99.043 Message concernant l'initiative populaire «pour des médicaments à moindre prix» du 12 mai 1999

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre sans contre-projet direct l'initiative populaire fédérale «pour des médicaments à moindre prix» au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

Un projet d'arrêté fédéral correspondant est joint au message.

Nous vous demandons également de classer l'intervention parlementaire suivante: 1998

P

97.3309

Médicaments. Potentiel d'économies (N 28.9.98, Gysin Remo)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

12 mai 1999

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss Le chancelier de la Confédération, François Couchepin

1999-4508

6813

Condensé L'initiative populaire «pour des médicaments à moindre prix» a été lancée pour que le prix des médicaments vendus en Suisse baisse. Pour réaliser cet objectif, elle propose: ­

que les médicaments autorisés à la vente et disponibles en Allemagne, en Italie, en France et en Autriche puissent être mis sur le marché suisse sans autorisation particulière;

­

et que, pour autant qu'ils existent, les génériques soient les seuls médicaments proposés à la vente qui soient remboursés par l'assurance-maladie sociale. Lorsque plusieurs préparations sont disponibles, c'est toujours la préparation la moins chère qui doit être remise.

Le Conseil fédéral approuve sur le fond l'objectif de l'initiative populaire. Il juge cependant que les mesures proposées pour atteindre ce but sont excessives. Il refuse l'initiative populaire pour les raisons suivantes: ­

Une reconnaissance unilatérale des autorisations de vente des médicaments délivrées dans les pays voisins de la Suisse pourrait avoir des conséquences graves sur la sécurité des médicaments, et par là sur celle des patients.

­

Une admission sans autorisation n'entraîne une réduction des prix suisses des médicaments que sous réserve. Elle permet principalement aux intermédiaires de réaliser des bénéfices sur les importations qu'ils ne doivent pas nécessairement répercuter sur les prix de vente au public.

­

L'obligation de remettre des génériques (obligation de substitution) constitue en outre une atteinte grave à la liberté de thérapie des médecins et à leur responsabilité thérapeutique. Elle a aussi un grand impact sur les relations entre médecins et patients.

Le Conseil fédéral a déjà transmis au Parlement un projet de révision partielle de la loi sur l'assurance-maladie (FF 1999 727). Dans ce texte, il fait une proposition qui facilite la remise de génériques en lieu et place des préparations originales. Les pharmaciens doivent avoir l'autorisation de remplacer une préparation originale prescrite par un générique, pour autant que la remise de la préparation originale ne soit pas expressément requise (droit de substitution).

Dans son message pour une nouvelle loi sur les agents thérapeutiques, le Conseil fédéral évoque en outre la possibilité de conclure des accords de reconnaissance réciproque des autorisations de médicaments. Une réglementation des médicaments au niveau fédéral permettra au Conseil fédéral d'acquérir la compétence de conclure de tels accords. Il est par ailleurs prévu que même en l'absence d'accords, on tiendra davantage compte des résultats des examens réalisés dans des Etats dont les autorisations ont la même valeur que celles qui sont délivrées en Suisse. Cela rendra la procédure suisse plus rapide et moins chère.

La nouvelle loi sur les agents thérapeutiques doit finalement aussi rendre possible l'importation parallèle de médicaments à certaines conditions.

6814

Le Conseil fédéral oppose à l'initiative populaire un contre-projet indirect en deux volets: la révision partielle de la loi sur l'assurance-maladie et la nouvelle loi sur les agents thérapeutiques. Il propose donc de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative.

6815

Message 1

Partie générale

11

Procédure

Lancée le 12 août 1997, l'initiative populaire fédérale «pour des médicaments à moindre prix» a été déposée à la Chancellerie fédérale le 12 décembre 1997. Cette initiative se présente sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces.

111

Teneur de l'initiative

L'initiative a la teneur suivante: I La constitution fédérale est complétée comme suit: Art. 34bis, al. 3 (nouveau)* 3 Les médicaments ­ préparations originales ou médicaments génériques ­ vendus dans les Etats limitrophes, France, Italie, Allemagne et Autriche, avec ou sans ordonnance, par les médecins, les pharmacies, les hôpitaux, les drogueries et autres commerces, sont aussi distribués en Suisse, avec ou sans ordonnance, par les médecins, les pharmacies, les hôpitaux, les drogueries et autres commerces et ce, sans autorisation particulière.

Lorsqu'un médicament est vendu, avec ou sans ordonnance, un médicament générique est remis s'il en existe, ou si le patient ne paie pas lui-même la préparation originale.

Si les caisses-maladie sont tenues de prendre en charge les préparations originales et les médicaments génériques, les patients se verront remettre le médicament ayant le prix le plus avantageux, tel qu'il ressort de la liste publiée chaque année par les assureurs-maladie reconnus par la Confédération.

II Les dispositions transitoires de la constitution fédérale sont complétées comme suit: Art. 24 (nouveau) * Les dispositions de lois ou d'ordonnances qui contreviennent à l'art. 34bis, al. 3, sont abrogées.

112

Aboutissement

Par décision du 12 février 1998, la Chancellerie fédérale a constaté l'aboutissement formel de l'initiative populaire «pour des médicaments à moindre prix» déposée le 12 décembre 1997, munie de 127 085 signatures valables (FF 1998 737).

*

Par l'adoption, en votation populaire du 18 avril 1999, de la nouvelle Constitution fédérale, ces articles deviennent les art. 117 et 197.

6816

113

Délai de traitement

Avec le projet de loi fédérale sur les médicaments et les produits médicaux (loi sur les agents thérapeutiques, LAth, pas encore publié dans la Feuille fédérale) et le projet de révision partielle de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (FF 1999 727), le Conseil fédéral soumet un contre-projet indirect à l'initiative populaire. Conformément à l'art. 29, al. 2, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC; RS 171.11), le message concernant l'initiative populaire doit, s'il contient un contreprojet direct ou indirect, être présenté à l'Assemblée fédérale au plus tard 18 mois après le dépôt de l'initiative.

Etant donné que l'initiative porte sur une révision partielle de la constitution fédérale (cst.; RS 101) et qu'elle consiste en un projet rédigé de toutes pièces, l'Assemblée fédérale doit décider, dans un délai de 30 mois à compter du jour où l'initiative a été déposée, si elle l'approuve ou non (art. 27, al. 1, LREC).

114

Validité

114.1

Unité de la matière et de la forme

L'initiative qui prévoit une révision partielle de la constitution fédérale peut, en vertu de l'art. 121, al. 4, de la Constitution, revêtir la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet rédigé de toutes pièces. Les formes mixtes ne sont pas admises (art. 75, al. 3, de la loi fédérale sur les droits politiques, LDP; RS 161.1). Dans le cas présent, l'initiative consiste en un projet rédigé de toutes pièces. L'unité de la forme est donc respectée.

Le principe de l'unité de la matière (art. 121, al. 3, cst.) doit être respecté afin que ne soient pas soumises au vote plusieurs questions matériellement sans lien, car, lors de la votation, le citoyen doit être en mesure de se former librement et démocratiquement une opinion, puis d'exprimer celle-ci. L'unité de la matière est respectée lorsqu'il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties d'une initiative.

(art. 75, al. 2, LDP). Le nouvel al. 3 de l'art. 34bis, cst., tel qu'il est proposé, se compose de trois paragraphes. Le premier paragraphe prévoit l'importation sans nouvelle autorisation de médicaments admis en France, en Italie, en Allemagne et en Autriche. Le deuxième paragraphe rend obligatoire la remise de génériques, pour autant qu'ils existent, lorsque les patients ne paient pas une préparation eux-mêmes.

Le troisième paragraphe dispose que les médicaments les plus avantageux doivent être remis aux patients à la charge des assureurs-maladie. Les mesures fixées à l'art. 34bis, al. 3, cst., sont matériellement liées, car elles visent la remise de médicaments à moindre prix. Le principe de l'unité de la matière est, par conséquent, respecté.

114.2

Réalisation de l'initiative

La teneur d'une initiative populaire ne doit pas être inapplicable. L'initiative qui fait l'objet du présent message a pour objectif une baisse des prix des médicaments en Suisse. Pour atteindre ce but, elle pose trois exigences: d'abord, la reconnaissance automatique et unilatérale des médicaments admis dans les états qui sont les voisins immédiats de la Suisse, à l'exception de la Principauté du Liechtenstein; ensuite, la 6817

substitution obligatoire par des génériques et enfin, la remise et le remboursement des coûts des médicaments les moins chers, dans la mesure où ce sont les assureursmaladie reconnus par la Confédération qui supportent les frais. Les mesures revendiquées à l'art. 34bis, al. 3, cst., créent des problèmes en matière de qualité et de sécurité des médicaments et, partant, de sécurité des patients. L'initiative ne peut cependant pas être considérée comme inapplicable pour cette raison.

