expérience des années suivant la première guerre mondiale l'a montré, il serait très difficile, en pareil cas, de percevoir

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une taxe sur la farine blanche. Le désir de voir les prix de la farine et du pain diminuer à la faveur d'une libre concurrence dans la meunerie doit céder le pas devant la nécessité de maintenir une meunerie suffisamment forte pour remplir avec succès les tâches d'intérêt général que la constitution et la loi lui imposent.

Pourquoi les dispositions visant à assurer le maintien d'une meunerie forte et décentralisée doivent-elles se fonder sur l'article 23bis de la constitution plutôt que sur les articles économiques ? L'ancien article 23bis obligeait déjà la Confédération à assurer le maintien de la meunerie nationale. Cette obligation existait donc avant la revision de l'article 31 de la constitution. Aujourd'hui, il s'agit uniquement d'adapter cette disposition constitutionnelle à la situation actuelle. Il est toutefois évident, et cela nous paraît déterminant, que la protection de la meunerie prévue par le nouvel article 23 ois ne se fonde pas sur des considérations de politique artisanale. Ainsi que nous l'avons déjà déclaré, le maintien d'une meunerie forte et décentralisée fait partie de l'ensemble des mesures destinées à assurer le ravitaillement du pays en pain. Il n'est pas un but en soi et, par conséquent, ni l'article 31bis de la constitution, ni les conditions prescrites pour une limitation de la liberté du commerce et de l'industrie ne peuvent lui être appliqués. Cela nous oblige cependant à veiller à ce que les restrictions apportées à la concurrence au sein de la meunerie n'outrepassent point les limites imposées par les nécessités du ravitaillement en blé. On ne saurait invoquer l'article 23bis pour accorder aux meuniers une protection fondée sur des considérations de politique artisanale, et cela au mépris des conditions auxquelles l'article Slbis, 3e alinéa, subordonne une telle protection.

Lie nouvel article sur le blé vise à maintenir une meunerie forte et décentralisée et non point à rendre immuable sa structure actuelle. De même qu'une agriculture forte pourrait se composer d'un nombre restreint de grandes exploitations, ce qui ne saurait toutefois être considéré comme «sain» (voir l'art. 31 bis, 3e al., lettre 6, de la constitution) (FF 1937, II, 883), il serait concevable que la meunerie demeurât forte tout en ne comprenant que quelques grandes exploitations. Si la constitution
prescrit, malgré les craintes exprimées par diverses associations, une certaine décentralisation de la meunerie, c'est afin d'empêcher une concentration contraire aux intérêts de la défense nationale; en revanche, il n'est pas question de maintenir artificiellement des entreprises non viables. Au contraire, nous sommes persuadés qu'une saine concurrence reste nécessaire entre moulins, et qu'on ne saurait priver cette industrie des avantages d'une rationalisation ininterrompue. C'est pourquoi il conviendra d'appliquer avec une certaine retenue les mesures suivantes, dont l'introduction doit encore être discutée lors de la revision de la loi sur le blé :

91 a. L'importation de farine panifiable sera fortement restreinte. A cet effet, on recourra au système du permis obligatoire, combiné avec des taxes efficaces, perçues à la frontière. Ces dispositions n'ont soulevé aucune observation de la part des cantons et des associations consultées.

Certes, elles auront pour effet de priver les consommateurs de l'avantage qu'ils tireraient de l'importation de farine à bon marché. Aussi ne visent-elles qu'à permettre aux meuniers de vendre leur farine sans bénéfice excessif; en cas d'abus, la Confédération serait obligée de normaliser les prix en ouvrant la frontière ou en important elle-même de la farine panifiable.

b. Comme jusqu'ici, les céréales indigènes doivent être livrées franco gare du moulin. Ainsi, compte tenu de la proportion de blé indigène actuellement incorporé aux moutures, une péréquation totale des frais de transport est assurée pour la moitié des céréales mises en oeuvre. Pour l'autre moitié, composée de blé étranger, il est prévu également une compensation des frais de transport; il appartiendra au législateur de décider si celle-ci doit être partielle ou totale. Les cantons et les associations sont d'opinion différente à ce sujet.

c. Le législateur doit pouvoir ordonner la perception, auprès des meuniers, de taxes d'un montant équitable et uniforme, en vue d'assurer la péréquation partielle de la marge de mouture des diverses catégories de moulins. Cette mesure a été instaurée par un arrêté non publié du Conseil fédéral, du 15 novembre 1935, fondé sur l'arrêté fédéral du 13 avril 1933 prolongeant l'aide aux producteurs de lait et les mesures, prises pour atténuer la crise agricole (RS 9, 173). Elle a été maintenue sous le régime de l'économie de guerre et finalement sanctionnée par l'article 9 de l'arrêté fédéral du 19 juin 1953 concernant le ravitaillement du pays en céréales panifiables (RO 1953, 1272). Quelques cantons et associations seulement se sont prononcés sur l'opportunité de maintenir cette mesure; la fédération des coopératives Migros la considère comme très discutable.

d. La Confédération doit avoir la compétence de réglementer le débit de la farine panifiable, c'est-à-dire de fixer la quantité de farine panifiable que chaque meunier est autorisé à vendre pendant une période déterminée. Ainsi, les entreprises économiquement
désavantagées en raison de circonstances d'ordre général -- il s'agit notamment de petits moulins -- seront protégées contre une concurrence excessive des moulins qui se trouvent dans des conditions plus favorables. Cependant, la réglementation des ventes de farine ne doit pas être trop rigide; ces ventes peuvent être entravées, à partir d'un certain niveau, par la perception de taxes progressives et, pour finir, complètement bloquées. Nous n'ignorons pas que les dispositions régissant aujourd'hui les ventes de farine sont parmi les plus discutées de la réglementation

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actuelle. La consultation des cantons et des associations économiques l'a démontré ; leurs avis sont fort divergents à ce sujet. Il nous paraît donc prématuré de prendre maintenant déjà, à propos de la revision constitutionnelle, une décision préalable concernant la réglementation des ventes de farine et d'en exposer les avantages et les inconvénients.

