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FEUILLE FÉDÉRALE 92 année Berne, le 11 décembre 1940 Volume I e

Paraît une fois par semaine. Prix: 20 francs par an; 10 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnements ou de remboursement.

Avis: 50 Centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des hoirs K.-J.-Wyss, société anonyme, à Berne.

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi sur le statut des voyageurs de commerce.

(Du 6 décembre 1940.)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre un projet de loi sur le statut des voyageurs de commerce, accompagné du message suivant: A. GENÈSE DE LA LOI Depuis la guerre mondiale de 1914, un certain encombrement se manifeste dans la profession de voyageurs de commerce. Ce fait a été le point de départ des efforts qui ont été accomplis en vue de l'élaboration d'une législation particulière en faveur de cette catégorie de travailleurs. Rappelons que la loi fédérale du 24 juin 1892 concernant les taxes de patente des voyageurs de commerce obéissait presque exclusivement à des considérations d'ordre fiscal et tâchait de concilier les besoins des finances cantonales avec les intérêts économiques généraux et notamment avec ceux des voyageurs de commerce. Si la revision de cette loi devint par la suite urgente, c'est que dans la période qui succéda à la guerre des éléments douteux s'introduisirent dans la profession en un nombre tel que la clientèle ne tarda pas à en être de plus en plus importunée et à se sentir menacée d'un véritable danger. Le législateur de 1892 n'avait guère songé à protéger le public contre cette catégorie de voyageurs de commerce. Ce fut la raison de la revision de la loi. En 1920, le Conseil national adoptait un postulat Ming, ainsi conçu: Le Conseil fédéral est invité à examiner et à faire rapport sur les questions suivantes : 1. La recherche par les voyageurs de commandes auprès des particuliers . . . ne constitue-t-elle pas un danger social, économique et moral ?

Feuille fédérale. 92e année. Vol. I.

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1342 2. N'est-il pas possible à l'Etat de remédier à cet abus dans le cadre de l'article 31 de la constitution fédérale ?

C'est à la suite de ce postulat que la revision totale de la loi sur les taxes de patente fut entreprise et que la loi fédérale du 4 octobre 1930 sur les voyageurs de commerce vit le jour. Malgré son titre, la loi de 1930 est une réglementation de simple police du commerce, qui, dans l'intérêt public, subordonne l'exercice de l'activité de voyageur à l'obtention d'une carte de légitimation officielle, gratuite pour les voyageurs en gros, payante pour les voyageurs au détail. La nouvelle loi marque sur l'ancienne un progrès qui réside principalement dans les faits suivants: Elle distingue avec précision les voyageurs qui sont exonérés de la taxe de ceux qui y sont soumis. Elle interdit en principe aux voyageurs au détail travaillant pour le compte de maisons établies à l'étranger de rechercher des commandes auprès de la clientèle suisse; enfin, elle soumet la remise de cartes aux voyageurs au détail dont l'activité s'exerce au profit de maisons suisses à des conditions qui sont de nature à éloigner de la profession les éléments douteux, en quoi elle protège mieux les consommateurs (voir le message du Conseil fédéral concernant la loi sur les voyageurs de commerce, FF 1929, I, 60, 63, 75).

Déjà à l'occasion de la revision de la loi sur les taxes de patente, les associations intéressées demandèrent que ses prescriptions de police du commerce fussent complétées par une réglementation du salaire et des frais de voyage. L'union des associations suisses d'employés proposa l'introduction d'une disposition aux termes de laquelle l'employeur aurait été tenu de fournir à son voyageur, avant la délivrance de la carte de patente, une garantie pour les dépenses occasionnées par son activité et de lui assurer un minimum de salaire. Le Conseil fédéral refusa de tenir compte de cette proposition dans son projet de loi, considérant qu'une disposition de protection sociale du genre de celle qui était demandée n'avait pas place dans une loi qui tend avant tout à une certaine protection du public consommateur (FF 1929,1, 70). A l'instigation de l'union des associations suisses d'employés et de ses sous-groupements, en particulier la société suisse des commerçants et l'association suisse des
voyageurs de commerce « Hermès », les porte-parole des employés au Conseil national présentèrent une proposition tendant à ce que la question des frais de voyage fût au moins réglée par la nouvelle législation sur les voyageurs de commerce. Le Conseil national donna suite à cette proposition en adoptant un article ibis, dont la teneur était la suivante: Les voyageurs à la commission ne voyageant que pour une seule maison peuvent exiger de celle-ci un dédommagement pour les frais de voyage, de nourriture et de logement, pour autant que la commission ne suffirait pas à couvrir les frais.

1343 De son côté, la société suisse des voyageurs de commerce, organisme paritaire qui groupe aussi bien des patrons que des voyageurs-employés, objecta à la décision du Conseil national que la question des frais n'était pas la seule à exiger une réglementation et que les circonstances exigeaient une législation complète sur les rapports entre employeurs et voyageurs.

L'association en question remit alors au département de l'économie publique un projet de loi réglant les rapports de droit privé des voyageurs de commerce. Le Conseil des Etats se prononça en faveur de la législation proposée par la société des voyageurs de commerce; il refusa d'adopter l'article 46i
Au vu du mandat donné au Conseil fédéral par les chambres, le département de l'économie publique prépara l'établissement du contrat-type.

Un projet fut présenté par une conférence paritaire des associations intéressées; avec quelques modifications et compléments, il fut approuvé et consacré dans 1'« arrêté du Conseil fédéral établissant un contrat-type de travail pour les voyageurs de commerce », qui entra en vigueur le 1er octobre 1931. Aux termes de son article premier, le contrat-type est applicable aux rapports qui, fondés sur un contrat de travail, s'établissent entre les chefs d'entreprises privées inscrites ou tenues de se faire inscrire dans le registre du commerce et les voyageurs engagés pour le placement de leurs produits ou marchandises. Il règle les conditions de l'engagement à l'essai, les obligations et la rétribution du voyageur (traitement fixe, commission, frais de voyage,
avances). En conformité de l'article 324 du code des obligations, le contrat-type est réputé exprimer la volonté des parties en tant qu'il n'existe pas de convention contraire faite par écrit, sous réserve des contrats antérieurs assurant au voyageur des droits plus étendus.

Bien que le contrat-type ait marqué un réel progrès sur l'état de choses ancien, il fut tenu dès son entrée en vigueur, dans les milieux de voyageurs de commerce, pour une solution d'attente, comme une étape intermédiaire sur la voie qui doit conduire à une réglementation générale des conditions de travail dans la profession. En fait, le contrat-type ne procure pas aux voyageurs-employés l'amélioration espérée de leurs conditions de travail.

Cela est dû au fait que son champ d'application est trop étroit, puisqu'il s'étend uniquement aux voyageurs qui s'entremettent pour la recherche

1344 de commandes de marchandises et qu'il exclut de la sorte tous les autres intermédiaires employés. Le contrat-type ayant, sur certains points, un caractère très sommaire et peu précis, on vit d'autre part se former à sa place des contrats particuliers, dont certains étaient établis à l'aide de formules-types. Si cette pratique-là s'introduisit, c'est surtout parce qu'elle permettait de se soustraire à l'application des dispositions prévues en faveur des voyageurs; les normes du contrat-type étant sans effet quand une convention contraire avait été passée par écrit, on pouvait rendre inapplicable la réglementation instituée par le contrat-type.