115

Conséquences de la nouvelle Constitution fédérale du 18 avril 1999

Après l'adoption de la nouvelle Constitution fédérale le 18 avril 1999, l'initiative populaire «pour des médicaments à moindre prix» ne peut plus se référer au numéro d'article (art. 34bis, al. 3) de la constitution fédérale de 1874, mais doit devenir l'art.

117, al. 3, de la nouvelle Constitution fédérale. Sa teneur requiert une adaptation rédactionnelle dans les dispositions transitoires de l'art. 24 (en principe possible dans le cadre des exigences posées au chiffre III de la nouvelle Constitution fédérale). En outre, pour se conformer à la nouvelle Constitution, il faut renoncer aux sous-alinéas et adapter la version allemande en utilisant les expressions «Patientinnen und Patienten» et «Ärztinnen und Ärzte».

2

Partie spéciale

21

But de l'initiative

L'initiative entend instaurer en Suisse des prix de médicaments nettement moins élevés que ce n'est le cas actuellement et, partant, réduire l'ensemble des coûts de la santé en général et les primes des caisses-maladie en particulier. Deux mesures essentiellement doivent permettre d'atteindre cet objectif. D'une part, les médicaments autorisés dans les pays limitrophes que sont la France, l'Italie, l'Allemagne et l'Autriche doivent pouvoir être vendus en Suisse sans autorisation particulière.

D'autre part, il faut obliger les pharmaciens à remettre des génériques en lieu et place des préparations originales (substitution obligatoire).

22

Teneur de l'initiative

221

Reconnaissance des autorisations accordées aux médicaments en Allemagne, en Italie, en France et en Autriche

Aux termes de l'initiative, toutes les préparations originales et tous les génériques autorisés en Allemagne, en France, en Italie ou en Autriche doivent également être admis «sans autorisation particulière» en Suisse. Cela signifie qu'aucune procédure d'admission ne devrait être réengagée en Suisse. Mais comme les pays précités sont, pour leur part, soumis au droit de l'Union européenne (UE), tous les médicaments communautairement admis dans la procédure centralisée de la Commission européenne devraient aussi être mis en circulation en Suisse si l'initiative populaire était acceptée. Il en va de même des médicaments qui sont admis dans un autre Etat membre et sont reconnus en vertu de la procédure communautaire de reconnaissance 6818

mutuelle par l'un des quatre Etats cités dans l'initiative. Il en résulterait que l'initiative ne se limiterait pas aux médicaments en provenance des Etats voisins de la Suisse, mais s'appliquerait à tous les médicaments admis dans l'UE, pour autant qu'ils soient importés de l'un des quatre Etats voisins.

L'initiative est sans effet sur l'obligation d'annoncer qui subsisterait, quand bien même les médicaments importés des quatre pays cités ne feraient plus l'objet d'aucune procédure d'admission particulière en Suisse en cas d'acceptation. Cette obligation d'annoncer serait absolument nécessaire pour des raisons de sécurité et constituerait une condition indispensable à la surveillance du marché.

L'initiative n'a pas d'incidence non plus sur le fait que les entreprises importatrices doivent disposer d'une autorisation appropriée. Cette autorisation garantit que l'importateur remplit les conditions techniques et commerciales permettant d'assurer la sécurité du médicament (les mêmes conditions doivent être remplies par les importateurs de médicaments autorisés en Suisse). La procédure permet aussi à l'autorité suisse de savoir à qui s'en référer dans le cadre de son activité ultérieure de surveillance du marché, en cas de retrait d'un médicament par exemple ou d'obligation de déclarer des effets indésirables. Cette autorisation ne doit pas être confondue avec celle qui concerne le produit. L'initiative n'exige que la reconnaissance des autorisations de médicaments étrangères. Elle ne dit rien des conditions que doivent remplir les personnes qui importent ou commercialisent des médicaments.

L'initiative demande que les médicaments délivrés avec ou sans ordonnance par les médecins, les pharmacies, les hôpitaux, les drogueries et autres commerces puissent «aussi» être commercialisés en Suisse. Cette formulation garantit que les préparations importées en Suisse sont réparties dans la même catégorie, c'est-à-dire avec ou sans ordonnance, que dans le pays exportateur. Un produit distribué en Allemagne sans ordonnance devrait donc aussi être vendu en Suisse sans ordonnance. Mais le terme «aussi» fait également référence aux réseaux de distribution, soit aux lieux où les produits en question peuvent être obtenus. Si, dans le pays exportateur, une préparation est vendue ailleurs qu'en pharmacie, dans un
supermarché par exemple, il en ira de même en Suisse. Il n'est en revanche pas exclu que la notice d'emballage d'un médicament doive être traduite dans les trois langues officielles.

Le champ d'application de l'initiative se réfère aux «médicaments». Le règlement de la CICM1 en vigueur actuellement ne contient pas de définition du terme «médicament». Le message concernant la nouvelle LAth (pas encore publié dans la Feuille fédérale) n'utilise pas non plus cette notion. La législation suisse use toujours de l'expression «produits pharmaceutiques». Selon les explications des auteurs de l'initiative, il ressort cependant que le terme «médicament» doit être entendu dans le même sens que l'expression «produits pharmaceutiques» employée dans la législation suisse2. En conséquence, le champ d'application de l'initiative populaire englobe tous les produits pharmaceutiques, c'est-à-dire les préparations originales et les génériques, ainsi que les préparations que les caisses-maladie sont ou non tenues

1

2

Règlement concernant l'exécution de la convention intercantonale sur le contrôle des médicaments du 25 mai 1972 (Recueil systématique des prescriptions de la CICM/de l'OICM 110.1).

Le renvoi à ces différentes notions n'est important qu'en allemand.

6819

de rembourser. Les stupéfiants en font aussi partie (cf. cependant à ce sujet ch. 222 et 524).

Ne sont en revanche pas compris les organes de transplantation et les produits médicaux (les prothèses, p. ex.) qui n'entrent dans la notion de produits pharmaceutiques ni dans l'UE ni dans la LAth et auxquels l'initiative ne fait pas non plus expressément référence.

Sont également exclues les matières premières qui ne sont pas des produits pharmaceutiques finis, mais des produits dont le processus de fabrication n'est pas terminé.

Les matières en vrac qui doivent encore être enrobées (confectionnées) ­ p. ex., les grandes quantités de tablettes déjà pressées, mais non enrobées ­ ne devraient pas non plus appartenir à la catégorie des médicaments.

N'entrent pas non plus dans le champ d'application le sang et les produits sanguins labiles, car ils ne sont pas soumis à autorisation. Les contrôles de lots effectués par les autorités, à savoir un contrôle de chaque série de production par les autorités qui octroient les autorisations constituent un élément particulier. Ils sont effectués sur les produits sanguins labiles et les produits immunobiologiques (tels que les sérums et les vaccins) pour des motifs de sécurité et font partie du processus d'autorisation.

Au sein de l'UE, ces contrôles sont réalisés par un Etat et reconnus par les autres Etats membres. Si un lot est fabriqué dans un pays à la fois pour l'utilisation à l'intérieur des frontières et pour l'exportation, il doit être autorisé par les autorités concernées. En conséquence, on peut, en Suisse aussi, partir de l'idée que les exigences en matière de sécurité sont remplies. Si, en revanche, le produit n'est fabriqué que pour l'exportation, les autorités de l'Etat concerné ne s'acquittent pas du contrôle de lot et ce sont les autorités suisses qui doivent le faire. En cas d'acceptation de l'initiative, la même préparation peut soit être introduite directement sur le marché, soit requérir d'abord la libération de lot délivrée par les autorités suisses.

L'insertion de l'initiative populaire dans l'art. 34bis de la Constitution, qui réglemente l'assurance-maladie et accidents à l'al. 1 et les dispositions d'affiliation correspondantes à l'al. 2, donne à entendre que l'application du terme «médicaments» n'inclut pas les produits pharmaceutiques vétérinaires, car ceux-ci ne font pas partie du champ d'application de l'article constitutionnel en question.