Cette question pourra être examinée lors de la revision de la loi sur le blé. Cependant, nous pouvons affirmer qu'une telle réglementation devra être assez souple pour ne restreindre la libre concurrence que dans la mesure où cela sera indispensable à l'application de la nouvelle loi sur le blé.

e. Permis obligatoire pour l'ouverture et l'agrandissement de moulins; certificat de capacité. Autant qu'on en peut juger présentement, il n'est pas prévu d'instituer, en vertu du nouvel article constitutionnel, le permis obligatoire pour l'ouverture et l'agrandissement de mou- · lins de commerce et de moulins à façon. De 'ce fait, il ne sera pas impossible, en principe, de créer de nouveaux moulins. Quant au certificat de capacité, il ne sera pas prévu, car il s'agit là par excellence d'une mesure de politique artisanale, qui devrait se fonder sur les articles dits économiques.

Les délibérations relatives à la revision de la loi sur le blé montreront quelles mesures, parmi celles que nous venons de décrire, seront indispensables pour assurer le maintien d'une meunerie forte et décentralisée, lesquelles pourront être abandonnées, et quelles mesures nouvelles devront être prises au besoin. Il sera peut-être nécessaire d'adopter, pour les moulins à blé tendre, des dispositions différentes de celles qui seront applicables aux moulins à blé dur qui ne mettent pas en oeuvre du blé indigène. En tout état de cause, on devra choisir, parmi les diverses solutions, celles qui dérogeront le moins à la liberté du commerce et de l'industrie.

Les cantons de Glaris et de Baie-Campagne ont demandé que l'on prévoie dans l'article 23bis l'obligation pour la Confédération de prendre également des mesures visant au maintien d'une boulangerie forte et décentralisée. Cette revendication de l'association suisse des patrons boulangerspâtissiers, appuyée par diverses associations ouvrières et, dans une forme quelque peu différente, par l'union suisse des arts et métiers, a
rencontré également l'approbation des cantons d'Unterwald-le-Bas et des Grisons, tandis que Lucerne et Saint-Gali se bornaient à recommander l'étude de la question.

Donnant suite à cette suggestion, nous avons examiné s'il ne serait pas possible d'introduire dans le nouvel article constitutionnel une disposition sur laquelle se fonderaient des mesures de protection en faveur de la boulangerie. Mais nous avons pu constater que la situation est, en l'occurrence, différente de celle de la meunerie. Tout d'abord, la législation sur le blé impose aux moulins de commerce un ensemble d'obligations de droit

93 public entraînant pour eux des charges financières considérables. Ce n'est pas le cas pour les boulangers. Certes, d'éventuelles prescriptions concernant la mouture du blé et l'emploi de la farine, ainsi que les prix de la farine et du pain, pourront influer directement ou indirectement sur leur activité. En revanche, il n'est pas prévu d'imposer aux boulangers des tâches de droit public précises conformément aux buts généraux fixés par lé nouvel article 236i$. D'autre part, les revendications de la boulangerie ressortissent essentiellement à la politique artisanale et, de ce fait, à l'article 316*5 de la constitution. Pour toutes ces raisons, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de mettre cette branche au bénéfice des dispositions visant à assurer le maintien de la meunerie. Si, par la suite, il devenait nécessaire, dans l'intérêt du ravitaillement en pain et non pour des raisons de politique artisanale, de prendre des mesures de protection particulières en faveur des boulangers, il serait possible de se fonder sur le 1er alinéa du nouvel article 23bis.

7. Sauvegarde des intérêts des consommateurs «Elle sauvegarde les intérêts des consommateurs et peut édicter, à cet effet, des dispositions concernant les prix et la fabrication, tout en tenant compte des professions intéressées.» Si l'on mettait l'ensemble des dépenses occasionnées par le régime du blé à la charge des consommateurs, il en résulterait un renchérissement d'environ 15 fr. 90 par quintal de céréales, compte tenu d'un «surprix» de 22 francs par quintal de blé indigène et d'une incorporation de 50 pour cent de blé indigène aux moutures. Ce calcul ne tient d'ailleurs pas compte de la charge que le droit de douane sur le blé impose aux consommateurs.

Comparé au prix d'un pain fabriqué uniquement avec du blé étranger et qui ne serait grevé d'aucune charge, le kilo de pain mi-blanc coûterait 18 centimes de plus et celui de pain bis, 16 centimes de plus, au vu des rendements actuels de mouture et de panification.

Alors que la Confédération a, dans une large mesure, la possibilité de régler le taux du droit de douane et les dépenses découlant du régime du blé (surprix, prime de mouture, frais d'entretien de la réserve, frais généraux d'administration), et d'assumer tout ou partie de ces charges, la formation des prix en dehors de nos
frontières échappe presque complètement à son influence. Les prix du blé sur les marchés étrangers, le fret maritime et rhénan, les autres frais de transport, de transbordement et d'assurance varient sans cesse et peuvent augmenter fortement sans que nous puissions nous y opposer. Sous le régime du monopole d'importation, il est encore possible d'exercer une certaine action sur les frais à l'étranger, grâce à la conclusion de contrats à long terme et à d'autres moyens, mais ces avantages disparaîtront probablement à l'avenir.

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Les éléments qui déterminent le prix de la farine et du pain peuvent être groupés en deux catégories: ceux que l'Etat peut influencer et ceux qui échappent à son intervention. La distinction que l'on fait parfois entre frais justifiés et injustifiés au sens de l'article 27, 2e alinéa, de la loi sur le blé, nous paraît peu judicieuse, parce qu'elle procède essentiellement de critères subjectifs. Dans les considérations qui vont suivre, nous nous préoccuperons donc avant tout des dépenses que l'Etat peut influencer, et nous examinerons dans quelle mesure la Confédération est à même d'en décharger le consommateur.

