99.027 Message concernant la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA) du 28 avril 1999

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons pour approbation un projet de loi fédérale sur la libre circulation des avocats.

Par la même occasion, nous vous prions de classer l'intervention parlementaire suivante: 1996

P

94.3305

Liberté d'établissement pour les avocats. Abolition des barrières intercantonales (N 20. 12. 95, Stamm Luzi; E 3. 6. 96)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

28 avril 1999

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss Le chancelier de la Confédération, François Couchepin

1999-4697

5331

Condensé Alors qu'au début du siècle, la Suisse ne comptait guère que quelque deux cent avocats, elle en compte plus de 6000 en 1998. Leur mobilité ne cesse d'augmenter et la nécessité d'une harmonisation des conditions d'exercice de la profession d'avocat se fait toujours davantage sentir. En vertu de l'art. 33, al. 2, de la constitution (art. 95, al. 2, nCst), la Confédération pourvoit à ce que les certificats de capacité délivrés dans un canton soient valables dans toute la Confédération. Le présent projet de loi vise donc à fixer les modalités de la libre circulation des avocats en Suisse. Il comporte deux volets principaux: d'une part, il réalise la libre circulation des avocats au moyen de registres cantonaux; d'autre part, comme conséquence de cette libre circulation, il unifie certains aspects de l'exercice de la profession notamment en matière de règles professionnelles et de surveillance disciplinaire.

Le projet réalise la libre circulation des avocats en développant les registres cantonaux des avocats pour remplacer le contrôle exercé aujourd'hui au moyen du système des autorisations cantonales. L'avocat qui entend pratiquer la représentation en justice demandera à être inscrit dans le registre des avocats du canton dans lequel il a son étude. Il devra à cette fin produire un brevet attestant qu'il a acquis des qualifications professionnelles répondant à certaines exigences de formation (licence en droit, stage d'une année au moins suivi d'un examen) et apporter la preuve qu'il remplit certaines conditions personnelles. Une fois inscrit au registre de son canton, cet avocat pourra pratiquer le barreau dans toute la Suisse sans autre autorisation. Le projet de loi contient des dispositions sur la tenue et la mise à jour permanente des registres cantonaux ainsi que sur la collaboration à instaurer entre les autorités de surveillance.

D'autre part, le projet de loi règle aussi les principes essentiels de l'exercice de la profession d'avocat. Il s'agit d'une unification, au niveau fédéral, des règles professionnelles figurant aujourd'hui dans les législations cantonales. L'unification des mesures disciplinaires constitue une autre mesure accessoire à la libre circulation.

Enfin, le projet de loi règle l'essentiel des modalités de la libre circulation des avocats ressortissants des Etats
membres de l'Union européenne (UE), sur la base de l'Accord entre la Confédération suisse d'une part et la Communauté européenne (CE) et ses Etats membres d'autre part sur la libre circulation des personnes.

5332

Message 1

Partie générale

11

Point de la situation

111

La libre circulation intercantonale des avocats

Les cantons peuvent exiger des preuves de capacité de ceux qui veulent exercer des professions libérales. La profession d'avocat est une profession libérale1. Ainsi, à l'exception du canton de Soleure, tous les cantons réservent aux personnes possédant un brevet d'avocat la représentation en justice devant tout ou partie des instances judiciaires2. L'art. 33, al. 2, cst. (art. 95, al. 2, nCst), donne quant à lui mandat au législateur fédéral de veiller à ce que les actes de capacité soient valables dans toute la Confédération. Le législateur fédéral n'a pas rempli son mandat en ce qui concerne les avocats, alors qu'il a créé des certificats fédéraux dans le domaine des professions médicales.

La libre circulation intercantonale des avocats est aujourd'hui garantie par l'art. 5 des dispositions transitoires cst. (art. 196, ch.5, nCst), ainsi que par la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur (LMI; RS 943.02). En vertu de l'art. 5 des dispositions transitoires de la constitution, le certificat de capacité délivré par un canton vaut sur tout le territoire de la Confédération comme s'il s'agissait d'un certificat de capacité fédéral au sens de l'art. 33, al. 2, cst.. En l'absence d'un certificat fédéral de capacité au sens de l'art. 33, al. 2, cst., c'est le Tribunal fédéral qui a développé une jurisprudence précisant les exigences que peuvent poser les cantons pour reconnaître les brevets d'autres cantons3.

112

La jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la libre circulation des avocats

Le Tribunal fédéral a jugé que l'art. 5 des dispositions transitoires cst. garantit d'une façon générale la libre circulation des avocats. Il impose l'égalité, dans et devant la législation de chaque canton, de tous les avocats établis en Suisse et détenteurs d'un certificat cantonal de capacité. Une procédure d'autorisation ­ générale ou limitée à une affaire déterminée, selon le choix du requérant4 ­ peut être instituée pour les avocats externes au canton, mais l'art. 5 des dispositions transitoires interdit toute condition ou charge discriminatoire qui aurait pour effet d'empêcher ­ ou de rendre excessivement difficile ­ l'accès de ces avocats aux tribunaux du canton d'accueil5.

Il est ainsi inadmissible d'exiger d'un avocat externe qu'il se constitue un domicile professionnel dans le canton d'accueil6. De même, l'avocat externe souhaitant occu-

1 2 3 4 5 6

ATF 112 Ia 318; René Rhinow, Commentaire de la Constitution fédérale, art. 31bis, no 40.

Sur ce sujet, cf. Felix Wolffers, Der Rechtsanwalt in der Schweiz, Zürich 1986, p. 79 ss.

ATF 111 Ia 108, consid. 2 ATF 89 I 366 consid. 2 ATF du 10 avril 1996 dans l'affaire L. W., M. et D. contre le canton de Vaud.

ATF 39 I 48, 65 I 4, 80 I 146

per seulement dans une cause déterminée ne peut pas être contraint de fournir des sûretés importantes7, ni d'accepter des mandats d'office8.

Le Tribunal fédéral a reconnu comme admissibles les limitations à la libre circulation relatives aux capacités professionnelles (formation théorique et pratique).

Compte tenu de l'importance de l'activité de l'avocat pour les justiciables et pour les tribunaux, les cantons peuvent donc poser certaines conditions minimales concernant non seulement la formation scientifique, mais également les connaissances pratiques et l'expérience du candidat9. Le Tribunal fédéral estime que les cantons sont tenus de reconnaître comme suffisant le brevet d'avocat obtenu dans un autre canton pour autant que ce certificat atteste que le requérant a subi un examen non seulement de ses connaissances scientifiques mais aussi de sa capacité pratique. Les cantons peuvent par conséquent refuser d'admettre comme suffisant pour leur territoire le brevet d'avocat décerné exclusivement en raison d'un grade universitaire10.

Avec le temps, le Tribunal fédéral a augmenté ses exigences. Ainsi, dans l'ATF 111 Ia 108, le Tribunal fédéral a relevé que «l'extraordinaire largeur d'esprit de l'ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral pouvait s'expliquer par l'attente de la prochaine adoption de la loi fédérale prévue par l'art. 33, al. 2, cst. En vertu de cette disposition, le législateur fédéral devrait édicter des prescriptions uniformes pour l'acquisition du certificat de capacité, prescriptions qui auraient pu consister ou bien en un examen fédéral ou en exigences légales uniformes s'imposant aux examens cantonaux [. . .]. Dès lors que cette attente n'a pas été satisfaite et qu'elle ne le sera guère dans un proche avenir, il appartient à la jurisprudence de fixer, en attendant, les exigences minimales selon la disposition transitoire de la cst., exigences auxquelles le certificat de capacité d'un canton doit satisfaire pour pouvoir être reconnu dans un autre canton. [...].Ainsi, la jurisprudence doit être modifiée en ce sens que la passation d'un examen doit être exigée comme norme, au sens de l'art. 5 DT cst.» Le Tribunal fédéral n'a toutefois pas précisé quelles étaient les durées minimales de formation et de stage11.

Les cantons restent également libres de faire dépendre l'autorisation
d'exercer la profession d'avocat de la preuve que certaines conditions personnelles (solvabilité p. ex.), justifiées par des exigences de police et par un intérêt public prépondérant, sont remplies. Le Tribunal fédéral a en outre dénié le droit aux cantons d'exiger que la profession d'avocat constitue l'activité prépondérante du requérant12. La nationalité suisse n'est également plus exigible comme condition de l'autorisation de pratiquer13.

Pendant la procédure de consultation relative au présent projet de loi, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt important en matière de libre circulation des avocats (arrêt du 30 mai 1997; ATF 123 I 313), qui a été précisé par un autre arrêt du 31 août 1998 (ATF 125 II 56). Sur la base de la LMI, le Tribunal fédéral a estimé, d'une part, que la personne autorisée à exercer dans un canton est présumée remplir les conditions lui permettant d'exercer dans un autre canton, et que, d'autre part, l'autorisation de pratiquer doit désormais être délivrée gratuitement. Le Tribunal 7 8 9 10 11 12 13

ATF 42 I 277 ATF 67 I 332 ATF 84 I 24 ATF 69 I 1 ATF 112 Ia 318 ATF 112 Ia 318 ATF 119 Ia 35

5334

fédéral a donc simplifié les exigences pour la délivrance des autorisations de pratiquer. Pourtant, dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral ne va pas aussi loin que le projet de loi sur la libre circulation des avocats (LLCA) puisqu'il ne supprime pas l'autorisation cantonale de pratiquer en tant que telle, mais qu'il se borne à préciser que la délivrance de l'autorisation se fera sans frais et sans exigences inutiles (p. ex.

l'examen de la moralité des candidats, ou l'exigence d'un extrait récent de casier judiciaire). En outre et surtout, la LLCA a non seulement pour but de garantir la libre circulation des avocats, mais également de fixer les principes applicables à la profession d'avocat en Suisse. Nonobstant cet arrêt, la LLCA reste donc nécessaire pour supprimer toute forme d'autorisation de pratiquer, pour harmoniser les conditions de la libre circulation et pour régler un certain nombre de questions liées à l'exercice de cette profession (règles professionnelles, surveillance et mesures disciplinaires, dénomination professionnelle).

113

La nécessité d'une législation fédérale sur les avocats

Le nombre des avocats ne cesse d'augmenter en Suisse. Au début du siècle, il n'y avait guère plus de deux cent avocats à pratiquer dans notre pays. En 1977, la Fédération suisse des avocats (FSA) recensait 2497 avocats établis; en 1997, elle en comptait 5541, ce qui représente une progression de 121,9 % en vingt ans 14. Ce mouvement ne semble pas devoir se ralentir à court ou moyen terme. La mobilité des avocats croît également; il est fréquent aujourd'hui qu'un avocat plaide dans plusieurs cantons. La relative exiguïté des territoires cantonaux ­ si on les compare par exemple aux länder allemands, qui représentent pour les avocats allemands le territoire sur lequel ils peuvent pratiquer (cf. ch. 151.1 ci-dessous) ­ amène presque inévitablement les avocats à exercer leur activité sur le territoire de plusieurs cantons.

Actuellement, l'avocat qui désire plaider dans un canton autre que celui dans lequel il possède une étude doit obtenir une autorisation de pratiquer. Même si, en vertu de la LMI, il est présumé remplir les conditions pour plaider dans un autre canton, il doit produire, outre un brevet d'avocat, un certain nombre de pièces établissant qu'il remplit des conditions personnelles (absence de sanctions disciplinaires notamment). Sur le plan formel, ces exigences diffèrent selon les cantons et sont prévues en règle générale dans les lois cantonales sur les avocats. La délivrance d'une autorisation de pratiquer est dorénavant gratuite en vertu de la LMI (ATF 123 Ia 313).

Pratiquement, l'avocat qui désirerait exercer sur l'ensemble du territoire de la Confédération devrait déposer une demande dans presque tous les cantons; le canton de Soleure est le seul à ne pas soumettre l'exercice du barreau à autorisation. Il est donc souhaitable de supprimer ces procédures d'autorisations de pratiquer, dont le caractère bureaucratique a fréquemment été critiqué, mais qui étaient nécessaires pour concrétiser l'art. 5 des dispositions transitoires cst.

Le contrôle effectué aujourd'hui par les cantons au moyen du système des autorisations devra être remplacé par un certain nombre de mesures permettant d'obtenir rapidement et aisément les renseignements nécessaires au sujet d'un avocat. La mise en réseau des autorités de surveillance et l'unification du contenu des registres

14

Cf. Michael Pfeifer, Der Rechtsanwalt in der heutigen Gesellschaft, RDS 115/1996, p. 282; L'avocat suisse 167/1997 p. 20.

5335

cantonaux des avocats prévus par la LLCA visent ces objectifs. Il arrive en effet très souvent qu'un avocat ne pratique pas immédiatement le barreau après avoir reçu son brevet, mais travaille dans une administration ou pour le compte d'une entreprise, ou encore suive une formation post-grade par exemple. Au moment où, plusieurs années plus tard, il ouvrira effectivement son étude, rien ne permettra de garantir qu'il remplit encore les conditions personnelles exigées pour l'exercice du barreau. Il ne saurait pourtant être question d'obliger les cantons à admettre, sans un nouvel examen préalable des conditions personnelles, un avocat qui aurait obtenu son brevet plusieurs années auparavant dans un autre canton et qui n'aurait pas jusque là été inscrit à un barreau cantonal. Avec la LLCA, seul l'avocat effectivement inscrit à un registre cantonal pourra sans autres formalités pratiquer la représentation en justice sur tout le territoire suisse.

Une législation fédérale devrait aussi remédier aux disparités existant entre cantons en matière de surveillance des avocats et de règles professionnelles. Si l'importance de ces disparités ne doit pas être exagérée, il n'en reste pas moins qu'elles sont ressenties comme une gêne par les avocats, et critiquées en doctrine15. Sur le plan des règles professionnelles et des sanctions disciplinaires, une unification est souhaitable afin d'éviter certains particularismes cantonaux difficiles à justifier aujourd'hui. Les cantons ont eux-mêmes ont souhaité une harmonisation dans ces domaines (cf. ch. 172.2 ci-dessous). Malgré certaines différences entre les législations cantonales, il est possible de définir un «dénominateur commun», une sorte de droit suisse de l'avocat16. C'est précisément ce que vise le présent projet de loi, dans l'optique de la libre circulation des avocats.

Des règles professionnelles claires et unifiées, un contrôle efficace grâce à un réseau de registres cantonaux permettant d'obtenir aisément les renseignements nécessaires au sujet d'un avocat, la possibilité pour les avocats indépendants de se prévaloir du titre d'«avocat inscrit au registre» ou d'«avocat inscrit au barreau» sont autant d'éléments qui permettront de clarifier les rapports entre avocats et "consommateurs de droit", mais qui aussi faciliteront l'activité des autorités
chargées de la surveillance disciplinaire des avocats. Ils permettront également aux avocats de mieux faire valoir leur spécificité par rapport aux autres prestataires de services juridiques.

Enfin, par cette loi, la Confédération remplit le mandat constitutionnel de l'art. 33, al. 2, qui prévoit que la législation fédérale pourvoit à ce que les personnes qui exercent des professions libérales puissent obtenir des certificats de capacité valables dans toute la Confédération.

114

Les initiatives visant une législation fédérale sur les avocats

En 1901 déjà, la FSA adressait au Département fédéral de justice et police un projet de loi qui prévoyait la création d'un brevet d'avocat fédéral. Et en 1942, elle instituait une commission chargée de préparer un avant-projet de loi fédérale sur les avocats. Cette loi se serait appuyée sur un nouvel art. 33, al. 3, cst. qui aurait disposé que «la Confédération a le droit d'établir des prescriptions uniformes sur l'exercice de la profession d'avocat». Il ne s'agissait plus cette fois d'introduire un brevet

15 16

Cf. Rothenbühler, op. cit., p. 221 ss.

Cf. Wolffers, op. cit., p. 17 s.

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fédéral, mais de fixer des exigences minimales à l'intention des cantons, qui continuaient de délivrer les brevets17. Ce projet n'a pas eu de suite.

La perspective de l'entrée dans l'Espace économique européen a relancé le débat. Le 16 juillet 1993, la FSA adressait aux autorités fédérales et cantonales concernées deux esquisses de lois: un premier projet «Eurolex» qui tenait compte de la reprise de l'acquis communautaire en la matière, et une esquisse de loi «Swisslex» suite au rejet de l'EEE le 6 décembre 1992.

Consultés le 15 avril 1994 dans le cadre de la Conférence des chefs de départements cantonaux de justice et police, les chefs des départements cantonaux de justice se sont prononcés à l'unanimité avec 3 abstentions pour une loi-cadre fédérale plutôt que pour un concordat. Par lettre du 17 juin 1994, ils ont demandé au chef du DFJP que son département prépare une loi relative à la libre circulation des avocats en Suisse. S'agissant de la libre circulation des avocats en Europe, ils ont exprimé le voeu que la Confédération traite cet objet dans le cadre des négociations bilatérales avec l'Union européenne. La Conférence des gouvernements cantonaux et le Groupe de contact Confédération-cantons ont quant à eux décidé le 24 juin 1994 de s'en remettre dans ce dossier à l'avis de la Conférence des chefs de départements cantonaux de justice et police.

Sur le plan parlementaire, le conseiller national Luzi Stamm a déposé une motion le 17 juin 1994, demandant la création d'un registre fédéral public où figureraient toutes les personnes ayant obtenu un brevet d'avocat dans un canton (cf. ch. 18).

Cette motion a été adoptée par le Conseil national le 20 décembre 199518 et transformée en postulat par le Conseil des Etats le 3 juin 199619.

Enfin, l'aboutissement des négociations bilatérales avec l'UE a encore accru le besoin d'une législation fédérale sur les avocats.

12

Complémentarité avec la loi sur le marché intérieur

Actuellement, en l'absence de loi fédérale spéciale ou de concordat réglant la circulation des avocats, la LMI s'applique de manière générale à cette profession sans toutefois apporter de réponses aux problèmes spécifiques qui se posent à elle (p. ex.

surveillance disciplinaire, règles professionnelles, dénomination professionnelle). Le présent projet de loi vient donc combler un vide dans la législation fédérale.

La LMI prévoit, à son art. 3, que la liberté d'accès au marché d'autres cantons ne peut être restreinte en fonction des prescriptions applicables au lieu de destination que si ces restrictions s'appliquent de la même manière aux offreurs locaux, sont indispensables à la préservation d'intérêts publics prépondérants et répondent au principe de la proportionnalité. Cette nouvelle loi favorise donc la mise en oeuvre effective de la liberté du commerce et de l'industrie garantie par l'art. 31 cst. (art. 94 nCst.). Elle n'interdit toutefois pas aux cantons de prévoir, en cas de doute, une procédure simple, rapide et gratuite d'examen de l'équivalence des formations (art.

4 LMI).

17 18 19

Cf. Bois in Commentaire de la Constitution fédérale, art. 33, no 24 ss.

BO 1995 N 2658 s.

BO 1996 E 292

5337

La spécificité de l'activité de l'avocat et son rôle particulier dans le fonctionnement de la justice ont comme conséquence que les cantons pourraient, sur la base de leurs compétences en matière judiciaire, maintenir une procédure permettant de garantir que les avocats d'autres cantons remplissent les mêmes conditions que les avocats «indigènes». Un examen des conditions de formation serait donc théoriquement possible sur la base de l'art. 4, al. 3, LMI; il constituerait pourtant un recul par rapport à la situation actuelle. Conformément à l'art. 3, al. 1, LMI, la liberté d'accès au marché d'offreurs externes ne peut toutefois être restreinte en fonction des prescriptions applicables au lieu de destination que si ces restrictions s'appliquent de la même façon aux offreurs locaux, sont indispensables à la préservation d'intérêts publics prépondérants, et répondent au principe de la proportionnalité. Ces restrictions doivent de plus ne pas constituer un obstacle déguisé aux échanges, destiné à favoriser les intérêts économiques locaux (art. 3, al. 4, LMI). Sur la base de la LMI, le Tribunal fédéral a estimé, d'une part, que la personne autorisée à exercer dans un canton était présumée remplir les conditions lui permettant d'exercer dans un autre canton, et que, d'autre part, l'autorisation de pratiquer devait désormais être délivrée gratuitement20. Toutefois, la LMI ne supprime pas les procédures d'autorisation en tant que telles. En complément à la LMI, et afin de supprimer définitivement les procédures d'autorisation et de concrétiser les modalités de la libre circulation des avocats, il est donc nécessaire de prévoir quelles seront les conditions de formation et les conditions personnelles maximales qui pourront être exigées, à quel moment et par qui elles seront examinées, et enfin de quelle manière et à quelle source les autorités des autres cantons pourront obtenir les informations nécessaires sur les avocats provenant d'autres cantons.

13

L'activité de l'avocat et le monopole de l'avocat

Tous les cantons, à l'exception de celui de Soleure, réservent tout ou partie de la représentation en justice aux seuls avocats21. Il n'est pas possible de définir dans la LLCA les contours de ce monopole, qui reflètent les spécificités cantonales en matière d'organisation judiciaire. La compétence des cantons en matière d'organisation judiciaire ne le permettrait pas.

On en vient ainsi à distinguer trois catégories d'activités pour l'avocat22: les activités professionnelles de l'avocat protégées par un monopole, les activités propres à l'avocat mais non protégées par un monopole, et enfin les activités de l'avocat extérieures à sa profession. Le cercle des activités protégées par un monopole est relativement aisé à tracer en fonction du droit cantonal. Il en va différemment de la frontière entre activités propres à l'avocat et celles extérieures à la profession. La jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'étendue du secret professionnel a ainsi posé certains principes qui sont développés sous ch. 233.22 ci-dessous.