222

Stupéfiants et substances psychotropes

Les stupéfiants et les substances psychotropes posent un problème particulier.

Comme ils entrent dans la définition des médicaments et doivent bénéficier d'une autorisation en tant qu'agents thérapeutiques prêts à la consommation, ils sont aussi concernés par l'initiative.

La Suisse a ratifié différentes conventions internationales sur les stupéfiants (cf. cidessous ch. 524) et en a repris les directives dans la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes actuellement en vigueur (loi sur les stupéfiants, LStup; RS 812.121). La LStup (art. 5, al. 1) prévoit que toute importation de stupéfiants soumis à un contrôle doit bénéficier d'un permis spécial délivré par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Ce permis spécial requis par la loi sur les stupéfiants pour chaque importation vise à contrôler les échanges de stupéfiants et par là à mettre un frein au marché de la drogue illégal. La délivrance de ce 6820

permis ne s'accompagne pas d'un examen des stupéfiants visant à déterminer si ceux-ci satisfont aux critères de qualité, de sécurité et d'efficacité définis dans la législation sur les agents thérapeutiques. Le permis spécial d'importer des stupéfiants et l'autorisation d'un médicament sont donc deux instruments indépendants l'un de l'autre, relevant d'objectifs différents, dont dispose l'Etat pour exercer une surveillance sur le marché. C'est pourquoi les stupéfiants qui bénéficient déjà d'une autorisation n'ont plus besoin d'une autorisation suisse particulière. Le contrôle des échanges relevant du droit des stupéfiants justifie par contre le maintien d'un permis d'importation spécial pour ces agents thérapeutiques, basé sur la LStup.

223

Obligation de substitution

Le 2e paragraphe du projet d'art. 34bis, al. 3, cst., demande qu'un générique soit remis si le patient n'est pas disposé à payer lui-même la préparation originale correspondante.

Un générique est un médicament dont la substance active, la présentation et le dosage imitent ceux de la préparation originale. Il ne peut être mis sur le marché que lorsque le brevet de la préparation originale est échu. Les génériques sont en règle générale meilleur marché que les préparations originales.

Le 3e paragraphe de l'art. 34bis, al. 3, de la constitution, est encore plus restrictif. Il demande que le produit le moins cher soit remis s'il existe une préparation originale et un générique pris en charge tous deux par les assureurs-maladie. Une préparation originale ne peut donc être remise que s'il n'existe pas de générique correspondant.

Une liste dont la publication incomberait aux assureurs-maladie reconnus par la Confédération servirait de référence.

224

Dispositions transitoires de l'initiative

L'acceptation de l'initiative populaire et l'introduction de l'art. 24 des dispositions transitoires de la constitution fédérale entraîneraient l'abrogation de toutes les dispositions, prévues par la loi et les ordonnances, contraires au nouvel art. 34bis, al. 3, cst.

La loi fédérale du 18 décembre 1970 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (loi sur les épidémies, LEp; RS 818.101), ainsi que la LStup, qui contiennent toutes deux des dispositions sur les produits immunobiologiques et l'utilisation de stupéfiants, seraient concernées par cette disposition transitoire. Le projet de nouvelle loi sur les agents thérapeutiques (LAth) devrait aussi être modifié.

L'art. 24 des dispositions transitoires de la constitution aurait aussi des effets au niveau des cantons. Les dispositions de la convention intercantonale sur le contrôle des médicaments (CICM) et de l'Office intercantonal de contrôle des médicaments (OICM) qui s'appliquent jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les agents thérapeutiques se composent de directives et de règlements que les cantons doivent reprendre dans leur législation selon le concordat. Ceux-ci disposent en effet de législations particulières en matière de médicaments. Le droit fédéral ayant un effet

6821

dérogatoire, l'acceptation de l'initiative populaire rendrait caduques toutes les dispositions cantonales contraires à la nouvelle disposition constitutionnelle, même si l'initiative populaire ne le mentionne pas explicitement.

23

Situation actuelle concernant les procédures d'autorisation

Les médicaments ne peuvent être mis en circulation en Suisse que s'ils sont enregistrés par l'OICM, à l'exception des produits immunobiologiques et des vaccins dont l'enregistrement incombe à l'OFSP. Avant même le début de la procédure d'enregistrement, l'OICM examine si les essais cliniques de médicaments s'effectuent selon les règles de la «bonne pratique des essais cliniques» (good clinical practice) en garantissant ainsi notamment la protection des sujets d'études et des patients. Lors de la procédure d'enregistrement, l'OICM évalue la qualité, l'efficacité et la sécurité du médicament annoncé en se fondant sur la documentation scientifique étendue présentée par le requérant et en procédant lui-même à des analyses en laboratoire (examen témoin). Un médicament dont les examens sont jugés positifs est enregistré et admis pour la distribution en Suisse. La durée moyenne d'enregistrement d'un médicament est actuellement de sept mois. En 1997, le nombre des médicaments destinés à l'usage humain enregistrés auprès de l'OICM s'élevait à 7780. Ces médicaments, vendus sous le nom d'une marque enregistrée, sont disponibles sous différentes formes galéniques, en différents dosages et différentes grandeurs d'emballage. La même année, on comptait 16 869 unités de vente différentes3.

Les médicaments enregistrés ne sont pas tous remboursés par les assureurs-maladie dans l'assurance obligatoire des soins. Les médicaments que les assureurs-maladie doivent prendre en charge et leurs prix figurent sur la liste des spécialités (LS), que l'on appelle aussi «liste positive», de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS). En 1997, la liste des spécialités comprenait 2465 médicaments, soit environ 30 % des médicaments destinés à l'usage humain enregistrés auprès de l'OICM, en 6060 unités d'emballage4, ce qui correspond à près de 36 % du total des unités de vente.

Pour être admis dans la LS, un médicament doit être efficace, adéquat et économique. L'OFAS décide de l'admission ou non d'un médicament dans la LS sur proposition de la Commission fédérale des médicaments (CFM). L'augmentation de la fréquence des séances de cette commission depuis 1998 a permis de réduire de neuf à six mois la durée moyenne de la procédure d'admission d'un médicament dans la LS. L'OICM évalue le rapport risque-utilité en vue de
l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament. L'OFAS, quant à lui, examine le caractère économique d'un médicament en procédant à une analyse du rapport coût-utilité, en vue d'une admission dans la LS. A cette occasion, il doit également tenir compte du prix du médicament à l'étranger.

Le prix suisse des médicaments nouveaux admis dans la LS est souvent inférieur à celui que connaissent les pays industrialisés comparables. Par contre les médicaments figurant sur celle-ci depuis un certain temps sont dans nombre de cas plus

3 4

«Le marché du médicament en Suisse», PharmaInformation, Bâle 1998.

«Le marché du médicament en Suisse», PharmaInformation, Bâle 1998.

6822

chers en Suisse que dans les pays limitrophes. L'ordonnance du 29 septembre 1995 sur les prestations de l'assurance des soins (OPAS; RS 832.112.31), rattachée à la loi sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal; RS 832.10) prévoit un réexamen du prix de ces médicaments. Ainsi, les prix des médicaments inscrits sur la LS depuis plus de quinze ans doivent être comparés avec ceux pratiqués dans trois pays dont le secteur pharmaceutique a des structures économiques comparables. Le cas échéant, ils doivent être réduits. Pour cette comparaison de prix, on se réfère actuellement à l'Allemagne, aux Pays-Bas et au Danemark. Concernant ce réexamen des médicaments inscrits sur la LS depuis plus de quinze ans, on a pu conclure avec l'industrie pharmaceutique, le 1er octobre 1998, un accord sur la réduction du prix de médicaments figurant sur cette liste. Cet accord, entré en vigueur le 1er janvier 1999, permet de réaliser dans l'assurance obligatoire des soins des économies de l'ordre de 200 millions de francs par an. En effet, les prix d'environ 1000 médicaments dont le brevet est arrivé à échéance ont été réduits de 18 % en moyenne par rapport aux prix anciennement en vigueur. Ces diminutions de prix réduisent nettement les différences de prix entre les préparations originales concernées et les génériques correspondants. Par les réductions déjà entrées en vigueur, l'écart de prix est actuellement peu important: ces génériques ne sont en moyenne plus que de 5 à 10 % meilleur marché que les préparations originales.