Sous le régime de 1932, la Confédération assumait, en fait, toutes les dépenses occasionnées par le ravitaillement du pays en blé. C'est pourquoi l'article 23bis l'avait autorisée à relever le droit de statistique et à en affecter le produit à la couverture partielle des frais occasionnés par l'allocation du «surprix» et de la prime de mouture, ainsi que par le magasinage de la réserve de blé de l'administration. Seuls le droit de douane modique de 60 centimes par quintal et les frais de la réserve logée gratuitement dans les moulins grevaient les consommateurs, dans la mesure où les meuniers pouvaient en tenir compte dans leurs prix de vente. Les frais du régime du blé n'étaient donc pas supportés par les consommateurs, mais uniquement par l'Etat. Dans notre rapport du 2 avril 1928 à l'Assemblée fédérale, relatif à l'insertion d'un nouvel article 23bis dans la constitution, nous avons discuté assez longuement un mémoire de l'union des meuniers suisses, qui avait proposé de mettre ces frais à la charge des consommateurs. Après avoir déclaré que «le côté financier restait un des aspects les plus délicats, le point le plus difficile du problème du blé», nous relevions que même la formule la plus ingénieuse n'enlèverait pas à cette solution le caractère qui faisait d'elle une mesure fiscale très antipathique. «Pourquoi faire supporter au consommateur de pain seul la subvention accordée à la culture indigène ?» A notre avis, la justice distributive postulait que les charges fiscales fussent réparties proportionnellement aux forces contributives de chacun. La proposition des meuniers n'assurait point une répartition équitable des charges ; elle frappait très peu les gens aisés et grevait plus
lourdement, la famille nombreuse de condition modeste. Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral et les chambres décidèrent que les frais du régime du blé seraient supportés par l'Etat et non par les consommateurs de pain. Cette solution semblait fiscalement plus juste et socialement plus équitable que celle qui impose exclusivement le consommateur de pain (FF 1928,1, 967s.).

L'article 23bis actuel de la constitution prévoit déjà que la Confédération est tenue de sauvegarder les intérêts des consommateurs de pain et de farine. Elle a assumé cette tâche en prenant à sa charge toutes les dépenses occasionnées par le blé indigène. Pour le surplus, il ne lui restait qu'à veiller à ce que les prix de la farine, partant ceux du pain, n'augmentent pas trop, du fait des mesures de protection prises en faveur de la meunerie (exclusion de la concurrence étrangère) et des conventions de prix. Nous

95 déclarions, dans notre message du 26 janvier 1932: «On a constaté une certaine tendance à maintenir un prix du pain élevé, particulièrement dans les endroits où l'on n'a pas de concurrents à redouter.» (FF 1932, I, 159).

C'est pourquoi le législateur nous a chargés, en vertu de l'article 27 de la loi sur le blé du 7 juillet 1932, de surveiller les prix de la farine et du pain et d?assurer le ravitaillement en farine et en pain à un prix équitable, 'en important de la farine pour le compte de la Confédération ou en réduisant le droit de douane compensatoire prélevé sur la farine panifiable étrangère, ou en recourant à d'autres mesures appropriées.

Ainsi que nous l'exposerons encore sous chiffre 8, les prévisions relatives à l'organisation financière du régime du blé de 1932 ne se réalisèrent pas. La production indigène s'accrut constamment et, les prix de revient du blé étranger ayant diminué de moitié à peu près entre 1930 et 1936, le «surprix» atteignit en 1933 déjà 24 francs, au lieu de 8 fr. 50 à 10 francs, comme on l'avait prévu. La Confédération fut seule à supporter les conséquences de cette évolution, alors que le consommateur en tira avantage.

Le pain devint meilleur marché au fur et à mesure que les prix d'importation fléchirent de 1930 à 1935, tandis que les charges de la Confédération s'alourdirent de plus en plus. De 1914 à 1954, les prix du pain ne subirent qu'en partie l'influence du renchérissement et de la dévaluation, ainsi qu'il ressort du tableau suivant: T

.-

d-.Ala vi.

1" juin 1914 1er avrii igle 1er août 1917 1er janvier 1922 15 février 1925 1er janvier 1929 15 mai 1930 24 novembre 1932 1er février 1937 . . . . . . .

16 avril 1940 6 juiUet 1942 1er mars 1947 12 avril 1954

100 (!)

131 H 163 (^ 184 170 162 158 136 134 145 175 212 232

Prix de la miche d U

'

Ä,tr9

35 50 70 60 63 50 48 33 40 46 57 47 57

La disproportion toujours plus forte entre la charge de la Confédération et celle des consommateurs provoqua dès 1933, soit une année après l'entrée en vigueur du régime, des critiques et des interventions qui n'ont plus cessé (*) Moyenne annuelle.

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depuis lors. Ainsi que notre rapport du 11 mai 1937 sur les postulats concernant la modification du régime du blé (FF 1937, I, 965) le relève, des voix se firent entendre au Conseil national, en 1933 et 1934 déjà, demandant le rétablissement du monopole d'importation, ce qui aurait eu pour conséquence de mettre une partie des frais à la charge des consommateurs.

Quelques années plus tard, M. Schnyder proposa, dans un postulat, que le prix de la farine blanche fût relevé et que l'excédent de recettes ainsi obtenu servît à abaisser le prix du pain bis. Un autre postulat, déposé par M. Schwar, demandait que le blé indigène fût vendu aux meuniers à son prix d'achat, afin que la totalité du «surprix» fût mise à la charge des consommateurs. Le Conseil fédéral répondit que ces propositions n'étaient pas réalisables, faute de base constitutionnelle (surprix à la charge des consommateurs) et en raison de difficultés d'ordre technique (augmentation du taux d'extraction et taxe sur la farine blanche). En revanche, il convenait, déclarions-nous, de recourir à un autre moyen, savoir le relèvement du droit de douane sur le blé, pour amener le consommateur à contribuer dans une plus grande mesure à la couverture des dépenses occasionnées par le régime du blé (voir le message du 22 novembre 1935 relatif au deuxième programme financier; FF 1935, II, 862). Après un premier essai infructueux, on réussit à relever le droit de douane sur le blé à 3 francs le 17 août 1938 (US 6, 711); on obtint ainsi des consommateurs une contribution annuelle d'environ 12 millions de francs. Le droit de douane relevé fut comparé à une prime d'assurance que le consommateur de pain devait payer, afin de permettre à l'Etat d'assurer le ravitaillement du pays en blé durant les périodes où l'importation serait difficile. Malgré la situation économique critique, le Conseil fédéral admit que toutes les couches de la population pouvaient acquitter cette prime d'assurance, vu que le prix du pain resterait encore modique, malgré le relèvement du droit de douane sur le blé.