Alors qu'il y a quelques dizaines d'années, la plus grande partie de l'activité d'avocat relevait encore de la représentation en justice, et donc du monopole de l'avocat, l'activité extrajudiciaire de l'avocat ne cesse aujourd'hui de gagner en importance. Toutefois dans son activité de conseil juridique, l'avocat ne bénéficie 20 21 22

ATF 123 I 313 et arrêt du TF du 21.8.98, 2P.17/1998.

Cf. Wolffers, op. cit., p. 79 ss; Rothenbühler, op. cit., p. 68.

Albert-Louis Dupont-Willemin, Le secret professionnel et l'indépendance de l'avocat, in L'avocat suisse 101/1986, p. 9.

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pas du monopole qu'on lui reconnaît généralement dans le cadre de son activité judiciaire, bien qu'il soit soumis aux autorités de surveillance et tenu de respecter les règles professionnelles pour l'ensemble de son activité, y compris le conseil juridique. L'avocat indépendant subit alors la concurrence de personnes bénéficiant d'une formation juridique, ayant même souvent obtenu un brevet d'avocat, mais travaillant pour des entreprises, des fiduciaires, des banques, etc., et qui ne sont pas soumises aux règles professionnelles et déontologiques (notamment en matière de publicité) et au contrôle des autorités de surveillance. On en arrive à une situation où une activité identique, le conseil juridique, est soumise ou non à l'observation de règles professionnelles et à une surveillance disciplinaire selon que la personne qui la pratique est ou non avocat indépendant (sur cette notion, cf. ch. 172.1 et 233.21 ci-dessous).

Le respect des règles professionnelles et la surveillance disciplinaire sont le corollaire du monopole de l'avocat. Pour éviter une concurrence déloyale, il est nécessaire de rendre reconnaissable le fait qu'une personne qui fait état d'un titre d'avocat est soumise à une autorité de surveillance et est tenue de respecter les règles professionnelles. Le Tribunal fédéral a toutefois jugé que l'ancien art. 5 de la loi genevoise sur la profession d'avocat (LPAV) qui prévoyait que «nul ne peut faire état du titre d'avocat dans son activité professionnelle s'il n'est inscrit au tableau des avocats» violait le principe de la proportionnalité23. Une solution consisterait à réserver le port du titre d'avocat aux avocats indépendants soumis aux autorités de surveillance cantonales, les avocats salariés ne pouvant que mentionner le fait qu'ils sont titulaires d'un brevet d'avocat. Il est toutefois d'usage que les avocats travaillant dans des administrations ou employés dans le secteur privé fassent état de leur titre. Il en est de même des avocats qui, pour des raisons d'âge, demanderaient à être rayés du tableau des avocats. Le projet de loi proposé ici retient la solution suivante: les avocats indépendants mentionnent leur inscription à un registre des avocats, ce qui permet de déduire qu'ils sont soumis aux règles professionnelles et aux autorités de surveillance. C'est donc aux avocats
inscrits à un registre qu'il appartient de montrer, par cette mention, qu'ils se distinguent des autres avocats.

En vertu des art. 3 et 5 LLCA, tout avocat admis à exercer dans le cadre du monopole cantonal et qui remplit les conditions des art. 6 et 7 LLCA doit être inscrit à un registre cantonal. En outre, la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241; art. 3, let. c, et 23, LCD) protège la mention de l'inscription au registre cantonal, qui est réservée aux avocats indépendants. La LLCA instaure donc un système simple et efficace qui permet de distinguer les avocats exerçant la représentation en justice (activités de monopole) des autres avocats. Il en résulte a contrario que l'avocat qui n'est pas inscrit à un registre cantonal peut, en vertu de la LLCA, se voir refuser l'accès aux activités de monopole.

14

La libre circulation des avocats dans l'Union européenne

La conclusion de l'accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et la CE implique de régler dans la LLCA les modalités d'accès aux activités d'avocat en Suisse pour les avocats ressortissants des Etats membres de l'UE.

La reconnaissance des qualifications professionnelles acquises dans un autre Etat membre est une mesure d'appui essentielle à l'exercice de la liberté d'établissement 23

ATF 112 Ia 318

5339

et à la libre prestation de services dans l'UE. Trois directives ­ prises notamment en application des art. 49, 57 et 66 du Traité CE ­ s'appliquent à la libre circulation des avocats: ­

la directive 77/249/CEE du 22 mars 1977 tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats24;

­

la directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance mutuelle des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans25;

­

la directive 98/5/CE du 16 février 1998 visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise26.

La directive 77/249/CEE, qui vise à faciliter l'exercice ponctuel des activités d'avocat dans un autre Etat membre, ne pose pas de conditions quant à la reconnaissance des diplômes. Elle stipule simplement que toute personne habilitée à exercer la profession d'avocat, dans l'Etat de provenance, sous l'une des dénominations figurant à son art. 1, par. 2, est autorisée à offrir des services (conseil et activités judiciaires) dans les autres Etats membres. L'avocat doit seulement prouver sa qualité d'avocat. Pour les activités relatives à la représentation et à la défense de parties en justice, l'Etat d'accueil peut exiger de surcroît que l'avocat migrant agisse de concert avec un avocat agréé auprès de la juridiction saisie. L'avocat prestataire de services utilise le titre professionnel de l'Etat dans lequel il est établi. Tout en restant assujetti aux règles professionnelles de l'Etat de provenance dans lequel il est établi, il est en outre soumis aux règles professionnelles de l'Etat membre d'accueil pour les activités qu'il y exerce à titre ponctuel.

L'application de cette directive a donné lieu à une abondante jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (ci-après: CJCE). Parmi les arrêts récents, on citera l'important arrêt du 30 novembre 1995 dans l'affaire Reinhard Gebhard contre Consiglio dell'Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano27.

Amenée à y préciser les critères de délimitation entre la prestation de services et l'établissement, la CJCE relève que le caractère temporaire de la prestation de services doit être apprécié en fonction de sa durée, de sa fréquence, de sa périodicité et de sa continuité. Il n'exclut pas la possibilité, pour le prestataire de services, de se doter, dans l'Etat membre d'accueil, de l'infrastructure permanente ­ bureau, cabinet ou étude ­ nécessaire aux fins de l'accomplissement de sa prestation. En revanche, un ressortissant d'un Etat membre qui, de façon stable et continue, exerce une activité professionnelle dans un autre Etat membre où, à partir d'un domicile professionnel, il s'adresse, entre autres, aux ressortissants de cet Etat, relève du droit d'établissement et non de celui relatif aux services.

La directive 89/48/CEE relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur consacre le principe
général selon lequel tout titulaire d'un diplôme obtenu après trois ans au moins d'enseignement supérieur devrait pouvoir, lorsque cette formation lui donne accès à la profession considérée dans l'Etat d'origine ou de provenance, l'exercer dans les autres pays de l'UE. Si la for24 25 26 27

JOCE no L 78 du 26.3.1977, p.17 JOCE no L 19 du 24.1.1989, p. 16 JOCE no L 77 du 14.3.1998, p. 36 Aff. C-55/94, Rec. 1996 p. I-4165

5340

mation ou la profession diffèrent de manière substantielle entre l'Etat qui a délivré le diplôme et l'Etat d'accueil, ce dernier peut exiger du migrant des mesures de formation complémentaire sous la forme d'une épreuve d'aptitude ou d'un stage de formation, au choix du migrant. Pour les professions juridiques, c'est toutefois l'Etat d'accueil qui peut décider d'imposer soit l'épreuve, soit le stage. S'agissant des avocats, tous les Etats membres de l'UE à l'exception du Danemark ont choisi d'imposer aux avocats candidats à l'établissement une épreuve d'aptitude dans le droit interne du pays d'accueil. Après avoir passé l'épreuve d'aptitude et prouvé qu'il remplit les autres conditions personnelles éventuellement exigées, l'avocat migrant est pleinement assimilé à son confrère de l'Etat d'accueil, notamment en ce qui concerne l'accès au barreau, l'assujettissement aux règles professionnelles et le port du titre professionnel.

L'application de la directive 89/48/CEE aux avocats a soulevé un certain nombre de problèmes dans l'UE. La mise en oeuvre du test d'aptitude a fait apparaître de fortes disparités entre les Etats et elle peut s'avérer un instrument de protectionnisme. Pour les avocats disposant d'une expérience professionnelle, la contrainte du test est souvent dissuasive, d'autant que tous ne souhaitent pas forcément exercer à titre principal des activités judiciaires ou des activités de conseil dans le droit du pays d'accueil. C'est parce que le système général de reconnaissance des diplômes ne réglait pas la situation des avocats de manière satisfaisante que le Conseil des Barreaux de la Communauté européenne (CCBE), puis la Commission européenne ont été conduits à élaborer une proposition de directive spécifique sur l'établissement des avocats.

La directive 98/5/CE vise à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise. Elle tend à faciliter l'établissement des avocats. On ne saurait en effet méconnaître que la mondialisation des échanges commerciaux et des services crée un nouveau contexte dans lequel les clients commercent, traitent et doivent le cas échéant se défendre. Cette modification de l'espace économique et financier a déjà induit une multiplication des grands cabinets d'inspiration anglo-saxonne,
qui bouleverse profondément les conditions traditionnelles de l'exercice de la profession dans de nombreux pays de l'UE. La directive tient compte de ces mutations et apporte un cadre aux nouvelles formes d'exercice de la profession.

La directive autorise l'avocat d'un Etat membre à exercer dans tout autre Etat membre, sous son titre professionnel d'origine, les mêmes activités professionnelles que celles de l'avocat exerçant sous le titre professionnel de l'Etat membre d'accueil.

Cette activité sous le titre d'origine est soumise à la condition que l'avocat migrant s'inscrive auprès de l'autorité compétente de l'Etat d'accueil. Indépendamment des règles professionnelles et déontologiques auxquelles il reste assujetti dans son Etat d'origine, l'avocat migrant est soumis aux règles professionnelles et déontologiques de l'Etat d'accueil pour les activités qu'il y exerce. Au terme d'une période de trois ans, l'avocat peut demander son assimilation à l'avocat de l'Etat d'accueil ­ en étant dispensé de l'épreuve d'aptitude de la directive 89/48/CEE ­ en apportant la preuve qu'il a exercé une activité permanente et effective d'une durée de trois ans au moins dans le droit de l'Etat d'accueil. Enfin, la directive consacre la possibilité d'exercer la profession d'avocat en groupe selon certaines modalités et elle garantit le principe de l'indépendance de l'avocat exerçant au sein d'un groupe.

5341

15

Droit comparé

151

Allemagne

151.1

Libre circulation des avocats allemands

En Allemagne, la profession d'avocat est réglementée par le code fédéral du 1er août 1959 régissant la profession d'avocat (Bundesrechtsanwaltsordnung, BRAO) et la loi allemande du 19 avril 1972 sur la magistrature judiciaire (Deutsches Richtergesetz, DRiG), qui contiennent également des dispositions sur la libre circulation. Le par. 5 BRAO prévoit que les avocats autorisés à pratiquer la magistrature dans un land allemand en vertu du DRiG peuvent demander à exercer la profession d'avocat dans tous les autres länder. Le DRiG définit les exigences scientifiques à remplir pour accéder à la magistrature. Il fixe en particulier la durée et le contenu des études, le déroulement du stage (obligatoire) et celui des examens. La demande d'accès à l'exercice du barreau peut être faite sur la base de la preuve que les exigences scientifiques ont été satisfaites. L'autorisation ne peut être refusée qu'en présence d'un motif de refus prévu par le par. 7 BRAO. Constituent des motifs de refus des critères d'ordre personnel incompatibles avec l'octroi d'une autorisation. Ces critères correspondent pour l'essentiel aux conditions personnelles exigées par la LLCA.

Tous les avocats doivent être agréés auprès d'un tribunal déterminé et ils ne peuvent procéder que dans cette juridiction. Ce principe de localisation sera abrogé en l'an 2000. Les par. 18 à 36 BRAO règlent la procédure d'agrégation. Chaque tribunal possède une liste mise à jour des avocats agréés (art. 31 BRAO).

151.2

Prestation de services par les avocats de l'UE/EEE

La loi sur la prestation de services par les avocats (Rechtsanwaltsdienstleistungsgesetz, RADG)28 règle le cas des avocats ressortissants d'un Etat de l'UE ou de l'EEE. En principe, ces derniers peuvent exercer, sous forme de prestation de service, toutes les activités inhérentes à la profession d'avocat dans tous les domaines du droit, y compris en droit allemand.

151.3

Etablissement des avocats de l'UE/EEE

Les avocats ressortissants d'un Etat de l'UE ou de l'EEE peuvent conseiller et représenter les parties dans le domaine du droit étranger et du droit international, sous l'une des dénominations de la profession d'avocat reconnues par les Etats de l'UE/EEE (par. 1 RADG), s'ils ont été enregistrés auprès de l'Ordre des avocats compétent du lieu de leur établissement et s'ils ont ouvert une étude d'avocat dans les trois mois qui ont suivi leur enregistrement (par. 206, al. 1, et 207 BRAO).

La loi du 6 juillet 1990 et l'ordonnance du 18 décembre 1990 concernant un examen de capacité autorisant l'exercice de la profession d'avocat règlent les exigences relatives à l'examen de capacité auxquels sont soumis les ressortissants d'un Etat de l'UE ou de l'EEE déjà titulaires d'un diplôme au sens de la directive 89/48/CEE.

28

Loi du 16 août 1980 d'application de la Directive 77/249/CEE tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats.

5342

Les avocats ayant réussi cet examen sont traités à égalité avec les avocats allemands et peuvent dès lors également exercer une activité en droit allemand. Ils n'ont cependant pas l'obligation de s'établir en Allemagne. Ils peuvent se borner à porter dans leur Etat de provenance le titre «Rechtsanwalt».

151.4

Avocats des Etats membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC)

Les avocats provenant d'un Etat membre de l'OMC qui exercent une profession équivalente à celle d'avocat selon la BRAO peuvent donner des consultations dans les domaines du droit de leur Etat de provenance ou en droit international public (à l'exclusion du droit de l'UE). Ils doivent cependant être enregistrés auprès de l'ordre des avocats local et ouvrir une étude dans les trois mois suivant l'enregistrement (par. 206, al. 2, et 207 BRAO).

151.5

Autres avocats

Les avocats ressortissants d'autres Etats ne peuvent donner des consultations que dans le domaine du droit de leur Etat de provenance, à condition d'exercer une profession équivalente à celle de l'avocat selon le BRAO et pour autant que la réciprocité avec l'Etat de provenance soit garantie. Une ordonnance établira les Etats et les professions dans lesquels la réciprocité est garantie. Les avocats doivent être enregistrés auprès de l'Ordre des avocats local et ouvrir une étude dans les trois mois suivant l'enregistrement (par. 206, al. 3, et 207 BRAO).

152

France

152.1

Libre circulation des avocats français

Parmi les nombreux textes de lois, arrêtés et décrets, qui règlent la profession d'avocat, le plus important est la loi du 31 décembre 1971 no 71-113029, modifiée par la loi du 31 décembre 1990 no 90-125930 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

L'art. 3bis de la loi no 71-1130 permet à l'avocat de se déplacer librement pour exercer ses fonctions. L'avocat qui remplit les conditions légales peut donc en principe exercer sur tout le territoire français. La loi française établit aussi une distinction, même sans l'exprimer explicitement, entre conditions personnelles et conditions de formation. Les art. 8-1 et 8-2 de la loi no 71-1130 et les art. 165 à 169 du décret du 27 novembre 1991 no 91-119731 sur l'organisation de la profession d'avocat fixent les conditions supplémentaires pour l'exercice de la profession d'avocat. L'avocat est tenu de fixer son domicile professionnel dans le ressort du Tribunal de grande instance auprès duquel il est établi. Il a la possibilité d'ouvrir un bureau secondaire en dehors de son barreau. Lorsque l'avocat plaide devant une juridiction extérieure 29 30 31

Journal officiel du 5 janvier 1972 Journal officiel du 5 janvier 1991 Journal officiel du 28 novembre 1991

5343

au ressort de son barreau, il a l'obligation de se présenter au président, au magistrat du Ministère public et au confrère plaidant pour la partie adverse.

152.2

Prestation de services par les avocats de l'UE/EEE

Les art. 200 à 204 du décret no 91-1197 s'appliquent aux avocats ressortissants de l'un des Etats membres de l'UE/EEE établis à titre permanent dans l'un de ces Etats autres que la France et venant accomplir une activité professionnelle occasionnelle en France. Ils peuvent exercer dans les mêmes conditions qu'un avocat inscrit à un barreau français pour ce qui concerne la représentation ou la défense d'un client en justice ou devant les autorités publiques. En matière civile, lorsque la représentation est obligatoire devant un tribunal de grande instance, l'avocat doit élire domicile auprès d'un avocat établi près le tribunal saisi, et auquel les actes de procédure sont valablement notifiés. Devant la Cour d'appel, il doit agir avec un avoué près cette cour d'appel ou un avocat habilité à représenter les parties devant elle.

Il est soumis au respect des règles professionnelles françaises. Pour l'exercice des activités autres que celles mentionnées auparavant, les avocats restent soumis aux conditions d'exercice et aux règles professionnelles de l'Etat dans lequel ils sont établis.

152.3

Inscription au barreau des avocats de l'UE/EEE

L'art. 11 de la loi no 71-1130 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques définit les conditions pour accéder à la profession d'avocat. L'art. 99 du décret no 91-1197 organisant la profession d'avocat précise les conditions particulières d'inscription au barreau des ressortissants de l'UE. Les candidats doivent passer un examen d'aptitude dont l'étendue varie en fonction de la formation et de l'expérience pratique du candidat. C'est le Conseil national des barreaux qui détermine, dans chaque cas, les matières sur lesquelles les candidats doivent être interrogés. Cette réglementation s'applique également aux avocats des Etats membres de l'EEE en vertu de l'Accord EEE.

152.4

Avocats provenant de pays non membres de l'UE/EEE

Outre les possibilités offertes dans le cadre du GATS, les personnes ayant acquis un titre d'avocat dans un Etat n'appartenant pas à l'UE/EEE peuvent, sous certaines conditions, se présenter à un examen devant jury pour obtenir le droit de s'inscrire à un barreau français. L'art. 11 de la loi no 71-1130 prévoit comme condition la clause de réciprocité. L'art. 93 de la même loi exige l'obtention d'un certificat d'aptitude ou la réussite d'un examen de contrôle des connaissances. Un arrêté du 7 janvier 199332 fixe le programme et les modalités de cet examen.

32

Journal officiel du 29 janvier 1993

5344

153

Italie

153.1

Généralités

Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 24 février 1997, n. 27 («Soppressione dell'albo dei procuratori legali e norme in materia di esercizio della professione forense»), l'Italie opérait une distinction entre le procureur légal (procuratore legale) et l'avocat (avvocato). Ces professions sont régies par le décret-loi royal du 27 novembre 1933, n. 1578 (legge professionale forense) et par le décret royal du 22 janvier 1934, n. 37.

Le procureur légal devait remplir un certain nombre d'exigences relatives à ses connaissances scientifiques et pratiques (licence, stage, examen d'Etat). Il devait en outre être inscrit dans un registre de la profession (albo professionale). Le procureur légal représentait les parties au procès et donnait également des consultations extrajudiciaires.

Celui qui voulait exercer la profession d'avocat devait suivre une formation de procureur légal. Après avoir exercé cette profession durant deux ans, il avait le droit de se présenter à l'examen d'Etat destiné aux avocats. Le procureur légal était inscrit d'office, sans examen d'Etat, dans le registre des avocats après une activité de six ans. L'avocat ne représentait pas les parties mais se chargeait de la «difesa tecnica», c'est-à-dire de la planification proprement dite de la procédure. En pratique, cette différence 's'estompait en raison du fait que chaque avocat devait également être inscrit au registre des procureurs et pouvait par conséquent également se charger de la défense des parties.

En supprimant le registre des procureurs, la loi du 24 février 1997 a donc mis fin définitivement à la distinction entre procureur légal et avocat. Seuls subsitent les avocats. L'article 2 de la loi prévoit que, dans la législation italienne, l'on substitue au terme de procureur légal le terme d'avocat. Les procureurs qui n'étaient pas encore avocats sont inscrits d'office au registre des avocats, et prennent le titre d'avocat.

Pour exercer leur activité devant les juridictions supérieures (Cour de cassation, Conseil d'Etat, Cour des comptes, etc.), les avocats doivent s'inscrire à un registre spécial (albo speciale delle giurisdizioni superiori). Cette inscription est possible sans examen après douze ans d'activité, ou après deux ans d'activité au minimum et la réussite d'un examen.

153.2

Libre circulation des avocats italiens

L'avocat doit avoir sa résidence dans la circonscription du tribunal auprès duquel il est inscrit. Il peut exercer son activité sur tout le territoire italien.

153.3

Prestation de services par les avocats de l'UE/EEE

La loi no 31 du 9 février 1982 règle la situation des avocats provenant des Etats membres de l'UE. S'ils ont obtenus leur diplôme dans un de ces Etats, ils peuvent pratiquer la prestation de services en Italie sans autre autorisation. L'art. 2 de la loi no 31 interdit aux avocats de l'UE ­ et par analogie aux avocats de l'EEE ­ d'ouvrir 5345

une étude ou même une succursale en Italie. Cette disposition doit toutefois être relativisée suite à l'arrêt de la CJCE du 30 novembre 1995 dans l'affaire Reinhard Gebhard contre le Consiglio dell'Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano (cf.

ch. 142 ci-dessus).»

