05.453 Initiative parlementaire Interdiction des pitbulls en Suisse Rapport de la Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil national du 20 février 2009

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral sur la protection de l'être humain contre les animaux ainsi que le projet d'une loi sur les chiens, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter les deux projets d'acte ci-joints.

Une minorité (Noser, Füglistaller, Pfister Theophil, Scherer, Wasserfallen) propose de ne pas entrer en matière ni sur le projet d'arrêté, ni sur le projet de loi.

20 février 2009

Pour la commission: La présidente, Josiane Aubert

2009-0686

3099

Condensé Les accidents tragiques lors desquels des chiens ont grièvement blessé, ou même tué, des êtres humains ont alarmé la population ces dernières années. Dans les milieux politiques, des voix se sont élevées pour exiger que la détention de chiens dangereux soit réglementée au niveau fédéral. Ainsi, l'initiative parlementaire de l'ancien conseiller national Pierre Kohler demande l'interdiction des chiens de type pitbull dans toute la Suisse.

Pour prendre des mesures de protection de l'homme contre l'animal, la Confédération a besoin d'une nouvelle base constitutionnelle. L'art. 80 de la Constitution, s'il était complété, donnerait à la Confédération la compétence de légiférer sur la protection de l'être humain contre les lésions corporelles provoquées par des animaux gardés par l'être humain. Cette nouvelle compétence n'inclut pas la protection de l'homme contre les animaux à l'état sauvage (par ex. les lynx et les loups).

En revanche, le nouvel art. 80 de la Constitution servira de base à des mesures fédérales de protection contre les chiens.

Au niveau législatif, la Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil national (CSEC-N) avait proposé de compléter l'actuelle loi fédérale sur la protection des animaux par des mesures de protection contre les chiens dangereux.

Toutefois, les adaptations envisagées, en particulier la définition de trois catégories de dangerosité assortie d'une interdiction des chiens dangereux, ont donné lieu à des avis majoritairement négatifs lors de la consultation. La CSEC-N a donc adapté sa proposition en fonction des résultats de la consultation: désormais, les mesures fédérales visant à ce que les chiens soient détenus conformément aux règles de vie en société ­ ceci afin de protéger la population des chiens dangereux et présentant des troubles de comportement ­ font l'objet d'une loi spécifique (loi sur les chiens).

Comme la plupart des cantons se sont déjà dotés de leur propre législation en la matière, il apparaît judicieux d'élaborer un texte à l'échelon national, afin d'harmoniser, et donc de clarifier, la situation sur le plan du droit.

Les mesures proposées dans le présent projet s'appuient sur les nouvelles dispositions de la loi fédérale sur la protection des animaux et de son ordonnance d'application, entrées en vigueur le
1er septembre 2008. Par contre, la commission a renoncé à interdire la détention de chiens dangereux ou potentiellement dangereux, privilégiant d'autres instruments: mesures visant à prévenir des accidents par morsure, consignes en matière de socialisation et d'éducation des chiens, formation et formation continue des détenteurs, et règles claires applicables aux chiens soumis à des exigences particulières ou utilisés à des fins particulières (par ex. interdiction du dressage au mordant). Le projet règle également la question de la responsabilité civile: désormais, les détenteurs de chiens doivent conclure une assurance ad hoc. Il prévoit en outre que soient édictées des dispositions pénales relatives à l'élevage, à l'importation et à la détention de chiens dangereux. Enfin, il laisse aux cantons la possibilité d'arrêter des règles plus sévères.

3100

Table des matières Condensé

3100

1 Genèse du projet 1.1 Résultats de la consultation 1.2 Suite des travaux

3103 3104 3105

2 Grandes lignes du projet 2.1 Droit en vigueur 2.1.1 Généralités 2.1.2 Les mesures examinées par le Conseil fédéral, mais non mises en oeuvre 2.1.3 La loi sur la protection des animaux 2.1.4 L'ordonnance sur la protection des animaux 2.1.5 La loi sur les épizooties 2.2 Les interventions parlementaires 2.3 La situation dans les cantons 2.4 La situation en Europe 2.5 La problématique 2.5.1 Les résultats de la consultation (1er projet, loi fédérale sur la protection des animaux) 2.5.2 Des régimes cantonaux très différents 2.5.3 Les attentes de la population 2.5.4 Les accidents par morsure et leur statistique selon le type de chien 2.5.5 Un renforcement de la responsabilité civile des détenteurs 2.6 Le dispositif prévu au niveau fédéral 2.6.1 Une loi sur les chiens qui se veut exhaustive 2.6.1.1 Formation et formation continue 2.6.1.2 Pas d'interdiction de certaines races 2.6.1.3 Obligation de tenir les chiens en laisse 2.6.1.4 Examen du chien 2.6.1.5 Chiens utilisés à des fins particulières 2.6.1.6 Enregistrement et élevage 2.6.1.7 Responsabilité civile et assurance 2.6.2 Nécessité d'une nouvelle base constitutionnelle 2.6.3 Pas d'impôt fédéral sur les chiens

3105 3105 3105 3106 3106 3107 3108 3108 3109 3111 3113 3113 3113 3114 3114 3115 3115 3115 3116 3116 3117 3117 3117 3118 3118 3119 3120

3 Commentaire des différentes dispositions

3120

4 Conséquences 4.1 Conséquences financières et effets sur les effectifs du personnel 4.2 Autres conséquences

3128 3128 3128

5 Relation avec le droit européen

3129

6 Constitutionnalité

3129

3101

Loi sur les chiens (Projet)

3131

Arrêté fédéral sur la protection de l'être humain contre les animaux (Projet)

3137

3102

Rapport 1

Genèse du projet

C'est à la suite de plusieurs décès tragiques par morsure dans des pays voisins que la Suisse a pris pleinement conscience du problème posé par les chiens de combat. Le décès par morsure d'un garçon de six ans, attaqué par trois pitbulls le 1er décembre 2005 à Oberglatt (ZH), a relancé le débat autour des chiens dangereux dans les milieux politiques et l'opinion publique.

Le 7 décembre 2005, le conseiller national Pierre Kohler a déposé une initiative parlementaire libellée ainsi: «Je demande que la législation fédérale concernée soit modifiée de telle manière qu'il soit interdit en Suisse de posséder un chien de type pitbull et que le Conseil fédéral soit habilité à dresser une liste de races de chiens dont la présence sur sol suisse sera interdite».

Le 28 avril 2006, la Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil national (CSEC-N) a donné suite à cette initiative par 13 voix contre 7, et 3 abstentions. Le 28 août 2006, la Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil des États (CSEC-E) s'est ralliée à cette décision, par 8 voix contre 2 et une abstention. Elle a par ailleurs affirmé que l'interdiction de certaines races n'était pas le seul moyen de protéger l'homme contre les chiens dangereux; elle attendait donc de la CSEC-N qu'elle lui propose un ensemble de mesures et détermine si ces mesures étaient conformes à la Constitution.

Le 15 septembre 2006, la CSEC-N a donc chargé une sous-commission de préparer un projet de texte permettant de résoudre le problème des chiens dangereux à l'échelle nationale. Cette sous-commission devait identifier les mesures de protection contre les chiens dangereux que la Constitution permettait de prendre à l'échelon fédéral, et celles qui exigeraient une modification constitutionnelle. Il s'agissait donc pour la sous-commission de soumettre à la CSEC-N, non seulement un dispositif législatif approprié, mais aussi, le cas échéant, un projet de modification constitutionnelle. Heiner Studer (président), Luc Barthassat, Maya Graf, Otto Ineichen, Josef Kunz et Doris Stump ont été désignés pour siéger dans cette sous-commission.

La sous-commission s'est constituée le 4 octobre 2006; conformément à l'art. 112, al. 1 LParl, elle a fait appel pour la seconder au Département fédéral de l'économie (DFE) et, pour les
questions de constitutionnalité, au Département fédéral de justice et police (DFJP). La sous-commission s'est d'abord penchée, le 25 octobre 2006, sur les possibilités juridiques d'une mise en oeuvre de l'initiative sur la base de la Constitution actuelle; elle a ensuite demandé un avis externe sur la question de la constitutionnalité de dispositions légales visant à protéger l'homme contre les chiens dangereux. Le 24 novembre 2006, elle a également entendu des représentants des cantons, des vétérinaires, de la Fondation pour l'animal en droit et d'associations cynologiques.

La sous-commission a poursuivi ses travaux durant quatre autres séances, pour finalement présenter à la CSEC-N un projet de nouvelle disposition constitutionnelle et un projet de modification de la loi sur la protection des animaux. Le 19 avril 2007, la CSEC-N a approuvé, par 16 voix contre 3 et 0 abstention, la nouvelle disposition constitutionnelle ainsi que la proposition de modification de la loi sur la protection des animaux. Une minorité (Pfister Theophil, Freysinger, Füglistaller) a proposé de 3103

ne pas entrer en matière sur le projet. La commission a décidé de mettre le projet (arrêtés et rapport) en consultation auprès des cantons, des partis politiques et des milieux intéressés.

1.1

Résultats de la consultation

Le 15 juin 2007, l'Office vétérinaire fédéral (OVF), sur mandat de la CSEC-N, a lancé la procédure de consultation. 230 avis ont été déposés. La majorité des cantons est favorable à une réglementation fédérale, mais critique, voire refuse le projet de modification de la loi sur la protection des animaux. Elle rejette les interdictions et les autorisations proposées, les jugeant inadaptées aux faits et aux risques possibles.

Cinq cantons seulement approuvent expressément la proposition de la loi sur la protection des animaux.

Côté partis politiques, administrations et organisations faîtières, les avis favorables et les oppositions à la modification de loi se contrebalancent. Le PEV, le PDC, le PS et les villes soutiennent expressément la proposition, tandis que l'UDC, le PRD, le PVL (Verts libéraux), la SVETDA et l'Association des communes suisses la rejettent, tout comme les associations faîtières des milieux économique et agricole, qui critiquent vertement le projet, lui reprochant d'empiéter sur les compétences des cantons et d'être disproportionné.

Toutes les organisations cynologiques1 se sont exprimées très négativement sur le projet estimant qu'il manque sa cible, qu'il n'est pas adéquat (beaucoup d'efforts pour un problème qui, toutes proportions gardées, n'est pas si important que cela), et pas approprié pour ré-duire le nombre d'accidents par morsure de chiens, et elles l'ont donc jugé inacceptable. De nombreux avis demandent, cependant, des mesures de prévention dans les domaines de l'élevage, de la formation des chiens et des détenteurs, ainsi qu'une loi sur les chiens qui ne discrimine pas ces animaux en fonction de leur race, de leur taille ou de leur poids.

Les organisations de protection des animaux2 jugent le projet de la CESC-N disproportionné, inadéquat, en contradiction avec les connaissances scientifiques, hostile aux animaux, bureaucratique et le rejettent à l'unanimité.

Les organisations vétérinaires3 approuvent la solution fédérale mais rejettent unanimement le projet de modification de la loi sur la protection des animaux. Selon elles, les mesures proposées sont inadéquates et disproportionnées et ne tiennent pas compte des connaissances scientifiques. De plus, les autorisations que les autorités délivreront et les interdictions qu'il leur sera difficile de mettre en
oeuvre feront peser une lourde responsabilité sur les épaules des autorités d'exécution qui sont sous-dotées en personnel. Ces organisations soutiennent les mesures prévues dans les domaines de l'élevage et de la socialisation des chiens, mais s'opposent avec véhémence à toute liste de races.