Puis survint la guerre; le monopole d'importation du blé fut rétabli.

Les autorités prescrivirent le taux d'extraction et créèrent une taxe sur la farine blanche. Elles n'appliquèrent plus les principes du régime du blé de 1932 pour fixer le prix de vente des céréales
indigènes livrés aux meuniers.

Bien que la Confédération eût consenti alors des dépenses extraordinairement élevées pour assurer le ravitaillement du pays en pain, les consommateurs durent également contribuer aux frais dans une mesure accrue, ce qu'ils supportèrent sans peine.

Au moment où, après quinze années de monopole, nous nous apprêtons à rétablir la liberté de l'importation du blé, on peut se demander s'il serait indiqué de revenir à une réglementation datant de plus de vingt ans et qui n'a pas donné satisfaction du point de vue financier. Le moment n'est-il pas venu de tirer parti des expériences faites au cours de ces vingt années et de créer la base légale permettant d'édicter des dispositions qui ont été proposées dès avant la guerre, mais n'avaient pu être adoptées ?

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A cet égard, nous tenons à déclarer que l'ancien principe de la «couverture des dépenses du régime du blé par l'Etat» ne doit pas être remplacé par celui de la «couverture de ces dépenses par les consommateurs». Vu l'accroissement de la production indigène, d'une part, le recul des importations de blé étranger et de la consommation du pain, d'autre part, un tel régime aboutirait à un renchérissement considérable de la farine et du pain. En réalité, le nouvel article 23bis doit viser à assurer une répartition équitable et adaptée aux circonstances des charges financières entre la Confédération et les consommateurs. Ceux-ci devront désormais participer à la couverture des dépenses en prenant à leur charge le droit de douane sur le blé, une part convenable du «surprix» et des frais de magasinage et, au besoin, une taxe grevant la farine blanche. Il ressort clairement du 3e alinéa de l'article 236i's que les frais ne seront couverts que partiellement de cette façon, le solde des dépenses étant supporté par la Confédération.

Le Conseil fédéral sera vraisemblablement chargé de déterminer périodiquement, sous le contrôle des chambres, dans quelle proportion la caisse fédérale et les consommateurs devront se répartir les charges précitées. A cet égard, les principes suivants feront règle: a. L'entrée en vigueur de la loi revisée sur le blé, le 1er janvier 1958, ne doit entraîner aucun renchérissement du pain.

b. Le nouveau régime doit permettre de garantir un prix du pain équitable et aussi stable que possible et d'atténuer ainsi dans une large mesure l'effet des fluctuations des prix sur le marché mondial du blé.

c. La Confédération doit, comme par le passé, supporter une part convenable des dépenses. Ainsi que nous l'avons déjà exposé sous chiffre 3, les mesures prises en faveur de la culture du blé indigène visent également à maintenir une paysannerie saine et une agriculture à la hauteur de sa tâche. Il s'agit là d'un devoir national, et les charges financières qu'il entraîne incombent non point au consommateur, mais principalement au contribuable, proportionnellement à ses ressources. L'expérience enseigne, d'autre part, que les milieux aisés de la population, qui mangent aujourd'hui peu de pain, en consomment davantage en temps de disette. Si les frais du régime du blé étaient uniquement à la
charge des consommateurs, ces milieux fourniraient, en temps de paix, une contribution financière relativement plus faible, par tête d'habitant, que de nombreuses familles à revenus modestes, pour lesquelles le pain reste l'un des aliments principaux. La justice sociale postule donc également que les frais du régime du blé soient couverts non seulement par le consommateur au prorata de ses besoins, mais aussi indirectement, grâce aux impôts fédéraux déjà créés, par les contribuables, selon leur situation financière.

d. Dans la mesure où il sera nécessaire de prélever une taxe sur la farine blanche pour garantir un prix du pain stable et équitable, il conviendra Feuille fédérale. 108e année. Vol. I.

7

98 de créer des types de farine et de pain de prix différents, afin d'atténuer et de nuancer la participation des consommateurs à la couverture des dépenses. L'amateur d'articles de luxe, de boulangerie fine et de pâtisserie aura ainsi la possibilité de fournir une contribution plus élevée que la famille ouvrière nombreuse, le manoeuvre sur le chantier, le paysan de la montagne, pour lesquels un pain savoureux, bon marché et qui se conserve longtemps, constituera, à l'avenir comme par le passé, l'essentiel du repas. C'est pourquoi nous avons prévu la possibilité d'édicter, dans l'intérêt des consommateurs, des prescriptions de fabrication concernant aussi bien le blé que la farine panifiable. Il convient toutefois de fixer certaines limites aux mesures de l'administration.

En effet, l'expérience enseigne que les prescriptions de mouture, la péréquation des prix et la taxe grevant la farine blanche exigent un contrôle assez strict si l'on veut empêcher les abus. Aussi les autorités devront-elles faire preuve de retenue en élaborant les prescriptions sur la fabrication et l'emploi de la farine panifiable,, Seuls les cantons de Saint-Gali, Vaud et Genève se sont prononcés au sujet des mesures destinées à sauvegarder les intérêts des consommateurs : ils proposent tous trois d'abolir la réduction artificielle du prix du pain.

Aucun canton n'a soulevé d'objections sur les questions de principe concernant la répartition des frais entre le consommateur et la Confédération et la réglementation des prix de la farine et du pain. Les avis des associations sont en revanche assez divergents. L'union syndicale suisse, la fédération des sociétés suisses d'employés, l'alliance de sociétés féminines suisses et les groupements coopératifs estiment que le prix du pain ne devrait pas augmenter. L'union syndicale suisse et la fédération des sociétés suisses d'employés proposent le maintien de la péréquation des prix ; en revanche, la majorité des associations demandent l'abrogation de ce système et de la taxe grevant la farine blanche, ou tout au moins une forte réduction de cette taxe.

En vertu du nouvel article 23bis, la Confédération pourra édicter, dans l'intérêt des consommateurs, des prescriptions sur les prix applicables à toute la Suisse ou à certaines régions du pays seulement. Cet article permet de fixer
des prix maximums pour la farine panifiable et le pain, et de déterminer ainsi les marges de gain des meuniers et des boulangers.

