16.061 La politique de sécurité de la Suisse Rapport du Conseil fédéral du 24 août 2016

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Condensé Le Conseil fédéral publie régulièrement des rapports sur la politique de sécurité de la Suisse. Ceux-ci fixent pour les années qui suivent les lignes directrices de cette politique. Le dernier rapport date de 2010. Depuis, l'appréciation de la menace a changé, parfois notablement. Le Conseil fédéral a donc décidé, en 2013, d'établir un nouveau rapport.

Le présent rapport s'ouvre par une analyse détaillée de la situation (ch. 2). Cette partie comporte, en introduction, une analyse des tendances globales touchant le domaine de la sécurité, à savoir la transition vers un ordre mondial multipolaire, le développement de la prospérité et de la technologie, la persistance des crises, des bouleversements et de l'instabilité, les mouvements migratoires et le nouveau visage des conflits. Outre une description générale de ces tendances, les conséquences pour la Suisse sont abordées.

La deuxième partie de l'analyse de la situation s'attache à expliquer quelles menaces et quels dangers sont déterminants pour la Suisse. Ceux-ci sont répartis en six catégories: acquisition illégale et manipulation d'informations, terrorisme et extrémisme violent, attaque armée, criminalité, difficultés d'approvisionnement, catastrophes et situations d'urgence. Se fondant sur une description des derniers développements dans ces six catégories, le rapport conclut que des évolutions parfois notables ont eu lieu ces cinq dernières années. Il relève tout particulièrement la détérioration durable des rapports entre les pays occidentaux et la Russie provoquée par la crise en Ukraine, l'aggravation de la menace que représente le terrorisme islamique et l'étendue des activités illégales et des abus sur Internet. Le rapport constate que les menaces et les dangers sont, dans l'ensemble, plus complexes, plus fortement imbriqués et plus confus qu'auparavant et qu'un défi particulier pour la Suisse réside dans leur combinaison ou leur enchaînement.

L'analyse globale de la situation se poursuit par la description des organisations (OSCE, OTAN, UE, Conseil de l'Europe, ONU, Interpol) et des conventions (p. ex.

dans le domaine du désarmement) influant sur la politique de sécurité. Cette partie présente aussi les possibilités de coopérer plus étroitement dans ce domaine. Elle est un peu plus détaillée que celle du dernier rapport,
car elle sert aussi à concrétiser le postulat 11.3469 «Renforcement de la coopération de la Suisse au sein de l'architecture de sécurité européenne», déposé le 20 mai 2011 par la Commission de la politique de sécurité du Conseil des États.

Une fois la situation analysée, le rapport se penche sur l'orientation stratégique donnée à la politique de sécurité suisse (ch. 3). Cette stratégie vise à déterminer la manière d'engager adéquatement les moyens pour atteindre les buts et servir les intérêts de cette politique. Dans un premier temps, le chapitre définit ces intérêts et buts. Il décrit ensuite l'orientation stratégique elle-même, ses trois éléments constitutifs (coopération, indépendance et engagement) et leur signification dans la pratique. Le chapitre explique comment ces éléments sont utilisés et combinés pour que la politique de sécurité soit aussi efficace que possible.

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La partie suivante décrit les moyens nécessaires à la concrétisation de la stratégie.

Elle montre selon quels principes les instruments de la politique de sécurité sont engagés et ce à quoi ils contribuent. L'approche adoptée dans ce chapitre est différente de l'approche habituelle: au lieu d'énumérer les tâches et les structures des instruments, on décrit la manière dont ceux-ci permettent de prévenir les menaces et dangers, d'y réagir et de maîtriser la situation. Cette manière de présenter les choses offre l'avantage d'établir un lien direct avec les menaces et les dangers et permet de décrire le plus concrètement et le plus précisément possible les tâches et les interactions entre les instruments. Enfin, cette partie énumère les adaptations et les mesures qui ont été réalisées ou qu'il faut réaliser pour ces instruments afin de continuer à fournir les prestations demandées.

La dernière partie (ch. 4) traite de la conduite de la politique de sécurité à l'échelon de la Confédération et à celui des cantons, ainsi que de la collaboration dans ce domaine avec le Réseau national de sécurité. Elle vise essentiellement à présenter les résultats tirés de la phase pilote et de l'évaluation de ce réseau ainsi que du premier exercice organisé par ce dernier. La conclusion est que ce réseau, activé en 2010, a globalement fait ses preuves. Les adaptations ponctuelles qui ont été effectuées dans le droit fil de l'évaluation et de l'appréciation de l'exercice du Réseau national de sécurité 2014 sont mentionnées. Le chapitre reprend au surplus des déclarations sur les moyens consacrés à la conduite de la politique de sécurité, notamment sur l'importance de mieux sécuriser les moyens de communication et de mieux protéger les installations de conduite.

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Table des matières Condensé

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1. Introduction

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2. Situation actuelle 2.1 Tendances générales 2.1.1 Passage à un ordre mondial multipolaire 2.1.2 Développement de la prospérité et de la technologie 2.1.3 Persistance des crises, des bouleversements et de l'instabilité 2.1.4 Mouvements migratoires 2.1.5 Nouveau visage des conflits 2.2 Menaces et dangers 2.2.1 Introduction 2.2.2 Acquisition illégale et manipulation d'informations 2.2.3 Terrorisme et extrémisme violent 2.2.4 Attaque armée 2.2.5 Criminalité 2.2.6 Difficultés d'approvisionnement 2.2.7 Catastrophes et situations d'urgence 2.2.8 Conclusion 2.3 Organisations et conventions influant sur la politique de sécurité 2.3.1 Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe 2.3.2 OTAN 2.3.3 Union européenne 2.3.4 Conseil de l'Europe 2.3.5 Organisation des Nations Unies 2.3.6 Interpol 2.3.7 Autres domaines de la collaboration internationale 2.3.8 Conclusion 2.4 Valeurs de référence actuelles en politique de sécurité

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3. Stratégie 3.1 Intérêts et objectifs de la politique de sécurité 3.1.1 Intérêts de la politique de sécurité 3.1.2 Objectifs de la politique de sécurité 3.2 Éléments constitutifs de la stratégie: coopération, indépendance et engagement 3.2.1 Coopération 3.2.2 Indépendance 3.2.3 Engagement 3.2.4 Lien avec les menaces et les dangers

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Moyens: les instruments de la politique de sécurité et leurs contributions pour prévenir, affronter et maîtriser les menaces et dangers 3.3.1 Obtention illégale et manipulation d'informations 3.3.2 Terrorisme et extrémisme violent 3.3.3 Attaque armée 3.3.4 Criminalité 3.3.5 Difficultés d'approvisionnement 3.3.6 Catastrophes et situations d'urgence 3.3.7 Adaptation des instruments de la politique de sécurité

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Conduite de la politique de sécurité et Réseau national de sécurité 4.1 Confédération 4.2 Cantons 4.3 Collaboration entre la Confédération et les cantons 4.4 Moyens consacrés à la conduite de la politique de sécurité

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Liste des abréviations

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Glossaire

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Rapport 1

Introduction

Les rapports du Conseil fédéral sur la politique de sécurité de la Suisse analysent le contexte actuel dans le but de déterminer si, et dans quelle mesure, il y a lieu d'adapter la politique de sécurité et ses instruments, afin que la Suisse puisse réagir rapidement et adéquatement à l'évolution des menaces et des dangers. Depuis le dernier rapport1, qui remonte au 23 juin 2010, différents développements et événements en lien avec la politique de sécurité se sont produits, qui justifient la révision de cette analyse. On citera notamment les bouleversements et les conflits survenus en Afrique du Nord et au Proche-Orient, l'intensification des mouvements migratoires qui les accompagnent, l'essor de l'organisation terroriste «État islamique» et le renforcement de l'attrait pour le djihad dans les États occidentaux, l'annexion de la péninsule de Crimée par la Russie, les combats dans l'est de l'Ukraine et la dégradation rapide des relations entre la Russie et l'Occident, la multiplication des cyberattaques, le pouvoir accru de la propagande à l'ère de la surmédiatisation, des images traitées numériquement et d'Internet, la collecte massive de données par voie électronique et la catastrophe nucléaire de Fukushima. Autant d'événements marquants qui auront selon toute vraisemblance des effets durables et dont la politique de sécurité de la Suisse doit tenir compte. Toutefois, on aurait tort d'en conclure que tout a changé depuis 2010.

Les instruments de la politique de sécurité évoluent eux aussi. C'est le cas en particulier pour l'armée, qui prévoit des améliorations sur le plan de la disponibilité, de l'instruction, de l'équipement et de l'ancrage régional. L'effectif réglementaire devrait se monter à 100 000 militaires et les dépenses à 5 milliards de francs par an.

Des votations populaires présentant des enjeux pour la politique de sécurité ont eu lieu: elles portaient sur l'obligation de servir et sur l'acquisition d'avions de combat.

Des nouveautés ont également été introduites dans d'autres domaines de la politique de sécurité. Des documents de base et des projets de lois ont été élaborés, notamment la stratégie nationale de protection de la Suisse contre les cyberrisques2 du 19 juin 2012, la stratégie nationale pour la protection des infrastructures critiques 3 du 27 juin 2012, la stratégie de
la Suisse pour la lutte contre le terrorisme 4 du 18 septembre 2015, la loi fédérale du 25 septembre 2015 sur le renseignement5, la stratégie de la protection de la population et de la protection civile 2015+6 du 9 mai 2012 et le Rapport du groupe de travail consacré au système de l'obligation de servir

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FF 2010 4681 La stratégie peut être consultée à l'adresse suivante: www.upic.admin.ch > Thèmes > SNPC stratégie.

La stratégie peut être consultée à l'adresse suivante: www.protectioncivile.ch > Autres domaines d'activité > Protection des infrastructures critiques.

FF 2015 6483 FF 2015 6597 FF 2012 5075

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du 15 mars 20167. En outre, la pratique en matière de politique de sécurité a évolué: en Suisse même, principalement dans le cadre du Réseau national de sécurité (RNS), qui a permis de renforcer la coopération entre la Confédération et les cantons, et à l'étranger notamment avec la présidence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en 2014.

Le présent rapport analyse les évolutions qu'a connues la politique de sécurité et met en évidence les enseignements à en tirer. Il met en lumière les menaces et les dangers qui pèsent sur la sécurité de la Suisse. Il décrit également la situation à laquelle la politique de sécurité de la Suisse est confrontée et la stratégie poursuivie en la matière, ainsi que son mode de gestion et les moyens servant à l'appliquer.

Le rapport accorde une attention toute particulière à la description des menaces et des dangers. Le Conseil fédéral a souhaité en établir une analyse exhaustive et approfondie. C'est pourquoi des auditions ont été menées auprès de spécialistes de la politique de sécurité en Suisse et à l'étranger; les résultats de ces auditions sont publiés et intégrés dans le présent rapport. Un autre point majeur du rapport concerne la collaboration en matière de politique de sécurité dans le contexte régional.

Le Conseil fédéral répond ainsi à un postulat de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des États du 20 mai 2011, qui charge le Conseil fédéral d'élaborer un rapport sur ce thème (Renforcement de la coopération de la Suisse au sein de l'architecture de sécurité européenne; 11.3469).

Comme ce fut le cas pour le rapport précédent, les cantons ont été associés dès le début aux travaux, dans l'esprit du RNS. Cette procédure montre que la politique de sécurité de la Suisse est considérée dans une perspective globale et, partant, qu'elle doit représenter l'ensemble des mesures étatiques prises à tous les échelons pour assurer la sécurité de la Suisse et de sa population. Le rapport se fonde dès lors sur la même définition au sens large de la politique de sécurité que le rapport de 2010: La politique de sécurité recouvre l'ensemble des mesures prises par la Confédération, les cantons et les communes pour prévenir, écarter et maîtriser les menaces et les actions politico-militaires ou criminelles ayant pour but de
limiter le pouvoir d'autodétermination de la Suisse et de sa population ou de leur porter atteinte. Elle comprend aussi la maîtrise des catastrophes naturelles et anthropiques et autres situations d'urgence.

En d'autres termes, la politique de sécurité entre en jeu lorsque des États, des groupes non étatiques ou des individus entendent imposer leur loi à la Suisse et à sa population, leur porter directement préjudice ou porter préjudice à leurs intérêts, ou 8 justifier de tels préjudices par la poursuite de leurs objectifs . La maîtrise des catastrophes naturelles et anthropiques est mentionnée à part, car elle ne repose sur aucune intention hostile.

L'importance que revêtent la politique de sécurité et ses instruments pour la capacité d'action de l'État et sa crédibilité est incontestée. Les conflits, la criminalité, les 7 8

www.vbs.admin.ch > Page d'accueil > Actualité > Bon à savoir > Avenir de l'obligation de servir : pistes de réflexion Ce dernier aspect concerne notamment le crime organisé. L'intention des organisations criminelles n'est guère de nuire à la Suisse, mais elles s'accommodent du fait que leurs actes peuvent porter atteinte à l'État, à l'économie, à la société ou à des particuliers.

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catastrophes et les situations d'urgence ont existé de tout temps et ils continueront d'exister. La question est de savoir comment ils évoluent et si la Suisse est correctement équipée pour y faire face de manière avisée et efficace.

Une liste des abréviations et un glossaire se trouvent à la fin du présent rapport afin d'en faciliter la lecture.

2 2.1

Situation actuelle Tendances générales

La représentation ci-après des tendances générales et des menaces et dangers qui pèsent sur la Suisse et sa population est faite de prévisions portant sur une dizaine d'années, soit approximativement jusqu'en 2025. Les tendances actuelles peuvent être extrapolées sur cette période et leurs conséquences évaluées. Pour certaines évolutions, notamment le changement climatique, des prévisions à plus long terme sont certes possibles, mais les implications pour la politique de sécurité ne peuvent pas être évaluées sur une période aussi longue. Les pages qui suivent présentent donc les grandes lignes des évolutions probables, qui peuvent servir de base à la planification de mesures.

2.1.1

Passage à un ordre mondial multipolaire

Le système international traverse une phase de transition, passant de l'ère unipolaire qui a caractérisé la période qui a suivi la guerre froide à une ère multipolaire. Les forces politiques (mesurées à l'aune de facteurs tels que le poids économique, la population, les dépenses militaires et les investissements dans les nouvelles technologies) se déplacent progressivement de l'Occident vers l'est de l'Asie et les pays du Sud.

Les États-Unis, l'Europe et le Japon conserveront leur influence, mais la verront vraisemblablement s'amoindrir par rapport à certains pays. Ils devront concéder une place plus importante à des puissances tels la Chine, l'Inde et le Brésil (et dans une moindre mesure à des pays comme l'Indonésie ou la Turquie), qui sont d'ores et déjà des acteurs majeurs de l'économie mondiale. C'est également le cas de la Russie, qui joue certes un rôle plus actif sur le continent européen, mais qui stagne, tout au moins sur le plan économique, par rapport aux pays émergents. Cette évolution réduira, au cours de la décennie à venir, la prédominance de l'Occident dans le système international.

La mondialisation de plus en plus forte de l'économie, de la technologie et de l'information accroît également les possibilités dont disposent les acteurs non étatiques (groupes terroristes, crime organisé, mégapoles et empires économiques mondiaux) qui conjuguent poids économique et innovation. Ces nouveaux acteurs peuvent gagner en influence dans les conflits transfrontaliers et dans la recherche de solutions à apporter à ces conflits.

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Dans un monde où les acteurs sont de plus en plus nombreux et où ils affichent des intérêts diversifiés, les mécanismes de résolution des conflits des organisations internationales pourraient se trouver davantage paralysés, ce qui aurait pour effet d'entraver ou de retarder les décisions. Par ailleurs, le besoin de réglementations ira vraisemblablement croissant pour régler les problèmes régionaux et mondiaux et prendre des mesures économiques et militaires de stabilisation. De nouveaux forums, tels que le G20, gagneront en importance.

La transition vers un ordre nouveau produira des tensions. Toutefois, elle ne débouchera pas nécessairement sur des conflits majeurs puisque les grandes puissances sont étroitement liées sur le plan économique et qu'elles le seront plus encore à l'avenir. Dans diverses régions, cette évolution n'ira cependant pas sans causer certaines fractures. Le conflit armé en Ukraine illustre une fracture de ce type, déclenchée par des dissensions internes et une attitude plus offensive de la Russie.

En Afrique, au Proche-Orient et au Moyen-Orient, ainsi que dans le sud de l'Asie, il existe de nombreux facteurs susceptibles de déclencher des conflits internes ou interétatiques: des structures étatiques peu performantes et le manque de perspectives économiques et politiques peuvent fragiliser certains États. Le potentiel de déstabilisation dans ce domaine dépasse largement les frontières nationales.

Europe, Russie et États-Unis La remise en question de l'ordre existant est déjà en cours en Europe et prend une tournure militaire particulièrement dramatique, à laquelle beaucoup ne s'attendaient pas. Un conflit armé est en cours en Ukraine. La Russie est perçue comme une menace, en Europe de l'Est en particulier.

La Russie a surmonté une phase de faiblesse, vécue il y a 25 ans et ressentie comme une tragédie nationale, et commence à défier l'ordre international en Europe, tel qu'il s'est établi après la guerre froide. Après un long processus de développement et de réforme, elle est aujourd'hui plus forte qu'il y a 20 ans en ce qui concerne la centralisation de l'appareil politique et de l'administration, les structures de sécurité, les forces armées et l'économie. Les dirigeants russes appliquent de plus en plus une combinaison de moyens politiques, économiques et militaires et
d'outils du renseignement et de propagande. Cette attitude a provoqué une levée de boucliers à l'Ouest. Dans la confrontation autour de l'Ukraine qui oppose la Russie à l'Occident, chacune des parties considère que l'autre a déjà franchi la ligne rouge, ce qui a conduit à une aggravation de la situation. Un retour vers le calme de ces vingt dernières années n'est plus à l'ordre du jour pour le moment.

Les États-Unis demeureront la seule puissance d'envergure véritablement mondiale, malgré l'influence croissante d'autres États. Reste à savoir comment ils vont assumer, en cette époque de transition, leur responsabilité dans la stabilité de l'ordre international, non seulement dans le monde en général, mais à nouveau en Europe, tout particulièrement depuis que le conflit en Ukraine a éclaté.

L'avenir de la politique de sécurité en Europe est incertain. Il est pour l'heure impossible de déterminer si la sortie prochaine du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE) affaiblira à long terme le poids de cette dernière dans le domaine de la politique de sécurité ou s'il conduira au contraire à une nouvelle dynamique favori7557

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sant l'intégration des politiques de défense ainsi que la collaboration entre les États membres restants. Les scénarios portant sur les futurs rapports entre l'Occident et la Russie présentent eux aussi une certaine ambivalence. D'un côté, on assiste à un durcissement des fronts, qui fait peser la menace d'une confrontation politique, économique et, le cas échéant, militaire, entre la Russie, d'une part, et les ÉtatsUnis, l'OTAN et l'UE, d'autre part. De l'autre côté, il existe toujours une possibilité de coopération entre l'Occident et la Russie, comme l'a montré la conclusion de l'accord sur le nucléaire iranien. Nul ne peut prévoir comment se dérouleront les événements ni quelle en sera l'issue. De graves crises pourraient éclater sur une ligne qui sépare l'Est de l'Ouest et qui traverse tout le continent, allant de la mer Baltique au Caucase, en passant par la Biélorussie, l'Ukraine, la Moldavie et les Balkans. Dans cette dernière région, qui n'a pas encore surmonté l'effondrement de la Yougoslavie, la nouvelle rivalité pourrait se superposer avec des conflits. De part et d'autre, tout un arsenal de moyens, militaires ou non, pourrait alors être utilisé.

Conséquences pour la Suisse La Suisse interagit fortement avec le monde entier. En tant qu'État doté d'une force très limitée, il est dans son intérêt que des normes internationales existent et soient respectées. Or, les normes de ce type ne sont pas définies une fois pour toutes. Avec l'apparition de nouveaux acteurs sur l'échiquier international et à mesure que les acteurs existants gagnent ou perdent de l'influence, des normes peuvent s'écarter de l'ordre occidental libéral tel qu'il s'est établi dans l'après-guerre. Il est important que la Suisse s'implique dans ce processus de définition de nouvelles normes et d'adaptation des normes existantes, en défendant ses intérêts et les valeurs qui sont les siennes. Elle ne peut toutefois ni dominer ce processus ni s'y soustraire.

Au niveau régional, que ce soit en Europe ou dans l'espace euro-atlantique, des normes importantes pour la Suisse ont aussi commencé à évoluer, par exemple en ce qui concerne les pratiques fiscales. De façon générale, la tendance est à une plus grande harmonisation internationale dans la conception de laquelle des acteurs puissants exercent une influence accrue. La
Suisse subit une pression pour adopter de telles normes; elle pourrait tenter de les ignorer, mais les coûts et les risques économiques seraient considérables.

La Suisse doit se faire à l'idée que, dans la concurrence politique et économique qui fait rage entre les États, il est nécessaire de recourir à toutes sortes de ressources du pouvoir et de former des alliances qui s'adaptent en fonction des objets et des intérêts à défendre. Cette lutte pour la défense des intérêts est âpre; toutefois, elle ne touche la politique de sécurité que lorsque des États cherchent à imposer, par la force ou par la menace, leurs intérêts politiques à la Suisse. Les réponses à apporter aux pressions politiques et économiques provoquées par la bataille des intérêts au

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niveau international ne relèvent pas de la politique de sécurité, mais de la politique étrangère et de la politique économique9.

De façon générale, la Suisse est bien préparée pour les changements politiques et économiques. Toutefois, dans bien des cas, elle devra faire la part des choses entre ses intérêts politiques et ses intérêts économiques. Pour la préservation de sa capacité d'action, la consolidation des relations avec l'UE et les États-Unis est au moins aussi importante que l'intensification des relations avec ses autres partenaires.

2.1.2

Développement de la prospérité et de la technologie

L'évolution de l'économie mondiale alimente la tendance au développement de la prospérité. Au vu de la crise financière de 2008, il serait hasardeux d'émettre une prévision pour les dix prochaines années: de nouvelles crises financières sont possibles. Le caractère multipolaire du monde s'est concrétisé, depuis un certain temps, sur le plan économique. Les parts des économies américaine, européenne, russe et japonaise dans l'économie mondiale reculent, tandis que celles de l'Asie (hormis le Japon), de l'Amérique latine et de l'Afrique progressent. Selon la base de calcul employée, la Chine devrait devenir la première économie mondiale, devant les ÉtatsUnis, en 2025 ou peu après.

Les conditions de vie s'améliorent dans de grandes parties du monde ­ avec des effets incertains Divers facteurs montrent que le développement des classes moyennes va vraisemblablement se poursuivre dans les pays en développement et nouvellement industrialisés. Ce phénomène tendra à faire augmenter le niveau d'instruction dans des régions toujours plus nombreuses et à répandre encore plus l'utilisation des technologies et moyens de communication modernes. Il est également la promesse d'une amélioration des conditions de vie de centaines de millions de personnes.

Toutefois, si cette évolution facilite la stabilisation des sociétés dans de larges pans du monde, elle peut aussi, dans d'autres endroits, déstabiliser les rapports existants du fait des structures politiques en place et de la répartition du surcroît de prospérité ainsi créé. Prospérité accrue rime avec besoins accrus en ressources (p. ex. sources d'énergie et autres matières premières, denrées alimentaires, eau), ce qui peut contribuer à une surexploitation des ressources naturelles et à des conflits pour la répartition des ressources.

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La politique étrangère et la politique économique sont des domaines politiques spécifiques et essentiels d'un État. Ils ont leurs propres objectifs et leurs propres responsabilités, au même titre que la politique de sécurité. Autrement dit, bien des thèmes abordés en politique étrangère et en politique économique n'ont rien à voir avec la politique de sécurité. Il existe toutefois des interactions et des recoupements : certains domaines de la politique étrangère et de la politique économique apportent une précieuse contribution à la réussite de la politique de sécurité, de la même manière que la politique de sécurité contribue à la bonne gouvernance de la politique étrangère et de la politique économique.

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Le progrès technologique: un autre élément moteur au niveau mondial L'évolution technologique est étroitement liée au développement de l'économie mondiale et de la prospérité. Les nouvelles technologies de la production dans l'industrie, l'agriculture, le secteur énergétique ou dans celui de la santé ont des répercussions majeures. Ainsi, la nouvelle technologie pour l'exploitation des réserves pétrolières et gazières a mené les États-Unis sur la voie de l'autarcie énergétique en quelques années. La miniaturisation, l'automatisation, l'utilisation accrue de l'espace extra-atmosphérique et la progression rapide de la mise en réseau de l'infrastructure grâce à de nouvelles technologies de l'information et de la communication préfigurent des avancées majeures dans l'économie, la recherche et l'administration publique. Dans le même temps, elles accentuent le fait que de nombreux biens peuvent être utilisés tant dans un but pacifique que pour asseoir un pouvoir, mener des guerres ou viser des fins criminelles. Les garde-fous qui préviennent l'utilisation illégale de la haute technologie pour causer des dommages à la société à grande échelle subissent une érosion continue et devront, par conséquent, être redéfinis et mis en oeuvre. La liberté de la recherche, plus spécifiquement dans la biotechnologie, est particulièrement exposée.

Les avantages et les inconvénients du progrès technologique sont clairement visibles dans le domaine des technologies de l'information et de la communication. Celles-ci imprègnent désormais pratiquement tous les domaines de la vie. Les possibilités d'utilisation des mégadonnées vont croître, ce qui pourrait donner des impulsions positives à l'économie, mais aussi à l'État, grâce à un aménagement en réseau de l'infrastructure publique pour plus d'efficacité, de transparence et d'interactivité avec les utilisateurs. Par contre, il existe des risques majeurs en ce qui concerne la sécurité des données et la protection contre les pannes d'origine intentionnelle, voire les attaques frappant ces mêmes infrastructures (de l'approvisionnement en électricité à l'acquisition illégale et à la manipulation des informations, en passant par les moyens de communication), en particulier dans le développement de l'«Internet des objets», qui relie numériquement objets et machines.

Le développement
et la diffusion d'armes performantes font partie de cette évolution technologique. Dans l'armement conventionnel, on assistera principalement à une amélioration et à une diffusion de la reconnaissance et, sur la base de celle-ci, de la capacité à combattre des cibles immédiatement et avec précision. Des systèmes d'armement hautement développés, parfois même autonomes 10, ainsi que des drones armés ou non, joueront un rôle croissant dans ce domaine. Un nombre accru d'États disposera, en outre, d'une base technologique suffisante pour fabriquer des armes de destruction massive. La prévention ou la limitation de la prolifération de telles armes et de leurs vecteurs s'en trouvera encore plus difficile.

Utilisation accrue et dépendance vis-à-vis des technologies dans l'espace extraatmosphérique En Suisse, la société, l'économie et les autorités ont de plus en plus recours à des données et des informations obtenues dans l'espace extra-atmosphérique ou qui 10

Il s'agit de systèmes d'armement programmés de manière à pouvoir opérer un certain laps de temps sans l'intervention d'opérateurs humains.

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transitent dans l'espace. Les technologies impliquant l'utilisation de ces données vont des applications quotidiennes dans le domaine des technologies de l'information et de la communication à des services scientifiques hautement spécialisés, en passant par des prestations de toutes sortes. C'est notamment le cas d'applications importantes pour la sécurité utilisées dans l'aide en cas de catastrophe, dans les services d'urgence, dans la police, dans le Corps des gardes-frontière, dans l'armée et dans les services de renseignement. L'utilisation de l'espace extra-atmosphérique pour l'observation, la reconnaissance, la communication et la navigation est indispensable au bon fonctionnement, à la prospérité et à la sécurité des sociétés modernes, tant au quotidien qu'en temps de crise, et joue un rôle dans la politique de sécurité.

L'utilisation croissante de technologies liées à l'espace extra-atmosphérique engendre également une augmentation des dépendances et des vulnérabilités. Les systèmes destinés à l'utilisation de cet espace doivent être vus comme des infrastructures critiques dont l'importance égale, par exemple, celle des réseaux de données.

De nombreuses infrastructures critiques au sol, notamment pour la gestion des services financiers, des transports, de l'énergie et des communications, dépendent de l'utilisation de technologies liées à l'espace extra-atmosphérique. L'infrastructure centrale liée à l'espace comprend, outre des satellites, des stations de réception et d'autres infrastructures d'exploitation au sol. Non seulement les satellites fonctionnent dans un environnement exceptionnellement difficile, mais ils sont également très sensibles et vulnérables face aux multiples dangers qui les guettent, que ceux-ci soient d'origine naturelle ou technique, par exemple l'activité solaire ou les débris qui flottent dans l'espace. Ces dangers peuvent survenir involontairement, notamment lors de collisions entre des satellites, ou de façon délibérée, par exemple lorsque des armes antisatellites sont utilisées. La multiplication des satellites et autres systèmes techniques dans l'espace extra-atmosphérique accroît la probabilité que des incidents puissent survenir et accentue la lutte pour l'utilisation des orbites terrestres, disponibles en nombre limité, et l'accès aux orbites les plus
favorables.

Ces dernières années, le nombre d'acteurs dans l'espace extra-atmosphérique a fortement augmenté. L'univers n'est plus le domaine exclusif des grandes puissances; désormais, plus de cinquante États gèrent des programmes spatiaux. Outre les États, des acteurs privés, commerciaux ou non, notamment de petites sociétés industrielles privées, jouent un rôle de plus en plus important. Sur le plan économique, on assiste à une privatisation et à une commercialisation, couplées sur le plan technique à une miniaturisation, ce qui a pour conséquence d'offrir un accès plus large à la navigation spatiale. La combinaison de rivalités entre États, parfois de nature politique, et de conflits économiques transnationaux, aura une influence sur les relations internationales; les États chercheront à poursuivre une politique et devront simultanément s'adapter aux événements.

Depuis les débuts de la conquête spatiale, les intérêts politiques et militaires prennent une importance majeure, qui ne cesse de s'accentuer. Le savoir technologique qui peut servir à des fins militaires se propage dans un nombre croissant d'États qui envisagent une utilisation militaire de l'espace. Cette utilisation revêt différentes formes, allant des activités de surveillance à celles de la reconnaissance et de la détermination de cibles, en passant par les activités propres à la navigation et au 7561

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pilotage de divers armes jusqu'à leur cible. Les États-Unis, la Russie et la Chine disposent de systèmes d'armement capables de détruire depuis le sol des satellites en orbite proche de la Terre. Outre les attaques cinétiques, des attaques consistant par exemple à brouiller ou éblouir des capteurs satellites optiques au moyen de rayons laser ou même d'impulsions électromagnétiques nucléaires afin de détruire leurs composantes électroniques sont également possibles. La conduite de la guerre contre des cibles terrestres depuis l'espace extra-atmosphérique n'est en revanche restée, jusqu'à présent, qu'une vue de l'esprit, au même titre que la guerre spatiale, autrement dit la lutte contre des objets situés dans l'espace au moyen d'armes stationnées dans l'espace. Les États-Unis et la Russie ont effectué divers essais dans ce domaine, et les rumeurs que ces États disposent de telles capacités persistent.

L'utilisation croissante de l'espace accentue la thématique d'une utilisation à double usage; ainsi, les applications civiles et militaires ne peuvent que difficilement être envisagées séparément. Bon nombre d'applications qui sont aujourd'hui d'un usage courant ont une origine militaire, par exemple les images satellites ou les systèmes de navigation. Inversement, des infrastructures et des applications civiles peuvent également servir à des fins militaires. Étant donné qu'un nombre croissant d'États utilise ou entend utiliser l'espace dans une perspective militaire et que tous les efforts internationaux allant dans le sens d'une restriction ou d'une régulation n'ont eu que peu de succès, on peut légitimement penser que la concurrence pour l'accès à l'espace extra-atmosphérique et son utilisation ira croissant, même si aucun État ne peut en revendiquer la possession, en tout ou en partie, sur le plan du droit international.

Conséquences pour la Suisse Des marchés ouverts et mondiaux sont essentiels pour la Suisse et pour sa prospérité. Elle a bénéficié de la mondialisation et peut, par conséquent, s'attendre à ce que le développement de la prospérité lui soit bénéfique. Les économies nationales fondées sur les exportations dans les domaines de la haute technologie et des services ont, de façon générale, de bonnes cartes en main dans un marché mondial en pleine mutation. Il n'en demeure pas moins
que l'Europe perdra de son influence sur les plans économique et politique par rapport aux pays émergents, et la Suisse ressentira les effets d'un marché du travail de plus en plus mondialisé et ceux d'une migration elle aussi mondialisée. Les défis qui attendent l'Europe seraient considérablement plus nombreux si le système financier et économique mondial devait connaître une nouvelle crise ou si les acquis du marché commun étaient mis à mal par des situations de crise récurrentes au sein de l'UE.

La dépendance de l'économie suisse envers les importations de matières premières, de biens et de services constitue une faiblesse dont l'État et l'économie doivent tenir compte en cas de problèmes d'approvisionnement. Du fait de ses connexions internationales, la Suisse a des intérêts qui s'étendent à l'étranger, où sa forte présence lui assure un bon réseau économique et social au niveau mondial; le revers de la

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médaille est que ses ressortissants et ses intérêts sont, de ce fait, aussi menacés par des conflits et des actes de violence11.

L'industrie suisse externalise en partie la fabrication de produits dans des pays où les coûts de production sont moindres. Cette pratique s'accompagne toujours d'un transfert de savoir-faire, lequel peut ensuite être utilisé à mauvais escient dans le pays de destination. Dans le secteur de la recherche également, la tendance est à l'internationalisation, notamment en raison de la pénurie de main-d'oeuvre spécialisée indigène qui sévit en Suisse.

La Suisse est fortement dépendante d'une utilisation sans perturbations de l'espace extra-atmosphérique. Les instruments avec lesquels elle gère sa politique de sécurité utilisent aujourd'hui des signaux de navigation provenant de l'espace, des images satellites et des procédures de communication par satellite. Or, au vu de l'importance de l'espace extra-atmosphérique et des développements internationaux, elle est confrontée à un certain nombre de défis concernant précisément sa sécurité.

La Suisse n'exploite pas de satellites qui lui sont propres12 et n'est pas en mesure d'assurer à elle seule l'exploitation et la protection d'un système spatial complet.

Étant donné que la disponibilité des prestations de fournisseurs commerciaux ou de partenaires n'est pas garantie en cas de conflit, il convient de vérifier si la Suisse doit mettre en place ses propres capacités, au moins dans des domaines partiels. Il faut aussi mettre en évidence les dépendances qui existent vis-à-vis des applications spatiales et la manière de les gérer. Il y a lieu d'apporter tout particulièrement des éclaircissements dans des domaines tels que la reconnaissance par satellite (p. ex.

pour la surveillance d'infrastructures terrestres critiques), la navigation et le positionnement (p. ex. pour une navigation précise par tous les temps, au sol et dans les airs) ou les systèmes de communication aériens et spatiaux. Pour ce faire, des organes étatiques civils et militaires doivent coordonner étroitement leurs activités et collaborer avec le secteur de la recherche et de l'industrie en Suisse.

Au niveau international, la Suisse s'engage en faveur de l'utilisation pacifique de l'espace extra-atmosphérique ainsi que de la stabilité et de la sécurité dans l'espace.
Elle s'engage contre la course aux armements et contre le maintien d'armes dans l'espace. Elle plaide pour des réglementations internationales appropriées, applicables et qui tiennent compte des développements technologiques.

11

12

Les Suisses effectuent 9 millions de voyages à l'étranger par an environ et 700 000 d'entre eux sont des expatriés. Les intérêts de la Suisse à l'étranger sont représentés au sein de 172 représentations étrangères (103 ambassades, 12 missions auprès des organisations internationales, 22 bureaux de coopération, 31 consulats généraux, 4 autres bureaux extérieurs) et 195 consulats honoraires. S'y ajoute un grand nombre de sociétés et d'organisations non gouvernementales entretenant d'étroites relations avec la Suisse, dont certaines organisent des engagements humanitaires dans des régions en crise.

Un mini-satellite conçu par l'EPFL (Swiss Cube) a été envoyé dans l'espace en septembre 2009 pour photographier un phénomène luminescent dans les hautes couches de l'atmosphère, provoqué par l'interaction entre le rayonnement du soleil et les molécules d'oxygène. Il ne s'agit toutefois pas d'une utilisation opérationnelle d'un satellite par la Confédération.

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2.1.3

Persistance des crises, des bouleversements et de l'instabilité

Ces dernières années, le contexte politique a connu une accentuation des crises et des bouleversements, principalement en Afrique du Nord, au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Des États fragiles se trouvent à l'intérieur de ces régions, voire en dehors; on assiste à une déliquescence, voire à une dissolution, de l'appareil étatique dans un nombre croissant de régions. On peut en déduire que les bouleversements vont se poursuivre, que la situation continuera de s'aggraver et que l'instabilité perdurera.

En Europe, les circonstances n'ont rien de comparable avec celles de ces régions.

Néanmoins, sa stabilité économique, financière, sociale et, en partie aussi, politique s'est révélée moins solide que ce que l'on pensait ­ initialement en raison de la crise financière et de l'endettement, mais plus encore avec le conflit armé en Ukraine et l'afflux considérable de réfugiés en provenance du Proche-Orient, du Moyen-Orient et d'Afrique.

Régions en crise La combinaison des bouleversements, des crises et de l'instabilité au Proche-Orient et au Moyen-Orient est particulièrement explosive: outre des problèmes non résolus datant de plusieurs décennies (conflit israélo-palestinien, tensions ethniques et religieuses au Liban), on peut y voir comment des États et des sociétés fragiles et affaiblis par des conflits sont le terreau de mouvements radicaux, pas nécessairement d'origine locale, et qui ne verraient pas le jour si le contexte était plus stable. Ainsi, certaines régions d'Irak et de Syrie sont contrôlées par une organisation terroriste («État islamique») et des combattants étrangers (dont beaucoup viennent d'Europe, et notamment de Suisse pour quelques-uns d'entre eux) prennent part aux combats dans ces pays. Des cellules d'Al-Qaïda et de l'organisation «État islamique» se trouvent toutefois aussi dans d'autres pays de la région et ailleurs. Elles prospèrent dans les régions en crise et profitent de l'incapacité des États à imposer leur monopole de la force armée et à contrôler leurs frontières. La faiblesse des structures étatiques, le fait que des soulèvements contre le gouvernement ont réussi par le passé, la légitimité douteuse des frontières définies par les puissances coloniales et la résurgence d'identités dépassant le cadre des frontières menacent l'ordre établi dans ces régions.

Le conflit
autour du programme nucléaire iranien a pu être désamorcé par la conclusion d'un accord global entre l'Iran, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU et l'Allemagne, en juillet 2015. L'accord prévoit une restriction massive des capacités de l'Iran dans le domaine nucléaire en même temps que la levée des sanctions internationales à son encontre. Cet accord pourrait, s'il est mis en oeuvre, déclencher une nouvelle dynamique dans la région du golfe Persique, l'Iran retrouvant un rôle de premier plan; reste toutefois le risque d'un conflit entre l'Iran, principale puissance chiite, et l'Arabie saoudite, principale puissance sunnite.

La tension entre ces deux États est un facteur décisif dans plusieurs conflits régionaux (Irak, Syrie, Yémen).

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Dans la région du Sahel, les revendications traditionnelles se mêlent aux conflits plus récents. La faible participation des minorités à l'exercice du pouvoir, les inégalités sociales et la faiblesse de l'appareil étatique alimentent souvent des tensions qui peuvent aboutir à des insurrections et des coups d'État. L'économie clanique et la corruption entravent le développement économique. Une aggravation des problèmes environnementaux et la croissance démographique accentuent la pauvreté, les flux migratoires, le chômage et l'exode rural. De vastes territoires échappent au contrôle étatique et les États ne peuvent pas garantir la sécurité de leur population. Le crime organisé transnational et des acteurs politiques locaux disposent ainsi d'une grande liberté pour s'adonner à la traite des êtres humains, au trafic de drogues ou d'armes, aux prises d'otages et au blanchiment d'argent, et les groupes terroristes deviennent de plus en plus populaires. Des groupes, tels qu'Al-Qaïda au Maghreb islamique ou les branches de l'organisation «État islamique» au Nigéria (Boko Haram) et en Libye, poursuivent leurs activités ou ont pris pied dans la région. Ils bénéficient, pour certains, d'un soutien financier extérieur. L'instabilité dans la région frontalière de la Libye, de l'Algérie et du Niger, mais aussi au Mali, est particulièrement aiguë.

De façon générale, le Sahel est une région marquée par l'instabilité, en dépit des efforts déployés par certains États, par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, par l'Union africaine, par les Nations Unies et par d'autres organisations internationales.

États fragiles Un problème de sécurité fondamental, en Afrique du Nord et au Proche-Orient, mais aussi dans d'autres régions, tient à la faiblesse des structures étatiques. Cela signifie que certains pays ­ qualifiés d'États fragiles ­ ne sont pas en mesure de répondre aux besoins fondamentaux de la population et d'assurer des fonctions étatiques, parce que leur organisation ou les moyens financiers dont ils disposent ne le permettent pas ou parce qu'ils sont déchirés par des conflits internes. Le comportement des élites locales, les forces dont elles disposent et la manière qu'elles ont d'exercer le pouvoir influent fondamentalement sur cette situation. Souvent, les réserves de matières premières,
leur accessibilité et la répartition des retombées économiques jouent un rôle central. La faiblesse des institutions donne une faible légitimité à ceux qui gèrent les affaires politiques et entraîne une absence d'état de droit et un monopole étatique partiel, voire inexistant, de l'usage de la force. Des lacunes apparaissent alors dans la sécurité dont doit bénéficier la population et dans le respect des droits de l'homme, et la croissance économique reste faible. Le développement des nouvelles technologies, l'évolution démographique et le changement climatique ont, ces dernières années, fragilisé davantage certains États.

Très souvent, le trafic de drogues et celui des armes ainsi que les violations des droits de l'homme sont à la fois les causes et les conséquences de cette fragilité et des conflits armés. Ces derniers sont généralement alimentés par des économies de guerre, elles-mêmes étroitement liées au crime organisé, à la corruption et au terrorisme. Près des deux tiers des États fragiles ont connu des conflits armés depuis 1989 et plus du 40 % sont le théâtre de nouveaux affrontements dans la décennie qui suit.

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Un autre phénomène concomitant des États fragiles et des conflits violents est la piraterie. Les attaques visant des navires marchands avec détournements et demandes de rançons ont débuté en 2006, dans le golfe d'Aden, pour ensuite s'étendre à la corne de l'Afrique et à des parties de l'Océan indien. Les opérations militaires déployées en 2009 et les mesures de prévention prises par les armateurs ont rapidement déployé leurs effets. Le haut lieu de la piraterie s'est déplacé vers la côte de l'Afrique de l'Ouest, principalement au large du Nigéria. En Afrique, la propension à la violence s'ajoute à la demande de rançon, ce qui se solde souvent par des blessures graves infligées aux membres d'équipage des bateaux piratés ou par leur mort.

La Libye et le Yémen illustrent de quelle manière l'autorité étatique peut être rapidement réduite à néant. Dans les deux cas, des conflits internes impliquant une influence extérieure ont rapidement transformé un État fragile en un État véritablement déstructuré, communément qualifié d'État failli.

Conséquences pour la Suisse L'insécurité qui règne au Maghreb, au Proche-Orient et au Moyen-Orient exerce une influence directe sur la sécurité en Suisse: les conflits qui ravagent ces régions, l'hostilité des organisations terroristes Al-Qaïda et «État islamique» contre l'Occident et l'attrait suscité par le djihadisme sur des personnes vivant en Suisse jouent un rôle déterminant dans la menace d'attentats sur le sol suisse ou d'attaques terroristes visant des ressortissants et des infrastructures suisses à l'étranger. Il n'est pas uniquement question ici des projets des organisations terroristes; des personnes en Suisse peuvent se radicaliser et passer à l'acte sans pour autant avoir des liens directs avec de telles organisations. Ce sont surtout les djihadistes de retour en Suisse qui représentent une menace. Par ailleurs, l'instabilité régionale provoque ou favorise les flux de réfugiés et de migrants, qui peuvent également être utilisés par les terroristes pour entrer en Suisse sans se faire remarquer.