On s'explique ainsi que les associations de voyageurs de commerce aient poursuivi, malgré la mise en application du contrat-type, leurs efforts pour obtenir que les conditions d'engagement des voyageurs de commerce soient réglées dans une loi spéciale. Lorsque le département de l'économie publique publia en 1935 l'avant-projet Pfister d'une loi fédérale sur le travail dans le commerce et les arts et métiers, les associations de voyageurs de commerce saisirent l'occasion d'une « journée du voyageur de commerce » organisée au comptoir suisse de Lausanne, le 21 septembre 1935, pour voter une résolution demandant l'adjonction à l'avant-projet précité de dispositions imposant la conclusion d'un contrat écrit pour les voyageurs-employés, l'octroi d'un salaire fixe, l'allocation d'une indemnité pour les frais de voyage et l'extension de ces prescriptions aux agents d'assurance. En connexion avec cette résolution, la société suisse des voyageurs de commerce et l'union des voyageurs de commerce de la Suisse romande, dans un mémoire qu'elles adressaient au chef du département de l'économie publique, proposèrent de compléter l'avant-projet Pfister par un chapitre spécial sur les voyageurs de commerce. Au même moment, alors que les chambres discutaient la loi sur la concurrence illicite, le Conseil national décidait, sur proposition de sa commission unanime, d'introduire dans ce texte législatif une disposition en vertu de laquelle « le fait d'employer des représentants de commerce à la commission sans les indemniser de leurs frais d'entretien, de logement et de déplacement » est considéré comme un acte de commerce illicite (BS, Conseil national, 1935, p. 332).
La commission du Conseil des Etats combattit l'adoption de cette disposition, mais déclara ce qui suit, par la voix de son président : « Tous les membres de la commission sont conscients de la gravité de la situation de nombreux voyageurs et de la nécessité qu'il y a de leur assurer la protection de la loi. Nous savons qu'il existe beaucoup de commerçants qui se livrent à une véritable exploitation du travail des voyageurs à la commission et qui les traitent d'une façon inhumaine. Nous sommes en conséquence d'accord avec ceux qui pensent que le législateur doit améliorer le sort des voyageurs à la commission. Nous sommes résolus à protéger cette classe de travailleurs. » (BS, Conseil des Etats, 1936, p. 46/47.) La commission du Conseil des Etats présenta alors le postulat suivant:

1345 « Le Conseil fédéral est invité à soumettre sans délai aux conseils législatifs un rapport et des propositions concernant la réglementation légale de la condition des voyageurs de commerce. » Voici, selon les déclarations de son président, comment la commission se représentait l'oeuvre législative à accomplir: Chaque voyageur doit recevoir un traitement fixe d'un certain montant. Le droit à la commission, l'arrêté de compte, le paiement des provisions doivent en outre être réglés.

Des dispositions imperatives doivent fixer les conditions de travail essentielles pour l'exercice de la profession. Enfin, une délimitation précise doit être faite entre les voyageurs soumis au contrat de travail et les représentants indépendants. » (BS, Conseil des Etats, 1936, p. 46.) Ce postulat fut accueilli avec faveur par le représentant du Conseil fédéral, qui déclara l'accepter en donnant l'assurance que tout le sérieux nécessaire serait voué à sa réalisation. Le représentant du Conseil fédéral ajouta qu'on recourrait sans hésitation à une loi spéciale si l'adoption de la loi sur le travail dans le commerce et les arts et métiers se faisait trop attendre.

Après cette déclaration, le postulat du Conseil des Etats fut accepté à l'unanimité (cf. BS, Conseil des Etats, 1936, p. 51).

Les délibérations du Conseil des Etats marquent le point de départ des efforts déployés par les associations intéressées à l'adoption de la loi. Au mois d'août 1936, l'association suisse des voyageurs de commerce « Hermès » présenta un projet de loi sur les voyageurs de commerce. Il s'agissait, dans l'esprit des auteurs du projet, de compléter la loi de 1930 en réglant les rapports de droit privé entre voyageurs et employeurs. Les représentants de la société suisse des voyageurs de commerce et l'union des voyageurs de commerce de la Suisse romande furent reçus en audience par le chef du département de l'économie publique le 19 juin 1937, après quoi ces groupements furent invités à faire connaître également leurs propositions. Celles-ci furent développées dans un projet commun que les deux associations remirent par la suite au département sous ce titre: « Projet de loi fédérale réglant les conditions de travail des voyageurs de commerce ». De leur côté, l'union des associations suisses d'employés, la société suisse des commerçants
et l'association suisse des voyageurs de commerce « Hermès » présentèrent ensemble un « projet pour une loi fédérale sur les conditions d'engagement des voyageurs de commerce » et un « contrat collectif concernant l'engagement des voyageurs de commerce ».

Le département de l'économie publique convoqua alors, le 16 mai 1938, une grande conférence pour un échange de vues sur le statut légal des voyageurs de commerce. Présidée par le chef du département lui-même, la conférence réunissait des représentants de l'office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail, de la division du commerce, de l'union suisse du commerce et de l'industrie, de l'union centrale des associations patronales suisses, de l'union suisse des arts et métiers, de la société suisse des

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voyageurs de commerce, de l'union des voyageurs de commerce de la Suisse romande, de l'association suisse des voyageurs de commerce « Hermès » et de l'union des associations suisses d'employés. Elle permit de constater que chaque groupement représenté était prêt à apporter son concours à l'élaboration d'une loi sur les conditions d'engagement des voyageurs de commerce. Passant aux actes, elle décida la constitution d'une commission d'experts formée de onze membres.

Sur la proposition des associations intéressées, la composition de la commission fut fixée comme il suit par le département: Membres neutres : P. Renggli, avocat,

Directeur de l'office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail, Berne (président), Dr W. Hug, professeur, Recteur de l'université commerciale de St-Gall, St-Gall, Chef de section à l'office fédéral de l'industrie, Dr Ed. Eichhol/er, des arts et métiers et du travail, Berne; Délégués patronaux : Président de la fédération suisse des importat Max Brenner-Hopf, teurs suisses du commerce de gros, Baie, Secrétaire du directoire de l'union suisse du Dr H. Herold, commerce et de l'industrie, Secrétaire de l'union centrale des associations Ch. Kuntschen, patronales suisses, Zurich, Secrétaire de l'union suisse des arts et métiers, H. Galeazzi, avocat, Berne ; Délégués employés : r Secrétaire central de la société suisse des D G. Meister, voyageurs de commerce, Zurich, r Secrétaire central de l'union des voyageurs de D P. Bideau, commerce de la Suisse romande, Genève, Président central de l'association suisse des Alfred Maurer, voyageurs de commerce « Hermès », Zurich, Secrétaire de la société suisse des commerJ. Bottini, çants, Zurich.

