Pilotage des assurances sociales par le Conseil fédéral Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 30 mars 2012

2012-0840

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Table des matières Liste des abréviations

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1 Introduction 1.1 La notion de pilotage stratégique 1.2 Fonction du pilotage stratégique

8236 8237 8238

2 Constatations et recommandations 2.1 Constatations générales 2.2 Analyse stratégique 2.3 Planification stratégique 2.4 Information sur l'analyse et la planification stratégiques 2.5 Ediction des dispositions d'exécution 2.6 Rôle du Conseil fédéral

8239 8239 8240 8242 8244 8245 8245

3 Remarques finales

8246

Annexe Pilotage des assurances sociales par le Conseil fédéral Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'attention de la Commission de gestion du Conseil des Etats

8247

8234

Liste des abréviations AA AC AF AI AM AMal APG AVS CdG CdG-E Ch.

Commission LPP CPA DETEC DFI LAMal N.

OFAS Par ex.

Par.

PC PP SG TVA

Assurance-accidents Assurance-chômage Allocations familiales Assurance-invalidité Assurance militaire Assurance-maladie Allocations pour perte de gain Assurance-vieillesse et survivants Commissions de gestion Commission de gestion du Conseil des Etats Chiffre Commission fédérale de la prévoyance professionnelle Contrôle parlementaire de l'administration Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Département fédéral de l'intérieur Loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (RS 832.10) Note Office fédéral des assurances sociales Par exemple Paragraphe Prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI Prévoyance professionnelle Secrétariat général Taxe sur la valeur ajoutée

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Rapport 1

Introduction

En janvier 2010, les Commissions de gestion (CdG) ont chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de réaliser une évaluation du pilotage des assurances sociales par le Conseil fédéral. Cette demande était motivée par l'importance financière et politique des assurances sociales pour la Confédération et par les considérables défis à relever dans ce domaine. Les travaux correspondants ont été confiés à la sous-commission DFI/DETEC de la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E).

En octobre 2010, la sous-commission compétente a décidé que l'enquête serait principalement réalisée au moyen d'études de cas portant sur l'assurance-vieillesse et survivants (AVS), l'assurance-invalidité (AI), la prévoyance professionnelle (PP) et l'assurance-maladie (AMal). Les autres assurances sociales1 ont fait l'objet d'une analyse simplifiée. L'enquête a fait suite aux conclusions de précédentes inspections des CdG et du CPA qui s'étaient déjà intéressées au pilotage stratégique du Conseil fédéral2. Le 28 octobre 2011, le CPA a adopté son rapport sur le pilotage des assurances sociales par le Conseil fédéral à l'attention de la CdG-E3.

L'objectif de l'évaluation du CPA était de porter une appréciation sur le pilotage politique stratégique des assurances sociales par le Conseil fédéral au cours des deux dernières législatures (du 1.12.2003 au 31.3.2011). L'enquête a eu pour objet l'analyse et la planification stratégiques des différentes assurances sociales par le Conseil fédéral en tant qu'éléments du processus général de pilotage politique. Outre l'élaboration des bases pour le développement de la législation, il s'agissait d'examiner de quelle manière le Conseil fédéral avait, dans son domaine de compétence, utilisé sa marge de manoeuvre lors de l'édiction de dispositions d'exécution dotées d'une portée stratégique (ordonnances et directives).

Plusieurs travaux en lien avec le pilotage des assurances sociales ont été entrepris depuis la fin de la période couverte par l'enquête du CPA. Dans la mesure du possible, ils ont été signalés dans le rapport correspondant4 en tant qu'exemples de développements ultérieurs. Le présent rapport se fonde sur l'évaluation du CPA et donc sur la période couverte par cette dernière. La CdG-E est consciente que les 1