Les ressortissants suisses et les intérêts de la Suisse peuvent également être menacés à l'étranger. En comparaison internationale, les Suisses devraient continuer à effectuer un nombre de voyages supérieur à la moyenne ou à davantage travailler à l'étranger,
y compris dans des régions en crise. De ce fait, les intérêts de la Suisse peuvent être affectés, plutôt par hasard, par des conflits ou des actes terroristes; toutefois, en tant que nation occidentale, la Suisse est perçue par les djihadistes comme faisant partie du camp ennemi. Dans les zones de conflits du monde islamique notamment, les Suisses peuvent, à tout moment, être victimes d'enlèvements ou d'actes terroristes13. Pour un nombre croissant de représentations diplomatiques suisses, la sécurité est une question de plus en plus ardue de sorte que, ces dernières années, des mesures de sécurité accrues ont dû être prises dans plusieurs ambassades. Les conflits violents qui se propagent peuvent en outre, de la même manière que des catastrophes d'origine naturelle ou technique, rendre nécessaire une large évacuation à brève échéance des ressortissants suisses.

13

Le nombre de détournements d'origine terroriste a fortement augmenté au début de cette décennie. Parmi ceux-ci, une douzaine a un lien avec la Suisse. L'attaque commise en 1997 à Luxor (Égypte), où 36 personnes de nationalité suisse avaient trouvé la mort, était toutefois une exception. Reste que des Suisses continuent d'être tués ou blessés lors d'attentats.

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Enfin, cette situation représente un défi pour les entreprises qui ont leur siège en Suisse et qui sont actives dans des États fragiles ainsi que pour la place financière internationale qu'est la Suisse. La réputation de ces entreprises est particulièrement exposée14.

L'instabilité du Proche-Orient et du Moyen-Orient et, en bien des endroits, l'assise précaire des élites politiques font également peser des risques sur les voies de transport économiquement importantes (quelques-unes d'entre elles, telles que le canal de Suez, le golfe d'Aden et le détroit d'Ormuz, traversent ces régions) et sur la production pétrolière, même si la dépendance de l'Occident envers le pétrole d'origine arabe a baissé.

De surcroît, il existe le risque de voir une course à l'arme nucléaire au Moyen-Orient faire obstacle, voire mettre un terme définitif, à la politique mondiale visant à empêcher la prolifération des armes de destruction massive. Or, la prolifération d'armes de ce type est toujours dommageable pour la sécurité de la Suisse.

2.1.4

Mouvements migratoires

Dans le présent rapport, la notion de migration comprend autant les mouvements migratoires d'ordre privé et professionnel que la fuite devant les conflits armés et les persécutions. Outre les conflits et le manque de perspectives économiques et sociales, d'autres facteurs contribuent aussi à faire grossir les flux migratoires, notamment la mondialisation persistante de l'économie, les pyramides des âges divergentes et la disparité de revenus entre les riches et les pauvres, que cela soit au sein d'un même pays ou entre régions ou pays.

Le nombre des personnes en fuite de par le monde n'a jamais été aussi élevé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 2015, plus d'un million de personnes sont venues demander l'asile en Europe, la plupart en raison des conflits qui perdurent en Syrie et en Irak. Dans le pourtour de la Méditerranée, les mouvements migratoires ont fortement augmenté ces dernières années. Alors qu'en 2014, les Syriens passaient principalement par la Libye et le centre de la Méditerranée pour atteindre le sud de l'Italie, ils ont changé de route en 2015, traversant la Turquie et la mer Égée pour se rendre en Grèce. La plupart des demandeurs d'asile afghans, irakiens, pakistanais et iraniens, dont le nombre a augmenté, empruntent également cette route, de même que les personnes originaires des États d'Afrique du Nord. La poursuite du périple des migrants quittant la Grèce par la route des Balkans a été tolérée par les pays traversés qui ont même parfois appuyé le transit.

Outre l'origine des migrants, la route de ces derniers peut aussi rapidement changer.

Diverses mesures prises par les États peuvent contribuer à contenir la migration sur

14

Cf. le rapport de juin 2015 du Groupe interdépartemental de coordination sur la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (GCBF) sur l'évaluation nationale des risques de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme en Suisse.

Le rapport peut être consulté l'adresse suivante: www.sif.admin.ch > Thèmes > Lutte contre la criminalité financière.

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une route déterminée ou à la stopper de facto; mais jusqu'à présent, de telles mesures ont simplement reporté les flux migratoires sur d'autres routes.

Les personnes qui atteignent l'Italie prennent généralement la mer en Libye, où les structures étatiques largement défaillantes permettent aux bandes de passeurs de pratiquer leurs activités presque impunément. Un fort potentiel migratoire existe aussi dans les pays d'Afrique occidentale et centrale, où un changement même infime de la situation (p. ex. une détérioration de la situation politique ou économique) peut provoquer une augmentation du nombre des émigrants. Jusqu'ici, les motifs invoqués par les émigrants en provenance du Nigéria et d'autres États d'Afrique de l'Ouest étaient avant tout d'ordre économique, mais les combats qui touchent durablement le nord-est du Nigéria et les pays limitrophes sont venus s'y ajouter. Dans ce contexte, l'Europe n'est qu'un objectif secondaire; la plupart de ces personnes restent sur le continent africain.

En 2015, la migration vers l'Europe a confronté les États se trouvant sur la route des Balkans et les États de destination à de gros problèmes. Les principaux États de destination, à savoir l'Allemagne, l'Autriche et la Suède, ont été fortement touchés.

Les gouvernements de ces pays ont pris diverses mesures pour mieux contrôler le phénomène. Ainsi, certains États membres de l'UE ont réintroduit les contrôles à leur frontière ou ont durci leurs lois relatives à l'asile. Les démarches nationales mettent les accords de Schengen et de Dublin sous une forte pression. Au niveau de l'UE, des programmes prévoyant le déplacement de demandeurs d'asile se trouvant en Italie et en Grèce vers d'autres États européens, auxquels la Suisse a volontairement participé, ont été adoptés.

La Commission européenne a aussi engagé une série de réformes dans le système Schengen/Dublin, dont la création d'une nouvelle agence chargée de la protection des frontières avec plus de prérogatives que l'ancienne et l'adaptation du code frontières Schengen pour pouvoir contrôler systématiquement les personnes bénéficiant de la libre circulation aux frontières extérieures des États membres de l'espace Schengen. Elle ambitionne également de réformer le règlement Dublin afin de favoriser une répartition équitable des responsabilités entre
les États participants.

Conséquences pour la Suisse La Suisse compte parmi les États industriels où l'âge moyen de la population augmente. D'un point de vue économique, elle est donc également confrontée au problème que pose une évolution défavorable de la pyramide des âges pour sa société.

L'arrivée sur son territoire d'une main-d'oeuvre étrangère peut atténuer cette tendance. Dans le même temps, les mouvements migratoires soulèvent des défis d'ordre social et au niveau de la politique de sécurité.

En raison des conflits mondiaux, le nombre des demandes d'asile a augmenté en Suisse comme ailleurs, même si l'augmentation y demeure en deçà de la moyenne européenne. L'évolution de la situation dans les régions en conflit est incertaine, ce qui ne permet pas de prévoir avec exactitude la tournure que prendra le phénomène de la migration.

L'augmentation des mouvements migratoires ne constitue pas en soi une menace pour la sécurité de la Suisse. Si la migration relève avant tout des politiques de 7568

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l'asile, des réfugiés, des migrations et de l'intégration, elle soulève néanmoins une série de questions qui influeront sur la politique de sécurité. En outre, des personnes en rapport avec les milieux terroristes ou ayant des intentions terroristes peuvent se trouver parmi les migrants, comme l'ont montré les attentats en France, en Belgique et en Allemagne. La migration peut favoriser les tensions ethniques ou l'extrémisme violent, par exemple entre les diverses ethnies qui sont parties prenantes à un conflit interne. Les migrants peuvent aussi influer sur le développement de la criminalité: la violence, les infractions contre le patrimoine ou en lien avec la drogue, les falsifications de documents (faux documents de voyage ou de séjour) et les mariages de complaisance sont eux aussi liés aux mouvements migratoires illégaux.

La migration, l'immigration clandestine organisée, l'exploitation et la traite des êtres humains se favorisent mutuellement. Du fait des sommes élevées réclamées par les passeurs, des migrants en situation irrégulière sont exploités pour rembourser leurs dettes par le produit de leur travail. Cette méthode est d'autant plus facile à mettre en oeuvre pour les organisations criminelles lorsque les migrants manquent de moyens et connaissent mal la langue du pays dans lequel ils séjournent. Les femmes et les enfants risquent tout particulièrement d'être les victimes des responsables de la mendicité organisée, de la prostitution forcée ou de l'exploitation de la maind'oeuvre.

En prenant des mesures efficaces à court et à long termes, la Suisse s'engage dans la lutte contre les causes de la migration et pour juguler les effets directs et indirects de du développement de ce phénomène. Ces mesures s'inscrivent, pour une part, dans sa politique étrangère et sa politique migratoire extérieure. Elle fournit ainsi une aide humanitaire pour soulager sur place les populations dans le besoin ainsi que dans les États de transit. Elle s'implique dans la protection des migrants dans les pays de premier accueil et soutient les États touchés et leur population. Elle contribue à ce que les réfugiés puissent construire leur vie dans leur pays d'origine sans dépendre de l'aide d'urgence. Par son engagement, elle traite les causes socio-économiques et politiques de la migration et contribue au
développement sur un plus long terme et à de meilleures perspectives. Par sa politique de paix et des droits de l'homme, elle s'engage dans la prévention des crises et dans le traitement des conflits ainsi que pour une résolution politique de la crise syrienne et d'autres conflits. Elle appuie de surcroît, dans le cadre de dialogues régionaux et au niveau mondial, des approches coopératives dans les questions de migration.

La Suisse s'implique également dans les mesures de l'UE. Par exemple, elle s'engage pour une répartition plus solidaire des demandeurs d'asile et pour une uniformisation à l'échelle européenne des normes les concernant. Une première étape importante dans cette direction est la participation volontaire de la Suisse aux programmes de l'UE sur la relocalisation et la réinstallation des personnes devant être protégées. De même, dans le cadre de son association à Schengen, elle apporte une contribution financière et dépêche des gardes-frontière auprès de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne (Frontex). Elle prend aussi part aux travaux du Bureau européen d'appui en matière d'asile et envoie des experts dans le cadre des missions du bureau destinées à soutenir les États membres.

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Sur le plan national, la Suisse édicte des mesures visant notamment à réduire son attractivité. Ainsi, depuis 2012, les cas des demandeurs d'asile dont les motivations sont peu fondées sont traités en priorité tandis que des procédures accélérées ont été mises au point pour ceux dont les pays d'origine affichent un faible taux de protection. Par ailleurs, elle a constitué des structures devant permettre à des représentants de la Confédération et des cantons de collaborer étroitement pour évaluer en permanence la situation migratoire et gérer les situations de crise. Une planification d'urgence approuvée par la Confédération, les cantons, les villes et les communes doit garantir que toutes les demandes d'asile puissent être enregistrées, contrôlées et gérées, même lorsque leur nombre est en forte hausse. Enfin, des dispositions ont été prises pour que l'armée puisse, en cas de nécessité, venir rapidement en aide aux autorités civiles, en priorité pour des tâches relevant du Corps des gardes-frontière.

La Suisse s'engage pour que les personnes qui n'obtiennent pas le droit d'asile sur son territoire puissent être rapatriées dans leur pays d'origine. Des accords de réadmission ont été conclus à cet effet et les retours volontaires sont encouragés par des mesures incitatives.

2.1.5

Nouveau visage des conflits

La situation en matière de politique de sécurité s'inscrit dans un contexte de mutation constante, y compris sur la manière dont les conflits armés se déroulent. La structure de ces derniers a fortement changé; les plus récents qui ont touché l'Europe en sont la preuve.

Nouveau visage des conflits armés, mais en surface uniquement Les conflits armés se caractérisent de plus en plus par une combinaison de moyens et de forces militaires, politiques, économiques et aussi criminels, et par le recours à des armes et des technologies modernes, en particulier dans le domaine de la communication et dans le cyberespace. La propagande et la désinformation jouent, à cet égard, un rôle central. L'étroite interaction entre les forces régulières et les forces irrégulières revêt une importance particulière. Les forces irrégulières bénéficient souvent de soutiens étatiques et agissent dans l'intérêt d'un État, voire pour le compte de celui-ci, sans que celui-ci ne doive révéler ses intentions au grand jour.

Cette manière de conduire la guerre, souvent qualifiée de guerre hybride, se retrouve dans différents domaines et différentes sphères: sur le champ de bataille, au sein de la population civile, où chacun cherche à gagner sympathie et soutien, et dans la communauté internationale, où le soutien est d'ordre politique et économique. Ce type de conduite de la guerre est notamment employé par des États pour contourner le droit international (en particulier le droit à la légitime défense) ou pour éviter une intervention de la communauté internationale qui serait préjudiciable à l'agresseur.

Dans certaines circonstances, un prétexte est ainsi fourni pour une intervention militaire massive. Cette manière de conduire la guerre n'est pas foncièrement nouvelle; ce qui est nouveau, c'est la qualité que revêtent certains éléments. On observe ainsi de nouveaux moyens et canaux d'information pour la propagande, l'information et la désinformation ainsi que la conduite, des systèmes d'armement 7570

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très performants qui, autrefois, étaient l'apanage des armées régulières et qui sont désormais aux mains de forces irrégulières, le recours à des forces d'intervention spéciales qui agissent parfois dans une zone grise sur le plan du droit international et une intervention dans la sphère d'opérations qu'est le cyberespace. Les événements en Ukraine illustrent ce type de conflits.

Opérations d'information: désinformation et propagande Pour atteindre leurs buts, quantité d'États recourent à tout l'arsenal des forces dont ils disposent, notamment à la politique étrangère et à l'armée ainsi qu'aux campagnes d'information. Ces dernières sont combinées à d'autres mesures ou engagées préalablement à des actions militaires afin d'influencer le public et l'adversaire, l'objectif étant de discréditer ou de diviser les acteurs et de créer une atmosphère telle qu'une part considérable de la population ne croie plus les déclarations de ses autorités. Concernant les opérations militaires, les campagnes d'information peuvent permettre à un attaquant de ne pas déployer ses forces armées à grande échelle, mais d'engager, par exemple, uniquement des forces spéciales, tout en augmentant ses chances de l'emporter en engageant ses troupes régulières le cas échéant.

Les campagnes d'information se caractérisent principalement par des activités de désinformation et de propagande destinées à empêcher l'adversaire d'agir dans l'infosphère, à s'emparer de l'initiative et à causer des dommages. La désinformation consiste à briser la confiance que la population accorde aux communiqués officiels en y introduisant de fausses informations qui jettent le discrédit sur certains de leurs aspects. La propagande, par contre, sert à diffuser des informations donnant un éclairage partial à des événements, favorisant ou dépréciant ainsi certaines positions politiques.

Les éléments des campagnes d'information sont souvent le fait d'organes centralisés; leurs messages clés sont parfois diffusés par des médias créés pour la circonstance (chaînes de télévision, portails d'actualités) et par les réseaux sociaux. On observe également un traitement systématique des commentaires dans les médias en ligne.

Conflits armés internes et interétatiques L'effondrement des structures étatiques et l'érosion du monopole de la puissance étatique favorisent
les conflits armés internes et les affrontements qui s'apparentent à une guerre civile. Les milices locales, les mercenaires, les bandes criminelles et les sociétés de sécurité privées y jouent un rôle central. Reste à savoir si la fréquence des altercations de ce type ne cessera d'augmenter ou, au contraire, diminuera ces prochaines années. Ces conflits seront certainement plus fréquents que les guerres interétatiques, ce qui ne veut pas dire que ces dernières ne se produiront plus, bien au contraire. Les moyens et les capacités militaires traditionnels continueront par conséquent à jouer un rôle majeur. Là où des formations militaires régulières interviennent, le combat interarmes sera également la règle à l'avenir. Infanterie, chars, artillerie, avions de combat et autres moyens de la guerre aérienne garderont toute leur importance.

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Technologie Toutes les parties prenantes à des conflits, qu'elles soient étatiques ou non, ont aujourd'hui beaucoup plus de possibilités d'obtenir des informations sur l'adversaire et de dresser un tableau de la situation. Dans certains domaines, en particulier dans le cyberespace, les frontières nationales et les distances ne jouent plus guère de rôle, tandis que dans d'autres, une présence physique sur place reste une nécessité. En ce qui concerne les moyens d'action, les distances ont aussi perdu de leur importance.

C'est particulièrement vrai dans le cyberespace, une fois de plus. Les cyberattaques peuvent être menées en soutien aux opérations militaires ou indépendamment des interventions de l'armée. On peut en déduire que dans les conflits futurs, quasiment toutes les parties, qu'elles soient petites ou grandes, étatiques ou non, adopteront un rôle offensif dans le cyberespace. En raison de l'importance accrue de ce dernier, la Suisse peut, en cas de conflits armés, en être affectée si des acteurs étrangers participant au conflit utilisent abusivement son infrastructure d'information et de communication ou l'endommagent. Des restrictions frappant ces infrastructures à l'étranger peuvent également se répercuter directement sur la Suisse.

Les distances perdent aussi de leur importance dans la projection de la force physique, quoique dans une ampleur bien moindre. Avec la diffusion de vecteurs à longue portée, en particulier pour les missiles balistiques et les missiles de croisière, de plus en plus d'États seront à même d'opérer militairement sur des milliers de kilomètres. Un type particulier de projection du pouvoir au niveau mondial est le recours à des drones, fréquemment stationnés au niveau local, mais pilotés directement depuis leur pays d'origine, pour la reconnaissance et pour atteindre des objectifs. Jusqu'à présent, seuls les États-Unis disposaient de cette capacité. Le nombre d'acteurs pouvant exercer ce type de pouvoir à l'échelle mondiale va cependant augmenter. Les possibilités dont disposeront les acteurs non étatiques de projeter la force physique demeureront toutefois moindres par rapport à celles des États: pour eux, le recours à la force dans des régions éloignées se limitera souvent à l'envoi de combattants ou à leur recrutement au niveau local, ce que facilitent la
mobilité mondiale et l'interconnexion.

Conséquences pour la Suisse La probabilité que la Suisse ­ notamment avec le nouveau mode de déroulement des conflits ­ puisse être elle-même impliquée dans un conflit armé15 dans un avenir proche s'est certes accrue, mais elle demeure néanmoins faible. La nouvelle structure des conflits influe cependant sur elle, sur sa politique de sécurité et sur les instruments dont elle dispose pour mettre en oeuvre cette politique: face à de nou15

Par conflit armé, on entend dans le présent rapport une situation dans laquelle la Suisse doit se défendre. Autrement dit, l'ampleur de la menace (intensité, étendue) est telle que l'intégrité territoriale, l'ensemble de la population ou l'exercice de la puissance étatique se trouve menacé et que l'armée doit être engagée pour mener à bien sa mission de défense. Cette interprétation du terme «défense» s'appuie uniquement sur la Constitution et répond donc à une question interne à l'État qui est de savoir qui est compétent dans une situation de mise en danger notable de la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse. La définition du cas de défense tel qu'il est prévu par la Charte de l'ONU et celle prévue par le droit international des conflits armés sont réservées.

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velles réalités, l'orientation et la performance des instruments dont dispose la Suisse pour mener à bien sa politique de sécurité doivent être adaptées pour satisfaire aux nouvelles exigences.

Les changements dans la manière dont sont projetés les conflits concernent avant tout l'armée. Ses capacités doivent s'adapter à la situation du moment tout en envisageant son évolution future, et non à ce qui valait par le passé.

Une partie de l'adaptation a consisté à examiner dans quelle mesure la perception de ce qu'est un conflit armé (et donc également de la tâche de défense de l'armée) a évolué et doit être revue en raison de la mise en parallèle de la conduite de la guerre conventionnelle et celle de la guerre non conventionnelle. Cette question a été étudiée dans le cadre constitutionnel et juridique existant; les résultats de cette étude sont résumés au ch. 3.3.3 du présent rapport. Le point essentiel est le fait que, dans certaines circonstances, un conflit armé existe également lorsqu'une attaque est menée par des groupements non étatiques et se déroule à l'intérieur d'un pays; le terme ne désigne pas uniquement une attaque perpétrée par des forces armées étatiques à la frontière d'un État.

Des conséquences concrètes de la nouvelle structure des conflits ont été étudiées dans le cadre du développement de l'armée, principalement sous l'angle de la disponibilité, de l'instruction et de l'équipement. Les attaques armées peuvent se dérouler rapidement; l'armée doit donc pouvoir être mobilisée et engagée au plus vite, notamment pour la protection des infrastructures critiques. En raison de la diversité de plus en plus grande des possibilités d'agression et de la probabilité accrue d'une attaque contre des cibles civiles, l'armée doit être davantage orientée vers des tâches de protection et de sécurisation, que ce soit sous la forme d'un engagement subsidiaire en appui aux autorités civiles ou dans le contexte de la mission de défense qui lui incombe. Cette situation a des répercussions sur l'instruction et l'équipement.

Pour réagir efficacement à ces formes de conflits, il est important de pouvoir identifier et classer rapidement les infrastructures critiques par ordre de priorité. La tenue d'un inventaire actualisé de ces infrastructures et son intégration dans un système national de suivi
coordonné de la situation sont essentielles, au même titre que la mise en place et le contrôle de dispositifs de protection pour les ouvrages particulièrement importants.

Le grand potentiel de propagande et de désinformation doit être pris en compte dans l'élaboration de l'information et de la communication de la part des autorités, pour contrer ou du moins atténuer leur impact tout en rétablissant des informations et une communication véridiques en cas d'événement. Pour cela, les autorités doivent absolument tenir compte de la possibilité que l'adversaire puisse mener des campagnes d'information et reconnaître l'importance d'une information active et objective.

La dimension cybernétique dans les conflits modernes est une des raisons pour lesquelles les entreprises et les exploitations des secteurs public et privé, ainsi que les autorités ­ y compris l'armée ­ se protègent mieux dans ce domaine. Elle explique aussi pourquoi les capacités en matière de renseignement et de sciences forensiques doivent être préservées et développées pour permettre d'identifier, de

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poursuivre et de prouver les cyberattaques, et aussi pour prévenir toute désinformation.

Le recours à des troupes non désignées comme telles et l'engagement dans des conflits de troupes non étatiques dirigées et soutenues par des États soulèvent par ailleurs des questions d'ordre opérationnel et juridique.

2.2

Menaces et dangers

2.2.1

Introduction

Si l'on considère l'évolution des menaces et des dangers 16 depuis le dernier rapport sur la politique de sécurité de la Suisse, on constate que des événements déterminants se sont produits principalement en lien avec des conflits armés (Ukraine, Yémen, Syrie, Irak), avec le terrorisme (expansion de l'organisation «État islamique»), avec l'espionnage (affaire de la NSA) et avec des catastrophes d'origine technique (Fukushima). Les changements en matière de criminalité, d'l'extrémisme violent et de danger lié aux problèmes d'approvisionnement et aux dangers naturels ont été moins marqués.

Les cyberattaques (perpétrées par des acteurs étatiques et non étatiques) et la cybercriminalité ont également augmenté. Le dernier rapport résumait la menace dans le cyberespace sous l'aspect des attaques contre l'infrastructure informatique et l'infrastructure de communication. Dans le présent rapport, une autre approche a été choisie. L'informatique concerne désormais pratiquement tous les aspects de la vie; partout où des réseaux informatiques étendus sont établis, il existe un risque d'utilisation abusive de l'espace virtuel constitué par ces réseaux, à savoir le cyberespace: la menace dans le cyberespace est une menace transversale. Dans une certaine mesure, elle crée de nouvelles menaces. Mais elle intensifie surtout les menaces existantes. Elle facilite par exemple l'espionnage, renforce le danger d'une panne d'approvisionnement en donnant la possibilité à des tiers d'intervenir sur les infrastructures critiques et offre aux milieux criminels un choix de plus en plus étendu d'instruments. C'est pourquoi les menaces de nature cybernétique ne sont pas représentées dans une catégorie à part dans le présent rapport, mais comme une composante complémentaire et de plus en plus importante des autres menaces et dangers.

Les pages qui suivent présentent les principaux dangers et menaces 17 touchant de près ou de loin la Suisse. Pour montrer de manière claire et compréhensible quels types de menaces et de dangers sont concernés et les développements actuels qui les influencent, ils doivent être distingués les uns des autres et décrits séparément. On aurait toutefois tort d'en conclure que les menaces et les dangers décrits ne peuvent 16

17

Une menace implique une volonté de nuire à la Suisse ou à ses intérêts, ou du moins de s'accommoder d'une telle atteinte. Un danger n'implique pas de volonté de nuire (par ex.

dangers naturels ou techniques).

Les menaces et les dangers forment parfois un faisceau. Ainsi, le danger que représentent les catastrophes naturelles et les situations d'urgence comprend, outre les catastrophes naturelles et techniques, les pandémies et les conséquences du changement climatique. La menace que constitue l'attaque armée comprend également les répercussions de la prolifération des armes de destruction massive et des moyens nécessaires à leur utilisation.

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survenir qu'individuellement et indépendamment les uns des autres; cela reviendrait à les sous-estimer en omettant les deux phénomènes ci-après: ­

D'une part, il faut considérer la combinaison ou l'enchaînement de différents dangers et menaces. Ainsi, une catastrophe naturelle pourrait causer des pannes d'approvisionnement, lesquelles pourraient, à leur tour, engendrer une dégradation rapide de la sécurité publique. Une cyberattaque pourrait occasionner une panne de courant à grande échelle, laquelle affecterait à son tour la plupart des fonctions de l'économie et de la société, déclenchant alors des réactions en chaîne qui toucheraient la population dans son ensemble. En d'autres termes, lorsqu'une menace ou un danger devient réel, il est très probable qu'il en provoque d'autres. Il faut en tenir compte dans les mesures (et aussi lors des exercices) liées à la politique de sécurité. Maîtriser uniquement une menace ou un danger spécifique ne suffit pas; il faut également prendre en compte les interactions et les répercussions.

­

D'autre part, le lien avec la Suisse doit être perçu au sens large. La Suisse, sa population et ses intérêts peuvent subir des préjudices même s'ils ne sont pas une cible prioritaire ou ne sont pas visés du tout. En raison de ses rapports étroits avec les pays voisins tout particulièrement, et même au-delà, la Suisse est inévitablement touchée lorsqu'une menace se concrétise dans un État, une économie nationale ou une société se trouvant dans son voisinage; en politique de sécurité comme ailleurs, on parle de dommage collatéral. Si un État situé aux abords de la Suisse participe à un conflit armé, s'il est la cible d'attaques terroristes ou si son économie et sa politique sont minées par le crime organisé, cela a également des conséquences sur la sécurité de la Suisse. C'est pourquoi les menaces présentées ci-après sont importantes pour la Suisse, même si elles ne sont dirigées directement contre elle, mais contre son environnement proche.

2.2.2

Acquisition illégale et manipulation d'informations

L'espionnage à des fins politiques ou économiques contre la Suisse ou contre des intérêts suisses a de tout temps existé. Le risque que des processus et des décisions politiques ou le développement et la stabilité de l'économie soient influencés par des informations falsifiées ou la possibilité que le pays soit touché par des actes de sabotage n'a rien de nouveau non plus.

Outre les moyens traditionnels, comme le recours à des espions, les technologies de l'information et de la communication sont de plus en plus souvent utilisées à des fins d'espionnage, que ce soit pour s'introduire dans des réseaux informatiques, pour manipuler des téléphones mobiles dans le but de mettre des personnes sur écoute ou pour effectuer des recherches illégales par Internet. Des services de renseignement et des entreprises confient aussi à des agences privées à but commercial (détectives, cabinets de conseil) et à des pirates informatiques la mission d'obtenir des données et des informations confidentielles.

Une évolution nouvelle, et qui prend de l'ampleur, est le fait que les informations obtenues illégalement sont proposées dans un but commercial et qu'il existe désor7575

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mais aussi un marché dans ce domaine. Tant ceux qui peuvent potentiellement publier ces données que ceux qu'elles sont susceptibles d'intéresser font preuve de moins de scrupules que par le passé. Même les États ne semblent plus gênés d'acquérir des données par des voies illégales.

Alors qu'autrefois, l'espionnage impliquait que des agents foulent le sol suisse ou recrutent des Suisses à l'étranger pour agir dans notre pays, au risque d'être arrêtés, la situation a sensiblement changé ces dernières années. La forme traditionnelle de l'espionnage reste certes ce qu'elle a toujours été, mais les connexions favorisées par les réseaux informatiques permettent désormais d'accéder aux informations par voie électronique, sans jamais devoir entrer sur le territoire de l'objet convoité. Même de petits États ou de petites organisations peuvent aujourd'hui espionner leurs concurrents ou adversaires par ce biais. Pour les attaques ciblées, on emploie principalement des maliciels envoyés à des victimes soigneusement choisies.

Il est également possible d'intervenir dans les installations de gestion afin de provoquer des réactions imprévisibles, par exemple dans des usines ou des infrastructures critiques, et, dès lors, pour saboter des systèmes critiques. Comme l'ont montré différentes affaires, des agents et des techniques d'espionnage sous leur forme traditionnelle accompagnent souvent les attaques de ce type. Une autre menace est la destruction irrévocable d'informations (contre laquelle de bons plans de sauvegarde sont utiles) ou leur falsification insidieuse (ce qui rend l'attaque beaucoup plus difficile à déceler) par des maliciels.

Une autre forme de cyberattaque est la manipulation d'informations par le piratage de sites Internet d'autorités étatiques, de médias ou d'entreprises, par exemple. La diffusion de messages jetant le discrédit sur ceux-ci et l'interruption des services peuvent nuire à leur réputation et influencer l'opinion publique. Les médias sociaux permettent de diffuser des messages très rapidement et à moindres frais, y compris ceux qui ont pour but de manipuler ou de discréditer autrui.

Manipulation des technologies de l'information et de la communication par des États à la pointe de la technologie Quelques rares États à la pointe de la technologie ont vu dans la mise en réseau
informatique de pratiquement toutes les banques de données et tous les systèmes de pilotage techniques, et en particulier par la concentration du développement technique de composants réseau entre les mains de quelques sociétés, la possibilité de mener des attaques encore plus pointues. Celles-ci vont de la manipulation d'installations de pilotage industriel à une surveillance des communications à l'échelle mondiale.

Certains États sont en mesure d'influer sur la fabrication du matériel informatique et des logiciels. En ayant accès à la programmation, en particulier aux mises à jour des composants réseau et des systèmes d'exploitation ou en affaiblissant artificiellement des systèmes de cryptage, il leur est possible d'intervenir directement dans les systèmes. Un adversaire potentiel n'a alors plus besoin de surmonter les obstacles posés par les réseaux ou les pare-feu, puisqu'il se retrouve directement dans le réseau de l'entreprise, à savoir dans les composantes matérielles ou logicielles produites par

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les sociétés étrangères18. Étant donné qu'aucun code malveillant extérieur au système n'est utilisé et que la manipulation fait partie intégrante du système livré, il devient très difficile pour la victime, au vu de la complexité des systèmes actuels, de déceler l'existence même de l'attaque.

Questions fondamentales soulevées par le recours à des technologies de base à des fins d'espionnage L'utilisation à grande échelle de technologies liées à Internet par des États à la pointe de la technologie dans le cadre du renseignement a des implications diverses.

Lorsque des technologies de base de l'information et de la communication utilisées sur la toile mondiale apparaissent soudainement comme n'étant plus fiables, il est très difficile de prendre des mesures de protection, car on ne peut pratiquement plus renoncer à ces technologies. Il est également difficile de classer ces activités sur le plan juridique. Jusqu'où peut aller la lutte légitime contre le terrorisme ? À partir de quand y a-t-il espionnage ou une atteinte inadmissible à la sphère privée ? La surveillance des communications à l'intérieur d'un État est, le plus souvent, strictement régulée, du moins dans les pays démocratiques, et doit souvent être autorisée cas par cas, par exemple par des tribunaux. De façon générale, toute collecte, tout traitement et toute sauvegarde de données de communication touchent des garanties ancrées dans le droit international et de portée universelle, en particulier le droit au respect de la sphère privée. Ces garanties entraînent des responsabilités pour les États, notamment dans leurs activités transfrontières.

En Suisse, il existe aussi des fournisseurs de services de surveillance de l'information et de la communication qui peuvent proposer leurs prestations à d'autres États à des fins commerciales. On peut alors se demander si ces activités sont compatibles avec la politique de sécurité et la politique étrangère de la Suisse.

La Suisse, cible attrayante pour l'espionnage notamment à titre de terre d'accueil d'organisations internationales L'attrait de la Suisse pour les services de renseignement étrangers a pour origine les principaux éléments ci-après: ­

18

Une situation centrale en Europe et la qualité des infrastructures de transports et de communication, l'ONU et d'autres instances internationales, en particulier à Genève, la place financière, le commerce de l'énergie et le négoce des matières premières offrent de nombreuses cibles potentielles. Ce n'est toutefois pas nécessairement la Suisse qui est dans le collimateur: les attaques peuvent également viser des organisations internationales, de grandes sociétés et des organisations non gouvernementales. La société Les États-Unis disposent en la matière d'une hégémonie incontestable et d'une position dominante sur le marché parce que la vaste majorité des fournisseurs de technologies de l'information et de la communication (fabricants de logiciels et de matériel informatique) ont leur siège dans ce pays. C'est aussi vrai, dans une moindre mesure, pour la Chine, qui occupe également une place de choix sur le marché de la fabrication de composantes matérielles; le développement des logiciels qui commandent ces composantes n'est toutefois souvent pas en mains chinoises.

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suisse, par son ouverture, augmente les chances pour les espions de passer inaperçus.

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Le gouvernement et l'administration suisses courent un danger en particulier lors de négociations internationales âprement disputées (p. ex. sur des questions fiscales) ou lorsque d'autres États ont l'impression que la Suisse n'en fait pas assez pour combattre des menaces pouvant également représenter un danger pour ces États (p. ex. préparatifs d'actes terroristes, prolifération d'armes dangereuses), ou qu'elle dispose d'informations qui pourraient être intéressantes.

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Les hautes écoles suisses, ainsi que les instituts de recherche publics ou privés, peuvent être des cibles attrayantes pour des services de renseignement et des entreprises étrangers en raison des standards élevés et des découvertes scientifiques qui présentent un intérêt économique.

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Des opposants à des régimes étrangers et des contestataires étrangers qui se trouvent en Suisse peuvent être surveillés par leur pays d'origine.

2.2.3

Terrorisme et extrémisme violent

Même si la Suisse n'a pas été victime d'attentats ces dernières années, le terrorisme et l'extrémisme violent continuent à représenter une menace pour sa sécurité. Le terrorisme à motivation djihadiste restera, dans les années à venir, la forme la plus menaçante du terrorisme et de l'extrémisme violent pour notre pays. Il existe toutefois aussi un potentiel de terrorisme ou d'extrémisme violent dans d'autres domaines (à visée ethnique et nationaliste, d'extrême droite ou d'extrême gauche), qui peut déboucher sur des actions concrètes à brève échéance.

Ces dernières années, la menace émanant du terrorisme à motivation djihadiste s'est accrue; de fait, à l'automne 2015, l'organisation «État islamique» a envoyé des personnes en Europe pour planifier et mener des attentats. Il faut s'attendre à d'autres attentats sur le continent européen, dont les commanditaires seront vraisemblablement l'organisation «État islamique» et Al-Qaïda.

Des groupements extrémistes violents ou terroristes étrangers peuvent aussi mettre en place des lieux de repli et de préparation en Europe. Ils peuvent tenter, même en Suisse, de mener des activités de recrutement, d'appui logistique, de financement et de planification d'attentats notamment, comme le montre le cas des membres d'une cellule de l'organisation «État islamique» condamnés en première instance par le Tribunal pénal fédéral en mars 2016. De telles activités peuvent amener des États mettre une pression politique sur la Suisse ou à prendre des contre-mesures directes susceptibles de porter atteinte à sa souveraineté, par le biais de l'espionnage par exemple.

Internet offre à tous les groupements extrémistes violents ou terroristes des possibilités nouvelles, aussi bien pour la propagande que pour le développement d'un réseau secret. Il facilite l'autoradicalisation de loups solitaires et la participation à la planification d'actes terroristes par-delà les frontières.

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Facteurs déclencheurs: développements et conflits à l'étranger Des groupements extrémistes violents ou terroristes étrangers ont aussi des membres, des appuis et des sympathisants en Suisse. Leur stratégie et leurs actions sont définies en premier lieu par le contexte du combat qu'ils mènent, mais elles peuvent également être influencées par des événements en Suisse (manifestations, débats politiques).

L'organisation «État islamique» a réussi à imposer son pouvoir dans une grande partie de la Syrie et de l'Irak. Elle a endossé le rôle de porte-drapeau du mouvement djihadiste qu'avait auparavant Al-Qaïda. L'attention des djihadistes à visées internationales se porte aussi sur la présence occidentale et sur les intérêts occidentaux dans le monde islamique. La Suisse est donc assimilée à l'Occident, sans toutefois être autant visée que les États occidentaux plus fortement impliqués dans la région.

Cependant, si des événements ou des décisions politiques en Suisse étaient perçus comme étant hostiles aux musulmans au sein du monde islamique, la Suisse pourrait également devenir la cible de protestations violentes. Des combattants de retour des zones en conflit, radicalisés, endoctrinés et entraînés au combat, pourraient commettre des attentats, seuls ou par petits groupes. La radicalisation d'une personne ou sa mobilisation en vue d'un attentat peut se dérouler à distance via Internet et déboucher sur un passage à l'acte en Suisse. À l'heure actuelle, le risque existe de voir un terrorisme endogène se développer, en particulier dans le domaine du djihadisme.

S'il est peu probable que la Suisse devienne une cible prioritaire des djihadistes, le risque demeure (et pourrait, le cas échéant, s'accroître temporairement) que des actes terroristes ponctuels y soient commis.

De plus, des intérêts étrangers (p. ex. des ambassades) ou des organisations internationales en Suisse pourraient être exposés, de manière ponctuelle ou permanente, à une menace accrue liée à des groupements terroristes ou enclins à l'extrémisme violent dont l'identification (actuellement il s'agit principalement de personnes agissant seules ou de groupuscules ayant des liens parfois éloignés avec des groupements plus importants) représente un défi majeur, en particulier pour le renseignement.

Ressources du terrorisme Les terroristes
vont continuer d'essayer de commettre des attentats contre des cibles dites molles. Pour ce faire, ils recourront à des armes à feu et à des explosifs, mais en tâchant d'être le plus innovant possible et en cherchant à obtenir un effet maximal. Les attentats de Paris et de Bruxelles ont montré que les terroristes visent des civils innocents pour choquer fortement la population. Certains groupements pourraient aussi chercher à commettre des attentats impliquant des composantes nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques. Pour une telle entreprise, il faut disposer non seulement des substances nécessaires, mais également des connaissances et des capacités spécifiques. L'engagement au combat de djihadistes en Syrie, un pays utilisant régulièrement des agents chimiques de combat, accroît la menace d'une diffusion de ce savoir-faire.

En ce qui concerne la prolifération des armes non conventionnelles chez les acteurs non étatiques, il faut distinguer deux thématiques. D'une part, il y a le risque que des 7579

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moyens provenant d'arsenaux étatiques tombent entre les mains d'acteurs non étatiques; cette menace est accentuée dans les régions où les structures étatiques sont au bord de l'effondrement. D'autre part, des groupements non étatiques peuvent chercher à fabriquer des armes de destruction massive par leurs propres moyens, mais il est exclu qu'ils parviennent à développer des armes nucléaires, car les terroristes ne disposent pas des ressources nécessaires. L'engagement d'une «bombe sale» chargée de matériel radioactif reste toutefois une menace. Les écueils techniques et logistiques à surmonter dans le domaine des substances chimiques ou des agents pathogènes sont certes significatifs, mais moins élevés. Dans ce contexte, d'aucuns pourraient chercher à se les procurer en Suisse.

Les enlèvements contre rançon sont devenus une source essentielle du financement du terrorisme, qui a également touché et continuera à toucher des ressortissants suisses.

Potentiel de violence stable pour les extrémismes de droite et de gauche En Suisse, l'extrémisme, de droite comme de gauche, est généralement isolé sur le plan social et politique, en particulier lorsqu'il est lié à des actes de violence. Il ne faut pas s'attendre à une diminution de son potentiel de violence, mais rien ne laisse présager non plus que l'extrémisme violent indigène évoluera vers des actes de violence plus graves, voire le terrorisme. La pensée d'extrême droite, en particulier sous sa forme traditionnelle, est toutefois largement rejetée dans notre société. La stratégie de ses acteurs, qui consiste à concrétiser leurs intentions à travers le système politique, a échoué. Face au recul de leurs partisans et à la contrainte d'agir à couvert, ils ne disposent pour l'heure d'aucune nouvelle stratégie. Si la situation ne change pas, il ne faut s'attendre qu'à des actes ponctuels de violence diffuse de la part des extrémistes de droite.

Les partisans d'un extrémisme de droite aussi bien que de gauche chercheront cependant à tirer parti des thèmes d'actualité. De part et d'autre, de nouvelles impulsions pourraient venir de leurs pendants, principalement dans nos pays voisins. Les milieux extrémistes de gauche pourraient toutefois chercher, le cas échéant, à inciter des auteurs étrangers d'actes de violence à mener des attaques contre des intérêts
suisses ici ou à l'étranger. Dans le cas de l'extrémisme de gauche, il faut aussi s'attendre à un glissement du marxisme-léninisme vers l'anarchisme. Le débat sur l'utilisation et le développement de l'espace urbain pourrait lui offrir une nouvelle tribune. Des partisans de l'extrême gauche font d'ailleurs déjà cavalier seul et alimentent la violence, mettant régulièrement à l'épreuve les forces de l'ordre des grandes villes.

2.2.4

Attaque armée

Les années passées ont montré que le recours ou la menace de recours à la force militaire pour imposer des intérêts politiques ou économiques reste une réalité à l'échelle mondiale, notamment en Europe. Il existe différentes manières de procéder; par l'usage de la force militaire traditionnelle, mais aussi par la conduite de la guerre non conventionnelle ou hybride, au cours de laquelle d'autres moyens sont 7580

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engagés à côté ou à la place des armées régulières: forces d'intervention spéciales sans mention de leur appartenance, soutien apporté clandestinement à des groupuscules rebelles par l'envoi de mercenaires et d'armes, par des activités de reconnaissance et par l'octroi de moyens financiers, pression économique et désinformation destinées à dissimuler ses propres activités, à dénigrer la partie adverse et à renforcer le soutien politique de son propre camp. Un adversaire peut réaliser ses objectifs stratégiques en attaquant des infrastructures critiques qui sont essentielles au bon fonctionnement de l'État, de l'économie et de la société. Les attaques de ce type sont essentiellement dirigées contre l'intégrité territoriale de l'État, mais visent aussi directement le fonctionnement général du pays et de ses institutions, allant jusqu'à miner la souveraineté étatique et la cohésion sociale19.

Malgré un certain recul en Europe, le potentiel en matière d'armes conventionnelles y reste considérable, voire augmente dans certains cas. S'y ajoute le fait que des acteurs terroristes et d'autres acteurs non étatiques pourraient disposer de moyens militaires qui étaient jusqu'à présent réservés aux États.

Efforts déployés par la Russie pour renouveler ses forces armées L'OTAN continue de jouer un rôle important dans les planifications militaires de la Russie. Les forces armées russes s'entraînent régulièrement au combat contre l'OTAN dans le cadre de conflits locaux, aux abords de la frontière russe. Après la guerre froide, les forces armées russes ont connu une déchéance rapide et sans précédent. Ses forces nucléaires stratégiques ont été les moins touchées. La Russie commence toutefois à remonter la pente et déploie des efforts considérables pour renouveler ses forces armées.