1

2 3

ARCR, APBTC; CanOW; DBVB; GSAM, GWS; IgFamH, IGHHalt IGHGH; IgMol, IGPH, HOLUS; MCS; NFH-OC; SKG (139 clubs de races et sections locales), SKB-UCS; SKV, VFVH, VATH.

4Pfoten, DBETsch, PSA, TIR, TSBBS; TSKU, TSVS, TSVSG, VETO.

SVS, GTCD-AGGH, AVSPA, AVSMC, ASVC-OS, ASVC.

3104

Les propositions concernant l'obligation d'annoncer les accidents par morsures ou celles relatives à l'examen des chiens présentant un comportement d'agression supérieur à la norme ont reçu un accueil plus favorable. Le contrôle des élevages est rejeté par la majorité des milieux consultés, certains de ces milieux demandent un contrôle accru des importations de chiens.

1.2

Suite des travaux

Après analyse approfondie des résultats de la consultation, la sous-commission a décidé, en date du 1er novembre 2007, de demander à la CSEC-N l'autorisation de poursuivre ses travaux, autorisation qui lui a été accordée le 19 novembre 2007, par 16 voix contre 5. Le 31 janvier 2008, la sous-commission a été reconduite dans une composition nouvelle; présidée par Oskar Freysinger (V), elle compte en outre les parlementaires suivants: Pascale Bruderer (S), Mario Fehr (S), Alice Glauser (V), Maya Graf (G), Otto Ineichen (RL) et Kathy Riklin (CEg).

Dans le cadre d'une audition, les représentants de la Protection suisse des animaux, de la Société cynologique suisse et de la Société suisse des vétérinaires ont présenté à la sous-commission un projet conjoint, axé principalement sur le renforcement de la prévention ainsi que sur le développement de mesures spécifiques. Entre avril et septembre 2008, la sous-commission a travaillé, en collaboration avec l'administration, à la mise sur pied d'un projet d'arrêté tenant compte non seulement des avis des participants à la consultation, mais encore des propositions formulées par les organisations susmentionnées et des résultats de la statistique des accidents par morsure 2007 (cf. ch. 2.5.4).

Vu l'impossibilité de terminer les travaux dans le délai imparti pour l'élaboration d'une initiative parlementaire, la CSEC-N a demandé une prolongation du délai de traitement de l'iv. pa. Kohler, ce que le Conseil national a accepté à sa session d'automne 2008.

A sa séance du 19 novembre 2008, la sous-commission a décidé d'inscrire dans la loi sur les chiens les dispositions qu'elle avait approuvées à l'unanimité. Le 19 février 2009, la CSEC-N a procédé à l'examen du projet. Elle a approuvé la modification constitutionnelle par 17 voix contre 6 et adopté le projet de loi et le rapport explicatif par 14 voix contre 5. Une minorité (Noser, Füglistaller, Pfister Theophil, Scherer, Wasserfallen) propose de ne pas entrer en matière ni sur l'arrêté fédéral, ni sur la loi.

2

Grandes lignes du projet

2.1

Droit en vigueur

2.1.1

Généralités

Tout détenteur de chien se doit de veiller activement non seulement au bien-être et à la protection de son animal, mais également à la protection de la population contre les risques de comportement violent dudit animal. L'Etat a lui aussi un rôle à jouer dans ce domaine: c'est ainsi qu'il a édicté des dispositions et des réglementations ad hoc dans la loi fédérale sur la protection des animaux et dans son ordonnance 3105

d'application ainsi que dans la loi sur les épizooties. La loi et l'ordonnance sur la protection des animaux révisées sont entrées en vigueur le 1er septembre 2008 (cf. ch. 2.1.3, 2.1.4 et 2.1.5).

2.1.2

Les mesures examinées par le Conseil fédéral, mais non mises en oeuvre

Dans le cadre des discussions sur les chiens dangereux, le Conseil fédéral a adopté le 12 avril 2006 plusieurs mesures visant à éviter les accidents par morsure de chien.

Ces mesures contiennent essentiellement des règles relatives à la détention, la socialisation et l'enregistrement des chiens. Un premier dispositif soumettait à autorisation la détention de 13 races4 et interdisait les chiens de type pitbull (et les croisements avec de tels chiens). De plus, les cantons devaient pouvoir ordonner des mesures allant du placement temporaire en observation à la castration du chien, sa stérilisation et même sa mise à mort. Les réactions à ce projet ont été diverses. D'un côté, une majorité des cantons notamment se sont montrés favorables aux propositions formulées; de l'autre, des professionnels, des vétérinaires et des associations cynologiques ont nettement rejeté l'idée de mesures se fondant sur la race. Finalement, le Conseil fédéral s'est prononcé contre une interdiction des pitbulls et une autorisation obligatoire pour certaines races. Cette décision avait également été prise eu égard à la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons (cf. ch. 2.6.2).

2.1.3

La loi sur la protection des animaux

Le Parlement a adopté la nouvelle loi sur la protection des animaux (LPA5) le 16 décembre 2005, laquelle est entrée en vigueur le 1er septembre 2008, en même temps que son ordonnance d'application (OPAn6). L'un et l'autre textes établissent la dignité de l'animal et visent à faire en sorte qu'il soit mieux respecté et mieux perçu comme un être sensible. La LPA contient également des dispositions sur la détention d'animaux; celles-ci, comme par exemple les art. 6, al. 3 et 10 LPA, peuvent servir à protéger l'homme contre les animaux dangereux. Le Conseil fédéral peut en effet fixer les exigences auxquelles doivent satisfaire la formation et la formation continue des détenteurs d'animaux et des personnes qui éduquent des animaux (art. 6, al. 3) et édicter des dispositions sur l'élevage et la production d'animaux (art. 10, al. 2). Il peut également interdire l'élevage, la production et la détention d'animaux présentant des caractéristiques particulières, notamment des anomalies dans leur anatomie et dans leur comportement (art. 10, al. 2 in fine).

L'art. 10 de la nouvelle LPA a été introduit dans la loi sur la protection des animaux en 2003 déjà, en tant qu'art. 7a et 7c, dans le cadre du paquet Gen-lex; ces articles sont cependant entrés en vigueur en 2006 seulement. Si cette réglementation vise en premier lieu à interdire les modes d'élevage cruels, elle peut également servir de 4

5 6

American Staffordshire terrier, bull terrier, chien de cour italien, doberman, dogue argentin, Fila Brasileiro, mastiff, mâtin espagnol, mâtin napolitain, dogue des canaries, rottweiler, Staffordshire bull terrier et tosa.

Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur la protection des animaux (LPA; RS 455).

Ordonnance du 23 avril 2008 sur la protection des animaux (OPAn; RS 455.1).

3106

base à des dispositions relatives à l'élevage de chiens. A l'époque, on a pensé pouvoir s'en servir également pour une interdiction de certaines races. Deux semaines après le drame d'Oberglatt, les Commissions de la science, de l'éducation et de la culture des deux Chambres ont exigé, dans des motions déposées les 13 et 14 décembre 2005 (05.3790 et 05.3812), une entrée en vigueur immédiate de ces dispositions. Elles ont également chargé le Conseil fédéral d'inscrire les mesures nécessaires dans l'ordonnance correspondante, en «interdisant par exemple les chiens susceptibles de représenter un danger considérable pour l'homme». Le 15 mars 2006, le Conseil national a adopté la motion de la CSEC-N par 128 voix contre 43; le Conseil des Etats a quant à lui adopté la motion de la CSEC-E le 16 mars 2006, par 38 voix contre 4. Le 12 avril 2006, le Conseil fédéral a fixé l'entrée en vigueur des art. 7a et 7c LPA au 2 mai 2006; il a également mis en vigueur de manière anticipée l'art. 6, al. 3 de la nouvelle LPA7.

2.1.4

L'ordonnance sur la protection des animaux

Se fondant sur les bases légales mentionnées ci-dessus, le Conseil fédéral a mis en vigueur au 2 mai 2006 une modification de l'OPAn8. Celle-ci vise principalement à prévenir les accidents par morsure de chien. L'élevage et la détention doivent viser à obtenir des chiens au caractère équilibré, pouvant être socialisés et peu agressifs envers les êtres humains et les animaux (actuel art. 28, al. 2, OPAn). Quiconque détient un chien doit prendre les mesures préventives nécessaires pour que le chien ne mette pas en danger des êtres humains et des animaux (actuel art. 77 OPAn). Une obligation a été introduite pour les vétérinaires, les médecins, les organes des douanes et les éducateurs canins d'annoncer les cas où un chien a gravement blessé des êtres humains ou des animaux, ou présente des signes d'un comportement agressif excessif (actuel art. 78 OPAn). Les cantons sont compétents pour ordonner les mesures nécessaires en cas d'agressivité excessive (actuel art. 79, al. 1, OPAn).

Depuis le 1er septembre 2008, les détenteurs de chiens doivent faire face à des obligations supplémentaires, notamment en matière de formation: désormais, les futurs propriétaires doivent suivre un cours théorique où ils sont sensibilisés aux besoins de l'animal (temps à lui consacrer, coûts induits, etc.). De plus, le chien et son maître doivent effectuer un cours pratique portant sur différentes situations du quotidien, et ce dans un délai d'une année après l'achat. Les nouvelles dispositions interdisent en outre l'élevage d'animaux présentant un comportement différent du comportement propre à l'espèce: il s'agit notamment d'exclure de l'élevage tout chien dont le comportement s'écarte de la norme (par ex. agressivité ou anxiété; art. 28, al. 3). Ce paragraphe vise particulièrement les chiens à agressivité hypertrophique. On entend par agressivité hypertrophique une propension incontrôlable et exagérée à l'attaque, facilement provocable, et ne répondant à aucune nécessité biologique.

7

8

Ordonnance sur la mise en vigueur anticipée de l'art. 6, al. 3, de la loi du 16 décembre 2005 sur la protection des animaux (RO 2006 1423) et ordonnance sur la mise en vigueur des dispositions issues de la modification du 21 mars 2003 de la loi sur la protection des animaux (RO 2006 1425).

Ordonnance sur la protection des animaux. Modification du 12 avril 2006, RO 2006 1427.

3107

2.1.5

La loi sur les épizooties

L'identification et l'enregistrement des chiens sont réglés par la loi sur les épizooties9. Dans sa teneur du 30 juin 2003, l'art. 30 prescrit que les chiens doivent être identifiés et enregistrés dans une banque de données. C'est sur cette base que le Conseil fédéral a modifié l'ordonnance sur les épizooties les 23 juin 2004 et 12 avril 200610. Les points centraux de ces modifications sont l'identification des chiens par puce électronique, la création d'une pièce d'identité et l'enregistrement de tous les chiens dans des banques de données, avec indication de la race ou du type de race.

Une nouvelle modification de la loi sur les épizooties11, entrée en vigueur le 1er juillet 2008, doit permettre de consigner ces renseignements dans une banque de données centralisée, qui contiendra également des données sur les chiens présentant des troubles du comportement et sur les interdictions de détention d'animaux.