153.4

Etablissement des avocats de l'UE/EEE

La loi no 115 du 27 janvier 1992 définit les conditions auxquelles les avocats de l'UE peuvent s'inscrire aux registres des avocats. Ils doivent posséder un diplôme qui réponde à certaines exigences et doivent en outre passer un examen de capacité.

Une fois inscrits à un registre, ils bénéficient du même statut. Même si la loi du 27 janvier 1992 ne fait pas expressément mention des avocats de l'EEE, ceux-ci peuvent se prévaloir de cette loi en vertu de l'Accord EEE.

153.5

Avocats provenant de pays non membres de l'UE/EEE

A l'exception des possibilités offertes par le GATS, il n'existe pas de réglementation sur l'exercice de la profession d'avocat par les ressortissants d'autres pays que ceux de l'UE/EEE. Ils ne peuvent donc exercer des activités juridiques que dans la mesure où celles-ci ne sont par réservées aux avocats. En outre, il est interdit aux avocats provenant de pays non membres de l'UE/EEE d'ouvrir une étude (siège principal ou secondaire) en Italie.

16

Travaux préparatoires à la LLCA

Le 7 novembre 1994, l'Office fédéral de la justice a adressé un questionnaire au département de justice et au tribunal cantonal de chaque canton ainsi qu'aux facultés de droit des universités suisses. Le questionnaire avait d'une part pour but de disposer d'une vision globale des règles cantonales relatives à l'obtention du brevet d'avocat et à l'exercice de cette profession, et d'autre part de connaître l'avis des destinataires concernant les propositions de la FSA.

Deux variantes de loi fédérale ont alors été élaborées par l'Office fédéral de la justice. La première prévoyait la création d'un registre central des avocats au niveau fédéral, alors que la seconde se contentait d'une mise en réseau et d'une harmonisation des registres cantonaux. La seconde version a finalement été retenue, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, un registre fédéral ne se justifierait que si la profession d'avocat devenait une profession entièrement réglementée au niveau fédéral.

Aussi longtemps que les cantons délivreront les brevets d'avocat et exerceront la surveillance disciplinaire, il restera nécessaire de tenir des registres cantonaux indépendamment d'un registre central. Un registre fédéral ne constituerait ainsi qu'un double des registres cantonaux. Ensuite, la libre circulation des avocats peut être garantie sans la création d'un registre fédéral. La communication des informations entre cantons peut être assurée aussi efficacement par l'harmonisation et la mise en réseau des registres cantonaux. Enfin, le recours aux registres existants entraînera moins de frais et de travail administratif que la création d'un instrument supplémentaire. Un double niveau de registre constituerait en outre une première en Eu-

5346

rope. Le modèle d'une mise en réseau des registres cantonaux implique une intervention moins importante de la Confédération.

La FSA a participé à l'élaboration du projet de loi fédérale par l'intermédiaire d'une commission ad hoc qui a suivi de manière étroite les travaux d'élaboration de l'avant-projet. Il était en effet indispensable que les premiers destinataires de la loi soient associés suffisamment tôt aux travaux préparatoires. Enfin, des représentants de la Conférence des chefs de départements cantonaux de justice et police ont été entendus avant la procédure de consultation.

17

Résultats de la procédure de consultation

171

Résumé

Le 16 avril 1997, le Conseil fédéral a ouvert une procédure de consultation sur le projet de loi fédérale sur la libre circulation des avocats. La consultation a duré jusqu'au 31 août 1997. Cent destinataires (tribunaux fédéraux, autorités fédérales, gouvernements et tribunaux cantonaux, partis politiques et organisations intéressées) étaient invités à se prononcer. Compte tenu de la nature du projet de loi, les tribunaux cantonaux ont été directement consultés. Il est en effet fréquent que la délivrance des brevets d'avocats et la surveillance disciplinaire des avocats soient confiées aux tribunaux cantonaux, lesquels étaient donc particulièrement concernés.

Septante-trois réponses sont parvenues au DFJP, dont soixante-sept proviennent des milieux officiellement consultés et six sont des réponses spontanées. En ce qui concerne les autorités cantonales, seuls trois gouvernements et trois tribunaux cantonaux n'ont pas répondu. Quatre partis (PRD, PDC, PS, PLS) ont pris position; l'UDC a, quant à elle, renoncé à s'exprimer.

Dans l'ensemble, l'accueil réservé au projet de loi a été très positif. A l'exception d'un seul parti politique (PLS) qui aurait préféré un concordat, mais qui accepte quand même d'entrer en matière sur le projet, tous les milieux consultés approuvent le principe de l'édiction d'une loi fédérale réalisant la libre circulation des avocats en Suisse.

Un certain nombre de points toutefois ont fait l'objet de remarques, voire de controverses de la part des milieux consultés. Il s'agit, pour les plus importants, du rapport entre règles professionnelles fédérales et règles professionnelles cantonales (le projet mis en consultation prévoyait un certain nombre de règles professionnelles fédérales, mais laissait aux cantons la possibilité d'édicter des règles professionnelles complémentaires), de l'indépendance de l'avocat (prévue uniquement en tant que règle professionnelle) et enfin de la question des honoraires (le projet prévoyait que les cantons seraient tenus d'édicter des recommandations). Ces trois points seront examinés ci-dessous (cf. ch. 172).

La constitutionnalité de la partie du projet relative aux règles professionnelles, à la surveillance disciplinaire et aux honoraires a été mise en doute par le PLS et le PDC qui estiment que l'art. 31bis, al. 2, cst., n'offre pas une
base constitutionnelle suffisante. Cette question sera examinée sous ch. 6 ci-dessous.

Tribunal fédéral Le Tribunal fédéral salue le principe d'une réglementation de la libre circulation des avocats dans une loi fédérale, ainsi que l'édiction d'une réglementation cadre en 5347

matière de règles professionnelles, de surveillance disciplinaire et d'honoraires. Il relève toutefois que la distinction entre règles fédérales et règles cantonales, ainsi que l'absence de dispositions relatives aux voies de droit, soulèvent certaines questions délicates et pourraient poser des problèmes d'interprétation.

Cantons Les gouvernements et les tribunaux cantonaux acceptent tous le principe d'une réglementation relative aux règles professionnelles et à la surveillance disciplinaire, à l'exception du Tribunal cantonal de Zurich. Deux gouvernements (BE, BS) et deux tribunaux cantonaux (FR, GL) estiment toutefois que le rapport entre règles professionnelles fédérales et cantonales doit être réglé plus clairement, compte tenu des problèmes de concours. En ce qui concerne les recommandations cantonales en matière d'honoraires en revanche, quatre gouvernements (LU, TG, UR, OW) et quatre tribunaux cantonaux (BS, OW, SG, TG) souhaiteraient maintenir la solution des tarifs étatiques, tandis que quatre autres tribunaux cantonaux (AG, GL, BL, SO) s'opposent tant à l'édiction de tarifs étatiques qu'à celle de recommandations en matière d'honoraires.

Partis politiques De la part des partis politiques, l'accueil a été nettement plus réservé en ce qui concerne les règles professionnelles, la surveillance disciplinaire et les honoraires. Deux partis (PLS et PDC) contestent la constitutionnalité de cette partie du projet de loi.

Pour le PDC, la demi-centralisation proposée ne peut qu'être source d'insécurité et de confusion. Deux partis (PS et PRD) acceptent globalement le projet de loi; le PS ne le fait toutefois que pour autant qu'il ne s'agit que d'une première étape vers une loi régissant globalement la profession d'avocat.

Organisations Enfin, en ce qui concerne les organisations, l'Union suisse des arts et métiers (USAM), l'Union syndicale suisse (USS), la Vereinigung Rechtsstaat, la Fédération suisse des avocats (FSA), l'Association suisse des juristes d'entreprises (ASJE), la Chambre fiduciaire (ChF), l'Union suisse des professions libérales (USPL), la Commission de la concurrence, l'Association suisse d'assurances (ASA), l'Association suisse des banquiers (ASB) et le Vorort approuvent d'une manière générale l'effort d'harmonisation entrepris. Leurs principales remarques ont porté elles aussi
sur les trois points déjà évoqués: l'indépendance de l'avocat, les règles professionnelles et les honoraires.

En automne 1998, la Conférence des chefs des départements cantonaux de justice et police, la Commission de la concurrence, la Fédération suisse des avocats et l'Association suisse des juristes d'entreprises ont été invités à discuter les solutions envisageables sur trois points relativement controversés dans le cadre de la procédure de consultation: l'indépendance de l'avocat, la juxtaposition de règles professionnelles fédérales et cantonales et les honoraires.

5348

172

Les points principaux

172.1

L'indépendance

172.11

Données du problème

La question la plus controversée du projet de loi fut celle du degré d'indépendance que l'avocat doit avoir en vertu du droit fédéral pour s'inscrire à un registre, et donc pouvoir plaider sans autre formalité dans toute la Suisse. Compte tenu du fait que les exigences en matière d'indépendance diffèrent selon les cantons, certains organismes consultés redoutent que, par le biais de l'inscription au registre, les avocats salariés autorisés à pratiquer la représentation en justice en vertu de la pratique «libérale» de certains cantons puissent ainsi plaider dans toute la Suisse. Il faut relever que cette question se pose aujourd'hui déjà dans le cadre de la LMI, en vertu de laquelle l'avocat qui est autorisé à pratiquer dans un canton est présumé remplir les conditions d'exercice de la profession dans un autre canton (ATF 123 I 313). Si un avocat autorisé à pratiquer la représentation en justice dans un canton à la pratique libérale (ZH p. ex.) se voyait refuser l'autorisation de pratiquer dans un canton attaché à une définition plus stricte de l'indépendance (GE p. ex.), il pourrait aujourd'hui déjà recourir en invoquant une violation de la LMI. Le problème des différentes conceptions cantonales de l'indépendance se pose donc indépendamment de l'entrée en vigueur de la LLCA.

172.12

Principe de l'indépendance

Il est unanimement admis que l'indépendance de l'avocat est une condition essentielle à l'exercice de son activité. Le code de déontologie des avocats de la Communauté européenne (ch. 2.1), les lignes directrices de la FSA (art. 1), le code d'éthique de l'International Bar Association (art. 3) et les Principes fondamentaux de la profession d'avocat de l'Union internationale des avocats la mentionnent expressément.

Les lois sur les avocats des cantons romands, des cantons de Berne, de Saint-Gall, de Thurgovie et du Tessin mentionnent également l'indépendance de l'avocat, contrairement aux législations des autres cantons. L'indépendance de l'avocat y est pourtant aussi présumée et découle de l'observation d'autres règles professionnelles, notamment en matière de conflits d'intérêts.

172.13

Pratiques cantonales

En pratique pourtant, l'indépendance de l'avocat a suscité de nombreuses controverses, en particulier quant à sa compatibilité avec un statut de salarié. Les cantons ont apporté des solutions différentes à cette question. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, tous les cantons admettent qu'un avocat puisse exercer une activité salariée indépendante de son activité d'avocat. En revanche, seuls trois cantons admettent à certaines conditions que des avocats salariés représentent en

5349

justice les clients de leur employeur: Thurgovie33, Saint-Gall34 et Zurich35. Il faut souligner que ces cantons à la pratique «libérale» partent eux aussi du principe que l'avocat est et demeure indépendant. Selon eux cette indépendance reste possible dans le cadre d'un rapport de travail, moyennant certaines garanties figurant dans le contrat de travail. Au contraire, Bâle-Campagne et Lucerne l'excluent (cf. ATF 123 I 197). Lucerne estime même que des dispositions contractuelles dans le contrat de travail ne sauraient garantir une véritable indépendance à l'avocat salarié36.

172.14

Aspects internationaux

Sur le plan international, on constate une différence entre les pays anglo-saxons où l'indépendance de l'avocat n'exclut pas un statut de salarié, et les pays ayant subi l'influence du droit français, très attachés à une définition stricte de l'indépendance.

En France par exemple, un avocat peut être le salarié d'un autre avocat ou d'une société d'avocats37. L'avocat salarié ne peut avoir de clientèle personnelle. Dans l'exercice des missions qui lui sont confiées, il bénéficie de l'indépendance que comporte son serment et n'est soumis à un lien de subordination à son employeur que pour la détermination de ses conditions de travail38. Le contrat de travail de l'avocat doit dans tous les cas être établi par écrit et préciser les modalités de la rémunération39.

En Allemagne, l'avocat est un organe indépendant de la justice («Der Rechtsanwalt ist ein unabhängiges Organ der Rechtspflege», §1 der Bundesrechtsanwaltordnung; BRAO). L'avocat salarié est en principe exclu des activités de monopole. Dans la mesure où l'assistance d'un avocat n'est pas obligatoire, les avocats employés («Syndikusanwalt») peuvent représenter leur employeur, mais pas en qualité d'avocat (§ 46, al. 1, BRAO). Le § 43, al. 1, BRAO précise que l'avocat ne peut se

33

34

35

36 37

38 39

Un avocat employé par une fiduciaire est autorisé à représenter des tiers devant les tribunaux (Rechenschaftsbericht des Obergerichtes des Kantons Thurgau, 1982, no 10, Décision du 26 avril 1982 de la Commission de recours).

Le Tribunal cantonal de Saint-Gall avait admis qu'un avocat employé par une fiduciaire accepte des mandats pour le compte de clients de la fiduciaire (arrêt du 27.2.1984, cité par Wolffers, op. cit. p. 59). Dans le cadre de la procédure de consultation sur la LLCA, le gouvernement de Saint-Gall s'est pourtant prononcé pour une définition stricte de l'indépendance, se référant à l'art. 21 de la loi saint-galloise du 11 novembre 1993 sur les avocats (Anwaltsgesetz). Un recours est actuellement pendant devant le Tribunal cantonal saint-gallois contre une décision de la Chambre des avocats qui a refusé à un avocat employé par une fiduciaire l'autorisation de pratiquer.

Dans le canton de Zurich, l'autorité de surveillance demande qu'un avocat salarié qui entend pratiquer la représentation en justice dispose d'un contrat de travail dans lequel une série de conditions sont stipulées afin de garantir son indépendance (les us et coutumes du barreau doivent être respectés; le devoir de fidélité à l'égard du client a la priorité sur le devoir de fidélité à l'égard de l'employeur; l'employeur n'a pas le droit d'exiger des comptes de l'employé ou d'examiner ses dossiers, etc.).

Luzerner Gerichts- und Verwaltungsentscheide 1985 I no 33; Dominique Dreyer, L'avocat dans la société actuelle, RDS 115/1996, p. 416.

Art. 136 du Décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat; cf. Jacques Hamelin/André Damien, Les règles de la profession d'avocat, Paris 1995, p.

69 ss.

Art. 7 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridîques.

Cf. Jacques Hamelin/André Damien, p. 69.

5350

lier d'une manière qui menace son indépendance («der Rechtsanwalt darf keine Bindungen eingehen, die seine berufliche Unabhängigkeit gefährden»40).

Au Danemark en revanche, un accord a été conclu en 1996 entre le gouvernement, l'association des juristes d'entreprises et le Barreau; cet accord permet aux juristes d'entreprise de s'inscrire au barreau et d'être traités comme des avocats indépendants41.

Compte tenu de la diversité des situations nationales dans les pays de l'UE, le droit européen réserve la possibilité pour les Etats membres de l'UE de permettre à des avocats salariés - par une étude d'avocat ou par des entreprises privées ­ de pratiquer la représentation en justice. En vertu de l'art. 8 de la directive 98/5/CE sur l'établissement des avocats, l'avocat inscrit dans un Etat membre d'accueil sous le titre d'origine peut exercer en qualité d'avocat salarié d'un autre avocat, d'une association ou société d'avocats, ou d'une entreprise publique ou privée dans la mesure où l'Etat membre d'accueil le permet pour les avocats inscrits sous le titre professionnel de cet Etat membre.

La question de savoir si un avocat salarié dans son Etat d'origine peut pratiquer sous forme de prestation de service la représentation en justice dans le pays d'accueil est réglée par l'art. 6 de la directive 77/249/CEE qui prévoit que «chaque Etat membre peut exclure les avocats salariés liés par un contrat de travail avec une entreprise publique ou privée de l'exercice des activités de représentation et de défense en justice de cette entreprise dans la mesure où les avocats établis dans cet Etat ne sont pas autorisés à les exercer».

172.15

Résultats de la procédure de consultation

Le projet de LLCA soumis à la consultation se bornait à poser le principe ­ à titre de règle professionnelle ­ que l'avocat était soumis au devoir d'indépendance dès lors qu'il était admis, au regard du droit cantonal, à exercer la représentation en justice.

Il ne donnait pas ­ pas plus que les législations cantonales ­ de définition plus précise de l'indépendance. Le projet n'interdisait pas expressément qu'un avocat salarié soit inscrit au registre des avocats. Bien que salarié, l'avocat restait soumis au devoir d'indépendance et agissait en son nom personnel et sous sa propre responsabilité.

Or, si un avocat salarié est admis à s'inscrire dans un registre cantonal en vertu d'une pratique «libérale» d'un canton, un canton à la pratique plus restrictive ­ qui n'accepte par principe aucun avocat salarié à représenter en justice ­ ne pourra pas lui refuser le droit de pratiquer sur son territoire sous le prétexte qu'il est salarié; il pourra tout au plus engager une procédure disciplinaire contre lui pour le motif que l'avocat ne respecte pas la règle professionnelle (fédérale) de l'indépendance. Ce

40

41

Cf. Jessnitzer/Blumberg, Bundesrechtsanwaltsordnung, Cologne/Berlin/Bonn/Munich 1995, note 16 ss relatives au § 7, qui précise qu'il faut interdire l'accès à la profession d'avocat lorsque le candidat exerce une activité incompatible avec cette profession, notamment avec son indépendance, ou propre à entamer la confiance dans cette indépendance («Die Zulassung zur Rechtsanwaltschaft ist zu versagen, [. . .] wenn der Bewerber eine Tätigkeit ausübt, die mit dem Beruf des Rechtsanwalts, insbesondere seiner Stellung als unabhängiges Organ der Rechtspflege nicht vereinbar ist oder das Vertrauen in seine Unabhängigkeit gefährden kann; [. . .]»).

European Counsel, septembre 1996, p. 29.

5351

serait en fin de compte le Tribunal fédéral qui pourrait trancher la question en cas de recours.

Tous les milieux qui se sont prononcé au sujet de l'indépendance ont réclamé une définition plus précise de l'indépendance à l'échelon fédéral et, partant, une solution uniforme pour l'ensemble de la Suisse. Pour le reste, les avis sont partagés et peuvent se répartir en trois catégories: ­

les organismes qui ne se prononcent pas et qui souhaitent seulement qu'une solution uniforme soit adoptée [deux gouvernements (SH et TG), cinq tribunaux cantonaux (GL, LU, SO, UR, TG), un parti (PRD)];

­

ceux qui souhaitent interdire aux avocats salariés de représenter des parties en justice, à moins que leur employeur soit lui-même inscrit au registre [dix gouvernements (AR, BE, BL, FR, GE, NE, SG, SO, UR, VD), quatre tribunaux cantonaux (JU, BL, VD et ZG), deux partis (PS et PDC), la FSA, l'USPL, l'ASM et l'ACSI]; ils craignent que les avocats salariés admis à plaider dans certains cantons à tendance «libérale» puissent, par le biais de l'inscription au registre, plaider également dans les cantons où le statut de salarié exclut une activité de monopole;

­

enfin ceux qui souhaitent une solution libérale (le gouvernement SZ, l'ASJE, l'ASA, le Vorort, l'ASB, la Commission de la concurrence).

172.16

Jurisprudence du Tribunal fédéral

Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de se prononcer sur certaines exigences en matière d'indépendance de l'avocat.

1. Activité salariée et activité indépendante parallèles sans rapport l'une avec l'autre Dans l'arrêt Sauvin du 18 octobre 1985 (RDAF 1986 p. 157 ss), comme dans l'arrêt du 12 décembre 1996 dans la cause G., le Tribunal fédéral a expressément admis qu'un avocat salarié pouvait, indépendamment de son travail, pratiquer la représentation en justice. L'exercice d'une activité parallèle, même à titre prépondérant, ne porte aucun préjudice à la qualité des services et à l'indépendance de l'avocat; une profession parallèle à l'activité d'avocat est constitutionnellement autorisée (ATF 123 I 193)42. Le canton de Berne a aussi admis qu'un fonctionnaire peut exercer une activité d'avocat bien que la loi bernoise exige formellement l'indépendance43.

2. Représentation des clients d'un employeur par un avocat salarié de cet employeur Ce cas de figure est plus problématique et représente le véritable enjeu du débat sur l'indépendance. La jurisprudence du Tribunal fédéral sur cette question est nuancée.

En effet, dans les arrêts Ilg et Clivaz, le Tribunal fédéral a admis qu'un avocat salarié par une personne morale pouvait valablement pratiquer la représentation en justice, alors que dans le dernier arrêt en date (ATF 123 I 193) il a dénié à un avocat salarié par une assurance de protection juridique le droit de représenter les clients de l'assurance en justice.

42 43

Puisque la liste des conditions d'inscription au registre prévues par la LLCA est exhaustive, il n'est pas nécessaire de préciser ce point dans la loi.

Arrêt du Tribunal administratif bernois du 15 avril 1985; cf. Wolffers, op. cit. p. 59.

5352

­

Arrêt Ilg du 17 octobre 1980 (non publié) Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral avait à examiner si un avocat employé par un syndicat pour conseiller et représenter les membres du syndicat respectait le devoir d'indépendance. Se référant aux considérants de la décision attaquée, le Tribunal fédéral a jugé que l'indépendance financière de l'avocat était garantie du moment que l'avocat était rétribué par le syndicat et non pas par les clients.