Ce sont les forces aériennes qui affichent les progrès les plus importants. Une fois passées les difficultés initiales, les forces aériennes russes se sont vu allouer depuis le début de cette décennie des moyens modernes à un rythme soutenu. Désormais, la Russie acquiert chaque année beaucoup plus d'avions de combat que tout autre pays européen. Elle dispose d'ores et déjà de la plus grande flotte d'avions de combat modernes d'Europe, et si la Russie parvient à maintenir cette cadence, sa flotte aura, selon toute vraisemblance,
presque doublé d'ici à 2020, atteignant un niveau semblable à celui des forces aériennes allemandes, britanniques, françaises et italiennes réunies. Sur le plan technologique, ces avions de combat sont tout à fait comparables aux appareils occidentaux, tels que le F/A-18C/D. Des progrès ont également été accomplis dans l'instruction; ainsi, le nombre d'heures de vol annuel des pilotes russes n'est désormais plus très éloigné du niveau occidental. Le renouvellement des autres composantes des forces armées est moins avancé. Dans le domaine des forces terrestres, les forces spéciales, qui se prêtent bien à la maîtrise de conflits limités sur le plan géographique, ont été développées en priorité. Par ailleurs, l'industrie russe de l'armement s'attelle au renouvellement complet du parc des véhicules de combat, notamment avec la production d'un nouveau char qui constitue la première réelle innovation dans ce domaine depuis les années 70. Le développement d'une nouvelle génération de véhicules de combat implique toutefois de relever des défis techniques 19

Une réflexion plus approfondie sur le changement survenu dans la nature des attaques armées et sur les conséquences pour la défense est proposée au ch. 3.3.3.

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et de prendre certains risques. L'acquisition d'un nombre conséquent de véhicules ne se fera pas avant quelques années. À l'heure actuelle, on ne dispose que de peu de données concrètes sur le développement des cybercapacités de ces forces armées, mais il s'agit vraisemblablement d'un domaine hautement prioritaire. Il faut partir du principe que les forces armées russes disposent de cybercapacités étendues et qu'elles les utilisent non seulement pour appuyer des actions militaires, mais aussi comme une ressource indépendante et dans des buts non militaires.

Malgré un renouvellement réussi et de grande ampleur, les forces armées russes continuent à présenter des lacunes considérables, en particulier dans les domaines de la reconnaissance et de la conduite. Il sera probablement difficile d'obtenir des progrès dans ces domaines; il ne faut pas s'attendre à des résultats substantiels à brève échéance. Dans d'autres domaines également, la Russie devra surmonter des difficultés pour renouveler ses forces armées. Une mise en oeuvre générale de la réforme ainsi qu'une modernisation et un renouvellement de grande ampleur du matériel seront difficilement réalisables, en particulier pour ce qui est des forces terrestres, et prendront du temps. Dans le domaine du financement des réformes militaires, la baisse du cours du pétrole et les sanctions économiques prononcées contre la Russie en raison de la situation en Ukraine suscitent des incertitudes depuis 2014.

Il faut néanmoins s'attendre à ce que les forces armées russes enregistrent une augmentation substantielle de leurs capacités au cours des années à venir. Celles-ci se répercuteront en particulier sur la capacité à gérer les conflits locaux, qui représente une priorité des forces armées russes. Pour sécuriser son flanc sud, la Russie veut avoir la possibilité d'intervenir militairement à tout moment avec de petites formations. Dans l'intervalle toutefois, les forces armées russes ne sont guère en mesure de mener à bien des opérations d'envergure contre l'OTAN, en particulier parce que la Russie ne peut pas, jusqu'à nouvel avis, obtenir la supériorité aérienne qui lui serait nécessaire.

Incertitude quant au développement des capacités militaires conventionnelles dans les États membres de l'OTAN Après la fin de la guerre froide, presque tous les États
membres de l'OTAN ont réduit et réorganisé leurs forces armées. En raison de l'appréciation de la menace à l'époque, celles-ci devaient être adaptées principalement à des engagements dans les régions en crise et à des engagements de promotion de la paix. La plupart des États de l'OTAN, en particulier les grands États, se sont ainsi efforcés d'augmenter les capacités de transport de leurs forces armées.

Différents programmes de modernisation, en particulier les développements dans la conduite de la guerre aérienne, améliorent les performances militaires, notamment lors d'engagements dans les régions en crise. Une interconnexion étroite des systèmes de conduite, de reconnaissance et d'armement, combinée à une augmentation de l'effet des armes, permet de réduire le nombre de systèmes tout en maintenant leur performance. Ces dernières années, des progrès majeurs ont été accomplis dans le domaine de la reconnaissance et de la capacité à combattre des cibles immédiatement et avec précision.

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Dans le même temps, une réduction quantitative des forces armées a été entamée, processus qui se prolonge jusqu'à ce jour. Cette réduction concerne aussi bien les effectifs que le matériel. La plupart des États membres de l'OTAN ont supprimé l'obligation générale de servir dans l'armée et disposent désormais d'armées professionnelles aux effectifs beaucoup plus réduits. Cette transformation se fait principalement aux dépens des formations mécanisées lourdes et a ainsi diminué considérablement les capacités de défense de l'OTAN contre une attaque conventionnelle en Europe. L'intégration de nouveaux membres n'a pas permis de compenser ce recul, en particulier parce que ceux-ci disposent de forces armées largement obsolètes ou peu performantes, ou parce qu'ils ne possèdent tout simplement pas de réelles forces armées. De façon générale, la réorientation décidée par l'OTAN au terme de la guerre froide a réduit sa capacité de défense de l'Europe.

Sous l'effet du conflit actuel en Ukraine, du réarmement de la Russie et des ambitions de Moscou en Europe, la pression en vue d'un renforcement de la capacité de défense augmente en Occident également. Dans tous les cas, l'engagement militaire des États-Unis en Europe demeurera crucial pour la capacité de défense de l'Alliance. Celui-ci ne devrait pas être fondamentalement remis en question.

Les États neutres du nord de l'Europe se sentent, eux aussi, de plus en plus menacés par la Russie. La Finlande et la Suède devraient, par conséquent, renforcer à nouveau leur capacité de défense au cours de ces prochaines années. Une possible adhésion à l'OTAN est certes en discussion dans les deux pays, mais elle n'est pas imminente.

Probabilité d'un conflit majeur en Europe Pour qu'une menace soit réelle, deux composantes doivent être réunies: l'intention de commettre une attaque et la capacité de le faire. Or, les intentions évoluent rapidement, en particulier pour les régimes autocratiques, dans lesquels les décisions peuvent être prises par un cercle restreint de personnes. La mise en place de capacités demande, par contre, plus de temps. Une fois ces capacités réunies, et dans la mesure où les intentions de passer à l'attaque sont concevables, voire patentes, le temps de préalerte devient très court.

La guerre froide présentait une situation similaire. Une
détente est cependant intervenue par la suite et les capacités de mener à bien des opérations militaires majeures en Europe ont diminué, prolongeant les temps de préalerte avant un conflit militaire majeur sur le vieux continent. Cette époque est désormais révolue. En ce qui concerne les capacités, la modernisation des forces armées russes est en cours depuis quelques années déjà et leur puissance a été renforcée. Pour pouvoir être militairement à la hauteur de l'OTAN à tous les niveaux, et pas uniquement dans certains domaines militaires tels que les forces d'intervention spéciales, la Russie aura toutefois encore besoin de quelques années, sauf si les États occidentaux réduisent encore leurs capacités militaires. Toutefois, la situation a encore plus évolué en ce qui concerne les intentions: l'annexion de la Crimée et le conflit armé en Ukraine ont conduit à une aggravation rapide et marquée des tensions entre la Russie et l'Occident. Il faut s'attendre à ce que, de part et d'autre, des efforts soient déployés

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afin d'éviter un conflit armé entre la Russie et l'OTAN, mais le risque qu'un tel conflit éclate a augmenté.

Au vu de la situation tendue et des risques existants, la Suisse doit suivre avec attention et en continu les développements en Europe dans le domaine militaire et en politique de sécurité, tout en préservant et développant les capacités essentielles à sa défense, même si la possibilité qu'un conflit armé de grande ampleur éclate en Europe et que la Suisse y soit impliquée militairement est faible. Le développement de l'armée reflète l'évolution de la situation en Europe. Globalement, on peut affirmer qu'il est peu probable que la Suisse soit directement menacée par une attaque armée, que ce soit au sens traditionnel du terme ou sous une forme non conventionnelle, au cours des années à venir. On ne peut identifier aucun État ni aucun groupe qui dispose des capacités pour attaquer la Suisse par des moyens militaires et qui manifeste également l'intention de le faire.

Davantage d'acteurs potentiels pour une attaque armée menée depuis l'extérieur de l'Europe Une attaque visant la Suisse pourrait, le cas échéant, être perpétrée de loin, soit en dehors des frontières de l'Europe. Outre le domaine de la cybernétique, les missiles balistiques ou les missiles de croisière entrent tout spécialement en ligne de compte.

À l'heure actuelle, seuls quelques États sont à même de mener de telles attaques, mais aucun d'eux n'affiche ou ne laisse entrevoir la moindre intention de le faire. La prolifération mondiale des systèmes d'armement de ce type va cependant se poursuivre. D'ici à 2025, un nombre accru d'acteurs étatiques pourraient attaquer des cibles en Suisse depuis un emplacement très éloigné. La Suisse n'est guère une cible prioritaire, car elle n'intervient pas militairement dans des conflits internationaux.

C'est pourquoi une attaque contre elle avec des armes à longue portée n'est pas vraisemblable dans les années à venir. En raison du nombre important d'acteurs potentiels et de la dynamique imprévisible des crises internationales, les pronostics sont cependant davantage sujets à caution que pour à un conflit militaire majeur en Europe. La crise en Libye dans les années 2008 à 2010 a montré comment un État peut prendre des mesures draconiennes contre la Suisse sans grand préavis. Si un acteur
de ce type dispose d'armes à longue portée, il peut également menacer la Suisse et exercer un chantage sur elle, par des moyens militaires, en recourant à des méthodes traditionnelles aussi bien que non conventionnelles, telles que les cyberattaques contre des infrastructures critiques (p. ex. système financier, approvisionnement en énergie) ou un chantage portant sur des moyens économiques (p. ex. manipulation des flux de marchandises ou des flux financiers).

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2.2.5

Criminalité

Le nombre d'actes criminels au sens du code pénal (CP)20 et de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants21 a légèrement reculé en Suisse au cours des cinq dernières années, principalement en raison de la diminution du nombre des vols, notamment les cambriolages, les vols à la tire et les vols de véhicules. En comparaison européenne, ce genre de criminalité reste néanmoins à un haut niveau. Les principaux responsables de ces infractions sont des groupes mobiles et bien organisés venus d'Europe de l'Est ou du sud de l'Europe, ainsi que par des individus en provenance du Maghreb. Les groupes, hautement professionnels, ne séjournent que brièvement en Suisse, se répartissent le travail, commettent les délits dans une composition variable et sont de plus en plus enclins à recourir à la violence. Cette criminalité ne remet certes pas en question l'existence et le fonctionnement de l'État, mais, outre les actes de violence graves, elle pèse fortement sur le sentiment de sécurité au sein de la population et cause des dommages sur le plan économique.

Aucune amélioration n'est en vue en ce qui concerne ces formes de criminalité, notamment parce qu'au moment où les infractions peuvent être prouvées grâce à l'analyse des preuves, les auteurs ne se trouvent souvent plus en détention préventive et ont déjà quitté le pays. Dans les autres domaines relevant du CP, le nombre des atteintes à la vie, à l'intégrité corporelle ou sexuelle et à la liberté des personnes est plutôt stable.

Le crime organisé, par ses activités, influe également sur la sécurité au quotidien. De plus, avec les fonds générés par les activités criminelles en Suisse et à l'étranger, il peut porter atteinte à la libre concurrence et à l'indépendance des institutions de l'État de droit, ainsi qu'à la réputation de la place économique et financière suisse.

La lutte contre la criminalité organisée sous ses multiples formes est importante pour les autorités judiciaires, même si, à ce jour, le crime organisé n'a pas une ampleur qui puisse menacer l'État. À l'heure actuelle, rien n'indique que l'appréciation de la menace change du tout au tout dans ce domaine sur le moyen terme.

Importance de l'évolution en Europe pour la criminalité en Suisse La sécurité en Suisse dépend fortement du développement économique et de la sécurité en
Europe. En Suisse, les revenus tirés du vol, du trafic de substances illicites (p. ex. stupéfiants) et de services illégaux (p. ex. traite d'êtres humains, prostitution) sont relativement élevés par rapport aux autres revenus. Même en cas d'évolution favorable de l'économie en Europe, la Suisse conservera, dans un avenir proche, son attrait en tant que destination du tourisme délictueux et aux yeux du crime organisé. Une crise économique plus durable en Europe pourrait encore aggraver la situation: dans certains pays, des tâches étatiques, telles que la protection des frontières ou les poursuites pénales, pourraient être délaissées en raison des contraintes budgétaires. De plus, le crime organisé risquerait de s'établir dans des régions économiquement faibles et d'y étendre son influence sur les plans économique et politique.

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RS 311.0 RS 812.121

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Une poursuite de l'harmonisation du droit et des stratégies de lutte, ainsi que le développement continu de la coopération internationale entre autorités de poursuite pénale en Europe, permettront de renforcer l'action pénale. Une conjoncture économique favorable dans l'espace Schengen aura également tendance à réduire le poids de la criminalité en Suisse.

Influence des innovations technologiques sur la criminalité et sur la lutte contre celle-ci L'utilisation abusive d'Internet, pour commettre un acte illicite et pour procéder à des pratiques criminelles, va en augmentant. Ainsi, parce qu'Internet imprègne de plus en plus de domaines de l'existence («Internet des objets»), que ce soit par l'utilisation des services en nuage, des programmes de cryptage ou des outils de communication, de nouvelles possibilités de commettre des délits se présentent, et leur poursuite s'en trouve compliquée. On citera notamment les escroqueries via Internet, le fait de se procurer illégalement des données d'accès pour des services en ligne (hameçonnage) ou la diffusion de contenus illégaux (pédopornographie, racisme).

Face à l'utilisation des technologies modernes de l'information et de la communication à des fins délictueuses, les autorités de poursuite pénale doivent disposer de moyens techniques et d'effectifs adéquats. En outre, des bases légales en phase avec le développement technologique, ainsi qu'une coopération internationale, sont indispensables dans ce domaine.

Les États fragiles et la migration comme facteurs aggravants Les États fragiles sont plus susceptibles d'être exploités abusivement par le crime organisé en tant bases logistiques et lieux de transbordement, par exemple pour le trafic illégal de stupéfiants, que ce soit avec ou sans l'implication d'organes étatiques. Les guerres civiles, les révolutions, les crises économiques et la répression politique, par exemple au Proche-Orient et au Moyen-Orient, au Maghreb et dans d'autres régions d'Afrique, peuvent accroître la pression sur la population locale et l'inciter à émigrer. La migration illégale constitue déjà en soi un secteur lucratif pour le crime organisé. En outre, l'arrivée de personnes en quête de protection et de prospérité peut entraîner en Suisse des conflits entre les diasporas, et des membres de réseaux criminels peuvent entrer dans
le pays en se faufilant parmi elles.

Risques liés au négoce de matières premières Dans de nombreux pays dotés de grandes richesses naturelles, le secteur des matières premières (en particulier leur exploitation et leur commerce) n'est pas soumis à une législation ni à un contrôle efficace, de sorte qu'il peut devenir un moteur central de corruption de l'État et du crime organisé. Dans des pays fragiles, en particulier, il peut donner lieu à des conflits armés et servir à leur financement. La Suisse, qui abrite le siège de nombreuses sociétés de négoce de matières premières et qui est une importante place financière, court dès lors un risque particulier, car elle pourrait servir au blanchiment d'argent d'acteurs corrompus ou d'organisations criminelles.

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2.2.6

Difficultés d'approvisionnement

Les difficultés d'approvisionnement, liées par exemple à une pénurie de denrées alimentaires, de pétrole ou d'électricité, sont un danger ou une menace connus de longue date, et des mesures ont été planifiées afin de les gérer. De nombreux services sont aujourd'hui proposés et utilisés par voie électronique, notamment la gestion de processus logistiques et d'infrastructures critiques.

Vulnérabilités multiples Des difficultés majeures d'approvisionnement peuvent survenir de différentes manières. Dans le cas des biens sensibles, une pénurie ayant une incidence sur la politique de sécurité peut se produire sans qu'il y ait forcément un élément déclencheur au niveau politique. C'est en particulier le cas des biens qu'il est impossible ou difficile de stocker (p. ex. l'électricité et, dans une moindre mesure, le gaz) ou qui, pour des raisons économiques ou pratiques, ne peuvent pas être produits à l'avance (composantes informatiques, grands transformateurs, certains vaccins). Les difficultés de livraison et de production peuvent aussi provenir du fait que les entrepôts sont en nombre réduit, ce qui est en soi économiquement souhaitable, et de la concentration chez quelques fournisseurs dans le monde: une panne technique ou une grève entraînent alors une suspension des livraisons de composantes critiques pour lesquelles il n'existe pas de solution de remplacement. Des intempéries durables ou d'autres dangers naturels (p. ex. les cendres d'un volcan) peuvent également rendre inutilisables des installations de production ou des infrastructures de transport. Les difficultés d'approvisionnement peuvent aussi avoir des causes indirectes lorsqu'un bien est certes disponible, mais à un prix si élevé ou en quantité si réduite (p. ex.

nouveaux vaccins en cas de pandémie) que son acquisition n'est guère possible pour la plupart des gens.

Accords internationaux Lorsque des États ou de grandes entreprises disposent de biens économiques (notamment le site d'importantes centrales d'alimentation électrique et de surveillance d'infrastructures critiques), ils peuvent menacer la Suisse de la priver de biens importants dans le but d'exercer une pression politique ou économique. En raison de la difficulté ou de l'impossibilité d'entreposer de nombreux biens, cette dernière peut de moins en moins contrer cette pression
par des réserves ou en prévoyant plusieurs sites de stockage. La capacité de production de certains biens critiques n'existe plus du tout en Suisse (même dans le secteur des médicaments et des vaccins). Une stratégie consiste à se prémunir contre les difficultés d'approvisionnement sans motifs politiques par des conventions et des régimes internationaux. Pour y aboutir, une convergence d'intérêts avec le régime en question est toutefois nécessaire.

Avantages et inconvénients des réseaux internationaux La création de réseaux internationaux, notamment dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, mais aussi pour d'autres infrastructures 7587

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critiques, telles que l'alimentation électrique, présente des avantages et des inconvénients sous l'angle de l'approvisionnement. Elle peut en effet accentuer les redondances ou, dans le cas du gaz ou du pétrole, faciliter les substitutions. Elle peut aussi, en raison de l'interdépendance internationale, perturber le processus d'approvisionnement lorsque des événements survenant au loin ont des répercussions sur l'approvisionnement en Suisse. Les imbrications internationales engendrent aussi une concentration des fournisseurs, notamment dans le domaine de la technologie de réseau. Il peut arriver qu'il n'y ait ni réserves ni solutions de remplacement si, par exemple, un fournisseur jusqu'alors considéré comme fiable tombe en discrédit ou cesse son activité pour des motifs économiques ou politiques.

Les cyberattaques peuvent aussi occasionner des difficultés d'approvisionnement Les cyberattaques peuvent aussi viser des infrastructures critiques. Ces dernières sont aujourd'hui largement automatisées et donc vulnérables à de telles attaques.

Une cyberattaque pourrait, en particulier, porter à conséquence si elle affectait ou paralysait des fonctions ou des services essentiels au bon fonctionnement de la société, de l'économie ou de l'État. Dans ce contexte, les installations abritant les commandes et les interrupteurs pour l'approvisionnement énergétique, les télécommunications, la gestion du trafic routier ou les transactions financières revêtent une importance cruciale. Une panne temporaire ou durable qui frapperait des infrastructures de ce type pourrait entraîner des réactions en chaîne catastrophiques. Les cyberattaques sont attrayantes parce qu'il est relativement simple de dissimuler l'identité des auteurs; elles permettent de causer des dommages considérables sans courir de grand risque.

2.2.7

Catastrophes et situations d'urgence

Par catastrophes et situations d'urgence, on entend des événements qui occasionnent des dommages et des pannes tels que les ressources humaines et matérielles de la collectivité touchée sont dépassées et qu'une aide de l'extérieur est requise. En fonction de leurs causes et de leurs effets, elles peuvent relever de la nature, de la technique et de la société, les deux dernières catégories étant parfois qualifiées d'anthropiques. Par définition, les catastrophes sont généralement subites, tandis que les situations d'urgence peuvent se développer sur une longue période et perdurer (p. ex. pénurie d'électricité).

En raison de sa topographie, la Suisse est très exposée aux dangers naturels. Du fait du changement climatique, il est à craindre que les événements extrêmes qui l'accompagnent (fortes précipitations, tempêtes, périodes prolongées de sécheresse) s'accentuent encore.

La Suisse compte parmi les États les plus densément peuplés d'Europe. Elle abrite donc une forte densité d'infrastructures qui, en cas d'atteinte ou de destruction, pourraient entraîner des dommages importants. Cette densité se traduit, dans un souci de rationalisation du paysage, par la présence de points de jonction et de réseaux interconnectés (p. ex. autoroute longeant une voie ferrée et complétée par

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des lignes de télécommunication et des câbles électriques, tunnel doté de fonctions multiples).

La combinaison ou l'enchaînement d'événements peut s'avérer particulièrement problématique. Comme l'ont montré les catastrophes survenues ces dix dernières années, les causes, aussi bien que les effets, peuvent être très variés. Ainsi, il peut arriver que des tempêtes, des inondations, des séismes, des pannes d'infrastructures d'information et de communication, des incidents survenant dans des centrales nucléaires, des cyberattaques ou des attaques conventionnelles entraînent des coupures de courant. Celles-ci peuvent, à leur tour, engendrer une pollution environnementale, des incidents dans les installations de production, des pannes dans les infrastructures d'approvisionnement, de transport et d'information, des contaminations d'aliments et de l'eau et, en cas de longues pannes de courant, conduire à une hausse de la criminalité et à des troubles violents.

Augmentation de la fréquence et intensification des catastrophes naturelles Les catastrophes naturelles, comme les inondations de 2005 et de 2007, gagneront vraisemblablement en fréquence et en intensité en Suisse en raison du changement climatique. Les tempêtes et autres épisodes et périodes météorologiques extrêmes (sécheresse, vagues de chaleur et de froid) continueront à gagner en importance. Les canicules comptent parmi les principaux dangers qui peuvent frapper la Suisse dans le domaine des catastrophes et des situations d'urgence. Les incendies de forêt déclenchés par la canicule et la sécheresse représentent également des dangers qui devraient s'intensifier et avoir également des répercussions sur les infrastructures (de transport) et les agglomérations. L'instabilité des pentes causée par le changement climatique et renforcée par les fortes précipitations peut déboucher sur des éboulements et des coulées de boue, lesquels peuvent également endommager les infrastructures en contrebas (transports, communication, énergie). Même si la Suisse enregistre une activité sismique qualifiée de faible ou de modérée, les séismes comptent parmi les principaux risques liés aux catastrophes naturelles pour le pays en raison du potentiel de dommages qui leur est associé.

Dangers plus complexes de nature technique Le nombre de catastrophes techniques a pu
être réduit en Suisse au cours des vingt dernières années grâce à une amélioration des mesures de sécurité, principalement depuis les accidents survenus à la Schweizerhalle et à Tchernobyl en 1986 et les incendies dans les tunnels routiers du Mont-Blanc en 1999 et du Gothard en 2001.

En outre, il existe un système bien développé d'alerte précoce et d'alarme pour la surveillance des installations nucléaires et des barrages. Comme pour les catastrophes naturelles, la forte densité de population de la Suisse et le taux élevé d'occupation de son territoire accroissent toutefois les dommages potentiels. La défaillance des infrastructures critiques (p. ex. énergie, transports, technologies de l'information et de la communication) peut être la cause, aussi bien que la conséquence, de catastrophes naturelles ou anthropiques. De telles pannes peuvent également provoquer des problèmes d'approvisionnement, et donc des situations d'urgence, pour les autres biens et services de première nécessité.

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L'approvisionnement électrique revêt, à cet égard, une importance toute particulière.

Une panne de courant, le dysfonctionnement des infrastructures d'information et de communication ou encore un accident d'avion comptent parmi les principaux risques dans le domaine des catastrophes et des situations d'urgence.

Dangers anthropiques latents En Suisse, les catastrophes anthropiques sont plutôt rares, mais elles peuvent avoir des répercussions complexes et étendues. Une pénurie d'électricité sur plusieurs semaines et à grande échelle constitue le principal risque pour la Suisse. Une pandémie de maladies infectieuses ne s'arrêterait pas aux portes de la Suisse, en dépit des normes d'hygiène élevées appliquées dans le pays, car notre pays est largement connecté à d'autres sociétés. Les expériences faites avec des pandémies de grippe et avec le SRAS montrent qu'il faut s'attendre à des pandémies de degré variable. Or, il est impossible de prévoir quand et où la prochaine pandémie va se déclarer, à quelle vitesse elle se propagera et quel sera son degré de gravité. Le degré de gravité des dernières pandémies (la grippe espagnole en 1918, la grippe asiatique en 1957, la grippe de Hong-Kong en 1968, les pandémies de H1N1 de 1977 et 2009) tend à diminuer, mais cela ne permet pas d'établir de prévisions. Une pandémie grave peut survenir à tout moment et avoir des répercussions majeures sur la société. Elle compte donc parmi les principaux risques pour la Suisse dans le domaine des catastrophes et des situations d'urgence. La diffusion rapide du virus MERS au ProcheOrient et en Corée du Sud appuie cette évaluation. Outre la sollicitation extrêmement élevée du système de santé, des restrictions ou un effondrement des services et infrastructures publics (police, services de sapeurs-pompiers, transports, infrastructures destinées à l'information et à la communication) peuvent avoir des répercussions sur l'ensemble de la société et sur l'économie. En plus des pandémies qui menacent directement l'être humain, celles qui frappent les animaux de rente (épizooties) renferment un potentiel majeur de dommages.

2.2.8

Conclusion

Du point de vue de la politique de sécurité, les cinq dernières années ont connu des développements significatifs pour la sécurité de la Suisse. La relation entre l'ouest et l'est de l'Europe, la menace terroriste liée au djihadisme et les risques dans le cyberespace figurent au premier plan.

Le premier facteur était le plus inattendu. La relation entre l'Occident et la Russie s'est fortement et durablement détériorée en raison de la situation en Ukraine.

L'intervention de la Russie en Crimée et dans l'est de l'Ukraine a créé une nouvelle donne en matière de politique de sécurité, en révélant que certains étaient prêts à modifier par la force des frontières internationalement reconnues et à annexer des territoires en dépit du droit international. Il y a lieu de s'en inquiéter, car ces actions enfreignent des règles fondamentales, fermement établies en Europe et essentielles pour la sécurité. Il demeure certes peu probable que la Suisse soit elle-même directement victime d'une agression armée ou impliquée dans une telle agression. Néanmoins, la probabilité d'un conflit militaire en Europe et dans sa périphérie pouvant 7590

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avoir des conséquences pour la Suisse s'est accentuée. La capacité de défense en tant que thème de la politique de sécurité est à nouveau davantage à l'ordre du jour en Europe que ce ne fut le cas depuis la fin de la guerre froide. La Suisse doit s'en préoccuper et elle a déjà pris des mesures essentielles en améliorant la disponibilité, l'équipement et l'instruction dans le cadre du plan de développement de l'armée.

Le terrorisme compte certes depuis un certain temps parmi les menaces les plus sérieuses, même pour la Suisse. La menace que fait peser le terrorisme djihadiste s'est toutefois encore aggravée ces dernières années. Cette détérioration est due, d'une part, à l'évolution de la situation dans les régions en crise, notamment en Syrie, en Irak et en Libye, où se sont développés de nouveaux terreaux fertiles et de vastes secteurs d'opération pour le terrorisme lié au djihad. De plus, un terrorisme d'une ampleur inédite est apparu avec l'émergence de l'organisation terroriste «État islamique». D'autre part, en raison de ces situations régionales et de l'impact de la propagande terroriste, le nombre de voyageurs à motivation djihadiste et de terroristes potentiels provenant de pays européens a sensiblement augmenté, au point de représenter désormais un grave problème de sécurité, notamment en Europe. Cette évolution concerne aussi la Suisse. Elle a certes l'avantage d'offrir un terreau moins fertile et moins de prise au terrorisme djihadiste en raison des conditions et du contexte sociaux qu'elle connaît et du fait de son exposition moins controversée en politique étrangère. Elle doit toutefois tenir compte de la menace grave et durable que constitue le terrorisme djihadiste. Parallèlement, elle doit également éviter qu'une atteinte aux intérêts et à la sécurité d'autres États puisse être perpétrée à partir de son territoire.

Les possibilités d'utilisation abusive du cyberespace, et les abus effectifs, ont augmenté. Certes, aucune cyberattaque de grande ampleur pouvant provoquer des dégâts matériels étendus, voire des décès, n'a encore été commise. Jusqu'à présent, les cas les plus marquants dans ce domaine ont vraisemblablement été l'utilisation d'un logiciel malveillant à l'encontre d'installations d'enrichissement nucléaire en Iran ainsi qu'une cyberattaque contre une aciérie en Allemagne
qui a causé des dégâts considérables aux installations. Ces dernières années, on a non seulement pu constater l'étendue des possibilités techniques d'abus dans le cyberespace, mais aussi l'absence de scrupules des États recourant à de telles pratiques. Cette menace joue également un rôle plus marqué que par le passé pour la sécurité de la Suisse; la protection des systèmes d'information et de communication revêt désormais une importance accrue.

Par ailleurs, il existe des menaces et des dangers qui n'ont guère évolué ces dernières années. Les catastrophes naturelles et les situations d'urgence, la criminalité et les difficultés d'approvisionnement, en particulier, continuent de compter parmi les menaces et les dangers les plus réalistes pour la sécurité de la Suisse. Néanmoins, les défis qu'ils représentent pour la politique de sécurité restent, pour l'essentiel, inchangés.

L'augmentation des mouvements de réfugiés et de migrants peut engendrer des problèmes sociaux et politiques. La question des migrations en soi ne relève toutefois pas, en premier lieu, du domaine de compétence de la politique de sécurité, et la migration en tant que telle ne peut pas être qualifiée de menace ou de danger. Par

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contre, les circonstances qui entourent ce phénomène peuvent receler des enjeux pour la politique de sécurité.

De façon générale, au vu de l'ensemble des menaces, le nombre d'acteurs ayant une incidence sur la politique de sécurité et la diversité des moyens utilisés augmentent.

De plus en plus d'États, d'organisations, de groupes et d'individus disposent de moyens et de possibilités d'action ayant des répercussions sur la politique de sécurité, la Suisse étant d'ailleurs souvent touchée (p. ex. cyberattaques, activités de propagande, armes modernes). Les menaces et les dangers ont ainsi gagné en complexité, en interconnexion et en opacité, et cette évolution devrait se poursuivre.

Un développement essentiel, notamment pour la Suisse, est le fait que la géographie et les distances ont perdu de leur importance. Alors que les caractéristiques naturelles ont jusqu'à présent toujours rempli une fonction importante de protection, ce n'est plus guère le cas aujourd'hui pour un bon nombre de menaces qui ne s'arrêtent plus au seul rivage d'un fleuve ou d'un océan. C'est justement ce qui les rend imprévisibles et donc dangereuses: elles se sont affranchies de la contrainte géographique et spatiale et un pays peut très rapidement être touché par des événements ou des développements dont l'origine se trouve bien ailleurs. La réflexion et l'action en politique de sécurité doivent donc tenir compte, plus que par le passé, du fait qu'un pays peut être l'objet d'attaques massives, même lorsque ses frontières physiques sont parfaitement surveillées et protégées. C'est tout particulièrement vrai pour les activités dans le cyberespace.

Du fait que les événements sont reliés entre eux et sont imprévisibles, il est nécessaire de mener une réflexion plus poussée par induction sur la gestion des menaces et des dangers , autrement dit en partant non pas de la menace en tant que telle et de ses conséquences potentielles, mais des effets possibles d'un événement et de la manière de les maîtriser. C'est la notion fondamentale de résilience, qui consiste à améliorer la protection, la force de résistance et la capacité de régénération d'un système global ­ en l'occurrence, celui de la Suisse ­, par exemple en créant des redondances dans les domaines tels que la communication ou l'approvisionnement énergétique. Cette
approche n'est pas nouvelle, mais elle doit être davantage ancrée dans l'action et la réflexion en matière de politique de sécurité. En effet, bon nombre des menaces réelles ne peuvent pas être supprimées; il faut donc se préparer à leurs conséquences potentielles et à leur bonne gestion. Aussi est-il crucial de réaliser rapidement un réseau de communication résistant aux crises, auquel le Réseau national de sécurité et les exploitants des infrastructures critiques seraient connectés.

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2.3

Organisations et conventions influant sur la politique de sécurité

Ce chapitre examine l'environnement sécuritaire de la Suisse, notamment l'architecture de sécurité en Europe et ses perspectives et les processus globaux ayant un impact direct sur la sécurité de la Suisse22. De façon générale, la situation se caractérise par la tendance à une nouvelle polarisation entre l'Occident et la Russie, ainsi que par la nécessité de maîtriser des menaces nouvelles qui impliquent de nouveaux acteurs. L'architecture de sécurité en Europe présente une densité institutionnelle élevée. L'environnement de la Suisse sous l'angle de la politique de sécurité est marqué en premier lieu par l'Union européenne, l'OTAN et l'OSCE, bien que la Suisse ne soit membre que de cette dernière. Le Conseil de l'Europe influe moins sur la politique de sécurité au sens strict du terme. Au niveau mondial, l'ONU tient un rôle central.

2.3.1

Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont le siège est à Vienne, compte 57 États participants, dont la Suisse, et onze États partenaires, ce qui en fait la plus grande organisation de sécurité régionale du monde. Conçue à l'origine comme une plateforme de dialogue et de négociation entre les blocs d'États occidentaux et orientaux, l'organisation s'emploie à promouvoir la sécurité, la stabilité et la paix dans l'espace qu'elle couvre et qui abrite plus d'un milliard de gens. Par le dialogue et la participation, elle prend des mesures pour instaurer la transparence et la confiance, développe et applique des normes et des obligations communes, promeut les droits de l'homme, la démocratie et l'État de droit et favorise la collaboration dans une large gamme de thèmes relevant de la politique de sécurité.

La crise en Ukraine a mis en évidence le fait qu'une cohabitation pacifique ne va pas de soi en Europe. À travers cette crise, l'OSCE suscite un regain d'intérêt et a renforcé son image, notamment parce que, en tant que principal acteur capable de créer des liens, elle a contribué grandement aux efforts consentis à l'échelon international pour désamorcer le conflit et tient actuellement un rôle opérationnel dans la mise en oeuvre des accords entre les parties. En 2014, année de la présidence suisse (deuxième année présidentielle assumée par la Suisse, après celle de 1996), l'OSCE s'est révélée être la seule organisation régionale disposant du degré d'acceptation nécessaire pour traiter les conflits en Europe.

En 2014 toujours, la Suisse a élaboré un programme présidentiel conjoint avec la Serbie, cette dernière présidant l'OSCE en 2015. C'est à la présidence, la fonction 22

Le présent chapitre, qui contient une description et une analyse du contexte de la politique de sécurité et des possibilités de participation de la Suisse, sert, entre autres, à l'exécution du postulat de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des États du 20 mai 2011 qui charge le Conseil fédéral d'élaborer un rapport sur ce thème (renforcement de la coopération de la Suisse au sein de l'architecture de sécurité européenne; 11.3469).

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principale de l'OSCE, qu'incombe la responsabilité générale des activités opérationnelles de l'organisation. Pendant son mandat, la Suisse entendait principalement promouvoir la sécurité et la stabilité, améliorer les conditions de vie des individus et renforcer la capacité d'action de l'OSCE. La crise en Ukraine et autour de celle-ci est venue se superposer à ces priorités et a généré des tensions accrues, y compris au sein de l'OSCE. La Suisse est néanmoins parvenue à obtenir des décisions consensuelles sur des thèmes importants, dont la mise en place de la mission spéciale de surveillance en Ukraine.

L'OSCE recèle des atouts qui garderont, à l'avenir, toute leur importance pour l'amélioration de la sécurité en Europe: ­

L'OSCE est la seule organisation qui inclut une grande partie de l'hémisphère Nord et englobe aussi bien des États d'Europe que d'Amérique du Nord et d'Asie. Plus que toute autre organisation régionale, elle peut donc promouvoir le dialogue entre l'Est et l'Ouest par-delà les frontières politiques, tous domaines confondus, et contribuer ainsi à instaurer une meilleure compréhension et une relation de confiance. L'enjeu est important au vu de la crise en Ukraine et des tensions qu'elle provoque. Un autre atout est sa présence sur place, dans quinze États actuellement.

­

Le modèle de sécurité de l'OSCE, qui couvre les dimensions politicomilitaire, économique, environnementale et humaine, n'a rien perdu de sa modernité et de sa vision d'avenir. L'organisation a une compréhension de la sécurité qui inclut les droits et les libertés que doit garantir l'État à chaque être humain. Elle peut ainsi faire face à des menaces et à des dangers de plus en plus complexes, qui vont d'une attaque militaire conventionnelle aux catastrophes naturelles, en passant par l'utilisation abusive de l'infrastructure cybernétique et le terrorisme. Toutefois, le grand nombre de thèmes représente un véritable défi compte tenu des moyens financiers limités dont elle dispose.

­

Les 57 États participants à l'OSCE sont tous sur un pied d'égalité. Le corollaire est que les différentes positions s'affrontent quotidiennement, sur presque toutes les questions essentielles. Les décisions ne peuvent être prises que par consensus; elles sont de nature politique, mais ne sont pas contraignantes sur le plan juridique. Cette contrainte rend l'organisation lourde et retarde les réformes, mais, en contrepartie, les décisions sont largement étayées et viables. Les décisions qui sont prises ont ainsi de meilleures chances d'être appliquées. Le détachement de la mission de surveillance spéciale en Ukraine a montré que l'organisation pouvait agir même dans des situations difficiles.

­

L'OSCE possède trois institutions indépendantes (le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme, le Haut-Commissariat pour les minorités nationales et le Représentant pour la liberté des médias), qui veillent à ce que les engagements politiques pris envers l'OSCE soient respectés. De plus, l'organisation s'est fixé comme domaines de travail l'alerte précoce, d'une part, et la prévention et la gestion des conflits et de l'après-conflit, d'autre part, et s'est dotée d'outils de diplomatie préventive, qui sont utilisés

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en particulier dans les conflits qui perdurent dans le Caucase du Sud et dans le sud-est de l'Europe.

Possibilités de participation accrue de la Suisse La présidence de l'OSCE aura été fort utile pour la politique étrangère et pour la politique de sécurité de la Suisse. Par son engagement au sein de l'OSCE, la Suisse a pu renforcer sa réputation d'acteur compétent et fiable en apportant de précieuses contributions à la sécurité internationale tout en menant une politique autonome.

Dans le cadre de la présidence de la Serbie, qui a suivi en 2015, elle a influé de manière déterminante sur les activités de l'OSCE; ainsi, à l'initiative de la Suisse, un processus de réflexion a, par exemple, été lancé en vue de consolider les opérations de paix de l'OSCE. Le renforcement de l'OSCE et de la sécurité en Europe restent des priorités de la politique étrangère et de sécurité de la Suisse.

En août 2015, les ministres des affaires étrangères d'Allemagne, d'Autriche, du Liechtenstein et de Suisse se sont rencontrés à Neuchâtel pour s'entretenir d'une collaboration plus étroite sur les questions de politique de sécurité en lien avec l'OSCE. Dans une déclaration commune, ils ont constaté qu'il fallait poursuivre le renforcement de l'OSCE en vue de la présidence qu'assumera l'Allemagne en 2016 et de celle de l'Autriche en 2017. Les quatre domaines thématiques ci-après ont, en particulier, été identifiés pour la collaboration à venir: ­

Efforts communs déployés par les quatre pays pour obtenir une solution pacifique au conflit en Ukraine: soutien conjoint à la mission d'observation de l'OSCE en Ukraine et au groupe de contact trilatéral et ses quatre groupes de travail.

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Renforcement des instruments de l'OSCE: l'OSCE a besoin de meilleurs instruments pour l'alerte précoce et pour la prévention des conflits, aussi bien que pour la médiation, la réconciliation et le traitement des conflits.

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La présidence suisse a lancé un débat sur la sécurité en Europe en tant que projet commun et confié à un groupe de spécialistes internationaux la tâche de montrer la voie possible pour le rétablissement de la confiance et la promotion de la sécurité coopérative en Europe. Les quatre pays ont décidé que le débat sur l'avenir de la sécurité en Europe devait se poursuivre au sein de l'OSCE, sur la base des recommandations formulées par ce groupe de spécialistes.

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Renforcement de la dimension économique de l'OSCE et plus particulièrement des mesures d'instauration de la confiance dans le domaine économique: la crise en Ukraine et aux abords de celle-ci a clairement montré que les questions relatives à l'intégration économique régionale revêtent des enjeux politiques majeurs. Les quatre pays entendent s'engager pour que de nombreuses sociétés et de nombreux États dans l'ensemble de l'OSCE puissent bénéficier des avantages de l'interdépendance économique.

La coopération avec l'Allemagne, l'Autriche et le Liechtenstein doit permettre à la Suisse de donner un élan important à la politique de sécurité, notamment au cours des années à venir. Telle qu'elle a été formulée, cette collaboration s'inscrit dans un 7595

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cadre ouvert, de sorte que d'autres domaines thématiques pourront être abordés en commun, traités et proposés à l'OSCE.

2.3.2

OTAN

L'OTAN englobe la vaste majorité des États d'Europe centrale et occidentale. Elle dispose d'une structure de commandement militaire intégrée et demeure une alliance de défense par laquelle chaque État membre s'engage, conformément à l'art. 5 du Traité de l'Atlantique-Nord, à porter assistance à tout État membre en cas d'attaque armée. Elle s'est par ailleurs engagée dans la gestion militaire des crises, en particulier en Europe, dans le pourtour méditerranéen et en Afghanistan. L'OTAN a également instauré un cadre pour la sécurité coopérative; les éléments centraux en sont la collaboration avec des États partenaires et des organisations internationales, ainsi que le dialogue, notamment en matière de contrôle des armements, de désarmement et de non-prolifération des armes de destruction massive 23. Une des caractéristiques de l'OTAN est la politique dite «de la porte ouverte»: en 2016, le Monténégro a été invité à y adhérer; une extension plus poussée dans les Balkans n'est pas envisageable ces prochaines années. Étant donné que l'OTAN est, d'un point de vue militaire, la garante de la sécurité en Europe occidentale, sa capacité de défense profite également à la Suisse: toute attaque aérienne ou au sol lancée à partir de bases situées en dehors des frontières de l'Europe occidentale violeraient d'abord l'intégrité territoriale d'États membres de l'OTAN.

L'OTAN et ses partenariats en pleine mutation Les événements en Ukraine ont remis la défense collective sur le devant de la scène pour l'OTAN. Elle a pris des mesures visant à renforcer sa capacité de défense, notamment des rotations de troupes en Europe de l'Est et la constitution d'une formation de la taille d'une brigade pouvant être engagée dans un délai d'une semaine.

Par ailleurs, l'OTAN attache de l'importance au renforcement des budgets consacrés à la défense, ou du moins cherche à éviter une réduction de ceux-ci. L'objectif demeure que les États membres consacrent 2 % de leur produit intérieur brut au budget de la défense d'ici à 2020, chaque État membre restant libre de décider s'il souhaite appliquer cette mesure ou non. Des spécialisations et l'exploitation de synergies doivent permettre d'acquérir des biens d'armement à de meilleures conditions.

Les troupes de la Force internationale d'assistance à la sécurité ont quitté l'Afghanistan fin 2014. Les missions ultérieures, de bien moindre envergure, sont axées sur l'instruction et l'entraînement. Au Kosovo également, l'effectif des 23

Coopérations avec des États partenaires en Europe et dans l'ancien bloc de l'Est (Partenariat pour la paix), dans le pourtour de la Méditerranée (Dialogue méditerranéen), dans la région du Golfe persique (Initiative de coopération d'Istanbul) ainsi que pour d'autres partenaires dans le monde, en particulier pour les États qui engagent des troupes lors d'opérations conduites par l'OTAN.

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troupes de la Kosovo Force conduite par l'OTAN a été ramené à environ 5000 hommes; d'autres réductions pourraient suivre prochainement.