La première réunion de la commission eut lieu les 8 et 9 septembre 1938. Les experts débattirent les questions de principe, ainsi que les points sur lesquels devait porter la nouvelle législation. Le département chargea ensuite le professeur Hug d'élaborer un avant-projet, dont la discussion

1347 fut portée à l'ordre du jour de la seconde séance de la commission, les 17 et 18 avril 1939, sous la présidence du Dr G. Willi qui, entre-temps, avait été appelé aux fonctions de directeur de l'office fédéral. L'avantprojet fut à ce moment-là soumis à l'appréciation des associations intéressées, qui, jusqu'au mois d'octobre 1939, proposèrent à l'office fédéral un certain nombre de modifications. Sur la base de ces diverses propositions, qui firent l'objet d'un examen approfondi, et des décisions de la Commission des experts, un projet fut établi par le professeur Hug.

Examiné et discuté au cours d'une troisième séance de la commission, le 5 juillet 1940, ce projet fut approuvé par les experts. Par la suite, la conférence des directeurs des compagnies suisses d'assurances sur la vie intervint de nouveau pour que les acquisiteurs d'assurances fussent exceptés de la loi ou, éventuellement, que celle-ci établît pour eux des dispositions dérogatoires. Comme cet avis était appuyé par le bureau fédéral des assurances, il fut nécessaire de convoquer la commission d'experts pour une quatrième séance. Cette séance eut lieu le 5 novembre 1940; le bureau des assurances y était représenté. Le directeur Barthe et le directeur général Stein assistaient à la séance, à la place de MM. Brenner-Hopf et Herold. Les voeux des compagnies d'assurances sur la vie y furent discutés d'une manière approfondie, ensuite de quoi la commission proposa des additions et des modifications pour plusieurs articles du projet. Le présent projet concorde avec les décisions de la commission; il n'y apporte, pour le principal, qu'un remaniement rédactionnel.

B. PRINCIPES DIRECTEURS DU PROJET Le présent projet de loi a pour but d'instituer le, statut des voyageurs de commerce en vue de protéger ceux-ci contre des conditions de travail abusives.

Lorsque la loi de 1930 sur les voyageurs de commerce et la loi sur la concurrence illicite furent discutées par les chambres, on fit valoir de divers côtés que l'encombrement de la profession de voyageur avait déterminé des conditions de travail nuisant à la fois aux intérêts des voyageurs euxmêmes et à ceux des employeurs se comportant en bons et loyaux patrons et de la clientèle. On mit particulièrement en évidence les risques que court le voyageur au détail travaillant uniquement à la
commission.

Ne lui allouer qu'une provision tenant lieu à la fois de salaire fixe et d'indemnité pour les frais de déplacement et de prospection, c'est le charger de tous les risques inhérents à son activité. On conçoit que le voyageur recourt alors à tous les moyens imaginables pour rechercher des commandes et que, si ses efforts restent infructueux, il se laisse aller à établir des ordres fictifs ou à forcer le client, ce qui ne manque pas d'avoir des conséquences dangereuses pour le public et les maisons concurrentes. Cette situation permettait en outre à certains patrons d'engager plusieurs voyageurs à la fois, sans se préoccuper des possibilités et des besoins du marché, ni

1348 des qualités morales et des aptitudes de la personne engagée. Ces patrons se rendaient toutefois parfaitement compte que la plupart des voyageurs lancés ainsi à la chasse aux commandes n'arriveraient même pas à couvrir leurs frais avec leurs commissions. Ces quelques faits montrent que les voyageurs de commerce ont tout particulièrement besoin de la protection du législateur. Celui-ci a le devoir de mettre un terme au système abusif de la rémunération à la provision et d'assurer au voyageur des conditions de travail convenables. Certes, avec l'entrée en vigueur de la loi, on verra le nombre des voyageurs de commerce diminuer et la profession se fermer aux personnes qui ne réunissent pas les qualités requises pour l'exercer avec succès. Les mandataires des associations patronales représentées à la commission des experts tinrent tout particulièrement à relever ce fait.

A notre sens, ce n'est pas un mal, ni pour la profession, ni pour le patronat, ni pour le public en général, dont les intérêts doivent être pris aussi en considération par le législateur. Si la loi, en imposant une rétribution convenable, enraye l'encombrement de la profession et écarte les éléments qui n'offrent pas les garanties professionnelles et morales que l'on attend d'un voyageur digne de ce nom, il y aura lieu de se féliciter de ce résultat, tant du point de vue économique que social.

Il s'agissait de savoir si la protection des voyageurs serait assurée par le droit public ou le droit privé. La commission des experts fut d'avis que le statut des voyageurs devait être régi par une loi de droit privé. La réglementation des droits et obligations des contractants a, en effet, pour but essentiel d'accorder des intérêts privés, ce qui sort des limites de la législation de droit public sur le travail. Une loi de droit privé assure suffisamment la protection des intérêts qu'il s'agit de défendre, lorsqu'elle contient des dispositions imperatives qui ne peuvent être éludées au détriment de ceux qu'elle doit protéger. En conséquence, le projet de loi que nous vous soumettons relève du droit privé, mais contient une série de dispositions imperatives (art. 19). Malgré son but, le projet de loi n'est point une réglementation rigide ; comme les dispositions du code des obligations sur le contrat de travail, il institue un ordre social
qui ne peut être imposé aux intéressés que par des dispositions de droit impératif. Par son esprit, par son contenu, comme par la méthode suivie, le projet est dans la ligne traditionnelle de notre législation de droit privé. Il se borne à poser des principes normatifs et évite autant que possible de régler des cas particuliers.

Il contient des notions et des préceptes qui laissent place à l'appréciation et au pouvoir créateur du juge. La loi se fonde sur l'article 64 de la constitution, puisqu'elle est de droit privé.

Etant donné ce caractère de droit privé, il n'était pas indiqué d'intégrer le projet dans la loi en vigueur sur les voyageurs de commerce. En tant que réglementation de police du commerce, cette loi poursuit une tout autre fin, par les voies qui sont propres au droit public. On ne pouvait songer dès lors à calquer le champ d'application du présent projet sur celui

1349 de la loi de 1930. La réunion dans une loi unique de dispositions relevant de deux ordres aussi différents eût été tout extérieure et aurait donné lieu à de fâcheuses difficultés d'interprétation. Des considérations semblables empêchaient aussi d'insérer les dispositions sur les conditions d'engagement des voyageurs de commerce dans la future loi sur le travail dans le commerce et les arts et métiers, laquelle a, elle aussi, le caractère d'une réglementation de police du commerce. Elle se compose essentiellement de règles de droit public, qui, en ce qui touche le contrat de travail, partent de la même considération que les dispositions de la loi sur les fabriques, à savoir la protection des travailleurs. De plus, il faut tenir compte de ce que quelques années s'écouleront encore avant la mise en vigueur d'une loi qui, pour le moment, reste à l'état de projet. On ne pouvait pas davantage recourir, pour régler les conditions de travail des voyageurs de commerce, à la loi sur la concurrence illicite, car elle n'en est encore qu'au stade des délibérations parlementaires. Tendant à protéger contre les actes de concurrence illicite, cette loi ne pouvait obéir, pour ce qui est du voyageur, qu'à des considérations trouvant leur justification dans la protection des tiers.

