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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur les mesures extraordinaires à prendre en faveur des viticulteurs et arboriculteurs victimes du gel (Du 20 novembre 1956)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous faire rapport sur l'étendue des dégâts causés par le gel dans la viticulture et l'arboriculture et de vous soumettre un projet d'arrêté fédéral, muni de la clause d'urgence, sur les mesures à prendre en faveur des producteurs touchés.

I. INTRODUCTION Notre message du 8 juin 1956 concernant les mesures extraordinaires destinées à atténuer les conséquences du gel dans l'agriculture décrit brièvement les conditions atmosphériques qui ont régné en février 1956.

Par suite d'un concours de circonstances particulièrement défavorables, le froid a causé, dans les vignes, les dégâts les plus graves que l'on ait enregistrés de mémoire d'homme. Même à l'heure actuelle, on ne peut juger définitivement de leur étendue car, dans les cultures de longue durée, les effets se font souvent sentir longtemps après la cause.

Un froid d'une acuité exceptionnelle ayant envahi l'Europe centrale, février 1956 devint le mois le plus rigoureux que nous ayons eu depuis au moins cent ans. La somme du froid de février fut dix fois plus élevée que la moyenne de l'année. D'autre part, les derniers jours de janvier étaient vraiment doux, et il n'avait même pas gelé dans la région du plateau, lorsque le froid survint de manière tout à fait inattendue. Dès le début de février, le thermomètre descendit à --20 degrés. Cette brusque chute de la température fut d'autant plus nuisible aux cultures de longue durée que décembre 1955 et janvier 1956 avaient été relativement chauds et humides.

Dans plusieurs vallées, l'influence du foehn s'était également fait sentir.

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Tout donne à penser que la vigne et les arbres avaient terminé leur repos hivernal et que la sève commençait à monter. Surprises alors par un froid polaire, ces cultures furent incapables de résister ou de s'adapter aux conditions nouvelles. L'importance des dégâts doit être attribuée à la persistance du gel, qui permit au froid de pénétrer profondément dans le sol, endommageant ainsi les racines de nombreux ceps et arbres fruitiers.

Une faible couche de neige aurait suffi à atténuer les effets du gel dans les vignes et les vergers.

A fin février, on fut surpris de voir monter la température presque aussi subitement qu'elle avait baissé au début du mois. Dans des régions étendues du plateau, elle marquait encore un minimum de --10 degrés, lorsqu'elle passa brusquement à un maximum supérieur à + 10 degrés dans les premiers jours de mars. Dans le courant du même mois, divers retours du froid retardèrent le dégel du sol et des plantes, aggravant ainsi les méfaits de l'hiver. Ce sont ces facteurs qui provoquèrent des dommages considérables dans les vignes et les vergers.

Par la suite, il n'y eut pas, pour favoriser le développement de la végétation, de périodes de soleil alternant avec des pluies modérées. La floraison fut tardive. Dans quelques régions de Suisse romande, les ceps furent à nouveau endommagés par de violents orages.

IL L'ÉTENDUE DES DÉGÂTS DE GEL Les viticulteurs sont d'avis que les ceps de vigne supportent sans dommage des températures allant jusqu'à--17 degrés. Bien que ce ne soit point là une règle fixe, l'expérience montre que le vignoble a rarement autant souffert de l'hiver que cette année. La résistance du cep à des températures extraordinairement basses dépend dans une large mesure de sa vigueur, de son âge et de la maturité du bois. Les bourgeons sont les parties les plus sensibles; ils risquent de périr sous l'influence d'un froid extrêmement rigoureux et persistant; il ne peut alors y avoir de récolte. Mais le cep est également menacé. Le bois le plus ancien meurt, lui aussi, et souvent seul un court tronçon reste sain.

Dans l'ensemble, les régions viticoles de la Suisse orientale ont beaucoup plus souffert que celles de la Suisse romande et du canton de Berne.