Comme l'OTAN, les partenariats traversent une phase de mutation. En 2011, une politique de partenariat étendue sur le plan géographique et thématique a été décidée. S'y ajoutent des projets auxquels seule une partie des Alliés et des partenaires participe. Les États partenaires peuvent, sous le titre de la sécurité coopérative, développer individuellement leur coopération avec l'OTAN, en fonction de leurs ambitions.

L'OTAN et ses partenaires ont un intérêt commun à préserver les capacités militaires et l'interopérabilité24 acquises des années durant par l'engagement commun dans des opérations de maintien de la paix. Tel est, entre autres, le but de l'initiative pour l'interopérabilité avec les partenaires.

Participation de la Suisse au Partenariat pour la paix La Suisse participe au Partenariat pour la paix depuis 1996. Cette participation reste importante à ses yeux: elle lui offre un accès institutionnel à l'OTAN, à ses membres et aux autres États partenaires et lui permet de collaborer, ou simplifie la collaboration, avec l'OTAN et d'autres États partenaires, ponctuellement et en fonction de ses intérêts en matière de politique de sécurité. La collaboration se déroule sur une base volontaire, selon des modalités définies par le partenaire lui-même. La Suisse a toujours clairement affirmé que sa participation au Partenariat pour la paix ne constituait pas, pour elle, une étape préalable à une adhésion à l'OTAN. Cette affirmation reste valable.

Le Partenariat pour la paix a été complété en 1997 par le Conseil de partenariat euroatlantique. Cet organe favorise le dialogue en matière de politique de sécurité en permettant à la Suisse de faire part de ses souhaits. Ainsi, une initiative de la Suisse et du Comité international de la Croix-Rouge a permis l'adoption de lignes directrices régissant le recours à des entreprises militaires et de sécurité privées lors d'opérations conduites par l'OTAN.

La Suisse soutient des projets ponctuels. Elle propose des cours d'instruction, et des Suisses participent à des manifestations organisées par d'autres États du Partenariat pour la paix. Le Centre de politique de sécurité, le Centre pour le contrôle démocratique des
forces armées et le Centre international de déminage humanitaire, tous trois à Genève, ainsi que le Centre d'études sur la politique de sécurité de l'École polytechnique fédérale de Zurich jouent un rôle important à cet égard. Au niveau politique, des délégations des deux commissions de la politique de sécurité du Parlement prennent régulièrement part à des événements organisés par l'Assemblée parlementaire de l'OTAN pour débattre de thèmes liés à la sécurité.

Une priorité dans la coopération entre la Suisse et l'OTAN, en dehors du Partenariat pour la paix, est la participation au Kosovo de l'Armée suisse à la KFOR, conduite par l'OTAN sur mandat de l'ONU. À l'heure actuelle, un contingent suisse de 235 militaires y est engagé. En 2012, la Suisse s'est vu confier le commandement 24

L'interopérabilité désigne la capacité à collaborer avec d'autres armées.

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régional d'équipes d'observation25. La participation à cette mission de soutien à la paix permet à la Suisse d'influer sur le développement de la KFOR. L'armée peut ainsi acquérir de l'expérience en matière d'engagements.

Possibilités de participation accrue de la Suisse Il est dans l'intérêt de l'Armée suisse de poursuivre la coopération avec l'OTAN: son principal engagement dans la promotion militaire de la paix a lieu au cours d'une opération conduite par l'OTAN. La coopération permet par ailleurs de se familiariser plus facilement avec les développements militaires, de se comparer à d'autres armées et de tirer parti des expériences faites par autrui26. Ce bagage de connaissances et cette capacité à coopérer renforcent la liberté d'action de la Suisse27.

La Suisse participe à la plateforme d'interopérabilité, répondant ainsi aux besoins de l'armée. Elle suit par ailleurs le développement de différentes initiatives 28 et décide cas par cas si elle entend participer à des exercices d'envergure ou non. Chaque participation implique qu'elle en retire une utilité concrète pour l'armée.

Le concept de pays-cadre a été adopté en 2014. Il implique que plusieurs pays coordonnent et combinent leurs compétences sous la conduite d'un État.

L'OTAN peut également être profitable à la Suisse pour relever de nouveaux défis en politique de sécurité, en particulier dans le cadre de la cybersécurité. Notre pays peut apporter sa contribution au Centre de compétences de l'OTAN pour la cyberdéfense, à Tallinn, et bénéficier ainsi d'un accès privilégié aux connaissances spécialisées dans ce domaine.

La Suisse s'engage pour le maintien d'une plateforme de dialogue politique et de coopération fondée sur des valeurs communes. Elle s'intéresse à des formats souples permettant une discussion approfondie sur les thèmes qui la concernent (p. ex. le domaine de la cybernétique), en particulier dans la composition OTAN et partenaires d'Europe occidentale (28+629). Dans le même temps, elle entend préserver la coopération dans le cadre général du Partenariat pour la paix et du Conseil de partenariat euro-atlantique.

25

26 27

28

29

Détachement régional interarmées Nord (Joint Regional Detachment North); il s'agit de diriger les équipes de liaison et de surveillance au nord du Kosovo, lesquelles constituent un élément de système de pré-alerte que la KFOR a mis sur pied pour se faire une idée précise de la situation et déceler rapidement les éventuelles tendances négatives.

Par exemple dans les domaines de la doctrine, de l'organisation, de l'instruction, du matériel, du personnel et de la disponibilité.

Si, bien que neutre, la Suisse était victime d'une attaque armée et devait donc sortir de sa neutralité, l'armée aurait en principe deux options : une défense autonome et la coopération avec d'autres États, cette dernière impliquant une interopérabilité. Cela vaut également pour la participation à des engagements de promotion militaire de la paix, qui sont plus proches de son quotidien.

Initiative des forces connectées, Défense intelligente, Framework Mission Networking et Concept des capacités opérationnelles. Dans le cadre de ce dernier, les Forces aériennes examinent une éventuelle participation d'éléments spécifiques, étant donné que la méthodologie pourrait être utilisée pour le contrôle de l'instruction.

Autriche, Finlande, Irlande, Malte, Suède, Suisse

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La Suisse peut également prendre part à des discussions qui ne s'inscrivent pas dans une politique de sécurité classique (p. ex. protection de la population civile lors de conflits armés).La mise en oeuvre d'initiatives de ce type peut être favorisée dans le cadre de l'OTAN, car lorsqu'un thème est repris au sein de l'OTAN, il bénéficie d'un facteur de multiplication dans les forces armées alliées et partenaires. Par ailleurs, l'OTAN définit souvent le standard mondial en matière militaire.

Enfin, la Suisse est intéressée à influencer le développement de la politique de partenariat. Elle veut s'assurer que ses besoins pourront également être couverts par les nouveaux programmes et formats.

Les formes de collaboration avec l'OTAN doivent être en adéquation avec le droit de la neutralité et répondre à des considérations liées à la politique de neutralité. La Suisse préservera, en particulier, la capacité de mener à bien des opérations de défense sans aide extérieure. Elle ne souscrira pas d'engagements par lesquels elle devrait apporter un soutien à d'autres États en cas de conflit armé.

2.3.3

Union européenne

L'Union européenne (UE), avec ses 28 États membres, influe de multiples manières sur le contexte qui détermine la politique de sécurité de la Suisse. En ce qui concerne les répercussions directes sur cette politique, deux domaines sont au premier plan: la politique étrangère et de sécurité commune et ce qu'on appelle l'«espace de liberté, de sécurité et de justice».

Politique étrangère et de sécurité commune La politique étrangère et de sécurité commune a pour but de fixer, par étapes, une politique commune de défense et comprend:

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une clause d'assistance mutuelle obligatoire lorsqu'un État membre de l'UE est attaqué; l'assistance ne doit toutefois pas nécessairement être de nature militaire, c'est pourquoi l'obligation d'assistance est compatible avec le droit de la neutralité;

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une clause de solidarité par laquelle les États membres de l'UE sont tenus d'intervenir lorsqu'un État membre de l'UE est l'objet d'une attaque terroriste30;

­

des missions communes de l'UE pour maintenir la paix, prévenir les conflits et renforcer la sécurité internationale (appelées missions de Petersberg; ces missions sont menées par les États membres qui se déclarent prêts à les exécuter);

La clause de solidarité prévoit une action commune de l'UE lorsque l'un des États membres est touché par une attaque terroriste, une catastrophe naturelle ou une catastrophe d'origine humaine. Il n'est possible d'établir un lien avec la politique commune de sécurité et de défense que dans le cas où des mesures de défense sont prises, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de faire face à des menaces terroristes venant de l'extérieur.

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une «collaboration structurée permanente» entre les États membres qui entendent intensifier leurs capacités de défense dans certains domaines;

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un haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité31, qui dirige le Service européen pour l'action extérieure, détient un droit de proposition pour les missions communes et assure leur coordination;

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l'Agence européenne de défense, qui appuie les États membres dans l'amélioration de leurs capacités militaires.

L'UE est également une organisation importante dans le domaine de la promotion civile et militaire de la paix, de la prévention des conflits et de la médiation, par exemple dans les Balkans ou avec l'Iran.

La mise en oeuvre de la politique étrangère et de sécurité commune, même si elle s'est approfondie dans certains domaines, butte contre les réserves liées à la politique de souveraineté menée par les États membres; les budgets nationaux consacrés à la défense, qui ont reculé dans le sillage de la crise financière et économique, représentent un défi supplémentaire. L'UE est encore loin d'offrir un marché ouvert pour l'acquisition de biens d'armement; les activités de recherche et de développement des États membres sont peu coordonnées et le potentiel d'utilisation commune des capacités civiles et militaires n'est pas pleinement exploité. Les intérêts nationaux divergents et les structures d'organisation complexes viennent aussi rendent plus difficiles les engagements de promotion de la paix.

L'Agence européenne de défense, une composante de la PESC, cherche à identifier les lacunes que présentent les capacités militaires et à définir sur cette base des priorités en matière d'armement. Les capacités de défense de l'Europe doivent être renforcées par la promotion de la coopération en matière d'armement, par la recherche et le développement menés en commun et par l'ouverture des marchés nationaux. Pour prendre part à des initiatives de ce genre, les États tiers peuvent conclure des accords de coopération avec l'Agence européenne de défense. La Suisse a conclu un accord de ce type en mars 2012. Cette coopération, qui n'a pas encore été mise à profit, est compatible avec la neutralité parce que la Suisse décide elle-même quelles informations elle entend échanger dans ce cadre et à quels projets et programmes elle souhaite participer.

En 2016, l'UE a adopté sa stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité.

Cette dernière remplace la stratégie européenne de sécurité datant de 2003 et se distingue en particulier par l'accent qu'elle place sur l'action commune. Les besoins identifiés concernent notamment le domaine de l'armement ainsi que l'amélioration de la capacité de réaction et l'interopérabilité des formations européennes.

S'agissant des engagements de promotion de la paix, une
prise en charge plus conséquente des coûts par l'UE (plutôt que par les États membres participants) ainsi que les possibilités de coopération entre les différents États membres sont actuellement débattues. Dans le contexte de la décision du Royaume-Uni de quitter l'UE, le renforcement de la politique étrangère et de sécurité commune a reçu un large soutien de la part des autres États membres. Contrairement à des pays comme la France, 31

La personne occupant actuellement le poste de haut représentant est en même temps viceprésidente de la Commission européenne et présidente du Conseil des affaires étrangères.

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le Royaume-Uni a toujours fait preuve d'un certain scepticisme face à une politique de défense commune pour l'UE. Seul l'avenir nous dira si la nouvelle stratégie en matière de politique de sécurité conduira vraiment, en conjonction avec le Brexit, à une nouvelle dynamique favorisant l'intégration des politiques de sécurité ainsi que la collaboration entre les États membres de l'UE.

Possibilités de participation accrue de la Suisse L'UE constitue un cadre de référence important pour la politique de sécurité de la Suisse. Les conditions générales de la politique commune de sécurité et de défense n'évolueront guère à court et à moyen terme.

Depuis 2004, la Suisse a participé à plusieurs opérations civiles et militaires de l'UE pour la promotion de la paix32. Son intérêt est double: d'une part, la participation de militaires, d'experts civils et de policiers à des engagements de l'UE doit renforcer la stabilité et la paix et, partant, la sécurité et l'état de droit en Europe et à sa périphérie; d'autre part, la Suisse fait ainsi preuve de solidarité envers un de ses principaux partenaires qui déploie ses efforts dans la promotion de la paix.

Depuis quelque temps, la question se pose de savoir si la Suisse doit viser un accord de partenariat avec l'UE pour sa participation à des engagements dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune. L'UE a adopté un tel mandat de négociation en 2004; le Conseil fédéral ne l'a pas encore fait pour sa part. Tant qu'un accord-cadre fera défaut, il faudra conclure un accord de participation distinct pour chaque participation de la Suisse à un engagement civil ou militaire de l'UE. Un accord-cadre permettrait de régler les modalités générales de la participation de la Suisse à des engagements de ce type et de réduire la charge administrative; son contenu serait, pour l'essentiel, identique à celui des accords que la Suisse a conclus avec l'UE sur sa participation à diverses missions. La Suisse continuerait de décider individuellement, cas par cas, si elle souhaite ou non participer à un engagement concret. Un accord-cadre n'impliquerait pas d'obligation à participer à des missions; il n'enlèverait rien au processus national d'approbation des participations à des missions de l'UE.

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Missions achevées: mission de police en Macédoine (Proxima, achevée le 14.12.2005), mission d'observation en Aceh/Indonésie (AMM, achevée le 15.12.2006), opération militaire au Congo (EUFOR RD Congo, achevée le 30.11.2006, deux médecins militaires non armés en août 2006), mission de police au Congo (EUPOL RD Congo, achevée le 30.09.2014, une experte judiciaire suisse entre février et décembre 2008), mission de police en Bosnie et Herzégovine (EUPM, achevée le 30.06.2012, divers experts entre 2003 et 2012), mission militaire de formation au Mali (EUTM Mali, depuis avril 2013, analyste des médias entre mai 2014 et avril 2015). Missions en cours: opération militaire en Bosnie et Herzégovine (EUFOR Althea, depuis novembre 2004, contingent armé de vingt personnes, ainsi que six experts au plus en armes légères, en munitions et en langues, non armés et engagés temporairement), mission sur l'état de droit au Kosovo (EULEX, depuis 2008, engageant jusqu'à seize experts par le passé, actuellement un expert des droits de l'homme), mission civile de soutien aux forces de la sécurité intérieure du Mali (EUCAP Sahel Mali, depuis janvier 2014, un expert en évaluation), mission civile de conseil sur la réforme du secteur civil de la sécurité en Ukraine (EUAM Ukraine, depuis juillet 2014, un expert en planification et en évaluation).

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La Suisse peut, sur la base d'une convention applicable depuis 2012 et juridiquement non contraignante, participer à des projets de l'Agence européenne de défense.

L'intérêt principal et le potentiel de cette participation résident actuellement dans les projets en lien avec l'aviation, la recherche, les acquisitions et la technologie.

L'«espace de liberté, de sécurité et de justice» La construction d'un espace de liberté, de sécurité et de justice33 est un des objectifs centraux de l'UE. Depuis 1999, une coopération croissante et une harmonisation des règles au sein de l'UE ont été développées dans le domaine de la sécurité intérieure, complétant les politiques nationales de sécurité et les coopérations traditionnelles entre États membres, en particulier lorsqu'une action au niveau de l'UE est nécessaire, par exemple en matière de gestion des frontières ainsi que dans le cadre de la lutte contre la criminalité transfrontalière, le crime organisé et le terrorisme. Cette démarche s'est accélérée depuis 2009, à l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne: la majorité des domaines est désormais intégrée dans le cadre supranational de l'UE et soumise à la procédure législative ordinaire, en vertu de laquelle le Conseil de l'UE statue à la majorité qualifiée et le Parlement européen dispose d'une compétence de codécision. Le Conseil de l'UE reste seul compétent pour décider, à l'unanimité, la prise de mesures relevant de la collaboration policière opérationnelle.

La coopération de Schengen est un pilier important de cette collaboration étendue.

Elle compense l'abolition des contrôles aux frontières internes par un renforcement de la sécurité intérieure. Ses axes centraux sont la gestion des frontières extérieures, en particulier par l'agence pour la protection des frontières (Frontex), par une politique commune pour les visas de courte durée et par un renforcement de certains aspects de la coopération en matière d'asile, de migration, de police (système d'information Schengen compris) et de justice pénale.

Outre la coopération dans l'espace Schengen, l'UE dispose d'instruments de coopération policière et judiciaire en matière pénale, dont les éléments principaux sont les suivants:

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l'agence Europol, qui a pour principal objectif d'échanger des informations, d'aider les autorités policières nationales et de faciliter la coopération entre ces dernières;

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la coopération Prüm, permettant notamment un échange simplifié de profils ADN, d'empreintes digitales ou encore de données relatives aux véhicules et à leurs détenteurs;

Cet espace couvre de nombreux domaines: la migration, l'asile, la coopération judiciaire en matière pénale et civile, et la sécurité intérieure. Seuls les aspects liés à cette dernière sont abordés dans le présent chapitre.

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l'utilisation des données relatives aux passagers des transports aériens (API34/PNR35) dans la lutte contre le terrorisme et d'autres formes de grande criminalité;

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l'agence Eurojust, qui apporte un soutien aux autorités judiciaires nationales dans le cadre d'enquêtes et de procédures pénales concernant plusieurs États;

­

le collège européen de police CEPOL pour la formation des hauts fonctionnaires de police;

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plusieurs instruments visant à dépasser la coopération judiciaire classique et à développer la reconnaissance mutuelle et l'application directe des décisions de justice; le mandat d'arrêt européen, qui prévoit notamment une procédure simplifiée d'extradition, fait partie de ces instruments.

Les lignes directrices stratégiques adoptées en juin 2014 par le Parlement européen concernant l'espace de liberté, de sécurité et de justice mettent l'accent, de 2015 à 2019, sur la consolidation des acquis et l'amélioration de la mise en oeuvre des règles communes de manière à renforcer la confiance mutuelle entre États participants.

La pression croissante de la migration met à l'épreuve non seulement certains États européens, mais l'espace Schengen dans son ensemble. Plusieurs États ont en effet été contraints de réintroduire temporairement les contrôles à leurs frontières afin de savoir qui entre sur leur territoire. Même si ces contrôles, qui s'appuient sur des bases légales en vigueur, sont conformes à Schengen, ils illustrent combien ce système et sa principale réalisation ­ voyages non soumis à contrôle ­ sont sur la sellette.

Dans le cadre des lignes directrices stratégiques décidées en 2014 et sous la pression des nouveaux défis, diverses propositions ont été faites dans le domaine de la coopération Schengen et au-delà. Ces propositions concernent principalement la gestion des frontières extérieures (entre autres un renforcement du rôle de Frontex et un étoffement de ses moyens) et le renforcement des mesures visant à lutter contre la migration illégale (collaboration avec les pays d'origine des migrants et les pays de transit, lutte contre la criminalité liée à l'immigration clandestine et à la traite des êtres humains, politique efficace de renvoi). La mission principale de Frontex consiste, pour les États membres, à apporter un soutien opérationnel dans la surveillance et la sécurisation des frontières extérieures de l'espace Schengen (p. ex. par la mise à 34

API = advance passenger information; les données API comprennent les données personnelles d'un passager (nom, prénom, sexe, date de naissance, nationalité) ainsi que les données figurant sur son document de voyage (numéro, État émetteur, passeport ou carte d'identité) et relevées sur la partie lisible par les machines du passeport ou de la carte d'identité. Ces données sont utilisées dans le cadre de l'accord de Schengen et servent en priorité aux opérations de contrôle aux frontières.

35

PNR = passenger name records; les données PNR sont des informations concernant les passagers que les compagnies aériennes gèrent dans leurs systèmes de réservation et de prise en charge. Ces données fournissent, par exemple, des indications sur le domicile, l'adresse électronique, le numéro de téléphone, les dates de paiement et de voyage, le trajet, les bagages, le numéro de place ainsi que sur l'agence qui a effectué la réservation.

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disposition coordonnée de gardes-frontière supplémentaires ou de matériel et par des mesures visant à améliorer la disponibilité, notamment dans le cadre de l'instruction ou de la réalisation d'analyses de risques). La proximité avec ses tâches dans les autres domaines relevant de la sécurité est perceptible dans les débats actuels sur les activités des passeurs.

En raison des conflits en Irak et en Syrie ainsi que des attentats de Paris et de Bruxelles, la lutte contre le terrorisme a, une fois encore, gagné en importance dans les débats européens autour de l'espace Schengen. Au premier plan figure le phénomène des combattants terroristes étrangers, à savoir les combattants à motivation djihadiste susceptibles de rentrer chez eux, dont beaucoup sont des ressortissants de pays européens. Le Conseil «Justice et affaires intérieures» a décidé de renforcer les contrôles aux frontières extérieures, même pour les ressortissants européens, et a adapté en conséquence le code frontières Schengen; la procédure d'approbation de ce changement est prévue en 2016. Les lignes directrices concernant l'échange des données des passagers, qui obligent les compagnies aériennes à transmettre aux autorités compétentes des données permettant de prévenir et de poursuivre pénalement les actes de terrorisme ou les crimes graves, ont en revanche déjà été adoptées.

Cette obligation va au-delà du traditionnel devoir d'informer.

Possibilités de participation accrue de la Suisse Le développement de l'espace de liberté, de sécurité et de justice a provoqué une profonde modification de la situation en matière de sécurité autour de la Suisse. En raison de sa position géographique et de l'importance des échanges avec les États membres de l'UE, la Suisse est directement concernée par le resserrement des coopérations entre États de l'UE. De la même manière que les phénomènes de criminalité transfrontalière et de terrorisme touchant le continent européen ont un impact sur la Suisse, celle-ci peut bénéficier des mesures de prévention prises par ses partenaires et par l'UE. Un défi particulier pour la Suisse consiste à trouver sa place dans un environnement où les modes de coopération traditionnels, bilatéraux notamment, sont remplacés par une coopération multilatérale accrue au niveau européen, à laquelle la Suisse n'a pas d'emblée
accès puisqu'elle n'est pas membre de l'UE.

Dans le cadre de Schengen, la Suisse participe à tous les instruments de cette coopération en raison de son accord d'association avec l'UE. Elle a accès au système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) et participe à la politique commune des visas ainsi qu'aux efforts visant à renforcer la sécurité des frontières extérieures, notamment en contribuant au fonds pour les frontières extérieures, ou plus précisément à son successeur, le fonds pour la sécurité intérieure dans le domaine des frontières extérieures et des visas, ainsi que par un soutien financier et une participation aux effectifs des opérations de Frontex. La Suisse participe aussi au développement de Schengen, en proposant notamment d'introduire un système qui prévoit d'accroître l'efficacité des contrôles automatisés d'entrée et de sortie. Les droits de regard de la Suisse dans ce cadre (decision shaping) lui permettent de participer au processus législatif de l'UE ­ sans droit de vote toutefois ­ lors de l'élaboration des règles de l'espace Schengen.

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En dehors du cadre de Schengen, la Suisse a conclu des accords de collaboration avec les agences Europol, Eurojust et CEPOL, qui lui permettent de renforcer la coopération en matière de lutte contre la grande criminalité et le terrorisme dans le domaine policier et judiciaire.

D'autres instruments européens de coopération sont ouverts à la participation d'États non membres de l'UE. Pour la Suisse, l'opportunité de participer à ces coopérations est évaluée cas par cas. Il s'agit de mettre en regard l'utilité de ces instruments pour les autorités judiciaires ou policières suisses et le coût intrinsèque de ces coopérations, non seulement sous l'angle financier, mais également pour les obligations qu'implique une adhésion aux règles de l'UE, tout en sachant que ces règles peuvent évoluer.

La Suisse estime que les instruments de coopération judiciaire et de coopération en matière pénale en place sont appropriés et que l'adoption d'instruments supplémentaires prévoyant la reconnaissance et l'application directe de décisions judiciaires étrangères ou du mandat d'arrêt européen ne s'impose pas à ce stade, même si elle devra être réexaminée ultérieurement. En revanche, il est dans l'intérêt de la Suisse de collaborer avec l'UE dans sa lutte contre le terrorisme, également en dehors du cadre de Schengen. Les discussions portent sur la participation au système créé à partir des directives PNR concernant la transmission aux autorités compétentes des données complètes des passagers que les compagnies aériennes transportent. Il est encore trop tôt pour dire si la Suisse y participera et dans quelle mesure. Pour l'heure, elle vise une participation à la coopération Prüm pour l'échange de profils ADN et d'empreintes digitales, qui est devenue un instrument important de la lutte contre la criminalité transfrontalière ces dernières années. En outre, la participation à la coopération Prüm est une condition sine qua non pour l'obtention, par les autorités suisses de poursuite pénale, d'un accès aux données contenues dans la base Eurodac. Le Conseil fédéral a approuvé le mandat de négociation pour que les autorités puissent accéder à la banque de données Eurodac 2014 et celui qui autorise la participation à la coopération Prüm en 2015. De son côté, l'UE a approuvé le mandat de négociation pour la coopération Prüm avec la Suisse en juin 2016; les négociations devraient maintenant être rapidement menées à bien.

2.3.4

Conseil de l'Europe

Le Conseil de l'Europe, et tout particulièrement la Cour européenne des droits de l'homme, ont vu leur rôle de garant naturel des droits de l'homme, de la démocratie et de la prééminence du droit prendre de l'ampleur. Plusieurs instruments créés par le Conseil de l'Europe contribuent au renforcement de la paix et de la sécurité sur le continent, Suisse incluse. Il s'agit notamment de la convention sur la cybercriminalité36, conclue à Budapest et que la Suisse a ratifiée en 2011, et de la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme 37, que la Suisse a signée en

36 37

RS 0.311.43 Le texte de la convention peut être consulté à l'adresse suivante: www.coe.int > Explorer > Bureau des traités > Liste complète > No 196.

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2012, ainsi que de son protocole additionnel de 201538 relatif à l'incrimination de faits tels que les voyages à l'étranger à des fins de terrorisme. La convention sur la cybercriminalité39 est quant à elle le principal instrument de droit international visant à améliorer la collaboration internationale dans ce domaine. Elle facilite l'entraide judiciaire internationale, définit des procédures visant à garantir la mise en sûreté rapide des preuves et oblige les États parties à gérer un réseau d'interlocuteurs disponible 24 heures sur 24.

Possibilités de participation accrue de la Suisse D'autres conventions récentes ou en préparation du Conseil de l'Europe seront appelées à jouer un rôle dans la lutte contre les trafics illégaux et le crime organisé.

Il s'agit en particulier de la convention MEDICRIME ­ portant sur la contrefaçon des produits médicaux ­ et de la Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains, ainsi que de la Convention du Conseil de l'Europe sur la manipulation des compétitions sportives. La Suisse participe à la préparation de ces conventions, qu'elle décidera de ratifier ou non le moment venu, en fonction de ses intérêts nationaux et de l'efficacité de la coopération européenne.

2.3.5

Organisation des Nations Unies

L'Organisation des Nations Unies (ONU) est la plus importante organisation au monde en matière de politique de sécurité; seul son Conseil de sécurité peut légitimer un recours à la force militaire en dehors du cadre de la légitime défense. Les Nations Unies disposent, en outre, de toute une gamme d'instruments pour la gestion des conflits, pour les mesures post-conflit et pour la coopération au développement.

Elles sont ainsi en mesure d'adopter une approche globale et d'apporter des contributions substantielles à la stabilisation durable des régions en crise. Les répercussions des conflits armés se font sentir dans le monde entier. Par conséquent, les engagements de l'ONU sont souvent profitables à la sécurité de la Suisse, même lorsqu'ils ne se déroulent pas dans son voisinage immédiat.

Le contexte dans lequel se déroulent les engagements de promotion de la paix de l'ONU a évolué ces dernières années. Les mandats sont de plus en plus complexes et variés, et le cadre des missions de plus en plus dangereux. Les Casques bleus sont de plus en plus souvent confrontés à des situations conflictuelles durables, impliquant des acteurs aussi nombreux que variés (étatiques ou non). Or, les acteurs ne reconnaissent pas tous systématiquement l'impartialité de l'ONU. Certains préfèrent le statu quo et ne sont pas intéressés par une paix durable. Les missions de l'ONU sont, dès lors, plus fréquemment prises pour cible. Cette évolution a des répercussions sur la manière dont sont menés les engagements militaires de l'ONU. Les troupes de maintien de la paix sont ainsi de plus en plus souvent affectées à des missions qui dépassent les tâches traditionnellement confiées aux forces militaires 38 39

Le texte du protocole peut être consulté à l'adresse suivante: www.coe.int > Explorer > Bureau des traités > Liste complète > No 217.

Le texte de la convention peut être consulté à l'adresse suivante: www.coe.int > Explorer > Bureau des traités > Liste complète > No 185.

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lors de missions de l'ONU. En 2013, en République démocratique du Congo, une brigade d'intervention a, pour la première fois, reçu le mandat de neutraliser des groupements armés. En parallèle, les formations régulières de la mission de l'ONU ont poursuivi leurs tâches de protection de la population civile et d'appui au gouvernement congolais dans le domaine de la stabilisation et de la consolidation de la paix; l'objectif était, entre autres, de promouvoir un dialogue politique transparent mené dans un esprit de participation et d'assurer une surveillance des violations des droits de l'homme. Même si la brigade d'intervention demeure un cas spécifique et qu'elle est explicitement qualifiée d'exception par le Conseil de sécurité, les expériences faites dans ce contexte influenceront la façon dont seront conçus les engagements à venir.

Étant donné que les situations conflictuelles deviennent de plus en plus difficiles à gérer et que les missions de l'ONU se retrouvent parfois face à des parties bien équipées, l'ONU doit moderniser l'équipement de ses troupes de maintien de la paix. C'est pourquoi elle mise sur des technologies modernes (drones de reconnaissance ou équipement de protection contre les charges explosives improvisées), notamment pour compenser les besoins croissants en personnel. Les ressources requises sont toutefois coûteuses et l'ONU est tributaire des États qui maîtrisent ces technologies et les mettent à sa disposition. La pression sur les États européens pour qu'ils renforcent leur engagement à ce titre augmentera probablement.

À l'heure actuelle, plus de 125 000 hommes et femmes issus de 121 États servent dans seize missions de l'ONU de maintien de la paix; parmi eux, 105 000 sont du personnel en uniforme (90 000 militaires, 13 000 agents de police et 2000 observateurs militaires environ), le reste étant constitué d'employés civils 40.

C'est plus que par le passé, mais la plupart des missions n'en demeurent pas moins sous-dotées. Le nombre de missions au Proche-Orient, en Afrique du Nord et au Sahel ­ des régions qui influent directement sur la sécurité de l'Europe ­ a notamment augmenté. Les contributions futures provenant d'Europe seront vraisemblablement de nature essentiellement financière, matérielle et technique, couplées à l'envoi de spécialistes militaires.

L'ONU se
voit confier davantage de tâches que l'État concerné n'est plus à même d'assumer. La protection de la population civile fait partie de la plupart des mandats du Conseil de sécurité de l'ONU et rend la promotion de la paix encore plus complexe. Les moyens militaires à cet effet sont souvent complétés par un engagement politique et par des moyens civils. C'est aussi une conséquence des menaces non militaires, telles que le crime organisé, car pour les combattre, il faut des capacités essentiellement civiles, en particulier dans le domaine de la justice et dans celui de la police. Dans les conflits complexes, les composantes militaires doivent assumer en premier lieu des fonctions de stabilisation et de protection. Des mesures post-conflit durables requièrent toutefois un vaste engagement au niveau civil destiné à reconstruire l'État. La tendance à une prévention accrue va dans le même sens: la détection des violations systématiques des droits de l'homme doit être renforcée afin de pouvoir reconnaître, à un stade précoce, des conflits qui s'amorcent et les résoudre. Ici 40

Le gros des contingents provient de pays d'Asie et d'Afrique; les États occidentaux ne fournissent qu'une part relativement réduite de ces effectifs.

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aussi, il s'agit principalement de renforcer et d'améliorer la coordination entre les capacités civiles de l'ONU.

En raison des changements survenant dans le contexte des opérations de paix, le secrétaire général de l'ONU a mis sur pied un groupe d'étude chargé d'analyser les efforts consentis par l'ONU, tant au niveau civil qu'au niveau militaire. Il a recommandé quatre axes principaux: ­

Primauté de la politique: le rapport souligne qu'une paix durable nécessite d'abord des solutions politiques. Le recours à des moyens militaires est certes nécessaire dans différents cas, mais il ne devrait pas être la seule mesure à prendre.

­

Missions axées sur les besoins: les opérations de paix de l'ONU doivent répondre plus spécifiquement encore aux besoins. Il s'agira, à l'avenir, sous le concept général d'«opérations de paix des Nations Unies», de répondre plus souplement aux attentes des acteurs locaux, régionaux et internationaux.

­

Renforcement des partenariats: le rapport recommande d'optimiser l'architecture globale et régionale. L'ONU doit assumer un rôle accru d'intermédiaire et de facilitateur afin de placer les organisations régionales le plus judicieusement possible. Du fait des nombreuses missions effectuées en Afrique, la collaboration avec l'Union africaine figure au premier plan.

­

Focalisation sur les êtres humains et la mission sur le terrain: le Secrétariat de l'ONU doit faire preuve de davantage de pragmatisme et mettre encore plus l'accent sur les besoins des missions civiles et militaires.

Dans son rapport sur l'application des recommandations de septembre 2015, le secrétaire général de l'ONU cite trois piliers centraux de son plan d'action41:

41 42 43

­

Une attention accrue doit être portée à la prévention des conflits et des ressources plus étendues doivent lui être consacrées. La détection précoce de conflits potentiels et une réaction rapide sont confirmées comme étant la fonction principale de l'ONU.

­

L'ONU doit non seulement collaborer davantage avec des organisations régionales, mais aussi directement avec des États isolés 42 ou avec des institutions spécialisées43. Les partenariats de ce type, avec une répartition des tâches et des rôles taillés sur mesure, devraient être la règle à l'avenir.

­

La planification et la réalisation d'opérations de paix de l'ONU doivent se faire plus vite, avec une plus grande réactivité et une meilleure prise en compte des besoins des pays et des personnes concernés. Le secrétaire général de l'ONU prévoit une réforme de son secrétariat à cet effet.

Il reste à déterminer, parmi les recommandations, lesquelles seront effectivement appliquées.

Ainsi, la France s'est engagée militairement au Mali et en République centrafricaine avec l'accord de l'ONU, avant ou parallèlement à l'engagement des Nations Unies.

La mission conjointe de l'ONU et de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques en Syrie en est un exemple.

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Possibilités de participation accrue de la Suisse En 2010, le Conseil fédéral a décidé, après avoir consulté les commissions de politique étrangère des Chambres fédérales, que la Suisse serait candidate à un siège non permanent au Conseil de sécurité pour les années 2023 et 2024. L'élection se fera en 2022 à l'Assemblée générale. Un siège non permanent au Conseil de sécurité permettrait à la Suisse de poursuivre sa politique étrangère et de sécurité, tout en contribuant aux travaux de cet organe en faveur de la sécurité internationale et en intensifiant son engagement dans la promotion de la paix et de la sécurité dans le cadre onusien.

L'ONU revêt une importance cruciale pour l'engagement de la Suisse dans la promotion de la paix. Dans le domaine de la résolution politique des conflits, la Suisse poursuit divers objectifs dans le cadre de l'ONU, notamment le renforcement des capacités de celle-ci dans la prévention des conflits, l'amélioration de la cohérence et de la coordination du système onusien et le renforcement des partenariats avec les organisations régionales. Elle s'engage aussi pour la gestion du passé, une participation plus intense des femmes et le respect des droits de l'homme.

La Suisse continuera d'apporter sa contribution à la stabilité internationale en proposant ses bons offices en tant qu'État hôte pour les pourparlers de paix menés par l'ONU entre parties adverses. Elle poursuivra aussi son engagement dans le domaine de la médiation.

La Suisse participe régulièrement à des missions de l'ONU en envoyant des spécialistes civils, des policiers et des experts du domaine des douanes, des observateurs militaires, des officiers de liaison et d'autres experts militaires. Un mandat de l'ONU ou, le cas échéant, de l'OSCE, est nécessaire sur le plan juridique pour des engagements de promotion de la paix de l'armée, y compris pour ceux qui ne sont pas dirigés par l'ONU elle-même (mais par l'OTAN ou l'UE sur mandat de l'ONU, comme c'est le cas au Kosovo et en Bosnie et Herzégovine). La participation des militaires se fait sur une base volontaire. Les engagements futurs de la Suisse dans le cadre de la promotion militaire de la paix pourraient s'inscrire davantage dans des missions conduites par l'ONU elle-même, une fois achevées les missions menées par l'OTAN au Kosovo et par l'UE en
Bosnie et Herzégovine, qui représentent actuellement plus de 80 % des contributions de la Suisse à la promotion de la paix. Il faut partir du principe que les opérations d'envergure seront menées à l'avenir plutôt par l'ONU que par l'OTAN ou l'UE parce que les opérations de ce genre se déroulent généralement en dehors de l'Europe, parce que l'intérêt manifesté par l'OTAN pour la conduite d'engagements d'envergure a décliné et parce que la conduite d'engagements majeurs n'est plus guère confiée à des organisations occidentales (comme c'était le cas ces vingt dernières années) en raison des tensions accrues entre la Russie et l'Occident.

Un renforcement de l'engagement de la Suisse dans la promotion militaire de la paix se fera principalement par des contributions de haute qualité. La logistique, le transport sur terre et dans les airs, le génie, les troupes sanitaires, l'acquisition d'informations, la police militaire, le déminage humanitaire, la mise en sûreté et l'élimination des armes de petit calibre et des munitions, les spécialistes de la réforme du secteur de la sécurité, ainsi que le conseil et l'aide à l'instruction dans ces 7609

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domaines, sont très recherchés à l'ONU. La neutralité du pays, le niveau élevé d'instruction et de technologie de l'armée, le plurilinguisme et la proximité avec la population civile qui découle du système de milice font que la Suisse est particulièrement bien adaptée à certaines missions de l'ONU, notamment en Afrique. Il est donc concevable que l'ONU demande à la Suisse de contribuer davantage encore à la promotion de la paix.

La Suisse a intérêt à ce que les engagements de l'ONU pour la promotion de la paix aient lieu, car ils contribuent à stabiliser les régions en proie à des conflits, ce qui influe positivement sur sa propre sécurité. Or, de tels engagements ne peuvent se faire que si les États membres de l'ONU sont disposés à apporter leur contribution.

Il est donc également dans l'intérêt de la Suisse de contribuer elle-même à ces engagements. En outre, plus les pays fournisseurs de troupes engagés dans une mission de promotion de la paix sont nombreux, plus sa crédibilité est élevée.

2.3.6

Interpol

Interpol, la plus grande organisation de police internationale au monde, regroupe 190 États membres. Son objectif est de promouvoir une coopération étendue à toutes les autorités de police judiciaire dans le cadre des lois nationales et dans le respect de la législation internationale en matière de droits de l'homme. Le siège d'Interpol est situé à Lyon; en 2015, un deuxième centre mondial a été inauguré à Singapour.

Interpol favorise et soutient des activités visant à prévenir et à combattre les infractions par l'échange d'informations entre les polices judiciaires via un réseau de communication global, des banques de données, un soutien opérationnel et la formation et le perfectionnement des policiers. Les avis de recherches par Interpol sont un élément crucial par lequel les États membres peuvent retrouver et arrêter des personnes recherchées à l'étranger.

Chaque pays désigne un bureau central qui lui est propre; en Suisse, c'est l'Office fédéral de la police (fedpol) qui assume cette fonction. Il est chargé de la collaboration avec les polices et les autorités chargées des poursuites pénales en Suisse, d'une part, et avec les bureaux centraux d'autres États et le Secrétariat général d'Interpol, d'autre part.

La Suisse a exercé une influence ciblée sur le débat nourri qui a récemment porté sur le financement externe d'Interpol. Concrètement, la Suisse a demandé que les donateurs privés soient impérativement compatibles avec les objectifs et les activités de l'organisation, que son indépendance soit préservée et que les donations soient faites en toute transparence. Sur la base de la proposition de la Suisse, une procédure a été lancée, qui réglemente plus précisément les donations financières faites à Interpol et impose un devoir de diligence.

Possibilités de participation accrue de la Suisse Le deuxième site mondial d'Interpol à Singapour est en cours de construction.

Interpol entend y intensifier la lutte contre la cybercriminalité et renforcer la recherche et le soutien dans le domaine des technologies de l'information. Le but est 7610

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de mettre à la disposition des autorités policières du monde entier les instruments et les capacités requis pour relever efficacement les défis majeurs et complexes liés à la criminalité internationale. Une participation active sur le site de Singapour est également possible pour les autorités de poursuite pénale suisses, notamment en y détachant des experts et en participant à des groupes de travail spécialisés ou à des formations.

Une autre possibilité de collaboration accrue consiste à promouvoir, de façon ciblée, la lutte contre des secteurs de la criminalité définis comme prioritaires. Pour la fin 2016, la Suisse prévoit de mettre sur pied une conférence mondiale d'Interpol sur la lutte contre la traite des êtres humains. En tant qu'État organisateur, elle peut peser sur le choix des thèmes et créer une plateforme visant à permettre les contacts internationaux et le partage de connaissances spécialisées.

2.3.7

Autres domaines de la collaboration internationale

D'autres organisations d'envergure mondiale ont un rôle important à jouer face à des menaces spécifiques, comme Interpol dans la lutte contre le crime organisé. Il en va de même pour les accords multilatéraux, notamment dans le domaine du contrôle des armements et du désarmement. Les organisations internationales qui ont un effet indirect sur la sécurité, telle l'Organisation internationale pour les migrations, ne sont pas traitées ici.

Contrôle des armements et désarmement Le contrôle des armements et le désarmement servent, dans l'idéal, à réduire les coûts liés à la disponibilité de l'armée, à atténuer la probabilité d'un conflit armé et, le cas échéant, à diminuer son impact destructeur. À eux seuls, ils ne peuvent ni empêcher ni résoudre les conflits, mais ils peuvent compléter d'autres instruments de prévention, de gestion des crises et de réhabilitation post-conflit. Les accords passés à ce titre peuvent, pour autant que leur mise en oeuvre est soigneusement contrôlée, susciter la confiance, limiter les niveaux d'armement, restreindre les catégories d'armes, voire en interdire certaines catégories.

Fidèle à sa tradition humanitaire, la Suisse s'engage dans des accords multilatéraux qui, outre la sécurité, la stabilité et la paix, visent à renforcer le respect du droit international humanitaire et des droits de l'homme, à atténuer les souffrances causées par les conflits armés, à protéger la population civile et à promouvoir la sécurité humaine en général.

Armes de destruction massive Par armes de destruction massive, on entend les armes chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires. Différents accords multilatéraux et bilatéraux (entre la Russie et les États-Unis) portent sur ces armes. Depuis 2010, seul deux domaines ont connu des progrès: l'arsenal syrien déclaré d'armes chimiques a été détruit et un accord a été conclu entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de

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l'ONU et l'Allemagne, d'une part, et l'Iran d'autre part. Cet accord limite les activités nucléaires iraniennes et prévoit, en contrepartie, une levée des sanctions.

Aucun nouvel accord n'a été conclu entre la Russie et les États-Unis en vue de limiter ou réduire leurs armes nucléaires et, en raison de la situation en Ukraine, les tensions accrues entre la Russie et l'Occident éloignent toute probabilité d'aboutir à d'autres accords de ce type dans les années à venir. Les autres États dotés de l'arme nucléaire maintiennent également leur politique de dissuasion nucléaire et modernisent, voire étoffent, leurs arsenaux. Lorsqu'on considère le risque d'un recours accidentel ou précipité à l'arme nucléaire, le nombre d'armes importe moins que leur disponibilité. Certains États maintiennent ainsi la disponibilité de leurs arsenaux ou de parties de ceux-ci de manière à permettre un engagement en l'espace de quelques minutes.

S'agissant des armes chimiques et biologiques, deux objectifs figurent au premier plan: l'amélioration de la mise en oeuvre des accords existants et leur ratification par d'autres États afin de leur conférer une portée universelle. Dans le domaine des armes chimiques, deux défis occupent le devant de la scène: achever la destruction attestée des stocks d'armes chimiques restants (notamment en Russie et aux ÉtatsUnis) et empêcher une résurgence de cette menace, en particulier au Proche-Orient.