2 3

4

Assurance-chômage (AC), régime des allocations pour perte de gain (APG), prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (PC), allocations familiales (AF), assurance-accidents (AA) et assurance militaire (AM) Par ex. Pilotage stratégique de la politique par le Conseil fédéral, rapport du CPA à l'attention de la CdG-N du 15.10.2009 (FF 2010 2807) Pilotage des assurances sociales par le Conseil fédéral, rapport du CPA à l'attention de la CdG-E du 28.10.2011 annexe 1. Ci-après: «Evaluation CPA» et volume documentaire y afférent, 314 pages Par ex. l'augmentation du nombre de projets de recherche de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) sur l'AVS depuis le milieu de l'année 2011, in: Evaluation CPA, ch. 3.1, note 25 et ch. 3.2, note 34; Stratégie du Conseil fédéral en matière de politique de la santé, rapport du SG-DFI du 22.6.2011, in: Evaluation CPA, ch. 5, note 63; la plateforme d'information de l'OFAS sur l'AVS (www.avs-ensemble.ch), la conférence de presse du chef du DFI sur les primes d'assurance-maladie pour 2012: «Les primes 2012: une hausse modérée pour mieux préparer les réformes», ainsi que le document «Priorités de la politique de santé» du 30.9.2011. Ces documents sont disponibles sur le site www.dfi.admin.ch.

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assurances sociales sont en évolution constante et que des changements sont intervenus depuis la fin de l'évaluation menée par le CPA5. La CdG-E n'est toutefois pas en mesure, dans le cadre du présent rapport, de porter une appréciation sur le contenu de l'ensemble de ces changements.

Les conclusions que la CdG-E tire de l'évaluation du CPA tiennent compte de l'existence de ces changements et de ces innovations. La CdG-E ne conçoit donc pas ses conclusions comme un instantané de la situation, mais comme une contribution à long terme au développement systématique et cohérent des assurances sociales dans leur ensemble.

Dans un souci d'éviter les redondances avec l'évaluation du CPA, la CdG-E se contente dans ce rapport d'en rappeler les principales constatations et de présenter ses propres conclusions et recommandations. La CdG-E a pris la décision de rendre publics aussi bien ses conclusions et recommandations que le contenu de l'évaluation du CPA.

1.1

La notion de pilotage stratégique

La notion de pilotage stratégique qui sert de fondement à l'évaluation du CPA comprend trois éléments principaux, à savoir l'analyse stratégique, la planification et la mise en oeuvre6.

5 6 7 8 9

­

L'analyse stratégique correspond à l'identification des défis politiques pertinents et à l'évaluation des effets des mesures prévues ou proposées (analyse prospective) comme des mesures déjà appliquées (analyse rétrospective).

­

La planification stratégique comprend plusieurs processus décisionnels interdépendants ­ La détermination d'objectifs stratégiques sur la base des conclusions de l'analyse stratégique. Les objectifs stratégiques décrivent l'état qui, du point de vue du Conseil fédéral, doit être atteint à moyen ou à long terme dans le domaine considéré7.

­ La définition de la stratégie permettant de relever les défis identifiés.

Une stratégie décrit les grands axes de la politique et esquisse les mesures qui doivent être prises à moyen et long terme pour atteindre les objectifs8. Il s'agit en particulier de décider si les mesures peuvent être mises en oeuvre au moyen de dispositions d'exécution relevant de la compétence du Conseil fédéral9 ou si elles requièrent des révisions de loi. Il faut, dans ce cadre, tenir compte de la marge de manoeuvre que la législation en vigueur laisse au Conseil fédéral.

Par ex. le rapport sur l'avenir du 2e pillier, procédure d'audition le 4.1.2012.

Evaluation CPA, ch. 1.1, notamment l'illustration «Pilotage stratégique de la politique» Par ex. le financement à moyen et à long terme des assurances sociales, la flexibilisation de l'âge de la retraite, Evaluation CPA, ch. 1.1 Par ex. le financement à long terme de l'AVS par un relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou des cotisations perçues sur le salaire, Evaluation CPA, ch. 1.1 Par ex. dans le domaine des tarifs et des prix des médicaments, des moyens et des appareils, ainsi que des analyses de laboratoire dans l'AMal, Evaluation CPA, ch. 1.1

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­

­

La planification politique explicite la stratégie en définissant concrètement les mesures à prendre et en fixant le calendrier de leur mise en oeuvre. Les mandats et les discussions du Parlement doivent aussi être pris en considération à ce stade. La planification politique comprend la planification des affaires politiques (révisions de loi et dispositions d'exécution)10 et la préparation des révisions de loi à l'intention du Parlement. Elle doit donc être adaptée en permanence11.