Dans la «Herrschaft» grisonne et le Rheintal, par exemple, on a enregistré des températures de -- 30
degrés. Pendant le rude hiver de 1928 à 1929, les dégâts avaient été beaucoup plus localisés du fait qu'une couche de neige protégeait le sol, ce qui n'était pas le cas en février 1956. C'est ainsi que les régions sujettes au foehn -- comme la «Herrschaft» grisonne et le Rheintal saint-gallois -- ont subi des dommages considérables. Dans le canton de Thurgovie, les pertes sont presque aussi grandes. En revanche, les vignes du Klettgau ont été plus favorisées. Dans le canton de Zurich,

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le «Zürcher Weinland», la rive droite du lac et la vallée de la Limmat ont beaucoup souffert. Quant aux vignes des cantons d'Argovie et de Baie, elles n'ont pas non plus été épargnées.

L'épreuve est d'autant plus dure pour les viticulteurs de la Suisse orientale qu'ils ont essuyé de grosses pertes durant les trois années précédentes en raison de fortes gelées printanières. Les statistiques suivantes le montrent clairement: Rouge H

1950 1951 1952 1953 1954 1955 Evaluation 1956. . . .

72 743 62 174 51662 22 822 36 232 44 366 14470

(Suisse orientale et septentrionale) Cépages européens Elano kl/ta M

53,3 45,2 37 16,3 25,5 31,7 env. 10

45 127 28 632 25 216 12 469 13 302 16 034 3040

hl/ha

89,1 56,7 54,1 28,3 35,2 43,7 env. 8,3

Cette situation s'aggrave encore du fait que, dans certaines régions, tout le vignoble n'a pour ainsi dire pas produit de raisin, A titre d'exemple, nous mentionnerons que l'importante coopérative viticole de Berneck a encavé, pour une superficie totale de 1700 ares, 600 litres de moût en 1956, contre 75 000 litres en 1955 et 40 490 en 1954, La situation est analogue dans un grand nombre de villages viticoles de Suisse orientale.

Dans la région du lac de Bienne, les dommages sont relativement grands. En Suisse romande, leur étendue varie beaucoup; ce sont malheureusement les meilleures régions qui sont les plus atteintes.

Diverses parties du Valais ont été cruellement éprouvées par le froid de février, tandis que d'autres ont heureusement été épargnées. Dans le canton de Vaud, les dommages sont plus ou moins importants selon les régions. Ce sont les parcelles bien ensoleillées, où le raisin mûrit tôt, qui ont été le plus durement frappées. Dans le vignoble genevois, les dégâts sont assez grands par endroits. Dans le canton de Neuchâtel, ce sont surtout les vignes précoces à basse altitude qui ont souffert.

Le gel a anéanti non seulement un grand nombre de vieux ceps, mais aussi des jeunes en plein rendement. Dans beaucoup de vignes, on constate d'importantes pertes de ceps. On sait par expérience que la résistance de la vigne dépend de divers facteurs : nature du sol, soins, situation et exposition, influence de la bise, etc.

Les vignes situées au sud des Alpes -- Tessin, vallées de Poschiavo et de Mesocco -- n'ont heureusement pas souffert.

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En Suisse orientale, on s'est aperçu que le Riesling-Sylvaner était moins résistant que le pinot noir. Il en est de même, en Valais, pour le Johannisberg.

Dans les cultures de longue durée, le froid a atteint non seulement les vignes, mais aussi les arbres fruitiers. On signale des pertes plus ou moins importantes dans la plupart des régions du pays. Le gel a beaucoup nui aux abricotiers du Valais, notamment aux arbres situés sur des pentes peu abritées. Mais il a aussi causé des ravages dans les riches vergers de Thurgovie et les régions fruitières de la Suisse centrale. Selon les recensements effectués en Thurgovie, plus de 100 000 arbres fruitiers ont complètement péri sur un total d'environ. 1,2 million. En Valais, les abricotiers endommagés sont au nombre de 22 000 en chiffre rond, ce qui représente quelque 17 pour cent de l'ensemble des vergers des régions où le gel a sévi.

III. LA CONSTATATION DES DÉGÂTS La division de l'agriculture invita les cantons viticoles à procéder à des enquêtes sur les dégâts causés par le gel dans les vignes. Elle fixa en même temps des normes pour l'évaluation des dommages. Des cours d'estimation furent organisés pour les experts cantonaux.