Les prescriptions sur les conditions de travail des voyageurs de commerce s'apparentent, au contraire, par leur caractère, aux dispositions du code des obligations sur le contrat de travail. Le code des obligations formule non seulement des règles générales, mais encore des règles valables pour certains rapports particuliers de service (contrats de travail agricoles, domestiques, etc.). La revision d'un des titres du code des obligations aurait toutefois entraîné trop loin, avec cette conséquence que l'élaboration du statut des voyageurs eût subi un retard regrettable. Dans ces conditions, il ne restait qu'une seule solution, l'adoption d'une loi spéciale.

Il n'est sans doute pas désirable que nos grandes lois de droit privé soient modifiées ou complétées par des lois particulières. Cette voie n'est justifiée que s'il n'en existe pas d'autre pour atteindre dans un délai convenable le but visé. Tel est le cas pour les voyageurs de commerce. Si le titre du code des obligations sur le contrat de travail faisait un jour, comme on peut
s'y attendre, l'objet d'une revision, il est à prévoir que ce travail prendra beaucoup plus de temps, étant données les idées divergentes qui se manifestent déjà à propos de cette revision. Or la réglementation des conditions d'engagement des voyageurs de commerce est pressante et doit être établie avant que de nouvelles difiicultés économiques viennent augmenter l'encombrement de la profession.

Si les circonstances font que l'adoption d'une loi spéciale paraisse la seule voie praticable possible, il est nécessaire, d'un autre côté, que cette loi s'en tienne aux prescriptions strictement indispensables. Les projets remis par les associations intéressées au département de l'économie publique prévoyaient la réglementation de plusieurs questions ayant trait au droit des employés en général: vacances payées, fixation de certains délais de

1350 résiliation, paiement du salaire en cas d'empêchement de travailler sans qu'il y ait faute de l'employé, indemnité pour cause de départ, restrictions à la prohibition de faire concurrence, etc. A cet égard, la commission des experts fut d'avis que le règlement de ces questions n'avait pas place dans une loi sur le statut des voyageurs de commerce et qu'il convenait de s'en tenir au contenu du contrat-type. Pour des raisons d'équité, on ne pouvait d'ailleurs régler des questions générales de travail pour une catégorie professionnelle seulement, pas plus qu'on ne pouvait assujettir les employés en général aux dispositions du présent projet. La commission des experts fut d'opinion que la loi doit se limiter aux règles qui sont particulières aux rapports juridiques des voyageurs et que la revision des questions générales ayant trait au contrat de travail doit être suspendue jusqu'au moment où le titre dixième du code des obligations sera lui-même revisé. Il se trouve ainsi que le projet de loi, conformément à la volonté de la commission des experts, ne contient que des dispositions qui se rapportent exclusivement au contrat d'engagement des voyageurs de commerce ou qui concernent tout particulièrement ce contrat.

Cette limitation du contenu de la loi devait avoir pour conséquence une restriction du cercle des personnes assujetties. Pour les raisons qui ont déjà été expliquées, le champ d'application ne pouvait être le même que celui de la loi de 1930, qui s'étend indistinctement à tous ceux qui s'entremettent pour l'écoulement de marchandises, qu'ils soient propriétaires, employés ou représentants d'une entreprise commerciale ou industrielle. Il s'agissait, au contraire, de faire une distinction nette entre les voyageurs subordonnés à l'employeur en vertu d'un contrat de travail et les représentants indépendants qui travaillent pour leur compte. De même que le contrat-type de travail n'est applicable qu'aux rapports qui s'établissent entre les chefs d'entreprises privées et les voyageurs engagés, les règles particulières prévues par le projet de loi ne s'appliquent qu'aux voyageurs de cette catégorie-là. Matériellement et juridiquement, il y a une différence profonde entre les voyageurs-employés et les représentants de commerce, quoiqu'il ne faille pas méconnaître l'importance de toutes les
catégories d'agents auxquelles la vie des affaires a donné naissance et qui forment la transition entre le voyageur-employé et le représentant. De la jurisprudence fédérale est née une notion propre du contrat d'agence, défini négativement par l'existence d'un rapport de droit privé ne relevant pas du contrat de travail (voir ATF 29, II, 109). La jurisprudence peut ainsi déterminer dans chaque cas si l'on se trouve en présence d'un contrat de travail ou d'un contrat d'agence (voir par ex. ATF 40, II, 392; 45, I, 214; 53, I, 370; 54, II, 380; 57, II, 163). Comme contrat sui generis, le contrat d'agence est régi essentiellement par les dispositions sur le mandat mais, suivant les circonstances, les prescriptions proche parentes relatives à la commission, au contrat de courtage et du travail sont également applicables.

En tant que règles particulières au contrat de travail, les dispositions du

1351 projet ne peuvent être rendues obligatoires qu'aux voyageurs qui sont engagés sur la base d'un contrat de travail. Il n'est cependant pas impossible que la jurisprudence applique, à défaut d'autres dispositions, les prescriptions de la présente loi aux contrats d'agence qui se rapprochent du contrat d'engagement des voyageurs de commerce.

C. REMARQUES SUR LES DIVERS ARTICLES TITRE La loi règle les rapports de droit privé qui s'établissent entre le patron et le voyageur engagé à son service. Par voyageur, il faut entendre, au sens de l'article 1er du projet, tout intermédiaire dont l'activité implique une continuité de travail et une certaine dépendance à l'égard de l'employeur.

En intitulant le projet « Loi fédérale sur le statut des voyageurs de commerce », la commission des experts a voulu marquer nettement la différence qui le sépare de la loi (de droit public) de 1930. Le titre de cette loi, qui a l'avantage d'être bref (loi fédérale sur les voyageurs de commerce), n'est pas entièrement adéquat à son contenu, car elle ne règle qu'en partie le statut des voyageurs de commerce (message du Conseil fédéral, FF 1929, I, 64). Le titre du présent projet montre bien qu'il s'agit d'une réglementation de droit privé.' Aucune confusion n'est donc possible avec la loi de 1930, qui ne contient pas de dispositions de cette nature.

I. -Dispositions générales.

Article premier.

Le champ d'application de la loi est décrit d'une manière générale par l'article 1er, 1er alinéa. Le 2e alinéa précise ces limites et, ce faisant, empêche que la loi ne soit tournée. Le 3e alinéa règle les cas d'exception, qui, en principe, pourraient être compris dans les limites générales assignées à la loi, mais qui doivent être soustraits à son application par une disposition positive.