La concrétisation ou la mise en oeuvre de la planification stratégique passe par l'édiction de normes générales et abstraites, la compétence du Conseil fédéral consistant à ce niveau à adopter des dispositions d'exécution.

L'information des différentes parties concernées (Parlement, cantons, public) sur les fondements et les décisions du pilotage stratégique joue un rôle important dans chacun de ces trois éléments.

Le pilotage stratégique au sens défini ici doit être envisagé comme un processus continu. Cela veut dire que les trois éléments susmentionnés se rapportent les uns aux autres, qu'ils forment un cycle de pilotage et qu'ils ne doivent pas être conçus comme les éléments d'une chaîne causale linéaire.

1.2

Fonction du pilotage stratégique

Le pilotage stratégique est influencé par des facteurs extérieurs comme le développement économique et l'évolution démographique. Il a essentiellement pour but de déterminer l'attitude appropriée à adopter face à de tels changements. La fonction de l'analyse stratégique consiste à observer ces évolutions de l'environnement et à en déduire les actions qui s'imposent ainsi que les mesures concrètes qu'il convient d'adopter.

Le pilotage stratégique correspond pour l'essentiel à la fonction gouvernementale du Conseil fédéral. Il vise à assurer un développement à long terme, coordonné, pertinent et efficace de la politique fédérale. Le pilotage stratégique est censé permettre au Conseil fédéral et à l'administration d'identifier les défis actuels et futurs, de concevoir comment les relever et d'adopter les mesures correspondantes. La stratégie au sens retenu ici ne doit donc pas être comprise comme une planification détaillée à long terme qui serait appliquée de façon mécanique. Elle doit au contraire être envisagée comme un processus continu au cours duquel sont définis des objectifs, des axes directeurs et des mesures, permettant des adaptations continuelles sur la base des analyses les plus récentes et des dynamiques politiques.

Le fait de pouvoir se référer à un cadre stratégique défini sur le long terme mais néanmoins flexible constitue un facteur important de succès dans un environnement marqué par la complexité, l'incertitude et la dynamique. Un tel pilotage stratégique est à plus forte raison nécessaire dans un contexte politique et institutionnel aussi exigeant que celui qui caractérise les assurances sociales (soumis aux décisions du Parlement et du peuple, aux évolutions de l'économie et de la société, etc.)12.

10 11 12

Les résultats de la planification politique sont le programme de législature avec ses grandes lignes, son plan financier, ses objectifs annuels, etc., Evaluation CPA, ch. 1.1.

Le Conseil fédéral a par exemple rapidement élaboré, suite au rejet de la 11e révision de l'AVS, un projet législatif adapté en conséquence, Evaluation CPA, ch. 1.1 et 3.2.

Evaluation CPA, ch. 1.1

8238

La CdG-E est convaincue de l'utilité du pilotage stratégique et de l'importance d'utiliser, d'améliorer et de compléter les instruments existants. Il ne faudrait pas voir dans le pilotage stratégique un élément des projets de révision; au contraire, la stratégie devrait constituer le point de départ de l'élaboration des projets de loi. Les instruments de planification existants (le programme de législature, par ex.) pourraient, si l'on en améliorait le contenu, constituer la base d'un pilotage prévisionnel, à même d'anticiper les évolutions de l'environnement et de réagir rapidement aux changements. Le pilotage dans les différentes branches des assurances sociales devrait reposer sur une vision d'ensemble qui offrirait aux acteurs concernés, mais aussi au Parlement, la possibilité de suivre plus facilement les évolutions dont elles font l'objet.

2

Constatations et recommandations

2.1

Constatations générales

Sur la base des conclusions de l'évaluation du CPA, la CdG-E porte une appréciation globalement positive du pilotage stratégique des assurances sociales mené par le Conseil fédéral. Les éléments cités ci-après sont ceux qu'elle considère comme étant les principaux points forts du pilotage stratégique des assurances sociales examinées.

13

14

15 16 17 18

­

En ce qui concerne l'analyse stratégique, il existe dans chacune des assurances examinées une large palette d'instruments13, adéquate et cohérente, qui a été régulièrement développée et affinée14. Les acteurs ont été davantage associés à l'analyse (le DFI a d'ailleurs annoncé que cette implication des acteurs serait encore renforcée à l'avenir, avant tout dans l'AVS et l'AMal) et les défis stratégiques15 ont le plus souvent été reconnus à temps et de façon appropriée16.