L'étendue des dégâts ne put être évaluée avec quelque sûreté qu'après la floraison. L'estimation ne devait porter que sur les variétés européennes productives et bien cultivées, ainsi que sur les parcelles où la proportion des ceps anéantis dépassait une limite supportable. Les producteurs directs, ainsi que les vignes et les ceps de la zone C ne devaient pas être pris en considération.

En Suisse orientale, les pertes de récolte allant de 50 à 79 pour cent furent rangées dans une première classe, celles de 80 à 100 pour cent dans une seconde. En Suisse romande, les pertes furent estimées par tranches de 10 pour cent, ce système permettant de mieux tenir compte des dommages locaux. Trois classes de dommages furent constituées, pour les pertes de récolte de 50 à 69 pour cent, pour celles de 70 à 79 pour cent et pour celles de 80 à 100 pour cent.

Les pertes de récolte devaient être estimées en pour-cent des rendements normaux. Il fallait en outre apprécier l'état des cultures.

Deux experts cantonaux et un ou deux délégués communaux procédèrent à l'estimation des dégâts et en dressèrent l'état par commune. Le secrétariat
municipal mettait les récapitulations à la disposition des vignerons ou communiquait les résultats à chacun en particulier. Les intéressés avaient la faculté de recourir auprès de l'autorité communale. Cette autorité ou le département cantonal de l'agriculture faisait procéder, peu après la première évaluation, à une contre-expertise, à laquelle la division de l'agriculture du département de l'économie publique s'était réservé de déléguer

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Les dégâts de gel dans le vignoble de la Suisse alémanique (évaluations) Indemnités pour perte de récolte Dont à la charge tre classe (50-79%) ares

Canton

O Zurich * Berne (lac de Thoune)

Ile classe (80-100%) area

Vi

P)

64 620.-- 990.-- 8 120. -- 40.--

94,4 695,62 2 167,3 958,2

I 888.-- 13 912.40 43 346.-- 19 164.--

33 112 911,2 211 224 196,5 3957 9 940,3 49 15 904,01 14 547,17 19 177,6 9 128,8

Total 15 987,02

319 740.40

107338,58

...

. .

B aie- Ville B aie -Campagne . . .

Schaffhouse .

* . . . .

Appenzell Rh.-Ext. . . .

Saint-Gall Grisons

Ind6mnibés 20 fr.

par are

3231 49,5 406 2 535 7848

10 700.-- 156960.--

(!) (3) Perte en pour-cent d'une récolte normale.

(") 75 % et 85 % pour les Grisons et Schwyz.

(') 25 % et 15 % pour les Grisons et Sehwyz.

Inaemnitéa 40 fr.

par are «

Indemnités Total Fr.

de la Confédération Fr.

du canton Er.

(s>

(")

n

1 324 480.-- 1 389 100.-- 1 041 825.-- 37 438.-- 36 448. -- 28 078.-- 8 440. -- 16560. -- 14 076. -- 9 000.-- 8 960.-- 6 750.-- 7 860.-- 7 860.-- 5 895.-- 168 980.-- 158 280.-- 126735.-- 397 612. -- 554 572.-- 415 929. -- 1 960. -- 1 960.-- 1 470. -- 636 160.40 638 048.40 478 536.-- 595 799.20 581 887.80 50G 429.-- 767 104. -- 007 838.-- 810450. -- 365 152.-- 384316.-- 288 237. -- 4294344.20 4614083.60

3 521 798.--

347 275. -- 9 360.-- 2 484.-- 3 250.-- 1 965. -- 42 245. -- 138 643.-- 490.-- 159 512.-- 89 370. -- 202 612. -- 96 079.--

1 092 285.--

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un expert avec voix consultative. Les recours furent relativement peu nombreux et purent, pour la plupart, être traités sans grandes difficultés.