­

Arrêt Clivaz du 22 octobre 1987 (ATF 113 Ia 279) Dans le cas d'un avocat employé par une fondation de droit privé, à but social et humanitaire (conseiller gratuitement et représenter en justice des créanciers de pensions alimentaires économiquement faibles), la Chambre des avocats du canton de Berne avait estimé que l'avocat avait violé le devoir d'indépendance prévu par la loi bernoise sur la profession d'avocat. Le Tribunal fédéral a critiqué le fait de prétexter des pratiques susceptibles de porter atteinte à l'indépendance de l'avocat pour ne défendre que des intérêts corporatistes incompatibles avec la liberté du commerce et de l'industrie («rein standespolitische Interessen, die mit der Handels- und Gewerbefreiheit nicht vereinbar sind»). Le Tribunal fédéral a donc cassé la décision de la Chambre des avocats.

­

Arrêt I. du 18 avril 1997 (ATF 123 I 193) Dans son dernier arrêt sur la question de l'indépendance, le Tribunal fédéral a précisé sa jurisprudence. Dans le cas d'un avocat employé par une assurance de protection juridique et qui souhaitait défendre les clients de cette assurance, et bien que l'avocat ait disposé d'un contrat de travail lui laissant une totale indépendance dans la manière de traiter ses mandats, le Tribunal fédéral a estimé que l'indépendance de l'avocat était menacée car les intérêts de la compagnie de protection juridique pourraient être contraires aux intérêts de ses clients. L'intérêt de la compagnie de protection juridique à freiner les dépenses découlant de procédures judiciaires peut s'opposer à l'intérêt du client de bénéficier d'une protection juridique aussi complète que possible.

3 Résumé de la jurisprudence du Tribunal fédéral On peut donc dégager de la jurisprudence du Tribunal fédéral les thèses suivantes: ­

L'activité d'avocat n'a pas à être pratiquée à temps complet; une activité salariée accessoire est autorisée.

­

On ne saurait interdire par principe à un avocat salarié de défendre les clients de son employeur.

­

Un avocat salarié peut défendre les clients de son employeur pour autant qu'aucun conflit d'intérêts ne soit possible entre le client et l'employeur.

­

Un conflit d'intérêts est suffisamment vraisemblable dans le cas d'un avocat salarié par une assurances de protection juridique pour lui interdire d'exercer dans le cadre du monopole.

5353

172.17

Critères pour l'adoption d'une réglementation sur la question de l'indépendance

L'indépendance de l'avocat doit être garantie tant au moment de l'inscription au registre que dans l'exercice de la profession. Comme on l'a vu ci-dessus, le problème des différentes interprétations des autorités cantonales en matière d'indépendance se pose aujourd'hui déjà en vertu de la LMI. A moins d'exclure de manière générale les avocats salariés du registre, ou au contraire de les admettre de manière générale, une solution plus nuancée qui reflète les principes dégagés par le Tribunal fédéral est extrêmement délicate à trouver. On relèvera qu'aucune législation cantonale ne donne aujourd'hui de définition précise de l'indépendance.

La LLCA vise avant tout la libre circulation des avocats. La solution retenue dans la LLCA doit notamment: ­

ne pas bloquer une possible évolution dans ce domaine44;

­

respecter la casuistique du Tribunal fédéral;

­

être eurocompatible ­ voire «euroconviviale» (simplicité, transparence) ­ sur la question des avocats salariés dans le cadre de la libre circulation des avocats entre la Suisse et l'UE;

­

être dans l'intérêt du justiciable;

­

enfin permettre une définition de l'indépendance valable pour l'ensemble de la Suisse.

Le respect de ces critères conduit à retenir une solution relativement souple et ouverte. Sans se référer explicitement à la notion d'«avocat salarié», la LLCA se limite à prévoir que l'autorité qui tient le registre examine, au moment de la demande d'inscription, si l'avocat est en mesure d'exercer en toute indépendance. Par rapport au projet de LLCA soumi à la consultation, on introduit donc un premier examen de l'indépendance dès l'inscription. Les autorités cantonales de surveillance doivent alors examiner concrètement si l'avocat est «indépendant», notamment au sens de la jurisprudence du Tribunal fédéral. L'indépendance reste évidemment aussi une règle professionnelle qui s'impose à l'avocat dans l'ensemble de son activité professionnelle.

Cette solution laisse aux autorités de surveillance, voire aux tribunaux, le soin de fixer les contours de l'indépendance en tenant compte essentiellement des problèmes de conflits d'intérêts. Elle ne porte pas préjudice à une évolution des pratiques cantonales en la matière. Elle favorise, par le biais de la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'émergence d'une conception uniforme de la notion d'indépendance au niveau suisse, et donc conduit à une harmonisation progressive des pratiques cantonales. Enfin, cette solution est parfaitement compatible avec la jurisprudence du Tribunal fédéral.

44

La question de l'organisation des études d'avocats (p. ex. sous forme de sociétés anonymes) se posera probablement prochainement en Suisse, comme elle se pose déjà dans de nombreux pays (cf. Dreyer, op. cit. p. 514).

5354

172.2

Règles professionnelles

Dans le cadre de la procédure de consultation, plusieurs organismes consultés ont critiqué le fait que le projet instituait des règles professionnelles fédérales directement applicables, tout en réservant aux cantons la possibilité d'édicter des règles professionnelles cantonales complémentaires. Cette double réglementation pourrait poser des problèmes pratiques. En cas de recours par exemple, un avocat ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour violation à la fois d'une règle professionnelle fédérale et d'une règle professionnelle cantonale devrait déposer deux recours au Tribunal fédéral: un recours de droit administratif en ce qui concerne la première violation et un recours de droit public pour ce qui est de la seconde.

Pour éviter ce double système de règles professionnelles, la LLCA règle de manière exhaustive les règles professionnelles pour les avocats. Cette unification est gage de sécurité pour les avocats suisses et de l'UE, qui n'auront plus à se préoccuper des particularismes cantonaux en matière de règles professionnelles. La coexistence en Suisse de 26 ensembles de règles professionnelles pour la profession d'avocat n'est plus justifiable aujourd'hui dans la perspective de la libre circulation au niveau européen. Il faut noter que, dans tous les pays voisins, la profession d'avocat est réglementée au niveau national.

Une unification des règles professionnelles sera également de nature à encourager la mobilité des avocats, et à permettre une pratique plus transparente des autorités de surveillance en cas de recours. Cette solution permet également de limiter la portée des règles déontologiques (Standesregeln), édictées par les associations professionnelles, qui serviront avant tout à interpréter si nécessaire les règles professionnelles.

Des critiques se sont élevées à l'encontre de ces règles déontologiques, dont l'intérêt public est parfois discutable; la loi du 6 octobre 1995 sur les cartels (Lcart; RS 251) a du reste accentué encore la remise en cause des règles déontologiques45. En unifiant au niveau fédéral les règles professionnelles que tout avocat doit observer en Suisse, la LLCA permet non seulement d'éviter des problèmes de concours entre règles professionnelles cantonales, mais elle opère également une distinction claire entre règles professionnelles (étatiques) et règles déontologiques.

172.3

Honoraires

En matière d'honoraires, le projet de LLCA soumis à la consultation prévoyait que les cantons devaient se limiter à édicter des recommandations; les tarifs étatiques auraient ainsi été abolis. Certains organismes consultés ont estimé que des tarifs étatiques étaient indispensables pour garantir une certaine transparence, d'autres au

45

Cf. Benoît Chappuis, Signification et fonction des règles déontologiques, in Droit suisse des avocats, Walter Fellmann éd., Berne 1998, p. 140.

5355

contraire ont trouvé des recommandations inutiles voire contre-productives46. Une majorité des organismes qui se sont prononcé sur la question souhaitent certes une libéralisation des honoraires, mais les avis sont très partagés sur la question de savoir quel système est préférable47.

En pratique toutefois, une concurrence existe déjà. On peut constater des différences notables sur le tarif horaire facturé dans un même canton, même lorsque des tarifs étatiques existent, car ces tarifs sont souples et permettent en définitive une grande liberté dans la manière de calculer les honoraires. Ceci en relativise la portée.

Compte tenu de la diversité des avis exprimés ainsi que du fait que le lien entre honoraires et libre circulation est relativement lâche, la LLCA renonce à imposer aux cantons une réglementation uniforme en matière d'honoraires. Dans le cadre de la révision de sa loi sur les avocats, chaque canton pourra examiner la question des honoraires et choisir le système qui lui paraît le meilleur.

18

Procédure de consultation sur le volet européen de la loi

Le 15 mars 1999, le Conseil fédéral a décidé de mettre en consultation les accords sectoriels CH-CE, ainsi que les adaptations législatives et les mesures d'accompagnement qui en découlent. Cette procédure de consultation a duré jusqu'au 13 avril 1999. C'est dans ce cadre que le volet européen de la loi (art. 19 à 32), nouvellement intégré, a été mis en consultation. Le Tribunal fédéral, les gouvernements cantonaux, les partis politiques et les organisations faîtières, ainsi que les tribunaux cantonaux et les organismes qui s'étaient prononcés dans le cadre de la première procédure de consultation (cf. ch. 171 ci-dessus), ont été consultés.

De la part du Tribunal fédéral, des gouvernements cantonaux (sauf BS et SO), des partis politiques et des organisations faîtières, le projet n'a pas fait l'objet de remarques particulières. Le Vorort s'est prononcé expressément en faveur du projet. Onze tribunaux cantonaux (ZH, BE, LU, OW, ZG, SO, BS, BL, AR, SG, VD) ainsi que la 46

47

Quatre gouvernements (LU, TG, UR, OW) jugent que, pour des raisons de transparence, les clients doivent pouvoir estimer ce que leur coûtera une procédure. Il est donc nécessaire de disposer de tarifs étatiques et non de simples recommandations. Pour le gouvernement de NE, les cantons ne doivent avoir que la possibilité et non l'obligation d'édicter des recommandations. Le gouvernement de BE estime que des tarifs étatiques sont nécessaires pour les cas d'assistance judiciaire et de défense d'office. Quatre tribunaux cantonaux (BS, OW, SG, TG) préfèrent également la solution des tarifs étatiques (sous réserve toutefois d'un accord sur des tarifs plus bas entre l'avocat et le client).

Bien que l'AG connaisse encore des tarifs contraignants en matière d'honoraires, le gouvernement d'AG estime qu'une intervention étatique dans ce domaine est contreproductive et s'oppose à une réglementation, même non contraignante. Le gouvernement de SO estime qu'il appartient aux organisations professionnelles d'adopter des tarifs dans le cadre de la loi fédérale sur les cartels; c'est en définitive le marché qui décide si un tarif est «juste» ou non. Quatre tribunaux cantonaux (AG, GL, BL, SO) s'opposent aux recommandations en matière d'honoraires.Celui d'AG estime que des recommandations en matière de tarifs sont de nature à nuire à la concurrence; celui de GL est du même avis, et s'oppose aussi bien aux tarifs étatiques qu'aux recommandations. Le tribunal cantonal de BL estime que des tarifs étatiques sont toutefois nécessaires pour les cas d'assistance judiciaire et de défense d'office. Le Tribunal cantonal de GL souhaite également, au cas où des recommandations étatiques seraient prévues, que la loi précise davantage leur fonction. Un parti (le PDC) propose de biffer cette disposition, le système lui paraissant peu clair.

5356

FSA ont déposé une prise de position. Cinq tribunaux (UR, GL, FR, SH, GR) ont renoncé à participer à la consultation. Outre quelques remarques isolées, c'est surtout l'entretien de qualification (art. 30) qui a fait l'objet de commentaires. Deux tribunaux cantonaux (OW, SO) auraient souhaité renoncer à un tel entretien. D'autre part, trois tribunaux cantonaux (ZH, LU, SG) ont fait remarquer qu'une clause générale manquait dans le catalogue des règles professionnelles, désormais fixées exclusivement au niveau fédéral. Enfin, la FSA a de nouveau souhaité que l'exigence de l'indépendance soit définie de manière plus restrictive.

19

Classement d'une intervention parlementaire

Le postulat 94.335 Stamm Luzi «Liberté d'établissement pour les avocats. Abolition des barrières intercantonales», adopté comme motion par le Conseil national le 20 décembre 1995 et transformée en postulat par le Conseil des Etats le 3 juin 1996, peut être classé. Le présent projet de loi remplit en effet complètement les objectifs du postulat puisqu'il permet à tout avocat inscrit à un registre d'exercer la profession d'avocat dans n'importe quel canton, sans frais ni formalités. Pour les raisons exposées sous ch. 16 ci-dessus, la LLCA renonce toutefois à instituer un registre fédéral pour atteindre ces objectifs.

2

Partie spéciale

21

Remarques terminologiques

Les termes «certificat de capacité», «brevet» et «autorisation de pratiquer» peuvent avoir des sens différents dans les législations cantonales. Il est nécessaire de préciser le sens que nous leur donnons dans la présente loi. Les définitions qui suivent sont celles retenues par la doctrine48 et par la grande majorité des cantons.

Par «certificat de capacité», terme qui correspond à l'«acte de capacité» mentionné à l'art. 33 cst., on entend le certificat attestant des connaissances professionnelles théoriques et pratiques. Le «brevet» quant à lui est délivré après l'examen des connaissances professionnelles et de certaines conditions personnelles (bonne réputation, solvabilité, etc.). Enfin l'«autorisation de pratiquer» désigne l'autorisation de plaider dans un canton délivrée à un avocat titulaire du brevet d'un autre canton49.

22

La conception de la loi

La LLCA garantit la libre circulation des avocats en Suisse et fixe un certain nombre de principes et d'exigences minimales pour l'exercice de la profession d'avocat. La conception générale de la loi repose sur les aménagements nécessaires à la réalisation du principe de la libre circulation des avocats, les procédures cantonales d'autorisation de pratiquer étant totalement supprimées. Dès lors que tout avocat 48 49

Cf. Wolffers, op. cit., p. 63; cf. également Rothenbühler, op. cit. p. 59.

Certains cantons octroient toutefois cette autorisation de pratiquer sous la forme du brevet cantonal proprement dit (cf. p. ex. art. 36 de la Gerichtsverfassungsgesetz du 24 septembre 1978 du canton des Grisons).

5357

inscrit à un registre cantonal peut librement pratiquer sur l'ensemble du territoire de la Confédération sans contrôle préalable des autres autorités cantonales, dès lors aussi que les avocats des Etats membres de l'UE peuvent à certaines conditions pratiquer en Suisse, il est nécessaire d'unifier au niveau fédéral un certain nombre de points: ­

les conditions de la libre circulation intercantonale des titulaires de brevets d'avocats cantonaux;

­

les registres cantonaux des avocats;

­

les règles professionnelles;

­

la surveillance disciplinaire;

­

la réglementation de la dénomination professionnelle;

­

l'accès à la profession pour les avocats ressortissants des pays de l'UE.

En l'absence d'un brevet fédéral, les structures cantonales assurant la surveillance disciplinaire doivent être maintenues et harmonisées. La LLCA s'appuie sur les autorités de surveillance cantonales. Au système des autorisations de pratiquer, la loi sur la libre circulation des avocats substitue une mise en réseau des registres cantonaux des avocats afin de permettre la recherche et l'échange d'informations relatives aux avocats inscrits. Ces registres sont tenus par l'autorité chargée de la surveillance disciplinaire.

23

Commentaire des dispositions de la loi

231

Objet et champ d'application (section 1)

231.1

Objet (art. 1)

La libre circulation intercantonale des avocats est garantie à l'heure actuelle par l'art. 5 des dispositions transitoires cst. ainsi que par la LMI. La LLCA garantit désormais cette libre circulation, sur tout le territoire de la Confédération, pour les avocats inscrits à un registre cantonal (art. 1, al. 1, en liaison avec l'art. 3). Elle fixe également les principes majeurs applicables à l'exercice de la profession d'avocat sur le territoire suisse.

La LLCA n'a pas pour but de remplacer complètement les législations cantonales sur les avocats, qui resteront nécessaires, mais d'unifier un certain nombre de points en raison de l'abandon du contrôle exercé jusqu'à présent par les cantons sur les avocats au moment de la délivrance des autorisations de pratiquer.

L'aboutissement des négociations bilatérales avec la CE, et en particulier l'Accord sur la libre circulation des personnes, impliquent la transposition en droit suisse de la réglementation communautaire pertinente (directives 77/249/CEE, 89/48/CEE et 98/5/CE, cf. ch. 14). Cette transposition doit être faite pour l'essentiel au niveau fédéral. L'al. 2 précise donc que la LLCA détermine les modalités selon lesquelles les avocats ressortissants des Etats membres de l'UE peuvent pratiquer la représentation en justice en Suisse.

5358

231.2

Champ d'application personnel (art. 2)

La loi ne s'applique qu'aux personnes titulaires d'un brevet d'avocat qui exercent effectivement la représentation en justice dans le cadre du monopole défini par le droit cantonal50. Il s'agit d'avocats qui travaillent à titre indépendant (sur la notion d'indépendance, cf. ch. 172.1). Le champ d'application personnel de la loi n'englobe donc pas tous les avocats, c'est-à-dire toutes les personnes titulaires d'un brevet d'avocat. Souvent en effet, des avocats exercent une activité de juge ou de greffier, travaillent dans des administrations ou sont salariés de banques, de fiduciaires, etc.; ils ne s'inscriront donc pas au registre et ne seront pas soumis au contrôle de l'autorité de surveillance. De même, un avocat qui n'entendrait pas pratiquer la représentation en justice mais uniquement le conseil juridique, et qui ne s'inscrirait pas à un registre cantonal des avocats, ne sera pas non plus soumis à la présente loi.

Il ne pourra donc se prévaloir du titre d'«avocat inscrit au registre» ou d'«avocat au barreau», ce qui le distinguera aux yeux du public des avocats inscrits au registre.

Les cantons gardent évidemment la compétence de définir le champ des activités juridictionnelles devant les instances cantonales qui entrent dans le cadre du «monopole de l'avocat». Dans la mesure où certains cantons autorisent des avocats employés par des banques ou des fiduciaires par exemple à exercer la représentation en justice, ceux-ci sont soumis à la LLCA et doivent s'inscrire dans un registre cantonal. Ils sont ainsi tenus de respecter les règles professionnelles et le contrôle des autorités de surveillance cantonales s'exerce sur eux également.

La loi peut s'appliquer à des personnes ne possédant pas la nationalité suisse, puisqu'un brevet d'avocat cantonal peut être délivré à une personne de nationalité étrangère. Alors qu'il y a quelques années encore, le Tribunal fédéral admettait la constitutionnalité des législations cantonales qui réservaient aux seuls citoyens suisses le droit d'exercer la profession d'avocat, il a opéré un revirement de jurisprudence en 199351. Le Tribunal fédéral ne nie pas qu'il existe un intérêt public à ce qu'un avocat soit familiarisé avec le contexte économique et politique du pays, mais il estime qu'un étranger doit pouvoir faire la preuve qu'il connaît la Suisse et que
la situation politique et économique du pays lui est aussi familière qu'à un citoyen suisse. La liberté du commerce et de l'industrie garantie par l'art. 31 cst. (art. 27 nCst.) interdit de maintenir purement et simplement l'exigence de la nationalité suisse. Dans les liimites de cette jurisprudence, les cantons demeurent libres de définir les conditions auxquelles ils délivrent leurs brevets d'avocat.

La LLCA s'applique naturellement aussi aux avocats des Etats membres de l'UE qui ont été admis à pratiquer la représentation en justice en Suisse en vertu de la LLCA.

En outre, les dispositions pertinentes (règles professionnelles, surveillance et sanctions disciplinaires) s'appliqueront aussi à un avocat provenant d'un Etat autre que ceux de l'UE, et qui aurait été exceptionnellement admis par une juridiction cantonale à plaider dans une affaire déterminée.

50

51

Le canton de Soleure ne connaît pas de monopole de représentation en justice. Les personnes titulaires d'un brevet d'avocat et exercant la représentation en justice dans ce canton devront aussi s'inscrire au registre cantonal s'ils souhaitent bénéficier de la libre circulation.

ATF 119 Ia 35 et arrêt du Tribunal fédéral du 27 avril 1993 dans la cause Tim Brockmann contre le Conseil d'Etat du canton de Genève; cf. aussi ATF 123 I 19.

5359

232

Libre circulation entre les cantons et registres cantonaux des avocats (section 2)

232.1

Principe de la libre circulation entre les cantons (art. 3)

L'art. 3 garantit à tout avocat inscrit à un registre cantonal la possibilité de pratiquer la représentation en justice en Suisse sans autorisation. Les cantons ne peuvent dès lors plus exiger de la part d'un avocat déjà inscrit à un registre cantonal qu'il remplisse d'autres conditions personnelles ou de formation que celles prévues par la LLCA. Ces conditions sont examinées au moment de l'inscription au registre cantonal. Une fois inscrit, l'avocat peut plaider sur l'ensemble du territoire suisse sans autre formalité. En cas de doute, l'autorité qui souhaite vérifier qu'une personne est habilitée à exercer l'activité d'avocat peut se renseigner en consultant le registre du canton où l'avocat est inscrit (art. 9 LLCA); si par exemple un juge d'un canton X reçoit un mémoire d'un avocat inscrit au registre du canton Y, il peut se renseigner auprès de l'autorité de surveillance du canton Y pour s'assurer que l'avocat y est inscrit et que les conditions de formation et les conditions personnelles sont effectivement remplies. Il peut également s'assurer que l'avocat n'a pas fait l'objet de sanctions disciplinaires. Il découle de ce principe que les cantons sont en droit de refuser l'exercice du barreau à un avocat non inscrit à un registre cantonal.