Toutefois, l'expérience des deux guerres mondiales a montré que la fixation de prix maximums n'était pas toujours le meilleur moyen de protéger les consommateurs. La concurrence entre meuniers et entre boulangers devrait, dans des conditions normales, être plus profitable aux consommateurs. Le régime du blé doit néanmoins prévoir la possibilité de prescrire les prix.

Il faudra encore y recourir provisoirement, mais nous espérons pouvoir, peu après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le blé, nous contenter d'une simple surveillance et ne plus influencer qu'indirectement les prix de la farine et du pain.

99

La sauvegarde des intérêts des consommateurs implique également une sollicitude particulière à l'égard des populations montagnardes. Depuis 1916, la Confédération verse des subsides pour réduire les frais élevés de transport de la farine et du pain en montagne. Ces subsides contribuent à diminuer le coût de la vie dans les villages alpestres, et les familles nombreuses en bénéficient tout particulièrement. Ils permettent de parer à la désertion progressive des hautes vallées, et nous proposons d'en maintenir le principe. Nous nous fonderons sur les dispositions relatives à la protection des consommateurs et sur le 3e alinéa de l'article constitutionnel, aux termes duquel la Confédération peut accorder des allocations.

Selon un voeu émis par des experts en matière d'alimentation et les propositions de l'association suisse des patrons boulangers-pâtissiers, de l'alliance de sociétés féminines suisses et du service suisse du peuple et du soldat, l'article 23bis doit aussi permettre d'encourager la fabrication d'un pain savoureux, bon marché et sain du point de vue physiologique. Dans les limites de leur compétence, les autorités fédérales s'efforceront de faire droit également à cette requête, appuyée par un sous-comité de la commission fédérale pour l'alimentation. Il ne s'agira évidemment pas d'imposer un type de pain particulier aux consommateurs, mais simplement d'en encourager la fabrication et la vente.

Les prescriptions relatives à la sauvegarde des intérêts des consommateurs toucheront directement ou indirectement certaines professions que l'article constitutionnel ne mentionne pas expressément: par exemple les boulangers et, le cas échéant, les fabricants de pâtes alimentaires. L'association suisse des patrons boulangers-pâtissiers, appuyée par l'union suisse des arts et métiers, aurait désiré que l'article constitutionnel garantît aussi une certaine protection à ses membres. A notre avis, cela aurait mené trop loin. Mais il est évident qu'en édictant des dispositions en faveur des consommateurs, la Confédération doit également tenir compte des intérêts légitimes des professions qui sont atteintes directement ou indirectement par ces mesures. Nous avons donc pu accepter de compléter le 2e alinéa de l'article constitutionnel, par les mots: «tout en tenant compte des professions
intéressées». Toutefois, cette adjonction n'est qu'une directive générale et ne crée aucun droit concret. Le législateur et les autorités fédérales ne devront pas troubler ou interrompre inutilement le développement et l'activité des professions non citées dans l'article constitutionnel. L'expression «professions intéressées» s'applique non seulement aux milieux qui sont visés par le nouveau régime du blé, mais de façon générale à toute branche économique dont les intérêts seront touchés par les futures dispositions sur la protection des consommateurs. Le terme «professions» a le même sens qu'à l'article Slbis, 2e alinéa, de la constitution, lequel a déjà fait l'objet de mémoires de la division de la justice et de travaux scientifiques.

100 8. -La couverture des dépenses sous le nouveau régime du blé «A ces fins, la Confédération peut accorder des allocations et percevoir des contributions pour couvrir une partie des dépenses occasionnées par le ravitaillement en blé.» Notre rapport du 2 avril 1928 à l'Assemblée fédérale sur l'insertion d'un article 2Zbis dans la constitution admettait que lés livraisons de blé indigène à la Confédération s'élèveraient à 6000 wagons par année, et que le «surprix» serait de 8 fr. 50 par quintal. Les frais du régime du blé, sans la prime de mouture, étaient alors évalués à 10,8 millions de francs en chiffre rond. Si ces dépenses avaient été mises à la charge des consommateurs, le pain aurait renchéri d'environ 2,5 centimes par kilogramme.

Nous avions écrit à l'époque: «Ce budget est très large. Il est probable que dans les conditions actuelles la somme totale des dépenses, y compris la prime à la mouture, ne dépassera guère 13 millions. Vu l'état de nos finances publiques, en raison surtout de l'urgente nécessité d'amortir courageusement la dette fédérale, il est exclu d'imposer à la Confédération un nouveau sacrifice. La caisse fédérale continuera à payer les 4 millions de francs qu'elle a versés depuis 1925. L'excédent, par contre, sera supporté par le consommateur de pain, à moins de trouver une nouvelle ressource fiscale.» (FF 1928, I, 966.)

Dans notre message du 26 janvier 1932 relatif à la loi sur le blé, nous estimions les dépenses occasionnées par le régime du blé à 17,8 millions de francs par an en chiffre rond, compte tenu d'une livraison annuelle probable de 13 000 à 15 000 wagons de blé indigène et d'un «surprix» de 8 fr. 50 par quintal (FF 1932, I, 164 s.). Aux termes de l'article 236is de la constitution, le droit de statistique prélevé sur toutes les marchandises franchissant la frontière douanière suisse était relevé et le produit de ce droit devait contribuer à couvrir les dépenses occasionnées par le ravitaillement du pays en blé; on prévoyait un rendement moyen de 10 millions de francs par année.

Cette estimation se révéla malheureusement inexacte. Les frais du régime du blé passèrent de 21,7 millions de francs par an en 1929 à 36,7 millions en 1935. En revanche, le produit du,droit de statistique fléchit de 9,1 à 6,8 millions de francs par an en raison du recul du trafic des
marchandises. Ainsi que nous l'avons déjà relevé sous chiffre 7, le rendement des récoltes indigènes alla augmentant et, le prix de revient du blé étranger ayant diminué d'environ 50 pour cent de 1930 à 1936, le «surprix» atteignit 24 francs en 1933, alors qu'on avait admis primitivement qu'il se maintiendrait entre 8 fr. 50 et 10 francs le quintal. Dans ces conditions, le consommateur put se procurer un pain bon marché, et la Confédération dut supporter seule des charges sans cesse accrues. En 1937, fondés sur de nouveaux calculs tenant compte d'une importation normale de 45 000

101 wagons de 10 tonnes de froment et de seigle (y compris le blé dur et le blé fourrager) et d'une livraison moyenne de 14 000 wagons de blé indigène, nous estimions les dépenses annuelles de la Confédération pour l'approvisionnement du pays en blé à environ 28 millions de francs (FF 1937, I, 972).