S'agissant des armes biologiques, il y a lieu de compléter l'accord sur l'interdiction de ces armes par des mesures visant à instaurer la confiance et d'examiner systématiquement les répercussions des évolutions fulgurantes qu'a connues la biotechnologie pour la sécurité internationale. Le mécanisme d'enquête existant du secrétaire général de l'ONU sur l'utilisation présumée d'armes biologiques et chimiques, qui a fait ses preuves notamment en Syrie, doit être renforcé avec le soutien de la Suisse.

Avec le laboratoire de Spiez, la Suisse s'engage dans des domaines importants du contrôle technique et scientifique de l'armement, notamment dans le cadre du soutien de longue date apporté à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, à l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires, au développement de capacités de criminalistique nucléaire dans le contexte de
l'initiative mondiale de lutte contre le terrorisme nucléaire ou au renforcement du mécanisme du secrétaire général de l'ONU pour la surveillance des allégations d'emploi d'armes chimiques ou biologiques, lequel a fait ses preuves en Syrie notamment. Le rôle des laboratoires de renommée internationale dans le secteur de la biologie devra être renforcé à l'avenir. En effet, pour que les résultats des enquêtes des missions de l'ONU soient acceptés à l'échelle mondiale, comme dans le secteur des armes chimiques, la preuve d'une utilisation de produits toxiques de combat doit répondre à des critères de qualité stricts et reconnus au niveau international.

Armes conventionnelles En Europe, les accords sur les armes conventionnelles traversent une crise. Plusieurs États n'appliquent plus le Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe44.

Un autre traité45, qui porte sur le régime «ciel ouvert», perd de sa crédibilité, car les parties ne parviennent pas à s'accorder sur la manière de le mettre en oeuvre en 44 45

Le traité peut être consulté à l'adresse suivante: www.osce.org/fr/library/14089.

Le traité peut être consulté à l'adresse suivante: www.osce.org/fr/library/14129.

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raison des réserves unilatérales émises par certains États. Le Document de Vienne46, auquel la Suisse participe de plein droit, contrairement aux deux autres, a pu être appliqué malgré une situation particulièrement tendue en Ukraine. Son actualisation, rendue nécessaire par les réalités militaires, est toutefois bloquée depuis plusieurs années. Au cours de ces prochaines années, l'accord «ciel ouvert» et le Document de Vienne devront être modernisés afin de tenir compte de l'évolution des menaces, des développements technologiques et des réalités sécuritaires en Europe qui ne sont plus celles du début des années 90. L'objectif à court terme est de créer, dans le cadre de discussions informelles, une base commune pour de futures négociations.

La prolifération non contrôlée d'armes de petit calibre, d'armes légères et de munitions représente une menace pour la paix, la sécurité et la stabilité de régions entières. Dans les États fragiles en particulier, de nombreux actes de violence sont perpétrés avec ces armes, avec de lourdes conséquences pour le développement de ces pays. Le Traité sur le commerce des armes47, ratifié par la Suisse en 2015 et dont le secrétariat se trouve à Genève, doit mettre un terme à la prolifération non contrôlée d'armes conventionnelles et, par là même, prévenir la déstabilisation des régions concernées et réduire les souffrances humaines. La Suisse soutient les efforts déployés pour inciter d'autres États à adhérer à ce traité et à l'appliquer.

En accord avec sa tradition humanitaire, la Suisse s'engage également pour une mise en oeuvre correcte et pour conférer une portée encore plus universelle à la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel48 et à la Convention sur les armes à sous-munitions49. Les conséquences humanitaires et économiques de ces moyens de combat sont dévastatrices et perdurent bien après la fin des hostilités.

Les progrès technologiques permettent de moderniser les armes existantes et d'en développer de nouvelles. Il est désormais possible d'automatiser davantage les armes et même de les rendre presque autonomes pendant une période limitée. La Convention de l'ONU de 1980 sur certaines armes classiques50 examine le potentiel de développement de systèmes d'armes autonomes létales et de leurs vecteurs. La Suisse s'engage pour que les États
soient tenus de veiller à ce que les nouvelles armes ou les nouveaux moyens et méthodes de conduite de la guerre soient compatibles avec le droit international.

Coopération internationale dans la lutte contre la piraterie La communauté internationale répond au problème posé par la piraterie en organisant des opérations multinationales ad hoc de police maritime ou coordonnées entre 46 47

48 49 50

Le document peut être consulté à l'adresse suivante: www.osce.org/fr/fsc/86598.

RS 0.518.61. Ce traité définit, pour la première fois au niveau mondial, les normes à respecter dans le commerce transfrontière d'armes conventionnelles. Ces normes doivent contribuer à instaurer un commerce international des armes qui soit responsable et à mettre un frein au commerce illégal et, ainsi, atténuer les souffrances humaines causées par les armes.

La convention peut être consultée à l'adresse suivante: treaties.un.org > État des traités déposés auprès du Secrétaire général > Chapitre XXVI > 5.

La convention peut être consultée à l'adresse suivante: treaties.un.org > État des traités déposés auprès du Secrétaire général > Chapitre XXVI > 6.

La convention peut être consultée à l'adresse suivante: treaties.un.org > État des traités déposés auprès du Secrétaire général > Chapitre XXVI > 2.

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pays dans certaines zones maritimes, en lançant des activités de longue durée afin de s'attaquer aux causes de la piraterie et en élaborant, par le truchement de l'Organisation maritime internationale, des normes de sécurité. Ces mesures doivent s'accompagner de projets, visant notamment à renforcer les capacités des États des régions concernées ainsi que leur assise économique. La Suisse, qui maintient une flotte de haute mer, abrite les sièges de plusieurs armateurs et possède une économie fondée sur les exportations, a un intérêt à ce que la sécurité du trafic maritime soit garantie et donc à ce que la lutte contre la piraterie gagne en efficacité.

Coopération internationale pour la sécurité de l'espace extra-atmosphérique La militarisation de l'espace n'est pas réglée par le droit international, sauf en ce qui concerne le placement en orbite et sur des corps célestes d'armes nucléaires et de tout autre type d'armes de destruction massive, prohibé par les instruments en vigueur. Si plusieurs pays disposent de satellites pour soutenir des opérations militaires, aucun ne semble avoir positionné d'armes dans l'espace. Toutefois, la Chine, les États-Unis, et probablement la Russie, possèdent la capacité de détruire des satellites en orbite. De nombreux États ont par ailleurs la capacité d'interférer sur le bon fonctionnement de satellites appartenant à des tiers, avec des conséquences sur les applications militaires et civiles. Qui plus est, le nombre croissant de débris dans l'espace constitue également un risque pour les satellites, les stations orbitales et les services spatiaux en général.

Face à ces défis, l'ONU s'est engagée dans le développement de lignes de conduite visant à garantir l'utilisation pacifique de l'espace sur le long terme. En parallèle, dans le cadre de la conférence sur le désarmement, des initiatives visent à éviter le placement d'armes dans l'espace et les atteintes à la sécurité des systèmes spatiaux.

L'UE a proposé un code de conduite pour renforcer la sécurité dans l'espace; ce code est actuellement débattu au niveau international.

La Suisse participe à différents programmes spatiaux et retire un bénéfice important de l'accès aux données et aux applications satellitaires. Elle a donc intérêt non seulement à éviter le stationnement d'armements dans l'espace, mais
aussi à garantir les conditions permettant aux satellites d'opérer de façon sûre et durable. C'est pourquoi la Suisse soutient les travaux en cours au sein de l'ONU, et participe aux efforts de l'UE visant à développer un code de conduite international pour les activités spatiales.

2.3.8

Conclusion

La coopération multilatérale est également sous pression dans le domaine de la politique de sécurité. On observe un renforcement de la politique de puissance et des formations ad hoc spécifiquement entraînées pour affronter les crises et certains thèmes. Celles-ci peuvent aider à trouver des solutions multilatérales dans le contexte difficile dans lequel se trouve actuellement la politique mondiale, au risque de saper le multilatéralisme.

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La coopération multilatérale dans le cadre des organisations et des domaines relevant de la politique de sécurité évoluera vraisemblablement de différentes manières ces cinq à dix prochaines années. Les organisations régionales les plus homogènes auront plutôt tendance à renforcer l'intégration de leurs États membres. Ainsi, l'UE devrait continuer à développer ses capacités en matière de justice et de police ainsi que dans le domaine de la politique de sécurité. De plus, la coopération devrait tendre à s'intensifier en raison de la mise à l'épreuve actuelle de Schengen. L'OTAN continuera à jouer son rôle actuel ­ et son rôle de défense se trouvera peut-être même renforcé ­, tandis qu'elle pourrait vraisemblablement se faire plus discrète dans la promotion de la paix. Bien que l'OSCE souffre de la divergence de perspectives des États participants (qui sont plus hétérogènes si on les compare à l'UE et à l'OTAN), elle n'en restera pas moins le seul forum de grande envergure dans le domaine de la sécurité en Europe. L'ONU se développera probablement de telle manière que les besoins en expertise civile et en contributions militaires de haut niveau (et généralement armées) pour des engagements de stabilisation et de sécurisation augmenteront. Ces engagements auront vraisemblablement lieu, entre autres, dans des régions qui influent directement sur la sécurité de la Suisse.

Aux yeux de la Suisse, la coopération multilatérale reste le meilleur moyen de favoriser les solutions communes. Ainsi, le renforcement de la capacité d'agir de l'OSCE et de l'ONU est au nombre de ses priorités dans les domaines de la politique étrangère et de la politique de sécurité. Par ailleurs, elle s'impliquera, là où cela s'avère possible et judicieux, dans les efforts de paix de l'UE. Elle poursuivra également ses activités dans le cadre du Partenariat pour la paix, utilisant ce dernier comme instrument dans le dialogue qui entoure la politique de sécurité et pour favoriser les capacités de coopération. De même, la Suisse appuiera les activités du Conseil de l'Europe dans le cadre de la politique de sécurité. Enfin, elle s'impliquera dans le renforcement du contrôle des armements, du désarmement et du régime de non-prolifération.

Face à la tendance générale au renforcement de la coopération en matière de sécurité pour contrer
les menaces transfrontières, les États qui se tiennent à l'écart de ces processus courent le risque d'une détérioration de leur sécurité, contrairement à celle d'autres pays.

S'agissant des menaces et des dangers, les conséquences ci-après en découlent pour l'architecture de sécurité: Face à l'acquisition illégale et à la manipulation d'informations ­ une menace marquée dans le domaine de la cybernétique ­, les travaux de l'ONU, de l'OSCE, de l'UE et, dans une moindre mesure, de l'OTAN contribuent à renforcer la sécurité et la stabilité systémique. La Suisse s'engagera pour l'élaboration de normes ainsi que pour le renforcement de la confiance et de la transparence. Au niveau technique, l'échange d'offres de formation et d'expériences (entre la Suisse et l'OTAN, à l'avenir aussi avec l'UE) peut contribuer à développer les connaissances des experts; la Suisse usera de ces possibilités, qui peuvent se traduire par un échange de connaissances, par la participation à des programmes de recherche et de développement ainsi que par l'élaboration de normes et d'exercices communs. En ce qui concerne les projets spécifiques de protection des systèmes, la coopération bilatérale

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avec d'autres États peut apporter une contribution à des efforts qui devront avant tout être consentis au niveau national.

Face au terrorisme, à l'extrémisme violent et à la criminalité, la coopération dans le cadre d'Interpol ainsi qu'avec l'UE, principalement dans le cadre de l'espace Schengen, permet de renforcer la capacité globale de la Suisse à affronter les menaces transfrontières. C'est pourquoi elle s'efforce de participer à des instruments tels que la coopération Prüm (profils ADN et empreintes digitales) qui lui permettrait, par un accès accru et plus rapide aux informations utiles, de gagner sensiblement en sécurité La participation aux travaux que l'OSCE et le Conseil de l'Europe mènent dans ce domaine contribue également à améliorer la capacité de la Suisse à faire face à la criminalité, au terrorisme et à l'extrémisme violent. Le Forum mondial contre le terrorisme, l'OSCE et l'ONU permettent d'optimiser les compétences des organes de lutte contre ces deux derniers phénomènes en facilitant la circulation d'informations et le développement de bonnes pratiques. Sur le plan international, la Suisse renforce son engagement dans le soutien qu'elle apporte aux États pour prévenir l'extrémisme violent.

Face à l'hypothèse d'une attaque armée, la participation au Partenariat pour la paix est utile, car elle renforce la capacité de l'armée suisse à coopérer, en cas de nécessité, avec d'autres armées, ce qui constitue un atout pour la liberté d'action dans la conduite politique. La participation envisagée à l'échange de données sur la situation aérienne faciliterait quant à elle les activités de police aérienne. Enfin, la collaboration avec l'Agence européenne de défense peut permettre des achats d'armement à des conditions avantageuses. Les considérations juridiques et politiques liées à la neutralité sont toujours prises en compte, le moment venu, dans les réflexions amenant à la décision de prendre part ou non à de tels programmes et projets.

Les accords internationaux et la collaboration sont devenus un élément-clé des mesures visant à prévenir les problèmes d'approvisionnement.

Pour faire face aux catastrophes et situations d'urgence, la Suisse a conclu, au niveau national, des accords bilatéraux avec les pays voisins, à l'instar des cantons frontaliers avec les régions voisines. Ces
instruments sont complétés par des mesures prises dans le cadre du Partenariat pour la paix afin de faciliter l'aide transfrontalière, ainsi que par des instruments de l'ONU. Le mécanisme de protection civile de l'UE pourrait contribuer à donner une image plus complète de la situation vue sous l'angle de la protection de la population.

2.4

Valeurs de référence actuelles en politique de sécurité

La politique de sécurité doit répondre aux menaces, aux dangers et aux développements actuels. Elle doit pouvoir s'adapter, aujourd'hui comme demain. C'est la seule manière d' assurera au pays et à sa population protection et sécurité et de fournir, avec ses instruments, des solutions permettant de relever les défis actuels et ceux qui se profilent. Si elle ne prend pas la mesure des évolutions déterminantes, la politique de sécurité perdra de sa capacité d'action et de son efficacité.

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L'évolution et la capacité d'adaptation requièrent une certaine continuité: une politique de sécurité crédible doit être axée sur le long terme et pouvoir apporter les modifications nécessaires d'une manière compréhensible, faute de quoi elle risque de perdre le soutien de la population. Par conséquent, les éléments-clés de la politique de sécurité de la Suisse qui resteront d'actualité à l'avenir seront maintenus, tandis que les éléments obsolètes seront modifiés ou supprimés.

Comme dans tout autre domaine de la politique, la Suisse a sa propre perception de la sécurité, acquise au fil du temps, et qui influe sur la manière dont elle définit sa politique. Elle se voit notamment comme un pays économiquement fort, intégré dans un réseau international, dans les relations et les activités extérieures duquel l'universalité et la neutralité jouent un rôle important. La Suisse s'est positionnée comme un acteur de niveau mondial, disposé à contribuer à la stabilité en voyant audelà de ses propres intérêts, par exemple par les bons offices et les médiations, la promotion des droits de l'homme, la promotion de la paix par des moyens civils et militaires, et la coopération au développement. Ce positionnement fait partie intégrante de l'orientation fondamentale de sa politique de sécurité.

Dans plusieurs domaines de la politique étrangère en matière de sécurité, la Suisse fait preuve d'une certaine retenue, notamment dans le secteur militaire. Ces quelque vingt dernières années, c'est-à-dire depuis la fin de la guerre froide, elle a adapté et étendu sa coopération en matière de politique de sécurité à de nouveaux États et organisations. Comme la Suisse n'est membre ni de l'OTAN ni de l'UE, elle se trouve toutefois dans une situation initiale différente de celle de la plupart des États qui l'entourent.

La Suisse compte parmi les États qui ne considèrent pas l'armée comme un instrument leur permettant de poursuivre des objectifs et de défendre des intérêts politiques au-delà des frontières nationales. La politique de sécurité de la Suisse n'est toutefois pas dirigée seulement vers l'intérieur ­ et cela est vrai depuis plusieurs décennies. Avant même la fin de la guerre froide, elle possédait ce que l'on appelait une «composante extérieure» dont le but était d'atténuer les risques encourus par la Suisse grâce
à un engagement à l'étranger. Ce volet de la politique de sécurité a, par la suite, été intensifié. Ainsi, au cours des trois dernières décennies, on a assisté à une ouverture sur le plan de la politique de sécurité, concrétisée par le fait que la Suisse, dès le début des années 90, a commencé à apporter son appui à des missions de soutien à la paix sous mandat de l'ONU, s'est jointe aux sanctions prononcées par l'ONU et, par la suite, aux sanctions internationales de l'UE définies au niveau régional à l'encontre d'États parias et a accordé le droit de traverser ou de survoler la Suisse à des troupes agissant sous mandat du Conseil de sécurité de l'ONU. Des rapports structurés avec l'OTAN s'y sont ensuite ajoutés à travers la participation au Partenariat pour la paix (sans intention toutefois d'adhérer à l'OTAN), ainsi que des participations ad hoc à des engagements de promotion de la paix de l'UE. Ces éléments constituent désormais le socle de la politique de sécurité de la Suisse; notons que la coopération internationale remonte à une soixantaine d'années au moins si l'on prend comme référence le détachement d'observateurs militaires pour la surveillance de l'armistice en Corée (conjointement avec la Pologne, la Suède et l'ancienne Tchécoslovaquie).

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Ainsi, depuis plus d'un demi-siècle, la Suisse suit une voie médiane entre deux pôles caractérisés respectivement par une autonomie en politique de sécurité et par une politique d'intégration. Elle a qualifié cette voie médiane de sécurité par la coopération. Autrement dit, la Suisse aspire à une coopération aussi efficace et performante que possible à l'intérieur et, partout où cela est nécessaire ou pertinent dans l'optique de la politique de sécurité, collabore parallèlement avec d'autres États et avec des organisations pour prévenir le plus rapidement possible ou contrer conjointement des menaces et des dangers. Avec cette approche, la Suisse entend, par une collaboration accrue, réagir à la perte d'importance des frontières et des distances sans pour autant renoncer à son indépendance.

La structure fédérale de la Suisse est une autre caractéristique déterminante. En Suisse, les compétences en politique de sécurité sont largement dispersées, tant sur le plan horizontal que sur le plan vertical. La politique de sécurité est une tâche assumée en commun par la Confédération, les cantons et les communes. Chacun de ces trois échelons est important, par le rôle qu'il joue et les moyens qu'il détient, pour la sécurité du pays et de sa population. La forte décentralisation, avec des compétences différentes pour chaque instrument, requiert une plus grande coordination. Elle a toutefois pour avantage de rendre globalement le système souple, robuste et résilient.

3

Stratégie

Toute stratégie cherche la manière et les moyens d'atteindre un but en fonction d'une situation donnée. Il en va de même dans le domaine de la politique de sécurité de la Suisse. En l'occurrence, il s'agit de déterminer la manière d'utiliser les moyens de la politique de sécurité pour atteindre ses buts et servir ses intérêts. La stratégie porte sur la capacité à prévenir, à affronter et à maîtriser les menaces et les dangers auxquels la Suisse, sa population et ses intérêts sont confrontés. La prévention vise à maintenir le niveau de sécurité habituel de la Suisse, qui est considéré comme élevé en comparaison internationale. En cas d'attentat, de crise, de conflit ou de catastrophe, le pays, lors de la phase de défense, doit lutter autant que possible contre ceux qui les ont provoqués ou limiter leurs effets. La maîtrise consiste à engager les instruments de la politique de sécurité pour éviter d'autres dommages, pour réparer les dommages subis et pour rétablir la situation à son niveau normal.

La politique de sécurité de la Suisse a pour particularité d'avoir à sa disposition tout un assortiment de moyens gérés à différents niveaux de l'État (Confédération, cantons, communes) et appelés à fournir diverses prestations en fonction des menaces, des dangers et de la phase engagée.

3.1

Intérêts et objectifs de la politique de sécurité

Les intérêts et les objectifs sont étroitement liés. Les intérêts ont généralement un sens très large et ne sont pas limités dans le temps. Les objectifs sont plus concrets: ils sont le résultat d'un choix entre les intérêts et de leur concrétisation et doivent 7618

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parfois être atteints dans un certain délai. Reste que les deux visent à déterminer ce qui doit être garanti, obtenu ou empêché pour que chacun puisse vivre en sécurité, en Suisse principalement, mais aussi à l'étranger et sur les autres continents.

3.1.1

Intérêts de la politique de sécurité

En Suisse, les intérêts de la politique de sécurité correspondent à des aspirations universelles (partagées avec d'autres pays) tout en possédant des caractères propres à notre pays.

L'intérêt universel majeur de la politique de sécurité réside dans le règlement des différends entre États ou à l'intérieur d'un État par des moyens pacifiques en prévenant la violence ou la menace d'y recourir. Seule l'autodéfense ou une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU légitime l'emploi de la force. Les dispositions du droit international doivent être respectées: les frontières notamment ne doivent pas être modifiées par la force ou contre la volonté des pays concernés. Les États doivent être libres de gérer leurs propres affaires, tant au niveau des affaires intérieures que dans leurs relations avec d'autres États ou des organisations internationales. Les intérêts élargis de la politique de sécurité comprennent pour leur part l'attention portée aux droits de l'homme, à l'état de droit et à la démocratie. Les violations systématiques et graves des droits de l'homme, de même que l'application arbitraire des lois et le manque de légitimité démocratique finissent toujours par aboutir à des conflits. Lorsqu'un conflit armé surgit, il est dans l'intérêt des États concernés et de la communauté internationale que les règles du droit humanitaire international soient respectées. La prévention de la diffusion d'armes de destruction massive est un autre intérêt quasi-universel de la politique de sécurité. Il faut surtout éviter que des groupements non étatiques aient accès à de telles armes.

Parmi les intérêts de la politique de sécurité, certains ont plus d'importance pour la Suisse que pour bien d'autres pays. En effet, la Suisse est un petit pays plurilingue, situé dans la moyenne européenne sous l'angle de la population. Économiquement forte, elle dispose de nombreuses relations internationales et sa structure fédérale repose sur le principe de la démocratie directe. Elle doit s'appuyer sur la puissance du droit, et non sur le droit à la puissance. En tant qu'État indépendant, la Suisse doit rejeter toute pression ou violence que des États exercent ou menacent d'exercer, non seulement à son encontre, mais aussi contre des États tiers. En tant que démocratie directe vivant grâce à l'engagement de ses citoyens
bien informés, elle doit condamner avec force et conviction toute forme de propagande et de désinformation, qui sont un poison pour le débat démocratique. En tant que pays caractérisé par la diversité de ses langues, de ses cultures et de ses religions, la Suisse défend les principes de la tolérance et de l'intégration et s'oppose à ceux prônant la mise à l'écart et l'exclusion. Enfin, il est également dans l'intérêt de la Suisse que les organisations ou alliances actives dans le domaine de la politique de sécurité puissent agir dans leurs domaines respectifs afin d'empêcher tout litige entre les membres et les agressions venant de l'extérieur.

Quand il est question de politique de sécurité, d'autres intérêts s'invitent souvent dans le débat, notamment la prospérité économique et l'augmentation du niveau de 7619

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vie, l'emploi et l'accès au marché, une société libérale, le bon fonctionnement des institutions politiques, l'égalité des chances, l'identité, la cohésion et la diversité.

Bien que d'ordre national, ces intérêts ne relèvent pas de la politique de sécurité au sens strict. Ainsi, ce n'est pas à elle de veiller au bon fonctionnement des institutions politiques; par contre, elle doit empêcher que ces dernières tombent sous la menace d'une politique de puissance ou de la criminalité. Des arguments s'opposent à l'extension des intérêts de la politique de sécurité à l'ensemble des intérêts nationaux: la compétence d'autres domaines politiques serait en effet remise en question, contrecarrant ainsi les efforts visant à répartir les éléments composant la politique globale dans des domaines aisément gérables.

Parfois, la neutralité est perçue comme un intérêt ou un objectif de la politique de sécurité, voire comme les tenants et les aboutissants de la stratégie de la Suisse dans ce domaine. La neutralité est un principe éprouvé de la Suisse dans sa politique de sécurité et dans sa politique étrangère: la Suisse est un pays neutre. Cependant, la neutralité n'est pas un objectif: c'est un moyen qui permet d'atteindre des buts supérieurs et d'assurer l'indépendance et la sécurité du pays.

3.1.2

Objectifs de la politique de sécurité

Aux termes de l'art. 2 de la Constitution (Cst.)51, la Confédération suisse protège la liberté et les droits du peuple et elle assure l'indépendance et la sécurité du pays.

Elle favorise la prospérité commune, le développement durable, la cohésion interne et la diversité culturelle du pays. Elle veille à garantir une égalité des chances aussi grande que possible. Elle s'engage en faveur de la conservation durable des ressources naturelles et en faveur d'un ordre international juste et pacifique.

La politique de sécurité est un volet de la politique générale et poursuit donc les mêmes objectifs. Elle ne revêt toutefois pas la même importance pour tous les objectifs du pays. Tandis que la politique de sécurité a une incidence directe sur la préservation de la liberté, de l'indépendance et de la sécurité, et contribue largement à leur protection, ce n'est pas autant le cas, voire pas du tout, en ce qui concerne le développement durable, l'égalité des chances ou la diversité culturelle. La sécurité est cependant le socle qui permet la réalisation de ces objectifs, même si, au sens strict, ils ne sont pas directement liés à la politique de sécurité.

En ce qui concerne l'objectif de la politique de sécurité, la formulation proposée dans le dernier rapport52 conserve toute sa validité: L'objectif de la politique de sécurité de la Suisse est de protéger la capacité d'agir, l'autodétermination et l'intégrité de la Suisse et de sa population ainsi que ses conditions d'existence contre les menaces et les dangers directs ou indirects, et de contribuer à la stabilité et à la paix en dehors de nos frontières.

51 52

RS 101 FF 2010 4681 4691

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La politique de sécurité a essentiellement pour but de donner à la Suisse les moyens et les processus lui permettant de préserver sa capacité d'action et d'autodétermination, de protéger sa population et ses intérêts, de maîtriser les catastrophes et les situations d'urgence d'origine naturelle ou anthropique, et de contribuer à la stabilité et à la sécurité en dehors du pays. Pour ce faire, la Suisse doit disposer de moyens efficaces et performantset les utiliser avec circonspection, en tenant compte des chances de succès. Dans un État fédéral comme la Suisse, cette politique requiert une étroite collaboration entre les départements fédéraux, ainsi qu'entre la Confédération, les cantons et les communes, et implique une bonne coordination des différents instruments en matière de sécurité, ainsi qu'une coopération internationale.

Cette prémisse ne change jamais: ce qui change en politique de sécurité, c'est de savoir comment et où la Suisse met le mieux à profit ses instruments pour atteindre cet objectif et comment ces instruments doivent être adaptés pour conserver leur efficacité.

L'utilité de la politique de sécurité se mesure à sa capacité à apporter des réponses et des solutions aux problèmes de sécurité actuels ou prévisibles. Il convient d'adapter cette politique et ses instruments en fonction des menaces et des dangers actuels ou qui se profilent, tout en s'efforçant sans relâche de les optimiser au vu des menaces et des dangers auxquels la sécurité de la Suisse et de sa population est concrètement confrontée. Les impondérables sont inévitables. Le seul moyen de parer à tous les événements possibles est de donner de la souplesse à la réflexion et aux instruments de la politique de sécurité, ainsi que d'améliorer la force de résistance et la capacité de régénération de l'État, de l'économie et de la société.

3.2

Éléments constitutifs de la stratégie: coopération, indépendance et engagement

Depuis l'an 2000, la notion centrale de la stratégie adoptée par la Suisse en matière de politique de sécurité a été la coopération ­ à l'intérieur comme à l'extérieur.

Cette notion est certes très importante; elle ne constitue cependant qu'un des trois éléments qui constituent la stratégie de la politique de sécurité. Deux autres sont nécessaires pour que cette stratégie soit globale, réaliste et prometteuse: l'indépendance et l'engagement. Ensemble, ces trois notions fondamentales couvrent la stratégie menée par la Suisse en matière de politique de sécurité.

L'indépendance et l'engagement ne représentent pas la base d'une stratégie nouvelle ou foncièrement différente; ces notions dénotent simplement une situation de plus en plus opaque sur le plan de la sécurité, où la seule notion de coopération ne suffit pas pour déterminer le cap à tenir.

Au gré des situations et des problèmes qui surviennent, la Suisse détermine l'ampleur de son engagement ou de sa retenue et sa position entre l'indépendance et la coopération. Il n'existe pas de solution universelle, applicable dans tous les cas.

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3.2.1

Coopération

En politique de sécurité, la coopération est une nécessité, à l'intérieur de la Suisse aussi bien que dans les rapports avec les autres États ou organisations internationales. La solution à bien des problèmes (qu'il s'agisse de défis globaux, tels que la stabilisation des Balkans occidentaux, ou de la résolution de tâches concrètes, comme celle d'assurer chaque année la sécurité lors du Forum économique mondial de Davos), passe par la mise en commun de ressources des cantons, de la Confédération ou d'autres États ou par une répartition du travail. Cependant, la coopération est aussi une vaste notion dont l'intensité varie grandement: elle peut prendre la forme de simples contacts, consultations ou de efforts de coordination et aller jusqu'à une répartition du travail durable et structurée, en passant par la participation ponctuelle à des projets communs.

La coopération intérieure est une pratique largement reconnue qui a, fait ses preuves depuis longtemps. Dans un État fédéral où les compétences sont décentralisées, une politique de sécurité efficace et performante passe nécessairement par la coopération, comme le prévoit l'art. 57 Cst.: «La Confédération et les cantons pourvoient à la sécurité du pays et à la protection de la population dans les limites de leurs compétences respectives. Ils coordonnent leurs efforts en matière de sécurité intérieure.» L'intensité et la forme concrète de cette coopération ont toutefois évolué au cours des vingt dernières années. Le Réseau national de sécurité, tel qu'il a été mis en place ces cinq dernières années, répond aux besoins et aux spécificités politiques: une coordination et une consultation menées dans une démarche d'inclusion, mais avec des responsabilités clairement attribuées. Ces prochaines années, il faudra approfondir cette coopération, préciser davantage les procédures et les contrôler en organisant des exercices.

La coopération avec d'autres États ou organisations internationales sert quant à elle avant tout à lutter contre les menaces transfrontières. Cela vaut tout particulièrement lorsque ceux qui menacent la sécurité de la Suisse sont mobiles et peuvent donc échapper aux poursuites en s'enfuyant à l'étranger, lorsqu'ils opèrent à grande distance et sont donc hors de portée de toute attaque venant de Suisse, lorsque la dimension d'un problème
dépasse les possibilités d'un seul État, lorsque les intérêts suisses à l'étranger sont touchés ou lorsque des mesures de précaution efficaces prises par le pays uniquement seraient inefficientes ou trop onéreuses. Lorsque la Suisse apporte, tant au niveau civil que militaire, des contributions utiles à la sécurité internationale, elle se positionne comme un partenaire fiable.

Dans le même temps, la coopération est une notion très étendue qui n'est délimitée que par ses extrêmes, à savoir d'un côté une non-participation à la politique de sécurité, ou isolement, et de l'autre une intégration au sens d'une adhésion à une alliance. Les arguments plaidant contre l'isolement se résument essentiellement au fait qu'une telle attitude empêcherait grandement de prévenir la plupart des menaces et des dangers, d'y faire face et de les maîtriser (p. ex. terrorisme, crime organisé, difficultés d'approvisionnement). Les arguments plaidant contre l'intégration sont doubles: nécessité de préserver l'identité actuelle en matière de politique de sécurité et doute sur l'opportunité d'une intégration pour la sécurité de la Suisse. Tout ce qui se situe entre l'isolement et l'intégration est couvert par la notion de coopération.

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Celle-ci peut donc être aménagée très souplement, en fonction de son objet, de son but, du partenaire considéré, de sa nature, de son ampleur et de son cadre politique ou juridique.

Dans la coopération en politique de sécurité, la marge de manoeuvre est déterminée par des considérations liées à l'utilité, aux coûts et aux risques des projets concrets.

La neutralité impose des restrictions à la coopération. Bien qu'elle permette une coopération en matière de politique de sécurité et de défense, comme l'acquisition d'armement à l'étranger, la coopération dans le domaine de l'instruction et la participation à des engagements de promotion de la paix, elle exclut toute coopération directement liée à des obligations d'assistance militaire et implique donc de renoncer à une coopération ou à une répartition des tâches d'une ampleur telle que l'armée suisse ne pourrait plus mener en toute indépendance des opérations de défense dans un cas concret. Notons à cet égard que la neutralité n'est pas une fin en soi, mais qu'elle doit être un outil de la sécurité de la Suisse.

3.2.2

Indépendance

La Suisse entretient un réseau dense avec des structures internationales, parfois mondiales, dans pratiquement tous les domaines de la vie, notamment dans l'économie, les marchés financiers et le marché du travail, la protection de l'environnement, les sciences, la technologie, la culture et le tourisme. Il en résulte que, pour préserver son mode de vie, la Suisse est tributaire de nombreux acteurs se trouvant en dehors de son territoire. La quête de l'indépendance s'inscrit dans cette réalité: celle-ci doit absolument rester un but à atteindre. Une indépendance totale, dans le sens d'une autarcie, ne représente toutefois une option que pour les États et les peuples qui sont disposés à renoncer aux avantages que constitue l'échange de personnes, d'idées, de capitaux et de biens au niveau international. La Suisse n'en fait pas partie. Elle doit plutôt s'efforcer d'éviter les dépendances unilatérales.

En dépit de ces restrictions, la Suisse peut et veut être indépendante, que ce soit en politique de sécurité ou dans d'autres domaines politiques, non seulement en ce qui concerne son positionnement envers l'extérieur, mais aussi dans l'aménagement concret de ses instruments de politique de sécurité à l'intérieur du pays. Elle veut être prête et apte à émettre ses propres jugements, à gérer seule ses propres affaires et à décider librement si, où, quand, comment et avec qui elle entend coopérer ou s'engager. L'indépendance est la capacité à assurer, dans la mesure du possible, sa propre sécurité et à s'appuyer autant que nécessaire sur autrui lorsqu'une coopération s'impose ou paraît judicieuse pour des questions d'efficacité ou de performance.

Elle implique cependant aussi de disposer de moyens et de capacités autonomes ainsi que la possibilité de les développer en temps opportun pour être en mesure de relever les défis de la politique de sécurité; c'est aussi une condition préalable à la coopération avec autrui: seul celui qui dispose de ses propres moyens et capacités peut s'engager dans une coopération comme un véritable partenaire.

L'indépendance commence par l'intention et l'aptitude à acquérir, analyser et évaluer soi-même des informations. Les enseignements tirés et les attentes qui en découlent peuvent, dans bien des cas, tout à fait correspondre à ceux d'autres États, 7623

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mais même lorsque la Suisse parvient à des conclusions similaires, il est important que celles-ci soient le fruit de sa propre analyse et de sa propre évaluation.

L'indépendance consiste aussi, pour la Suisse, à déterminer elle-même par quels moyens et avec quels partenaires elle souhaite relever les défis ou contrer les menaces qui pèsent sur sa sécurité. Elle n'est pas incompatible avec la coopération et l'engagement. C'est même une condition préalable pour que ces derniers soient décidés en toute connaissance de cause et reposent sur des bases solides.

L'indépendance réduit le risque de participer à des développements ou des engagements internationaux sans un examen préalable approfondi; cependant, elle peut aussi amener à manquer certaines tendances et à donner une image de profiteur auprès d'autres États.

L'indépendance ne se réfère pas seulement aux aspects internationaux de la politique de sécurité; elle revêt également une importance capitale à l'intérieur de la Suisse, car elle montre les efforts que celle-ci déploie pour gérer, autant que faire se peut, ses affaires par ses propres capacités. Cette pensée fondamentale sous-tend le principe de subsidiarité, lequel est également une caractéristique traditionnelle de la politique de sécurité de la Suisse, à savoir le fait que les tâches sont assumées à l'échelon étatique le plus bas possible et que l'échelon supérieur ne fournit son appui ou n'intervient que lorsque l'échelon inférieur ne parvient plus à maîtriser seul la situation, que ce soit par manque de personnel, de matériel ou de temps.

3.2.3

Engagement

Un engagement contribue de manière ciblée au renforcement direct ou indirect de la sécurité de la Suisse. Un engagement relevant de la politique de sécurité peut aussi être mené à l'intérieur du pays, entre les communes et les cantons ou entre la Confédération et les cantons. Cette conception de l'engagement repose sur une longue tradition et contient des aspects qui vont au-delà des dispositions légales ou contractuelles. C'est par exemple le cas, dans le domaine de la protection de la population, lorsque des mouvements de solidarité peuvent être aisément et rapidement organisés entre communes ou cantons lors de catastrophes ou de situations d'urgence.

L'engagement en politique de sécurité par-delà les frontières n'a, lui non plus, rien de nouveau. Avant même la fin de la guerre froide, il existait une «composante étrangère» de la politique de sécurité. Lorsque les menaces d'atteinte à la sécurité se trouvent de plus en plus en dehors du pays et que la défense contre une bonne partie d'entre elles ne peut pas être assurée à la frontière, il est judicieux et logique de s'engager au-delà des frontières pour les contrer. Cet engagement peut prendre des formes diverses, qui vont de la coopération au développement à la promotion de la paix par des moyens civils et militaires et aux partenariats dans le domaine des migrations, en passant par les bons offices (médiation ou mandats de représentation des intérêts d'autres États, tels ceux des États-Unis en Iran ou ceux de la Russie en Géorgie, et vice versa).

Un engagement à l'étranger peut être conduit avec souplesse, tant sur le plan de l'espace que sur celui du temps et en ce qui concerne les moyens et les partenaires.

Ainsi, en raison de sa neutralité ou d'engagements en cours (p. ex. mandats de 7624

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protection diplomatique), la Suisse peut juger préférable de renoncer à certaines activités ou s'abstenir de s'engager dans un pays en particulier. Elle peut aussi le faire lorsqu'un engagement concret augmente le risque d'attaques contre la Suisse ou contre des objectifs suisses à l'étranger. Toutefois, la gestion souple de l'engagement peut également présenter des inconvénients, notamment en ce qui concerne l'image que donne la Suisse de sa fiabilité.

La présidence de l'OSCE en 2014 a été l'occasion de manifester un engagement fort de la Suisse en faveur de la paix et de la sécurité. Un siège de la Suisse au Conseil de sécurité de l'ONU pourrait permettre de donner encore plus de poids à cet engagement.

La promotion militaire de la paix est un instrument important de l'engagement de la Suisse en politique de sécurité53. Il y a plus de 60 ans déjà, la Suisse participait ainsi aux efforts consentis par la communauté internationale en faveur de la paix. Elle était un des quatre États participant, avec dans un premier temps plus de 90 militaires, à la Commission des nations neutres pour la surveillance de l'armistice en Corée. La participation à cette commission de surveillance se poursuit aujourd'hui, et d'autres engagements s'y sont ajoutés depuis quelques décennies54.

La promotion militaire de la paix a pour objectif de créer un environnement stable.

Elle doit empêcher le déclenchement d'hostilités ou y mettre fin. Les efforts visent également à protéger la population et à écarter les conséquences des conflits (p. ex.

mines et ratés, commerce illégal des armes de petit calibre et des munitions). Les conditions doivent être instaurées pour que les processus de paix à l'échelon politique puissent aboutir et que les acteurs civils de la promotion de la paix puissent mener à bien leurs activités. La promotion militaire de la paix contribue ainsi à prévenir ou à atténuer différentes menaces: dans un environnement sûr, une population ressent moins la nécessité de quitter sa région d'origine, ce qui peut contribuer à restreindre les migrations et les problèmes qui l'accompagnent, notamment la criminalité. Par la stabilisation et la résolution des conflits violents, la promotion militaire de la paix peut contribuer à prévenir ou à réduire l'apparition, l'établissement et l'expansion du terrorisme. En
stabilisant les régions en crise et en protégeant les voies de communication, elle peut également contribuer à prévenir ou à remédier à des difficultés d'approvisionnement. Enfin, en circonscrivant les conflits armés, elle peut contribuer à réduire le risque que ces conflits s'aggravent et que la Suisse soit touchée. Il va de soi que la Suisse, à elle seule, est très limitée dans le cadre de ce

53

54

La promotion militaire de la paix est expressément mentionnée ici, parce qu'elle illustre bien l'engagement de la Suisse en politique de sécurité, sans qu'on puisse pour autant la mettre en relation avec une seule et unique menace. Le ch. 3.3 montre de quelle manière chacun des instruments de la politique de sécurité contribue à la prévention et à la maîtrise des différents dangers et menaces. La promotion militaire de la paix n'y est mentionnée qu'à titre marginal parce que, justement, elle ne vise pas à contrer une menace, mais qu'elle contribue à prévenir des menaces de différentes natures.

Les interventions de l'armée pour la promotion de la paix nécessitent un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU ou de l'OSCE. La participation à des engagements repose sur une base volontaire; la participation à des combats visant à imposer la paix est exclue.

Si l'effectif d'un engagement dépasse 100 militaires ou si celui-ci dure plus de trois semaines, l'engagement est soumis à l'approbation de l'Assemblée fédérale.

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genre d'engagement. Les efforts combinés de nombreux pays, en revanche, peuvent avoir de grands effets, à la condition que les États, dont la Suisse, y contribuent.

On observe différentes tendances en ce qui concerne la promotion militaire de la paix. Le nombre de parties impliquées dans un conflit a augmenté; souvent, il ne s'agit plus de parties belligérantes structurées, mais uniquement de groupuscules armés. La frontière entre criminalité et terrorisme est devenue plus floue. Les forces de paix encourent par ailleurs un risque accru. En général, elles doivent à présent être armées pour assurer leur propre protection et pour pouvoir remplir leur mission55. La sécurité et, partant, la question du port d'arme, gagnent en importance pour évaluer si un engagement spécifique entre ou non en ligne de compte pour la Suisse. Les observateurs militaires de l'ONU et de l'OSCE font exception, car ils ne sont pas armés pendant leur engagement.

Alors que le besoin en unités d'infanterie est largement couvert, c'est tout le contraire à l'échelon international pour les contributions de haut niveau, comme les capacités de transport aérien, les drones de reconnaissance, les moyens de conduite et les capacités de renseignement. Parmi les contributions recherchées figurent également les prestations en lien avec la logistique, le transport, les services sanitaires, le génie et les contributions spéciales, notamment les capacités de déminage et d'élimination des munitions non explosées, le soutien à la réforme du secteur de la sécurité et aux programmes de désarmement, ainsi que celles destinées au développement de capacités au sein des forces régionales de promotion de la paix. De même, la demande ira croissante pour un appui dans le domaine de l'élimination et de l'entreposage sûr d'armes et de munitions.

L'armée suisse possède des atouts pour la promotion militaire de la paix: du fait de sa neutralité, elle est bien acceptée dans les régions en proie à des crises ou des conflits; le système de milice facilite les contacts avec la population civile et la connaissance de la langue française est particulièrement demandée. L'objectif du Conseil fédéral demeure une augmentation qualitative et quantitative de la promotion militaire de la paix, en mettant l'accent sur l'engagement de ressources de haut niveau. Il
souhaite que, jusqu'à 500 militaires puissent être engagés simultanément à l'avenir également. Les besoins concrets de chaque opération de maintien de la paix et les capacités disponibles de l'armée sont déterminants. Au premier plan figurent les prestations de logistique et de transport, ainsi que les petits détachements et les prestations de niche, comme le renseignement, le conseil en matière de sécurité, les services du génie, le déminage, l'appui à la sécurité de l'entreposage et à l'élimination des armes de petit calibre et des munitions, l'appui à la réforme du secteur de la sécurité et aux programmes de désarmement, ainsi que le développement des capacités régionales dans le cadre de la promotion de la paix. Le gros des prestations de l'armée pourra continuer à être fourni par du personnel de milice; pour les prestations en lien avec le transport aérien, par contre, il faudra recourir à du personnel professionnel, tant civil que militaire, des Forces aériennes. L'équipement actuel de l'armée permet des engagements taillés pour un contingent sous nos climats ou dans les régions climatiques proches de la nôtre, tandis que de petits détachements et des spécialistes peuvent être envoyés dans le monde entier.