Deux organismes consultés (Tribunal cantonal de BS et VD) ont souhaité que les avocats justifient de leur inscription à un registre cantonal lorsqu'ils se présentent pour la première fois devant une autorité judiciaire. On renonce pourtant à inscrire une telle obligation dans la loi. Si nécessaire et en cas de doute, le juge pourra d'une part demander à l'avocat d'établir le fait qu'il est bien inscrit à un registre, d'autre part se renseigner directement auprès de l'autorité de surveillance du canton au registre duquel l'avocat est inscrit.

232.2

Registre cantonal des avocats (art. 4)

Pour les raisons exposées ci-dessus (cf. ch. 16), on a finalement renoncé à créer un registre fédéral des avocats au profit d'une mise en réseau des registres cantonaux sur tout le territoire de la Confédération. Du fait de la suppression des procédures d'autorisation de pratiquer, les cantons ne disposeront plus à l'avenir des pièces attestant qu'un avocat provenant d'un autre canton remplit les conditions de formation et les conditions personnelles. Il faut pourtant que les autorités cantonales définies à l'art. 9 LLCA puissent rapidement le vérifier, si nécessaire. La structure du registre doit donc être identique dans tous les cantons.

Chaque canton devra disposer d'un registre des avocats qui pratiquent la représentation en justice, disposent d'une adresse professionnelle sur le territoire cantonal et remplissent les conditions de formation de l'art. 6 ainsi que les conditions personnelles de l'art. 7 LLCA. Un avocat qui plaide occasionnellement ou régulièrement dans un canton mais qui n'y dispose pas d'une étude ne doit pas être inscrit au registre. Les personnes titulaires d'un brevet d'avocat mais n'exerçant pas à titre indépendant ­ et qui donc ne sont pas admises à représenter en justice ­ ne figureront pas non plus dans le registre et ne seront pas soumises à l'autorité de surveillance cantonale. En revanche, lorsque les cantons admettent, à certaines conditions, qu'un avocat employé peut pratiquer la représentation en justice, celui-ci doit s'inscrire au registre et est ainsi soumis au contrôle de l'autorité de surveillance.

5360

L'al. 2 de l'art. 4 LLCA précise le contenu du registre. Il s'agit de certaines données personnelles au sens de l'art. 3, let. a, de la loi fédérale sur la protection des données (LPD; RS 235.1): le nom, le prénom, la date de naissance, le lieu d'origine pour les avocats suisses ou la nationalité pour les avocats qui ne seraient pas citoyens suisses, la copie du brevet d'avocat (qui permet de déterminer quel est le titre professionnel de l'avocat), les attestations établissant que les conditions personnelles prévues à l'art. 7 sont remplies, la ou les adresses professionnelles ainsi que, le cas échéant, le nom de l'étude au sein de laquelle il travaille (si l'avocat dispose d'une étude dans un autre canton, elle doit également être indiquée), et enfin les mesures disciplinaires non radiées. En vertu de l'art. 14, al. 3, l'autorité de surveillance du canton où l'avocat est inscrit au registre est informée du prononcé d'une mesure disciplinaire dans un autre canton, et inscrit cette mesure au registre dès qu'elle est entrée en force.

Enfin, l'al. 3 de l'art. 4 LLCA précise que c'est l'autorité de surveillance des avocats qui doit tenir le registre. Afin de simplifier autant que possible la surveillance des avocats ainsi que la recherche d'informations à leur sujet, il est souhaitable qu'une seule autorité cantonale soit chargée de la surveillance des avocats et de la tenue du registre.

232.3

Inscription au registre (art. 5)

Tout avocat qui entend pratiquer la représentation en justice doit demander son inscription au registre lorsqu'il dispose d'une adresse professionnelle (étude) dans un canton. Le critère qui détermine l'inscription à un registre cantonal est donc celui de la situation géographique de l'étude, et non celui de l'origine du brevet d'avocat. La personne titulaire d'un brevet d'avocat obtenu dans le canton X qui ouvre son étude dans le canton Y ne sera inscrite que dans le canton Y et non dans le canton X. S' il dispose de plusieurs études, l'avocat doit s'inscrire dans le canton où il dispose de son étude principale.

Selon le projet soumis à la consultation, un avocat aurait dû s'inscrire dans chaque canton dans lequel il aurait disposé d'une adresse professionnelle. Les avocats qui disposent d'études dans plusieurs cantons52 auraient du s'inscrire dans tous ces cantons, afin de ne pas créer deux catégories d'avocats au sein d'un même canton: ceux disposant de leur étude principale et ceux y ayant une adresse «secondaire». La LLCA renonce à cette solution en raison de deux points sur lesquels elle à été modifiée: les règles professionnelles sont désormais unifiées au niveau fédéral (art. 11), et l'interdiction de pratiquer prononcée par l'autorité de surveillance d'un canton au registre duquel l'avocat n'est pas inscrit déploie ses effets sur tout le territoire suisse (art. 16).

La loi ne prévoit pas expressément de sanction contre un avocat qui ne s'inscrirait pas à un registre: cet avocat se punirait en fait lui-même, puisqu'il pourrait se voir refuser la possibilité d'exercer la représentation en justice dans les autres cantons.

Un canton pourrait, contre toute vraisemblance, délivrer des brevets d'avocat ne satisfaisant pas aux conditions des art. 6 et 7 LLCA. Un canton tiers pourrait certes 52

Selon les statistiques dont dispose la FSA, il y avait en 1998 160 avocats en Suisse à être inscrits à deux barreaux cantonaux, et seuls trois avocats étaient inscrits dans trois cantons.

5361

admettre un avocat ayant obtenu un tel brevet à pratiquer la représentation en justice sur le territoire de ce canton, mais cet avocat n'aurait évidemment pas le droit d'être inscrit à un registre des avocats.

En vertu de l'art. 11, let. i, l'avocat inscrit au registre doit communiquer à l'autorité qui tient le registre ­ l'autorité de surveillance ­ les modifications relatives aux indications le concernant (changement d'adresse, ouverture ou fermeture d'une étude dans un autre canton par exemple). S'il ne le fait pas, l'avocat encourra une mesure disciplinaire prononcée par l'autorité de surveillance.

L'autorité examine si l'avocat remplit les conditions de formation et les conditions personnelles (art. 6 et 7 LLCA). Le refus de l'inscription doit être notifié sous forme de décision. Cette décision peut faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral, puisqu'elle est rendue en application du droit fédéral.

Enfin, les cantons dont les registres permettant déjà d'obtenir les indications nécessaires sur les avocats disposant d'une adresse professionnelle sur leur territoire pourront dispenser les avocats déjà inscrits à un barreau ou à un «tableau des avocats» de présenter une nouvelle fois les attestations prévues à l'art. 4.

232.4

Conditions de formation (art. 6)

Les conditions à la libre circulation sont de deux ordres: conditions de formation d'une part, conditions personnelles d'autre part. Il ne s'agit, dans le cadre de la LLCA, que des conditions que les cantons peuvent exiger pour reconnaître les brevets d'autres cantons. Les cantons demeurent en revanche libres de fixer des exigences plus strictes pour l'obtention de leur brevet puisque la formation des avocats reste de leur compétence. Toutefois, pour qu'un brevet cantonal soit reconnu dans un autre canton, il doit satisfaire aux conditions de l'art. 6.

232.41

Formation juridique universitaire (art. 6, let. a)

Actuellement, la plupart des cantons ne prescrivent pas de durée minimale d'études, mais exigent un diplôme universitaire (licence en droit) pour effectuer le stage nécessaire à l'obtention d'un brevet d'avocat53. La durée de la formation est donc celle exigée pour l'obtention d'une licence en droit dans une université suisse; elle n'est en aucun cas inférieure à trois ans, et est même souvent de quatre ans. Le canton des Grisons54 exige une durée d'études de trois ans au minimum, alors que le canton de Schwyz exige «une formation juridique suffisante, dont quatre semestres au moins doivent avoir été effectués dans des universités suisses»55. Le canton de Vaud exige, outre la licence en droit, que le candidat au barreau remplisse l'une des trois conditions suivantes: être autorisé à soutenir une thèse dans une faculté de droit suisse ou étrangère, être titulaire d'un diplôme d'études juridiques post-grade délivré par une université suisse ou étrangère après deux semestres d'études au moins, ou avoir 53 54 55

AR, OW, SZ et TG n'exigent toutefois pas formellement un diplôme universitaire.

Art. 3 ch. 3 de l'ordonnance du 1er décembre 1955 sur le certificat de capacité et l'exercice de la profession d'avocat.

§ 4 let. d du règlement du 28 octobre 1952 sur l'octroi et le retrait du brevet d'avocat (RS du canton de Schwyz 238).

5362

exercé une activité juridique agréée d'au moins deux ans56. L'exigence d'une formation juridique de trois ans au minimum sanctionnée par un diplôme universitaire ne devrait ainsi pas poser de problèmes pratiques dans la plupart des cantons. Elle correspond à l'exigence posée par la directive 89/49/CEE relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans (cf. ch. 14 cidessus).

232.42

Stage (art. 6, let. b)

Dans les cantons alémaniques, la durée minimale du stage est d'une année en principe. Les cantons de Berne et de Thurgovie prescrivent une durée de 18 mois. Les cantons romands et le Tessin en revanche exigent une durée de stage de deux ans.

Un seul demi-canton, Obwald, se contente de six mois de stage, même si en pratique les candidats effectuent souvent un stage d'une année. La présente loi prévoit donc un stage d'une durée minimale d'une année. Seul le demi-canton d'Obwald devra adapter sa législation sur ce point pour rendre son brevet d'avocat compatible.

Les cantons romands et le Tessin estiment que cette durée de stage est insuffisante, alors que les cantons alémaniques souhaitent des formations universitaires plus longues (cf. ch. 16 ci-dessus). Toutefois, il faut rappeler que la LLCA ne fait que définir les conditions maximales qu'un canton est en droit d'exiger de la part d'avocats ayant obtenu leur brevet dans un autre canton. Actuellement déjà, les cantons romands accordent des autorisations de pratiquer aux avocats provenant des cantons où la durée de stage n'est que d'une année. Dans la mesure où les cantons romands et le Tessin demeurent libres de prescrire des durées de stage supérieures pour l'obtention de leurs propres brevets d'avocat, il ne se justifie pas d'augmenter les exigences en matière de stage pour la reconnaissance intercantonale des brevets d'avocat, ce qui aurait comme effet d'allonger la durée de stage dans la majorité des cantons suisses. On peut opposer ces mêmes considérations aux cantons alémaniques qui souhaitent une durée d'étude supérieure à trois ans.

Le projet soumis à la consultation précisait que les cantons dans lesquels l'italien est une langue officielle (Tessin et Grisons) pouvaient exceptionnellement reconnaître un diplôme délivré par une université italienne équivalent à une licence en droit suisse. Il est en effet souhaitable de permettre aux personnes de langue italienne d'effectuer leurs études de droit dans leur langue maternelle, ce qui n'est pas possible en Suisse actuellement. Aujourd'hui déjà, le canton du Tessin admet aux stages d'avocat des personnes titulaires de licences en droit délivrées en Italie. Compte tenu de l'accord sectoriel avec la CE sur la libre circulation des personnes et de la nouvelle formulation de l'art. 6 LLCA,
il n'est plus nécessaire de prévoir une exception spécifique pour les cantons où l'italien est une langue officielle.

Le stage, qui doit être effectué entièrement en Suisse, doit encore être sanctionné par un examen portant sur les connaissances juridiques théoriques et pratiques du candidat.

56

Art. 20 de la loi vaudoise du 22 novembre 1944 sur le barreau.

5363

232.5

Conditions personnelles (art. 7)

Comme pour les conditions de formation, les cantons demeurent en principe libres de poser un certain nombre de conditions personnelles pour l'obtention d'un brevet d'avocat. Toutefois, dans le cadre de la libre circulation des avocats, et au moment de la demande d'inscription d'un avocat à un registre cantonal, seules les conditions personnelles énumérées à l'art. 7 LLCA seront examinées. En pratique, elles recouvrent toutefois dans une large mesure les conditions personnelles déjà exigées par les cantons57.

Le projet envoyé en consultation prévoyait, outre les conditions figurant actuellement à l'art. 7, l'exigence de la «bonne réputation». Il n'existe toutefois pas de définition de la «bonne réputation» au niveau fédéral. Une bonne réputation est certes encore une condition exigée par la majorité des cantons pour exercer l'activité d'avocat58. Le Tribunal fédéral a précisé que, lorsqu'il s'agit d'examiner si une personne jouit d'une bonne réputation pour être admise à exercer une profession, il faut examiner si le mode de vie de la personne est entaché d'une faute qui justifie qu'on l'empêche d'exercer la profession en question. Cet examen doit être effectué en respectant le principe de la proportionnalité déduit de l'art. 4 cst.59. La bonne réputation doit s'apprécier en fonction de la nature de l'activité d'avocat. Il faut faire preuve de beaucoup de retenue si les faits reprochés ne sont pas constitutifs d'une infraction pénale60. Dans le cadre des procédures de consultation, l'exigence de la bonne réputation a souvent été jugée archaïque. Il faut relever que certains cantons ne délivrent plus de «certificats de bonnes moeurs». Comme les avocats de ces cantons ne seraient plus en mesure d'établir leur bonne réputation par un document officiel, on a renoncé à faire figurer cette condition dans la LLCA.

232.51

Exercice des droits civils (art. 7, let. a)

Plusieurs législations cantonales exigent expressément que l'avocat jouisse de l'exercice des droits civils. La doctrine estime unanimement que, même si cette condition n'est pas expressément posée par la législation cantonale, elle n'en est pas moins implicitement exigible61. Il n'est en effet pas concevable qu'une personne puisse en représenter une autre alors qu'elle n'est pas à même de gérer ses propres affaires. Comme, théoriquement, il est toutefois possible qu'un avocat remplisse les autres conditions personnelles et soit néanmoins privé de capacité civile active ­ parce qu'il serait interdit ­, il est nécessaire de faire figurer la condition de l'exercice des droits civils dans la loi. L'avocat n'aura pas à établir qu'il jouit de la capacité civile active, celle-ci étant évidemment présumée.

57 58 59 60 61

Cf. Rothenbühler, op. cit. p. 60 s.

Cf. Wolffers, op. cit. p. 72 s.

ATF 104 Ia 189 ATF 106 Ia 105 Cf. Wolffers, op. cit. p. 67 et les références citées.

5364

232.52

Absence de condamnation pénale pour des faits incompatibles avec l'exercice de la profession (art. 7, let. b)

Le rapport de confiance qui doit exister entre un avocat et son client peut être compromis si l'avocat ne donne pas des garanties de sérieux et d'honorabilité. Toute condamnation pénale n'est pourtant pas de nature à menacer ce rapport de confiance. L'avocat condamné à une amende pour excès de vitesse ne saurait ainsi se voir refuser le droit de pratiquer dans un canton sous ce prétexte. Seules peuvent être opposées à l'avocat les condamnations qui, par leur nature, sont incompatibles avec l'exercice de la profession d'avocat (p. ex. les infractions contre le patrimoine).

La loi précise encore qu'une inscription radiée ne peut être opposée à l'avocat.

232.53

Absence d'acte de défaut de biens ou de déclaration de faillite dans les dix ans qui précèdent (art. 7, let. c et d)

L'exigence de la solvabilité de l'avocat figure également dans plusieurs législations cantonales. Dans la mesure où l'avocat peut se voir confier les fonds de ses clients, il ne serait pas concevable que lui-même soit insolvable. L'avocat doit donner toutes les garanties souhaitables sur le plan financier. L'art. 26, al. 1, de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillite62 prévoit expressément que la saisie infructueuse et l'ouverture de la faillite peuvent produire des effets de droit public, comme l'incapacité d'exercer une profession ou une activité soumise à autorisation. En vertu de l'art. 7, let. c, LLCA, l'avocat ne doit pas faire l'objet d'un acte de défaut de biens, qu'il soit provisoire ou définitif. En vertu de l'art. 7, let. d, LLCA, il ne doit en outre pas avoir fait l'objet d'un jugement de faillite, à titre personnel, dans les dix ans qui précèdent, même s'il n'existe pas d'actes de défaut de biens contre lui (en cas de concordat p. ex.).

232.54

Indépendance (art. 7, let. e)

L'autorité de surveillance examine déjà au moment de la demande d'inscription au registre si l'avocat présente toutes les garanties en matière d'indépendance (cf. ch.

172.1).

232.6

Radiation du registre (art. 8)

L'autorité de surveilllance qui constate que l'avocat ne remplit pas ou plus l'une des conditions d'inscription au registre doit le radier d'office. Comme la radiation est prononcée en vertu du droit fédéral, le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est ouvert. La radiation doit donc préalablement faire l'objet d'une décision susceptible d'un recours judiciaire au niveau cantonal.

62

RS 281.1

5365

232.7

Consultation du registre (art. 9)

En vertu de l'art. 9, al. 1, let. a et b, la consultation du registre est réservée aux autorités judiciaires et administratives fédérales et cantonales (en droit fédéral, les autorités communales sont comprises dans la notion d'«autorités cantonales»), ainsi qu'aux autorités judiciaires et administratives des Etats membres de l'UE devant lesquelles l'avocat exerce son activité. Une autorité ne peut donc pas, sans raison, demander à consulter le registre. Il faut que l'avocat ait entrepris une démarche auprès d'elle dans le cadre de son activité d'avocat. S'il agit hors du cadre de son activité d'avocat, à titre personnel comme n'importe quel autre citoyen, l'autorité n'est pas en droit de consulter le registre. Les autorités de surveillance cantonales peuvent toutefois consulter le registre sans restrictions (art. 9, let. c, LLCA).

Il est nécessaire de prévoir dans la LLCA que la personne concernée, l'avocat, pourra consulter l'ensemble des données qui la concernent (art. 9, let. d, LLCA par analogie à l'art. 8, al. 1, LPD). Comme les registres cantonaux ne sont pas tenus par des organes fédéraux, la loi fédérale sur la protection des données ne s'applique en principe pas au traitement des données contenues dans les registres cantonaux, à moins que les cantons n'aient pas encore édicté de dispositions en matière de protection des données. En effet, en vertu de l'art. 37 LPD, le traitement de données personnelles par les cantons en exécution du droit fédéral est régi par les dispositions des art. 1 à 11, 16 à 23 et 25, al. 1 et 3, à moins que le traitement des données cantonales ne soit soumis à des dispositions cantonales de protection des données.

Actuellement, seize cantons63 ont une loi sur la protection des données. Un canton64 a intégré quelques dispositions minimales dans son code de procédure administrative. En revanche, quatre cantons65 n'ont édicté que des directives et cinq cantons66 ne disposent d'aucune réglementation. La LPD s'applique donc pour le moment67 dans ces neuf cantons, dans la mesure de l'art. 37 LPD.

Même si le contenu du registre n'est pas public, il se justifie pourtant de permettre à toute personne de demander à l'autorité de surveillance si un avocat est inscrit au registre, et s'il fait l'objet d'une interdiction de pratiquer. Un client, même potentiel, doit pouvoir
s'assurer que l'avocat qu'il consulte est bien habilité à pratiquer. En revanche, l'interdiction de pratiquer doit être effective au moment où la réponse est faite; une interdiction provisoire révolue n'est pas communiquée.

Rien n'empêche en outre l'autorité de surveillance de publier une liste des avocats inscrits au registre. Plusieurs cantons publient déjà, sous différentes formes, une liste des avocats autorisés à pratiquer68. Chacun pourra donc se renseigner auprès de l'autorité de surveillance pour s'assurer qu'un avocat qui prétend être inscrit au registre l'est effectivement.

63 64 65 66 67 68

FF 1997 I 706 SG SO, AR, GR, AG OW, NW, GL, ZG, AI NW, GL, ZG, SO, GR préparent une législation en matière de protection des données.

Le canton de NE par exemple publie chaque année dans l'Annuaire officiel de la République et canton de Neuchâtel la liste des avocats inscrits au rôle officiel du barreau.

La liste des avocats d'autres cantons admis à plaider peut être quant à elle obtenue auprès du Tribunal cantonal.

5366

232.8

Dénomination professionnelle (art. 10)

Alors qu'en Suisse romande les avocats portent tous le même titre, de même qu'au Tessin (avvocato), il en va différemment en Suisse allemande où, suivant les cantons, on trouve les titres de «Rechtsanwalt», «Fürsprecher», «Fürsprech» ou «Advokat». Si par exemple une personne ayant obtenu le titre de «Fürsprecher» désire s'inscrire au registre d'un canton où la dénomination professionnelle est «Rechtsanwalt», elle doit avoir la possibilité d'utiliser le titre équivalent de ce canton. La LLCA fait dépendre de l'inscription au registre le droit d'utiliser la dénomination professionnelle de ce canton. Un avocat qui ne ferait que plaider temporairement dans un autre canton sans y être inscrit ne pourra utiliser le titre de ce canton.

Afin de rendre reconnaissable le fait qu'il est inscrit à un registre et que, donc, il est soumis aux règles professionnelles, l'avocat doit, dans ses relations d'affaires, mentionner son inscription au registre; pour respecter les usages et la pratique des cantons romands, il apparaît nécessaire de réserver à l'avocat la possibilité de faire état d'une inscription au barreau plutôt qu'au registre. Cette possibilité ne concerne donc que le texte français de la LLCA.

La dénomination professionnelle des avocats des Etats membres de l'UE est réglementée aux art. 22 (dans le cadre de la prestation de services et dans le cadre de l'exercice permanent sous le titre professionnel d'origine, cf. art. 25, al. 2) et 31 (après inscription au registre).