Ainsi que nous l'avons relevé, il ne pouvait être question de faire coïncider le champ d'application du projet avec celui de la loi de 1930. Le projet s'inspire, en revanche, du contrat-type, dont il se sépare cependant sur trois points : 1° La loi ne s'applique pas seulement aux voyageurs engagés par des maisons inscrites ou tenues de se faire inscrire dans le registre du commerce, mais aussi à ceux qui travaillent pour le compte de commerces, d'industries ou autres établissements exploités en la forme commerciale qui ne sont pas inscrits
ou tenus de se faire inscrire dans le registre du commerce. Les discussions de la commission des experts, ainsi que les mémoires de différentes associations montrent qu'il est nécessaire d'étendre la protection légale aux voyageurs-employés dans de petites entreprises,

1352 sans distinction de leur importance. 2° La loi est déclarée également applicable aux voyageurs qui sont en même temps au service de plusieurs maisons. Contrairement au contrat-type, qui est sans effet pour les voyageurs à cartes multiples, « à moins d'avoir été, même en ce cas, expressément reconnu valable par l'une d'elles », ainsi qu'il le stipule dans son article 1er, 2e alinéa. L'expérience a montré que cette exception a uniquement servi à éluder les dispositions du contrat-type. Il était dès lors à craindre qu'en restreignant l'application de la loi aux seuls voyageurs qui sont au service d'une maison, on ne fit renaître la tentation de s'y soustraire. Il n'y a d'ailleurs aucune raison sérieuse d'exclure de la loi les voyageurs à cartes multiples, d'autant moins qu'il est tout particulièrement important pour eux que la question de l'indemnité pour frais de voyage soit convenablement réglée (voir l'art. 13, 3e al.) 3° Le contrat-type ne s'applique qu'aux rapports qui s'établissent entre chefs d'entreprises privées et voyageurs de commerce engagés pour le placement de leurs produits ou marchandises. La loi, en revanche, régira également les rapports juridiques qui existent entre chefs d'entreprises et voyageurs « chargés de la négociation ou de la conclusion d'affaires de n'importe quelle nature ».

Ainsi, non seulement les voyageurs en marchandises sont assujettis à la loi, mais encore tous ceux qui, hors de l'établissement, sollicitent la clientèle, comme c'est particulièrement le cas pour les acquisiteurs de publicité et d'abonnements de journaux et les inspecteurs d'assurance. L'extension du champ, d'application de la loi à cette catégorie de travailleurs est justifiée par le fait que leur situation juridique et matérielle, en tant qu'employés travaillant dans les services extérieurs de l'entreprise, correspond dans le fond à celle des voyageurs en marchandises. De plus, dans toutes les questions essentielles touchant au contrat d'engagement, notamment celles de la provision et du remboursement des frais, les conditions sont les mêmes pour tous les intermédiaires, quel que soit le genre des affaires traitées. Du point de vue législatif, il eût été contraire au but proposé d'exclure du champ d'application de la loi certains groupes de voyageursemployés, sans qu'il y ait un motif profond
à cela. Pour cette raison, la commission des experts, en sa majorité, a approuvé cette extension du champ d'application. L'association des compagnies suisses d'assurances concessionnaires s'est déclarée opposée à l'assujettissement des acquisiteurs (inspecteurs) d'assurances. Elle alléguait qu'il n'y a pas lieu de régler les conditions de travail de ces employés, que la différence existant entre l'activité des voyageurs en marchandises et celle des acquisiteurs d'assurances s'oppose à l'introduction d'un régime commun, enfin que l'assujettissement de ces derniers obligerait en particulier les compagnies d'assurances sur la vie à remanier l'organisation de leur service extérieur, ce qui pourrait entraîner pour elles une augmentation des frais d'acquisition.

Le bureau fédéral des assurances a de même exprimé la crainte que l'assujettissement des acquisiteurs d'assurances ne cause un renchérissement

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des assurances, car les frais d'acquisition subissent facilement le contrecoup des changements apportés aux conditions d'engagement des agents du service extérieur. A ces objections on a répondu, dans la commission, que les acquisiteurs d'assurances qui sont au service non pas des compagnies directement, mais de leurs agences, ont autant besoin d'une protection légale que les voyageurs en marchandises; on a ajouté que la réglementation légale n'est pas seulement dans leur intérêt, mais aussi dans celui du public, lequel est précisément sollicité par eux d'une manière excessive, et que le régime qu'on se propose d'établir aura pour effet d'écarter les éléments qui font tort à la profession. Enfin, on a relevé qu'un renchérissement des assurances ne se produira pas nécessairement. Les critiques exprimées par l'association prénommée à l'égard de quelques-unes des dispositions de l'avant-projet Hug ont été soigneusement examinées, et il en a été tenu compte. La loi le montre par les dispositions spéciales qu'elle contient à ce sujet. La teneur qu'on lui a donnée lui permet de s'appliquer tout naturellement aux rapports juridiques entre les inspecteurs d'assurance et leurs employeurs.

L'article 1er, 2e alinéa, précise les limites du champ d'application, en déclarant que toute convention présentant les éléments constitutifs d'un contrat de travail, au sens de l'article 319 du code des obligations, est réputée contrat d'engagement, sans égard à la dénomination choisie par les parties. Par cette disposition, le champ d'application est expressément circonscrit aux contrats de travail, dans le sens de l'article 319, y compris les rapports visés par l'article 361. Il ne s'étend pas aux rapports établis en vertu d'un mandat. Il est par conséquent important de savoir si l'obligation qu'a le voyageur de conclure ou de négocier des affaires implique une continuité du travail; en d'autres termes, il convient de se demander si le voyageur doit être à la disposition de l'employeur pendant des laps de temps déterminés ou déterminables (voir par ex., pour les inspecteurs d'assurance, ATT 45, I, 214). La dénomination choisie par les parties pour désigner le contrat est, en revanche, sans importance. On désigne du terme « agents » des intermédiaires de tous genres, même s'ils sont étroitement subordonnés à leurs
employeurs. Les exemples sont particulièrement nombreux dans l'assurance. Le Tribunal fédéral a relevé le cas d'agents généraux dont le statut est celui d'un employé. A l'inverse, on connaît des agents principaux dont la condition est celle d'un simple agent local soumis à un contrat de mandat (cf. Praxis 29, n° 64). Pour l'assujettissement à la loi, peu importe donc que l'intermédiaire soit appelé voyageur, agent ou acquisiteur, pourvu qu'il y ait entre les parties un contrat de travail (art. 319 CO). En cas de doute, le juge doit apprécier selon les critères posés par l'article 319 du code des obligations pour déterminer si « l'agent » est un employé ou un mandataire et si, par voie de conséquence, les règles particulières prévues pour les voyageurs de commerce lui sont applicables.