­

En ce qui concerne la planification et la préparation des révisions de loi, le Conseil fédéral a réagi rapidement aux nouveaux développements17. Il a exercé une grande influence sur l'orientation, le contenu et l'échelonnement des divers projets (surtout dans l'AMal et l'AVS) tout en associant de façon appropriée les différents acteurs18. Les projets de révision correspondaient aux objectifs à atteindre, s'inscrivaient dans le prolongement des projets pré-

Par ex. les statistiques, les monitorings, les modélisations, la recherche, les analyses et les rapports élaborés au sein de l'administration, les rapports internationaux, les systèmes d'indicateurs, les interventions parlementaires, les décisions judiciaires, les retours d'information de l'administration, etc., Evaluation CPA, ch. 3.1 Par ex. les bases statistiques dans la PP et l'AMal; le monitoring, l'évolution des coûts, le modèle de prévision des coûts et les indicateurs de qualité dans l'AMal; les calculs prospectifs de l'AVS; la recherche dans l'AI et l'AMal, Evaluation CPA, ch. 3.1 Par ex. l'évolution démographique pour l'AVS et la PP, les enjeux financiers dans l'AI, l'augmentation des coûts dans l'AMal, Evaluation CPA, ch. 3.2 Evaluation CPA, ch. 3 et 5 Par ex. suite au rejet de la 11e révision de l'AVS devant le Parlement (1.10.2010) et aux évolutions économiques dans le cas de la PP, Evaluation CPA, ch. 4.1.2.

Par ex. en tenant compte des interventions parlementaires, les commissions d'experts (surtout dans la PP), la commission AVS/AI, la commission LPP et, s'agissant de l'AMal, divers acteurs de la santé, Evaluation CPA, ch. 4.1.4

8239

cédents, étaient cohérents avec les autres projets de réforme et précisaient les conséquences financières19.

­

Le Conseil fédéral a informé et communiqué de manière systématique: il a fait état de ses décisions et de ses conclusions dans des communiqués de presse et, entre autres, des articles spécialisés; il a publié en toutes circonstances les données ayant servi de base à l'analyse stratégique et aux projets de loi20 et, enfin, il a soigné les contacts directs21 avec les acteurs politiques importants22. Les cantons se sont félicités de ces démarches; toutefois, ils souhaiteraient être davantage impliqués dans ces processus.

La CdG-E estime que le Conseil fédéral s'est dans l'ensemble montré à la hauteur de sa responsabilité de direction dans les principales tâches de pilotage et qu'il a exploité de façon appropriée sa marge de manoeuvre dans le développement de la législation. Elle salue les évolutions positives, intervenues notamment lors des dernières années. Il lui paraît important que le Conseil fédéral poursuive les mesures susmentionnées et, dans la mesure du possible, qu'il les renforce de manière systématique et ciblée.

Si cette appréciation est globalement positive, la CdG-E identifie toutefois, sur la base de l'évaluation du CPA, certains points faibles dans le pilotage stratégique. La marge d'amélioration qui en résulte constitue la base des recommandations que la CdG-E formule ci-après.

2.2

Analyse stratégique

La CdG-E porte sur l'analyse stratégique un jugement globalement positif (ch. 2.1).

Elle identifie néanmoins, sur la base de l'évaluation du CPA, des possibilités d'amélioration dans les domaines énumérés ci-dessous23.

­

19 20 21 22 23 24 25

Les bases de données et la recherche pourraient être améliorées en ce qui concerne l'ensemble des assurances sociales. Pour ce qui est de la PP, les activités de recherche et d'évaluation ont surtout été conduites au cas par cas et de façon ponctuelle24. Elles n'ont de plus pas été suffisamment développées et ne sont pas assez systématiques. S'agissant de l'AVS, très peu de projets de recherche ont été menés entre 2004 et 2010. Des changements sont toutefois intervenus depuis le début de l'année 201125. En ce qui concerne l'AMal, en particulier sur le plan du secteur ambulatoire, l'insuffisance des données disponibles empêche de procéder à une analyse des coûts et de la qualité des prestations. Les bases de données sont en outre trop

Evaluation CPA, ch. 4.1.2., 4.2.1, 4.2.2 et 5.