Ces expertises ont établi ce qui suit: a. En Suisse orientale et septentrionale, sur 1767 hectares de vignes européennes recensés en 1955, 1347 hectares -- c'est-à-dire 76,2 pour cent du vignoble --- ont subi des dommages. Depuis ce printemps, il a fallu arracher 119 hectares de vignes atteintes par le gel; les opérations se poursuivront et porteront probablement cette superficie à quelque 150 hectares.

Le tableau ci-dessus donne une idée de l'étendue des dommages en Suisse alémanique.

Voici le volume des vendanges de 1956 comparé à celui de 1951.

L'année 1951 peut être considérée comme bonne:

Zurich Berne (lac de Thoune). .

Schwyz Soleure Baie-Ville Baie-Campagne Schaffhouse AppenzeU Rh.-Ext. . . .

Saint-Gali Grisons. . .

Argovie Thursovie

1951 M

1956 hl

26822 576 454 398 198 1 870 19756 21 10456 10138 14261 5 854 90 804

2600 70 70 20 3 590 6400 -- 320 130 2000 950 13 153

La quantité pressurée cette année ne correspond qu'à x/7 environ de la récolte de 1951. Sans le canton de Schaffhouse, moins durement frappé, la proportion serait de i-/^ b. Les pertes totales sont heureusement moins importantes en Suisse romande qu'en Suisse orientale. Les plus grands dommages furent enregistrés dans le canton de Vaud, où les brusques variations atmosphériques se firent avant tout sentir sur les coteaux très ensoleillés. On constata des pertes supérieures à 50 pour cent sur une étendue de 2340 hectares, l'aire viticole entière comprenant 8877 hectares. A titre de comparaison, relevons que la moyenne des récoltes de 1951 à 1955 s'élève à 667 186 hectolitres, tandis que les rendements de 1956 sont estimés à 382 440 hectolitres.

Le tableau suivant montre qu'en Suisse romande l'importance des dégâts varie considérablement d'une région à l'autre:

796 Les dégâts de gel dans le vignoble de la Suisse romande (évaluations) Pertes de récolte 50-59 % 60-69 % 70-79 % 80-100 % Perspectives KiSoolte moyenne de récolto area ares ares aies en 1956; 1951-1955 Ire classe Ire ßlasse 2e elasse 3e classe lil hl

Cantons

Berne (lac de Bienne) .

Fribourg Vaud Valais Nôuchâtel Total

(2) (1) (3) 7196 3876 2941 1 317 3469 2839 39218 40 707 40 192 S 160 4286 3 839 1 502 1 848 393 2523 3408 2917

(*) 760 481 56266 3841 657 4379

(5) 9440 3 000 113 000 170 000 39000 48000

(0) 15478 6256 258 809 265 128 47 320 74195

52 727

66384

382 440

667 186

57801

57 103

(x) à (·) Perte en pour-cent d'une récolte normale.

(') Récolte totale. Déclarations des cantons du 20 septembre 1956.

(*) Y compris le raisin de table. Récolte totale.

La Suisse romande doit donc s'attendre à des rendements dont le total représentera tout juste la moitié de la moyenne des cinq dernières années.

De même que pour la vigne, certains cantons procédèrent à l'évaluation des dégâts de gel dans l'arboriculture fruitière. Les enquêtes devaient permettre non pas d'évaluer les pertes de récolte, mais de déterminer le nombre des arbres endommagés. Le pour-cent de ces arbres par rapport à l'ensemble du verger d'une exploitation devait indiquer si une indemnité était nécessaire.

IV. LES MODALITÉS DES MESURES ENVISAGÉES POUR LES RÉGIONS VITICOLES ET LES VERGERS ENDOMMAGÉS PAR LE GEL 1. Indemnités pour les dégâts de gel dans le vignoble Pour nombre de vignerons, les dégâts dus en gel -- le plus cruel qui se soit produit de mémoire d'homme -- ont représenté de fortes pertes de revenu. Certains vignerons vivent entièrement du produit de leurs vignes.