1354 L'article 1er, 3e alinéa, indique quels sont les rapports qui, bien que relevant d'un contrat de l'espèce définie par le 1er alinéa, ne sont pas régis par la loi. A l'exemple du contrat-type, le projet laisse de côté les employés dont l'activité principale ne consiste pas dans la conclusion ou la négociation d'affaires hors de l'établissement. A cette catégorie appartiennent tous les employés dont les services, utilisés principalement à l'intérieur de l'entreprise, trouvent dans une moindre mesure leur emploi à l'extérieur. N'est pas soumis non plus à la loi le voyageur qui travaille pour son propre compte, c'est-à-dire qui court lui-même le risque des affaires qu'il négocie ou conclut au nom d'un tiers, suivant le contrat passé avec celui-ci. La loi ne concerne pas non plus le voyageur qui est occupé occasionnellement par l'employeur. C'est le cas de celui qui, en dehors de son activité régulière, fait de temps en temps des affaires pour le compte d'une entreprise: ainsi la ménagère qui, après avoir vaqué aux travaux de son ménage, visite quelques clients particuliers pour rechercher des commandes; ainsi le fonctionnaire qui, de temps à autre, sert d'intermédiaire dans la conclusion d'une police d'assurance sur la vie. Mais la loi s'applique dès que cette activité accessoire devient régulière et durable, à condition, bien entendu, qu'il y ait contrat de travail entre l'intermédiaire et l'employeur. Enfin, la loi sur le statut des voyageurs de commerce n'est pas applicable lorsque le contrat a été conclu en vue d'une activité momentanée. Il en est ainsi de l'engagement qui est convenu pour une courte durée et qui présente dès le début le caractère passager d'un contrat de travail. Ne rentre en principe pas dans cette dernière catégorie de contrats l'engagement dit à l'essai, qui, en cas de doute, doit être considéré comme un temps d'essai au sens de l'article 350, 1er alinéa, du code des obligations et de l'article 2 du contrat-type. Un contrat d'engagement à l'essai n'est régi par le 3e alinéa que si les parties ont donné expressément au court temps d'essai convenu le sens d'une durée minimum et maximum.

Art. 2.

L'article 2 règle la relation de la loi avec le code des obligations et prévoit qu'à moins que celle-ci n'en dispose autrement, les contrats d'engagement des voyageurs sont régis par le code des obligations, en particulier par les prescriptions relatives au contrat de travail. De même que les règles particulières édictées pour d'autres genres de contrat de travail (cf. art. 23 de la loi sur la formation professionnelle, en ce qui concerne le contrat d'apprentissage, et art. 20 de la loi sur les fabriques, en ce qui touche le contrat des ouvriers), les dispositions particulières de la loi l'emportent sur celles qui régissent le contrat de travail du code des obligations ; celles-ci, de même que les prescriptions générales du code (art. 1er à 183), s'appliquent toutefois à défaut de dispositions particulières de la loi.

1355 IL Formation du contrat.

Art. 3.

L'obligation d'observer pour le contrat d'engagement la forme écrite répond à l'un des plus anciens voeux des associations de voyageurs de commerce. Répondant à ce voeu, le pro jet ,,exige que le contrat soit passé en principe par écrit et qu'il contienne un minimum de dispositions. Celles-ci règlent des points essentiels : la nature et le rayon d'activité, les pouvoirs du voyageur, le salaire et le mode de remboursement des frais de voyage, le temps d'essai, la durée et la fin du contrat et, enfin, le droit applicable et le for, lorsque l'une des parties est domiciliée à l'étranger. A ce dernier égard, nous avons renoncé à introduire dans le projet toute disposition de droit international privé, mais les parties doivent se rappeler le principe de la liberté des contrats en droit international, principe en vertu duquel il leur est loisible de préciser elles-mêmes -- par écrit -- le droit applicable quant aux effets du contrat et au for.

La forme écrite n'est pas une condition sine qua non de la validité du contrat. La disposition n'a pas la même signification que l'article 11, 2e alinéa, du code des obligations. Si l'on voulait soumettre la validité du contrat à une condition de forme, l'inobservation de cette condition aurait pour effet de rendre le contrat- nul, et le voyageur ne bénéficierait plus de la protection de la loi. A vrai dire, la loi sur la formation professionnelle, dont les articles 6 et 7 soumettent le contrat d'apprentissage à la forme écrite et exigent de celui-ci un certain contenu, prévient cet effet (la nullité) en disposant, à son article 9, que l'absence d'un contrat écrit ne dispense pas les parties de l'observation de la loi si les conditions prescrites pour l'apprentissage au sens de celle-ci sont remplies. Cette disposition a provoqué dans la doctrine et la pratique des controverses sur la question de savoir si le respect de la forme écrite est vraiment une condition de validité du contrat (cf. tribunal des prud'hommes, Zurich, rapport annuel n° 4, 1935).

Pour éviter des conflits de ce genre, le projet renonce simplement à subordonner la validité du contrat au respect de la forme prescrite. Les prescriptions sur la forme et le contenu minimum des contrats ne sont que des prescriptions d'ordre. En conséquence, leur inobservation est sans aucun effet sur la
validité du contrat. L'article 320 du code des obligations est également applicable au contrat d'engagement des voyageurs, et la présomption établie au 2e alinéa de cet article conserve son plein effet.

L'inobservation de la forme écrite et de la disposition sur le contenu minimum a, en revanche, pour conséquence que les rapports établis sont déterminés non pas par les stipulations des parties mais par les prescriptions du droit objectif. L'article 3, 2e alinéa, qui est de droit impératif (art. 19, 1er al.), prévoit que si le contrat n'a pas été fait en la forme écrite, les prescriptions légales et les conditions d'engagement en usage dans la branche de l'employeur sont applicables. Par dispositions légales, il faut com-

1356 prendre non seulement les prescriptions de la présente loi, mais aussi celles du code des obligations, en particulier les règles sur le contrat de travail. H en va de même pour les dispositions des contrats collectifs ou des contrats-types de travail auxquelles les prescriptions des articles 323 et 324 du code des obligations ont conféré force imperative ou dispositive.

Notons que l'article 3, 2e alinéa, se réfère aux conditions d'engagement en usage dans la branche de l'employeur, et qu'il confère ainsi aux usages le caractère de droit subsidiaire. Pour des raisons d'opportunité, il n'est admis qu'une exception au principe de l'exclusion de tout accord verbal en ce qui concerne le contrat d'engagement, c'est sur le point visé par lo chiffre 1 de l'article 3, à savoir la nature et le rayon d'activité du voyageur.

Sous cette réserve, toute disposition qui n'a pas été prévue par écrit demeure sans effet. Etant donnés les effets très étendus qu'entraîné l'omission de la forme prescrite pour le contenu du contrat, on peut admettre que cette exigence, et celle du contenu minimum, seront satisfaites dans la grande majorité des cas et que le but recherché sera ainsi atteint.

III. Obligations et pouvoirs du voyageur.

Art. 4.

Par des dispositions de droit dispositif calquées sur l'article 3 du contrattype, les articles 4 et 5 du projet déterminent les obligations particulières du voyageur. L'article 4, 1er alinéa, indique ces deux devoirs principaux: la loyauté et la diligence. Considérant le genre des rapports réglés par le contrat, la loi, à l'exemple du contrat-type, exige du voyageur qu'il veille aux intérêts de son patron avec la diligence requise d'un bon commerçant.

A la différence de l'article 328, 3e alinéa, du code des obligations, le projet ne tient, en revanche, pas compte de l'élément personnel. Le voyageur répond du dommage qu'il cause par sa négligence (art. 328, 2e al. CO).