Les efforts visant à réduire les prix des médicaments pris en charge par les assureurs-maladie ont donc abouti pour les préparations admises depuis quinze ans au moins dans la LS, c'est-à-dire inscrites entre 1955 et 1984. L'art. 37 OPAS prévoit que les prix des médicaments inscrits depuis plus de quinze ans sur la LS doivent continuer à être réexaminés et adaptés au terme de cette période.

24

Conséquences de l'initiative populaire

241

Conséquences de la suppression de la procédure d'autorisation

Aujourd'hui, les médicaments ne peuvent être commercialisés en Suisse qu'après avoir été expertisés et enregistrés par l'OICM ou l'OFSP afin de garantir aux patients leur qualité, leur sécurité et leur efficacité.

Au cours de l'évaluation, l'OICM et l'OFSP doivent aussi déterminer une catégorie de vente pour chaque médicament sur lequel il leur appartient de se prononcer 5. En fonction de sa sécurité d'emploi et de ses indications thérapeutiques, un médicament ne pourra être délivré que sur ordonnance médicale ou il sera destiné à l'automédication. La pratique n'est pas unifiée au niveau international. Cela signifie qu'un même médicament peut être vendu sur ordonnance dans un pays et en automédication dans un autre. L'initiative «pour des médicaments à moindre prix» obligerait d'introduire différents modes de vente pour un même médicament. Cette manière de faire aurait cette conséquence en Suisse: le mode de vente le plus libre s'imposerait pour les différents types de médicaments.

Par ailleurs, lors de l'enregistrement des médicaments soumis à l'OICM, les entreprises doivent également déposer des projets de texte d'information destinés aux

5

Tous les produits immunobiologiques sans exception autorisés par l'OFSP sont délivrés sur ordonnance.

6823

patients (notice d'emballage) et aux professionnels de la santé. Les notices doivent être imprimées dans les trois langues officielles, l'information professionnelle est publiée en français et en allemand dans le Compendium suisse des médicaments.

Une fois commercialisés, les médicaments enregistrés font l'objet d'une surveillance continue sous plusieurs formes.

­

La pharmacovigilance, soit la tenue par l'OICM et l'OFSP d'un registre des effets indésirables des médicaments. La loi oblige les entreprises à annoncer ces effets indésirables.

­

Les révisions, soit les procédures par lesquelles l'OICM réévalue un ou plusieurs médicaments d'un même groupe pour vérifier que leur enregistrement correspond toujours au développement de la science, de la technique et de l'éthique.

­

Les contrôles subséquents, soit la vérification du fait que les médicaments déjà sur le marché respectent les critères de qualité et les conditions générales arrêtés pour leur enregistrement.

­

La libération de lots, soit le contrôle de la qualité auquel l'OFSP et dans quelques cas aussi l'OICM procèdent sur chaque lot de certains médicaments dont la fabrication exige des mesures spéciales pour garantir la sécurité. Ce contrôle est une condition préalable à la commercialisation de ces lots. La mesure touche principalement les produits dérivés du sang ou du plasma humain et les produits immunobiologiques.

Ces quatre mesures permettent d'assurer la sécurité d'utilisation des médicaments.

Lorsque celle-ci est menacée, les offices ont la faculté d'imposer des mesures préventives ou correctrices. En cas de défaut de la qualité, un ou plusieurs lots peuvent être retirés du marché. Si la menace a trait à la sécurité d'utilisation du médicament, les offices peuvent ordonner par exemple la redéfinition de la posologie, l'exclusion de certaines catégories de patients ou l'introduction de mesures de précaution supplémentaires. Dans les cas les plus graves, ils peuvent ordonner le retrait définitif du médicament et radier son enregistrement.

L'initiative «pour des médicaments à moindre prix» prévoit que les médicaments vendus en France, en Italie, en Allemagne et en Autriche pourront être distribués en Suisse sans autorisation particulière.

Cela peut avoir de graves conséquences si des problèmes de qualité ou des effets secondaires indésirables sont signalés dans le pays d'origine. En effet, l'OICM et l'OFSP n'en seront pas toujours informés, même si des accords ont été conclus à ce sujet. En d'autres termes, il pourra être difficile pour la Suisse de prendre des mesures d'urgence.

C'est pourquoi, en cas d'acceptation de l'initiative, il faudrait exiger que tous les lots de produits importés en Suisse sans autorisation fassent l'objet d'une déclaration auprès des autorités, pour que celles-ci puissent prendre des mesures le cas échéant. Les indications figurant sur les emballages, ainsi que sur les notices jointes devraient en outre être traduites en trois langues. Le respect de ces dispositions ne pourrait toutefois être contrôlé qu'après coup et pas systématiquement. Le libellé de l'initiative interdirait d'imposer des conditions spécifiques, des mises en garde particulières par exemple, si le pays de provenance du produit ne l'exige pas.

6824

242

Substitution des génériques

L'introduction de l'obligation de substitution porterait atteinte à la liberté de choix de la thérapie et de prescription des médicaments dont jouissent actuellement les médecins. Une ordonnance médicale indique la préparation au moyen de laquelle un médecin entend soigner son patient, avec mention d'une marque, d'un dosage et d'un emballage. Les médecins décident ainsi s'il convient de remettre une préparation originale ou un générique. Si l'initiative est acceptée, les préparations originales prescrites par les médecins ne pourront être remboursées par les assureurs-maladie que si aucun générique correspondant n'est disponible sur le marché. Même lorsque cela ne serait pas le cas, la pharmacie ne pourrait pas remettre systématiquement la préparation originale (ou le générique prescrit par le médecin). Elle devrait d'abord s'assurer que cette préparation est aussi financièrement la plus avantageuse selon la liste des assureurs-maladie. La décision des pharmaciens et la liste mentionnée acquerraient ainsi un poids important en matière de choix thérapeutique. Elles influenceraient aussi sur les rapports entre médecins et patients.

243

Conséquences économiques

L'acceptation de l'initiative populaire «pour des médicaments à moindre prix» contraindrait la Suisse à reconnaître unilatéralement les autorisations des Etats voisins. Les fabricants hésiteraient avant d'entreprendre les démarches nécessaires à l'enregistrement d'un médicament en Suisse, car ces démarches sont onéreuses et prennent du temps. Ils pourraient faire homologuer leurs produits dans un pays voisin et disposer du même coup d'une autorisation de vente en Suisse. A l'inverse, un enregistrement en Suisse ne serait reconnu dans aucun des pays voisins. Le fabricant dont le produit a déjà été autorisé en Suisse doit répéter sa démarche dans les pays voisins, ce qui n'est pas le cas pour ses concurrents étrangers. Les fabricants étrangers acquerraient un accès pratiquement libre au marché suisse des médicaments, alors qu'un droit équivalent serait dénié à l'industrie pharmaceutique suisse.

La suppression des barrières aux importations provenant des quatre pays voisins de l'Union européenne porterait atteinte à un autre privilège dont bénéficient les entreprises suisses. En 1998, les exportations suisses de médicaments se montaient à 18,4 milliards de francs, ce qui constituait 16 % environ du total des exportations suisses.

60 % environ des exportations suisses de produits pharmaceutiques est destiné aux pays de l'Union européenne, ce qui représente un volume d'exportations de 10 milliards de francs environ. Après la conclusion des négociations bilatérales avec l'Union européenne, la Suisse a tout intérêt à entreprendre des négociations en vue d'une reconnaissance réciproque des autorisations. Elle a aussi intérêt a être intégrée dans les procédures d'enregistrement centralisée et décentralisée de l'Union européenne. La position de la Suisse serait gravement affaiblie si elle devait unilatéralement faire des concessions préalables.

L'acceptation de l'initiative entraînerait aussi une perte de savoir-faire en matière d'octroi d'autorisations. Les autorités suisses étant contraintes de reconnaître unilatéralement les autorisations des pays voisins, une acceptation de l'initiative entraînerait selon toute probabilité une modification des comportements: de nombreux médicaments seraient introduits sur le marché suisse après avoir été enregistrés dans l'un de nos pays voisins. Cela permettrait en effet à l'industrie pharmaceutique de faire l'économie de la procédure d'enregistrement à laquelle elle aurait dû normale6825

ment se soumettre pour être présente sur le marché suisse. Les médicaments indigènes qui ne sont pas exportés seraient pratiquement les seuls à nécessiter une autorisation suisse.