Sous le régime de l'économie de guerre, le consommateur dut contribuer dans une plus forte mesure à la couverture des dépenses occasionnées par le ravitaillement du pays en blé. On put empêcher de la sorte que la charge de la Confédération n'augmentât de façon excessive, notamment par suite de la hausse considérable des prix du blé étranger. Mais même après la guerre, les déficits de l'administration des blés demeurèrent élevés.

C'est ainsi qu'ils atteignirent encore 48,9 millions de francs en 1951, 63,7 millions en 1952, 45,2 millions en 1953 et 57,1 millions en 1954. Si le régime financier de 1932 était réintroduit aujourd'hui, alors que les livraisons de blé indigène dépassent 20 000 wagons par année (en 1954: 21 000 wagons; en 1955: plus de 22 000 wagons de 10 tonnes) et que le «surprix» atteint de 22 à 30 francs par quintal, les charges de la Confédération pourraient s'élever à l'avenir jusqu'à 60 millions de francs pour le «surprix» seulement, et jusqu'à 80 millions de francs environ, compte tenu des autres frais (frais généraux d'administration, frais de magasinage, prime de mouture, etc.); Si la production indigène devait continuer à s'accroître et que les prix du blé étranger baissent -- ce qui aurait pour effet d'augmenter encore le «surprix» --, il serait parfaitement possible que la charge de la Confédération dépassât même 80 millions de francs.

Aussi sera-t-il indispensable, si l'on veut que le prix du pain soit équitable et aussi stable que possible, que le consommateur prenne à sa charge à l'avenir également, et dans une plus forte mesure que ce ne fut le cas sous le régime d'avant-guerre, une partie des dépenses entraînées par le ravitaillement du pays en blé.

Jusqu'ici, les frais du régime du blé ont été couverts partiellement à l'aide des recettes du droit de statistique et du droit de douane sur le blé, relevé en 1938. Le produit du droit de statistique s'est élevé, ces dernières années, à 9 millions de francs en moyenne. La commission d'experts pour la revision de la législation
sur le blé a proposé qu'on augmente de 50 pour cent le droit de statistique et qu'on en affecte le produit, à l'avenir également, à la couverture des dépenses occasionnées par le régime du blé. Les cantons de Baie-Ville, de Baie-Campagne et de Thurgovie se sont prononcés dans le même sens, alors que l'union des meuniers suisses, appuyée par-les autres associations de meuniers, a proposé de doubler le droit de statistique.

Toutefois, le produit de ce droit étant relativement peu élevé en comparaison des dépenses actuelles et futures, nous préférons renoncer à affecter ces recettes à ce but. Nous ne mentionnons donc pas le droit de statistique dans le 3e alinéa du projet d'article constitutionnel.

102

Les recettes provenant du droit de douane sur le blé s'élèvent actuellement à 10,2 millions de francs environ par an. Elles doivent figurer dans les comptes de la Confédération comme contribution au financement du régime du blé. Le relèvement de ce droit de 60 centimes à 3 francspar quintal a été justifié à l'époque par la nécessité d'assurer une meilleure couverture des dépenses entraînées par le ravitaillement du pays en blé et d'en mettre une partie à la charge des consommateurs. On devra donc tenir compte de ces recettes douanières pour fixer la mesure dans laquelle les consommateurs pourront être mis à contribution. Il en sera de même des recettes, à vrai dire insignifiantes, du droit de douane compensatoire sur la farine panifiable étrangère.

Le 2e alinéa du nouvel article constitutionnel donne à la Confédération la compétence de fixer les prix de vente du blé indigène. Elle n'est donc plus tenue de revendre ce blé, qui couvre une part toujours plus importante des besoins du pays, au prix du blé étranger de qualité équivalente; elle a, en revanche, le droit d'imputer une partie du «surprix» aux consommateurs.

Cette faculté est très importante pour le financement futur du régime du blé.

En effet, il ne saurait être question de modifier constamment les prix de la farine et du pain, la taxe éventuelle sur la farine blanche, la taxe de magasinage ou le taux d'extraction des moutures. Ceux-ci devront au contraire rester aussi stables que possible, dans l'intérêt des consommateurs; on ne pourrait guère les adapter, ou seulement avec un certain retard, aux prix toujours variables du blé étranger. Dans ces conditions, le meilleur moyen d'éviter des écarts sera de modifier le prix de vente du blé indigène, selon l'évolution de la 'situation. Si les charges imputables au paiement du «surprix» sont réparties entre la Confédération et les consommateurs, les autorités pourront aussi influer indirectement sur le prix du pain, sans devoir prescrire des prix maximums dans chaque cas. En outre, elles pourront laisser les prix de la farine et du pain se former au gré de l'offre et de la demande, puisqu'elles auront en tout temps la possibilité d'opérer les corrections nécessaires en modifiant la répartition des charges entraînées parle versement du «surprix».

Le 3e alinéa donne à la Confédération la
compétence de percevoir des contributions pour couvrir une partie des dépenses occasionnées par le ravitaillement en blé. Bien qu'il faille entendre par là certaines taxes, nous avons évité d'utiliser le terme général «taxe», car nous ne prévoyons pas de prélever à cet effet des taxes non définies, en d'autres termes des impôts directs. Nous désirons au contraire nous limiter à des prestations destinées uniquement à couvrir partiellement les dépenses, ainsi qu'il ressort d'ailleurs du 3e alinéa. Ces contributions seront donc affectées à un but déterminé.

Après avoir entendu la commission d'experts, nous avons estimé qu'il fallait maintenir la possibilité de percevoir une taxe sur la farine

103

blanche. Le nouvel article sur le blé crée, à son 3e alinéa, la base juridique nécessaire. Le rendement de cette taxe dépendra évidemment en grande partie de la différence entre le prix de la farine blanche et celui de la farine mi-blanche. Le législateur devra arrêter avec soin la réglementation s'y rapportant et le taux de la taxe, car ces questions sont fort complexes.