D'autre part, la viticulture est la seule occupation possible pour nombre de gens d'un certain âge. Il convient donc de compenser partiellement les pertes de cette partie de la population qui a souffert du gel, tout en cherchant à assurer ses moyens d'existence parle maintien de la productivité du vignoble. Pour cela, on peut envisager les mesures suivantes:

797 a. Indemnité pour pertes de récolte

Cette indemnité doit permettre aux viticulteurs dont les vignes ont souffert du gel de couvrir une partie des frais de production qu'une récolte déficitaire ne compense que faiblement. L'allocation d'un subside par are de vigne gelée nous paraît être la solution la plus simple. Nous ne pouvons songer à compenser entièrement les pertes, car le vigneron doit toujours compter avec une forte fluctuation des rendements. Mais lorsque des intempéries de caractère exceptionnel ont anéanti plus de 50 pour cent d'une récolte normale, nous tenons pour juste que les pouvoirs publics accordent des prestations. Il convient d'échelonner celles-ci selon les dommages, compte tenu équitablement des rendements de cet automne. L'expérience montre que dans la viticulture les frais de production s'élèvent pour le moins à 80 francs par are, la main-d'oeuvre coûtant à elle seule la moitié de cette somme. Lorsque la vendange fait partiellement ou entièrement défaut, on peut épargner du travail. Mais cette épargne est certes très largement contrebalancée par les soins supplémentaires qu'exigent les vignes endommagées par le froid.

En Suisse orientale, où les vignes ravagées par le gel n'ont donné que des rendements minimes, des subsides de 20 francs par are seront alloués pour les pertes de récolte de l'ordre de 50 à 79 pour cent et de 40 francs pour celles de l'ordre de 80 à 100 pour cent. Les vendanges de 1956 étant meilleures en Suisse romande, il semble équitable de ranger les dommages en trois classes. Des subsides de 10 francs par are sont prévus pour les pertes de récolte comprises entre 50 et 69 pour cent, de 20 francs pour celles de l'ordre de 70 à 79 pour cent et de 30 francs pour celles qui dépassent 80 pour cent. Dans les endroits où les conditions sont analogues à celles de la Suisse orientale, une indemnité de 40 francs au maximum paraît se justifier.

A noter que le montant du subside et la catégorie seront déterminés d'après les pertes établies par parcelles et non d'après l'état de l'ensemble du vignoble.

Contrairement à ce que l'on voit en Suisse orientale, les dégâts varient souvent de parcelle à parcelle en Suisse romande.

b. Indemnité pour ceps anéantis

Dans nombre de vignes, le gel a non seulement causé des pertes de récolte considérables, mais aussi anéanti une foule de ceps. Ceux-ci sont beaucoup plus nombreux en Suisse romande qu'en Suisse orientale. Cela provient sans doute de la différence des systèmes de culture. Les ceps gelés n'ont été recensés ni dans les plantations créées en 1956 ni dans celles dont les rendements vont diminuant. On compte que 2 876 294 plants de vignes ont été détruits par le gel en Suisse romande, contre 300 000 en Suisse orientale.

H serait trop compliqué d'échelonner les indemnités d'après l'âge, la productivité, etc., des ceps détruits. La valeur de rendement d'un plant

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sain, en pleine productivité, varie grosso modo entre 1 fr. 80 et 3 fr. 50. Là encore, le vigneron devra supporter une partie de la perte du capital investi dans les ceps. Nous proposons dès lors d'allouer une indemnité uniforme de 1 franc par cep. Cette somme semble équitable, car, parmi les plants dénombrés, il s'en trouve beaucoup de jeunes qui n'avaient pas encore atteint l'âge de la pleine productivité.

Pour assurer un rendement durable du vignoble, nous devons cependant encourager la production de meilleurs vins indigènes. Il convient notamment d'étendre l'encépagement en variétés rouges, aux dépens des surfaces consacrées aux cépages blancs dont les produits se vendent avec quelque difficulté. Cette substitution doit être préparée de longue main, pour permettre la production de vins de qualité irréprochable, qui seuls plairont au consommateur. Mais pour que le vignoble puisse être reconstitué et transformé en temps utile, les prestations fédérales devraient être relevées.

C'est la raison pour laquelle il est prévu de saisir les chambres fédérales, dans le courant de l'année prochaine, d'un projet qui, en particulier, augmentera les subsides.