55

Cf. ch. 2.3.5.

7626

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3.2.4

3.2.4 Lien avec les menaces et les dangers

Pour contrer efficacement les menaces et les dangers, il faut généralement combiner indépendance, coopération et engagement. Selon la menace et le danger, l'accent peut être mis sur l'un ou l'autre de ces aspects.

Acquisition illégale et manipulation d'informations La coopération joue un rôle important dans la lutte contre l'acquisition illégale d'informations et leur manipulation: à l'intérieur du pays, par exemple, par l'exploitation et la participation à la Centrale d'enregistrement et d'analyse pour la sûreté de l'information (MELANI) ou par la constitution d'un pool de spécialistes; à l'extérieur, par l'échange d'informations avec d'autres États, notamment à des fins de contre-espionnage, par l'échange de connaissances spécialisées et dans le cadre de l'instruction. La recherche et la formation dans le domaine du cyberespace sont le fruit d'une collaboration étroite entre le domaine civil (renseignement, poursuites pénales, politique étrangère) et l'armée. Au niveau international, la Suisse s'engage pour un renforcement de la lutte contre la criminalité sur Internet (p. ex. Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l'Europe) et pour atténuer le risque de cyberattaques en soutenant les efforts visant à améliorer la stabilité et la sécurité dans le cyberespace (p. ex. par des mesures visant à instaurer la confiance et des mesures de coopération). Dans le domaine du renseignement et des poursuites pénales notamment, une coopération avec des partenaires étrangers (entre autres le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité et Interpol) est indispensable pour élucider et poursuivre des infractions commises sur Internet.

L'indépendance est nécessaire dans ce domaine. En effet, il est apparu que des États ont poursuivi des approches répondant à leurs intérêts personnels lors de leurs activités dans le cyberespace et que la confiance entre États n'est possible que dans une certaine mesure. Il a également été clairement démontré que ces activités ne sont souvent pas des actes isolés, mais qu'elles sont associées à d'autres méthodes d'espionnage. En ce sens, l'indépendance concerne les capacités de contreespionnage aussi bien que le développement de capacités de défense (cyberdéfense) ou de capacités offensives dans le domaine cybernétique. Sur le plan intérieur, la responsabilité
individuelle est une ligne directrice importante de la stratégie nationale de protection de la Suisse contre les cyberrisques. Toutes les organisations et entreprises doivent connaître les cyberrisques et il incombe, en principe, à chacune d'elles de prendre ses propres mesures de précaution, l'État leur apportant son appui à titre subsidiaire.

La Suisse s'engage au niveau international pour promouvoir l'instauration de règles de comportement dans le cyberespace. Les mesures visant à instaurer, au sein de la communauté internationale, la confiance et la promotion d'une compréhension commune de l'utilisation étatique du cyberespace et des limites de celle-ci s'inscrivent dans cette approche.

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Terrorisme et extrémisme violent Le terrorisme et l'extrémisme violent représentent souvent des menaces transfrontières. La défense contre ceux-ci requiert, de ce fait, une coopération, notamment sous la forme d'un échange international bien rodé d'informations sur les menaces, d'une collaboration des services de renseignement, des polices et une entraide judiciaire pour mettre en lumière les actes terroristes planifiés et pour poursuivre les terroristes, de même que, par exemple, un échange de données sur la situation aérienne pour reconnaître le plus tôt possible des aéronefs au comportement inhabituel.

Au niveau international, la Suisse témoigne aussi de sa collaboration dans la lutte antiterroriste par sa participation à l'élaboration et au développement de corpus de règles internationaux relatifs à la lutte contre le terrorisme et par son application des sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU. En tant que membre de l'ONU, du Forum mondial contre le terrorisme, du Conseil de l'Europe et de l'OSCE, elle s'engage en faveur d'une architecture efficace de la lutte internationale contre le terrorisme, laquelle s'inscrit dans la notion de sécurité au sens large.

L'indépendance se manifeste dans le fait que la Suisse dispose de ses propres moyens pour maîtriser toute la gamme des menaces terroristes à différents niveaux d'escalade. L'indépendance signifie aussi que tout est mis en oeuvre pour éviter qu'un terreau fertile propice au terrorisme et à l'extrémisme violent ne se développe en Suisse, ce qui requiert également une coopération étroite sur le plan interne. La Suisse, qui fait tout ce qu'elle peut pour ne pas servir abusivement de base pour la planification, la préparation et le financement d'actes terroristes, montre qu'elle est un partenaire fiable dans la lutte à l'échelon mondial contre le terrorisme. L'indépendance implique par ailleurs aussi qu'elle reprenne à son compte uniquement les listes de sanctions anti-terroristes de l'ONU, et non les listes nationales d'autres États qui désignent ou interdisent telles ou telles organisations terroristes. De fait, elle fait preuve de retenue en ce qui concerne l'interdiction d'organisations et n'a jusqu'à présent interdit que les groupes «Al-Qaïda» et «État islamique» ainsi que les organisations qui leur sont apparentées. Dans le cadre de
son engagement en politique de paix et de son engagement humanitaire, notamment en faveur de la protection de la population civile, la Suisse est par conséquent davantage disposée à rechercher le dialogue avec tous les acteurs d'un conflit (groupements non étatiques, armés et enclins à la violence inclus) que la plupart des autres pays.

La Suisse s'engage pour éviter que son territoire ne soit utilisé abusivement pour le financement, le soutien logistique ou la planification d'activités terroristes chez elle ou à l'étranger. De même, elle s'engage contre toute forme d'exportation du terrorisme en empêchant les voyages effectués dans ce but. Elle combat le terrorisme dans sa globalité et recourt, pour ce faire, à tous les moyens conformes aux normes internationales, tout en respectant le principe de proportionnalité. De plus, la Suisse s'engage pour que, dans la lutte internationale contre le terrorisme, les droits de l'homme soient respectés et pour que ­ lors de conflits armés ­ le droit international humanitaire soit observé. Elle s'engage pour que les causes et les phénomènes identifiés du terrorisme et de l'extrémisme violent soient abordés à l'échelle mondiale et elle apporte une contribution durable à cet égard par sa coopération au développement, par le renforcement des capacités et par sa promotion de la paix, notamment dans les États fragiles. Elle ne craint pas de montrer où peuvent se pro7628

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duire des conflits d'intérêts et comment ceux-ci peuvent être résolus. Cette approche concerne en particulier l'engagement humanitaire et le dialogue avec des groupes armés, qui doivent parfois être impliqués dans le travail humanitaire et de promotion de la paix.

Attaque armée Si la Suisse devait être victime d'une attaque armée, perdant de fait son statut d'État neutre, deux options se présenteraient, en principe, à son armée: la défense autonome du pays ou la coopération avec d'autres États, laquelle présuppose l'interopérabilité entre les forces armées. L'interaction entre indépendance et coopération se manifeste donc également dans ce domaine politiquement sensible: l'armée doit être capable de mettre en oeuvre l'une et l'autre56. La coopération s'applique toutefois aussi à l'échelle intérieure: lorsqu'il faut repousser ou maîtriser une attaque armée, presque tous les instruments de la politique de sécurité sont utilisés de façon coordonnée.

L'indépendance joue un rôle majeur dans la plupart des mesures destinées à la sécurité militaire. Cette situation reflète pour beaucoup les conséquences juridiques et politiques de la neutralité et de la non-adhésion à l'OTAN et à l'Union européenne. La Suisse entend disposer elle-même des capacités pour se défendre contre une attaque armée.

Au niveau international également, il existe un vaste domaine d'engagement qui vise à atténuer la probabilité et les conséquences d'une attaque armée. Pour atteindre ce but, les outils utilisés sont notamment ceux de la promotion de la paix, qu'ils soient civils ou militaires, les efforts consentis dans le domaine du contrôle des armements et du désarmement, les mesures d'instauration de la confiance et les initiatives visant à abolir certains moyens d'intervention (p. ex. armes à sous-munitions, mines antipersonnel).

Criminalité La nécessité de coopérer dans la lutte contre la criminalité provient du fait que les ressources des autorités policières en Suisse sont conçues pour répondre à des situations normales. Lorsque des situations particulières ou extraordinaires se présentent, il existe des formes de coopération fiables et éprouvées entre les cantons, à savoir les concordats de police et la convention sur les engagements de police intercantonaux (IKAPOL), par lesquels les cantons s'engagent à se soutenir en
cas de besoin57. Les instances intercantonales, telles que la Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police et la Conférence des commandants des polices canto56

57

La coopération peut également servir à renforcer l'indépendance. C'est le cas lorsque la coopération (par ex. dans le cadre de l'instruction) permet de développer des capacités auxquelles la Suisse n'aurait pas accès à elle seule, mais qui sont nécessaires pour assurer une défense autonome.

Les corps de police cantonaux peuvent, au besoin, être appuyés par des fonctionnaires de police d'autres États. Les accords en matière policière passés avec l'Allemagne, l'Autriche / le Liechtenstein et la France prévoient explicitement que des fonctionnaires de ces États peuvent exercer des prérogatives de puissance publique sous la conduite des corps de police suisses.

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nales de Suisse , veillent en outre à permettre une prise de décision rapide à l'échelle politique et opérationnelle. Si l'union des forces cantonales ne suffit pas, la Confédération apporte son appui à titre subsidiaire. Entre la Confédération et les cantons, une étroite coopération s'est également développée. Dans le domaine de la poursuite pénale, le besoin de coopération vient de ce que les délits dans le secteur du crime organisé, du financement du terrorisme ou de la criminalité économique dépassent le plus souvent les frontières cantonales et nationales. Des compétences d'investigation et de poursuite pénale ont dès lors été conférées à fedpol et au Ministère public de la Confédération. Fedpol est compétent pour la coopération policière et l'appui à l'échelle nationale et pour la coopération internationale avec les autorités policières étrangères. Pour lutter contre la criminalité, la Suisse a conclu, ces dernières années, des accords de coopération policière avec des États qui revêtent une importance particulière dans le développement de la criminalité et elle s'est associée à Schengen.

En Suisse, la préservation de la tranquillité et de l'ordre public de même que la lutte contre la criminalité sont des tâches qui incombent en premier lieu aux cantons. La Confédération n'est compétente que pour les formes de criminalité complexes et transfrontières. Quelques cantons ont délégué une partie de ces compétences à des villes et à des communes, à l'Administration fédérale des douanes (AFD) ou au Corps des gardes-frontière. Il faut y voir l'indépendance qui caractérise la subsidiarité. Les autorités cantonales compétentes en matière de police et de poursuite pénale effectuent généralement ces tâches de façon globale et exhaustive.

Dans le cadre de la promotion de la paix et des droits de l'homme, la Suisse s'engage également en faveur de la mise en place de structures étatiques et, partant, dans la lutte contre le crime organisé et la corruption dans des contextes fragiles.

Ainsi, des policiers spécialisés et des gardes-frontière sont dépêchés lors de missions internationales de maintien de la paix (ONU, OSCE et UE) afin de participer à la création d'institutions de l'État de droit. Dans un sens plus large, l'engagement civil et militaire à l'étranger sert également à la lutte contre la
criminalité en Suisse s'il contribue à donner des perspectives aux gens sur place.

Problèmes d'approvisionnement La Suisse a pris depuis longtemps des précautions, dans un souci d'indépendance, pour maîtriser les problèmes d'approvisionnement. Les moyens traditionnels pour y parvenir consistent notamment à constituer des réserves et à préparer des mesures afin de gérer la demande. Cette approche plutôt statique a toutefois perdu de son importance ces vingt dernières années environ au profit de la coopération économique et des réglementations internationales. Cette conception convient mieux aux chaînes logistiques modernes, principalement parce qu'elle immobilise beaucoup moins de ressources dans les entreprises et permet aux partenaires concernés de réagir avec souplesse aux difficultés d'approvisionnement.

Catastrophes et situations d'urgence Dans le cadre de la coopération, le système coordonné de protection de la population, qui intègre la police, les services de sapeurs-pompiers, les services de la santé 7630

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publique, les services techniques et la protection civile, est assuré par des organes communs de conduite. L'État-major fédéral ABCN joue un rôle important dans la coordination des différents instruments et moyens à l'échelon national. La coopération internationale est requise principalement lorsque des interventions de secours se déroulent à l'étranger avec des moyens civils et militaires ou, en cas d'événement extrême, lorsque la Suisse a besoin d'une aide de l'étranger. Cette coopération s'étend aussi à l'entraide entre voisins, pour laquelle la Suisse a conclu des accords avec les États limitrophes afin de régler l'aide transfrontalière en cas de catastrophe ou de situation d'urgence majeure. La coopération entre les cantons est assurée de bien des manières. Elle va des accords de prestations intercantonaux aux plateformes organisées régulièrement par les responsables du système coordonné de la protection de la population, en passant par la réalisation d'exercices sur le territoire de plusieurs cantons.

La Suisse adopte essentiellement une approche ascendante (de la base au sommet) qui correspond au principe de subsidiarité et favorise l'indépendance au niveau le plus bas possible. Cette approche vaut aussi bien pour le secteur privé, les communes, les régions, les cantons et la Confédération que pour la police et les exploitations techniques.

La coopération et l'engagement entrent par exemple en scène dans la politique du climat et pour prévenir et combattre des pandémies.

3.3

Moyens: les instruments de la politique de sécurité et leurs contributions pour prévenir, affronter et maîtriser les menaces et dangers

En Suisse, les instruments de la politique de sécurité sont notamment les suivants: ­

la politique étrangère,

­

l'armée,

­

la protection de la population,

­

le Service de renseignement de la Confédération (SRC),

­

la police,

­

la politique économique,

­

l'AFD,

­

le service civil.

Les instruments de la politique de sécurité se composent donc aussi bien d'éléments opérationnels (armée, protection de la population, SRC, police, AFD et service civil) que de domaines politiques (politique étrangère et politique économique). L'armée, la protection de la population, le SRC et la police se préoccupent presque exclusivement de la sécurité de la Suisse, de sa population et de son infrastructure. Pour la politique étrangère, la politique économique, l'AFD et le service civil, par contre, la sécurité n'est qu'un domaine de travail parmi d'autres. Il existe encore d'autres autorités qui contribuent à la sécurité de la Suisse, sans pour autant compter parmi 7631

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les instruments de la politique de sécurité. C'est notamment le cas de l'Unité de pilotage informatique de la Confédération (UPIC) et de l'Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication, qui revêtent une importance majeure pour le domaine de la cybernétique et sa sécurité, de même que la police des transports dont la tâche est d'assurer la sécurité et l'ordre dans les transports publics. Les entreprises privées de sécurité ne font pas non plus partie des instruments utilisés par la Suisse dans sa politique de sécurité, même si elles sont de plus en plus souvent engagées.

En politique de sécurité, les instruments sont engagés selon trois phases distinctes: la prévention, la défense et la maîtrise.

­

La prévention est, en premier lieu, une anticipation: il s'agit d'identifier rapidement les menaces et les dangers, de définir les instruments en conséquence et d'adapter les organes de conduite. Vient alors la disponibilité: les instruments, modernes, entièrement équipés et bien instruits doivent pouvoir être engagés rapidement. Des exercices permettent de les tester, de même que les organes de conduite. La disponibilité implique aussi l'augmentation ciblée de la capacité de résistance et de régénération (résilience). Un autre élément de la prévention est l'engagement des instruments en vue de diminuer la probabilité de voir les menaces et les dangers se concrétiser dans le pays, par exemple, en interne, en renforçant la présence policière en fonction de la situation ou, sur le plan international, par la promotion civile ou militaire de la paix.

­

Lorsqu'une menace s'affirme, la phase de défense est enclenchée. Elle commence par une protection passive: les instruments sont engagés pour prévenir les dommages ou pour les limiter, notamment en surveillant et gardant des infrastructures critiques et d'autres objets ou secteurs, de même qu'en occupant les abris de protection. Lorsque la menace se concrétise, les interventions actives sont lancées: elles consistent à engager les instruments contre les responsables de la menace pour diminuer, voire annihiler, leur capacité d'occasionner d'autres dégâts. C'est par exemple le cas des interventions de la police contre des terroristes ou d'un engagement de défense pour faire face à une attaque armée.

­

La maîtrise d'une menace ou d'un danger consiste à engager les instruments de la politique de sécurité pour empêcher d'autres dommages, puis pour réparer les dégâts subis et assurer le retour à la normalité.

Les précédents rapports sur la politique de sécurité ont décrit un à un les instruments de cette politique et leurs tâches respectives, leurs prestations, leurs structures et les projets de développement les concernant. Le présent rapport a opté pour un mode de représentation différent: en partant des divers dangers ou menaces, il montre comment chacun des instruments de la politique de sécurité contribue à les prévenir (prévention), à les affronter (défense) et à les maîtriser (maîtrise)58. L'ordre dans lequel les instruments sont mentionnés correspond à l'importance de leur contribu58

Par prévention, on entend toutes les mesures et les activités de politique de sécurité qui se déroulent avant un événement potentiel; par défense et maîtrise, il faut comprendre toutes les mesures et les activités réalisées pendant et après un événement.

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tion dans la lutte contre les menaces ou les dangers concernés. Cette représentation a l'avantage de permettre d'établir un lien direct entre une menace définie et ces différents instruments, et de décrire concrètement les tâches qui incombent à chacun d'eux.

3.3.1

Obtention illégale et manipulation d'informations

Prévention Le Conseil fédéral a adopté en 2012 la stratégie nationale de protection de la Suisse contre les cyberrisques afin de prendre en compte l'importance accrue de cette menace. Cette stratégie est à présent mise en oeuvre et elle a permis d'attirer l'attention sur la problématique de la cybersécurité, de mieux mettre en réseau les principaux acteurs dans ce domaine, d'améliorer la collaboration à l'échelon national et international et d'intensifier l'échange d'informations entre les milieux politiques, le monde économique et l'armée. La capacité de résistance contre les cyberattaques a également été améliorée par le développement des compétences et par une optimisation des processus. La stratégie nationale souligne le principe de la responsabilité individuelle dans la protection contre les cyberattaques des infrastructures d'information et de communication. Or, l'évolution de la situation dans le domaine cybernétique a montré les limites de ce principe. Il faudra en tenir compte lors de la prochaine révision de la stratégie.

Le SRC, appuyé par les cantons, est compétent en matière de contre-espionnage. Il suit et cherche à anticiper l'évolution des méthodes d'espionnage dans les mondes réel et virtuel, à en identifier les principaux acteurs et à connaître leurs motivations.

Pour se faire une idée d'ensemble des activités et des possibilités qu'offre le cyberespace, les incidents sont analysés en permanence. Ainsi, l'affaire Snowden a permis d'obtenir de nouvelles informations sur les procédés employés par certains États et certains services de renseignements et de tirer les conclusions qui s'imposent pour instaurer des mesures adéquates de précaution. La centrale MELANI joue un rôle important dans la prévention des cyberattaques, par son analyse des menaces dans le cyberespace ainsi que par l'échange d'informations et la sensibilisation aux cyberrisques dans le cadre d'une collaboration étroite avec le monde économique59. Le SRC gère par ailleurs le programme Prophylax, qui vise à sensibiliser les entreprises, les instituts de recherche et les établissements d'éducation supérieure aux risques de l'espionnage.

La politique étrangère s'engage en faveur de règlementations internationales visant à améliorer la protection du cyberespace et à empêcher, ou du moins limiter, son utilisation
abusive. Son action passe en premier lieu par des négociations dans un cadre multilatéral (p. ex. ONU, OSCE, Conseil de l'Europe); elle recherche toutefois également la coopération avec des États et des organisations qui partagent son point de vue sur le sujet. La Suisse a ainsi contribué, au sein de l'OSCE, à la prise de mesures destinées à réduire le risque de malentendus et d'erreurs d'appréciation 59

MELANI comporte un volet opérationnel, rattaché au SRC, et un volet stratégique, rattaché à l'UPIC.

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dans le cyberespace et donc à instaurer la confiance. La politique étrangère s'engage en outre pour l'application des règles du droit international dans le cyberespace et pour un renforcement, par un code de conduite politique, de la sécurité et de la stabilité dans ce même espace.

En application de la stratégie nationale pour la protection des infrastructures critiques, adoptée par le Conseil fédéral en 2012, l'Office fédéral de la protection de la population (OFPP) et l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays identifient les cyberrisques qui pèsent sur les infrastructures critiques et prennent des mesures afin d'en accroître la résilience. Pour ce faire, ils doivent déceler les manipulations faites sur de tels systèmes et éviter que des dérangements et des défaillances perturbent leur bon fonctionnement. Les systèmes protégés de mise en alerte, de communication et de présentation de la situation exploités par l'OFPP sont également à l'épreuve des cyberattaques.

L'armée doit pouvoir protéger en tout temps ses propres systèmes et infrastructures d'information et de communication contre toute attaque et les prémunir contre les cyberattaques, au quotidien comme en temps de crise. Elle engage les moyens requis afin de pouvoir se protéger elle-même et remplir sa mission. La politique d'armement veille à ce que l'armée soit équipée des moyens technologiques qu'elle a définis pour sa sécurité. Au besoin, les moyens de l'armée peuvent également être engagés en faveur des autorités civiles et des exploitants d'infrastructures critiques.

De surcroît, l'armée échange des expériences et des informations avec des instances civiles et militaires intervenant dans le cadre de la défense contre les cyberrisques.

Défense et maîtrise De façon générale, la police et les autorités de poursuite pénale peuvent intervenir pour poursuivre pénalement des faits d'espionnage, cyberespionnage compris, ou de manipulations illégales. C'est par exemple le cas lorsque les connaissances acquises sur un cas précis d'espionnage ou de manipulation donnent des raisons concrètes de penser qu'une infraction nécessitant l'ouverture d'une procédure pénale a été commise. L'important, à cet égard, est la capacité à identifier les auteurs: dans le cadre des investigations, les autorités de poursuite pénale peuvent
prendre différentes mesures afin de procéder à leur identification. Le Service national de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet, géré en commun par la Confédération et les cantons et qui est rattaché à fedpol, joue un rôle important dans ce domaine. Il est l'interlocuteur central pour les personnes qui souhaitent signaler des contenus douteux sur Internet. Après un premier examen et une sécurisation des données, les annonces sont transmises aux autorités de poursuite pénale compétentes en Suisse ou à l'étranger. Par ailleurs, fedpol sonde Internet à la recherche de contenus relevant du droit pénal et dresse des analyses en matière de cybercriminalité. L'échange d'informations avec le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité, rattaché à Europol, et avec le Complexe mondial Interpol pour l'innovation, établi à Singapour, joue également un rôle crucial dans les poursuites pénales.

Le SRC a pour tâche d'identifier les personnes qui s'adonnent à des activités illégales liées au renseignement en Suisse, puis de prendre des mesures pour contrer leurs actions. Dans le cyberespace, le but est également d'identifier et de retracer les 7634

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attaques pour déterminer leur provenance, leur auteur et leurs buts. Le SRC intervient non seulement en cas d'attaque contre les autorités fédérales, mais aussi au cas où des cantons ou des entreprises, par exemple, sont visés et ont besoin d'aide pour se défendre ou pour maîtriser la situation. En fonction de la gravité du cas, outre les mesures de protection passives, il est parfois nécessaire de prendre des contremesures offensives pour remonter à la source de l'attaque et la contrer ou la maîtriser. En cas de cyberattaque ou d'espionnage, le Swiss Governmental Computer Emergency Response Team, qui est rattaché à MELANI, joue aussi un rôle en fournissant un soutien technique dans l'analyse et le suivi des cas.

La politique étrangère permet d'intervenir et d'exercer une pression diplomatique auprès d'États soupçonnés d'organiser des cyberattaques, d'effectuer de l'espionnage dans le cyberespace ou de tolérer chez eux de telles activités ou auprès d'États dont le territoire ou l'infrastructure informatique est utilisée abusivement.

Elle peut également employer des canaux bilatéraux et multilatéraux pour collaborer avec d'autres États en cas d'attaque, échanger des informations et coordonner des mesures.

L'armée peut, au besoin, apporter son appui aux autorités civiles en mettant à profit son expertise technique dans la protection de ses propres systèmes d'information et de communication et en cas de conflit armé. Comme c'est le cas lors d'engagements de protection et de sûreté, cet appui se ferait à titre subsidiaire, autrement dit si l'autorité compétente n'était pas en mesure de gérer elle-même un incident ou ses conséquences et demandait à bénéficier d'un appui. En cas de cyberattaque majeure aux conséquences graves, l'armée pourrait apporter son aide en fournissant ses moyens d'aide au commandement, qui sont sécurisés et à l'épreuve des crises, afin de préserver la capacité de conduite des autorités et de contribuer à gérer les conséquences de l'attaque par différentes prestations.

L'inventaire des infrastructures critiques tenu par l'OFPP est une base de décision permettant de fixer des priorités dans la gestion de cyberattaques frappant des infrastructures de ce type. La protection de la population apporte également son appui dans la préservation de la capacité de conduite, la distribution des biens et l'aide aux victimes.

3.3.2

Terrorisme et extrémisme violent

Prévention En septembre 2015, le Conseil fédéral a adopté la stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste. Cette stratégie vise l'objectif suivant: aucun acte terroriste n'est perpétré en Suisse; le territoire suisse n'est pas utilisé à des fins de financement, de soutien logistique ou de planification d'actes terroristes en Suisse ou à l'étranger. La lutte contre le terrorisme s'inscrit dans le cadre de la Constitution et du droit international et accorde une attention particulière aux droits de l'homme et aux droits fondamentaux. La Suisse veille à maintenir un équilibre entre la liberté et la sécurité, privilégiant la liberté en cas de doute. Sur la scène internationale, la Suisse est reconnue comme un acteur fiable et avisé, respectueux du droit international. Sa politique de lutte antiterroriste s'articule autour de quatre domaines d'action: la 7635

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prévention, la protection, la répression et l'anticipation des crises. Dans le cadre de sa politique étrangère, elle s'attache à combattre le terrorisme et ses causes. La lutte contre le terrorisme est une tâche conjointe de la Confédération, des cantons et des communes. Elle est mise en oeuvre au sein de l'administration fédérale selon une approche interdépartementale et en collaboration avec l'étranger. Outre l'établissement de mesures policières répressives, des travaux sont aussi en cours pour prévenir toute radicalisation. La prévention de l'extrémisme violent commence au niveau local par l'implication des structures sociales, des structures familiales et des structures d'enseignement, ainsi que par celle des communautés concernées. Les cantons et les communes, avec leurs structures bien rodées, jouent un rôle crucial à cet égard.

La politique étrangère s'engage en faveur d'une condamnation générale et effective du terrorisme et de l'extrémisme violent à l'échelle internationale et de la lutte contre ceux-ci; les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, les conventions internationales en la matière et la stratégie antiterroriste de l'ONU jouent un rôle déterminant à cet égard. Dans ce cadre, la prévention de l'extrémisme violent gagne sensiblement en importance et revêt une importance cruciale dans la stratégie menée par la Suisse. Celle-ci s'engage au sein d'organisations internationales, telles que l'ONU, le Forum mondial contre le terrorisme, le Conseil de l'Europe et l'OSCE, en faveur d'une approche globale et inclusive de prévention et de lutte contre le terrorisme. Un exemple de prévention est le soutien au Fonds mondial pour l'engagement de la communauté et la résilience, établi à Genève, qui se concentre sur les mesures pouvant être prises à l'échelle de la société civile et des milieux économiques. Il constitue une interface importante entre la coopération au développement, la prévention des conflits et la promotion de la paix. L'engagement en faveur de réglementations aussi contraignantes que possible portant sur l'exportation d'armes, le désarmement et la non-prolifération d'armes de destruction massive joue un rôle important dans la prévention du terrorisme, car il permet d'éviter que des armes ne tombent entre de mauvaises mains. La participation à des instances internationales
et à des discussions qui ont cours en Suisse et à l'étranger permet aux acteurs de la politique étrangère de recueillir des informations et de tirer des enseignements qui peuvent servir dans la lutte contre le terrorisme sur le plan intérieur.

De plus, le DFAE a pris des mesures pour que les ressortissants suisses à l'étranger puissent s'informer des risques liés au terrorisme et il prodigue aux voyageurs des conseils sur presque tous les pays du monde. Les activités visant à sensibiliser la population suisse et l'économie au risque d'enlèvement par des terroristes ont été renforcées. Le DFAE a adapté ses structures pour pouvoir gérer du mieux possible ces enlèvements et les attentats faisant des victimes suisses. La Suisse s'en tient au principe selon lequel aucune rançon ne doit être versée pour ne pas encourager les activités terroristes. La promotion civile de la paix et la coopération au développement contribuent à prévenir le terrorisme et l'extrémisme violent en stabilisant les régions en conflit et en mettant en place des structures étatiques viables. La prévention de l'extrémisme violent est une priorité de la politique étrangère. Le DFAE a mis au point un plan d'action à cet égard pour lutter contre le terrorisme avec des mesures préventives. Ce plan doit aider les États ainsi que les communautés concernées à structurer leur environnement sociétal de telle sorte que personne ne soit entraîné dans une spirale de violence pour des raisons politiques ou idéologiques ou

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ne se laisse séduire par des extrémistes violents. Le traitement des causes du terrorisme et de l'extrémisme exige un engagement durable sur le long terme.

Le SRC observe et analyse l'évolution du terrorisme et de l'extrémisme violent en Suisse et à l'étranger et identifie les personnes et les organisations suspectes et potentiellement dangereuses afin de déceler à temps les projets d'attentats et d'empêcher leur réalisation. À cet effet, il collabore étroitement avec fedpol ainsi qu'avec les polices cantonales et les services partenaires à l'étranger. Le SRC s'efforce également de reconnaître, à un stade précoce, les tentatives de propagation d'armes de destruction massive. Dans un but de prévention, la surveillance du djihadisme sur Internet a été renforcée depuis 2011 afin d'identifier à temps les personnes en phase de radicalisation. Lorsque le SRC constate que des infractions pouvant avoir un lien avec des activités terroristes ou avec l'extrémisme violent ont été perpétrées, il transmet les informations dont il dispose aux autorités de poursuite pénale.

La police prend également toute une série de mesures pour éviter les actes en lien avec le terrorisme ou l'extrémisme violent. Dans la perspective des autorités fédérales, ces mesures incluent l'échange d'informations au niveau opérationnel et le lancement d'avis de recherche sur des personnes à l'échelle nationale et internationale, notamment via Europol, Interpol, le Police Working Group on Terrorism européen et le système d'information Schengen. Fedpol procède, notamment sur la base des indications fournies par le SRC, à des enquêtes et à des analyses, y compris sur Internet, portant par exemple sur des activités à caractère djihadiste. Sa mission est l'identification des organisations criminelles (terroristes) au sens de l'art. 260ter CP. Dans le cadre des enquêtes menées par le Ministère public de la Confédération, fedpol recueille des preuves contre ceux qui soutiennent de telles organisations afin que les préparatifs d'actes terroristes ne puissent pas aboutir et que ces personnes soient poursuivies pénalement. La loi fédérale du 12 décembre 2014 interdisant les groupes «Al-Qaïda» et «État islamique» et les organisations apparentées60, entrée en vigueur début 2015, étend et précise les infractions qui relèvent de ce domaine et attribue
la compétence de poursuite pénale aux autorités fédérales. Par ailleurs, fedpol peut prononcer, notamment sur demande du SRC, des interdictions d'entrée ou des expulsions à l'encontre d'étrangers représentant un danger pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse. Fedpol peut également placer sous séquestre ou confisquer du matériel de propagande lié au terrorisme ou à l'extrémisme violent. En cas de propagande par Internet, fedpol peut ordonner la fermeture du site Internet concerné, à condition que le matériel soit sur un serveur en Suisse; si tel n'est pas le cas, il peut recommander au fournisseur suisse de bloquer le site hébergé à l'étranger. Enfin, fedpol prend des mesures afin de protéger les autorités fédérales, les personnes qui relèvent de la protection du droit international ainsi que les missions diplomatiques permanentes, les postes consulaires et les organisations internationales. Dans tous ces domaines, une collaboration et une coordination étroites ont lieu entre fedpol et le SRC, les polices cantonales et, le cas échéant, les autres autorités concernées. En cas de menaces particulières, tous les services compétents aux niveaux fédéral et cantonal sont rassemblés au sein d'un groupe d'action (task force) afin d'adapter le dispositif de défense. La task force TETRA a ainsi été mise en 60

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place en raison de l'augmentation des voyages à motivation djihadiste à destination de la Syrie et de l'Irak. En concertation avec les cantons, celle-ci a élaboré et recommandé différentes mesures et permis notamment de sensibiliser davantage les autorités locales dans les cantons et les communes et d'améliorer leur mise en réseau afin d'identifier suffisamment tôt les adeptes du djihadisme à caractère terroriste et d'empêcher leur radicalisation.

L'AFD surveille la circulation transfrontière des marchandises et des personnes et contribue ainsi à déceler à temps des activités terroristes ou liées à l'extrémisme violent. Elle recueille des informations sur les personnes suspectes et les marchandises potentiellement dangereuses (p. ex. biens à double usage, matériel de guerre) et établit des fiches informatives ou dresse des profils de risque à leur sujet ou les saisit dans les banques de données prévues à cet effet. Une attention particulière est portée à la détection précoce des fausses identités ou des documents d'identité falsifiés.

La politique économique peut, en contrôlant les exportations de marchandises sensibles (p. ex. matériel de guerre et biens à double usage pouvant entrer dans la fabrication d'armes de destruction massive), réduire la probabilité que celles-ci tombent entre de mauvaises mains et soient utilisées à des fins terroristes. Le principe est le même pour les sanctions: celles-ci peuvent contribuer à ce que des valeurs patrimoniales et des biens critiques soient tenus à l'écart des acteurs qui pourraient s'adonner à des activités terroristes ou les soutenir.

L'armée peut appuyer la police en surveillant et en sécurisant des infrastructures critiques et de grandes manifestations. Lors d'événements planifiables, elle doit toutefois être engagée afin de gérer les phases de surcharge temporaires, mais le moins longtemps possible pour éviter qu'elle ne concurrence les moyens civils 61. En cas de menace terroriste majeure ou durable, l'armée reste disponible pour assumer des tâches de protection et de sûreté et pour renforcer le service de police aérienne.

Le Conseil fédéral peut interdire ou restreindre temporairement ou en permanence l'usage de l'espace aérien dans son ensemble ou le survol de certaines zones. Un espace aérien limité est contrôlé au moyen d'avions de combat. Les
ouvrages et les zones particulièrement menacés peuvent, en outre, être protégés par la défense aérienne basée au sol, laquelle est capable de combattre tout objet volant les attaquant directement s'il n'est pas possible de recourir à la dissuasion par d'autres moyens. Lors de crises à l'étranger, du personnel militaire professionnel spécialisé peut être engagé pour la protection des représentations diplomatiques suisses, notamment des membres de la police militaire ou du commandement des forces spéciales. Il peut également être nécessaire de sauver et de rapatrier des ressortissants suisses; les engagements de ce type se font généralement en coopération avec des forces armées étrangères. Par la promotion militaire de la paix, l'armée contribue à stabiliser des régions en proie à des conflits et, partant, à éviter que le terrorisme n'apparaisse et ne prenne pied dans ces régions.

61

Les engagements de sûreté en appui aux autorités civiles exercent une influence décisive sur le développement de l'armée, en particulier sur l'instruction et l'équipement. L'armée préserve les capacités dont elle a besoin pour le combat armé; dans le même temps, elle renforce ses compétences en matière d'utilisation proportionnée de moyens non létaux dans un contexte civil.

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Défense et maîtrise Lors d'actes terroristes ou liés à l'extrémisme violent, l'engagement est placé sous la responsabilité de la police. Celle-ci a pour tâche prioritaire de procéder à une analyse immédiate de la situation et de prendre toutes les mesures de protection qui s'imposent pour circonscrire le risque que d'autres attaques ou incidents se produisent. Elle coordonne les mesures nécessaires avec ses partenaires dans le secteur de la sécurité. Au besoin, la police compétente à l'échelle locale demande, sur la base de la convention IKAPOL, le soutien d'autres corps de police, de l'État-major de conduite de la police dirigé par la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse ou, en cas de menace durable et étendue, fait appel à l'armée à titre subsidiaire. Il incombe en outre à la police d'élucider les circonstances de l'affaire, d'identifier les auteurs et, le cas échéant, de lancer un avis de recherche. Dans le même temps, le ministère public compétent ouvre une enquête pénale dans le cadre de laquelle la police, en tant qu'organe judiciaire, est placée sous sa surveillance et doit suivre ses directives. En cas de financement du terrorisme, de participation ou de soutien à une organisation criminelle (terroriste) ou à des crimes perpétrés par une organisation terroriste, l'affaire relève de la compétence de la Confédération. En cas d'indices ou de soupçons étayés sur des actes terroristes de cette nature, il incombe à fedpol de mener les investigations ou au Ministère public de la Confédération d'ouvrir une enquête pénale.

Dans le cas d'un attentat dont les conséquences seraient telles que les autorités civiles ne pourraient, à elles seules, pas le maîtriser, l'armée serait engagée pour des tâches de protection et de sûreté afin de parer à de nouvelles tentatives d'attaques ou pour des opérations d'aide et de sauvetage effectuées à titre subsidiaire. Elle dispose de moyens adéquats à cet effet (moyens de transport aérien et de reconnaissance aérienne, véhicules protégés) et ses effectifs permettent de mener à bien des engagements importants sur une longue durée. L'aide que l'armée peut apporter en vue de gérer les conséquences d'une attaque terroriste massive est, en principe, la même que celle fournie dans le cadre de l'aide en cas de catastrophe (localisation, évacuation,
sauvetage, soutien sanitaire et transports, moyens spécialisés pour la défense NBC).

Après un attentat, le SRC garantirait le suivi et l'appréciation continue de la menace, en étroite collaboration avec les autorités cantonales et les services partenaires à l'étranger. Sur demande, il apporterait en outre son soutien à l'enquête des autorités de poursuite pénale en fournissant des renseignements, par exemple sur le contexte, la motivation ou les auteurs.

Les planifications préventives élaborées dans le cadre de l'OFPP servent à préparer les organes de commandement, en particulier les états-majors de conduite cantonaux, à gérer les attentats. Les ressources de la protection de la population seraient utilisées, en particulier, après une attaque de grande ampleur engagée avec des

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moyens nucléaires, biologiques ou chimiques. Le groupe d'intervention du DDPS62 soutiendrait les forces d'intervention sur place avec ses spécialistes, ses éléments d'engagement mobiles et ses instruments de mesure et le Laboratoire de Spiez procéderait à l'analyse des échantillons. En fonction de l'étendue des dommages, des formations de la protection civile pourraient également être engagées pour un suivi et une aide psychologique d'urgence.

En cas d'attaque majeure en Suisse, la politique étrangère aurait un rôle à jouer dans la coordination avec les contacts à l'étranger. Les contacts de ce type pourraient par exemple, s'avérer nécessaires pour aborder le sujet avec d'autres pays et, le cas échéant, prendre des mesures internationales ou pour coordonner l'aide internationale en faveur de la Suisse. Si des ressortissants suisses sont victimes d'attaques terroristes à l'étranger, le DFAE coordonne les mesures nécessaires de soutien.

L'AFD peut rechercher des personnes lors de ses contrôles à la frontière ou en zone frontalière si elle dispose d'indications concrètes émanant d'autorités partenaires et les mettre provisoirement en état d'arrestation ou informer les autorités compétentes de leurs allées et venues. Si, à l'occasion d'un contrôle, elle trouve des objets dangereux, de l'argent liquide ou du matériel de propagande, elle procède à leur confiscation et les remet aux autorités de poursuite pénale compétentes.

3.3.3

Attaque armée

Prévention La politique étrangère a pour tâche de contribuer à trouver une solution pacifique aux conflits. De nombreux éléments de cette politique servent directement ou indirectement à les prévenir: la promotion civile de la paix, l'engagement au sein de l'ONU et de l'OSCE, la collaboration avec l'OTAN et l'UE, ainsi que la coopération au développement. Les efforts déployés en vue d'élaborer et de mettre en oeuvre des accords internationaux afin de réglementer, de restreindre ou d'interdire totalement le développement, la possession, l'utilisation et la transmission de certaines catégories d'armes comptent parmi les contributions que la politique étrangère fournit à titre préventif. Ces efforts portent en particulier sur les systèmes d'armes ayant des répercussions majeures sur la population civile, tels que les mines antipersonnel ou les armes à sous-munitions, dont les effets perdurent bien après la fin d'un conflit armé.

En concertation avec les instruments civils de sécurité, l'armée peut contribuer à titre subsidiaire à juguler à temps les menaces et éviter ainsi qu'elles prennent une ampleur telle que l'intégrité territoriale, l'ensemble de la population ou l'exercice du 62

Le groupe d'intervention du DDPS, qui se compose de spécialistes volontaires du Laboratoire de Spiez et du Centre de compétences NBC-DEMUNEX (élimination des moyens de combat et déminage) de l'armée, recèle un concentré de connaissances en cas d'événements et de menaces en lien avec la radioactivité ou les substances biologiques et chimiques et peut être engagé dans un délai de quelques heures. En cas de doute ou d'événement impliquant des substances NBC, il se tient prêt à conseiller les autorités et les forces d'intervention et à les soutenir sur place par des moyens spécifiques. Il dispose d'un matériel moderne de mesure et de protection pour les événements NBC.

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pouvoir étatique s'en trouve mis en péril. Elle peut également empêcher une escalade de la violence de la part de l'adversaire et contribuer à la protection des infrastructures critiques. Un autre élément de prévention est la promotion militaire de la paix, qui contribue à stabiliser les régions en conflit et à empêcher une propagation des conflits armés. Les menaces, et dès lors les attentes vis-à-vis de l'armée, évoluent au fil du temps. L'armée suisse doit, elle aussi, s'adapter sans cesse à l'évolution de la situation qui caractérise les conflits et à la situation dans le domaine de la politique de sécurité. L'efficacité obtenue avec les capacités disponibles doit être périodiquement réexaminée afin de déceler les lacunes à temps et les combler.

La politique d'armement traite de l'acquisition de biens et de prestations pour l'armée. Les prestations et les biens d'armement que l'armée juge importants pour la sécurité doivent, autant que possible, être fournis au moyen de technologies industrielles sises en Suisse, sauf si se fournir à l'étranger paraît judicieux. Dans le cas contraire, la politique d'armement garantit que les besoins de l'armée pourront être couverts à l'étranger en limitant autant que possible les risques techniques et financiers.

Le SRC suit en permanence les évolutions en lien avec la politique de sécurité et l'armée, les analyse et s'efforce d'anticiper leur cours. Il doit déceler le plus tôt possible toute détérioration de la situation pour adapter dans les temps les instruments de la politique de sécurité. Ce principe s'applique également à un conflit militaire majeur en Europe dont la Suisse pourrait subir les effets. Le SRC évalue l'évolution des délais de préalerte. Il est à l'affût de la propagation des programmes d'armes de destruction massive et évalue dans quelle mesure ils représentent une menace pour la Suisse. Le SRC soutient également les responsables de la politique économique et l'AFD dans l'identification et la prévention des exportations illégales. À cet effet, il identifie et sensibilise à temps les secteurs concernés des milieux scientifiques et industriels suisses.

Dans le cadre de la politique économique, des mesures préparatoires sont prises avec les responsables concernés pour pallier les problèmes d'approvisionnement du pays qui surviendraient
inévitablement à une large échelle et persisteraient longtemps en cas de conflit armé en Suisse ou dans son voisinage immédiat. De plus, la politique économique permet, par des contrôles à l'exportation et des sanctions, d'empêcher que des systèmes et des composants d'armes ne parviennent à des destinataires indésirables ou que des biens à double usage ne soient utilisés abusivement pour la fabrication d'armes de destruction massive ou autres. La politique économique veille aussi à ce que la Suisse dispose d'une capacité industrielle adaptée aux besoins de la défense nationale afin que l'armée conserve sa capacité d'action.

La protection de la population n'a plus pour vocation première d'intervenir en cas de conflit armé, mais les préparatifs en pareille situation sont maintenus, en particulier ceux de la protection civile, quoique dans une proportion moindre qu'avant. Les postes de commandement protégés, les postes d'attente, les installations des services sanitaires et les abris de protection pour la population demeurent des moyens efficaces. Des systèmes d'alarme et de communication protégés pour l'information des autorités et de la population s'ajoutent au dispositif. Dans le cadre d'un conflit armé ou d'autres événements extrêmes, la protection civile peut aussi être soutenue dans les domaines du personnel, du matériel, de l'instruction et de la communication.