Du fait de cette perte de savoir-faire des autorités suisses, les Etats étrangers qui ne délivrent pas eux-mêmes d'autorisation et acceptaient jusqu'ici spontanément les autorisations suisses pourraient changer de manière de faire. Ce changement aurait des conséquences négatives supplémentaires pour les Suisses qui exportent des médicaments dans ces pays. Ceux-ci devraient demander une autorisation à un troisième Etat. Cette autorisation devrait être reconnue à son tour par les Etats étrangers concernés qui ne délivrent pas eux-mêmes d'autorisation. 10 % des exportations pharmaceutiques suisses seraient affectés par le changement.

L'acceptation de l'initiative entraînerait également une augmentation des bénéfices des intermédiaires faisant commerce de médicaments figurant sur la LS. Celle-ci mentionne actuellement des prix maximaux. Il est possible de vendre les médicaments à des prix inférieurs, mais en pratique ce sont les prix inscrits sur la liste des spécialités qui sont facturés aux assureurs-maladie dans la majeure partie des cas.

L'acceptation de l'initiative n'y changerait probablement rien.

25

Appréciation de l'initiative

251

Reconnaissance unilatérale des autorisations de médicaments allemandes, italiennes, françaises et autrichiennes

Le Conseil fédéral a le même objectif que les auteurs de l'initiative: adapter les prix des médicaments en Suisse aux prix européens. Comme le ch. 23 l'a montré, ce sont tout particulièrement les prix des médicaments plus anciens, pris en charge par l'assurance-maladie sociale, qui doivent subir ce genre d'adaptation. En ce qui concerne ces médicaments, des mesures du même ordre sont prévues à l'art. 37 OPAS. Une baisse de prix ne saurait toutefois s'accompagner d'une atteinte à la sécurité des médicaments et par là en fin de compte à la sécurité des patients.

Celui qui aujourd'hui soumet un médicament à une procédure d'autorisation doit prouver que la qualité de ce médicament est élevée et qu'il est sûr et efficace.

En Suisse comme dans l'UE, les personnes chargées de l'octroi des autorisations sont soumises au secret de fonction. Il leur est interdit de transmettre des documents dont elles ont eu connaissance dans le cadre de la procédure d'autorisation. En raison de ce devoir de réserve, si un médicament est enregistré dans un autre pays et que la procédure n'est pas répétée en Suisse, l'autorité suisse chargée de délivrer les autorisations se trouve privée des informations fournies sur les médicaments. Elle ne peut pas non plus se procurer ces données par la voie de l'assistance administrative entre Etats. Ainsi les dangers liés à la préparation ne sont pas forcément toujours connus en Suisse.

L'autorité suisse de contrôle ne peut pas davantage exercer d'influence sur la forme de vente autorisée pour chaque médicament. De plus, les catégories de vente en vigueur diffèrent selon les Etats membres de l'UE. Dans les pharmacies suisses, ce problème pourrait dès lors se poser: pouvoir obtenir un même médicament non autorisé en Suisse d'une part à un prix donné et sans ordonnance s'il provient

6826

d'Allemagne, et d'autre part à un autre prix et seulement avec ordonnance s'il provient d'Italie.

En lien avec l'obligation de délivrer le médicament (importé) dont le prix est le plus avantageux, il faut enfin évoquer les différences de procédés de confections et de tailles d'emballages qui peuvent exister entre les pays. Les dosages proposés sur le marché varient aussi souvent selon les Etats. La variété des conditionnements, les différentes tailles d'emballages, la diversité des pourcentages de substance active et des dosages, mais aussi les différences de coloration des médicaments entraînent un accroissement du risque de voir un patient absorber un médicament erroné ou une dose inappropriée d'un bon médicament.

Ces atteintes à la sécurité des patients sont des arguments importants aux yeux du Conseil fédéral. C'est pourquoi celui-ci ne peut reconnaître les autorisations accordées unilatéralement par les quatre pays voisins.

252

Atteinte à la liberté thérapeutique par l'obligation de substitution

L'obligation de substitution proposée par l'initiative part elle aussi d'une approche correcte en soi.

A la différence de ce qui se passe dans d'autres pays, le potentiel d'économies réalisables grâce aux génériques n'est de loin pas épuisé en Suisse. Sur le marché suisse des médicaments, la part de marché des génériques se montait à environ 3 % en 1997. Les fabricants de génériques estiment que ce chiffre pourrait être multiplié par cinq. C'est la raison pour laquelle la requête des auteurs de l'initiative ­ élaborer un nouveau règlement de remise des génériques en lieu et place des préparations originales, dans le but de réaliser des économies sur les médicaments ­ est certainement justifiée. Il est aussi vrai qu'actuellement les médecins n'ont pas tendance à prescrire davantage de génériques. De par leur formation, dans leur pratique quotidienne, les médecins qui ne remettent pas eux-mêmes des médicaments connaissent surtout les effets et les éventuels effets secondaires des préparations originales.

L'ordre rigide des marges de Sanphar (jusqu'en 1997: Réglementation), prévoit des marges fixes, dégressives vers le haut pour le commerce de gros et de détail. Il n'existe pas de système incitatif, prévoyant comme en Hollande que la remise de génériques donne droit à une compensation financière. Ces dispositions ne sont pas sans conséquences. Il est difficile de nier que les médecins propharmaciens comme les pharmaciens ont plutôt tendance à recourir aux préparations originales onéreuses qu'aux génériques meilleur marché. Une enquête menée en 1998 auprès de 9230 médecins et pharmaciens a montré que des génériques n'étaient prescrits qu'«assez souvent».

L'acceptation de l'initiative contraindrait les pharmaciens à remettre systématiquement le générique au lieu de la préparation originale prescrite, et cela sans l'aval des médecins auteurs des ordonnances. Cette substitution obligatoire peut affecter ou même faire échouer une thérapie médicamenteuse spécialement adaptée à un patient.

L'obligation de substitution empêcherait de tenir compte de la situation psychologique et émotionnelle des patients (insécurité liée à la nécessité de modifier ses habitudes de prise des médicaments, remise en cause de la tolérance au médicament existant jusque là, insécurité en matière d'effets secondaires). Pour résumer, il ne

6827

serait plus possible de remettre systématiquement aux patients les préparations les plus efficaces requises pour le traitement de leurs affections, au prix le plus avantageux6.

L'obligation de substitution demandée porterait atteinte au principe de la liberté de thérapie des médecins. Une grande importance a été reconnue jusqu'ici à ce principe, qui implique aussi le choix des médicaments inscrits sur la LS et susceptibles d'être utilisés dans un traitement.

L'obligation faite au médecin de prescrire ou de remettre la préparation la plus avantageuse inscrite sur la LS et, conjointement, l'obligation faite aux pharmaciens de remettre cette préparation ont déjà été débattues par les Chambres lors de l'élaboration de la LAMal. Les nouvelles dispositions légales n'ont pas remis en cause la liberté de thérapie et de prescription des médecins, et par conséquent le droit en vigueur applicable aux médecins. Le Parlement voulait toutefois encourager la remise de génériques. C'est pourquoi, dans l'art. 52, al. 1, let. b, LAMal, une disposition a été expressément introduite, prévoyant que la LS doit également contenir les noms des génériques meilleur marché qui peuvent remplacer les préparations originales. Cette disposition a été mise en pratique dans la partie II de la LS, intitulée «Liste des génériques (LG)».

253

Résumé de l'appréciation

Le Conseil fédéral approuve dans une large mesure l'initiative qui vise à réduire le prix des médicaments. Il juge toutefois inappropriées les mesures proposées, dont l'impact dépasse de loin l'objectif fixé, ce qui comporte des inconvénients graves.

C'est la raison pour laquelle il rejette l'initiative. Le Conseil fédéral a cependant repris des éléments importants de l'initiative populaire dans son message du 21 septembre 1998 sur l'arrêté fédéral sur les subsides fédéraux dans l'assurancemaladie et la révision partielle de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (FF 1999 727) et dans son message du 1er mars 1999 sur une nouvelle loi sur les agents thérapeutiques (LAth) (pas encore publié dans la Feuille fédérale).

3

Révision partielle de la LAMal et nouvelle LAth comme contre-proposition indirecte

31

Révision partielle de la LAMal

Le message déjà mentionné du Conseil fédéral concernant la révision partielle de la LAMal contient un nouvel art. 52a LAMal qui prévoit non pas une obligation de substitution, mais bien un droit de substitution (FF 1999 727). Le droit actuel ne permet pas aux pharmaciens de s'écarter des prescriptions établies par les médecins.