Il faudra définir clairement la «farine blanche» et prévoir la restitution de la taxe lors de l'exportation d'articles fabriqués avec cette denrée. En outre, les produits étrangers à base de farine blanche qui peuvent concurrencer en Suisse les articles similaires devront, selon les circonstances, être frappés à l'importation d'une taxe analogue. Enfin, au vu des expériences actuelles, il s'agira de mettre sur pied un système de contrôle fonctionnant parfaitement si l'on veut assurer le succès financier de la taxe sur la farine blanche.

Le 3e alinéa de l'article constitutionnel doit également servir de fondement à une taxe de magasinage fixe, à prélever sur tout le blé indigène et étranger. Cette taxe devant grever une quantité de blé supérieure à celle que la Confédération loge effectivement à ses frais, il sera possible d'en fixer le taux relativement bas.

Vu qu'il s'agit uniquement pour l'instant de créer les bases constitutionnelles permettant de prélever des contributions, dont la nature particulière, l'ampleur et les modalités seront définies par le législateur, nous pouvons renoncer à de plus amples considérations. Il nous paraît toutefois indiqué de relever que les contributions mentionnées, ou d'autres encore éventuellement, ne devront couvrir que partiellement les frais du régime du blé.

Ainsi que nous l'avons déjà déclaré sous chiffre 7, les consommateurs n'auront à supporter qu'une partie des dépenses occasionnées par le ravitaillement du pays en blé, le solde étant à la charge de la Confédération. De toute façon, les recettes provenant du droit de douane sur le blé, c'est-à-dire à l'heure actuelle 10 millions de francs environ, devront être dûment prises en considération.

^-l'égalisation de la marge de mouture et les taxes prévues par la réglementation des ventes de farine sont 'destinées à établir un certain équilibre entre les moulins. Ce sont donc essentiellement des mesures visant à maintenir une meunerie
forte et décentralisée, comme le prévoit le 2e alinéa de l'article constitutionnel. Si les chambres décident, lorsqu'elles élaboreront la législation d'exécution, que le produit de ces taxes doit également couvrir une partie des frais du régime du blé, ces taxes devraient être aussi considérées comme des contributions au sens du 3e alinéa de l'article sur le blé. Il s'agit d'ailleurs de sommes minimes comparativement aux dépenses de l'administration.

Cela dit, on pourrait peut-être dresser un tableau des recettes et des dépenses auxquelles on s'attend à parto du 1er janvier 1958. Nous préférons toutefois y renoncer, vu les expériences faites jusqu'ici dans ce domaine.

104 Nous ignorons d'autre part si et dans quelle mesure les principales contributions dont nous avons fait état ci-dessus seront adoptées par la future loi sur le blé. .En outre, le calcul des charges dépend de tant de facteurs imprévisibles (évolution future des prix sur le marché mondial et des frais de production du blé indigène, importance des livraisons, taux d'extraction de la farine et rendement de la panification, consommation de la farine blanche et des diverses sortes de pain, prix de la farine et du pain, etc.)

que tout pronostic serait des plus incertains.

Pour atteindre les buts énumérés aux 1er et 2e alinéas du nouvel article 23 fris (assurer le ravitaillement du pays en blé, encourager la culture du blé, garantir l'existence de réserves, protéger la meunerie et sauvegarder les intérêts des consommateurs), la Confédération peut accorder des allocations, provenant de ses recettes générales et des contributions prélevées sur les consommateurs de farine et de pain. Les prestations de la Confédération ne peuvent être affectées qu'aux fins prévues par l'article 23 ois de la constitution. Il s'agit notamment des dépenses pour la réduction du prix du blé indigène et, au besoin, pour certaines sortes de pain, de la prime de mouture, des subventions pour la sélection des semences, des subsides en faveur des moulins de montagne, des allocations visant à assurer la péréquation de la marge de mouture, etc.

9. Les dispositions d'exécution «Les dispositions d'exécution sont édictées par voie législative; elles peuvent, au besoin, déroger à la liberté du commerce et de l'industrie.» Tout comme l'article 32 de la constitution, le nouvel article sur le blé prévoit que les dispositions d'exécution doivent être édictées par voie législative. Les chambres auront donc la possibilité de se prononcer lors de l'élaboration du futur régime du blé et le droit de referendum reste garanti.

Elles pourront également, lors de l'adoption du budget, intervenir de façon décisive sur la politique suivie par le Conseil fédéral. Le 4e alinéa de l'article 236is oblige la Confédération à donner aux principales dispositions du nouveau régime la forme d'une loi ou d'un arrêté fédéral soumis au referendum ; le citoyen sera ainsi appelé à se faire une opinion et à décider s'ilveut intervenir ou non. Une simple délégation
au Conseil fédéral, voire à l'administration des blés, des pouvoirs conférés par l'article constitutionnel serait inconciliable avec son 4e alinéa. Il ne ressort toutefois pas du texte du nouvel article 23bis que les chambres doivent seules faire usage de toutes les attributions qui leur sont dévolues. Nous ne pensons pas, par exemple, que le législateur fixera lui-même les prix de vente du blé indigène, puisqu'ils doivent être adaptés régulièrement à des circonstances en constante évolution ; pour les mêmes motifs, il appartiendra au Conseil fédéral d'arrêter les prix d'achat de ce blé et la prime de mouture, et d'édicter des près-

105

criptions de prix en faveur des consommateurs. Toutefois, le nouvel article 23bis n'autorise pas expressément le Conseil fédéral à régler lui-même, par voie d'ordonnance, certaines matières du futur régime du blé.

La législation d'exécution comprendra également des dispositions spéciales sur la procédure administrative. Le caractère particulier et très technique de cette législation postule que tout différend entre la Confédération et des citoyens (taxation'du blé indigène à la livraison, détermination du droit à la prime de mouture, etc.) soit réglé sans retard par un organisme spécialisé. Cependant, afin de donner toute garantie aux justiciables, il sera probablement nécessaire de créer plusieurs voies de recours.