Réglementer le port du titre par les avocats étrangers ne provenant pas des Etats membres de l'UE n'est pas nécessaire. Il y a en effet deux cas de figure possibles actuellement. Premièrement, un avocat étranger exerce dans le cadre du GATS; il est donc exclu des activités de monopole et ne peut qu'avoir des activités de conseil juridique en droit international et en droit de son Etat de provenance. En vertu de l'art. 2, il n'est pas soumis à la LLCA. Deuxièmement, un avocat étranger provenant d'un pays autre que ceux de l'UE peut être autorisé exceptionnellement par un canton à représenter en justice. Il ne bénéficie pas de la libre circulation intercantonale et ne peut pas pratiquer la représentation en justice dans les autres cantons suisses. Il s'agit alors d'un problème strictement cantonal.

233

Règles professionnelles et surveillance disciplinaire (section 3)

233.1

Généralités

Les règles professionnelles (Berufsregeln) se distinguent des règles déontologiques, ou «us et coutumes» (Standesregeln)69. La règle professionnelle est une norme de droit édictée par une autorité afin de réglementer une profession dans un but d'intérêt public. Les règles déontologiques en revanche sont adoptées par les organisations professionnelles (ordres des avocats, barreaux). Alors que les règles professionnelles s'imposent à l'ensemble des avocats qui pratiquent le barreau, les règles déontologiques ne s'appliquent directement qu'aux avocats membres de l'organi-

69

Wolffers, op. cit. p. 11 ss; Rothenbühler, op. cit. p. 55 ss.

5367

sation professionnelle70. La FSA a ainsi édicté en 1974 des «lignes directrices relatives aux préconisées par la FSA pour les barreaux cantonaux». Dans ce contexte, il faut également citer le code de déontologie des avocats de la Communauté européenne71 adopté par le Conseil des barreaux de la Communauté européenne (CCBE). Ce code de déontologie a été repris par la FSA et s'applique aux relations entre avocats suisses et avocats de l'UE.

En pratique toutefois, les règles professionnelles, souvent formulées de manière très générale, sont interprétées à la lumière des règles déontologiques. Le Tribunal fédéral estime que les règles déontologiques peuvent être appliquées par les autorités de surveillance dans la mesure où elles permettent de préciser le contenu des règles professionnelles72. Un simple renvoi, dans une loi cantonale, aux règles déontologiques, pose pourtant certains problèmes quant aux exigences en matière de base légale73. En définissant au niveau fédéral les règles professionnelles relatives à la profession d'avocat, la présente loi contribue à clarifier les rapports entre règles professionnelles et règles déontologiques pour l'ensemble de la Suisse. Une telle unification s'impose d'autant plus qu'avec l'aboutissement des négociations bilatérales, les avocats des Etats membres de l'UE pourront pratiquer sur le territoire suisse selon les modalités des directives 77/249/CEE, 89/48/CEE et 98/5/CE. Par souci de transparence, il se justifie de ne plus laisser coexister 26 réglementations cantonales différentes ­ plus dans la forme que dans le fonds d'ailleurs ­, mais de les remplacer par une réglementation claire qui se limite à l'essentiel. Les règles déontologiques quant à elles n'en demeureront pas moins utiles pour préciser les règles professionnelles fédérales ainsi que les obligations de l'avocat dans l'exécution du mandat.

233.2

Règles professionnelles (art. 11)

La LLCA unifie de manière exhaustive au niveau fédéral les règles professionnelles relatives à la profession d'avocat (cf. ch. 172.2).

233.21

Soin et diligence (art. 11, let. a)

La liste des règles professionnelles commence par une clause générale qui prescrit à l'avocat d'exercer son activité avec soin et diligence. Ceci ne se limite pas au rapport entre le client et l'avocat, mais vise également le comportement de l'avocat face aux autorités judiciaires. L'art. 11 let. a permet donc d'exiger de l'avocat qu'il se comporte correctement dans l'exercice de sa profession. Une clause générale de ce genre se trouve actuellement dans les règles professionnelles de nombreux cantons.

70

71 72 73

Au Tessin et dans le canton du Jura, les ordres des avocats ont un statut de droit public et l'affiliation est obligatoire. Les règles de l'ordre s'appliquent donc à l'ensemble des avocats. A Berne, l'art. 8 de la loi sur les avocats exige des avocats «le respect des règles du barreau et de la collégialité généralement reconnues»; une règle déontologique est ainsi valable pour l'ensemble des avocats, dans la mesure où elle est effectivement une règle généralement reconnue.

Cf. Satuts et lignes directrices FSA, publication no 90, p. 70.

ATF 98 Ia 356 cons. 3 Cf. Dreyer, op. cit., p. 504.

5368

233.22

Indépendance (art. 11, let. b)

La problématique de l'indépendance de l'avocat a été largement développée sous ch. 172.1 ci dessus. La LLCA n'exclut pas par principe qu'un avocat salarié puisse être inscrit au registre, pour autant qu'aucun conflit d'intérêt ne puisse exister entre les intérêts de l'employeur et les intérêts du client. Le statut d'avocat salarié présente pourtant inévitablement des risques pour les intérêts du client. Il importe donc que l'indépendance de l'avocat puisse être objectivement garantie. Une garantie formelle dans le contrat de travail n'est pas suffisante, si l'employeur a objectivement un intérêt direct à l'issue de l'affaire74. Il faut toutefois souligner que l'exigence de l'indépendance ne se pose pas que dans le cadre d'un rapport de travail. L'avocat doit éviter de manière générale tout conflit entre les intérêts de son client et ceux de personnes avec lesquelles il est en relation, que ce soit sur le plan professionnel ou privé.

La LLCA pose le principe que tout avocat est soumis au devoir d'indépendance dès lors qu'il est admis, au regard du droit cantonal, à exercer la représentation en justice. Bien que salarié, il est soumis à un devoir d'indépendance et agira en son nom personnel et sous sa propre responsabilité. Par contre, si un avocat salarié est admis à s'inscrire dans un registre cantonal en vertu d'une pratique «libérale» d'un canton, les autres cantons ne pourront lui refuser le droit de pratiquer sur leur territoire sous ce prétexte. L'indépendance de l'avocat est présumée et exigible dès qu'un canton a admis cet avocat à exercer une activité dans le cadre du monopole réservé aux avocats. Si des doutes existent quant à l'indépendance d'un avocat, l'autorité de surveillance peut ouvrir une procédure disciplinaire.

233.23

Secret professionnel (art. 11, let. c)

Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de définir les principaux éléments qui fondent et justifient le secret professionnel75. Celui-ci sert aussi bien l'intérêt du client, qui doit pouvoir se fier entièrement à la discrétion de son mandataire, que l'intérêt de l'avocat lui-même et celui de la justice, dont l'avocat est l'auxiliaire76. L'art. 321 du code pénal77 sanctionne la violation du secret professionnel.

La définition du cercle des activités tombant sous le coup du secret professionnel est parfois difficile. Il ne fait pas de doute que l'activité exercée dans le cadre du monopole de l'avocat est protégée. Le secret professionnel couvre ainsi tous les faits et documents confiés à l'avocat qui présentent un rapport certain avec l'exercice de la profession. En revanche, et conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral 78, l'avocat exerçant pour un client des activités autres que celles qui relèvent spécifiquement du barreau ne peut se prévaloir à leur propos du secret professionnel de l'avocat; celui-ci ne couvre pas l'activité commerciale de l'avocat telle que l'administration de sociétés, la gérance de fortune ou la gestion de fonds, activités qui pourraient tout aussi bien être exercées par des gérants de fortune, des fiduciai74 75 76 77 78

Cf. ATF 123 I 193; cf. également Franz Werro, Les conflits d'intérêt de l'avocat, in Droit suisse des avocats, W. Feldmann éd., Berne 1998, p. 241.

ATF 112 Ib 607 ATF 117 Ia 348 RS 311.0 ATF 87 IV 108; ATF 112 Ib 606; ATF du 11 avril 1996 dans la cause K. contre Chambre d'accusation du canton de Genève.

5369

res ou des banquiers. Il faudra donc examiner dans chaque cas si l'activité de l'avocat est véritablement spécifique ou si elle relève plus des activités d'une fiduciaire, d'une banque ou d'un gérant de fortune (cf. également ch. 13 ci-dessus).

En vertu de l'art. 101 du code des obligations (CO)79, l'avocat est responsable du préjudice qu'un auxiliaire cause dans l'accomplissement de la tâche confiée.

L'art. 11, let. c, LLCA impose donc à l'avocat de faire respecter le secret professionnel par ses auxiliaires. La notion d'auxiliaire est identique à celle de l'art. 101 CO.

233.24

Publicité (art. 11, let. d)

La question de la publicité par les avocats a déjà fait en doctrine l'objet de nombreux développements, voire de controverses80. La tendance est pourtant à un net assouplissement de l'interdiction de principe et de nombreux facteurs y contribuent81: ­

une part de plus en plus importante de l'activité de l'avocat a trait au conseil juridique, pour lequel l'avocat ne jouit d'aucun monopole; les avocats se sentent donc pénalisés par rapport aux fiduciaires et aux banques 82;

­

les avocats de cantons où la publicité est interdite sont discriminés par rapport à leurs confrères pratiquant dans des cantons à la pratique plus libérale; la concurrence entre avocats, corollaire de la libre circulation, est donc faussée;

­

du fait de la libre circulation des avocats, les clients doivent disposer d'informations permettant de choisir leur avocat en connaissance de cause;

­

une interdiction de la publicité n'est pas compatible avec la loi sur les cartels83;

­

dans la plupart des pays européens, on a assisté ces dernières années à une nette libéralisation dans ce domaine, en particulier en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Irlande, aux Pays-Bas et au Danemark. Seuls l'Italie, l'Espagne, le Portugal et la Grèce connaissent encore une interdiction stricte de la publicité84.

Une interdiction générale de toute publicité ne se justifie donc plus, ni pour les avocats, ni pour leurs clients. Il n'y a plus guère d'intérêt public qui justifie une telle interdiction. La possibilité d'indiquer des spécialisations dans des annuaires professionnels est déjà offerte dans certains cantons, mais elle est refusée par d'autres85.

79 80

81 82 83 84 85

RS 220 Cf. notamment Wolffers, op. cit. p. 150 ss.; Dreyer, op. cit., p. 459 ss.; Mirko Ros, Anwalt und Werbung ­ Ein Tabu im Wandel der Zeit, in Droit suisse des avocats, W. Fellmann éd., Berne 1998, p. 307.

Cf. Philippe Richard, La publicité personnelle de l'avocat, in Droit suisse des avocats, W. Fellmann éd., Berne 1998, p. 327 ss.

Cf. Max Oesch, Bekanntmachung der Tätigkeitsgebiete der Rechtsanwälte, in L'avocat suisse, 145/1993 p. 5 ss.

Pierre Tercier, Les avocats et la concurrence, in L'avocat suisse 160/1996 p. 12 ss.

Cf. Ros, op. cit., p. 318 ss.

Cf. Lelio Vieli, Spezialisierung oder bevorzugtes Tätigkeitsgebiet ­ Werbung oder Information, in L'avocat suisse, 145/1993, p. 9 ss.; Pierre Jomini, L'avocat vaudois et la publicité, in L'avocat suisse, 145/1993 p. 14 ss.

5370

Sur le plan des règles déontologiques, la FSA a modifié le 6 juin 1997 le ch. 6 de ses lignes directrices, qui stipule désormais que «la publicité est permise à l'avocat dans les limites du droit fédéral et du droit cantonal et en respectant la dignité de la profession ainsi que le secret professionnel. La compétence des barreaux cantonaux de préciser la portée de cette règle est réservée.»86. Le code de déontologie du CCBE (ch. 2.6) se borne à interdire à l'avocat toute publicité personnelle «là où celle-ci est interdite». En mai 1997, la Fédération des Barreaux d'Europe a adopté une résolution sur la publicité personnelle de l'avocat par laquelle elle souhaite «en matière de publicité individuelle ou collective de l'avocat, que tous les barreaux adoptent les règles qui, dans le strict respect des principes fondamentaux de la profession que sont le secret professionnel, la modération et la dignité, et sans être une entrave à la libre concurrence, assurent le droit légitime du public à recevoir des informations sur l'identité et la qualification des avocats».

La LLCA tient donc compte de ces récents développements et donne à tous les avocats pratiquant en Suisse la possibilité de faire de la publicité. Matériellement, cette publicité doit toutefois demeurer objective, et faire état par exemple de connaissances particulières, de champs d'activités préférentiels, ou d'indications concernant les honoraires exigés. La LLCA renonce à se référer à la «dignité de la profession» pour définir les limites de la publicité, cette notion étant trop imprécise. Il va de soi que l'avocat, lorsqu'il fait de la publicité, doit respecter l'ensemble des règles professionnelles, et notamment le secret professionnel.

233.25

Autres règles professionnelles (art. 11, let. e à j)

Les let. e à j de l'art. 11 concernent des points plus techniques qui correspondent dans une large mesure aux règles cantonales en la matière. Il s'agit en quelque sorte d'une codification du droit cantonal. L'interdiction du pactum de quota litis (let. e) se retrouve dans la majorité des législations cantonales. L'obligation faite à l'avocat de disposer d'une assurance responsabilité civile suffisante (let. f) est elle formellement nouvelle87, bien qu'en pratique la grande majorité des avocats sont déjà au bénéfice d'une telle assurance. L'obligation d'accepter des défenses d'office et des mandats d'assistance judiciaire sera désormais limitée aux cantons au registre desquels l'avocat sera inscrit (let. g). Les avoirs confiés à l'avocat par son client doivent être conservés séparément (let. h). D'une part, les créanciers de l'avocat ne doivent pas avoir la possibilité de faire saisir des avoirs de clients qui auraient été «mélangés» à son patrimoine. D'autre part, pour des raisons fiscales, les deux patrimoines doivent demeurer distincts. Afin d'éviter des contestations sur le montant des honoraires, la let. i de l'art. 11 stipule que l'avocat doit renseigner régulièrement son client sur le montant des honoraires dus. Cette exigence existe déjà dans certains cantons, parfois sous la forme d'une disposition qui enjoint à l'avocat de demander des provisions suffisantes à son client au fur et à mesure de l'évolution de l'affaire.

Enfin, l'obligation faite à l'avocat de communiquer à l'autorité de surveillance toute 86

87

L'ancienne teneur de l'art. 6 des lignes directrices FSA était la suivante: «L'avocat renonce à toute publicité et à toute recherche de client. Il fait preuve de retenue lorsqu'il fait des déclarations à la radio, à la presse ou à la télévision».

Dans le canton de Genève p. ex., l'art. 16 de la loi genevoise sur la profession d'avocat dispose que le règlement d'application de la loi, édicté par le Conseil d'Etat, peut prévoir que chaque avocat doive conclure un contrat d'assurance couvrant sa responsabilité professionnelle. Le Conseil d'Etat n'a pourtant pas fait état de cette possibilité.

5371

modification relative aux indications du registre le concernant permet de garder le registre à jour (cf. ch. 232.3 ci-dessus).

233.3

Autorité cantonale de surveillance (art. 12)

Le respect des règles professionnelles doit être assuré par des autorités disciplinaires. Les cantons connaissent actuellement des systèmes différents et ont confié cette tâche soit au pouvoir exécutif (Conseil d'Etat ou Département de justice), soit au pouvoir judiciaire (Tribunal cantonal), soit encore à des commissions mixtes composées de juges et d'avocats (Chambres des avocats généralement intégrées au Tribunal cantonal). Certains cantons enfin confient la surveillance disciplinaire aux organisations professionnelles (ordres des avocats). La LLCA se borne à prévoir que les cantons instaurent une autorité de surveillance et leur laisse le soin d'en préciser la composition, l'organisation et la procédure. En particulier, rien ne s'oppose à ce qu'un ordre cantonal se voie déléguer la compétence d'exercer la surveillance disciplinaire.

Puisque les règles professionnelles et les mesures disciplinaires seront dorénavant réglées au niveau fédéral, les décisions y relatives pourront faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral conformément aux art. 97 ss de la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ)88. Si l'autorité de surveillance n'est pas une autorité judiciaire, les cantons devront donc prévoir une autorité de recours judiciaire (art. 98a OJ).

La question de savoir si une mesure disciplinaire constitue une «sanction pénale» au sens de l'art. 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH)89 peut ainsi rester ouverte. La Commission européenne des droits de l'homme a toutefois jugé, au regard des principes dégagés par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt Engel90, qu'une procédure disciplinaire ouverte contre un avocat et aboutissant à un avertissement ne constituait pas une sanction pénale au sens de l'art. 6 CEDH91. En revanche, le retrait ­ même provisoire ­ de l'autorisation d'exercer une activité libérale constitue en tous les cas une contestation civile au sens de l'art. 6 CEDH qui doit donc pouvoir être soumise à un tribunal satisfaisant aux exigences de l'art. 6 CEDH92.

Chaque autorité de surveillance est tenue, en vertu de l'art. 12 LLCA, de veiller au respect des règles professionnelles et donc d'engager, le cas échéant, une procédure disciplinaire pour des faits qui se sont déroulés sur le territoire de son canton. La surveillance s'exerce sur l'ensemble des activités professionnelles de l'avocat, et non pas seulement sur son activité dans le cadre du monopole cantonal.

88 89 90 91 92

RS 173.110 RS 0.101 Cour eur. D.H. arrêt Engel et autres du 8 juin 1976, série A no 22, p. 34.

Requête no 8249/79, X c/Belgique, déc. 5.5.80, D. R. 20, p. 40.

ATF 123 I 87 ss; Cour Eur. D. H., arrêt H. c/Belgique du 30 novembre 1987, série A no 97, p. 14­16.

5372

233.4

Devoir de communication (art. 13)

L'art. 13, al. 1, oblige les autorités judiciaires et administratives cantonales à annoncer sans retard à l'autorité de surveillance de leur canton ­ et non à l'autorité de surveillance du canton au registre duquel l'avocat est inscrit ­ les faits susceptibles de constituer une violation des règles professionnelles. La loi ne précise pas expressément que le client de l'avocat peut s'adresser à l'autorité de surveillance: une telle possibilité est implicite. Les autorités judiciaires et administratives fédérales doivent s'adresser à l'autorité de surveillance du canton au registre duquel l'avocat est inscrit (al. 2).

233.5

Procédure disciplinaire dans un autre canton (art. 14)

En accord avec la majorité des lois cantonales93, la LLCA prévoit que la compétence de l'autorité disciplinaire s'étend à tout avocat exerçant son activité sur le territoire cantonal, indépendamment du fait qu'il y dispose d'une adresse professionnelle ou non (art. 12 LLCA). L'al. 1 de l'art. 14 LLCA prévoit par contre que l'autorité de surveillance qui ouvre une procédure disciplinaire contre un avocat qui n'est pas inscrit dans le registre du canton doit en informer l'autorité de surveillance du canton (ou des cantons) au registre duquel il est inscrit. Celle-ci se voit reconnaître le droit de prendre position si une sanction disciplinaire est envisagée. Son intervention peut s'exercer en faveur comme en défaveur de l'avocat. Ce mécanisme permet d'assurer que l'autorité de surveillance «principale» de l'avocat est tenue au courant du déroulement d'une procédure disciplinaire dans un autre canton. Il s'agit par là de renforcer la collaboration entre autorités de surveillance, et, dans la mesure du possible, de dégager une pratique commune en matière de mesures disciplinaires. Le résultat de la procédure doit être communiqué à l'autorité de surveillance «principale» (al. 3). Lorsqu'une mesure disciplinaire est prononcée, celle-ci l'inscrit au registre dès qu'elle est entrée en force (art. 4, al. 2, LLCA).

233.6

Mesures disciplinaires (art. 15)

Afin de permettre une harmonisation des pratiques disciplinaires, et comme mesure d'accompagnement à l'introduction de règles professionnelles fédérales exclusives, la LLCA unifie les peines disciplinaires.

Certaines lois cantonales ne considèrent pas l'avertissement comme une peine disciplinaire. Le Tribunal fédéral a toutefois estimé, à juste titre, que l'avocat consciencieux peut ressentir un avertissement comme une mesure aussi forte que le blâme94.

Nier le caractère disciplinaire de l'avertissement a comme conséquence que l'avocat qui s'estime injustement sanctionné n'a pas de possibilité de recours. La LLCA considère donc l'avertissement comme la moins grave des mesures disciplinaires.

L'al. 2 précise que l'amende peut être cumulée avec une interdiction temporaire ou définitive de pratiquer.

93 94

Cf. par exemple l'art. 48, al. 2, de la loi genevoise sur la profession d'avocat.

ATF 103 Ia 428

5373

En vertu de l'al. 3, l'autorité de surveillance peut si nécessaire retirer provisoirement l'autorisation de pratiquer. Une telle mesure provisoire ne peut naturellement être justifiée que pour des motifs graves, lorsqu'il est vraisemblable qu'une interdiction de pratiquer sera prononcée, et qu'une interdiction de pratiquer se justifie déjà pendant la procédure disciplinaire, dans l'intérêt du public. Plusieurs réglementations cantonales prévoient du reste déjà une telle interdiction provisoire de pratiquer.

233.7

Validité de l'interdiction de pratiquer (art. 16)

L'interdiction de pratiquer, temporaire ou durable, est la mesure disciplinaire la plus lourde puisqu'elle empêche l'avocat d'exercer la représentation en justice dans le cadre du monopole. En revanche, elle n'empêche pas l'avocat de continuer à pratiquer ses autres activités, telles que le conseil juridique95. L'interdiction définitive de pratiquer ne peut être prononcée que si l'appréciation de l'ensemble de l'activité antérieure de l'avocat fait apparaître une autre sanction comme insuffisante pour assurer un comportement correct à l'avenir 96.