' Pour s'acquitter fidèlement et correctement de sa tâche, le voyageur doit visiter la clientèle de la manière qui lui a été prescrite (art. 4, 2e al.).

Le devoir de fidélité implique pour le voyageur l'obligation de s'interdire tout acte de concurrence à l'égard de son patron : sauf autorisation écrite de celui-ci, il ne doit négocier ou conclure d'affaires ni pour son propre compte ni pour celui d'un tiers (art. 4, 2e al.). Si, a côté de son emploi, la permission lui a été accordée de travailler pour son propre compte, il reste néanmoins soumis à la loi en ce qui concerne ses rapports avec l'employeur.

Pour la question du remboursement des frais de voyage, les parties doivent s'en tenir à l'article 3, 3e alinéa, du projet, si la répartition des frais n'a pas été fixée dans le contrat.

Le voyageur donne la mesure de sa diligence en veillant le mieux possible aux intérêts de son patron. Il en donnera la preuve en observant les prix et autres conditions qui lui sont prescrits, qu'il s'agisse de conditions de livraison, de paiements ou autres. S'il a pouvoir de conclure des affaires,

1357 il doit réserver le consentement du patron pour toute modification apportée aux dispositions qu'il doit suivre (art. 4, 3e al.).

Art. 5.

Par diligence, la loi entend aussi la manière dont le voyageur fait rapport et rend compte de ce qu'il sait à l'employeur (art. 5, 1er al.). De quelle façon et à quel moment le voyageur est tenu de faire rapport sur ses affaires, c'est aux parties de le régler dans le contrat. Le voyageur manifeste sa fidélité en remettant immédiatement au patron les paiements des clients, les documents, papiers-valeur s et indemnités de tout genre qu'il peut recevoir. Il va sans dire que le voyageur n'est pas nécessairement tenu au versement immédiat des sommes qu'il perçoit des clients, des remises périodiques pouvant être tenues pour suffisantes en vertu du contrat.

Il peut être également convenu que le produit des encaissements tiendra lieu de couverture pour les frais de voyage. La loi réserve le droit de rétention du voyageur sur les sommes qu'il reçoit ou perçoit en vertu d'un pou,voir d'encaissement (art. 15, 1er al.). Enfin, le voyageur dévoué a son employeur doit être discret (art. 5, 3e al.), car son activité lui permet non seulement de connaître la clientèle, mais aussi d'entrer dans les secrets de fabrication ou d'affaires de sa maison. Toutes les connaissances ainsi acquises doivent être gardées secrètes, aussi bien pendant la durée qu'après la cessation du contrat; elles ne doivent pas être utilisées au préjudice du patron. Le voyageur qui viole ses devoirs est tenu, suivant le droit commun, de régler le dommage causé.

Art. 6.

L'article 430 du code des obb'gations règle le ducroire dans le cas de la commission. Aux termes de cet article, le commissionnaire ne répond pas du paiement ou de l'exécution des autres obligations incombant au débiteur. Cette responsabilité n'existe que si le commissionnaire s'est porté garant ou si tel est l'usage au lieu où il est établi. Le commissionnaire qui accepte une clause de ducroire a droit à une commission spéciale (ducroire). Ces dispositions valent également pour le contrat d'agence.

Dans la pratique, il arrive que le voyageur-employé soit rendu responsable de l'exécution des engagements de ses clients. Il peut s'être porté garant de celui avec qui il traite et alors il se donne véritablement pour caution ou bien il s'oblige à dédommager l'employeur du préjudice subi, ou bien encore, il s'engage à supporter les frais de recouvrement des créances
dues par les clients. L'acceptation d'une telle responsabilité fait naître pour les voyageurs-employés de graves dangers au point de vue matériel et social; une telle clause contredit la nature même du contrat de travail, qui, en principe, charge l'employeur des risques; c'est en effet seulement pour1 le salaire même que le contrat de travail permet, le cas échéant, de faire entrer le résultat en ligne de compte. Aussi la prescription imperative Feuille fédérale. 92« année. Vol. I.

109

1358 de l'article 6, 1er alinéa, du projet ne permet-elle pas qu'une clause de ducroire soit insérée dans un contrat d'engagement. L'article 10, 3e alinéa, qui est de droit dispositif, permet, en revanche, que le droit à la commission soit supprimé ou réduit si le client ne remplit pas ses engagements ou ne les exécute que partiellement.

Une exception au principe de l'article 6, 1er alinéa, se justifie cependant pour les voyageurs au détail dont l'activité consiste dans la conclusion d'affaires avec des particuliers. Une enquête faite parmi les associations professionnelles intéressées, à l'instigation de l'office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail, a révélé que la clause de ducroire n'est presque pas usitée à l'égard des voyageurs en gros qui entrent en relation d'affaires avec les commerçants, industriels et artisans, mais qu'en revanche elle est d'un usage courant dans les maisons qui font voyager pour le détail.

La responsabilité du voyageur se justifie dans ce cas par le fait que l'employeur est tenu d'exécuter la commande qui lui est transmise par un voyageur ayant qualité pour conclure et qu'il doit se fier au jugement du voyageur pour apprécier le crédit offert par le client. La valeur généralement réduite des commandes recueillies par un voyageur au détail ne « paierait » pas l'emploi et l'entretien d'un service de renseignements. Aussi le projet fait-il une exception au principe de l'exclusion de la responsabilité pour les voyageurs qui sont chargés de la conclusion d'affaires avec la clientèle particulière. L'exception ne s'étend toutefois pas aux voyageurs qui sont chargés simplement de négocier avec le client et pour les ordres de qui l'employeur se réserve un droit d'acceptation. Lorsqu'il s'agit de voyageurs au détail qui ont qualité pour conclure, une clause limitée de garantie exige la forme écrite; sa validité est en outre subordonnée à la double condition que la responsabilité du voyageur couvre au maximum le quart de la perte subie par afîaire et qu'il lui soit alloué une provision spéciale convenable (art. 6, 2e al.). Notons que la limitation de la responsabilité du voyageur au quart de la perte subie a été arrêtée sur la base d'une enquête faite, parmi ses membres, par l'association suisse des maisons de commerce faisant voyager pour le détail. On a
pu ainsi déterminer que la responsabilité du voyageur est d'au maximum 50 pour cent et que dans la majorité des cas elle varie entre 20 et 33% pour cent.