Selon le droit de substitution qui est désormais prévu, les médecins prescrivant un médicament laissent aux pharmaciens le soin de remettre aux patients le médicament générique le mieux indiqué, compte tenu de différents facteurs tels que le prix, la compliance, le confort de la personne, les dosages disponibles, les formes galéni-

6

Cf. à ce sujet l'article de l'OICM «Exigences concernant la documentation pour les génériques», Bulletin de l'Office fédéral de la santé publique, 1998, no 9, p 16­17.

6828

ques ou la qualité de la documentation. Une pharmacie n'est tenue de s'en tenir strictement à la prescription que dans les cas où la remise de la préparation originale est expressément demandée par l'ordonnance médicale.

Un nouveau système de rémunération pour l'ensemble des personnes qui exercent la profession de pharmacien devra en outre compléter les nouvelles dispositions légales. Ce système, applicable aux pharmaciens et aux médecins fournissant euxmêmes des médicaments, devra dépendre des prestations et remplacer l'actuel ordre des marges de l'association de droit privé Sanphar. On s'écartera donc des règles en vigueur pour le calcul du prix public des médicaments de la LS. Ces règles prévoient actuellement une marge fixe pour les pharmaciens et les médecins fournissant euxmêmes des médicaments, marge en pour-cent et dégressive vers le haut, mais dont le caractère d'accord cartellaire pourrait être mis en cause au nom du droit de la concurrence. Le système de rémunération en fonction des prestations n'inciterait plus financièrement ceux qui sont habilités à remettre des médicaments à fournir la préparation originale plus chère à la place du médicament générique meilleur marché.

Les travaux visant à concrétiser ce système de rémunération liée aux prestations sont en cours.

32

Elaboration d'une loi fédérale sur les agents thérapeutiques (LAth)

321

Message concernant une LAth fédérale

Le Conseil fédéral a adopté le 1er mars 1999 le message concernant une nouvelle loi sur les agents thérapeutiques (pas encore publié dans la Feuille fédérale). Le transfert à la Confédération de certaines compétences dont jouissaient jusqu'ici les cantons constitue une modification fondamentale prévue par la LAth. Il s'agira de créer un nouvel organe fédéral, l'Institut suisse des agents thérapeutiques (ISAth), qui sera compétent dans tous les domaines ayant des implications internationales ou dépassant les limites cantonales. Le Conseil fédéral propose également une réglementation nationale uniforme de l'importation des médicaments. Un régime d'autorisations pour les importateurs permet d'avoir une vue d'ensemble des personnes qui importent des médicaments. Cette réglementation revêt une importance particulière en cas de rappel de médicaments.

322

Simplification de la procédure d'autorisation de mise sur le marché des médicaments étrangers

Le projet de LAth prévoit à l'art. 14 de simplifier la procédure d'autorisation de mise sur le marché de certaines catégories de médicaments, à condition que les exigences suisses en matière de qualité, de sécurité et d'efficacité, ainsi que les engagements internationaux de la Suisse soient respectés. Les règles de la concurrence et celles du droit immatériel sont réservées elles aussi.

Lors de la procédure d'autorisation de médicaments ou de procédés déjà autorisés dans un autre pays disposant d'un contrôle des médicaments comparable, l'ISAth devra en outre prendre en considération les résultats d'examens effectués dans ce pays. Cette possibilité permettra de simplifier considérablement la procédure et de réduire la charge incombant au requérant. Celui-ci ne devra plus procéder à de 6829

nouveaux essais en Suisse. Les coûts globaux liés à la procédure d'autorisation s'en trouveront ainsi allégés, ce qui se répercutera favorablement sur son coût.

Le projet de LAth prévoit aussi qu'une autorisation de l'ISAth n'est pas nécessaire lorsque le Conseil fédéral a conclu des accords internationaux sur la reconnaissance réciproque de certaines autorisations. Les art. 14 et 15 de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les entraves techniques au commerce (LETC; RS 946.51) reconnaissent déjà au Conseil fédéral la compétence générale de négocier ce genre d'accords et d'édicter les dispositions d'exécution nécessaires. Lorsque la loi aura été adoptée, cette compétence pourra aussi être utilisée automatiquement lorsqu'il s'agit de médicaments.

323

Possibilité d'importations parallèles

Les importations parallèles visent à proposer aux consommateurs suisses des médicaments étrangers meilleur marché. En cas d'importation parallèle, la préparation importée est autorisée tant en Suisse que dans le pays exportateur.

A l'heure actuelle, la possibilité d'importations parallèles existe exclusivement au sein de l'UE. Le marché intérieur européen crée les conditions d'importations parallèles. L'incitation à l'importation parallèle entre les différents Etats membres de l'UE provient notamment du fait que ceux-ci fixent des prix différents pour les médicaments remboursés par les assurances sociales. En autorisant les importations parallèles, un Etat étend donc à son territoire la politique des prix pratiquée par un autre Etat dans le domaine des assurances sociales. L'espace européen ne connaît pas de liberté d'importation parallèle, cette dernière étant soumise au contrôle des Etats membres. Dans tous les autres pays, notamment aux Etats-Unis, les importations parallèles ne sont pas possibles, voire expressément interdites.

La Suisse a interdit jusqu'à présent les importations parallèles pour des raisons de responsabilité en matière de police sanitaire en invoquant le principe «une préparation ­ un diffuseur». Un certain assouplissement de cette interdiction semble justifié.

L'importation parallèle doit cependant s'inscrire dans un cadre légal clairement défini afin de garantir la sécurité des médicaments et la protection des patients. La LAth (art. 14) doit donc prévoir la possibilité d'autoriser des importations parallèles dans le contexte d'une procédure simplifiée d'autorisation de mise sur le marché.

L'importateur doit cependant prouver que le médicament concerné est autorisé tant en Suisse que dans un pays connaissant un contrôle équivalent des médicaments, que les deux sont identiques et que les dispositions en matière de sécurité et de qualité valables en Suisse (notice d'emballage dans les trois langues officielles p.

ex.) sont respectées.

6830

4

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

41

Conséquences financières

411

Conséquences financières pour la Confédération

L'importance des répercussions financières en cas d'acceptation de l'initiative populaire dépend essentiellement de la réponse qui sera donnée à la question suivante: le contrôle des médicaments en Suisse au moment de la mise en pratique de l'initiative sera-t-il une tâche de la Confédération ou continuera-t-il à relever dans une large mesure de la compétence des cantons?

L'ISAth prévu par la nouvelle LAth devra principalement être financé par les émoluments perçus pour l'autorisation des médicaments. Or, si ces procédures d'autorisation sont partiellement supprimées, il faudra cependant continuer à exercer le même contrôle sur le marché et garantir la qualité des médicaments, ce qui occasionnera des coûts supplémentaires à la charge de l'ISAth. Partant de l'idée que la modification de la constitution stipulée par l'initiative entrerait en vigueur après la nouvelle LAth, la Confédération en tant que support juridique de l'ISAth devrait assumer des coûts supplémentaires se situant dans une fourchette allant de 5 à 10 millions de francs.

412

Conséquences financières pour les cantons

Si la nouvelle LAth entrait en vigueur après la nouvelle disposition constitutionnelle, les répercussions financières sur les cantons seraient les suivantes. Aujourd'hui, 45 % (11 millions de francs) des ressources de l'OICM proviennent d'une taxe perçue sur des vignettes apposées sur les emballages des médicaments enregistrés auprès de l'OICM. Il y aura lieu de créer de nouvelles vignettes pour les importations sans enregistrement préalable. Ici aussi, le respect de l'obligation d'apposer une vignette ne pourra être vérifié qu'a posteriori par le contrôle du marché.

L'importance des revenus que pourra en tirer l'OICM dépendra donc pour beaucoup de la manière dont les entreprises rempliront leurs obligations.

Une part de 20 % (5 millions de francs) des ressources de l'OICM est constituée par les taxes perçues pour l'enregistrement des nouveaux médicaments. L'initiative rendant inutile l'enregistrement en Suisse pour les médicaments importés, il faut s'attendre également à une baisse de cette ressource.

Il est difficile de chiffrer en pour-cent ou en chiffres absolus les baisses de revenus dont aurait à souffrir l'OICM, puisque cette baisse dépendra des choix des partenaires du marché, c'est-à-dire de la réponse à la question suivante: les entreprises sontelles disposées à faire enregistrer leurs médicaments ou à remplir leurs obligations légales? On peut toutefois penser que la réduction sera très importante si l'on se souvient que 67 % des médicaments vendus en Suisse sont importés7.