2. Indemnités pour arbres gelés En principe, des subsides seront accordés aux exploitations pour lesquelles l'arboriculture fruitière constitue une ressource indispensable. Les prescriptions d'exécution du Conseil fédéral donnent les précisions nécessaires. Pour le calcul des indemnités, on prévoit l'application du barème établi par le fonds suisse de secours pour dommages non assurables causés par des forces naturelles.

On évaluera les dommages compte tenu des rendements moyens de l'arbre et de sa longévité probable. Des indemnités ne seront versées que pour des arbres sains, en pleine productivité, aux % anéantis par le gel et appartenant aux espèces suivantes : pommes et poires de table, abricots, cerises et quetsches. Les autres espèces ne seront pas prises en considération, pas plus que les arbres en voie de dépérissement, les jeunes arbres qui ne portent pas encore de fruits et les arbres isolés (voir l'art. 4, 2e al.).

Pour qu'une indemnité puisse être versée, il faudra en outre que les arbres touchés représentent au moins 10 pour cent du verger de l'exploitation.

L'indemnité ne sera d'ailleurs payée que pour la fraction dépassant ce pourcentage.
V. LES INCIDENCES FINANCIÈRES DES MESURES PRISES EN PAVEUR DES VITICULTEURS ET ARBORICULTEURS QUE LE GEL A PRIVÉS DE TOUT OU PARTIE DE LEUR GAIN Selon les enquêtes organisées dans les régions vitieoles où le gel a sévi, 1737,3 hectares (voir le tableau p. 5, colonne 3, et le tableau p. 7, colonne 4) ont subi des dommages importants auxquels s'applique la norme

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de 30 à 40 francs. A part cela, des allocations de 20 francs devraient être accordées pour 687,1 hectares (voir le tableau p. 5, colonne 1, et le tableau p. 7, colonne 3) et de 10 francs pour 1149 hectares (voir le tableau p. 5, colonnes 1 et 2). L'indemnité totale pour pertes de récolte serait de 9,5 nullions de francs pour une superficie de 3573,4 hectares.

Une indemnité de 1 franc est prévue pour chaque cep complètement gelé. Elle représentera une dépense d'environ 3 millions de francs.

Les constatations faites jusqu'à maintenant montrent que près d'un million de francs serait nécessaire pour venir en aide à l'arboriculture fruitière. On estime que les contributions des pouvoirs publics en faveur des viticulteurs et des arboriculteurs s'élèveraient ainsi à quelque 14 millions de francs, dont 10 à 11 millions seraient à la charge de la Confédération.

Les cantons étant fortement intéressés au maintien d'une viticulture et d'une arboriculture fruitière productives, il serait équitable qu'ils contribuent à l'indemnisation des propriétaires de vignes et de vergers. Dans notre message du 8 juin 1956, nous avons déjà dit que la participation des cantons devra être requise si une aide financière doit être accordée aux sinistrés. Dans certaines parties du pays, la viticulture et l'arboriculture fruitière jouent un rôle beaucoup plus grand que dans celles où le climat est moins propice à ces productions. Les cantons devraient assumer 25 pour cent des dépenses totales ; pour les cantons ayant de lourdes charges financières, notamment ceux dont le territoire comprend de vastes régions de montagne, cette norme serait réduite à 15 pour cent. L'indemnisation des cultivateurs de céréales n'a pas été subordonnée à une participation cantonale. Cela s'explique par le fait que cette culture est soumise à une réglementation spéciale en raison de son importance primordiale pour l'approvisionnement du pays. Nous rappellerons notamment que la Confédération prend en charge les récoltes de céréales panifiables.

Les cantons seront chargés d'appliquer les mesures de secours envisagées en faveur des viticulteurs et des arboriculteurs ayant subi des pertes par suite du gel. Les gouvernements cantonaux indemniseront directement les intéressés en se fondant sur les résultats des recensements. Les cantons seront tenus en
outre de leur verser intégralement les prestations prévues, en veillant à ce que celles-ci soient employées d'une manière rationnelle et appropriée à leur but.