Avant tout au moyen de statistiques, de monitorings, d'analyses, de rapports et de messages.

Par ex. dans le cadre des débats, auditions et dialogues parlementaires.

Evaluation CPA, ch. 3.2, 4.1.5 et 5 Evaluation CPA, ch. 3 et 5 Les frais administratifs n'ont par exemple été analysés que très tardivement et seulement après l'échec de la votation sur la baisse du taux de conversion, Evaluation CPA, ch. 3.2.

L'OFAS a prévu plusieurs projets de recherche et en a déjà attribué certains, Evaluation CPA, ch. 3.2.

8240

fragmentaires pour offrir une vue d'ensemble de l'évolution des coûts26.

Concernant l'AI, c'est en particulier le recensement systématique des effets dans le domaine de la réadaptation qui présente des lacunes.

­

Les mesures concrètement planifiées et considérées à long terme devraient faire l'objet d'analyses prospectives des effets plus ciblées27. Les rapports complémentaires que les commissions parlementaires demandent (surtout en ce qui concerne l'AVS et l'AMal), en lien avec des révisions de loi ou des messages du Conseil fédéral, au sujet des effets des mesures prévues démontrent l'existence d'une attente à cet égard28.

­

Les acteurs importants pourraient être associés de façon encore plus étroite et plus systématique à la conception de l'analyse stratégique. Cela favoriserait le dialogue et augmenterait les chances de parvenir à un consensus au sujet de l'analyse stratégique, ce qui permettrait aussi d'obtenir le soutien le plus large possible à l'élaboration des révisions de loi. Bien que l'implication des acteurs politiques importants dans l'élaboration de bases pour l'analyse stratégique se soit déjà renforcée et que le DFI ait fait part de son intention d'accentuer cette tendance à l'avenir29, la CdG-E estime que certaines assurances sociales présentent encore une marge d'amélioration en la matière30.

La CdG-E constate qu'il n'existe pas de vision générale et systématique de l'exécution de l'analyse stratégique, valable pour l'ensemble des assurances sociales31. Elle considère que le perfectionnement des instruments de l'analyse stratégique est essentiel, car il permet aux autorités fédérales de procéder à un examen plus précis et plus complet à la fois des défis rencontrés et des effets des mesures. La CdG-E salue les progrès déjà accomplis dans ce sens, bien que certaines mesures n'aient pas encore été menées à terme32 et que leurs effets ne puissent dès lors pas encore être appréciés.

26

27

28 29 30 31 32

La révision de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal) dans le domaine du financement hospitalier a nettement amélioré la situation et devrait permettre à l'avenir de combler les lacunes les plus importantes en matière de données (adoption par le Parlement le 21.12.2007 avec un projet s'écartant de celui du Conseil fédéral), Evaluation CPA, ch. 3.2. Les effets de cette révision ne peuvent toutefois pas encore être évalués.

Par ex. les conséquences possibles du nouveau financement hospitalier n'ont pas été suffisamment examinées à l'avance, Evaluation CPA, ch. 3.2 et 4.2.2, voir aussi l'étude de cas concernant l'AMal, ch. 3.11.

Evaluation CPA, ch. 3.2 En particulier dans l'AMal et dans le cadre de la future réforme de l'AVS, Evaluation CPA, ch. 3.1 En particulier en ce qui concerne les acteurs de la politique de la santé (cantons, assureurs, fournisseurs de prestations) dans l'AMal, Evaluation CPA, ch. 3.2 Evaluation CPA, ch. 3.2 Par ex. les projets de recherche prévus ­ voire attribués ­ par l'OFAS (cf. note 31) ou l'intention du DFI d'associer davantage les acteurs politiques (cf. note 21 et 36) aux prises de décision concernant l'AMal en général et à la future réforme de l'AVS en particulier, Evaluation CPA, ch. 3.1.