L'unification des règles professionnelles et des mesures disciplinaires au niveau fédéral permet d'étendre à l'ensemble du territoire suisse la portée d'une interdiction de pratiquer prononcée par une autorité de surveillance cantonale. Le fait que le recours de droit administratif contre des mesures disciplinaires prises en raison d'une violation des règles professionnelles soit ouvert devrait également permettre d'éviter des pratiques cantonales trop divergentes.

Pour être réellement efficace, une interdiction de pratiquer doit être communiquée à l'ensemble des autorités de surveillance des avocats (al. 2).

233.8

Prescription (art. 17)

Dans la mesure où les règles professionnelles et les mesures disciplinaires sont unifiées, des différences dans les délais de prescription de la poursuite disciplinaire ne sont plus justifiées. La LLCA unifie donc aussi les délais de prescription au niveau fédéral.

Une mesure disciplinaire ne peut être prononcée que si l'avocat est inscrit au registre cantonal, et donc soumis à l'autorité de surveillance. Un avocat menacé d'une mesure disciplinaire peut donc demander à être radié du registre afin d'échapper à une procédure disciplinaire. D'éventuelles poursuites pénales ou civiles sont réservées.

233.9

Radiation des mesures disciplinaires (art. 18)

De même que la prescription de la poursuite disciplinaire, la radiation des mesures disciplinaires doit s'effectuer de manière uniforme. La LLCA distingue, pour déterminer la durée après laquelle la radiation doit être effectuée, les mesures disciplinaires que sont l'avertissement, le blâme et l'amende d'une part, et l'interdiction tem-

95 96

Cf. Wolffers, op. cit. p. 188.

ATF 106 Ia 100 ss

5374

poraire de pratiquer d'autre part. Ce traitement différencié se justifie par le degré de gravité inégal de ces deux catégories de mesures disciplinaires.

L'interdiction définitive de pratiquer en revanche n'est évidemment pas radiée.

234

Accès à la profession des avocats des Etats membres de l'UE

234.1

Généralités

L'accord sectoriel sur la libre circulation des personnes (ci-après: accord LCP) entre la Suisse et la CE a pour objectif de libéraliser progressivement le droit d'entrée, de séjour et d'accès au marché du travail sur le territoire des parties contractantes. Afin de faciliter l'accès aux activités salariées et indépendantes et leur exercice, les parties contractantes prennent en outre les mesures nécessaires concernant la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres, conformément aux directives communautaires figurant dans une annexe à l'accord LCP. Les directives sur la reconnaissance des diplômes ne s'appliquent donc que si les conditions relatives à la circulation des personnes sont remplies.

En ce qui concerne les avocats, la Suisse doit adapter sa législation aux directives 77/249/CEE, 89/48/CEE et 98/5/CE (cf. ch. 142). Cette transposition se fait pour l'essentiel dans la LLCA, mais les législations cantonales devront également être modifiées. La répartition entre le niveau fédéral et le niveau cantonal s'est effectuée en tenant compte du principe de subsidiarité, mais également du besoin d'harmonisation à l'échelle nationale, d'un souci de transparence face à nos partenaires étrangers et de la marge de manoeuvre laissée au législateur national par le contenu de l'Accord. Les points suivants doivent donc être réglés au niveau de la LLCA: ­

l'exercice de la profession d'avocat sous forme de prestation de service par les avocats des Etats membres de l'UE;

­

les modalités de l'exercice permanent de la profession d'avocat sous le titre d'origine par les avocats des Etats membres de l'UE;

­

les conditions d'inscription au registre pour les avocats des Etats membres de l'UE;

­

l'assujettissement aux règles professionnelles et la surveillance disciplinaire;

­

l'usage du titre professionnel.

234.2

Prestation de services par les avocats des Etats membres de l'UE

Les art. 19 à 24 règlent l'exercice de la profession d'avocat en Suisse sous la forme de la prestation de services par les avocats ressortissants des Etats membres de l'UE.

5375

234.21

Principes (art. 19)

La directive 77/249/CEE tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats s'applique aux activités d'avocat exercées en prestation de services dans les Etats membres de l'UE (art. 1, al. 1, de la directive). Cette directive figure dans l'annexe III à l'accord LCP conclu entre la CE et la Suisse, et son champ d'application est donc étendu à la Suisse. L'art. 19 LLCA pose donc le principe que tout avocat ressortissant d'un Etat membre de l'UE peut pratiquer la représentation en justice en Suisse sous forme de prestation de services.

Comme la directive 77/249/CEE ne contient pas de dispositions relatives à la reconnaissance des diplômes, l'Etat d'accueil ­ en l'occurrence la Suisse ­ reconnaît comme avocat toute personne autorisée à pratiquer dans son Etat d'origine sous l'une des dénominations figurant à l'art. 1, par. 2, de la directive. L'art. 19, al. 1, LLCA renvoie à une liste de titres professionnels figurant en annexe, qui correspond à la liste de l'art. 1, par. 2, de la directive 77/249/CEE (liste «consolidée», c'est-àdire complétée par les titres professionnels des Etats qui sont devenus membres de l'UE depuis l'adoption de la directive).

La directive 77/249/CEE vise aussi bien le conseil juridique que les activités relatives à la représentation en justice. Le présent projet de loi ne règle pourtant que les activités de représentation en justice, puisque le conseil juridique n'est pas réglementé en Suisse. L'art. 19 se limite donc à la réglementation des avocats ressortissants d'Etats membres de l'UE qui souhaitent pratiquer la représentation en justice en Suisse.

L'activité d'avocat exercée sous forme de prestation de services s'effectue de manière ponctuelle, passagère, par opposition à l'exercice permanent de la profession sous le titre d'origine prévu par la directive 98/5/CE. En vertu de l'art. 19 al. 2, les avocats pratiquant sous forme de prestation de services ne peuvent être inscrits au registre cantonal des avocats. En vertu de l'art. 5 de l'Accord sur la libre circulation des personnes, ils peuvent pratiquer en Suisse pendant 90 jours par an au maximum.

234.22

Devoir de légitimation (art. 20)

L'art. 7, al. 1, de la directive 77/249/CEE prévoit que l'autorité compétente de l'Etat d'accueil peut demander au prestataire de services d'établir sa qualité d'avocat. En vertu de l'art. 20 LLCA, les autorités judiciaires fédérales et cantonales devant lesquelles l'avocat prestataire de services exerce son activité sont habilitées à demander à l'avocat d'établir sa qualité d'avocat (en produisant son brevet d'avocat, ou une attestation de son Etat de provenance établissant qu'il est habilité à exercer la profession d'avocat, etc.). Comme l'avocat prestataire de services est soumis aux règles professionnelles (art. 23 LLCA), il est normal que les autorités de surveillance cantonales des avocats puissent également lui demander d'établir sa qualité d'avocat.

5376

234.23

Obligation d'agir de concert avec un avocat inscrit au registre (art. 21)

L'art. 5 de la directive 77/249/CEE permet à l'Etat d'accueil d'imposer aux avocats prestataires de services d'agir de concert avec un avocat exerçant auprès de la juridiction saisie qui est responsable, s'il y a lieu, à l'égard de cette juridiction.

L'Etat d'accueil à la possibilité, mais non l'obligation, d'introduire cette condition.

Le droit suisse pourrait donc y renoncer. Il apparaît toutefois préférable, pour des raisons pratiques, que les autorités judiciaires puissent avoir comme répondant un avocat établi en Suisse et inscrit au registre.

Dans son arrêt du 25 février 1988 dans une affaire opposant la Commission des Communautés européennes à la République fédérale d'Allemagne97, la CJCE a précisé que l'obligation d'agir de concert avec un avocat de l'Etat d'accueil ne pouvait s'appliquer que lorsque l'assistance d'un avocat était obligatoire. L'art. 21 LLCA consacre donc cette solution jurisprudentielle.

Selon la CJCE, «agir de concert» ne signifie pas que l'avocat inscrit au registre doive lui-même être partie à la procédure, en tant que mandataire. Cela ne signifie pas non plus que l'avocat inscrit au registre doive accompagner le prestataire de service lorsqu'il plaide. La notion «agir de concert» se résume plus à une formalité, qui oblige notamment à élire domicile à l'étude de l'avocat inscrit au registre98.

234.24

Dénomination professionnelle (art. 22)

L'art. 22 reprend le contenu matériel de l'art. 3 de la directive 77/249/CEE, en vertu duquel l'avocat doit, dans l'Etat d'accueil, utiliser son titre professionnel exprimé dans la ou l'une des langues de l'Etat de provenance, avec indication de l'organisation professionnelle dont il relève ou de la juridiction auprès de laquelle il est admis en application de la législation de cet Etat. Il se distingue ainsi clairement des avocats inscrits au registre.

234.25

Règles professionnelles (art. 23)

L'art. 4 de la directive 77/249/CEE prévoit que l'avocat prestataire de service est soumis aux règles professionnelles de l'Etat d'accueil en plus de celles de son Etat de provenance. Il exerce ainsi son activité dans les mêmes conditions que les avocats de l'Etat d'accueil.

Les règles professionnelles de la LLCA (art. 11) s'appliquent donc par principe également aux avocats prestataires de services. Seules sont expressément exclues en vertu de l'art. 23 les dispositions relatives aux défenses d'office (art. 11, let. g) et au registre (art. 11, let. j). Ces exceptions se justifient par le fait qu'il serait absurde d'obliger des avocats prestataires de services d'accepter des défenses d'office (ou ils 97 98

Aff. 427/85, Rec. 1988, p. 1123.

Sobotta/Kleinschnittger, Freizügigkeit für Anwälte in der EU nach der Richtlinie 98/5/EG, EuZW 21/1998, p. 645 ss; Séché Jean-Claude, La directive 98/5/CE sur le droit d'établissement des avocats, Journal des tribunaux, Droit européen, Bruxelles janvier 1999, p. 7 ss.

5377

seraient en outre contraints d'agir de concert avec un avocat inscrit au registre en vertu de l'art. 21) ou des mandats d'assistance judiciaire, alors qu'ils sont sans doute spécialisés dans certains domaines très particuliers et qu'ils plaideront en Suisse essentiellement pour le compte de clients étrangers. La disposition relative au registre ne peut en outre pas s'appliquer dans leur cas, puisqu'ils ne sont pas inscrits au registre.

234.26

Communication des mesures disciplinaires (art. 24)

L'art. 7 de la directive 77/249/CEE prévoit que l'autorité compétente de l'Etat d'accueil détermine les conséquences d'un manquement aux règles professionnelles en vigueur dans l'Etat d'accueil selon ses propres règles de droit et de procédure.

Elle doit toutefois informer l'autorité compétente de l'Etat de provenance de toute décision prise.

Les règles professionnelles de la présente loi s'appliquent également aux avocats des Etats membres de l'UE pratiquant sous forme de prestation de services (art. 23). En vertu de l'art. 24, si une autorité cantonale de surveillance des avocats prononce une mesure disciplinaire contre un avocat prestataire de services, elle doit en informer l'autorité compétente de l'Etat de provenance.

Une interdiction de pratiquer, provisoire ou définitive, prononcée à l'encontre d'un avocat prestataire de services, est valable sur tout le territoire suisse, et est communiquée aux autorités de surveillance des autres cantons (art. 16).

234.3

Exercice permanent, par les avocats des Etats membres de l'UE, de la profession d'avocat sous le titre d'origine (section 5)

Les art. 25 à 27 règlent l'exercice permanent de la profession d'avocat, sous le titre d'origine, par les avocats ressortissants des Etats membres de l'UE, conformément à la directive 98/5/CE (cf. ch. 14).

234.31

Principes (art. 25)

Conformément à la directive 98/5/CE, l'avocat ressortissant d'un Etat membre de l'UE peut exercer en Suisse, sous son titre professionnel d'origine, les mêmes activités professionnelles que celles d'un avocat inscrit à un registre cantonal des avocats. Il ne peut toutefois être inscrit à un registre cantonal des avocats, mais doit s'inscrire au tableau des avocats ressortissants des Etats membres de l'UE pratiquant à titre permanent sous leur titre d'origine (art. 26).

Comme l'avocat prestataire de services, il est tenu d'agir de concert avec un avocat inscrit à un registre cantonal pour les activités où l'assistance d'un avocat est obligatoire. Il est également soumis aux règles professionnelles de l'article 11 à l'exception de celles relatives aux défenses d'office et aux mandats d'assistance judiciaire (let. g) et au registre (let. j). L'art. 25, al. 2, renvoie donc aux art. 21 et 23.

5378

En ce qui concerne la dénomination professionnelle, l'art. 25, al. 2, renvoie également à l'art. 22. Selon la directive 98/5/CE, il doit être possible de distinguer, sur la seule base de leur dénomination professionnelle, les avocats du pays d'accueil des avocats qui pratiquent en Suisse à titre permanent sous leur titre d'origine. De même que les avocats qui pratiquent la prestation de services dans le cadre de la directive 77/249/CEE, les avocats ressortissants des Etats membres de l'UE qui pratiquent de manière permanente en Suisse sous leur titre d'origine doivent utiliser leur titre professionnel exprimé dans la ou l'une des langues de l'Etat de provenance. Le pays d'accueil peut également exiger de l'avocat qu'il ajoute en outre la mention de l'organisation professionnelle dont il relève dans l'Etat d'origine, ou de la juridiction auprès de laquelle il est admis en application de la législation de l'Etat membre d'origine (art. 4, al. 2, de la directive 98/5/CE). Le présent projet de loi fait usage de cette possibilité afin d'éviter toute confusion avec un avocat inscrit à un registre cantonal.

234.32

Inscription au tableau (art. 26)

L'avocat qui souhaite exercer sous son titre d'origine s'annonce auprès de l'autorité de surveillance des avocats du canton dans lequel il dispose d'une adresse professionnelle. Sur la seule base d'une attestation d'inscription auprès de l'autorité compétente de l'Etat de provenance, l'autorité de surveillance l'inscrit sur un tableau qui ne comprend que les avocats des Etats membres de l'UE pratiquant sous leur titre d'origine. La directive ne dit rien sur la question des frais liés à cette inscription99.

Le tableau est une liste des noms et adresses des avocats des Etats membres de l'UE pratiquant sous leur titre professionnel d'origine; il ne doit pas être confondu avec le registre. L'autorité de surveillance doit informer l'autorité compétente de l'Etat de provenance de ce que l'avocat a été inscrit au tableau (art. 3, al. 2, in fine de la directive 98/5 CE). L'avocat pratiquant sous son titre d'origine n'est pas inscrit au registre cantonal des avocats, qui ne comprend que des avocats titulaires d'un brevet cantonal, ou les avocats ayant réussi l'examen d'aptitude en vertu de la directive 89/48/CEE, ou encore les avocats intégrés en Suisse après avoir exercé pendant une période de trois ans sous leur titre d'origine.

234.33

Coopération avec l'autorité compétence de l'Etat de provenance (art. 27)

La directive 98/5/CE prévoit une certaine coopération entre les autorités compétentes de l'Etat d'accueil et celles de l'Etat de provenance. Ceci découle de la double inscription de l'avocat auprès des autorités compétentes de l'Etat de provenance et au tableau cantonal. Cette double inscription implique un double assujettissement, aux règles professionnelles de l'Etat de provenance d'une part, et aux règles professionnelles de l'Etat d'accueil d'autre part. L'art. 7, al. 2, de la directive 98/5/CE prévoit que l'autorité de surveillance du pays d'accueil doit, avant d'ouvrir une procédure disciplinaire, en informer l'autorité compétente (autorité de surveillance) 99

Jacques Pertek, Nouvelle étape vers l'Europe des avocats: la directive CE no 98-5 du 16 février 1998 sur l'exercice permanent dans un autre Etat membre, Recueil Dalloz 1998, 30e cahier p. 287.

5379

de l'Etat de provenance de l'avocat. Cette communication n'a qu'un caractère formel; elle n'est donc pas de nature à retarder l'ouverture d'une procédure disciplinaire en Suisse. La directive ne précise pas la forme que doit revêtir cette communication.

La coopération entre autorités de surveillance ne porte pas atteinte au principe selon lequel la décision finale relève exclusivement de la compétence des autorités suisses.

La sanction disciplinaire prononcée par une autorité de surveillance ne déploie d'effet qu'en Suisse. L'autorité compétente de l'Etat d'origine peut toutefois tirer ses propres conclusions de la décision disciplinaire prise en Suisse. L'interdiction de pratiquer prise à l'encontre d'un avocat d'un Etat membre de l'UE exerçant de manière permanente en Suisse sous son titre d'origine s'applique à l'ensemble du territoire suisse. Elle est communiquée aux autorités de surveillance des autres cantons (art. 16).

234.4

Inscription des avocats des Etats membres de l'UE à un registre cantonal des avocats (section 6)

234.41

Principes (art. 28)

C'est l'inscription au registre qui permet aux avocats ressortissants des Etats membres de l'UE d'intégrer complètement la profession d'avocat en Suisse. Il n'y a alors plus de différence matérielle entre l'avocat titulaire d'un brevet cantonal inscrit au registre et l'avocat ressortissant d'un Etat membre de l'UE inscrit en vertu de l'art. 28, puisque l'avocat ressortissant d'un Etat membre inscrit au registre est soumis à l'ensemble des règles professionnelles et n'a plus à agir de concert dans les cas prévus par la loi (art. 21 et 25, al. 2). Il n'y a plus non plus de différence formelle, puisque l'avocat n'est plus tenu de faire usage de son titre professionnel d'origine et pourra prendre le titre professionnel du canton dans lequel il s'inscrit au registre.

Les avocats ressortissants des Etats membres de l'UE disposent de deux voies pour s'inscrire à un registre cantonal des avocats: soit ils se présentent à une épreuve d'aptitude (conformément à la directive 89/48/CEE), soit ils exercent leur profession pendant au minimum trois ans en Suisse en étant inscrit au tableau (conformément à la directive 98/5/CE) et demandent ensuite leur inscription, éventuellement après un entretien de vérification des compétences professionnelles (art. 30). Dans le cas de l'épreuve d'aptitude et de l'entretien, c'est la commission cantonale des examens d'avocat qui décide si l'avocat peut être inscrit au registre par l'autorité de surveillance. C'est toutefois l'autorité de surveillance qui examine si les conditions personnelles (art. 7) sont remplies. Lorsqu'il demande son inscription après avoir exercé de manière permanente sous son titre d'origine, l'avocat doit établir qu'il a eu une activité régulière et effective en droit suisse pendant une période minimale de trois ans. Par activité effective, on entend une activité que l'avocat déploie lui-même sous sa propre responsabilité. Par activité régulière, on entend une activité qui ne soit interrompue que par des événements de la vie courante100. La question de savoir si l'expérience en matière de représentation en justice est suffisante devra également être appréciée par la commission. Si son activité en Suisse n'a pas porté sur le droit

100

Pertek, op. cit. p. 288.

5380

suisse pendant les trois ans, l'avocat devra se présenter à un entretien de vérification des compétences professionnelles.

234.42

Epreuve d'aptitude (art. 29)

Le droit de se faire inscrire au registre après une épreuve d'aptitude découle de l'art.

3 de la directive 89/48/CEE relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur. En vertu de cet article, tout titulaire d'un diplôme obtenu après trois ans au moins d'enseignement supérieur doit pouvoir exercer sa profession dans les autres Etats membres de l'UE, si sa formation ­ éventuellement suivie d'une formation complémentaire (p. ex. un stage et l'examen qui le suit) ­ lui donne accès à la profession considérée dans l'Etat d'origine. Toutefois, l'Etat d'accueil peut exiger du migrant des mesures de formation complémentaire sous la forme d'une épreuve d'aptitude ou d'un stage de formation si la formation ou la profession diffèrent de manière substantielle entre l'Etat qui a délivré le diplôme et l'Etat d'accueil (art. 4 de la directive 89/48/CEE). Pour les professions juridiques, l'Etat d'accueil peut choisir s'il entend imposer une épreuve d'aptitude ou un stage de formation. S'agissant des avocats, tous les Etats membres de l'UE à l'exception du Danemark ont choisi d'imposer une épreuve d'aptitude dans le droit interne du pays d'accueil. La LLCA introduit elle aussi le principe d'une épreuve d'aptitude.

Ce sont les cantons qui auront à organiser l'épreuve d'aptitude. La commission cantonale des examens d'avocat ­ il s'agira de la même commission qui examine les candidats à l'obtention d'un brevet d'avocat cantonal ­ devra, de cas en cas, examiner les matières sur lesquelles elle estime que le candidat doit être interrogé. Ces matières devront être choisies parmi celles dans lesquelles les candidats à l'obtention d'un brevet cantonal sont interrogés. Il s'agira donc, dans la liste des matières qui ne sont pas couvertes par la formation du candidat, d'effectuer un choix et de retenir pour l'examen les matières dont la connaissance est une condition essentielle pour la pratique de la profession d'avocat en Suisse. L'expérience professionnelle du candidat devra également être prise en compte.

234.43

Entretien de vérification des compétences professionnelles (art. 30)

Un avocat inscrit au tableau des avocats exerçant de manière permanente sous leur titre d'origine peut demander à être inscrit au registre des avocats après une activité effective et régulière d'une durée de trois ans au moins en droit suisse. Toutefois, si, au cours de la période minimale de trois ans pendant laquelle l'avocat a été inscrit au tableau, l'activité en droit suisse n'a pas duré trois ans, le candidat à l'inscription au registre doit se présenter à un entretien destiné à vérifier ses compétences professionnelles. Ce sera la commission cantonale des examens d'avocat qui appréciera, sur la base des informations et des documents produits par le candidat (dossiers qu'il a traités, séminaires et cours qu'il a suivis, etc.), si celui-ci peut être inscrit au registre. Il s'agit ainsi de porter une appréciation sur l'activité développée par le candidat, notamment sur son expérience pratique en matière de représentation en justice, et de juger s'il est apte à poursuivre son activité en étant inscrit au registre. Cet

5381

entretien ne doit toutefois pas devenir une sorte d'épreuve d'aptitude déguisée au sens de l'art. 29.