VI. LA TENEUR DE L'ARRÊTÉ FÉDÉRAL Les articles du projet appellent les commentaires que voici: Titre et préambule. Le projet doit contribuer au maintien d'une population paysanne saine et à la protection de régions viticoles dont l'économie est en péril. Les pertes de récolte sont parfois telles que, sans une aide suba-

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tantielle, elles feraient planer une grave menace sur certaines de ces régions.

En soignant de leur mieux les plants gelés, la plupart des vignerons ont pris les initiatives que l'on était en droit d'exiger d'eux. De même que pour l'arrêté fédéral du 27 juin 1956 instituant des mesures extraordinaires pour atténuer les conséquences du gel dans l'agriculture, la première base légale qui entre en ligne de compte est ainsi l'article 316is, 3e alinéa, lettre b, de la constitution. Mais comme il s'agit, dans le cas présent, de protéger des régions dont l'économie est menacée (régions où se pratiquent la viticulture et l'arboriculture), la lettre c du même alinéa doit aussi être mentionnée.

Enfin, l'insertion de la clause d'urgence (art. 4 du projet) implique une référence à l'article 89 ois de la constitution.

Article premier. La Confédération ne verse aucune indemnité aux sinistrés eux-mêmes, mais participe aux dépenses des cantons dans la proportion de 75 pour cent. De même que la loi sur l'agriculture du 3 octobre 1951 prévoit la possibilité de relever les prestations en faveur des cantons ayant de lourdes charges financières, notamment de ceux dont le territoire comprend de vastes régions de montagne, de même le projet doit permettre de porter la participation de la Confédération à 85 pour cent en pareils cas.

Article 2. Les cantons viticoles ont reçu diverses circulaires leur donnant les instructions nécessaires pour dresser l'état des dommages selon des principes définis. En ce qui concerne l'appréciation des dégâts causés aux arbres fruitiers, les cantons ont indiqué à la division de l'agriculture les lignes directrices qu'ils ont suivies. Les services intéressés les ont approuvées avec quelques réserves. La disposition du 1er alinéa, lettre a, doit empêcher que l'on ne verse des indemnités pour des dommages qui n'ont été ni constatés ni contrôlés selon les instructions de la Confédération.

En Suisse orientale, la récolte considérée comme normale (1er &\^ lettre &) est celle de 1951, les rendements des années 1953 à 1955 ayant été inférieurs à la moyenne. Pour la Suisse romande, où la situation s'est présentée sous un jour moins défavorable ces dernières années, c'est la moyenne quinquennale de 1951 à 1955 qui a été retenue.

En précisant, au 1er alinéa, lettre c, que l'arboriculture fruitière
doit jouer un rôle essentiel, on veut éviter que des indemnités ne soient versées dans des cas où cette production revêt une importance secondaire.

Le paiement d'indemnités pour des dégâts de gel subis à l'étranger mènerait trop loin. C'est également la raison pour laquelle seuls les exploitants domiciliés en Suisse entrent en considération. D'autre part, on a examiné attentivement s'il n'y aurait pas lieu de limiter l'aide aux personnes physiques, compte tenu de leurs revenus et de leur fortune. Il est alors apparu que toute différenciation serait forcément imparfaite, entraînerait des rigueurs excessives et surtout compliquerait singulièrement l'organisation de la campagne de secours. Néanmoins, rien ne sera versé aux cantons pour leurs propres vignobles et cultures fruitières.

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Selon le 3e alinéa, lettre Ô, seuls entrent en ligne de compte les ceps détruits sur une parcelle de vigne subsistant comme telle lors de la constatation des dommages. En Suisse orientale, des vignes très malmenées par le froid ont déjà été entièrement arrachées au printemps de cette année.

Ces arrachages ayant été opérés à un moment où des instructions n'avaient pas encore été données en vue de la constatation des dommages, le nombre et l'état des plants supprimés sont inconnus, de sorte qu'il ne saurait être question d'intervenir en l'occurrence.

Il sera loisible aux cantons d'accorder des prestations dépassant les limites prévues au 3e alinéa, mais celles de la Confédération seront fonction des dépenses énoncées à l'article 2.