2.2

Les interventions parlementaires

Après l'accident tragique d'Oberglatt en décembre 2005 et le dépôt des deux motions de la CSEC-N et de la CSEC-E sur l'entrée en vigueur des art. 7a et 7c de la loi sur la protection des animaux (05.3790 et 05.3812), mises en vigueur par le Conseil fédéral le 12 avril 2006, d'autres interventions parlementaires ont été déposées.

Dans sa motion «Dispositions légales efficaces en matière de détention de chiens» (05.3751) du 6 décembre 2005, le conseiller national Heiner Studer a demandé au Conseil fédéral de proposer au Parlement des dispositions légales efficaces visant à instaurer un examen pour les détenteurs de chiens, édicter des dispositions règlementaires pour l'usage de la muselière et de la laisse et accorder au Conseil fédéral la compétence d'interdire certaines races de chiens. Dans son avis du 24 mai 2006, le Conseil fédéral a proposé le rejet du texte, soulignant une nouvelle fois qu'il appartient aux cantons de prendre des mesures pour protéger la population contre les chiens dangereux et qu'il ne souhaitait pas modifier cette répartition des compétences. La motion a été classée le 6 décembre 2007, son auteur ayant quitté le Parlement.

Le 15 mars 2006, le groupe de l'Union démocratique du centre a déposé une motion intitulée «Responsabiliser les propriétaires de chiens» (06.3049); cette motion demandait au Conseil fédéral de prendre les mesures qui s'imposaient afin de protéger l'homme contre les chiens dangereux, tout en veillant à la constitutionnalité de ces mesures et à responsabiliser les détenteurs. Les auteurs de cette motion pensaient pouvoir la mettre en oeuvre par le biais de la responsabilité civile principalement. Le groupe radical-libéral a également demandé une responsabilisation accrue des détenteurs de chiens, notamment au moyen d'une assurance responsabilité civile obligatoire, dans sa motion «Chiens dangereux. La meilleure protection est la responsabilité» du 16 mars 2006 (06.3062). Le Conseil fédéral s'est rallié aux arguments de ces 9 10 11

Loi du 1er juillet 1966 sur les épizooties (LFE; RS 916.40). Modification du 20 juin 2003, RO 2003 4237.

Ordonnance du 27 juin 1995 sur les épizooties (OFE; RS 916.401). Modifications du 23 juin 2004 (RO 2004 3065) et du 12 avril 2006 (RO 2006 1428).

Message concernant l'évolution future de la politique agricole (Politique agricole 2011); FF 2006 6027; RO 2008 2269.

3108

deux motions. Le Conseil national les a adoptées le 23 juin 2006, le Conseil des Etats, les 21 et 28 septembre 2006. Le 14 décembre 2007, le Conseil fédéral a chargé le DFJP de compléter le droit des obligations par des dispositions renforçant la responsabilité civile des détenteurs de chiens.

Dans sa motion du 11 mai 2006 intitulée «Les chiens ne sont pas des marchandises» (06.3221), la conseillère nationale Barbara Marty Kaelin a chargé le Conseil fédéral de soumettre à autorisation l'importation de chiens et d'interdire leur commerce.

Dans l'intérêt de la sécurité publique et des détenteurs de chiens responsables, seuls les éleveurs et les refuges pour animaux reconnus seraient libérés de cette interdiction. Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion, estimant que soumettre l'importation de chiens à autorisation irait à l'encontre des négociations en cours avec l'Union européenne (UE) et ne permettrait ni de contrôler les élevages et les conditions de détention des chiens à l'étranger ni d'empêcher le commerce illégal. Il souligne que, depuis des années, l'Office vétérinaire fédéral, la Protection suisse des animaux et la Société cynologique suisse cherchent à informer les personnes intéressées à acheter un chien sur la manière de bien choisir l'élevage. Pour le Conseil fédéral, l'information et la formation des détenteurs de chiens de même que l'amélioration des contrôles visant à prévenir le commerce de chiens contraire aux règles de la protection des animaux sont plus efficaces que des régimes d'interdiction ou d'autorisation. La motion, dont le délai de traitement a été prolongé, a été reprise par la conseillère nationale Pascale Bruderer; elle n'a pas encore été traitée au Conseil national.

En 2000 déjà, le Conseil national s'était penché sur deux interventions déposées à la suite de morsures mortelles en Suisse et en Allemagne. Dans sa motion «Détention de chiens de combat» (00.3018), le conseiller national Heiner Studer demandait d'interdire la détention de chiens de combat; dans son initiative parlementaire «Révision de la loi sur les armes» (00.402), le conseiller national Paul Günter demandait pour sa part d'intégrer dans cette loi des dispositions relatives à la détention de chiens de combat. Aucune de ces interventions n'a reçu l'aval du Conseil national.

2.3

La situation dans les cantons

En 2000, un groupe de travail de l'Office vétérinaire fédéral a émis des recommandations relatives à la teneur des législations cantonales sur les chiens dangereux. Il existe toutefois encore de grandes divergences entre les différentes lois cantonales.

A cela s'ajoutent des différences formelles: certains cantons ne possèdent encore aucune législation en la matière, car le domaine des chiens y relève de la compétence de la police ou des communes (par ex. UR, GL, ZG). Les autres cantons ont des lois spéciales relatives aux chiens, qui réglementent en général les domaines suivants: la taxe sur les chiens, l'identification et l'enregistrement ainsi que d'autres dispositions relatives aux épizooties et à la protection des animaux, la procédure en matière de chiens trouvés et souvent l'obligation générale de garder la maîtrise de son chien. L'obligation de tenir les chiens en laisse ­ et, dans une moindre mesure, celle de les museler ­ sont communes à toutes les règles récentes, même si leur mise en oeuvre diffère: elle est limitée parfois à certains types de races, parfois à des espaces définis. La formation des détenteurs et de leur chien, la conclusion d'une

3109

assurance responsabilité civile et la marche à suivre en cas d'accident par morsure sont également réglementées.

Dans l'attente d'une solution fédérale, certains cantons ont reporté l'adoption de dispositions légales pour la protection de l'homme. Il semble toutefois que la nécessité d'agir dans ce domaine soit avérée, sachant que, depuis 2005, un grand nombre de cantons (AI, BS, FR, GE, GR, LU, SO, TG, VD, VS et ZH) ont procédé à la révision de leurs textes législatifs et réglementaires applicables aux chiens et que, dans d'autres cantons, des travaux législatifs en ce sens sont en cours (AG, JU et SH) ou en préparation (TI).

Actuellement, dix législations cantonales prévoient la possibilité d'établir une liste de races de chiens potentiellement dangereux (AG, BL, BS, FR, GE, SO, TG, TI, VD, VS), mais pour l'instant, seuls sept cantons se sont dotés d'une telle liste (BL, FR, GE, SO, TG, VD, VS). Y sont mentionnées entre trois (VD) et quinze (GE) races; la plupart du temps, leur portée s'étend également aux croisements avec ces chiens et même aux chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques.

Presque toutes les listes définissent des chiens potentiellement dangereux, dont la détention est soumise à autorisation. Celle-ci est délivrée en fonction des caractéristiques et des aptitudes du chien et de celles du maître (ce dernier doit notamment jouir d'une réputation irréprochable, attester de connaissances cynologiques suffisantes, être âgé d'au moins 18 ans et n'avoir aucun antécédent judiciaire portant sur des délits laissant apparaître problématique la détention d'un chien potentiellement dangereux). La plupart du temps, un chien n'est classé comme dangereux qu'après avoir effectivement attaqué un animal ou un être humain. Les douze races inscrites sur la liste du canton du VS (pitbull terrier, American Staffordshire terrier, Staffordshire bull terrier, bull terrier, doberman, dogue argentin, Fila Brasileiro, rottweiler, mastiff, mâtin espagnol, mâtin napolitain et tosa) sont interdites. Le canton de FR a, quant à lui, interdit un type de chiens (pitbull). Les chiens concernés ne peuvent séjourner que provisoirement dans ces cantons; quant aux animaux existants, ils sont soumis à des directives portant notamment sur leur stérilisation. Suite à la votation populaire du 30 novembre
2008, le canton de Zurich interdira lui aussi prochainement les chiens de combat: la réglementation ad hoc (liste de races comprise) devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2010.

Il est difficile de définir la tendance qui se dessine en matière de législation sur les chiens: tandis que le canton d'AG a délibérément renoncé à introduire une liste de races lors de la révision totale de sa base légale correspondante et que BS a décidé d'abroger sa liste de 2001 dans sa nouvelle réglementation de 2006/2007, les citoyens du canton de ZH se sont récemment exprimés en faveur d'une nouvelle législation comprenant une liste de races, dont certaines seront interdites. Il semblerait malgré tout qu'il y ait une volonté manifeste d'uniformiser la législation, peutêtre justement à cause de la multiplicité des législations cantonales: en effet, il existe plusieurs projets d'harmonisation intercantonale, comme par exemple celui des cantons de AI, AR, SG, GL et SH, ou celui des cantons primitifs (UR, SZ, NW, OW; orientation sur la législation de NW). Enfin, TG, qui avait modifié sa loi sur les chiens au 1er janvier 2008, envisage de l'adapter une nouvelle fois afin de l'harmoniser avec celles de deux de ses voisins (ZH et SH), lesquels sont justement en train d'adapter les leurs. En revanche, BE et LU attendent une solution à l'échelon fédéral, laquelle est clairement plébiscitée par plusieurs cantons (parmi lesquels AG, BS, VS), même si certains se sont déjà dotés de leur propre loi.

3110

2.4

La situation en Europe

Au sein de l'UE, ce sont les Etats membres qui décident des mesures qu'ils souhaitent prendre pour prévenir les accidents par morsure de chien.

L'Allemagne interdit l'importation des pitbull terriers, des American Staffordshire terriers, des Staffordshire bull terriers et des bull terriers ainsi que des animaux issus de croisements avec ces chiens12. Les länder ont le droit de se doter de réglementations plus sévères: c'est ainsi que, dès 2000, presque tous ont établi des listes de races de chiens dont l'agressivité est attribuée à des facteurs génétiques. Les listes existantes comportent entre 3 et 18 races définies comme dangereuses, dont les individus peuvent être notamment soumis aux mesures suivantes: obligation d'être tenus en laisse, obligation d'être muselés, obligation d'enregistrement (puce électronique), obligation pour les maîtres de conclure une assurance responsabilité civile, détention soumise à autorisation, obligation de stérilisation, obligation de détention dans un enclos sûr, obligation pour les détenteurs de passer un examen et interdiction de détenir certaines races. A noter cependant que la plupart des länder prévoient la levée de certaines mesures si l'animal réussit un test de caractère.