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Recommandation 1:

analyse stratégique systématique

La CdG-E invite le Conseil fédéral à poursuivre et à renforcer de manière ciblée les démarches visant à améliorer et à systématiser l'analyse stratégique. Sur la base d'une vision générale des instruments, de l'organisation et des ressources de l'analyse stratégique dans le domaine des assurances sociales, le Conseil fédéral améliore les bases de données et la recherche, recourt plus fréquemment à l'analyse des effets et implique plus étroitement les acteurs importants dans la conception de l'analyse stratégique.

2.3

Planification stratégique

La CdG-E porte sur la planification stratégique du Conseil fédéral une appréciation globalement positive. Elle salue en particulier le document du DFI du 22 juin 2011 sur la stratégie du Conseil fédéral en matière de politique de la santé33. Il s'agit d'une étape importante dans la bonne direction, qui contribue en particulier à une plus grande transparence. Le document indique par exemple des mesures à prendre sur le plan des dispositions d'exécution et précise les axes directeurs qui seront ainsi suivis. La CdG-E estime néanmoins que des améliorations peuvent être apportées à ce document stratégique: les objectifs n'y sont en effet pas définis de façon très claire et les indications concernant les priorités, les mesures concrètement prévues et les délais font encore largement défaut.

Les possibilités d'amélioration identifiées par la CdG-E concernant la planification stratégique34 sont citées ci-après.

Objectifs stratégiques Pour ce qui est de la période couverte par l'enquête, les objectifs stratégiques fixés par le Conseil fédéral correspondaient aux difficultés rencontrées et étaient cohérents entre eux. La formulation de ces objectifs avait néanmoins, en ce qui concerne toutes les assurances sociales examinées, un caractère souvent trop général; elle n'apportait pas suffisamment de précisions et ne dégageait que peu de priorités35.

Les objectifs stratégiques devraient décrire la situation à atteindre dans le domaine considéré (voir ch. 1.1). C'est pourquoi il est important, selon la CdG-E, que les objectifs soient formulés de façon plus concrète et que les priorités soient fixées de façon plus claire que ce n'était le cas jusqu'à présent.

Stratégies Tandis que les priorités à court et à moyen terme sont en général claires, les stratégies concernant le développement à plus long terme de la législation ne sont pas toujours précisées (surtout en ce qui concerne l'AVS ­ par ex. pour le financement à 33 34 35

Stratégie du Conseil fédéral en matière de politique de la santé, rapport du SG-DFI du 22.6.2011, www.dfi.admin.ch/ Evaluation CPA, ch. 4.1.1, 4.2.1 et 5 Par ex, l'indication d'une direction stratégique claire faisait défaut dans le cas de la PP.

Pour ce qui est de l'AI, il manquait des objectifs concernant par ex. le niveau des prestations à atteindre et l'impact à produire sur la situation des bénéficiaires, Evaluation CPA, ch. 4.2.1.

8242

plus long terme). La CdG-E estime que le Conseil fédéral n'a pas encore pris la pleine mesure de la responsabilité de conduite qui lui incombe dans ce domaine.

Les documents stratégiques importants (par ex. le programme de législature, les décisions fixant les grandes orientations et les messages) devraient préciser davantage quels objectifs importants et quelles mesures doivent être mis en oeuvre dans le cadre des dispositions d'exécution sur la base de la législation existante36. Le Conseil fédéral s'est en grande partie concentré sur le développement de la législation (un point qui a fait l'objet d'une appréciation positive, ch. 2.1).

Planification politique Contrairement à la planification des révisions de loi, la planification des dispositions d'exécution par le Conseil fédéral laisse apparaître certaines lacunes. Ces dispositions ont le plus souvent été édictées suite à des révisions de loi37. Pour le reste, le Conseil fédéral a la plupart du temps eu une attitude passive et a réagi avant tout à la pression politique du Parlement38. Si des signes d'une certaine planification au niveau des dispositions d'exécution s'observent surtout pour ce qui est de l'AMal et l'AC39, le Conseil fédéral n'a pas encore pleinement exploité ses possibilités d'action dans le premier de ces deux domaines.