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Défense et maîtrise En cas de conflit armé, l'armée protège les secteurs, installations et axes de communication importants, assure la sauvegarde de l'espace aérien et, en combinaison avec d'autres instruments de la politique de sécurité, préserve le pays, sa population et ses infrastructures critiques des attaques. Dans la perspective traditionnelle, la défense consiste à contrer une attaque militaire venant de l'extérieur (autrement dit, une attaque perpétrée par des forces armées d'un État, organisées avec les moyens usuels d'une armée). Or, le changement survenu dans le mode de déroulement des conflits et les récents conflits armés en Europe montrent que la représentation classique du conflit armé doit être élargie: lorsque des militaires d'une armée étrangère se retrouvent soudain au milieu d'un pays, assurer la défense à la frontière ne suffit plus, et si des groupes bénéficient de renforts et d'armes venus de l'extérieur, il est difficile de faire la distinction entre des troubles intérieurs et une attaque classique. Des conflits armés internationaux peuvent également commencer par le recours à la violence à l'intérieur d'un pays.

En raison de la vulnérabilité de l'État, de la société et de l'économie, la Suisse (à l'instar de tout État hautement développé) pourrait être paralysée, voire s'effondrer, sans qu'un adversaire organisé sur le plan militaire ne doive mener une attaque armée au sens traditionnel du terme depuis l'extérieur du pays. Un adversaire pourrait atteindre ses objectifs en endommageant des infrastructures essentielles à la conduite de l'État ou au bon fonctionnement des processus économiques et de la vie sociale. Il pourrait, pour ce faire, recourir à toute une gamme de moyens, qui vont des cyberattaques au sabotage impliquant des forces d'opérations spéciales ou d'autres acteurs enclins à la violence, en passant par la propagande. Les actions de ce type peuvent s'accompagner d'une guerre de l'information, faisant notamment planer la menace d'un déploiement ou d'une concentration de forces armées.

Pour savoir si l'armée doit être engagée pour la défense du pays ou pour appuyer les autorités civiles à titre subsidiaire, on ne peut se contenter, dans le monde moderne, de se demander d'où vient l'attaque et par quels moyens elle est menée; il faut également en déterminer
l'intensité et l'étendue. Autrement dit, l'armée peut, en cas de menace suffisamment intense et étendue, être engagée dans le cadre de ses tâches primaires, c'est-à-dire la défense, même si l'attaque n'est pas perpétrée par une armée pouvant être rattachée à un État. Les critères cumulatifs pour qu'un engagement de l'armée de ce type puisse se faire sont les suivants: ­

l'intégrité territoriale, l'ensemble de la population ou l'exercice du pouvoir étatique sont concrètement menacés;

­

la menace perdure et dépasse le cadre d'une menace ponctuelle;

­

la menace pèse sur l'ensemble du pays (elle n'est pas simplement locale ou régionale); son ampleur ne doit toutefois pas nécessairement être la même dans tout le pays;

­

la menace est d'une telle intensité (comparable à une attaque) que seuls des moyens militaires peuvent la combattre.

Ces critères ne sont pas à appliquer à la lettre, mais ils doivent permettre d'évaluer globalement s'il s'agit d'un cas de défense, autrement dit si l'armée peut être enga7642

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gée dans le cadre de sa mission première (défense) ou uniquement à titre subsidiaire (appui aux autorités civiles). La décision effective d'engager l'armée pour la défense ou à titre subsidiaire incombe systématiquement au Conseil fédéral et au Parlement.

Pour saisir correctement cette interprétation du terme «défense», les aspects ci-après doivent être pris en compte: ­

Il ne s'agit pas d'une interprétation foncièrement nouvelle, mais d'une compréhension actualisée de la défense en accord avec la doctrine dominante. Cette interprétation respecte la répartition des compétences prévue par la Constitution entre sécurité intérieure et sécurité extérieure; la répartition des tâches et les responsabilités ne sont donc pas modifiées.

­

Les attentats ou les cyberattaques ne peuvent être qualifiés d'attaques armées que s'ils revêtent une ampleur majeure. En outre, les menaces ne peuvent pas toutes donner lieu à un cas de défense: l'espionnage, la criminalité, l'extrémisme violent, les difficultés d'approvisionnement, les catastrophes et les situations d'urgence comptent parmi les menaces et les dangers qui, dans la perspective actuelle, ne sauraient constituer une agression armée.

­

Cette interprétation permet au Conseil fédéral et aux Chambres fédérales d'engager l'armée dans son rôle premier, plutôt que subsidiairement, lorsqu'un tel engagement s'avère opportun en raison de la nature, de l'étendue et de la durée de la menace, mais elle ne les y oblige pas. Pour un engagement de défense (et non uniquement d'appui aux autorités civiles), les règlementations juridiques existantes pour le service de défense nationale (service actif) s'appliquent.

­

L'armée est un instrument adéquat pour assurer la protection d'installations et de secteurs en engageant des effectifs importants, le cas échéant en recourant à la violence physique. La taille, l'organisation, l'équipement de l'armée et les fonds qui lui sont consacrés sont également déterminés en fonction de cette tâche, qu'elle doive être accomplie à titre subsidiaire ou primaire.

­

La question de savoir si les engagements de l'armée sont de nature subsidiaire ou primaire revêt avant tout un intérêt politique et juridique. La question reste cependant pertinente pour l'armée dans la mesure où celleci doit, dans le cas d'un engagement primaire, être en mesure d'organiser elle-même des tâches de défense sur une grande échelle, ce qui n'est pas le cas lors d'engagements subsidiaires parce qu'elle met alors uniquement son personnel et son matériel à la disposition des organes compétents.

Dans tous les cas, seule l'instance politique compétente (Conseil fédéral, Parlement) est habilitée à ordonner des engagements et à mandater des missions de l'armée.

­

L'interprétation faite de la notion de défense et d'attaque armée dans le présent contexte concerne uniquement son acception au sens de la Constitution et vise à déterminer au niveau national le rôle à endosser par chacun en cas de danger important pesant sur la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse. La définition du cas de défense en droit international, telle 7643

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qu'elle est prévue par la Charte de l'ONU et par le droit des conflits armés, est réservée.

En principe, l'armée remplit sa mission de défense en employant des moyens défensifs et sur le sol national. Étant donné la densité de plus en plus forte de la population et l'urbanisation croissante, le combat devrait probablement être mené en zone bâtie. Or, les engagements militaires dans ce genre de zone se caractérisent par une identification souvent difficile des parties au conflit, notamment par le fait que les militaires se mêlent à la population civile, voire à des acteurs irréguliers dans un espace restreint, que l'exploration et la recherche de renseignements sont compliquées, que les temps de réaction sont brefs, que les marges de manoeuvre sont limitées, que la visibilité est réduite et que les distances d'engagement dans les combats sont courtes. Les actions militaires au sol seraient menées par des formations mixtes, composées, selon l'engagement, d'unités de chars, de grenadiers de chars, d'infanterie, de sapeurs de chars et d'autres spécialistes. Les formations mécanisées sont actuellement le moyen le mieux adapté à des opérations de ce type et elles devraient le rester. Elles sont les seules à disposer d'une puissance de feu suffisante, mais aussi et surtout de la protection et de la mobilité nécessaires pour maîtriser toutes les menaces qui surviennent dans un conflit armé. Toutefois, lors d'engagements en zone bâtie, en particulier, les formations mécanisées ont souvent besoin de la protection qu'offre l'infanterie parce qu'un adversaire peut se déplacer rapidement et à couvert, s'approcher des blindés et utiliser des armes à courte distance (p. ex. armes antichars, pièges explosifs) à partir d'un couvert. L'appui de feu indirect au sol (par l'artillerie) demeure nécessaire pour contrer une attaque armée.

S'il n'était pas possible de répliquer au feu adverse sur des distances accrues et de contrecarrer ainsi les actions ennemies, les troupes ne pourraient guère être engagées avec des perspectives de succès. Toutefois, en zone bâtie, le recours au feu de précision contre des cibles ponctuelles précises figure au premier plan; un feu étendu n'entre en ligne de compte que s'il ne risque pas d'occasionner des dommages disproportionnés chez les êtres humains, le matériel et l'infrastructure
aux abords de la cible.

Contrer une attaque armée par la défense aérienne est la tâche centrale des Forces aériennes. Sans une protection de l'espace aérien, les actions militaires au sol ou dans les airs ne réussissent que dans de rares cas. Les Forces aériennes doivent être en mesure aussi bien de combattre des cibles qui attaquent dans les airs (défense aérienne défensive) que d'attaquer les forces aériennes adverses dans leur espace (défense aérienne offensive). Outre les avions de combat, des forces spéciales au sol sont utilisées pour les actions offensives. La défense aérienne défensive utilise des avions et des systèmes DCA. Les uns et les autres emploient des engins guidés dont la portée est la plus longue possible contre les aéronefs adverses. Certaines parties des systèmes DCA servent également à combattre les missiles de croisière, les engins guidés et les drones ennemis en approche. Il est prévu que les Forces aériennes restaurent leurs capacités de reconnaissance et d'appui aux troupes terrestres au moyen d'avions de combat.

Actuellement, la Suisse ne possède aucun moyen de combat efficace contre les engins guidés et les missiles balistiques de portée moyenne à intercontinentale.

Protéger le pays tout entier contre de tels engins n'est pas possible si celui-ci fait 7644

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cavalier seul, quels que soient les moyens investis. Si la Suisse voulait améliorer sa protection active contre les attaques de missiles tirés depuis l'extérieur de l'Europe, elle devrait s'appuyer sur l'OTAN. Participer à un système de défense intégré de l'OTAN reviendrait cependant à devenir membre de l'Alliance car la compétence de prendre des mesures de défense devrait être déléguée à l'avance en raison de la brièveté des délais de préalerte. Or, il y aurait là une incompatibilité avec les obligations découlant du droit de la neutralité.

Les ressources de la protection de la population jouent également un rôle important, en cas de conflit armé, pour assurer le fonctionnement des ouvrages de protection, des postes de commandement protégés et des abris publics, ainsi que pour l'appui, l'encadrement et l'approvisionnement de la population. La protection civile peut fournir des prestations logistiques ou participer à la mise en oeuvre de mesures de rationnement afin de gérer d'éventuelles perturbations dans l'approvisionnement.

Les responsables de la protection des biens culturels veillent à ce que ces biens soient protégés, mis en sûreté et sécurisés lorsqu'ils sont mis en danger.

La politique étrangère devrait dans tous les cas exploiter toutes les possibilités qui s'offrent à elle sur le plan diplomatique, notamment si un conflit militaire devait menacer directement la Suisse ou avait déjà éclaté. Le but serait d'éviter autant que possible un conflit de ce type et, si le conflit devait avoir éclaté, d'entamer, le cas échéant, des négociations avec les acteurs directement impliqués ou avec des tierces parties (p. ex. pour les inciter à apporter leur appui).

La politique économique devrait s'efforcer, avec l'aide des responsables de l'approvisionnement économique du pays, d'atténuer les conséquences des perturbations ou des interruptions notables ou durables dans le processus d'approvisionnement.

Le SRC aurait pour tâche, même si un conflit armé menaçait d'éclater ou avait déjà éclaté, de fournir aux autorités politiques et militaires des informations et des indications aussi fiables et pertinentes que possible et de dresser en permanence un tableau qui reflète la situation du moment. Comme il faut partir du principe qu'un conflit armé s'accompagnerait de cyberattaques, le SRC devrait mettre à profit ses moyens et ses capacités (défensifs et offensifs) dans ce domaine.

3.3.4

Criminalité

Prévention La police s'engage dans la prévention de la criminalité de nombreuses manières.

Une présence visible dans l'espace public, le conseil et les campagnes de sensibilisation, par exemple pour la prévention des cambriolages, des vols ou des fraudes à la

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carte bancaire (skimming63), en font partie. La police combat notamment la criminalité transfrontalière et s'efforce de la contrer avant que les auteurs n'atteignent le territoire suisse. Le Conseil fédéral a adopté en 2012 une stratégie de gestion intégrée des frontières afin de combattre la migration illégale, le trafic professionnel d'êtres humains et la criminalité transfrontalière. Pour être rapide, efficace et productive, la lutte ne doit pas commencer aux frontières de la Suisse ni même à aux frontières extérieures de l'espace Schengen, mais dès les pays d'origine. Elle doit inclure également des mesures à l'intérieur de l'espace Schengen. En Suisse, le combat, pour être efficace, requiert une coopération intense et une coordination. La stratégie qui y est appliquée met l'accent sur l'amélioration de l'échange d'informations et de l'analyse de la situation, ainsi que sur l'optimisation et l'harmonisation de la formation, de l'équipement et des infrastructures en Suisse. De plus, la coopération à l'échelle internationale et avec des acteurs non étatiques doit être améliorée. Le 6 juin 2014, le Conseil fédéral a approuvé le plan d'action par lequel la stratégie doit être mise en oeuvre.

La politique étrangère contribue, par ses activités dans les domaines de la promotion civile de la paix, de la coopération au développement et de la sécurité humaine, à stabiliser les régions en conflit, à créer des structures propres à un État de droit et à réduire la pauvreté. La Suisse entend ainsi atténuer la vulnérabilité des États fragiles et l'attrait qu'ils exercent pour la criminalité (notamment le crime organisé, la piraterie, le trafic illégal d'armes, la traite d'êtres humains et le trafic de stupéfiants). La Suisse soutient en outre des initiatives internationales destinées à lutter plus efficacement contre le crime organisé. Dans les partenariats convenus en matière de migration, ce phénomène est considéré comme global et un équilibre est recherché entre les intérêts de la Suisse et ceux de ses pays partenaires. Différents partenariats en la matière prévoient également un renforcement de la coopération dans la lutte contre la migration illégale et la traite des êtres humains. Un autre domaine propice à la criminalité est le secteur des matières premières. La Suisse s'est déclarée prête à examiner
les possibilités d'instaurer des normes globales visant la transparence et l'établissement de rapports, afin de prévenir la corruption dans ce domaine.

L'AFD joue un rôle central dans la mise en oeuvre de la stratégie de gestion intégrée des frontières et contribue préventivement à la lutte contre la criminalité, en premier lieu parce que sa seule présence a un effet dissuasif. Sur la base de ses observations, elle échange des informations sur les personnes suspectes (p. ex. par une saisie dans les banques de données prévues à cet effet) à l'échelle nationale et internationale.

L'AFD porte une attention particulière à la détection précoce des fausses identités et des titres de légitimation falsifiés, un domaine dans lequel le Corps des gardesfrontière possède un bagage de connaissances particulièrement étoffé. La détection de tels délits permet souvent d'empêcher ou de mettre au jour d'autres délits (p. ex.

délits liés aux stupéfiants, trafic de véhicules, fraude fiscale et autres délits contre le 63

Skimming («prélever» en anglais; équivalent officiel en France «copiage de carte») désigne une escroquerie à la carte de paiement dans laquelle des malfaiteurs copient la bande magnétique de la carte, la sauvegardent, puis la reproduisent sur une carte vierge.

Dans le même temps, le code NIP est enregistré par une caméra ou un clavier manipulé.

La carte falsifiée et le code permettent d'accéder au compte de la victime et d'y prélever des fonds. Étant donné que le client reste en possession de la carte originale, l'escroquerie n'est généralement décelée qu'après plusieurs jours.

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patrimoine, traite des êtres humains et trafic de migrants). Les expériences faites par le Corps des gardes-frontière dans le contexte des falsifications de documents sont également mises à profit lors de la production de pièces d'identité et contribuent à l'amélioration des éléments de sécurité. Par son implication au sein de Frontex, l'AFD contribue en outre à lutter contre la migration illégale et ses effets secondaires dès les frontières de l'espace Schengen.

La politique économique peut contribuer, par des sanctions et des contrôles des exportations, à éviter que des organisations ou individus criminels puissent se retrouver en possession de moyens qu'ils pourraient utiliser pour commettre des délits.

Défense et maîtrise La police est l'instrument principal dans la lutte contre la criminalité quotidienne et le crime organisé; or, en principe, les cantons sont souverains en matière de police.

Les 26 corps de police cantonaux, de concert avec les polices communales, veillent à maintenir la sécurité publique sur les territoires dont ils ont la charge, conformément au droit cantonal, assurent de façon autonome les services de base de la police qui requièrent une proximité avec le citoyen et se chargent des tâches de police judiciaire. La gamme des activités criminelles est très large; c'est pourquoi les moyens et les possibilités de la police doivent également être diversifiés. La criminalité quotidienne est faite d'infractions au CP (quelque 530 000 infractions en 2014), à la loi sur les stupéfiants (quelque 80 000 infractions en 2014), à la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers64 (quelque 40 000 infractions en 2015) et à diverses dispositions du droit pénal accessoire (quelque 12 000 infractions en 2014).

Les infractions contre le patrimoine représentent la grande majorité (70 %) des infractions recensées par la police (notamment dans le domaine du CP). Environ la moitié de ces infractions sont des vols; viennent ensuite les atteintes à la liberté, à l'intégrité corporelle et à la vie, les infractions contre l'honneur, la divulgation de secrets, les atteintes à la sphère privée, les infractions contre l'autorité publique et les atteintes à l'intégrité sexuelle. C'est aux 26 corps de police cantonaux qu'il incombe de lutter contre les actes qui surviennent dans ces domaines ou
de les maîtriser. Ils sont soutenus par quelque 300 corps de police municipaux et communaux, de taille variable, et par fedpol.

Les corps de police font partie d'un système global et assurent, dans le cadre d'une étroite collaboration, la sécurité intérieure de la Suisse et de sa population. Pour maîtriser les défis communs à plusieurs cantons ou à l'ensemble des cantons, différentes formes de collaboration sont prévues. Quatre concordats de police intercantonaux et d'autres conventions en règlent les modalités. La Confédération est compétente dans certains domaines restreints de la police et elle est l'interlocuteur central pour la collaboration policière à l'échelle nationale et internationale. En tant qu'autorité policière de la Confédération, fedpol est compétent en particulier dans le domaine du crime organisé, du terrorisme, du blanchiment d'argent et de la corruption en raison de la nature typiquement internationale de ces délits. Le DFJP a pour mission de détecter précocement la grande criminalité à visée financière dans le cadre de la compétence de la Confédération en matière de poursuite pénale et, en se 64

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fondant sur une évaluation des menaces, de définir des priorités dans le domaine pénal. Il l'a fait pour la première fois lors de la législature 2007 à 2011. Le Conseil fédéral a approuvé ces priorités, de même que celles de la législature 2012 à 2015, à la demande du DFJP et en accord avec le Ministère public de la Confédération.

L'analyse de la menace menée sur la base des priorités définies par la Confédération en matière pénale a montré que les groupes de malfaiteurs dans bien des secteurs de la criminalité ont encore gagné en mobilité ces dernières années. Aussi la Suisse a-telle intensifié la coopération policière internationale à tous les niveaux.

Les autorités de poursuite pénale, dont le Ministère public de la Confédération, la police et les ministères publics cantonaux, contribuent pour beaucoup à la lutte contre la criminalité et à sa maîtrise. Elles mènent les procédures pénales et ordonnent les mesures d'investigation. Elles sont confrontées au défi particulier que représentent les nouvelles formes de criminalité fondées sur les techniques d'information modernes. La lutte contre la cybercriminalité exige que la Confédération et les cantons connaissent parfaitement les dernières technologies et que leur coopération soit structurée.

Au niveau mondial, la collaboration avec Interpol a été renforcée. La mise en oeuvre de l'accord d'association à Schengen a permis d'intensifier la coopération policière avec l'UE. Le système d'information de Schengen s'est révélé un instrument efficace pour lancer des avis de recherche au niveau européen. Depuis 2006, la Suisse est également partenaire de l'Office européen de police Europol. Enfin, les accords bilatéraux en matière de police passés avec les États voisins, le réseau d'attachés de police suisses, ainsi que les deux centres communs de coopération policière et douanière exploités avec l'Italie et la France permettent une coopération étroite et quotidienne au niveau bilatéral. Il est prévu d'étendre encore la collaboration policière internationale tout en l'adaptant à l'évolution de la situation. Au niveau de l'UE, une association aux accords de Prüm et l'accès des autorités de poursuite pénale suisses à Eurodac figurent au premier plan pour la Suisse. La coopération Prüm permet, en premier lieu, une comparaison simplifiée avec l'étranger des
empreintes digitales, des profils ADN et des données sur les détenteurs de véhicules. L'accès à Eurodac permettrait aux autorités suisses de poursuite pénale de vérifier si une personne a déjà déposé une demande d'asile ou si elle a été interpellée alors qu'elle pénétrait illégalement sur le territoire d'un État membre.

L'AFD peut également effectuer des recherches sur des personnes dans le cadre de ses contrôles à la frontière ou en zone frontalière et, le cas échéant, les tenir provisoirement en détention pour les autorités de poursuite pénale compétentes. Si, dans le cadre des contrôles, elle trouve des biens volés, des objets en lien avec des délits ou des espèces, elle les confisque et les remet aux autorités de poursuite pénale. Les contrôles dans le contexte de la circulation transfrontalière des marchandises compliquent la tâche de ceux qui s'adonnent au crime organisé et au trafic professionnel et en bande organisée de marchandises, qui concernent principalement des biens fortement taxés ou de grande valeur. L'AFD saisit aussi des marchandises illicites, telles que des stupéfiants et des armes. S'agissant de la circulation des personnes, elle lutte contre le crime organisé, en particulier le trafic des migrants et les activités des passeurs, en interceptant des passeurs présumés et les personnes qu'ils condui-

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sent. Dans le cadre de la collaboration internationale, l'AFD assure également une entraide administrative et judiciaire dans les domaines précités.

L'armée peut apporter un appui subsidiaire à la police et au Corps des gardesfrontière, principalement dans la lutte contre la criminalité transfrontalière, par exemple par des moyens de reconnaissance aérienne, pour la surveillance des eaux frontalières ou en détachant des membres de la police militaire afin de renforcer les effectifs.

3.3.5

Difficultés d'approvisionnement

Prévention L'approvisionnement économique du pays, en tant que composante de la politique économique, joue un rôle central pour prévenir les difficultés d'approvisionnement.

Des domaines critiques sont identifiés en collaboration étroite avec les milieux économiques et, si nécessaire, des mesures sont prises en concertation avec le secteur économique concerné afin de permettre de gérer, le plus rapidement possible, également sur des périodes prolongées, une pénurie de biens et services vitaux. La constitution de réserves continue à jouer un rôle important, quoique dans une ampleur moindre que pendant la guerre froide. Dans une économie fortement mondialisée, les accords internationaux visant à garantir l'approvisionnement en biens et services indispensables, ainsi que la coopération d'entreprises actives sur le plan national ou international dans le domaine de l'approvisionnement, revêtent une importance croissante.

La politique étrangère peut mettre à profit ses canaux de négociation pour prévenir certaines difficultés d'approvisionnement ou les surmonter. Ce peut être le cas, par exemple, lorsqu'un conflit menaçant d'éclater pourrait avoir des conséquences pour l'approvisionnement de la Suisse en biens critiques.

L'une des tâches fondamentales du SRC est d'observer en permanence la situation dans le domaine de la sécurité, notamment d'identifier d'éventuelles difficultés d'approvisionnement pouvant affecter la Suisse.

L'armée peut, si le Conseil de sécurité de l'ONU émet un mandat à cette fin, participer à des engagements afin de résoudre des conflits pouvant générer des interruptions ou des dysfonctionnements dans les pays de production ou le long des routes d'acheminement. Des infrastructures critiques en Suisse (p. ex. gares de transbordement ou centrales de distribution) peuvent être protégées dans le cadre d'engagements de sûreté.

La stratégie nationale pour la protection des infrastructures, coordonnée par l'Office fédéral de la protection de la population, prend en compte les processus d'approvisionnement et les prestations correspondantes. Les risques sont atténués par des mesures de construction, d'ordre technique ou administratif. Une part importante des infrastructures critiques est directement intégrée dans le système coordonné de protection de la population, en particulier les opérateurs de réseau dans le cadre de l'approvisionnement énergétique, des transports ou de la télécommunication.

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Défense et maîtrise L'approvisionnement économique du pays se concentre sur les pénuries affectant des secteurs spécifiques pendant une durée courte ou moyenne. Le but est, en premier lieu, d'assurer l'approvisionnement du marché en biens vitaux (énergie, aliments et médicaments) à 100 % et aussi longtemps que possible par des mesures de gestion de l'offre. Dans un tel cas de figure, la constitution de réserves obligatoires serait rapidement validée, les importations seraient encouragées de manière ciblée et, le cas échéant, la production serait dirigée. L'approvisionnement du marché à 100 % doit, en principe, pouvoir être maintenu pendant au moins six mois. Si les conditions de marché ne se normalisent pas pendant ce laps de temps, il n'est pas possible de maintenir un approvisionnement à un niveau aussi élevé. Si, malgré les mesures de gestion de l'offre, une crise d'approvisionnement survient, des mesures de gestion de la demande sont mises en place, telles qu'un contingentement, un rationnement ou autres mesures similaires. Le but est qu'un approvisionnement aussi équilibré que possible puisse être maintenu à un niveau réduit. L'importance centrale du secteur des services dans l'économie mondialisée requiert, en outre, des mesures adaptées afin de garantir le bon fonctionnement des transports indispensables et des infrastructures d'information et de communication. Pour que ces secteurs puissent remplir leur mandat de desserte, même lors de pannes ou d'interruptions, des mesures de gestion et de sûreté sont nécessaires. Le maintien de capacités adaptées pour la production de biens agricoles en Suisse doit également être assuré. Cette mesure permet de garantir l'approvisionnement de la population suisse en aliments à un niveau réduit, même en cas de dysfonctionnement majeur des flux commerciaux internationaux. La forte interconnexion entre l'économie domestique et l'économie mondiale incite la Suisse à coopérer avec l'étranger également dans les questions liées à l'approvisionnement. Les mesures de gestion prises dans le pays doivent, par conséquent, être coordonnées avec des mesures prises dans les pays environnants afin d'éviter que des biens devenus rares soient exportés. La Suisse a intérêt, dans la perspective de son approvisionnement, à prendre part à un échange d'informations international
et à participer à la prise de mesures de prévention communes.

Avec ses moyens logistiques et ses moyens de transport, l'armée peut appuyer subsidiairement les autorités civiles dans la répartition des biens en cas de difficultés d'approvisionnement. La pharmacie de l'armée lui confère, en outre, la capacité de produire des dispositifs médicaux et d'assurer un approvisionnement d'urgence pour la population dans le cadre du Service sanitaire coordonné. Si des difficultés d'approvisionnement provoquent des débordements violents ou des pillages, l'armée peut aussi venir en aide à la police.

La protection de la population dispose, avec l'inventaire des infrastructures critiques, d'une base pour définir les priorités en cas de problèmes d'approvisionnement et contribue à gérer les pénuries en fournissant des renforts et du matériel. En cas de difficultés dans l'approvisionnement énergétique ou de pannes frappant des infrastructures critiques, ce sont avant tout les exploitations techniques (approvisionnement en énergie et en eau, élimination des eaux usées, communication, transports) qui sont touchées. Ici aussi, la protection civile peut apporter son soutien et augmenter la durée durant laquelle ces prestations peuvent être fournies.

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La politique étrangère peut contribuer, par des négociations ou une médiation, à ce que des conflits ayant entraîné des difficultés d'approvisionnement soient résolus ou que des solutions soient trouvées pour que ses répercussions sur l'approvisionnement soient atténuées ou évitées en dépit d'une poursuite du conflit.

La police a pour tâche d'assurer la sécurité publique, même en cas de difficultés d'approvisionnement graves et durables. La sécurité publique peut être menacée si une situation de pénurie majeure débouche sur des débordements violents ou des pillages.

L'AFD peut, au besoin, faciliter un approvisionnement transfrontalier en supprimant le plus d'obstacles possibles.

Le SRC peut également être engagé dans la recherche d'informations en cas de crise d'approvisionnement.

3.3.6

Catastrophes et situations d'urgence

Prévention Des mesures de prévention, incluant des mesures de précaution et de préparation de l'engagement, sont prises dans le domaine de la protection de la population sur la base de la gestion intégrée des risques et d'une analyse systématique des risques.

Les mesures de prévention au sens strict visent à réduire la vulnérabilité et l'étendue des dommages potentiels. Elles peuvent inclure des mesures d'aménagement du territoire et architectoniques, telles que l'établissement de cartes des dangers et la construction d'ouvrages de protection contre les crues. Les mesures de précaution servent à se préparer en vue de la gestion d'un ou de plusieurs événements. Des systèmes d'alerte et d'alarme, ainsi que des systèmes télématiques, garantissent la transmission des informations et la communication entre les autorités compétentes et les organisations chargées du sauvetage et de la sécurité à tous les échelons de l'État, ainsi qu'avec la population. Les différentes formations préparent leur personnel et le forment en vue de l'engagement; elles veillent également à disposer du matériel nécessaire.

Pour garantir la disponibilité, l'armée appuie les autorités civiles, en particulier les organes cantonaux de conduite, ainsi que les partenaires civils, tels que les exploitants de centrales nucléaires, en mettant à leur disposition des réseaux de commandement et des infrastructures de conduite et en participant à la formation du personnel dans le domaine de la gestion des crises.

Par le truchement de sa politique étrangère, la Suisse participe au niveau international à la lutte contre le changement climatique, qui est considéré comme un des principaux facteurs d'augmentation des catastrophes naturelles. Elle participe à des négociations internationales (p. ex. pour réduire les émissions de CO2) et soutient, par l'intermédiaire de la coopération au développement, des projets, notamment d'agriculture durable, visant à lutter contre le changement climatique et ses conséquences. L'atténuation des risques de catastrophes est un thème prioritaire de la coopération au développement et de l'aide humanitaire. Les catastrophes survenant

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rapidement, telles les crues, aussi bien que les catastrophes naturelles «latentes» comme les sécheresses, sont visées.

Les personnes effectuant un service civil qui possèdent des connaissances spécifiques sont engagées afin de prévenir les catastrophes et les situations d'urgence, par exemple pour établir des plans d'intervention en cas d'urgence et des cartes des dangers à l'échelle de la Confédération et des cantons.

Maîtrise La protection de la population vise à maîtriser les catastrophes et les situations d'urgence; elle est donc l'instrument principal à engager. Les engagements sont conduits et coordonnés par les organes de conduite cantonaux, régionaux et communaux ainsi que par les forces d'intervention sur place. Ceux-ci coordonnent également les engagements des organisations partenaires (police, services de sapeurspompiers, services sanitaires, services techniques et protection civile). Le système d'alarme (Polyalert et sirènes) permet d'alerter la population; les informations et les consignes sur le comportement à adopter sont communiquées par radio. À l'avenir, l'alerte et l'information devront également pouvoir être transmises sur les téléphones portables et par d'autres canaux. La protection civile intervient en premier lieu pour augmenter la durée durant laquelle des organisations partenaires peuvent fournir leurs prestations. Elle soutient les organes de commandement, encadre la population touchée ou évacuée, protège les biens culturels, procède à des localisations et à des sauvetages, prend des mesures pour limiter les dommages et effectue des travaux de remise en état. Certains cantons se sont entendus pour utiliser des éléments rapidement opérationnels de la protection civile, en plus des organisations d'urgence (services de sapeurs-pompiers, police, services sanitaires). En fonction de l'ampleur de l'événement, il peut être nécessaire de collaborer étroitement avec les organes de la Confédération, en particulier l'État-major fédéral ABCN et la Centrale nationale d'alarme, ainsi qu'avec d'autres organisations (p. ex. l'armée et la Croix-Rouge suisse). Par ailleurs, la Confédération met à la disposition des cantons des moyens spécialisés, comme les experts du Laboratoire de Spiez et le groupe d'intervention du DDPS dans le domaine NBC. En cas de situation d'urgence dans le
domaine de l'asile, la protection civile devra assumer à l'avenir davantage de tâches d'encadrement.

La police assume deux rôles distincts dans la gestion des catastrophes et des situations d'urgence: d'une part, elle assume en toute autonomie sa mission principale (maintenir le calme et l'ordre); d'autre part, elle intervient en tant qu'élément de la protection de la population dans le système coordonné établi avec les services de sapeurs-pompiers, les services sanitaires, les services techniques et la protection civile afin de maîtriser une catastrophe ou une situation d'urgence.

L'armée apporte son soutien aux autorités civiles en cas de catastrophe ou de situation d'urgence de grande ampleur. L'aide militaire en cas de catastrophe comprend les conseils aux organes civils de commandement, la mise à la disposition des organes compétents de matériel et d'installations et l'engagement de troupes pour la localisation, le sauvetage et l'évacuation, la lutte contre les incendies, le franchissement d'obstacles et de cours d'eau, la lutte contre les inondations, le dégagement des 7652

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axes de circulation et la décontamination. Grâce à ses capteurs (p. ex. pour la reconnaissance aérienne), l'armée peut contribuer à dresser un tableau de la situation. Par son service sanitaire, elle peut apporter son aide au secteur civil de la santé dans le cas où de nombreux patients devraient être soignés. De plus, la Pharmacie de l'armée peut contribuer à assurer l'approvisionnement d'urgence de la population en médicaments et autres produits pharmaceutiques65. L'armée peut également appuyer les autorités civiles en assurant un réseau de communication sûr, à l'épreuve des crises. L'alerte donnée et l'information transmise à la population en cas de catastrophe sont particulièrement importantes; des systèmes radio fixes et mobiles de l'armée peuvent également être utilisés à cet effet. Les opérations de secours peuvent requérir la mise en place simultanée d'un dispositif de sécurité. Enfin, l'aide militaire en cas de catastrophe peut également être fournie dans les pays voisins ou, en tant que volet de l'aide humanitaire, dans le monde entier. L'armée met en particulier à la disposition de la Chaîne suisse de sauvetage des spécialistes et, en cas de besoin, des moyens de transport aérien.

Une catastrophe ou une situation d'urgence peut perturber l'approvisionnement. La politique économique dispose, avec l'approvisionnement économique du pays, d'un instrument destiné à assurer, autant que faire se peut, l'approvisionnement en biens et prestations vitaux.

En cas d'absence ou de pénurie de ressources en personnel pour gérer les catastrophes et les situations d'urgence, le service civil peut effectuer des engagements ordinaires ou extraordinaires; ces derniers doivent être ordonnés par le Conseil fédéral lorsque le caractère particulier ou exceptionnel de la situation le requiert.

Lors de situations d'urgence telles que des pandémies ou lors d'afflux importants de réfugiés, les personnes astreintes au service civil ayant de l'expérience dans les domaines des soins et de l'encadrement peuvent venir en renfort. Il n'est pas nécessaire de développer davantage le service civil dans le domaine de la gestion des catastrophes afin d'en faire une organisation partenaire au sein de la protection de la population; toutefois, il est possible d'affecter des membres de la protection civile à d'autres fournisseurs
de prestations civils qui participent à l'engagement. L'offre du service civil pourrait cependant être optimisée lors des engagements en vue de la gestion des catastrophes et des situations d'urgence. Lors de la phase de régénération, la plus longue, après des catastrophes et des situations d'urgence, le service civil peut apporter un soutien constant à la normalisation de la situation, parce qu'il est en mesure de proposer ses services sur une longue durée (nombre important d'astreints au service civil et possibilité d'une longue durée d'intervention).

La politique étrangère coordonne les contacts avec l'étranger en cas de catastrophe ou de situation d'urgence majeure en Suisse afin d'encourager les mesures transnationales ou pour coordonner l'aide internationale en faveur de la Suisse. En recourant à l'aide humanitaire, la Suisse contribue à sauver des vies et à réduire les souffrances dans le monde, notamment chez les personnes touchées par une catastrophe naturelle ou un conflit armé.

65

Par contre, l'armée n'a plus pour mission d'encadrer les réfugiés. Les sections d'assistance nécessaires ont été dissoutes avec la réforme Armée XXI. Cette tâche est désormais assumée par la protection de la population.

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En cas de catastrophe, l'AFD peut réguler la circulation transfrontalière des personnes et des marchandises. Si nécessaire, elle peut orienter ou réduire à son strict minimum la circulation des personnes. Elle peut empêcher l'importation de marchandises en provenance de régions frappées par une catastrophe (p. ex. issues de régions radioactives); à l'inverse, elle peut aussi faciliter l'importation de matériel destiné à la gestion d'une catastrophe.

3.3.7

Adaptation des instruments de la politique de sécurité

Les instruments de la politique de sécurité doivent être adaptés périodiquement afin de répondre aux menaces et dangers du moment et à ceux qui se dessinent et afin que les tâches à remplir et les ressources disponibles soient durablement en adéquation. Les lignes qui suivent montrent comment les prestations demandées influent sur l'orientation à court et à moyen terme et sur le besoin d'adaptation des divers instruments.

Politique étrangère En lançant la stratégie de politique étrangère 2016­201966, le Conseil fédéral a jeté les bases d'un renforcement du profil de la Suisse dans la promotion de la paix et de la sécurité. Tenant compte des besoins importants relevés au niveau international, notre pays va développer ses capacités de médiation. Le Conseil fédéral entend aussi renforcer la position de Genève en tant que pôle de compétences au service de la paix et de la sécurité. Au vu de la situation politique mondiale, l'engagement de la Suisse est spécialement important pour le droit international humanitaire, les droits de l'homme, la capacité d'action des organisations internationales comme l'ONU et l'OSCE et, globalement, pour un ordre international fondé sur des règles et des normes. Des mesures efficaces seront prises à cet effet pour contrôler les armements et le désarmement et pour garantir que le cyberespace soit pacifique, sûr et ouvert.

Plus que jamais, la politique étrangère suisse tiendra compte des interactions entre la sécurité et l'évolution de la situation. Le message du 17 février 2016 sur la coopération internationale 2017­202067 donne, pour la première fois, un cadre stratégique commun pour l'emploi coordonné des instruments de la promotion civile de la paix, de la coopération au développement, de la coopération avec les États d'Europe de l'Est et de l'aide humanitaire. Il permet de saisir globalement et sur la durée les causes des conflits violents, de l'extrémisme, de la pauvreté et de la migration forcée, et d'offrir de meilleures perspectives aux populations locales en prenant des mesures propres à lutter contre la corruption ou à promouvoir la formation et la création d'emploi. Au nombre des priorités figurent un engagement renforcé dans des contextes fragiles ainsi que l'application du plan d'action de la politique étrangère pour la prévention de l'extrémisme violent et des lignes d'action du DFAE «Eau et sécurité».

66 67

La stratégie peut être consultée à l'adresse suivante: www.dfae.admin.ch > Services et publications > Publications.

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Armée Le plan de développement de l'armée permet à celle-ci de mieux s'organiser pour faire face aux menaces et dangers actuels et à ceux qui se profilent, tels qu'ils sont décrits dans le présent rapport. Pour l'essentiel, il s'agit, face à une situation où la menace devient de plus en plus diffuse et imprévisible, d'accroître la disponibilité opérationnelle de l'armée, de moderniser et de compléter son équipement, d'améliorer l'instruction pratique et de renforcer son ancrage régional. De surcroît, des décisions devront être prises ces prochaines années sur un renouvellement des principaux systèmes d'armes (p. ex. avions de combat, défense aérienne sol-air, artillerie) et de certains pans de la télématique. Si ce plan peut se concrétiser comme prévu, l'armée sera prête pour le futur et sera en mesure de répondre aux menaces.

La mondialisation de l'économie, la consolidation croissante de l'armement, les capacités nationales limitées dans les domaines des technologies de défense et de sécurité, ainsi que les ressources limitées, rendent incontournable une coopération accrue avec d'autres États ou dans un cadre multilatéral. En parallèle, des efforts sont consentis pour disposer d'une base technologique et industrielle nationale qui soit compétitive sur le plan de la sécurité.

Protection de la population Ces prochaines années, la concrétisation de la stratégie de la protection de la population et de la protection civile 2015+ sera au centre des activités de l'OFPP. Elle prévoit le développement de la gestion des ressources pour coordonner les ressources disponibles au niveau national en cas d'événement. La doctrine de la formation sera uniformisée et la coordination entre l'instruction et les exercices améliorée pour permettre une meilleure coopération avec les partenaires. La concrétisation de cette stratégie ne touche cependant pas toutes les organisations partenaires de la même manière. La protection civile doit notamment être optimisée: son profil de prestations axé sur la maîtrise des catastrophes et des situations d'urgence doit être étendu dans les domaines de la logistique et de la protection ABC. Sa disponibilité opérationnelle, son autonomie et sa mobilité doivent aussi être augmentées. Concernant la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, aucun changement n'est
attendu; les capacités et les compétences doivent cependant être réparties avec plus de clarté.

Service de renseignement La nouvelle loi sur le renseignement donne une nouvelle base légale au SRC. Celleci est nécessaire pour contrecarrer efficacement l'évolution des menaces de ces dernières années, tout spécialement celles qui concernent le terrorisme et l'espionnage. En outre, les lois en vigueur ne donnent plus les moyens suffisants pour combattre les nouvelles menaces liées aux progrès techniques dans le cyberespace. Grâce à la nouvelle loi, il sera possible de mieux déceler en amont les menaces modernes et de les combattre. Au niveau national, les nouveaux moyens permettront notamment la surveillance des télécommunications, l'engagement d'appareils de surveillance et de repérage, l'infiltration dans des systèmes et réseaux informatiques et, au niveau international, l'exploration des communications transfrontières dans les 7655

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réseaux câblés. La loi sur le renseignement fixe des conditions et une procédure d'approbation strictes pour l'engagement de ces nouveaux moyens. La surveillance du SRC est aussi renforcée. Dans le domaine du personnel, le Conseil fédéral a, ces dernières années, renforcé les effectifs du SRC à plusieurs reprises en raison de l'évolution des menaces. Il prévoit aussi d'engager du personnel supplémentaire pour appliquer cette nouvelle loi.

À l'heure actuelle, il n'est pas nécessaire d'envisager des réformes juridiques dépassant ce cadre.

Police S'agissant de la police, une participation à des instruments disponibles au niveau international est essentielle (p. ex. la coopération Prüm de l'UE, le cas échéant l'utilisation des données des passagers des compagnies aériennes pour lutter contre le terrorisme et d'autres formes de la grande criminalité). Des mesures sont aussi examinées pour endiguer et reconnaître les voyages à motivation terroriste, par exemple par des interdictions de sortie du territoire ou le signalement caché dans les systèmes de recherches policières. En outre, l'automatisation des processus de saisie et d'annonce doit permettre à la police de traiter les données plus efficacement. La révision de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication68 et celle du code de procédure pénale69 permettront aux autorités de poursuite pénale de mettre à niveau leurs ressources en fonction des développements technologiques. Le recours à des programmes informatiques spécifiques doit permettre de surveiller également les communications chiffrées. La révision de certaines dispositions liées à la réforme du code de procédure pénale portera avant tout sur les droits de participation des prévenus dans la procédure pénale. Il est prévu de renforcer la coopération entre les autorités policières de tous les niveaux par une nouvelle convention administrative et de créer un nouvel étatmajor de conduite de la police, dirigé par des professionnels, pour coordonner les travaux lors de grands événements intercantonaux et servir d'interlocuteur central aux autorités policières.

Politique économique Il n'est actuellement pas nécessaire, sous l'angle de la politique de sécurité, d'adapter la politique économique en général, ni des parties de celle-ci,
telles que l'approvisionnement économique du pays ou le contrôle des exportations. Concernant l'approvisionnement économique, les bases légales ont déjà été renouvelées.

Matériellement, il n'y a pas de modification fondamentale. Cependant, le changement de situation dans le contexte de la menace a désormais fait disparaître la distinction opérée entre les mesures de défense économique du pays et celles à prendre en cas de graves pénuries. Tout tourne désormais autour des éventuelles difficultés d'approvisionnement, quelle qu'en soit la cause. S'agissant du contrôle des exportations, il faudra continuer à prendre en compte les obligations internationales de la Suisse, les principes de sa politique étrangère et, dans ce contexte, les exigences de 68 69

RS 780.1 RS 312.0

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la défense nationale, conformément à l'art. 1 de la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre70.