Actuellement, il faut toutefois observer une certaine tendance à l'abandon des listes de races: si les tests de caractère ne concernaient en 2000 quasiment que les chiens mentionnés sur ces listes, leur pratique se limite désormais souvent aux chiens ­ toutes races confondues ­ dont le comportement pose effectivement problème. On a remarqué que ces derniers sont sensiblement plus nombreux à échouer à ces tests que les chiens mentionnés sur les listes. En 2003, le land de Basse-Saxe a donc abrogé la liste qu'il avait introduite en 2000: il a fondé sa décision sur les résultats présentés dans plusieurs thèses réalisées à la Haute école vétérinaire («Tierärztliche Hochschule») de Hanovre, selon lesquels les résultats des tests de caractère sont sensiblement équivalents chez les chiens des races inscrites sur les listes et chez les autres13. Dès lors, en vertu de la loi de Basse-Saxe sur la détention de chiens14, seuls les chiens dont le comportement représente un danger potentiel doivent passer un test de caractère approfondi. En outre, la détention de tels animaux est interdite aux personnes
délinquantes, frappées d'incapacité juridique, dépendantes (alcool et stupéfiants), trop faibles physiquement pour être à même de maîtriser leur animal, ou atteintes d'une maladie psychique ou mentale. D'autres länder (par ex. Berlin, Mecklembourg-Poméranie occidentale) ont réduit le nombre de races inscrites sur leurs listes, suite à une décision de la Cour constitutionnelle fédérale15 selon laquelle 12 13

14

15

Hundeverbringungs- und -einfuhrbeschränkungsgesetz (HundVerbrEinfG) vom 12. April 2001 (BGBl. I S. 530).

Divers travaux, parmi lesquels: (a) Angela Mittmann 2002, «Untersuchung des Verhaltens von fünf Hunderassen und einem Hundetypus im Wesenstest nach den Richtlinien der Niedersächsischen Gefahrtierverordnung vom 05.07.2000»; (b) Andrea Böttjer 2003, «Untersuchung des Verhaltens von fünf Hunderassen und einem Hundetypus im innerartlichen Kontakt des Wesenstestes nach den Richtlinien der Niedersächsischen GefahrtierVerordnung vom 05.07.2000»; (c) Tina Johann 2004, «Untersuchung des Verhaltens von Golden Retrievern im Vergleich zu den als gefährlich eingestuften Hunden im Wesenstest nach der Niedersächsischen Gefahrtierverordnung vom 05.07.2000»; (d) Jennifer Hirschfeld 2005, «Untersuchung einer Bullterrier-Zuchtlinie auf Hypertrophie des Aggressionsverhaltens».

Niedersächsisches Gesetz über das Halten von Hunden (NHundG) vom 12. Dezember 2002. (Nds.GVBl. Nr.1/2003 S.2), geändert am 30.10.2003 (Nds.GVBl.

Nr.25/2003 S. 367).

BVerfG, 1 BvR 1778/01 vom 16.3.2004, Absatz-Nr. 1­123.

3111

le législateur doit examiner si les évaluations de la dangerosité liée à la race se confirment.

En Autriche, s'il n'existe pas de dispositions à l'échelon national, divers Etats fédéraux (Bundesländer) se sont dotés de réglementations spécifiques, contenues la plupart du temps dans les dispositions en matière de politique de sécurité ou dans une loi sur la détention d'animaux. C'est ainsi que le land de Vienne a introduit l'obligation de tenir les chiens en laisse dans les parcs publics et, dans les autres lieux publics, soit de les tenir en laisse, soit de les museler, étant entendu que la muselière est en tous les cas obligatoire dans les lieux fortement fréquentés (restaurants, transports en commun ou bâtiments d'affaires) ainsi que lors de manifestations. De plus, les chiens ayant déjà mordu des êtres humains ou d'autres animaux doivent impérativement être muselés. Il ressort de ce qui précède que les décisions ne se prennent pas sur la base d'une liste de races, mais sur la base de faits.

L'Italie interdit en général l'élevage et le dressage visant à stimuler l'agressivité. Il y existe une liste, définie par voie d'ordonnance, comprenant les chiens de race pitbull, berger et rottweiler. Il est cependant prévu de remplacer cette liste à la fin 2009 par une nouvelle réglementation visant à renforcer la responsabilité des détenteurs de chiens en matière de dressage et de comportement de leur animal. La laisse, et parfois la muselière, sont généralement obligatoires dans les endroits publics. Les personnes de moins de 18 ans ou ayant des antécédents judiciaires ne peuvent pas posséder de chiens inscrits sur la liste précitée. Le service vétérinaire répertorie les chiens dangereux dans une banque de données.

La France fait une distinction entre chiens dangereux de première catégorie («chiens d'attaque»: chiens non inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre de l'agriculture et de la pêche, de types Staffordshire terrier, American Staffordshire terrier, mastiff et tosa) et de deuxième catégorie («chiens de garde et de défense»: chiens de première catégorie inscrits à un livre généalogique reconnu, rottweiler et chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race rottweiler). Tous ces chiens doivent être déclarés et vaccinés contre la rage, et leur maître
doit conclure une assurance responsabilité civile. Des dispositions supplémentaires s'appliquent aux chiens de première catégorie: interdiction d'importation et de transit, stérilisation obligatoire, interdiction d'accès aux transports en commun, aux lieux publics et aux locaux ouverts au public (les chiens de deuxième catégorie ne peuvent y circuler que muselés et tenus en laisse). Ne peuvent détenir ces chiens les personnes de moins de 18 ans, les personnes majeures sous tutelle, les personnes ayant été condamnées pour crime ou violence ainsi que les personnes auxquelles la garde d'un chien a été retirée. En outre, depuis juin 2008, les chiens des deux catégories doivent subir une évaluation comportementale auprès d'un vétérinaire désigné officiellement16.

La Principauté du Liechtenstein a adopté par vote populaire, fin 2006, une modification de la loi sur les chiens17 prévoyant des mesures pour prévenir la mise en danger de l'homme. Tous les chiens sont soumis à des règles concernant l'élevage, la détention et la socialisation; quant à leurs détenteurs, ils ont l'obligation de conclure une assurance responsabilité civile. Les chiens doivent être tenus en laisse dans les parcs, près des établissements scolaires, sur les places de jeux, sur les terrains de sport, sur 16 17

Loi no 2008-582 du 20 juin 2008 renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux, art. 17.

Gesetz vom 15. April 1992 über das Halten von Hunden (Hundegesetz HG).

3112

les routes à grande circulation, sur les chemins, sur les places, dans les zones piétonnes, sur les pistes cyclables, sur les chemins forestiers, dans les zones protégées, ainsi que sur les pistes de ski et de ski de fond. En outre, certains lieux leur sont interdits. A noter que les communes ont la compétence de prendre des dispositions plus sévères. Les races et types de chiens potentiellement dangereux font l'objet d'une liste (actuellement 13 races ­ parmi lesquelles les American Staffordshire terriers, les bull terriers, les dobermans, les mastiffs, les rottweilers et les Staffordshire bull terriers ­ auxquelles s'ajoutent les chiens de type pitbull ainsi que les croisements avec de tels chiens) annexée à une ordonnance18. La détention de ces chiens, qui doivent provenir d'un élevage reconnu, est soumise à autorisation, qui ne peut être délivrée qu'à des personnes qui ont l'exercice des droits civils, qui jouissent d'une bonne réputation et qui ont suivi une formation ad hoc. En outre, les chiens ont l'obligation d'être tenus en laisse et de porter une muselière, sauf s'ils réussissent un examen de sociabilité.

2.5

La problématique

2.5.1

Les résultats de la consultation (1er projet, loi fédérale sur la protection des animaux)

En avril 2008, la sous-commission dans sa nouvelle composition a pris acte des résultats de la consultation relative au projet de la CSEC-N (adaptations de la loi sur la protection des animaux d'une part et de la Constitution d'autre part). Comme il a été souligné au ch. 1.1, les avis recueillis ont été très divers. Seule la proposition de régler la question des chiens dangereux à l'échelon fédéral a été largement approuvée. Par contre, les principes de catégorisation des chiens selon leur dangerosité et d'interdiction de certaines races ont été largement rejetés. Les mesures visant à améliorer la protection contre les chiens dangereux ont fait l'objet de prises de position divergentes, qui peuvent s'expliquer par les situations différentes vécues par les personnes concernées, ainsi que par une connaissance plus ou moins grande de l'espèce canine. Aussi la commission a-t-elle décidé de remanier son projet en tenant davantage compte des arguments des participants à la consultation ainsi que des résultats des expériences réalisées par les professionnels et par les cantons. Elle a pris le parti de ne pas ancrer dans la loi l'interdiction de certaines races, de manière à éviter toute inégalité de traitement entre détenteurs de chiens ainsi qu'à concilier les impératifs de protection des animaux et de protection de la population. Le présent projet constitue donc une solution équilibrée qui ménage autant que possible les intérêts parfois contradictoires des détenteurs de chiens, des milieux de la protection des animaux, des associations cynologiques et de la population.

2.5.2

Des régimes cantonaux très différents

Si la plupart des cantons ­ 23 exactement ­ se sont déjà dotés d'une loi sur les chiens ou de règles visant la prévention des blessures causées par les chiens, les mesures prononcées et les dispositions prévues varient tant sur le fond que sur la 18

Verordnung vom 19. Dezember 2006 über das Halten von Hunden (Hundeverordnung HV).

3113

forme (cf. ch. 2.3). De plus, les innombrables règlements communaux empêchent toute vue d'ensemble. Une large majorité des avis rendus dans le cadre de la consultation sur le premier projet de la CSEC-N, lequel prévoyait d'introduire de nouvelles dispositions dans la loi sur la protection des animaux, plébiscitait clairement une réglementation à l'échelon fédéral: la présente version tient compte de ces attentes, tout en permettant aux cantons qui le souhaitent de prendre des dispositions plus sévères.

2.5.3

Les attentes de la population

Le chien est l'animal de compagnie le plus courant en Suisse après le chat. Même s'il est très apprécié, la population réclame depuis quelques années une réglementation claire de sa détention. Elle est particulièrement préoccupée par les chiens élevés en fonction de leur aptitude au combat, qui confèrent à leur détenteur un statut dans certains milieux. Après l'accident mortel d'Oberglatt en décembre 2005, 180 000 personnes ont signé une pétition lancée par le «Blick», qui exigeait une interdiction immédiate des pitbulls en Suisse. Il ne fait aucun doute que de nombreuses personnes ont peur des chiens agressifs et souhaitent des mesures de protection appropriées contre ces animaux. La population prend de plus en plus conscience que si l'animal doit être protégé contre l'homme, celui-ci doit parfois aussi être protégé contre l'animal pour qu'une cohabitation soit possible.

2.5.4

Les accidents par morsure et leur statistique selon le type de chien

Depuis le 2 mai 2006, les médecins sont tenus d'annoncer les accidents par morsure de chien auxquels ils sont confrontés, que ce soit dans leur cabinet ou à l'hôpital.

Cette obligation a permis d'établir pour la première fois une statistique de ces accidents en fonction du type de chien et, partant, de comparer les données liées à l'identification obligatoire des chiens en Suisse avec celles des accidents par morsure. Il ressort des résultats 2007 publiés fin août 2008 par l'OVF que plus de 99 % des chiens n'ont posé aucun problème, mais que 4291 accidents (2678 morsures chez l'homme et 1613 morsures chez l'animal) sont à déplorer. Au total, plus de 200 différents types de chiens étaient impliqués dans ces accidents; les types les plus courants ont également causé la majeure partie des lésions corporelles.

Autre constatation, les principales victimes de morsures sont les enfants; comparativement, ils s'exposent à des blessures plus graves que les adultes. Chez les moins de 10 ans, les lésions sont localisées à la tête ou à la gorge dans la moitié des cas. A noter que le quart des accidents subis par les enfants ont été causés par des petits chiens.

Si les résultats de la statistique sont de prime abord limpides, beaucoup de questions restent cependant en suspens. L'interprétation fiable des données recueillies passe par des comparaisons pertinentes, lesquelles ne sont possibles que si les relevés sont effectués sur plusieurs années.