La planification des affaires politiques du Conseil fédéral est essentiellement contenue dans son programme de législature, qui comprend les révisions législatives prévues ou en cours. De ce programme découlent les objectifs annuels du gouvernement et des départements. Cependant, les objectifs fixés jusqu'ici en lien avec les programmes de législature ont été formulés en termes généraux. Les exigences d'une planification axée sur les objectifs et la recherche de l'efficacité ne sont ainsi pas satisfaites. Les programmes de législature contiennent en outre peu d'indications concernant les dispositions d'exécution prévues et les mesures à mettre en oeuvre en priorité40. Cela serait pourtant nécessaire, estime la CdG-E, afin que le programme de législature puisse vraiment préciser et planifier le pilotage stratégique. Cela ne signifie toutefois pas que tous les projets en cours doivent être planifiés de façon définitive et dans le moindre détail.

36 37

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39

40

Evaluation CPA, ch. 4.2.1 Par ex. la mise en oeuvre des instruments et des prescriptions résultant des 4e et 5e révisions de l'AI et, dans le cas de la PP, l'adaptation du taux d'intérêt minimal, Evaluation CPA, ch. 4.2.3 Par ex. au sujet du prix des médicaments, de la garantie de la qualité et de la transparence en matière de surveillance dans le domaine de l'AMal, ou lors de la conception d'une stratégie globale pour renforcer la surveillance dans le domaine de l'AI, Evaluation CPA, ch. 4.1.4 Par ex. les objectifs annuels du Conseil fédéral et du DFI prévoient des modifications d'ordonnance visant une meilleure maîtrise des coûts et abordent les thématiques du maintien de la solidarité entre assurés et de l'assurance qualité, Evaluation CPA, ch. 4.1.1.

A ce sujet, voir aussi Pilotage stratégique de la politique par le Conseil fédéral, rapport du CPA à l'attention de la CdG-N du 15.10.2009, ainsi que le co-rapport des CdG du 27.1.2011 sur 01.080 «Message additionnel sur la réforme du gouvernement», ch. 2, dernier paragraphe.

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Recommandation 2:

planification stratégique

La CdG-E invite le Conseil fédéral à définir, dans tous les domaines des assurances sociales, les objectifs qui doivent être poursuivis à long terme pour atteindre la situation visée ainsi qu'une stratégie explicite et actualisée, qui tienne également compte des aspects financiers. Cela suppose notamment que le Conseil fédéral précise les objectifs stratégiques et en établisse les priorités, en particulier dans le programme de législature. Le Conseil fédéral doit de plus tenir compte explicitement des dispositions d'exécution dans la planification stratégique.

2.4

Information sur l'analyse et la planification stratégiques

La CdG-E constate que le Conseil fédéral ne disposait, jusqu'en 2011, d'aucun document stratégique adéquat, c'est-à-dire explicite et accessible au public, proposant une définition des objectifs de fond, des axes directeurs et des mesures envisagées, mais aussi susceptible d'être périodiquement adapté aux évolutions de l'environnement. Le Parlement lui-même n'avait pas accès à un tel document. La CdG-E exprime le souhait d'une plus grande transparence à ce sujet, de sorte que la stratégie du Conseil fédéral concernant les assurances sociales n'ait pas à être reconstruite à partir de plusieurs documents (surtout des messages relatifs à des révisions de loi différentes)41.

La CdG-E estime que l'élaboration périodique d'une vue d'ensemble systématique de la planification stratégique ainsi que des résultats de l'analyse stratégique correspondante serait souhaitable (par ex. dans le prolongement du rapport annuel sur les assurances sociales visé à l'art. 76 LPGA).

Une vue d'ensemble, mettant aussi en évidence les liens des différentes assurances sociales entre elles et avec d'autres domaines politiques, permettrait au Conseil fédéral et aux milieux intéressés d'améliorer leur perception des enjeux stratégiques et des effets des mesures décidées ou projetées. Le Conseil fédéral pourrait s'appuyer dans cette tâche sur le document stratégique en matière de politique de la santé42.

Recommandation 3:

information sur l'analyse et la planification stratégiques

La CdG-E invite le Conseil fédéral à communiquer périodiquement tous les résultats de l'analyse stratégique et la planification stratégique correspondante afin de permettre une vue d'ensemble de la situation.