Administration fédérale des douanes Le rôle de l'AFD, et notamment celui du Corps des gardes-frontière, a gagné en importance compte tenu des défis que posent le terrorisme et l'empreinte de plus en plus marquée des migrations sur la politique de sécurité. Les effets de ces défis se font sentir sur la demande en personnel du Corps des gardes-frontière. Parallèlement, l'engagement des moyens doit être optimisé au sein de cette administration pour que les services civils de la douane puissent également apporter leur contribution à la sécurité dans leurs domaines de responsabilité (trafic des voyageurs et des marchandises commerciales aux aéroports).

La participation aux instruments disponibles au niveau international, tels que la coopération Prüm et le recours aux données des passagers aériens dans la lutte antiterroriste, revêt également une importance cruciale pour l'AFD.

Enfin, dans le cadre de la répartition actuelle des tâches entre la Confédération et les cantons, une harmonisation des formes de coopération entre l'AFD et ces derniers s'impose pour que cette collaboration soit aussi efficace que possible dans la lutte contre la criminalité.

Service civil Le groupe de travail consacré au système de l'obligation de servir traite également d'éventuelles adaptations du service civil dans son rapport du 15 mars 201671.

4

Conduite de la politique de sécurité et Réseau national de sécurité

Le Conseil fédéral et les gouvernements cantonaux assurent la conduite politique et la gestion des crises dans leurs domaines de compétences respectifs.

4.1

Confédération

Aspects généraux de la conduite à l'échelon de la Confédération En sa qualité de plus haute autorité exécutive de la Suisse, le Conseil fédéral est responsable de la conduite politique pour les questions nationales et internationales.

La responsabilité hiérarchique incombe aux départements, leurs chefs respectifs assumant de surcroît la responsabilité politique. En cas d'urgence, le président de la Confédération peut, par des décisions présidentielles, ordonner des mesures préventives. De telles décisions sont toujours provisoires; elles doivent être remplacées 70 71

RS 514.51 www.vbs.admin.ch > Page d'accueil > Actualité > Bon à savoir > Avenir de l'obligation de servir : pistes de réflexion

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aussi rapidement que possible par des arrêtés du Conseil fédéral ou du Parlement. La communication à l'échelon du gouvernement est assurée par le porte-parole du Conseil fédéral, lequel coordonne également la communication des départements par l'entremise de la Conférence des services d'information de la Confédération.

Conduite de la politique de sécurité à l'échelon de la Confédération La conduite de la politique de sécurité à l'échelon de la Confédération incombe, comme pour les autres domaines politiques, au Conseil fédéral. La compétence en matière de conduite des différents instruments de la politique de sécurité incombe aux chefs des départements auxquels sont rattachés les instruments en question: DFAE: politique étrangère DDPS: armée, SRC, protection de la population DFJP:

police

DEFR: politique économique, service civil DFF:

AFD

La Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité est composée des chefs de trois départements, à savoir le DDPS (présidence), le DFAE et le DFJP. Elle analyse la situation sous l'angle de la sécurité et coordonne les affaires interdépartementales relevant de la politique de sécurité. Au besoin, elle prépare ces affaires en vue des décisions à prendre par le Conseil fédéral.

L'Organe de direction pour la sécurité et l'état-major de la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité ont été dissous. Un Groupe Sécurité, composé du secrétaire d'État du DFAE, du directeur du SRC et de la directrice de fedpol, vient d'être mis sur pied. Il suit et évalue la situation en continu et identifie de manière précoce les défis relevant de la politique de sécurité; sur la base de l'analyse de la situation dans le domaine de la sécurité et en concertation avec les organes spécialisés compétents, il soumet des demandes aux commissions compétentes du Conseil fédéral, notamment à la Délégation pour la sécurité.

Un des défis que doit relever la politique de sécurité est la menace que représente le terrorisme. La stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste, approuvée le 18 septembre 2015 par le Conseil fédéral, constitue une base commune pour tous les services fédéraux et cantonaux impliqués dans cette lutte. La stratégie prévoit la création, au niveau fédéral mais avec le concours des cantons, d'un comité de coordination opérationnel «lutte contre le terrorisme», qui s'appuiera sur les bases légales et les compétences en vigueur et entrera en fonction dès 2017.

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Gestion des crises à l'échelon de la Confédération En temps normal, la direction politique est prévisible; elle ne subit pas la pression de délais particuliers et repose sur des bases consolidées. À l'inverse, lors de crises72, la nécessité de prendre rapidement des décisions et la pression du temps se font sentir dans un climat de grande incertitude. Le risque d'une aggravation de la situation en cas de décisions tardives ou erronées met les responsables de la conduite sous pression. La direction politique doit donc être préparée, mentalement et techniquement, à de telles situations, et les organes de soutien doivent disposer de structures et de processus qui leur permettent de fournir les prestations requises en temps voulu. Ils doivent être en mesure de simplifier leur mode de fonctionnement et d'accélérer leur action. L'établissement de principes de conduite permet de faciliter la réglementation de la collaboration et la délimitation des compétences, mais ne saurait remplacer la réflexion préalable sur la teneur des défis, ni la mise en pratique dans le contexte des structures de conduite prévues.

En vertu de l'art. 185 Cst., le Conseil fédéral est habilité à prendre des mesures pour préserver la sécurité, l'indépendance et la neutralité de la Suisse, en vue de parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité intérieure ou la sécurité extérieure.

En principe, que la situation soit normale, particulière ou extraordinaire, les organes de conduite au niveau de la Confédération restent les mêmes. La gestion des crises à cet échelon doit tenir compte du système de gouvernement divisé en départements tout en conservant son efficacité au sein de ce système. Toutefois, en cas de crise, les temps de réaction doivent être diminués en adaptant le style et l'organisation de conduite de ces organes. Sur la base des expériences vécues lors de crises réelles et des enseignements tirés de l'exercice de conduite stratégique 2013 ainsi que de l'exercice du RNS 2014, le Conseil fédéral entend attribuer à l'un de ses membres la responsabilité d'ensemble de la gestion d'une crise effective, de préférence à celui dont le département est le plus compétent dans le cas de figure, le cas échéant en collaboration avec le DDPS dès lors que celui-ci détient plusieurs instruments
majeurs de la politique de sécurité. Le département dit présidentiel entre également en jeu lorsqu'un événement relève clairement de sa compétence ou qu'une crise frappe l'ensemble des départements.

Le membre désigné du Conseil fédéral pour porter la responsabilité générale peut établir un état-major de crise ad hoc et l'aménager en fonction de l'évolution de la

72

Il n'existe pas de définition universelle de ce qu'est une crise. Les crises se caractérisent notamment par le fait que les événements s'aggravent de plus en plus et subissent une forte influence de l'extérieur. Les processus ordinaires par lesquels les décisions sont prises dans une organisation sont perturbés ou entravés et des intérêts majeurs de l'organisation, voire son existence même, s'en trouvent menacés. En raison de la gravité de la situation, des décisions adéquates doivent être rapidement prises et appliquées correctement. Un défi supplémentaire réside dans le fait que les crises peuvent inclure une diversité croissante de thèmes et que des crises portant sur des thèmes distincts peuvent avoir un effet déclencheur ou aggravant les unes pour les autres.

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situation73. De plus, l'État-major fédéral ABCN (pour les crises qui concernent en premier lieu la protection de la population, telles que les catastrophes et les situations d'urgence) est mis à la disposition dudit membre du Conseil fédéral et de l'état-major de crise ad hoc. Il leur fournit des infrastructures et son savoir sur le travail d'état-major, voire constitue le noyau dur de l'état-major de crise.

L'Etat-major fédéral ABCN est une instance interdépartementale qui traite les catastrophes et les situations d'urgence ayant un impact sur la protection de la population, notamment les événements qui touchent ou mettent en danger une grande partie de la population ou ses bases d'existence, et qui concernent donc plusieurs cantons, la Suisse entière ou les pays voisins. À la suite de l'exercice du RNS 2014, le Conseil fédéral a décidé de procéder à un examen approfondi du mandat, de la fonction, de la structure, de la composition et de la désignation de l'État-major fédéral ABCN et de poursuivre son développement. Celui-ci doit élaborer les bases de décision dont ont besoin le Conseil fédéral, les offices fédéraux, les cantons ou les exploitants d'infrastructures critiques en cas d'événement. Pour ce faire, il doit assurer les bases de la gestion des crises au niveau national lors d'événements ayant un impact sur la protection de la population, préparer si nécessaire les demandes à l'intention du Conseil fédéral pour le département assumant la responsabilité générale et appuyer les offices fédéraux, les cantons et les exploitants d'infrastructures critiques dans la conception de leurs plans d'action. De plus, il doit assurer l'aide au commandement en fournissant le suivi coordonné de la situation, la représentation de la situation et la gestion des ressources. L'État-major fédéral ABCN se compose d'une conférence des directeurs et d'une conférence spécialisée, laquelle élabore des planifications préventives en collaboration avec les cantons et d'autres partenaires. Les offices fédéraux compétents pour la gestion des événements y sont représentés par leurs directeurs ou par leurs spécialistes, d'autres organes pouvant, par ailleurs, être impliqués en fonction de l'événement. La conférence spécialisée deviendrait l'étatmajor de planification en cas d'événement, et des organes d'état-major
supplémentaires pour l'engagement, le soutien et la stratégie viendraient s'y ajouter. En temps normal, la présidence de l'État-major fédéral est assurée par le directeur de l'OFPP.

En cas d'événement, la présidence peut être reprise par l'office assumant la responsabilité générale. Les modalités régissant l'implication des cantons doivent encore être définies, mais le principe selon lequel les cantons sont largement impliqués est d'ores et déjà établi.

L'État-major de conduite de la police, qui peut jouer un rôle similaire à celui de l'État-major fédéral ABCN dans la gestion des crises, est décrit plus loin dans le rapport, parce qu'il résulte de la gestion des crises par les cantons. La Confédération y participe.

Un exemple d'état-major portant sur un thème spécifique est l'État-major de crise «Prise d'otage et chantage», qui traite des situations de crise liées au chantage qui 73

Dans un état-major ad hoc de ce type, les secrétaires généraux peuvent, par exemple, être impliqués afin de représenter leur département. De plus, le chancelier de la Confédération conseille et soutient le Conseil fédéral en vue de détecter à temps les crises et de les gérer dans le cadre des nouvelles tâches relevant de la gestion des crises qui ont été confiées à la Chancellerie fédérale lors de la modification de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010; RO 2013 4549).

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relèvent de la compétence de la Confédération. En tant qu'état-major de crise, il est composé de représentants de plusieurs départements et subordonné au chef du DFJP.

Les cantons y sont également représentés74.

Le Centre de gestion des crises, rattaché au DFAE, gère les crises ayant une implication internationale. Il intervient en cas de crises ou de situations d'urgence, telles que des conflits armés, des troubles politiques, des catastrophes naturelles, des accidents graves, des attentats ou des enlèvements. En temps de crise, il dirige et coordonne tous les moyens engagés par la Confédération afin de protéger les ressortissants suisses à l'étranger. Le centre peut convoquer à tout moment un état-major de crise ou un groupe de travail interdépartemental au sein duquel tous les organes administratifs impliqués dans la résolution de la crise sont regroupés. Les représentations à l'étranger bénéficient de formations dans le domaine de la gestion des crises et de la sécurité et peuvent obtenir rapidement des renforts. Des processus ont été définis pour l'encadrement des ressortissants suisses à l'étranger et leur rapatriement en cas de crise. Ces dernières années, le centre est intervenu, en moyenne, lors de douze à seize événements par an.

Information et communication L'information et la communication, qui sont déjà très importantes en situation normale, revêtent une signification majeure lors des crises, car elles permettent d'instaurer l'unité, le calme et la confiance. Cependant, les informations peuvent aussi être déformées et induire en erreur. Ces dernières années, le phénomène de la désinformation et de la propagande dirigé par les États est devenu un gros problème, notamment à la suite du conflit touchant l'Ukraine et son voisinage et des tensions entre la Fédération de Russie et les États occidentaux. Les images sont falsifiées, les récits sont imaginaires et les faits sont niés; des acteurs jouent le rôle de témoin et des personnes sont payées pour animer, sous de faux noms, des forums de discussion dans des publications électroniques, en contradiction complète avec la conception selon laquelle les médias doivent favoriser l'échange libre et non biaisé des idées.

L'information ­ ou plus exactement la désinformation ­, même si elle n'est pas une arme, est devenue, pour beaucoup d'États
ou de groupements, un excellent instrument dans le déroulement des conflits. Ce phénomène est d'autant plus fort que les médias sociaux, contrôlés ou non, sont efficaces et permettent de répandre rapidement de fausses informations et des rumeurs, voire d'en établir la véracité.

La Suisse devrait-elle, dès lors, replacer l'information (et la communication) parmi les instruments de la politique de sécurité, comme c'était encore le cas avec le rapport du Conseil fédéral du 7 juin 1999 sur la politique de sécurité? Une autre question se poserait alors: celle de la crédibilité d'une information lorsqu'elle est manifestement mue par des intérêts. Si l'on considère l'information comme un instrument, il y a lieu de craindre que les messages qu'elle transmet sont plus fortement empreints d'utilité que de véracité; le but ne serait donc pas atteint. La Confédération se défendra, quelle que soit la situation, contre toute forme de désinformation portant préjudice à la Suisse et à sa sécurité. (par la voix de son président, des 74

Ordonnance du 25 novembre 1998 concernant l'État-major «Prise d'otage et chantage» (RS 172.213.80).

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autres membres du Conseil fédéral, de son porte-parole et de son état-major, ainsi que par celle des responsables de la communication des départements). Elle ne veut cependant pas se mettre au même niveau que les auteurs de désinformation.

L'information sert à retransmettre fidèlement des faits et des éléments pris dans leur contexte original et à rectifier les assertions erronées; elle ne sert pas à influencer le public, même si la politique de sécurité pourrait en profiter sur le court terme.

Exercices de conduite stratégique Les exercices de conduite stratégique sont des exercices-cadre pour les états-majors d'échelon stratégique ordonnés par le Conseil fédéral. Sur le plan thématique, l'accent porte sur la politique en général, et non uniquement sur la politique de sécurité (1997: guerre de l'information et terrorisme: 2005: pandémie de grippe; 2009: pénurie d'électricité et panne d'électricité de grande ampleur; 2013: cyberattaque massive). Les exercices de conduite stratégique sont organisés tous les quatre ans par la Chancellerie fédérale selon un scénario défini par le Conseil fédéral. Le but de ces exercices est de mener une réflexion interdépartementale sur les crises et de définir les mesures politiques à prendre au niveau fédéral en cas d'événement. La collaboration interdépartementale peut ainsi être vérifiée, y compris les processus de communication utilisés pendant une crise. Les participants sont le Conseil fédéral, ainsi que les états-majors de crise des départements et de la Chancellerie fédérale.

D'autres acteurs et organisations en dehors de l'administration fédérale (p. ex.

exploitants d'infrastructures critiques, milieux économiques, cantons et médias) sont généralement pris en compte par les responsables de l'exercice. Les exercices de conduite stratégique ont régulièrement donné des impulsions pour améliorer la préparation face aux crises et pour combler les lacunes qui subsistent dans ce domaine, notamment dans la planification en cas de pandémie et dans la sécurité de l'approvisionnement électrique et la cybersécurité en Suisse.

La planification générale des grands exercices pour la période allant de 2016 à 2023 est en cours. Leurs responsables vérifient comment combiner les exercices de conduite stratégique et les exercices du RNS à l'avenir.

Pas d'état-major de
crise permanent à l'échelon de la Confédération Une demande récurrente porte sur le fait que la Confédération devrait constituer un état-major de crise unique et permanent pour tous les types de crises, quelle que soit la problématique soulevée, comme c'est le cas dans les états-majors de direction ou les organisations de conduite cantonaux. Même si une solution de ce genre présenterait quelques avantages (pas d'équivoque possible sur l'interlocuteur compétent, disponibilité constamment élevée de l'état-major, maîtrise du travail d'état-major), elle n'est pas réalisable ou n'est pas judicieuse, et ce pour plusieurs raisons.

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Contrairement à la plupart des autres pays, la Suisse dispose d'un organe de conduite collégial : le Conseil fédéral. Dans les structures hiérarchiques disposant d'une seule personne à l'échelon le plus élevé, l'implantation d'un état-major de crise supérieur est acquise ; avec sept chefs d'égale importance dirigeant chacun un département aux thématiques spécifiques, ce n'est pas le cas. Cela est davantage réalisable à l'échelon cantonal parce que la gamme

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des thèmes abordés est un peu plus restreinte et que l'administration offre une meilleure vue d'ensemble. L'implantation permanente d'un état-major de crise couvrant tous les thèmes au sein d'un seul département ne serait possible qu'en limitant le cadre de ses activités à des aspects formels et en confiant le traitement des contenus à des spécialistes.

­

Or, cet aspect formel du travail d'état-major (structuration des processus, organisation de l'état-major, application de processus standardisés) revêt moins d'importance que l'expertise au niveau du contenu portant sur le problème concret qui se pose. Lors d'une crise, qui requiert diligence et prudence, cette expertise est encore plus importante qu'en temps normal. Un état-major de crise permanent serait certes utile, mais uniquement pour apporter un soutien dans l'organisation et les processus ; la gestion des crises n'est pas un art applicable à toute occasion sans connaissances préalables.

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Si, en temps normal, le personnel compétent devait quitter la scène et laisser la place à des gestionnaires de crise, la réticence à reconnaître les crises et à les traiter comme telles serait encore plus marquée parce que cela équivaudrait, pour la personne, à se mettre elle-même hors circuit.

­

Si l'état-major de crise était confié à la présidente ou au président de la Confédération, la subordination administrative et organisationnelle de l'étatmajor devrait changer chaque année ; un état-major dit présidentiel à part entière devrait alors être formé, ce qui donnerait peut-être trop de poids à l'administration, à la charge du magistrat. La présidente ou le président de la Confédération ne possède pas de compétences étendues par rapport aux chefs de département, à l'exception des mesures provisionnelles étroitement définies dans les cas d'urgence. Une attribution à la Chancellerie fédérale apparaît également comme peu judicieuse pour ce qui est de la force de persuasion d'un état-major de crise.

Le Conseil fédéral prend au sérieux la demande des cantons de disposer d'interlocuteurs aussi facilement contactables que possible au sein de la Confédération. Il considère toutefois que ramener le nombre de ces interlocuteurs à un seul n'est pas réaliste.

4.2

Cantons

Aspects généraux de la conduite à l'échelon des cantons À l'intérieur du territoire cantonal, la responsabilité politique de la sécurité de la population incombe au gouvernement cantonal. La responsabilité des domaines partiels de l'action politique est transférée aux différentes directions ou aux différents départements; leurs chefs (les conseillers d'État correspondants) assument la responsabilité de la conduite dans leurs domaines respectifs. Au niveau du gouvernement cantonal, la communication est, en principe, assurée par la Chancellerie d'État.

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Conduite de la politique de sécurité à l'échelon des cantons À l'échelon des cantons, la conduite de la politique de sécurité incombe aux gouvernements cantonaux, comme dans d'autres domaines politiques. Les compétences pour la conduite des différents instruments de la politique de sécurité reviennent aux conseillers d'État dans les directions auxquelles sont rattachés ces instruments, que ce soit indirectement ou directement, en particulier les directions qui assument la responsabilité des affaires militaires, de la protection civile et des services de sapeurs-pompiers75, ainsi que de la police.

La Conférence gouvernementale des affaires militaires, de la protection civile et des sapeurs-pompiers (CG MPS) réunit les chefs des directions concernées76. Elle traite des questions politiques, administratives, techniques et financières qui présentent un intérêt pour l'ensemble des affaires militaires cantonales, pour la protection civile et pour les services de sapeurs-pompiers des cantons et de la Principauté de Liechtenstein. Elle favorise la collaboration intercantonale ainsi que la coopération avec la Confédération sur les thèmes qui relèvent de sa compétence. La Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police joue un rôle analogue dans son domaine de compétences.

Gestion des crises à l'échelon des cantons À l'image de la Confédération, les cantons travaillent, en cas de crise, aussi longtemps que possible dans leurs structures ordinaires. Cependant, lorsque plusieurs organisations partenaires sont engagées pour un laps de temps relativement long dans le cadre d'une opération de grande envergure, c'est l'organe de conduite cantonal qui coordonne les moyens et fait le lien avec les services gouvernementaux supérieurs. Il coordonne ou gère l'intervention de la police, des services de sapeurspompiers, des services de la santé publique, des services techniques, de la protection civile et des tiers (p. ex. l'armée ou des partenaires civils). La conduite opérationnelle des forces d'intervention continue toutefois à incomber aux services d'urgence; ainsi, aucun policier ne dirige directement les forces d'intervention des services de sapeurs-pompiers. En général, l'organe de conduite cantonal est constitué par la direction de l'organe de conduite, par des représentants de
l'administration, ainsi que par des responsables des secteurs de la police, des services de sapeurs-pompiers, des services de la santé publique, des services techniques, de la protection civile, ainsi que des états-majors de liaison territoriaux de l'armée. Au besoin, d'autres spécialistes sont convoqués.

75

76

Dans 19 cantons, la responsabilité du service de sapeurs-pompiers est transférée aux établissements d'assurance immobilière de droit public qui les cofinancent. Dans les autres cantons, ce sont des organismes publics cantonaux qui portent cette responsabilité.

Le financement combine fonds publics et assurances privées.

La Conférence des responsables cantonaux des affaires militaires, de la protection de la population et de la protection civile, en collaboration avec l'Association suisse des commandants d'arrondissement et la société réunissant les administrations de la taxe d'exemption de l'obligation de servir cantonales, la Coordination suisse des sapeurspompiers, en collaboration avec la Conférence des instances et la Conférence suisse des inspecteurs sapeurs-pompiers, et la Plateforme intercantonale de coordination ABC sont prêtes à appuyer la CG MPS.

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Dans le domaine de la police, les cantons collaborent dans le cadre de concordats77.

Si un corps de police ne peut pas maîtriser un événement avec ses seuls moyens, il demande, dans un premier temps, le soutien du concordat auquel il adhère. Si cela ne suffit pas, la convention IKAPOL s'applique. Celle-ci règle l'entraide mutuelle et l'indemnisation des engagements intercantonaux de police. Le canton concerné envoie une demande de soutien au groupe de travail Opérations de la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse. Celui-ci examine la demande et la transmet pour décision au groupe de travail Engagements intercantonaux de police lors d'événements exceptionnels (GIP)78. La collaboration intercantonale des forces de police est bien établie et a déjà fait ses preuves lors d'événements comme le Forum économique de Davos, qui a lieu chaque année, ou l'EURO 2008 et d'autres manifestations importantes. Le GIP est également compétent pour demander au Conseil fédéral un appui subsidiaire par des moyens de la Confédération ou des forces d'interventions étrangères et pouractiver le renseignement intégré de la Suisse79.

La conduite et la coordination de la coopération en cas d'événements relevant de la police à l'échelon interrégional et national (p. ex. attentat terroriste) incombent à l'État-major de conduite de la police, mis en place début 2015. Il s'agit pour l'heure d'un état-major ad hoc de la Conférence des commandants des polices cantonales, qui peut être activé dans un délai de quelques heures en cas de besoin. L'État-major de conduite de la police aide, en cas d'événement majeur, la direction cantonale responsable des interventions, coordonne la collaboration au niveau national et collabore avec les organes de crise et de conduite de la Confédération et des cantons.

Les compétences cantonales dans la gestion des événements sur place demeurent inchangées; l'État-major de conduite de la police complète et coordonne les mesures cantonales dans le but d'obtenir une homogénéité dans la conduite des engagements, dans la présentation de la situation et de l'événement, ainsi que dans l'information et la communication. Les concordats de police de Suisse, ainsi que les corps de police de Zurich et du Tessin, de même que fedpol, qui est compétent pour traiter les mandats de la Confédération
en matière de police, notamment les avis de recherche nationaux et internationaux et la coopération policière internationale, sont tous représentés au sein de cet état-major. Celui-ci a permis de combler une lacune dans le processus de direction lors d'engagements intercantonaux et il est prévu de le transférer dans une structure permanente à moyen terme.

77 78

79

Les cantons de Zurich et du Tessin, qui n'appartiennent à aucun concordat de police, font exception.

Les séances du GIP sont dirigées par le président de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police et réunissent les directeurs des départements de police des cantons concernés, le président de la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse, le directeur de fedpol et le directeur du SRC.

Dans le cadre du renseignement intégré, les autorités fédérales et cantonales chargées des questions de sécurité s'autorisent mutuellement à accéder à des informations en rapport avec la situation. Un tel réseau de renseignement dirigé par le Centre fédéral de situation du SRC existe déjà en situation normale. En cas d'événement ayant un impact sur la politique de sécurité, il est étoffé et un tableau général de la situation est dressé en impliquant l'ensemble des partenaires, puis actualisé en permanence. Ce tableau de la situation peut être consulté par tous les services connectés sur une plateforme électronique protégée.

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L'entraide entre voisins entre en principe en jeu dans le domaine de l'aide en cas de catastrophe ou en cas de situation d'urgence. Des conventions régionales existent par ailleurs dans ce domaine. Les engagements pour la maîtrise des événements ont montré que les forces de conduite et d'intervention des cantons, en particulier les services de sapeurs-pompiers et la protection civile, peuvent se fournir rapidement et sans lourdeur bureaucratique un appui mutuel efficace de longue durée.

4.3

Collaboration entre la Confédération et les cantons

Le fédéralisme revêt également une importance cruciale en politique de sécurité. En effet, certains instruments essentiels de la politique de sécurité sont premièrement, voire exclusivement, du ressort des cantons et des communes. C'est en particulier le cas de la police et des services de sapeurs-pompiers. En raison de la répartition des compétences, une consultation et une coordination quasi permanentes entre les différents échelons de l'État et les différents services ainsi qu'avec les exploitants des infrastructures critiques sont nécessaires pour obtenir une politique de sécurité globale. Cet aspect fédéraliste de la politique de sécurité de la Suisse, et en particulier sa mise en oeuvre, complique certes l'organisation, mais il permet d'aboutir à des décisions largement étayées et renforce la résilience, parce qu'il est plus difficile de mettre hors service un système décentralisé qu'un système centralisé.

Pour que la gestion des crises soit efficace, il est nécessaire que la Confédération collabore étroitement avec les cantons et que cette collaboration soit régulièrement testée et développée lors d'exercices de grande ampleur. C'est le cas pour le prochain exercice de conduite stratégique qui aura lieu en 2017 à l'échelon national et pour celui du RNS de 2019 organisé conjointement par la Confédération et les cantons; tous deux ont pour thème le terrorisme. La collaboration entre la Confédération et les cantons dans des cas concrets est néanmoins une pratique rodée depuis des décennies, par exemple lors des engagements d'appui subsidiaires récurrents que l'armée apporte à la police lorsque celle-ci est surchargée.

Réseau national de sécurité Le rapport du Conseil fédéral sur la politique de sécurité de la Suisse 2010 contenait l'ébauche d'un réseau national de sécurité (RNS) qui, entre-temps, a été mis sur pied, soumis à une évaluation et adapté en fonction des résultats obtenus.

De façon générale, le RNS englobe tous les instruments dont la Confédération, les cantons et les communes ont besoin pour assurer la politique de sécurité, et ses organes servent à la consultation et à la coordination des décisions, des mesures prises et des moyens engagés par la Confédération et les cantons pour relever des défis qui les concernent tous au niveau de la sécurité. L'accent est dès lors mis sur
la sécurité intérieure; le besoin de coordination y est plus marqué que dans la sécurité extérieure, laquelle est du ressort de la Confédération. Les organes du RNS sont essentiellement des intermédiaires lorsque la coordination au sein de la hiérarchie ne fonctionne pas de manière satisfaisante ou lorsqu'il n'existe pas d'organe approprié pour assurer la coordination.

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Le RNS comprend deux organes, ainsi qu'un délégué de la Confédération et des cantons, appuyé par un bureau80.

Organe

Composition

La plateforme politique Confédération prépare les décisions du Chef du DDPS Conseil fédéral et des gouvernements cantonaux, Chef du DFJP ainsi que celles des conférences gouvernementales.

Cantons Président de la Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police Président de la Conférence gouvernementale des affaires militaires, de la protection civile et des sapeurspompiers La plateforme opérative Confédération Cantons prépare la séance de la Directeur de fedpol Secrétaire général de la Conférence plateforme politique et met des directeurs des départements Directeur du SRC en place des groupes de cantonaux de justice et police travail.

Directeur de l'OFPP Secrétaire général de la Conférence Chef de l'État-major de gouvernementale des affaires milil'armée taires, de la protection civile et des sapeurs-pompiers Chef de la politique de sécurité du DDPS Président de la Conférence des commandants des polices cantonales Directeur général des douanes ou chef du Corps Président de la Conférence des des gardes-frontière responsables cantonaux des affaires militaires, de la protection de la population et de la protection civile Représentants de la Société des chefs de police des villes de Suisse Président de la Conférence des instances de la Coordination suisse des sapeurs-pompiers Délégué Délégué de la Confédération et des cantons au RNS, bureau y compris

La plateforme politique se réunit périodiquement, quatre fois par an. La plateforme opérative siège deux fois plus souvent afin de discuter des affaires qui touchent la Confédération et les cantons (à la Confédération, plusieurs départements sont souvent concernés), par exemple des engagements de sûreté menés à titre subsidiaire par l'armée, des engagements concrets aussi bien que des lignes directrices générales pour la collaboration entre la police et l'armée.

On a renoncé pour l'heure à créer une base légale formelle pour le RNS; en revanche, une convention administrative doit être conclue entre la Confédération et les cantons. En 2019 au plus tard, le RNS devra être réexaminé et amélioré en fonction des résultats de cet examen.

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La représentation au sein de ces organes est paritaire, tout comme l'est la répartition des coûts du bureau.

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Le RNS sert en premier lieu à la consultation et à la coordination en période dite normale, autrement dit avant et après une crise, mais pas à la gestion de la crise en tant que telle. Celle-ci incombe en principe à la hiérarchie (laquelle est toutefois soutenue par différents états-majors permanents ou ad hoc). À la suite de l' l'évaluation qui a été menée, le profil du RNS a été affûté de sorte à garantir qu'aucun doublon ne soit créé, mais que les formes de collaboration existantes soient renforcées.

Une collaboration étroite dans la gestion des crises requiert une implication réciproque de la Confédération et des cantons. Au niveau opérationnel, les choses sont réglementées en ce qui concerne l'État-major de conduite de la police; s'agissant de l'État-major fédéral ABCN, des possibilités d'implication accrue des cantons sont développées afin d'assurer en particulier le suivi coordonné de la situation à l'échelon national et la gestion nationale des ressources.

En ce qui concerne le niveau politique, force est de relever que les instances du RNS n'ont pas été conçues pour la gestion des crises. Néanmoins, si la coordination est lacunaire, la plateforme politique peut également intervenir pendant une crise, en particulier si la gestion de celle-ci entre la Confédération et les cantons soulève des problèmes qui ne peuvent pas être résolus dans le cadre des structures normales, directement chargées de gérer l'événement.

Exercices du Réseau national de sécurité Le rapport du Conseil fédéral sur la politique de sécurité de la Suisse 2010 relevait que la Suisse devait accomplir périodiquement des exercices de grande ampleur. Des exercices de ce type étaient régulièrement effectués autrefois (dans le cadre de la défense générale) afin de tester la performance du système général de la politique de sécurité; ceux-ci ont toutefois cessé après la guerre froide. Par rapport à d'autres pays, la «culture de l'exercice» a marqué le pas en Suisse; il faudra corriger le tir en rétablissant des exercices périodiques ambitieux.

Les exercices du RNS doivent permettre, sur la base de scénarios complexes tenant compte des réalités du moment, de vérifier périodiquement le bon fonctionnement de tout le RNS (et donc des instruments de la politique de sécurité de la Confédération et des cantons) dans le cadre de la
gestion d'une crise fictive. Le but est de tester la collaboration entre les organes de commandement de la Confédération et des cantons, tout en tenant compte de l'implication des partenaires civils et de l'armée, et de déceler les éventuels points faibles. Les enseignements tirés de ces exercices doivent permettre d'optimiser le RNS et d'améliorer la gestion des crises en Suisse dans une perspective interdisciplinaire et suprarégionale.

Un premier exercice du RNS s'est déroulé en 2014. Le scénario prévoyait une pénurie durable d'électricité coïncidant avec l'apparition d'une grave pandémie de grippe. Tous les départements et la Chancellerie fédérale, presque tous les cantons, ainsi que des exploitants d'infrastructures critiques, ont participé à l'exercice. Celuici a fourni de précieux enseignements sur le fonctionnement et le développement du RNS et sur la gestion des crises à l'échelle nationale. Il s'est avéré que le système est bien conçu et viable, mais que certains points sont à revoir et qu'il recèle un potentiel d'optimisation, par exemple en ce qui concerne la définition exacte des tâches, la 7668

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composition des organes du RNS ou la fonction et la composition de l'État-major fédéral ABCN. La démonstration a en outre été faite de l'importance de disposer de canaux de communication fiables et solides pour pouvoir garantir la concertation entre les différents acteurs et échelons de l'État en cas de crise.

La mise en oeuvre des recommandations tirées de l'exercice a commencé au milieu de l'année 2015. En ce qui concerne les exercices du RNS en tant que tels, le Conseil fédéral a décidé d'en réaliser régulièrement à l'avenir (au moins tous les huit ans). De plus, l'OFPP a été chargé d'accompagner les travaux de mise en oeuvre découlant des recommandations et d'élaborer périodiquement un rapport à l'intention du Conseil fédéral.

4.4

Moyens consacrés à la conduite de la politique de sécurité

La conduite de la politique de sécurité doit fonctionner également en temps de guerre et en cas de catastrophe. Son importance est alors nettement plus grande qu'en temps normal. Pour que cela soit possible, il faut des locaux de travail, des installation et des moyens de communication qui soient protégés contre les répercussions physiques ou électroniques d'un événement et qui permettent une communication simple, rapide, à l'épreuve des pannes et des intrusions.

Communication sûre Une communication sûre requiert des réseaux performants de transmission à haut débit qui demeurent disponibles lorsque l'infrastructure de communication ordinaire, optimisée dans une optique essentiellement de rentabilité, ne fonctionne plus, par exemple en raison de pannes d'électricité prolongées, d'une pénurie de courant ou d'une cyberattaque. Pour assurer les liaisons, les utilisateurs doivent être connectés sur deux réseaux à la fois. La priorité est de maintenir la capacité de fonctionnement du système radio de sécurité Polycom. Ces prochaines années, différents organes fédéraux dans tous les départements, l'ensemble des cantons et les exploitants d'infrastructures critiques devront aussi être connectés entre eux dans un réseau de données sécurisé comprenant un système d'accès aux données. D'important travaux de modernisation devront par ailleurs être réalisés dans le domaine des systèmes de communication et de transmission de l'alarme relevant de la protection de la population. Les nouveaux centres de calcul de la Confédération, qui sont nécessaires à la conduite de la Suisse en matière de politique de sécurité, répondront également à des exigences de sûreté particulières.

Les exigences que l'armée définit pour son infrastructure de communication fixe sont encore plus élevées, car celle-ci doit rester disponible également en cas de guerre.

Outre l'infrastructure de communication fixe, il faudra évaluer la nécessité et la manière de repenser la communication mobile à haut débit entre les autorités et les organisations chargées du sauvetage et de la sécurité en mettant l'accent sur les synergies avec des projets analogues menés par l'armée.

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Au niveau national, la maîtrise de crises et de situations d'urgence complexes exige un suivi coordonné de la situation mettant en lien tous les partenaires du RNS et permettant non seulement de transmettre des informations textuelles, mais aussi des présentations graphiques, des données et des images. La présentation des informations devrait pouvoir fournir à cet égard une image fidèle de la situation globale aux organes responsables de la conduite de l'engagement.

Installations protégées La Chancellerie fédérale, l'armée, le SRC et l'OFPP, en collaboration avec la Centrale nationale d'alarme, exploitent un certain nombre d'installations (en général souterraines) qui sont protégées contre toute atteinte d'ordre physique ou électronique venant de l'extérieur81. Ces installations ne servent pas en premier lieu à la protection des personnes, mais à la préservation de la capacité de commandement de la Confédération et en partie aussi des cantons, à savoir ­

commandement: protection physique du commandement et garantie de sa capacité de fonctionnement et de communication;

­

Conseil fédéral: conduite politique;

­

commandement de l'armée: conduite des formations militaires;

­

Centrale nationale d'alarme: communication avec les cantons et gestion des situations d'urgence;

­

communication: connexion à l'intérieur des réseaux de communication et entre eux (interfaces), centres de calcul;

­

sauvegarde des données.

L'exploitation et le maintien d'une disponibilité suffisante occasionnent en permanence des coûts élevés. Le nombre des installations de ce type a été sensiblement revu à la baisse au cours des quinze à vingt dernières années, en particulier à la suite de la dissolution de certaines formations de l'armée; une nouvelle réduction des installations utilisées par celle-ci est prévue.

L'utilité des installations de ce genre est parfois remise en question, l'argument avancé étant que les menaces de nature physique sont de plus en plus rares et que, par conséquent, des installations offrant une protection contre des influences physiques sont de moins en moins nécessaires. Cet argument n'est cependant pas recevable, et ce pour plusieurs raisons:

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Les installations existantes offrent une protection non seulement contre les répercussions physiques d'un événement, mais aussi contre d'autres effets, par exemple de nature électronique. Elles peuvent également être exploitées en cas de panne prolongée d'électricité.

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Les noeuds de communication et une partie des centres de calcul doivent, dans tous les cas, être protégés. Le maintien d'ouvrages existants est une solution efficace, en dépit des coûts notables d'entretien.

Le nombre, l'emplacement et la fonction des installations ne peuvent pas être présentés en détail, car ils sont placés sous le sceau du secret.

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­

Enfin, on ne saurait exclure qu'une situation survienne dans laquelle les postes de travail et les ouvrages normaux s'avèrent insuffisants en raison des répercussions physiques d'un événement (tirs, attaques depuis les airs).

Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que la sécurité dans les installations protégées existantes est beaucoup plus simple à garantir que dans une infrastructure en surface et que des investissements conséquents ont été faits dans les ouvrages existants.

Au vu des menaces et des dangers, d'une part, et de la contribution qu'apportent les installations protégées à la résilience en matière de conduite politique et militaire, d'autre part, il apparaît judicieux de préserver la viabilité des ouvrages existants.

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Liste des abréviations ABCN CEPOL DDPS DEFR DFF DFJP Eurodac Eurojust Europol fedpol IKAPOL KFOR MELANI ONU OSCE OTAN PNR UE

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Atomique, biologique, chimique, nucléaire Collège européen de police (académie formant les cadres des forces européennes de police) Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche Département fédéral des finances Département fédéral de justice et police European dactyloscopy (base de données répertoriant des empreintes digitales) Unité de coopération judiciaire de l'Union européenne Office européen de police Office fédéral de la police Convention sur les engagements de police intercantonaux Kosovo Force Centrale d'enregistrement et d'analyse pour la sûreté de l'information Organisation des Nations Unies Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe Organisation du Traité de l'Atlantique Nord dossier du passager (passenger name record) Union européenne

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Glossaire Agence européenne de défense

Institution de la politique de sécurité et de défense commune de l'UE pour renforcer la collaboration lors du développement de capacités militaires, de l'armement et de la recherche.

biens à double usage

Biens pouvant être utilisés à la fois à des fins civiles et militaires.

catastrophe

Événement soudain qui occasionne tant de dommages et de pannes que les ressources matérielles et humaines de la communauté concernée sont dépassées et qu'un soutien est nécessaire.

Concept de capacités opérationnelles

Instrument de collaboration de l'OTAN pour ses Etats partenaires permettant à ces derniers d'annoncer volontairement des capacités et moyens militaires dans un pool et de les faire évaluer en fonction de normes communes.

concept de pays-cadre

Plan de collaboration internationale où, sous la direction d'un État en particulier, plusieurs pays peuvent coordonner et regrouper leurs capacités militaires dans certains domaines.

coopération Prüm

Instrument pour faciliter la comparaison au niveau européen d'empreintes digitales et de profils ADN ainsi que de données concernant des véhicules et leurs détenteurs.

cyberattaque

Action intentionnelle non autorisée d'une personne ou d'un groupe dans le cyberespace ayant pour but de porter atteinte à l'intégrité, à la confidentialité ou à la disponibilité d'informations et de données et pouvant, selon le type d'action choisi, aussi avoir des conséquences matérielles.

cybercriminalité

Ensemble des infractions et omissions commises dans le cyberespace.

cyberdéfense

Ensemble de mesures passives ou actives prises dans le cyberespace pour faire cesser des processus non prévus initialement dans des composants destinés à l'information et à la communication.

cyberespace

Ensemble des infrastructures d'information et de communication (matériel informatique et logiciels) qui échangent, saisissent, enregistrent et traitent des données avant de les transformer en actions (concrètes) et des interactions que ces 7673

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processus créent entre les personnes, organisations et États.

cyberespionnage

Activité permettant d'acquérir illicitement et à des fins politiques, militaires ou économiques, des informations protégées dans le cyberespace.

cyberincident

Événement intentionnel ou non intentionnel qui entraîne, dans le cyberespace, un processus pouvant porter atteinte à l'intégrité, à la confidentialité ou à la disponibilité de données et d'informations et entraîner des dysfonctionnements.

défense intelligente

Initiative de l'OTAN pour l'utilisation la plus efficace possible, dans les forces armées, des moyens financiers en privilégiant la spécialisation (et en renonçant à certains éléments dans d'autres domaines) et en tirant profit des synergies dans la formation, l'acquisition et dans le cadre d'un engagement.

Échange de données sur la situation aérienne

Système d'échange entre l'OTAN et ses États partenaires de données filtrées provenant de l'image complète de la situation aérienne (concerne principalement des mouvements aériens civils, sans données purement militaires).

État fragile

État pouvant difficilement couvrir les besoins fondamentaux de sa population et assurer le respect des fonctions étatiques en raison de la faiblesse de ses capacités organisationnelles, institutionnelles et financières.

Eurodac

Banque d'empreintes digitales de l'UE constituée dans le but de vérifier si une personne a déjà déposé une demande d'asile ou si elle a été arrêtée lors d'une tentative d'entrée clandestine.

Eurojust

Agence de l'UE soutenant les autorités judiciaires nationales lorsque des enquêtes et des procédures pénales concernent plusieurs États.

Europol

Agence de l'UE (sans pouvoir d'investigation) ayant pour tâche principale de collecter et d'échanger des informations et de promouvoir la collaboration entre les autorités policières.

hameçonnage

Acquisition illégitime de données personnelles d'accès à des services sur Internet (p. ex. pour l'e-banking) en utilisant des sites web, des courriels ou des SMS falsifiés.

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infrastructures critiques

Infrastructures dont la perturbation, l'interruption ou la destruction ont des conséquences dramatiques sur la société, l'économie ou l'État.

initiative pour l'interopérabilité avec les partenaires

Initiative de l'OTAN pour le renforcement de la collaboration entre États partenaires, constituée des deux éléments que sont la plateforme d'interopérabilité et le programme «nouvelles opportunités».

Internet des objets

Phénomène d'informatisation et de mise en réseau croissantes des objets (du quotidien).

interopérabilité

Dans le contexte international, capacité de collaborer militairement avec les forces armées d'autres États; dans le contexte national, capacité de collaborer avec d'autres organisations d'intervention et instruments de politique de sécurité.

mégadonnées

Ensemble de données trop volumineux ou trop complexe pour être analysé manuellement ou avec les méthodes classiques de gestion des données.

plateforme d'interopérabilité

Initiative de l'OTAN pour la conservation et le renforcement de l'interopérabilité des États partenaires (p. ex. exercices communs, formation), à laquelle prennent part actuellement plus de 24 États, dont la Suisse.

résilience

Capacité d'un système, d'une organisation ou d'une société de résister à des perturbations et de maintenir ou de rétablir rapidement son bon fonctionnement.

situation d'urgence

Situation de longue durée qui naît d'un événement ou d'un enchaînement de faits et qui ne peut pas être maîtrisée par les processus ordinaires parce que les ressources matérielles et humaines de la communauté concernée sont dépassées.

système d'information Schengen

Fichier informatique de l'UE pour la recherche automatisée de personnes et d'objets dans l'ensemble de l'espace Schengen.

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