D'après la statistique, un tiers des accidents se sont produits dans le cadre familial.

Les experts estiment toutefois que le chiffre réel est deux fois plus élevé, étant donné que les morsures légères survenant dans l'entourage proche font rarement l'objet 3114

d'une consultation médicale. Eu égard à cette réalité, les membres de la commission se sont interrogés sur la pertinence des données concernées.

La statistique reste en outre muette sur la gravité des blessures, de même que sur les causes ou le déroulement des accidents; elle ne permet notamment pas de dire si l'agressivité du chien est due à des facteurs intrinsèques ou, du moins en partie, au comportement humain. Enfin, les informations concernant le type de chien ne sont pas forcément fiables, car elles proviennent la plupart du temps de la victime ellemême.

Les membres de la commission ont pris acte de la statistique avec une certaine circonspection, tout en admettant que les données, qui permettent d'évaluer la dangerosité potentielle des chiens, peuvent se révéler très précieuses pour les travaux en cours: en fonction de celles-ci, un train de mesures visant à améliorer la sécurité du public pourra être développé. Cette statistique conforte la CSEC-N dans sa volonté d'instaurer des mesures raisonnables et adaptées en faveur du dressage et de la socialisation des chiens.

2.5.5

Un renforcement de la responsabilité civile des détenteurs

Lors de la discussion portant sur les mesures contre les chiens dangereux, des voix se sont élevées pour demander notamment que soit accrue la responsabilité civile des détenteurs; l'objectif visé était, d'une part, d'améliorer la protection de la population et, d'autre part, de renforcer le sens des risques et des responsabilités des maîtres. Aussi le Conseil fédéral a-t-il chargé le DFJP, en date du 12 avril 2006, d'étudier la possibilité d'obliger les détenteurs de chiens à conclure une assurance responsabilité civile. Le 17 janvier 2007, après avoir pris connaissance du résultat des travaux, il a confié le soin au DFJP de préparer une révision partielle du droit des obligations. Les propositions ainsi élaborées ont été mises en consultation le 15 juin 2007. Le 14 décembre 2007, le Conseil fédéral a pris acte des avis formulés et a décidé de renforcer la responsabilité civile de tous les détenteurs de chiens ainsi que de les obliger à s'assurer. Il estime que c'est le seul moyen de garantir que les victimes de morsures soient indemnisées, indépendamment de la situation financière du détenteur. Il souligne en outre que 10 cantons ont déjà introduit une telle obligation ou sont sur le point de le faire. Le DFJP a été chargé de préparer un message en ce sens. Le présent projet prévoit lui aussi l'obligation de s'assurer et le renforcement de la responsabilité civile des détenteurs (cf. ch. 2.6.1.7).

2.6

Le dispositif prévu au niveau fédéral

2.6.1

Une loi sur les chiens qui se veut exhaustive

Il est primordial que tout maître s'occupe correctement de son chien et qu'il assume les responsabilités qui lui incombent. C'est pourquoi il est soumis à des prescriptions et des règlements qui portent sur presque toutes les situations de la vie courante et qui s'appliquent dès l'achat de l'animal et jusqu'à sa mort ­ parfois même au-delà.

3115

Actuellement, la plupart des cantons se sont dotés, chacun de leur côté, de règles visant à prévenir les morsures et autres dangers causés par les chiens, voire pour certains d'une loi spécifique sur les chiens (cf. ch. 2.3). Généralement, ces textes portent, d'une part, sur la détention, l'enregistrement, l'identification et la taxe sur les chiens et, d'autre part, sur la protection des animaux et la protection contre les épizooties; il est à noter cependant que les dispositions varient d'un canton à l'autre.

Le présent projet vise à créer une loi sur les chiens de portée nationale qui soit adaptée aux besoins de l'espèce et qui ne discrimine aucune race. Il s'agit surtout de mettre en place une réglementation claire et approfondie à même de renforcer la responsabilité des détenteurs et, partant, de garantir une cohabitation sûre de l'homme et du chien. Les principales dispositions du projet sont expliquées plus en détail aux chapitres suivants.

2.6.1.1

Formation et formation continue

Partant du principe que les problèmes de comportement sont souvent dûs à un dressage insuffisant ou inadapté, la CSEC-N a choisi d'axer la nouvelle loi autour de la responsabilité des détenteurs d'une part et de la socialisation et du dressage des chiens d'autre part. L'art. 6, al. 3, de la nouvelle loi fédérale sur la protection des animaux règle de manière globale la formation des détenteurs d'animaux; il sert de fondement à l'ordonnance révisée sur la protection des animaux, qui prévoit expressément l'obligation pour les chiens et leur détenteurs de suivre une formation. Les dispositions concernant les cours de socialisation (y compris les exigences auxquelles les moniteurs doivent satisfaire) devraient également être ancrées dans le projet de loi sur les chiens.

2.6.1.2

Pas d'interdiction de certaines races

Au vu des résultats de la consultation, de l'état des connaissances scientifiques et des expériences des professionnels, la commission a renoncé à inscrire dans la législation l'interdiction de la détention de races de chiens dangereuses ou potentiellement dangereuses, ainsi que la possibilité de dresser une liste de races. Les principaux arguments sont les suivants: ­

Dans notre pays, la majorité des détenteurs de chiens respectent les dispositions légales; les animaux détenus dans des conditions adaptées ne représentent qu'un danger mineur.

­

En Suisse, seule une infime proportion des chiens sont de race pure. En outre, plusieurs groupes de professionnels estiment que l'on ne peut pas dire qu'un chien est dangereux uniquement du fait de son appartenance à une race donnée. Aussi les interdictions fondées sur des listes s'avéreraient-elles discutables.

­

A priori, il n'est pas de chien qui, quelle que soit sa race, ne puisse réagir de façon hostile ­ voire agressive ­ au contact de l'homme ou d'un autre animal. L'influence du vécu du chiot durant ses premiers mois revêt ici une importance décisive. Les chiens ayant des troubles du comportement, qu'ils appartiennent ou non à une race considérée comme dangereuse, ont souvent

3116

été élevés et dressés dans le but de les rendre agressifs. En outre, il est notoire qu'il suffit d'interdire telle race de chiens pour que des individus peu scrupuleux ou irresponsables se rabattent sur une autre.

­

Interdire les chiens de combat ne ferait que donner à la population une fausse impression de sécurité.

­

Certains länder allemands (cf. ch. 2.4) ont décidé de revenir sur le système des listes, au vu de différentes études scientifiques et de leurs propres expériences.

Pour ces raisons, la CSEC-N plaide pour davantage de responsabilité individuelle et moins d'interdits.

2.6.1.3

Obligation de tenir les chiens en laisse

Pour que chien et homme puissent vivre ensemble paisiblement, les mesures proposées doivent rester proportionnées. Il faut aussi garder à l'esprit que le chien a besoin de mouvement et d'espace. On a donc renoncé à imposer la laisse de manière systématique à tous les chiens, ou à inscrire dans la loi l'obligation de la muselière pour les chiens potentiellement dangereux, pareilles mesures étant en contradiction avec les principes qui fondent la protection des animaux. Le projet de la CSEC-N mentionne expressément les lieux où les chiens ont l'obligation d'être tenus en laisse, à savoir, principalement, des lieux, des locaux et des bâtiments accessibles au public.

2.6.1.4

Examen du chien

Tout chien peut faire preuve d'un comportement agressif exagéré ou même blesser des êtres humains et d'autres animaux. Ces troubles du comportement, pour autant qu'ils ne relèvent pas de facteurs génétiques, peuvent être corrigés dans une large mesure. Il est alors essentiel que le détenteur assume ses responsabilités et prenne les dispositions qui s'imposent (test de caractère, formation, thérapie, etc.). Il importe toutefois que les autorités cantonales compétentes aient également la possibilité d'intervenir le cas échéant et, partant, de soumettre à un examen les chiens dangereux (auteurs de morsures graves) ou exagérément agressifs. En outre, en fonction du résultat de l'examen, elles doivent pouvoir ordonner des mesures plus sévères.

2.6.1.5

Chiens utilisés à des fins particulières

Le chien est très capable d'apprendre: s'il a suivi un dressage ciblé, il est en mesure d'exécuter efficacement un ordre même lorsque les conditions ne sont pas idéales (environnement perturbateur, par exemple). C'est ainsi que les chiens d'intervention se voient confier de nombreuses missions. Les animaux concernés ne doivent pas seulement acquérir des savoir-faire pratiques, mais également faire preuve d'un bon comportement social pour pouvoir être utilisés pour le travail de défense; toutes ces compétences doivent leur être inculquées dans le cadre d'une formation spécifique.

Le présent projet, s'il interdit le dressage au mordant, définit toutefois un certain nombre de domaines où la formation au travail de défense peut être autorisée.

3117

2.6.1.6

Enregistrement et élevage

L'art. 30 de la loi du 23 juillet 2002 sur les épizooties (LFE) prévoit que tous les chiens doivent être identifiés et enregistrés dans une banque de données. Conçue au départ uniquement pour les tâches de police des épizooties, cette obligation a été adaptée. D'après le message du Conseil fédéral, la modification de la LFE19 devrait permettre «d'enregistrer les chiens dont le comportement a attiré l'attention et de prendre, en fonction des événements qui se sont produits, des mesures appropriées (par ex. éducation complémentaire du chien, mesures de sécurité, euthanasie)».

La CSEC-N estime que soumettre tous les élevages à un enregistrement et un contrôle obligatoires serait trop compliqué et disproportionné, d'autant qu'une grande partie des éleveurs respectent les dispositions déterminantes. En outre, les services cantonaux compétents peuvent en tout temps procéder à des contrôles en cas d'irrégularités et prendre les mesures qui s'imposent. L'art. 9 du présent projet complète les prescriptions de la LFE en matière d'enregistrement en permettant au Conseil fédéral d'exiger que les chiens de certains types de races ne soient sélectionnés en élevage que dans des élevages enregistrés par le canton.

2.6.1.7

Responsabilité civile et assurance

En 2006, les Chambres avaient adopté deux motions demandant un renforcement de la responsabilité civile des détenteurs de chiens dangereux (cf. ch. 2.2). Après avoir étudié la question, le Conseil fédéral a chargé le DFJP en date du 17 janvier 2007 de préparer une révision partielle du droit des obligations. La proposition ainsi élaborée a été mise en consultation le 15 juin 2007. Le 14 décembre 2007, le Conseil fédéral a pris acte des avis formulés et a décidé de renforcer la responsabilité civile de tous les détenteurs de chiens ainsi que de les obliger à s'assurer. La préparation d'un message en ce sens est en cours au sein du DFJP. Le présent projet de la CSEC-N prévoit lui aussi que le détenteur d'un chien doit répondre des dommages causés par son animal: les personnes lésées seraient ainsi mieux protégées, puisqu'elles n'auraient qu'à apporter la preuve du dommage subi pour pouvoir demander réparation. Cette disposition exige des détenteurs qu'ils fassent preuve d'une vigilance accrue. Là encore, la commission a renoncé à toute distinction entre chiens dangereux et chiens moins dangereux, étant donné que ces derniers peuvent aussi, dans certaines situations, devenir agressifs et mordre (voir ci-dessus).