Les dispositions d'exécution peuvent «au besoin» déroger au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, mais toute dérogation doit être formulée expressément par voie législative. Il ne sera pas possible de créer après coup, par un arrêté du Conseil fédéral ou une ordonnance de l'administration, une dérogation qui n'aurait pas été prévue dans la loi. L'expression «au besoin» signifie, ainsi que nous l'avons déjà déclaré maintes fois, que l'Etat ne saurait restreindre l'activité privée plus qu'il n'est nécessaire à l'exécution des tâches énoncées aux deux premiers alinéas de l'article constitutionnel (principe de la proportionnalité). Entre plusieurs mesures appropriées, il conviendra de choisir celle qui dérogera le moins à la liberté du commerce et de l'industrie.

L'union des meuniers suisses a suggéré que l'on donne la teneur suivante au 4e alinéa: «Les dispositions d'exécution sont édictées par voie législative. Elles ne peuvent déroger à la liberté du commerce et de l'industrie que dans la mesure où l'exécution des tâches précitées l'exige.» Cette formule a le même sens que les mots «au besoin». Nous pouvons donc nous en tenir au texte que nous vous proposons.

IV. REMARQUES FINALES .

On entend dire parfois que le régime provisoire actuel, issu de l'économie de guerre, n'a pas mal fait ses preuves et qu'il n'y a aucune raison de le reviser entièrement. Le plus simple serait, dit-on, de proroger les dispositions prises en vertu de l'additif, constitutionnel du 26 septembre 1952 (RO 1952, 1083), afin d'éviter les travaux longs et fastidieux qu'entraînerait la.réforme de
la législation d'avant-guerre: Nous reconnaissons que le système actuel permet certaines simplifications d'ordre administratif, grâce au monopole d'importation et aux attributions étendues de la Confédération. A cette opinion, fondée avant tout sur des considérations d'opportunité, nous opposons toutefois le principe, fortement ancré dans la conscience populaire, que l'Etat ne doit pas s'immiscer dans l'activité économique des particuliers et limiter ainsi l'autonomie et la responsabilité des entreprises privées plus qu'il n'est nécessaire à l'accomplissement de ses tâches. D'autre

106 part, nous avons déclaré maintes fois, dès le début de la dernière guerre, que nous abolirions le monopole d'importation du blé aussitôt que possible. Nous pensons que ce moment sera venu dès que la revision de la constitution et de la loi aura permis de jeter les fondements du nouveau régime du blé.

Invoquant l'article 46 de l'arrêté fédéral du 19 juin 1953 concernant le ravitaillement du pays en céréales panifiables (RO 1953, 1272), aux termes duquel le Conseil fédéral doit abroger successivement les dispositions qui y sont contenues en tant qu'elles ne seront pas reprises par la loi revisée sur le blé, l'union suisse du commerce et de l'industrie a demandé, dans un mémoire particulier, la suppression du monopole d'importation du blé avant même la re vision du régime du blé. Nous avons étudié également cette proposition, notamment sous son aspect juridique. Nous avons constaté que, pour la réaliser, il faudrait modifier simultanément diverses dispositions de l'arrêté fédéral du 19 juin 1953 dont on ne prévoit pas l'abrogation. Il suit de là que la suppression anticipée du monopole nécessiterait l'adoption d'un nouvel arrêté fédéral, avec message préliminaire aux chambres, ce qui retarderait fatalement la revision de la constitution et de la loi sur le blé. Aussi, pour nous permettre de nous concentrer uniquement sur le projet de revision, nous avons dû renoncer à donner suite à la requête de l'union suisse du commerce et de l'industrie. D'autre part, le temps limité dont nous disposons est un motif de plus de nous en tenir à l'essentiel. Si l'article constitutionnel est adopté par les chambres au cours de leurs prochaines sessions de printemps et d'été, il pourra être soumis au vote du peuple encore cet automne. La re vision de la loi sur le blé suivra immédiatement; elle devra être achevée en été 1957 afin que, compte tenu du délai de referendum, le nouveau régime du blé puisse entrer en vigueur le 1er janvier 1958. Si ces délais ne devaient pas être tenus, nous serions contraints de recourir encore à une solution provisoire, ce que nous voudrions éviter à tout prix, ou de revenu- à la législation de 1932 avec tous les inconvénients qu'elle implique non seulement pour les professions intéressées et les consommateurs, mais aussi pour les finances de la Confédération.

Nous vous prions
d'approuver le projet d'arrêté fédéral ci-annexé et vous renouvelons, Monsieur le Président% et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 13 janvier 1956.

109oo

··

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Feldmann Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

107 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL concernant

la revision du régime du blé L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 85, chiffre 14, 118 et 121, 1er alinéa, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 13 janvier 1956, arrête: L'article 23bis de la constitution fédérale est abrogé et remplacé par le nouvel article suivant : Article 23 bis 1 La Confédération assure le ravitaillement du pays en blé.

2 Elle encourage la culture du blé de bonne qualité ; elle achète le blé indigène panifiable à des prix qui en permettent la culture ; elle règle l'emploi du blé indigène et en fixe les prix de vente. Elle assure l'existence de réserves suffisantes de blé et réglemente l'importation et l'emploi du blé étranger et de la farine panifiable; ce faisant, elle s'appuie sur la collaboration de l'économie privée. Elle prend des mesures visant à maintenir une meunerie forte et décentralisée. Elle sauvegarde les intérêts des consommateurs et peut édicter, à cet effet, des dispositions concernant les prix et la fabrication, tout en tenant compte des professions intéressées.

3 A ces fins, la Confédération peut accorder des allocations et percevoir des contributions pour couvrir une partie des dépenses occasionnées par le ravitaillement en blé.

4 Les dispositions d'exécution sont édictées par voie législative ; elles peuvent, au besoin, déroger à la liberté du commerce et de l'industrie.

II Les dispositions d'exécution édictées en vertu de l'article 23bis actuel de la constitution et de l'additif constitutionnel du 26 septembre .1952 concernant le ravitaillement du pays en céréales panifiables (l) restent en vigueur jusqu'au 31 décembre 1957 au plus tard.

III Le présent arrêté sera soumis au vote du peuple et des cantons.

Le Conseil fédéral est chargé d'en assurer l'exécution.

(!) BO 1952, 1083.

1090o

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la révision du régime du blé (Du 13 janvier 1956)

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