A l'opposé, les dépenses de l'OICM vont augmenter. En effet le contrôle préventif que représente l'enregistrement devra faire place à un contrôle répressif accru si l'on veut garantir la sécurité des médicaments. Il en résultera des dépenses supplémentaires pour une infrastructure adaptée aux nouveaux besoins de l'autorité de contrôle.

7

«Le marché du médicament en Suisse», PharmaInformation, Bâle 1998.

6831

La Confédération ne subventionne pas l'OICM, alors que les cantons participent pour 20 % (5 millions de francs) à son fonctionnement. Si les ressources propres de l'OICM (taxe de vignette, taxe d'enregistrement) diminuent, les cantons devront augmenter au moins d'autant leur contribution.

413

Conséquences financières pour l'assurance-maladie

L'admission de médicaments sans autorisation réclamée par les auteurs de l'initiative vise à obtenir que le prix des médicaments en Suisse s'ajuste à celui pratiqué dans les quatre pays limitrophes et entraîner ainsi une baisse du niveau des prix des médicaments dans notre pays. Un certain alignement à la baisse du niveau des prix des médicaments en Suisse sur celui des prix des médicaments dans ces Etats voisins est pensable. Il ne faut cependant pas oublier que si les prix à l'importation baissent, du fait des tailles du marché suisse des médicaments et du marché particulier de chaque médicament, les effets financiers visés ne se feront pas pleinement sentir. En ce qui concerne la substitution de génériques, le montant des économies pourrait aller jusqu'à un milliard de francs selon certaines estimations. Mais même si la part des génériques dans la part des médicaments vendus sur le marché devait quintupler, et donc correspondre à une part de marché de 15 %, l'estimation est probablement excessive. En 1997, la part des médicaments dans les coûts totaux de la santé ­ 38 milliards de francs8 ­ était de 11,2 %, ce qui représente 4,2 milliards de francs environ. La même année, la part des médicaments dans les coûts de l'assurance obligatoire des soins ­ 13,1 milliards de francs ­ se montait à 18,9 %, soit à 2,4 milliards de francs environ. La substitution de génériques aux préparations originales permet sans aucun doute de réaliser des économies, mais, compte tenu des ordres de grandeur indiqués, celles-ci devraient se situer plutôt dans une fourchette allant de 100 à 250 millions de francs, ce qui correspond à environ 1 à 2 % au maximum des primes de l'assurance obligatoire des soins. Il faut en outre souligner que l'initiative ne garantit pas que les éventuelles réductions de prix seront répercutées sur les consommateurs et n'entraîneront pas uniquement un accroissement des bénéfices des intermédiaires.

42

Effets sur l'état du personnel

421

Effets sur l'état du personnel de la Confédération

Les effets sur l'état du personnel de la Confédération dépendront essentiellement du régime qui sera appliqué en matière de contrôle des médicaments en Suisse au moment de la mise en pratique de l'initiative, selon que cette tâche relèvera uniquement de la compétence de la Confédération ou que les responsabilités seront partagées entre la Confédération et les cantons, comme cela est le cas actuellement.

8

Augmentation des coûts estimée à 3 % par rapport à l'année précédente.

6832

422

Effets sur l'état du personnel des cantons

Si l'initiative populaire est acceptée, il faut s'attendre de toute manière à une baisse du nombre d'autorisations suisses. En compensation, le contrôle du marché doit être renforcé afin de continuer à garantir la sécurité, l'efficacité et la qualité des médicaments. Le recul du nombre de contrôles précédant les autorisations par l'OICM et l'OFSP ou par le nouvel ISAth, et l'absence de contrôles à la douane augmentent la probabilité de fraudes et de l'importation en Suisse de médicaments de qualité insuffisante et pouvant affecter la santé.

De ce fait, les pharmaciens cantonaux devront prendre unilatéralement un plus grand nombre de mesures de contrôle concernant la remise de médicaments, et l'OICM et l'OFSP, voire l'ISAth devront renforcer le contrôle du marché. Il s'agira en premier lieu de multiplier les contrôles analytiques pour vérifier la qualité effective des médicaments; ces contrôles seront d'ailleurs plus ardus en l'absence de documentation de référence contenant les spécifications analytiques des médicaments contrôlés. De plus, il s'agira d'augmenter l'effectif du personnel chargé de la pharmacovigilance, les risques majeurs d'effets secondaires, d'accidents se multipliant en raison de la diversité des médicaments et des emballages disponibles pour chacun d'entre eux. Le besoin de personnel pour le contrôle renforcé du marché pourra être couvert en tout ou en partie par la réduction des effectifs dans le domaine de l'enregistrement puisqu'on peut prévoir une diminution du nombre de demandes d'autorisation.

Il est difficile de chiffrer avec précision les besoins supplémentaires en personnel de l'OICM et de l'OFSP, et ceux de l'ISAth. Il est cependant certain que l'effectif du personnel scientifique et médical restera stable ou s'accroîtra légèrement. Il ne s'agira plus de contrôler les quelque 7000 médicaments actuellement enregistrés à l'OICM, mais plusieurs dizaines de milliers: ne serait-ce qu'en Allemagne, plus de 50 000 médicaments susceptibles de faire leur entrée sur le marché suisse sont enregistrés.

5

Relation avec le droit européen et les accords internationaux

51

Prescriptions de l'UE

511

Autorisation de mise sur le marché

L'Union européenne (UE) connaît plusieurs procédures d'autorisation qui visent l'harmonisation du marché des médicaments.

La procédure dite centralisée est prescrite pour les préparations pharmaceutiques fabriquées selon certains procédés biotechnologiques. Cette procédure peut être exigée facultativement pour d'autres médicaments fabriqués selon des procédés biotechnologiques et pour ceux dont les formes galéniques, les indications ou les principes actifs innovent. L'autorisation délivrée pour un médicament selon la procédure centralisée est valable pour tous les Etats membres de la Communauté européenne.

Dans la «procédure décentralisée», l'autorisation continue à être délivrée par une autorité nationale. Les autorisations de mise sur le marché dans les autres Etats membres de l'UE ne sont plus délivrées en principe que sur la base de la reconnais6833

sance mutuelle entre les Etats membres. L'accès au marché communautaire s'ouvre donc par la voie de la reconnaissance mutuelle.

Le recours à une procédure d'autorisation exclusivement nationale ne se fait plus que pour les médicaments dont la commercialisation se limite à un seul Etat de l'Union.

Les importations parallèles sont possibles au sein de l'UE. L'UE exige de l'importateur parallèle qu'il réponde à un certain nombre d'exigences définies dans une communication de la Commission9. L'importateur doit déposer auprès de l'autorité d'enregistrement des médicaments du pays importateur les documents permettant d'établir l'identité de l'importation avec le médicament original ainsi que sa qualité. Il doit également fournir dans chaque emballage une notice dans les langues nationales du pays d'importation.

L'admission unilatérale sans autorisation réclamée compromettrait les chances de la Suisse de collaborer à l'EU Agency for the Evaluation of Medicinal Products (EMEA). La Suisse s'intéressait à des négociations avec l'UE sur la reconnaissance réciproque des autorisations. Elle souhaitait aussi être partie prenante aux processus européens centralisé et décentralisé d'autorisation. L'acceptation de l'initiative réduirait à néant ces espoirs.

512

Substitution des génériques

Le droit communautaire ne contient aucune disposition au sujet du droit de substitution des pharmaciens.

52

Compatibilité de l'initiative avec les accords internationaux

521

Compatibilité du texte de l'initiative avec les dispositions de l'OMC (GATT 1994)

L'initiative est difficilement compatible avec les conventions internationales que la Suisse a signées. Selon les dispositions de l'OMC (GATT 1994), les avantages commerciaux qu'un Etat accorde à un autre Etat (clause de la nation la plus favorisée) doivent être accordés à tous les autres membres de l'OMC. L'admission automatique des médicaments en provenance des Etats voisins de la Suisse constituerait sans aucun doute un avantage commercial de ce genre. Cet aspect est sans incidence sur le caractère réalisable de l'initiative, mais signifie que l'admission automatique sur le marché suisse des médicaments ne pourrait pas se limiter aux médicaments en provenance de France, d'Italie, d'Allemagne et d'Autriche. Pour ne pas porter manifestement atteinte à la clause de la nation la plus favorisée de l'OMC, il faudrait élargir l'admission automatique à tous les membres de l'OMC disposant d'une procédure d'autorisation des médicaments comparable à celle qui existe en Suisse.