Plusieurs cantons ont d'ores et déjà instauré l'obligation pour les détenteurs de chiens de s'assurer. Cependant, le renforcement de la responsabilité civile des maîtres ne suffit pas à lui seul à garantir l'indemnisation des victimes de chiens dont les maîtres ne sont pas en mesure, pour quelque raison que ce soit, de répondre du dommage causé. Aussi le présent projet prévoit-il en outre que les détenteurs de chiens sont tenus de conclure une assurance ad hoc. Là encore, l'obligation s'applique à tous les chiens, indépendamment de leur dangerosité. Il est à noter que plus de 90 pour cent des propriétaires de chiens sont d'ores et déjà couverts par une telle assurance.

19

FF 2002 4640

3118

2.6.2

Nécessité d'une nouvelle base constitutionnelle

La Constitution actuelle n'est pas une base suffisante pour une réglementation fédérale globale visant à protéger l'homme contre les chiens dangereux. L'Office fédéral de la justice était arrivé à cette conclusion dès septembre 2000, dans un avis20 rendu avant la discussion de la motion Heiner Studer «Détention de chiens de combat» (00.3018, cf. ch. 2.3) au Conseil national. Cependant, le Conseil fédéral n'a relevé cette réalité ni lors des débats du Conseil national du 20 septembre 2000, ni lors de l'examen des motions des deux CSEC sur l'entrée en vigueur des art. 7a et 7c de la loi sur la protection des animaux (05.3790 et 05.3812).

Par ailleurs, la sous-commission «chiens dangereux» a demandé en automne 2006, dans le cadre de ses travaux, un deuxième avis21 qui a confirmé l'intégralité des conclusions susmentionnées de l'Office fédéral de la justice: dans leur teneur actuelle, ni l'art. 80 (protection des animaux) ni l'art. 118 (protection de la santé) de la Constitution fédérale ne peuvent fonder une législation visant à protéger l'homme contre les animaux. Selon l'art. 80, c'est la Confédération qui légifère en matière de protection des animaux. Certes, des mesures de protection des animaux peuvent servir, indirectement, à la protection de l'homme. L'art. 80 de la Constitution ne peut cependant pas être interprété en ce sens qu'il donne compétence à la Confédération pour adopter des dispositions visant à protéger directement l'homme contre les animaux. Par ailleurs, selon l'art. 118, al. 2, let. a Cst., la Confédération légifère sur l'utilisation des organismes et des objets qui peuvent présenter un danger pour la santé. Or, les chiens ne sont pas des objets. Selon les conclusions de l'Office fédéral de la justice, il serait pour le moins inhabituel de se servir de la notion d'organisme pour fonder des dispositions législatives visant à protéger l'homme contre les chiens dangereux. Si l'on en croit le deuxième avis demandé par la sous-commission, un tel procédé serait même contraire à la Constitution.

Les deux expertises considèrent par ailleurs que les art. 57 (sécurité), 74 (protection de l'environnement), 82, al. 1 (circulation routière), 88, al. 1 (chemins et sentiers pédestres), 95, al. 1 (activité économique lucrative privée) et 107, al. 1 (armes) de la Constitution n'entrent pas en
ligne de compte pour fonder une compétence de la Confédération, ou s'y prêtent de manière très limitée.

Il est donc indispensable de modifier la Constitution pour asseoir sur une base solide les dispositions de protection de l'homme contenues dans le présent projet. Aussi la CSEC-N soumet-elle à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté visant à modifier l'art. 80 Cst. de sorte que la Confédération ait la compétence de légiférer sur la protection de l'être humain contre les lésions corporelles provoquées par des animaux gardés par l'être humain.

20

21

Chiens de combat; bases juridiques d'une éventuelle réglementation, avis de l'Office fédéral de la justice du 5 septembre 2000 (Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération, JAAC 65/I p. 30 ss; existe uniquement en allemand).

Markus Müller/Reto Feller: compétences législatives de la Confédération en matière de protection de l'homme contre les animaux dangereux (en particulier les chiens); expertise destinée à la sous-commission «chiens dangereux» de la Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil national, Berne, 16 novembre 2006 (existe uniquement en allemand).

3119

2.6.3

Pas d'impôt fédéral sur les chiens

Selon le droit actuel, la perception d'un impôt sur les chiens est du ressort des cantons. Il s'agit d'un impôt spécial, qualifié d'impôt mixte et qui frappe la détention d'un bien. Un impôt est une contribution publique servant à financer les dépenses découlant de l'accomplissement des tâches publiques. La Confédération ne peut pas percevoir d'impôt sans que la Constitution lui en donne expressément la compétence. Le présent projet met l'accent sur la protection de l'homme contre les chiens dangereux et ne prévoit donc aucune disposition permettant à la Confédération de prélever un tel impôt. L'ordre actuel, qui confère aux cantons ou aux communes toute liberté de légiférer en la matière, n'est pas changé.

Toutefois, cette omission ne signifie pas qu'il serait impossible à la Confédération de prélever quelque contribution que ce soit sur les chiens. En effet, la Confédération peut se passer de base constitutionnelle pour instaurer une taxe d'orientation; il suffit qu'elle dispose d'une compétence législative dans le domaine concerné. La taxe d'orientation ­ également une contribution publique ­ ne sert pas au premier chef à financer une tâche de l'Etat mais vise à influer sur le comportement des particuliers. La taxe liée à un comportement déterminé de personnes auquel le législateur voudrait parer est fonction d'un objectif quantifiable et doit être fixée de telle manière que ce comportement soit financièrement désavantageux. Le nouvel al. 2bis proposé à l'art. 80 Cst. lui donne une compétence globale de légiférer pour protéger l'être humain contre les lésions corporelles provoquées par des animaux. Il l'habilite en même temps à instaurer une taxe d'orientation. A l'heure actuelle, toutefois, la Confédération ne fera pas usage de cette possibilité et les cantons conserveront le choix de percevoir des contributions sur la garde des chiens; ils ont d'ores et déjà la possibilité d'instaurer une taxe d'orientation en sus de l'impôt sur les chiens.

3

Commentaire des différentes dispositions

Remarques générales En modifiant l'art. 80 Cst., la Confédération reçoit la compétence de légiférer non seulement dans le domaine de la protection des animaux mais aussi dans celui de la protection de l'homme, puisque ces deux objectifs, protection des animaux et protection de l'être humain, sont étroitement liés. Les chiens agressifs, par exemple, constituent souvent un danger pour l'homme et pour les animaux, tandis que la sélection de chiens en vue d'obtenir des animaux agressifs constitue une activité anormale contraire à la protection des animaux et interdite par l'art. 10 de la LPA.

Mais les objectifs peuvent aussi être diamétralement opposés: l'obligation de tenir les chiens en laisse, par exemple, est dans une certaine mesure contraire à l'obligation de leur accorder des possibilités de se mouvoir librement indispensables au bien-être de l'animal22. Etendre l'obligation du port de la muselière, c'est empêcher l'expression d'un comportement propre à l'espèce et restreindre fortement les possibilités d'expression du chien et cela pose la question de l'atteinte à la dignité de l'animal. De plus, si on intégrait les dispositions protégeant l'homme contre les chiens dans la loi sur la protection des animaux, dispositions qui représentent près 22

Art. 6, al. 1, LPA

3120

d'un tiers des articles de cette loi, on accorderait une importance excessive à la protection des êtres humains contre les chiens dans une loi censée protéger en premier lieu les animaux.

Compte tenu de tous ces points, il nous paraît plus judicieux d'inscrire la protection de la population contre les chiens dangereux ou présentant un comportant frappant dans une loi distincte.

Art. 1

But

Le but de la présente loi est de réglementer la manière de détenir et de traiter les chiens pour que leur détention soit compatible avec la vie en société. La détention d'un chien est compatible avec la vie en société lorsqu'elle ne restreint pas les droits des personnes. La liberté individuelle, notamment le droit à l'intégrité physique, est au premier plan. Mais il faut protéger aussi l'intégrité psychique des individus. Un chien en liberté peut inciter des personnes à changer de trottoir ou à choisir un tout autre chemin. En revanche personne n'a de raisons de craindre un chien tenu en laisse ou portant une muselière. Les mesures doivent cependant être proportionnées.

Il serait disproportionné d'exiger par exemple qu'une personne qui a la phobie des chiens ne rencontre pas de chien.

Il convient cependant de respecter également d'autres intérêts publics, notamment la protection des animaux. On a en tenu compte tout particulièrement en prévoyant la réserve énoncée à l'al. 2.

Art. 2

Mesures pour éviter les blessures

[Art. 21b]

La nouvelle loi sur la protection des animaux, adoptée le 16 décembre 2005 (LPA) contient les principes à respecter pour un élevage responsable. L'élevage doit avoir pour but d'obtenir des animaux ne présentant pas des dommages liés à l'élevage ou qui peuvent se transmettre aux descendants23. Ces principes sont complétés à l'al. 1 du présent projet avec la disposition qui prescrit que les chiens issus de l'élevage ne doivent pas représenter un danger pour l'homme et les animaux. Les chiens sélectionnés pour leur agressivité représentent un danger dans tous les cas et élever de tels chiens constitue un délit. Par cette disposition, on oblige indirectement les éleveurs à veiller également assez tôt à la socialisation et à l'éducation de leurs chiens, car l'imprégnation des chiens à l'âge de chiot est d'une importance capitale pour le comportement futur du chien en société.

On impose également des obligations supplémentaires aux détenteurs de chiens. Les législations cantonales contiennent des dispositions identiques formulées sous la forme de règles générales de comportement. Ces obligations sont complétées par l'ajout, à l'al. 3, de l'interdiction explicite de laisser errer des chiens sans surveillance dans les espaces publics. Par espaces publics, on entend tous les espaces qui n'appartiennent pas à des privés, à savoir les rues, les places, les gares, les lacs, etc.

La présence d'un chien errant sans surveillance dans un espace public peut compliquer l'utilisation de l'espace public par d'autres personnes.

23

Art. 10 LPA

3121

Art. 3

Obligation de tenir les chiens en laisse

[Art. 21c]

Les chiens errants peuvent non seulement représenter un danger accru, ils peuvent aussi faire peur à bien des personnes, même s'ils ne présentent pas un comportement agressif. L'obligation de tenir les chiens en laisse dans les espaces publics a été cependant rejetée lors de la procédure de consultation relative au premier projet de loi élaboré par la CSEC-N, la majorité des milieux consultés la considérant contraire à la protection des animaux et disproportionnée, mais elle est exigée dans les lieux suivants: écoles, terrains de jeux ou de sport et dans les lieux très fréquentés.

Qui enfreint cette disposition commet une infraction au sens de l'art. 15.

Art. 4

Obligation d'annoncer

[Art. 21d]

L'obligation d'annoncer faite aux vétérinaires, aux médecins, aux organes des douanes, aux pensions et refuges pour animaux et aux éducateurs canins est déjà partie intégrante de l'ordonnance sur la protection des animaux24. Il est prévu à présent de l'inscrire dans la loi. On oblige également les autorités cantonales à annoncer les accidents par morsure de chien. Le but visé par cette obligation d'annoncer est d'informer les autorités compétentes des graves accidents par morsure canine et de la présence de chiens présentant un comportement d'agression excessif, afin qu'elles puissent prendre, le cas échéant, les mesures qui s'imposent. Un accident par morsure de chien est grave lorsqu'il nécessite un traitement médical.