41 42

Evaluation CPA, ch. 4.1.1 et 4.2.1 Stratégie du Conseil fédéral en matière de politique de la santé, rapport du SG-DFI du 22.6.2011, www.dfi.admin.ch/

8244

2.5

Ediction des dispositions d'exécution

La marge de manoeuvre stratégique du Conseil fédéral concernant l'édiction de dispositions d'exécution varie en fonction de l'assurance sociale considérée43. Les compétences du Conseil fédéral sont néanmoins très importantes, en particulier dans le domaine de l'AMal (qui est aussi le domaine dans lequel le Conseil fédéral s'est montré le plus actif). L'évaluation du CPA indique pourtant que le Conseil fédéral a utilisé cette marge de manoeuvre de façon encore trop passive, trop tardive et trop partielle. Elle montre aussi que le Conseil fédéral s'est souvent contenté de réagir à la pression politique44.

Contrairement à ce qui vaut pour les révisions de loi (ch. 2.1), la CdG-E estime que le Conseil fédéral devrait, dans la mesure du possible, faire un usage plus précoce, plus actif et plus complet de sa marge de la manoeuvre stratégique dont il dispose pour édicter des dispositions d'exécution.

Recommandation 4:

marge de manoeuvre concernant les dispositions d'exécution

La CdG-E invite le Conseil fédéral à faire un usage actif, systématique et aussi complet que possible de la marge de manoeuvre dont il jouit pour édicter des dispositions d'exécution.

2.6

Rôle du Conseil fédéral

L'importance financière et politique des assurances sociales pour la Confédération appelle un rôle actif du collège gouvernemental dans le pilotage stratégique de ces assurances. Le CPA n'a certes pas analysé en profondeur le rôle du Conseil fédéral, car il ne disposait pas, à l'époque, d'un droit à l'information suffisant pour pouvoir accéder à tous les documents nécessaires45. Les informations sur lesquelles l'évaluation du CPA a pu s'appuyer laissent toutefois apparaître que le Conseil fédéral, considéré en tant qu'autorité collégiale, aurait pu contribuer plus activement au développement des assurances sociales examinées. Il semblerait que c'est principalement à la demande du chef du DFI que le Conseil fédéral a discuté des questions de principe et pris des décisions dans ce domaine. Le chef du DFI a en conséquence tenu un rôle important, en particulier dans la planification et l'élaboration des projets de loi. Il a été en contact permanent avec les offices compétents et a soumis des questions stratégiques au Conseil fédéral46.

La CdG-E estime qu'il incombe au Conseil fédéral en tant qu'autorité collégiale de faire avancer le pilotage stratégique des assurances sociales. Elle attire l'attention sur le fait que le Conseil fédéral devrait accomplir cette tâche de manière active, continue et systématique.

43 44 45 46

Elle est très réduite pour l'AVS, réduite pour la PP et un peu plus importante pour l'AI; c'est pour l'AMal qu'elle est la plus importante, Evaluation CPA, ch. 2.

Evaluation CPA, ch. 4.1.3, 4.2.3 et 5 La modification de la loi sur le Parlement en vigueur depuis le 1.11.2011 a étendu le droit à l'information des CdG.

Evaluation CPA, ch. 4.1.4 et 5

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Recommandation 5:

rôle collégial du Conseil fédéral

La CdG-E demande au Conseil fédéral de lui faire savoir de quelle manière il s'investit aujourd'hui en tant qu'autorité collégiale dans le pilotage stratégique des assurances sociales et comment il entend s'y investir à l'avenir. La CdG-E prie le Conseil fédéral de lui expliquer comment il entend assumer sa responsabilité d'autorité directoriale suprême de la Confédération dans ce domaine essentiel de la politique fédérale.

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Remarques finales

La CdG-E prie le Conseil fédéral de bien vouloir prendre position, d'ici au 14 septembre 2012, sur les constatations et recommandations contenues dans le présent rapport ainsi que sur l'évaluation du CPA susmentionnée. Elle l'invite en outre à indiquer au moyen de quelles mesures et dans quel délai il envisage de mettre en oeuvre les recommandations de la commission.

30 mars 2012

Au nom de la Commission de gestion du Conseil des Etats Le président: Paul Niederberger La secrétaire: Beatrice Meli Andres Le président de la sous-commission DFI/DETEC: Claude Hêche La secrétaire de la sous-commission DFI/DETEC: Ines Stocker

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