9

Communication de la Commission sur les importations parallèles de spécialités pharmaceutiques dont la mise sur le marché a déjà été autorisée (JO no C 115 du 6. 5. 82) et Mitteilung der Kommission über die gemeinschaftlichen Zulassungsverfahren für Arzneimittel (Abl. 98/C229/03)

6834

522

Compatibilité du texte de l'initiative avec l'Accord sur les ADPIC

L'initiative a des implications juridiques en matière de propriété intellectuelle dans plusieurs domaines, en particulier la protection du premier requérant telle qu'elle est prévue dans l'Accord sur les ADPIC. Il s'agit, par la protection du premier requérant, d'assurer une protection contre l'utilisation déloyale des données confidentielles que le premier requérant doit produire pour la procédure d'autorisation et dont l'établissement a souvent demandé un effort considérable. En d'autres termes, le deuxième requérant n'est en droit de fonder sa requête sur ces données que moyennant l'accord du premier requérant ou, selon le produit, après échéance d'un certain délai. En droit suisse, lors d'une procédure d'enregistrement d'un générique, le délai pendant lequel l'autorité ne peut pas permettre l'autorisation des données fournies par le premier requérant est de dix ans à compter de la date à laquelle la préparation originale (celle du premier requérant) a été autorisée10. La protection du premier requérant selon le droit suisse pourrait être contournée au cas où l'étendue ou la durée de la protection de la préparation originale n'est pas la même qu'en Suisse.

C'est le cas lorsque les conditions d'admission d'un générique à l'étranger ne sont pas les mêmes que celles qui prévalent pour son admission en Suisse. Une admission sans autorisation des génériques étrangers permettrait ainsi en pratique de contourner la protection du premier requérant selon le droit suisse. Cela s'applique également aux cas où la préparation originale est encore protégée par un brevet en Suisse alors qu'elle ne l'est plus à l'étranger.

Il n'est pas impossible par ailleurs que l'obligation de remettre un générique en lieu et place d'une préparation originale porteuse de la marque contrevienne à l'art. 20 de l'Accord sur les ADPIC11. L'initiative n'interdit pas, il est vrai, l'usage d'une marque pour les produits originaux. Elle prévoit en effet que le malade peut avoir accès à ces derniers s'il les paie lui-même. Mais dans la pratique, il acceptera le médicament générique afin de pouvoir être remboursé par les assureurs-maladie.

L'obligation de remettre un médicament générique pourra dès lors avoir comme effets: (1) de faire oublier ou ignorer le produit original, (2) d'empêcher de facto le titulaire de la marque du
produit original d'utiliser sa marque dans les transactions commerciales (il n'y a plus d'intérêt pour le titulaire à utiliser sa marque si on dissuade le malade d'acheter son produit) et (3) de l'exclure de facto du marché. Si l'initiative est acceptée, on aurait des «prescriptions spéciales» qui «entraveraient» l'usage de la marque du produit original. Quoi qu'il en soit, il faudrait encore prou-

10

11

Si de nouvelles indications, de nouvelles formes d'application, de nouvelles formes galéniques ou de nouveaux dosages ont été autorisés pour la préparation originale, le second requérant peut fonder sa demande sur les résultats de la procédure d'examen cinq ans après l'enregistrement. Dans des cas particuliers, l'OICM peut réduire ce délai d'une manière appropriée (cf. art. 10, al. 3, CICM, selon le texte revu du 14. 5. 98).

«L'usage d'une marque de fabrique ou de commerce au cours d'opérations commerciales ne sera pas entravé de manière injustifiable par des prescriptions spéciales, telles que l'usage simultané d'une autre marque, l'usage sous une forme spéciale, ou l'usage simultané d'une manière qui nuise à la capacité de distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises. Cela n'exclura pas une prescription exigeant l'usage de la marque identifiant l'entreprise qui produit les produits ou les services conjointement, mais sans établir de lien entre les deux, avec la marque distinguant les produits ou les services spécifiques en question de cette entreprise» (art. 20, Accord sur les ADPIC).

6835

ver que cette utilisation a un caractère «injustifiable». Il y a déjà d'autres moyens de régler le problème des prix des médicaments. Même si la décision finale revient à un groupe d'experts de l'OMC, le fait qu'un membre de l'OMC puisse invoquer l'art.

20 de l'accord sur les ADPIC contre la Suisse est préoccupant.

Dans le cas où un membre de l'OMC se plaignait d'une violation de la part de la Suisse de l'une de ces dispositions de l'OMC (Accord sur les ADPIC), un groupe d'experts dit groupe spécial devrait, en s'appuyant sur le Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (annexe 2 de l'Accord sur les ADPIC), examiner si les dispositions de l'OMC ont été violées. Le cas échéant, un délai serait accordé à la Suisse afin qu'elle adapte sa législation. Si la Suisse s'abstenait de le faire, sur demande de l'un des membres de l'OMC en faveur duquel un groupe spécial se serait préalablement prononcé, l'organe de l'OMC chargé du règlement des conflits pourrait approuver des mesures de rétorsion à l'encontre de la Suisse.

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Accord de libre-échange avec la CE (ALE)

La mesure prévue par l'initiative portant sur la reconnaissance unilatérale des autorisations de médicaments des quatre pays limitrophes serait contraire à un principe de base de l'ALE, à savoir la non-discrimination. L'avantage qui serait octroyé aux opérateurs des pays concernés ne pourrait être limité à ces quatre seuls pays, l'ALE impliquant que toute «préférence» accordée par la Suisse à la CE doit l'être à l'ensemble du territoire de cette dernière. Les mesures envisagées, que ce soit la reconnaissance unilatérale des autorisations ou la substitution obligatoire des génériques, doivent en outre être analysées à la lumière des dispositions de l'art. 13 de l'ALE, qui interdit, entre autres, toute mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative dans les échanges entre les parties. Les mesures proposées par l'initiative seraient en effet susceptibles de déployer des effets sur la structure des importations et, partant, de tomber sous le champ d'application de cette disposition.

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Compatibilité de l'initiative avec les conventions internationales sur les stupéfiants

Parce qu'en tant qu'agents thérapeutiques prêts à l'emploi ils requièrent une autorisation, les stupéfiants et les substances psychotropes sont concernés par l'initiative populaire (cf. ch. 222). La Suisse a ratifié la Convention unique sur les stupéfiants de 196112, la Convention du 21 février 1971 sur les substances psychotropes13 et le Protocole du 25 mars 1972 portant amendement de la Convention unique sur les stupéfiants de 196114. La Suisse n'a pas encore ratifié la Convention de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes15. Selon le système de contrôle institué par ces conventions, le commerçant du pays d'exportation ne peut obtenir une autorisation d'exportation de l'autorité compétente que s'il peut présen-

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RS 0.812.121.0; RO 1970 802 RS 0.812.121.02; RO 1996 1752 RS 0.812.121.01; RO 1996 1941 Message du 29 novembre 1995; FF 1996 557

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ter à cette dernière une autorisation d'importation de l'autorité compétente du pays d'importation. Comme cela a déjà été précisé au ch. 222, l'initiative populaire ne supprime pas l'obligation de disposer d'un permis spécial requis par le droit suisse des stupéfiants pour importer de tels produits. C'est pourquoi l'initiative populaire est compatible avec les conventions internationales sur les stupéfiants.

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Conclusion

L'initiative a des conséquences graves en ce qui concerne la qualité des médicaments aussi bien que la sécurité des patients. Elle porte atteinte à la liberté et à la responsabilité thérapeutique des médecins. Il n'est pas impossible qu'elle occasionne des coûts supplémentaires importants à la charge de la Confédération et, le cas échéant, des cantons. La compatibilité de l'initiative avec les engagements internationaux est aussi problématique (manquement à la clause de la nation la plus favorisée et à l'interdiction de formuler des restrictions quantitatives du GATT, atteinte à certaines prescriptions des ADPIC et à l'interdiction de formuler des restrictions quantitatives et des mesures aux effets comparables contenue dans l'accord de libre-échange avec la CE). Pour toutes ces raisons, il est recommandé de rejeter l'initiative populaire «pour des médicaments à moindre prix».

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