Les signes d'un comportement d'agression supérieur à la norme peuvent être des mimiques de menace (le chien gronde, montre les dents, hérisse le poil de sa nuque), le fait de se tenir à distance en territoire neutre ou de feindre des attaques, mais aussi des comportements similaires du chien en présence de son maître sans que ce dernier ne parvienne à calmer son animal.

La violation du devoir d'annoncer est punissable en vertu de l'art. 15.

Art. 5

Examen du chien

[Art. 21e]

Lorsqu'elles reçoivent une annonce visée à l'art. 4, les autorités cantonales doivent ordonner un examen du chien. Un examen de l'animal est aussi exigé lorsqu'il existe des indices permettant de conclure qu'un détenteur de chien n'a pas le contrôle de son animal. L'examen du chien comporte deux volets: la vérification des conditions de détention de l'animal effectuée par l'autorité cantonale compétente et l'examen du comportement du chien en présence de son détenteur. Cet examen du chien doit être effectué par une personne qualifiée (spécialiste du comportement).

Art. 6

Mesures

Certaines des mesures proposées constituent une atteinte grave aux libertés fondamentales des détenteurs de chien (garantie de la propriété principalement) et doivent par conséquent figurer au niveau d'une loi. Par ailleurs, inscrire une liste des mesures administratives possibles dans une loi vise à favoriser une application uniforme de la législation et répond à une demande formulée par divers milieux lors de la procédure de consultation relative au premier projet de loi élaboré par la CSEC-N.

24

Art. 78 OPAn

3122

La mesure consistant à obliger le détenteur du chien à suivre des cours est indépendante de l'obligation de suivre un cours prévue par la législation sur la protection des animaux: il s'agit de cours différents qui vont bien au-delà du minimum exigé par le droit sur la protection des animaux. Le placement du chien dans un refuge peut servir à l'observation de l'animal avant de prendre des mesures plus incisives.

L'interdiction de détenir l'animal peut être ordonnée sur la base des résultats de l'examen du chien et elle est applicable sur tout le territoire suisse. On complète ainsi l'art. 23 LPA, qui dispose qu'une interdiction de détenir un animal peut être prononcée en cas de violation répétée de la législation sur la protection des animaux ou d'incapacité objective à détenir un animal.

Les chiens concernés par une de ces mesures administratives ne peuvent être confiés par leur détenteur qu'à une personne qui est en mesure d'avoir le contrôle du chien.

La mesure de sécurité décrite à l'al. 2 revêt une importance particulière dans les cas où il faut placer des chiens dangereux dans un nouveau lieu de détention pour une durée limitée ou confier la sortie de ces chiens à des jeunes gens.

Art. 6a

Contrôle de l'élevage d'origine du chien

Cette disposition a été ajoutée après la consultation sur le premier projet d'acte de la CSEC-N. L'autorité cantonale compétente est ainsi tenue de contrôler non plus seulement le chien et son détenteur, mais aussi l'élevage d'où provient le chien concerné si elle soupçonne des irrégularités. De tels soupçons existent lorsque plusieurs chiens issus d'un même élevage ont dû subir un examen, mais d'autres cas de figure peuvent également justifier un contrôle.

Art. 7

Formation et formation continue

[Art. 21l]

Les dispositions actuelles en matière de formation des détenteurs de chiens sont complétées par des dispositions exigeant que les cours portent également sur la socialisation des chiens. La statistique des accidents par morsure de chien démontre que de tels cours sont très importants, car de nombreuses morsures de chien sont imputables à des erreurs de comportement du détenteur ou des personnes de son entourage.

Ces cours peuvent être donnés par des organisations cynologiques ou par des particuliers. Mais une réglementation officielle des exigences de formation des formateurs s'impose. La loi ne prévoit cependant pas de régime d'autorisation pour les personnes qui donnent de tels cours. C'est la raison pour laquelle ces personnes ne reçoivent pas d'autorisation au sens propre du terme. Il manque également, dans ce segment professionnel, des centres de formation remplissant les exigences de la loi sur la formation professionnelle25. Par conséquent, les exigences de formation que doivent remplir les formateurs de détenteurs de chiens ont été fixées à l'art. 203 de l'OPAn et la reconnaissance des formations à l'art. 199 OPAn. L'ordonnance sur les formations à la détention d'animaux et à la manière de les traiter26 détaille les exigences que ces formations doivent remplir.

25 26

Loi fédérale du 13 décembre 2002 sur la formation professionnelle (loi sur la formation professionnelle; RS 412.10).

Ordonnance du DFE du 5 septembre 2008 sur les formations à la détention d'animaux et à la manière de les traiter (RS 455.109.1).

3123

Art. 8

Chiens utilisés à des fins particulières

[Art. 21i]

L'utilisation de chiens pour le travail de défense, la protection de troupeaux, l'accompagnement d'aveugles ou à des fins thérapeutiques est soumise à des conditions cadres particulières régissant la formation, la détention et la manière de les traiter en fonction de l'utilisation prévue des chiens et des risques.

L'art. 69 OPAn fait une distinction entre chiens utilitaires, chiens de compagnie et chiens de laboratoire en fonction des tâches ou de l'utilisation qui est faite des chiens. Les utilisations possibles des chiens utilitaires sont mentionnées de manière exhaustive. Les chiens qui n'appartiennent pas à la catégorie des chiens utilitaires ni à celle des chiens de laboratoire sont considérés comme des chiens de compagnie.

L'OPAn prévoit des exceptions pour l'éducation et la formation des chiens de protection de troupeaux et des chiens d'intervention ainsi que pour les chiens entraînés au travail de défense pour des compétitions sportives. L'art. 16 de l'ordonnance sur les épizooties (OFE)27 prescrit que ces chiens doivent être identifiés comme tels dans la banque de données centrale sur les chiens (ANIS). Cette disposition vise à protéger l'homme et les animaux contre ces chiens qui peuvent être dangereux s'ils sont utilisés de manière erronée ou abusive.

Il est prévu à présent d'intégrer également les chiens des sociétés de sécurité privées dans la catégorie des chiens d'intervention (une modification dans ce sens de l'art. 69 OPAn est en préparation). Par chiens d'intervention, on entend, dans ce cas, uniquement les chiens des entreprises de sécurité autorisées par les cantons. Il existe des cantons qui n'ont prévu qu'une obligation d'enregistrement des entreprises de sécurité privées, d'autres n'ont pas encore légiférer en la matière. Les entreprises de sécurité privées qui ont leur siège dans un de ces cantons ne peuvent donc pas être titulaires de l'autorisation visée à l'al. 2, let. b. On est prêt à accepter que ces entreprises n'utilisent pas des chiens d'intervention pour leurs activités. Si elles veulent néanmoins utiliser des chiens, elles doivent se rabattre sur des chiens de compagnie qui n'ont pas été formés au travail de défense.

Dans le présent projet de loi sur les chiens, la formation des chiens de sport au travail de défense n'est pas autorisée et cela est une contradiction
avec l'ordonnance sur la protection des animaux en vigueur. Si la loi sur les chiens est adoptée en la forme actuelle, il faudra adapter en conséquence l'ordonnance sur la protection des aniamux. Selon le droit en vigueur, la formation des chiens de sport au travail de défense ne peut être donnée que par des organisations agréées par l'OVF conformément à l'art. 74 OPAn, afin de garantir que les chiens reçoivent une formation adéquate. La révision de l'art. 74 OPAn a été lancée pour réglementer également de façon analogue la formation des chiens des entreprises de sécurité privées au travail de défense.

Art. 9

Enregistrement des élevages

[Art. 21j]

L'obligation générale d'élever les chiens de façon à ce qu'ils ne représentent pas un danger pour l'homme et les animaux est inscrite à l'art. 2, al. 1. Le Conseil fédéral peut fixer, en outre, dans une ordonnance, que les types de chiens ayant un potentiel de dangerosité élevé ne peuvent être élevés que dans des élevages enregistrés. La procédure d'enregistrement devrait également être réglée dans une ordonnance. Un 27

Ordonnance du 27 juin 1995 sur les épizooties (OFE; RS 916.401).

3124

élevage ne doit pas être préalablement agréé pour être enregistrés. Cette règle vaut également pour les élevages à but non commercial qui élèvent des chiens appartenant à ces races. On empêche ainsi que des chiens soient élevés dans des arrièrecours pour qu'ils deviennent agressifs. La détention et l'élevage commerciaux d'animaux de compagnie sont soumis aujourd'hui déjà à un contrôle renforcé28.

Art. 10

Responsabilité

La responsabilité du détenteur de chien prend dorénavant la forme d'une responsabilité objective aggravée (responsabilité causale aggravée). Dans ce cas, la responsabilité est engagée dès le moment où le chien a causé un dommage. Par conséquent, le détenteur du chien répond du dommage causé par son animal même s'il apporte la preuve qu'il a surveillé ou gardé son chien avec diligence (contrairement à la responsabilité du détenteur d'animaux prévue à l'art. 56 CO). La notion de détenteur est celle de l'art. 56 CO.

Le droit suisse connaît déjà la responsabilité objective aggravée pour les sources de danger suivantes: les installations électriques29, les installations de transport par conduites30, les centrales nucléaires31, les chemins de fer32, les véhicules à moteur33, les avions34, les explosifs35, les entreprises ou installations dangereuses pour l'environnement36, les organismes génétiquement modifiés37 ou pathogènes38 et la chasse39.

Le durcissement de la responsabilité du détenteur de chien vise à protéger les victimes, lesquelles doivent uniquement prouver que le dommage a été causé par le chien pour pouvoir exiger une indemnisation. Ce durcissement de la responsabilité a aussi pour but de sensibiliser les détenteurs de chien aux risques inhérents à la détention de leur animal et de les inciter à la prudence dans toutes les activités avec leurs chiens.

La réglementation de la responsabilité proposée dans ce projet vaut pour tous les chiens. On renonce ainsi à la difficile distinction entre chiens dangereux et chiens peu dangereux et on tient compte du fait que même un chien peu dangereux peut devenir agressif dans certaines situations.

28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39

Art. 101 OPAn.

LF du 24 juin 1902 concernant les installations électriques à faible et à fort courant (LIE; RS 734.0).

Loi fédérale du 4 octobre 1963 sur les installations de transport par conduites de combustibles ou carburants liquides ou gazeux (LITC; RS 746.1).

Loi fédérale du 18 mars 1983 sur la responsabilité civile en matière nucléaire (LRCN; RS 732.44).

Loi fédérale du 28 mars 1905 sur la responsabilité civile des entreprises de chemins de fer et de bateaux à vapeur et de La Poste Suisse (LRespC; RS 221.112.742).

Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR; RS 741.01).

Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation (LA; RS 748.0).

Loi fédérale du 25 mars 1977 sur les substances explosibles (Loi sur les explosifs; RS 941.41).

Loi fédérale du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01).

Loi fédérale du 21 mars 2003 sur l'application du génie génétique au domaine non humain (Loi sur le génie génétique, LGG; RS 814.91).

LPE (art. 59abis).

Loi fédérale du 20 juin 1986 sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (LChP; RS 922.0).