234.44

Dénomination professionnelle (art. 31)

L'avocat pourra utiliser la dénomination professionnelle du canton au registre duquel il est inscrit. Ainsi par exemple, s'il s'inscrit au registre du canton de BâleVille, il utilisera le titre de «Advokat»; à Berne, qui connaît deux titres officiels, il pourra utiliser en allemand le titre de «Fürsprecher», et en français le titre d'«avocat». Dans les deux cas, il fera suivre la mention de son inscription au registre des avocats (art. 10 LLCA). Conformément à l'art. 10, al. 6, de la directive 98/5/CE, l'avocat pourra continuer à faire usage, à côté du titre professionnel d'avocat inscrit au registre, de son titre professionnel d'origine indiqué dans la langue officielle de son Etat d'origine.

235

Dispositions finales (section 7)

235.1

Modification du droit en vigueur (art. 32)

Selon la version actuelle de l'art. 29, al. 2, de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (Organisation judiciaire, OJ; RS 173.110), peuvent seuls agir comme mandataires dans les affaires civiles et pénales les avocats patentés et les professeurs de droit des universités suisses. Cette réglementation n'est pas compatible avec l'accord LCP entre la Suisse et la CE, et donc avec les dispositions de la LLCA qui prévoient que les avocats ressortissants des Etats membres de l'UE peuvent représenter en justice sur le territoire suisse. Elle doit par conséquent être modifiée.

En vertu du nouvel art. 29, al. 2, les avocats qui, en vertu de la loi sur les avocats ou d'un traité international, sont autorisés à pratiquer la représentation en justice en Suisse devant les autorités judiciaires suisses peuvent agir comme mandataires dans les affaires civiles et pénales devant le Tribunal fédéral. Il s'agira donc des avocats inscrits au registre, des avocats ressortissants des Etats membres de l'UE qui pratiquent en Suisse sous forme de prestation de services ou de manière permanente sous leur titre d'origine ­ en étant inscrit à un tableau ­ et enfin des avocats provenant d'autres Etats que ceux de l'UE, avec lesquels la Suisse aurait conclu un traité en la matière les autorisant à pratiquer la représentation en justice dans notre pays.

Comme jusqu'ici, les professeurs de droit des universités suisses seront eux aussi autorisés à agir comme mandataires devant le Tribunal fédéral, même sans posséder de brevets d'avocat (art. 29, al. 2, let. b, OJ).

Dans sa version actuelle, l'art. 29, al. 3, OJ prévoit que, sous réserve de réciprocité, les avocats étrangers peuvent être admis à titre exceptionnel comme mandataires.

Cette disposition n'est plus nécessaire pour ce qui est des avocats ressortissants des Etats membres de l'UE, qui sont déjà admis à pratiquer en Suisse conformément à l'accord sectoriel LCP et à la LLCA. De plus, la réserve de réciprocité n'est plus admissible selon le GATS (cf. ch. 51). Si l'on autorise de manière autonome les avocats provenant d'autres Etats que ceux de l'UE ou d'Etats avec lesquels la Suisse n'a pas conclu de traité en la matière à plaider exceptionnellement devant le Tribu5382

nal fédéral, tous les Etats membres de l'OMC seront en droit de prouver que les titres d'avocat qu'ils délivrent sont équivalents et qu'ils doivent également être reconnus par la Suisse. On se trouve en présence d'une application conditionnelle de la clause de la nation la plus favorisée (art. VII GATS). En revanche, si ­ comme le fait l'al. 2 ­ un traité international est nécessaire, la Suisse doit seulement, toujours sur la base de l'art. VII GATS, ménager aux Etats membres de l'OMC qui le souhaiteraient la possibilité de négocier un accord comparable. Cette solution est évidemment préférable, raison pour laquelle l'al. 3 de l'art. 29 OJ peut être supprimé.

235.2

Droit transitoire (art. 33)

Les personnes titulaires de brevets d'avocat délivrés en vertu de l'ancien droit cantonal qui étaient jusqu'alors en mesure d'obtenir une autorisation de pratiquer en vertu de l'art. 5 des dispositions transitoires cst. et de la LMI doivent également pouvoir bénéficier des avantages de la LLCA même si elles ne remplissent pas toutes les conditions exigées pour pouvoir s'inscrire à un registre cantonal. Si, par exemple, un avocat n'a pas effectué une période de stage d'une année, mais de six mois seulement en vertu du droit cantonal, il ne doit pas pour autant être pénalisé par l'entrée en vigueur de la LLCA alors que son brevet lui permettait précédemment de pratiquer dans les autres cantons suisses. Seuls bénéficieront toutefois de cette possibilité les personnes titulaires de brevets d'avocats délivrés en vertu de l'ancien droit cantonal (avant son adaptation à la LLCA). Si un canton délivre, après l'entrée en vigueur de la LLCA, des brevets ne satisfaisant pas aux conditions des art. 6 et 7, les autres cantons pourront refuser de les reconnaître.

235.3

Référendum et entrée en vigueur (art. 34)

En tant que loi fédérale, la LLCA est sujette au référendum facultatif selon l'art. 89, al. 2, cst. (art. 141, al. 1, nCst). L'art. 34 autorise le Conseil fédéral à fixer la date d'entrée en vigueur de la loi. La Suisse devant transposer le droit communautaire pertinent suite à la conclusion de l'accord sectoriel sur la libre circulation des personnes, l'entrée en vigueur de la LLCA devra coïncider avec l'entrée en vigueur des accords sectoriels entre la Suisse et la CE (selon toute vraisemblance au début 2001).

Au cas où les accords sectoriels, et en particulier l'accord sectoriel sur la libre circulation de personnes, n'entreraient pas en vigueur, la LLCA devrait toutefois entrer en vigueur puisqu'elle concerne avant tout la libre circulation intercantonale des avocats (art. 33, al. 2, cst.), et qu'elle règle les principes essentiels de la profession d'avocat. L'al. 2 prévoit donc que les parties de la loi qui transposent le droit communautaire n'entrent en vigueur qu'au cas où l'accord sectoriel entre la Suisse et la Communauté européenne et ses Etats membres entre lui-même en vigueur.

5383

3

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

31

Pour la Confédération

La LLCA n'aura pas de conséquences financières ni d'effets sur l'état du personnel au niveau fédéral.

32

Pour les cantons

Les cantons n'auront plus à prévoir de procédures pour les autorisations de pratiquer délivrées aux avocats provenant d'autres cantons. La mise en place des registres cantonaux et des mécanismes de surveillance ne devrait pas entraîner de conséquences notables sur les ressources financières et humaines, la plupart des cantons connaissant déjà des institutions comparables. En ce qui concerne les registres, les cantons tenaient jusqu'alors en général trois types de listes: celle des avocats auxquels un brevet d'avocat avait été délivré, celles des avocats disposant d'une adresse professionnelle sur le territoire du canton (p. ex. inscrits au «barreau» ou au «tableau» des avocats du canton), et celle des avocats ayant reçu une autorisation de plaider, durable ou temporaire. En vertu de la LLCA, ils devront tenir un registre cantonal des avocats, ainsi qu'un tableau des avocats ressortissants des Etats membres de l'UE pratiquant en Suisse à titre permanent sous leur titre d'origine et qui ont une adresse professionnelle dans le canton.

Il faut rappeler dans ce contexte que les adaptations du droit cantonal devront être achevées le 1er janvier 2001, date où selon toute vraisemblance les accords sectoriels entre la Suisse et la CE entreront en vigueur.

4

Programme de la législature

La libre circulation des avocats figure dans le rapport sur le programme de la législature 1995­1999 sous la rubrique Economie et compétitivité (FF 1996 II 349).

5

Relation avec le droit international

51

GATS

L'Accord général sur le commerce des services (General Agreement on Trade in Services; GATS) intègre pour la première fois la totalité du secteur des services dans le système multilatéral réglant le commerce mondial. Le GATS fait partie intégrante de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Avec l'Accord sur le commerce des marchandises (GATT) et l'Accord sur la propriété intellectuelle (TRIPS), le GATS constitue l'un des trois piliers de l'OMC. En signant le 15 avril 1994 à Marrakech les accords mettant un terme aux négociations du cycle d'Uruguay, puis en les ratifiant, la Suisse est devenue membre de l'OMC et partie au GATS. Ces accords sont en vigueur pour elle depuis le 1er juillet 1995.

Par principe, le GATS est applicable à tous les secteurs de services et au commerce de services sous toutes ses formes (fourniture transfrontalière de services, établissement d'une présence commerciale à l'étranger, mouvement transfrontalier des 5384

fournisseurs et consommateurs de services). L'inclusion des activités des professions libérales («professional services») dans les négociations du cycle d'Uruguay qui ont conduit à l'adoption du GATS constitue une nouveauté radicale pour ce secteur qui, jusque-là, n'était régi par aucun accord multilatéral.

Le GATS se compose d'un accord-cadre, de plusieurs annexes, ainsi que de listes nationales d'engagements et d'exemptions101. L'accord-cadre contient des règles et obligations d'ordre général en matière de libéralisation du commerce des services, qui doivent être respectées par tous les membres de l'OMC dès l'entrée en vigueur de l'accord, soit pour l'ensemble des services ­ par exemple la clause de la nation la plus favorisée (ci-après: NPF) ­, soit pour les secteurs où les membres de l'OMC ont pris des engagements spécifiques au titre de l'accès au marché ou du traitement national. Les annexes réglementent la possibilité d'exemptions nationales à la règle NPF, précisent le champ d'application du GATS quant aux personnes physiques fournissant des services et arrêtent des dispositions spéciales sur certains secteurs de services. Les listes d'exemptions nationales à l'obligation d'accorder le traitement de la nation la plus favorisée et les listes d'engagements spécifiques des Etats membres déterminent les droits concrets d'accès aux marchés pour les fournisseurs de services étrangers.

En ce qui concerne la fourniture de services juridiques, les art. II, V et VII de l'accord-cadre présentent un intérêt particulier.

L'art. II, par. 1, GATS102 pose le principe du traitement de la nation la plus favorisée. Si un Etat membre admet des services ou des fournisseurs de services étrangers sur son territoire, il doit, en vertu de la clause NPF, accorder un traitement non moins favorable aux services et fournisseurs de services similaires de tout autre Etat membre de l'OMC. L'égalité de traitement doit être accordée sur le champ et ne peut être soumise à des conditions (telles que la réciprocité). Deux exceptions sont possibles à l'obligation d'appliquer la clause NPF. Premièrement, les règlements propres aux zones frontières contiguës ne sauraient être appliqués à des pays tiers dans la mesure où ils concernent des services qui sont non seulement produits mais aussi consommés localement (art. II, par. 3,
GATS). Deuxièmement, les Etats membres peuvent être exemptés individuellement de la clause NPF pour certaines mesures, mais uniquement au moment de l'entrée en vigueur du GATS. Ces exemptions nationales permettent de continuer à appliquer un traitement préférentiel à certains partenaires commerciaux même après l'entrée en vigueur du GATS. Elles doivent se référer à des mesures isolées et concrètes déjà en vigueur au moment de la conclusion des négociations. Elles sont en principe limitées dans le temps et feront l'objet de futures négociations103.

L'art. V GATS autorise également la création de zones d'intégration économique, qui constituent une exception particulière au principe NPF. L'application de cette disposition ­ qui permet de conclure des accords préférentiels au sein des zones en question et de déroger ainsi au principe fondamental NPF ­ est liée à plusieurs conditions. Un accord d'intégration au sens de l'art. V GATS doit couvrir une partie substantielle du commerce des services et éliminer toute discrimination notable à l'intérieur de l'espace d'intégration. Le Traité instituant la Communauté européenne 101

Cf. message relatif à l'approbation des accords du GATT/OMC, FF 1994 IV 237 et RS 0.632.20, p. 327 ss.

102 RS 0.632.20, p. 330 103 Cf. Annexe relative aux exemptions des obligations énoncées à l'art. II; FF 1994 IV 783.

5385

(CEE) ou l'Accord EEE remplissent ces conditions. En revanche, l'accord bilatéral sectoriel entre la Suisse et la CE sur la circulation des personnes n'y satisfait pas104.

Dans sa liste des exemptions nationales à l'art. II GATS105, la Suisse a négocié, pour les personnes ne relevant pas de sa liste d'engagements, une exemption au principe NPF en faveur des ressortissants de l'UE ou de l'AELE en ce qui concerne l'entrée, le séjour et l'accès au marché du travail. Un traitement préférentiel autonome ou fondé sur un accord avec la CE ou avec les pays de l'AELE reste donc possible, pour les ressortissants de l'UE et de l'AELE, en ce qui concerne les dispositions relevant du droit de séjour et d'établissement des étrangers106. Aucune exemption n'a en revanche été négociée en ce qui concerne la reconnaissance des qualifications, laquelle reste soumise à la clause NPF.

L'art. VII GATS porte sur la reconnaissance des qualifications pour les fournisseurs de services. Cette reconnaissance peut se faire par une harmonisation, se fonder sur un accord ou être octroyée de manière autonome. Dans le cas où un Etat membre accorde la reconnaissance de manière autonome, il ménagera à tout autre membre de l'OMC une possibilité adéquate de démontrer que la formation ou l'expérience acquises, les licences ou les certificats obtenus, ou les prescriptions remplies sur son territoire devraient être reconnues. Si la reconnaissance fait l'objet d'un accord, les Etats membres de l'OMC parties à cet accord devront ménager aux autres Etats membres intéressés une possibilité d'accéder à cet accord ou de négocier un accord comparable. Cette dernière disposition est importante dans la mesure où elle s'applique dans le cadre de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur la circulation des personnes, cet accord englobant aussi la reconnaissance des diplômes (cf. ch. 5 ci-dessous). En matière de reconnaissance des qualifications, on se trouve donc en présence d'une application conditionnelle de la clause NPF, car les Etats membres qui souhaitent en profiter doivent prouver que leurs qualifications sont équivalentes à celles qui ont déjà fait l'objet d'une reconnaissance. Enfin, s'agissant de la possibilité d'obtenir la réciprocité ­ avantage qui est en principe incompatible avec la règle NPF ­, la reconnaissance des qualifications
par la voie d'accord doit être préférée à la reconnaissance autonome, car elle permet en pratique d'obtenir la reconnaissance de ses propres qualifications par les partenaires qui, se fondant sur la clause NPF, demanderaient à négocier leur accession à l'accord déjà conclu ou à négocier un accord comparable.

Dans sa liste d'engagements spécifiques107, la Suisse s'est engagée à libéraliser la fourniture de conseils juridiques dans le droit de l'Etat d'origine et en droit international. L'UE a pris, de son côté, un engagement analogue, le droit communautaire étant toutefois exclu, pour elle, du droit international.

Le GATS est entré en vigueur pour la Suisse le 1er juillet 1995. Dans son message à ce sujet108, le Conseil fédéral relevait que le GATS ne pose en principe pas de problème d'adaptation majeur à la Suisse, puisque celle-ci a inscrit dans sa liste d'engagement l'accès au marché tel qu'il prévalait au moment de la conclusion de l'accord. Il s'ensuit qu'aucune adaptation du droit suisse ne devrait s'avérer indispensable. Cela est également vrai en ce qui concerne les avocats, l'accès aux activi-

104 105 106 107 108

FF 1994 IV 246 s.

RS 0.632.20, p. 340 Cf. message relatif à l'approbation des accords du GATT/OMC; FF 1994 IV 274.

RS 0.632.20, p. 330 FF 1994 IV 273

5386

tés de conseil juridique n'étant, pour l'heure, pas réglementée dans la quasi-totalité des cantons suisses.

52

Droit communautaire

Le présent projet de loi est compatible avec le droit européen pertinent (cf. ch. 142 et 234). Les Etats membres de l'UE et la Suisse restent libres de réglementer la formation des avocats et l'exercice de la profession sur leur territoire. La LLCA transpose l'essentiel du contenu des directives communautaires relatives à la profession d'avocat.

53

Interaction entre l'accord sectoriel Suisse-CE et le GATS

La conclusion de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur la libre circulation des personnes permet aux autres Etats de l'OMC de demander l'application de la clause NPF contenue à l'art. II GATS. Certes, la Suisse a négocié une exception à ce principe en se réservant la possibilité d'un traitement préférentiel pour les ressortissants de l'UE ou de l'AELE dans sa liste d'exemptions à l'art. II GATS109. Mais cette exemption ne concerne que le droit de séjour, d'établissement et d'accès au marché du travail. Aucune réserve n'a été faite en matière de reconnaissance des qualifications. Dès la conclusion de l'accord, la Suisse et la CE devront donc ménager aux autres Etats membres de l'OMC qui le souhaiteraient une possibilité adéquate de négocier, soit leur accession à la partie de l'Accord concernant la reconnaissance des diplômes, soit un accord comparable. Dans le cas de la reconnaissance des diplômes, la clause NPF ne s'applique toutefois que de manière conditionnelle (art. VII GATS), en ce sens que les autres Etats membres de l'OMC devront prouver que leurs qualifications sont équivalentes à celles qui font l'objet de l'accord SuisseCE. De surcroît, les ressortissants des Etats de l'OMC qui concluront avec la Suisse un accord de ce type resteront soumis aux restrictions relevant du droit de séjour, d'établissement et d'accès au marché du travail des étrangers. L'application de la clause NPF à la reconnaissance des qualifications n'aura, de ce fait, qu'une portée limitée.

6

Constitutionnalité

61

Le mandat de l'art. 33, al. 2, cst.

L'art. 33, al. 2, cst. donne mandat au législateur fédéral de pourvoir à ce que les actes de capacité exigés pour les professions libérales soient valables dans toute la Confédération. Le but de cette disposition est de garantir en Suisse la libre circulation des personnes qui exercent des professions libérales. Il est admis en pratique et par la doctrine dominante que la profession d'avocat est une profession libérale et qu'elle tombe donc dans le champ d'application de l'art. 33, al. 2, cst.110 (cf. ch. 111 ci-dessus).

109 110

Cf. FF 1994 IV 274 Cf. Wolffers, op. cit., p. 24; ATF 111 Ia 110.

5387

L'art. 33, al. 2, cst., donne au législateur la compétence d'édicter des prescriptions afin d'obtenir des certificats de capacité valables dans toute la Suisse. Cependant, la LLCA ne règle pas que les conditions de formation, mais également les conditions personnelles que les avocats doivent remplir pour pouvoir pratiquer librement en Suisse. La LLCA dépasse le cadre stricte du mandat constitutionnel de l'art. 33, al. 2, puisque celui-ci n'autorise le législateur qu'à régler les conditions de formation permettant à un avocat de plaider dans toute la Suisse. Pour les conditions personnelles ainsi que pour les dispositions de la loi relatives aux registres cantonaux, à la surveillance disciplinaire, aux règles professionnelles, c'est l'art. 31bis, al.

2, cst. (art. 95, al. 1, nCst.), qui offre la base constitutionnelle nécessaire.

62

La compétence du législateur fédéral basée sur l'art. 31bis, al. 2, cst.

L'art. 31bis, al. 2, cst. donne à la Confédération une compétence générale d'édicter des prescriptions sur l'exercice du commerce et de l'industrie tout en sauvegardant les intérêts généraux de l'économie nationale. Elle doit toutefois respecter le principe de la liberté du commerce et de l'industrie. L'art. 31bis, al. 2, cst. comprend toutes les activités économiques privées111 et s'applique donc également aux professions libérales. De ce point de vue, il complète le mandat plus précis et plus limité contenu à l'art. 33, al. 2, cst. Le législateur fédéral dispose donc d'une compétence globale pour édicter des dispositions sur l'exercice de la profession d'avocat au-delà du mandat qui lui est confié par l'art. 33, al. 2, cst., de régler la reconnaissance des certificats de capacité. Les dispositions contenues dans la LLCA respectent par ailleurs la liberté du commerce et de l'industrie.

La compétence fédérale de l'art. 31bis, al. 2, cst. est, selon la doctrine dominante, une compétence globale dont la force dérogatoire n'agit qu'avec un effet différé (compétence «concurrente»). Les cantons demeurent compétents pour édicter des prescriptions sur l'exercice du commerce et de l'industrie aussi longtemps que la Confédération n'a pas usé (exhaustivement ou, comme pour la LLCA, partiellement) de sa compétence d'en édicter elle-même112.

63

Les compétences cantonales

Les cantons peuvent exiger des preuves de capacité de ceux qui veulent exercer des professions libérales. Le mandat constitutionnel de l'art. 33, al. 2, cst. ne limite pas la compétence des cantons de fixer les conditions auxquelles ils délivrent leurs certificats de capacité. Ils demeurent libres de poser des exigences supérieures (p.

ex. durées de stage plus longues, autres conditions personnelles) à l'obtention du brevet d'avocat cantonal, voire même des exigences inférieures; dans ce second cas toutefois, ils prennent le risque de voir les autres cantons refuser de reconnaître ces brevets d'avocat qui ne permettraient pas de s'inscrire à un registre cantonal.

111 112

Cf. Rhinow in Commentaire de la Constitution fédérale, art. 31bis, no 40.

Cf. Rhinow in Commentaire de la Constitution fédérale, art. 31bis, no 40.

5388