Article 4. D'ordinaire, viticulteurs et arboriculteurs touchent une partie du produit de leur récolte en novembre et en décembre. En lieu et place de cet argent, les victimes du gel devraient recevoir les indemnités prévues dans le projet d'arrêté, indemnités qui devront leur être versées le plus tôt possible, pour leur permettre de faire face à leurs engagements. La clause d'urgence s'impose donc, comme c'était le cas pour l'arrêté fédéral du 27 juin 1956 instituant des mesures extraordinaires pour atténuer les conséquences du gel dans l'agriculture et pour celui du 5 octobre 1956 concernant l'utilisation du blé indigène germé de la récolte de 1956. L'article 89bis de la constitution exige que la durée de validité des arrêtés urgents soit limitée.

De même que pour les deux arrêtés fédéraux cités, elle sera fixée à un an.

Le Conseil fédéral arrêtera les prescriptions d'exécution en vertu du pouvoir qui lui est délégué à l'article 2.

Nous avons dès lors l'honneur de vous proposer d'adopter le projet d'arrêté fédéral ci-après et saisissons cette occasion pour vous renouveler, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 20 novembre 1956.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Feldmaim usa?

Le chancelier de la Confédération,

Ch. Oser

Feuille fédérale. 108e année. Vol. II.

58

802 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL instituant des mesures extraordinaires en faveur des viticulteurs et des arboriculteurs victimes du gel

L'Assemblée fédérale de. la Confédération suisse, vu les articles Slbis, 3e alinéa, lettres b et c, 32, 1er alinéa, et SQbis de la constitution (1); vu le message du Conseil fédéral du 20 novembre 1956, arrête: Article premier Dans les cas mentionnés à l'article 2, la Confédération rembourse aux cantons 75 pour cent des indemnités qu'ils prouvent avoir versées aux viticulteurs et aux arboriculteurs en vue d'atténuer les conséquences financières du gel de février 1956. Pour les cantons ayant de lourdes charges financières et notamment ceux dont le territoire comprend de vastes régions de montagne, la participation fédérale est de 85 pour cent.

Art. 2 La subvention fédérale est accordée aux cantons seulement : Pour les dommages qu'ils ont constatés en conformité des instructions fédérales ; Quand il s'agit de parcelles de vigne accusant une perte de récolte d'au moins 50 pour cent par rapport à la normale ou dont plus de 20 pour cent des ceps ont été anéantis par le gel; Lorsque les producteurs dont l'existence dépend essentiellement de l'arboriculture ont perdu, par suite du gel, plus de 10 pour cent de leurs arbres donnant des fruits de table, à pépins ou à noyau; Si les parcelles atteintes se trouvent en territoire suisse; Si les sinistrés sont domiciliés en Suisse, 1

a.

b.

c.

d.

e.

(!) KS 1, 162.

803 2

Lee dépenses profitant aux cantons eux-mêmes ou à leurs établissements ne donnent pas droit à la subvention.

3 Les prestations cantonales sont prises en considération jusqu'à concurrence des montants ci-après: a. Pour les pertes de récolte dans les vignes, 10 à 40 francs par are, suivant l'étendue des dommages; 6. Pour les ceps anéantis par le gel, 1 franc par unité, à condition que la vigne n'ait pas été arrachée sur la parcelle avant la constatation des dommages ; c. Pour chaque arbre à fruits de table détruit par le gel, et à condition que la proportion fixée au 1er alinéa soit dépassée : espèces à pépins, 25 à 180 francs; espèces à noyau, 15 à 100 francs.

Art. 3 Les sommes indûment perçues sont sujettes à restitution.

Art. 4 Le présent arrêté est déclaré urgent. Il entre en vigueur lors de sa publication; sa validité est limitée à un an.

2 Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution. Il édicté les dispositions d'application nécessaires.

1

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur les mesures extraordinaires à prendre en faveur des viticulteurs et arboriculteurs victimes du gel (Du 20 novembre 1956)

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1956

Année Anno Band

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Cahier Numero Geschäftsnummer

7251

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

29.11.1956

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790-803

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