3125

Art. 11

Assurance

C'est le souci de ne pas laisser la victime sans indemnisation qui explique le caractère obligatoire de l'assurance. Un simple durcissement de la responsabilité est inutile pour la victime si un détenteur du chien disposant d'un modeste revenu ou d'une petite fortune n'est pas en mesure de réparer le dommage causé. C'est pour cette raison qu'en Suisse la responsabilité objective aggravée a été régulièrement assortie d'une obligation de conclure une assurance responsabilité civile. On peut citer pour mémoire la loi sur la circulation routière (LCR) (art. 58 ss. [responsabilité civile]; art. 63 ss. [assurance obligatoire]).

Il convient de signaler que certains cantonaux exigent déjà des détenteurs de chien qu'ils contractent une assurance responsabilité civile. C'est le cas des cantons d'Appenzell-Rhodes intérieures40, Bâle-Ville41, Bâle-Campagne42, Fribourg43, Genève44, Schwyz45, Thurgovie46 et Valais47. Les cantons du Tessin et de Zurich examinent l'opportunité de prévoir une assurance obligatoire.

L'obligation de contracter une assurance s'applique à tous les types de chiens, et pas seulement aux chiens dangereux. Cela facilitera le travail des compagnies d'assurance qui s'inspireront du modèle actuel de l'assurance responsabilité civile privée et ne devront pas développer un produit nouveau ni adapter les contrats en cours. Plus de 90 % des détenteurs de chiens disposent aujourd'hui déjà d'une assurance correspondant à celle exigée dans le présent projet.

Le Conseil fédéral fixe les montants minimaux de la couverture d'assurance. Il peut fixer soit une somme unique soit des montants différents selon la dangerosité des chiens. Il peut en outre adapter ces montants en cas de modification des circonstances. Cette délégation de compétence est prévue dans presque toutes les lois fédérales contenant une obligation d'assurance (cf. p. ex. art. 64 LCR). Le Conseil fédéral définit aussi les risques qui peuvent être exclus de l'assurance, comme par exemple les risques dont la couverture ne seraient justifiés par aucun intérêt public, notamment les dommages matériels subis par le détenteur du chien ou les membres de sa famille. Ces dommages matériels sont aussi exclus de l'assurance dans les autres lois fédérales provoyant une assurance obligatoire. (cf. p. ex. art. 63, al. 3 LCR).

Art. 12

Exceptions à l'obligation de contracter une assurance

Il existe deux exceptions à l'obligation de conclure une assurance: d'une part la Confédération, les cantons et les communes ne sont pas tenus de s'assurer. On retrouve une disposition analogue à l'art. 73 LCR. D'autre part, l'autorité peut, dans des circonstances particulières et à titre exceptionnel, dispenser un détenteur de chien de l'obligation de contracter une assurance. Tel serait le cas si une compagnie 40 41 42 43 44 45 46 47

Hundegesetz vom 24. April 2005, Gesetzessammlung 560.100, Art. 17.

Gesetz betreffend das Halten von Hunden vom 14. Dezember 2006, 365.100, § 2.

Gesetz über das Halten von Hunden vom 22. Juni 1995, Fassung vom 21. Juni 2007, SGS 342, § 2.

Loi du 2 novembre 2006 sur la détention des chiens, 725.3, Art. 39.

Loi du 1er octobre 2003 sur les conditions d'élevage, d'éducation et de détention de chiens (modification du 17.06.2007), M 3 45, art. 7.

Gesetz über das Halten von Hunden vom 23. Juni 1983, 546.100, § 1.

Gesetz über das Halten von Hunden vom 5. Dezember 1983, Fassung vom 12. September 2007, 641.2, § 1a.

Loi du 14 novembre 1984 d'application de la loi fédérale sur la protection des animaux, Bulletin officiel 455.1, Art. 10a.

3126

d'assurance refusait de conclure un contrat d'assurance avec un détenteur de chien qui aurait commis une fraude à l'assurance par le passé. Dans ce cas également, le détenteur de chien ne serait pas totalement dispensé de l'obligation de s'assurer.

L'autorité peut exiger une autre forme de garantie dans l'hypothèse où la responsabilité du détenteur serait engagée (dépôt d'une caution p. ex.).

Art. 13

[Droit cantonal]

On accorde aux cantons la compétence d'édicter une réglementation plus stricte.

Suite à la consultation sur le premier projet de loi élaboré par la CSEC-N, de nombreux cantons ont élaboré des projets de loi qui contiennent des listes de races de chiens. Ces listes distinguent au moins deux catégories de chiens: les chiens «normaux» et les chiens «potentiellement dangereux». Dans le canton de Zurich, le peuple a accepté, le 30 novembre 2008, le projet de loi qui interdit certaines races.

Dans d'autres cantons (FR48, GE49, VS50), des listes de races de chiens figurent déjà dans la loi cantonale. Ces réglementations cantonales et des législations cantonales plus strictes resteront possibles.

Art. 14

Sélection en élevage, importation et détention de chiens dangereux [Art. 26a et 28]

Cet article rend punissable l'élevage de chiens sélectionnés pour leur agressivité et leur dressage au mordant sans autorisation. Par élevage de chiens en vue d'obtenir des individus agressifs on entend la sélection ciblée de chiens présentant un comportement agressif accru à des fins de croisement. Le dressage de chiens au mordant est strictement interdit. Les exceptions mentionnées à l'art. 8, al. 2 sont exhaustives. La formation de ces chiens doit être effectuée par l'armée, la police ou des organisations agréées par l'OVF conformément à l'art. 74, al. 2, OPAn. Ces chiens doivent être enregistrés comme tels dans la banque de données ANIS en application de l'art. 16 OFE. Tout dressage de chien effectué en dehors des organisations susmentionnées est interdit.

Est également punissable et dans la même mesure toute personne qui importe ou détient intentionnellement de tels chiens. Les infractions sont classées dans la catégorie des délits au sens de l'art. 10 du Code pénal51. Si l'infraction est commise intentionnellement, la peine encourue est une peine privative de liberté jusqu'à 3 ans ou une peine pécuniaire. Par rapport à l'art. 15, cet article est à considérer comme une lex specialis et il primer par conséquent sur l'art. 15.

L'auteur est également punissable s'il a agi par négligence (al. 2). Qui acquiert un chien en Suisse ou à l'étranger sur un parking auprès d'un marchand douteux doit s'attendre à ce qu'un tel chien ait été élevé pour son agressivité ou qu'il a été dressé au mordant sans autorisation. Un détenteur de chien enfreint aussi ses obligations s'il choisit et commande un chien sur Internet dont il ne peut vérifier l'origine.

48 49 50 51

Art. 20 Loi sur la détention des chiens.

Loi sur les conditions d'élevage, d'éducation et de détention de chiens, M 3 45, Art. 2A.

Loi d'application de la loi fédérale sur la protection des animaux, art. 24b.

Code pénal (CP; RS 311.0).

3127

Art. 15

Autres infractions

[Art. 26a et 28]

Le non-respect de l'obligation de tenir son chien en laisse, l'accès non autorisé à certains lieux, le non-respect de l'obligation d'annoncer ou de conclure une assurance sont considérés comme des infractions et sont punis d'une amende jusqu'à 10 000 francs. Est également punissable celui qui enfreint une disposition d'ordonnance basée sur la loi sur les chiens. Il est ainsi donné la possibilité au Conseil fédéral de définir des infractions supplémentaires. Est aussi considéré comme une infraction le non-respect d'une décision fondée sur la présente loi.

Si l'infraction cause un dommage physique ou met en danger la santé ou la vie d'une personne, les dispositions du Code pénal sur les atteintes à la vie et à l'intégrité corporelle s'appliquent en plus des dispositions pénales prévues dans la loi sur les chiens.

Art. 16

Poursuite pénale

La poursuite et le jugement des infractions sont du ressort des cantons.

Art. 17

Tâches de la Confédération et des cantons

Le Conseil fédéral peut édicter des dispositions d'exécution et habiliter l'OVF à émettre des directives de caractère technique dans une ordonnance de l'office.

L'exécution de la loi est déléguée comme d'habitude aux cantons.

Art. 18

[Référendum et entrée en vigueur]

4

Conséquences

4.1

Conséquences financières et effets sur les effectifs du personnel

L'exécution de la loi incombe aux cantons. Le vétérinaire cantonal assisté le cas échéant d'autres spécialistes l'applique. Selon une première estimation, les offices vétérinaires cantonaux devraient créer environ une vingtaine de postes supplémentaires pour la procédure d'autorisation et l'examen des chiens.

Pour la Confédération, le présent projet de loi n'a aucune incidence financières ni aucun effet sur les effectifs du personnel. Elle peut élaborer les dispositions d'exécution avec les ressources existantes.

4.2

Autres conséquences

La loi sur les chiens proposée fournit des critères uniformes sur tout le territoire national pour protéger l'homme contre les morsures de chiens et des mesures efficaces pour agir en présence de chiens dangereux ou potentiellement dangereux. Les cantons peuvent adopter des réglementations plus strictes.

3128

5

Relation avec le droit européen

La Communauté européenne (CE) n'a pas édicté de dispositions sur la détention des chiens. Se fondant sur le principe de subsidiarité et compte tenu des dispositions relatives à l'interdiction des restrictions quantitatives (art. 28 et 30 du traité CE52), les Etats membres peuvent prendre, à l'échelon national, les mesures qui s'imposent en matière de protection de la santé et de la vie humaine et animale. C'est ainsi que certains d'entre eux se sont dotés de prescriptions applicables à la détention de chiens (obligation de les tenir en laisse et de les museler, restrictions concernant l'importation de races déterminées, etc.).

L'importation non commerciale de certains animaux de compagnie (notamment les chiens, les chats et les furets) ainsi que leur transport entre les Etats membres sont soumis aux dispositions du règlement (CE) no 998/2003 du Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003 concernant les conditions de police sanitaire applicables aux mouvements non commerciaux d'animaux de compagnie, en modifiant la directive 92/65/CEE du Conseil53. A noter toutefois que les dispositions sur l'identification et l'enregistrement des chiens visent uniquement les épizooties. Selon l'art. 2, al. 3 du règlement (CE) no 998/2003, les dispositions concernant les races de chiens ne sont pas affectées par ce règlement.

L'annexe vétérinaire à l'Accord bilatéral relatif aux échanges de produits agricoles conclu entre la Suisse et l'UE54, qui permet de faciliter le commerce des animaux vivants et des produits animaux, prévoit à l'art. 2, ch. 1, et à l'art. 4, ch. 1, que les législations en matière de lutte contre les maladies animales ainsi qu'en matière d'importation des animaux vivants doivent satisfaire au principe d'équivalence.

Comme le présent projet porte sur un domaine sur lequel la CE n'a pas légiféré, il ne peut y avoir violation de ce principe.

6

Constitutionnalité

Le présent projet de loi suppose que soit préalablement modifiée la Constitution (cf. ch. 2.6.2). Aussi est-il assorti de la proposition concernée, visant à compléter l'art. 80 Cst. par un al. 2bis.

52 53

54

Traité instituant la Communauté européenne tel que modifié par le traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997, JO C 340 du 10.11.1997.

JO L 146 du 13 juin 2003, p. 1, modifié en dernier lieu par le règlement (CE) no 1144/2008 de la Commission du 18 novembre 2008, JO L 308 du 19 novembre 2008, p. 15.

Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux échanges de produits agricoles (avec annexes et acte final), annexe 11; RS 0.916.026.81.

3129

3130