Une seconde exception à la règle établie par l'article 6, 1er alinéa, est prévue pour les acquisiteurs d'assurances. Dans la pratique, en particulier dans la branche de l'assurance-vie, la compagnie n'intente pas action ni ne requiert l'exécution forcée lorsque la première prime ou ses fractions ne sont pas payées. De son côté, l'agent n'a pas en général la faculté de requérir l'exécution forcée, ni de son propre chef ni au nom de la compagnie, bien que sa provision se détermine au prorata des primes payées pour la première année d'assurance. Lorsqu'un agent veut que la prime soit recouvrée par contrainte, il doit, selon l'usage actuel -- qui tend à assainir la profession et auquel le bureau fédéral des assurances a souscrit

1359 dans l'intérêt de l'assuré -- supporter les frais de l'exécution forcée, si elle n'aboutit pas. L'article 6, 3e alinéa, consacre cet usage; il dispose qu'il peut être convenu par écrit que l'acquisiteur supportera la moitié au plus des frais du recouvrement des créances, si la prime ou fraction de prime n'a pas été payée et s'il demande expressément qu'elles soient recouvrées par voie d'action judiciaire ou d'exécution forcée. Même dans ce cas, la compagnie restera libre de recourir ou non à l'action judiciaire ou à l'exécution forcée; si elle y recourt, elle devra prendre à sa charge la moitié au moins des frais.

Art. 7.

Les pouvoirs du voyageur doivent être réglés expressément par le contrat (art. 3, 2e al.). Si la convention est muette à ce sujet, c'est que le.

voyageur doit se borner à négocier des affaires (art. 7, 1er al.). Mais s'il est investi par le contrat du droit de conclure, il a une procuration au sens de l'article 462 du code des obligations, procuration dont l'étendue dépend de la volonté de l'employeur. Si cette volonté n'est pas précisée, on présume que le voyageur a pouvoir de faire tous les actes que comporte habituellement l'exécution des affaires qu'il a conclues (art. 7, 2e al.). L'étendue du pouvoir de représentation se règle alors d'après la compétence qui s'attache normalement à la situation du voyageur suivant l'usage du commerce.

Est réservé l'article 463 du code des obligations, aux termes duquel les voyageurs ayant qualité pour conclure sont réputés avoir les pouvoirs nécessaires pour toucher le prix des ventes par eux conclues et pour accorder des délais. Pour le placier ayant pouvoir de conclure, cette présomption n'existe pas, de sorte que ce pouvoir particulier ne peut lui être conféré que par une entente expresse, à moins qu'il ne rentre dans les attributions qui, d'après les usages du commerce, découlent de sa situation. Le voyageur qui reste un simple négociateur d'affaires n'a le pouvoir d'encaisser et d'accorder des délais que si le contrat le lui accorde expressément. Est réservé également l'article 34 de la loi sur le contrat d'assurance, en ce qui concerne les inspecteurs d'assurance soumis à la loi sur le statut des voyageurs de commerce (art. 7, 2e al.). Cet article 34 règle d'une manière complète les pouvoirs de représentation de l'agent
d'assurance pour tous les actes qu'il a coutume de faire, même si l'agent a été engagé sur la base d'un contrat de travail. En vertu de cette disposition, qui établit une présomption imperative, l'étendue des pouvoirs de représentation de l'agent d'assurance est déterminée exclusivement par les attributions que comporte habituellement l'exercice de son activité. Les pouvoirs de l'agent peuvent, sans doute, être déterminés dans le contrat passé avec l'assureur ; mais ce qui est en principe déterminant dans l'assurance, ce sont les rapports entre l'assureur et l'agent tels qu'ils apparaissent aux tiers. La règle de la loi qui veut que les pouvoirs de l'intermédiaire soient réglés par le contrat écrit vaut aussi pour les agents soumis au contrat de travail et régit les rapports internes entre l'agent et l'assureur. Pour tout ce qui

1360 touche aux opérations d'assurance accomplies par l'agent, l'article 34 de la loi sur le contrat d'assurance est toutefois seul applicable.

D'après les principes généraux du droit, les pouvoirs dont jouit le voyageur peuvent être en tout temps limités ou révoqués; les restrictions ou révocations ne sont toutefois pas opposables aux tiers de bonn« foi (art. 34, 1er et 3e al., 465, 1er al., 461, 2e al., 463, 2e al., CO). Il convenait que le projet rappelât expressément cette règle à propos des pouvoirs du voyageur (art. 7, 3e al.).

IV. Obligations de l'employeur.

Art. 8.

La nature et le rayon de l'activité du voyageur doivent être expressément déterminés par le contrat (art. 3, ch. 1). Il est cependant nécessaire d'arrêter quelques principes touchant le rayon du voyageur, de manière à faciliter l'interprétation du contrat et à compléter celui-ci. Les dispositions de l'article 8 ne sont donc pas de droit impératif.

En règle .générale, les contrats attribuent au voyageur une certaine partie de la clientèle qui est nommément ou géographiquement désignée; ils omettent cependant très souvent de préciser si cette attribution doit être considérée comme exclusive ou alternative. Le projet présume dans ce cas que le voyageur a l'exclusivité de la clientèle qui lui est attribuée (art. 8, 1er al.). Il résulte de ce principe qu'en cas de doute le voyageur peut prétendre à la provision sur toutes les affaires conclues avec cette clientèle (art. 10, 1er al.).

Même dans le cas d'exclusivité de la clientèle, l'employeur garde cependant la possibilité de conclure personnellement des affaires avec les clients réservés. Cette faculté ne peut être en principe réservée, en conformité de l'article 8, 1er alinéa, qu'en faveur du patron ou de son représentant légal. Même dans ce cas, le voyageur conserve son droit à la provision, à moins que le contrat n'en dispose autrement (art. 10, 1er al.).

Pour des motifs personnels ou d'ordre pécuniaire, la nécessité peut se.

présenter d'apporter des changements à la clientèle ou au rayon concédés et cela avec effet immédiat. Il y a là une modification du contrat, qui, en principe, ne peut avoir lieu qu'avec le consentement des deux parties.

Pour rendre plus aisée cette modification, l'article 8, 2e alinéa, reconnaît à l'employeur le droit de prendre de son chef cette initiative, notamment lorsque de justes motifs nécessitent ce changement avant le terme de résiliation du contrat. En cas de litige, le juge doit décider selon la justice et l'équité si un tel motif existe (art. 4 CC). Un changement dans le rayon ou dans la clientèle peut, selon les circonstances, entraîner dans le contrat et dans la situation du voyageur des modifications telles que de bonne foi on ne pourra plus exiger qu'il continue à prêter ses services. L'article 8,

1361 2e alinéa, réserve expressément le droit de résilier le contrat pour de justes motifs, conformément à l'article 352 du code des obligations, si l'employeur apporte une modification au rayon d'activité; dans ce cas, les conséquences pécuniaires doivent être appréciées par le juge, en vertu de l'article 353, 2e alinéa, du code des obligations. Il se peut aussi que la décision prise par le patron n'autorise pas le voyageur à résilier le contrat, bien qu'il en résulte pour lui un dommage pour perte de provision. Le projet lui réserve alors expressément le droit de demander réparation, le dommage devant être couvert jusqu'au moment où le contrat aurait pris normalement fin.

Art. 9.

Le point le plus important à régler dans le statut des voyageurs, c'est le salaire et le remboursement des frais de voyage. Depuis longtemps, les associations de voyageurs cherchent à assurer à leurs membres un salaire fixe et une indemnité pour les frais. L'article 4 du contrat-type dispose que le voyageur reçoit pour ses services un traitement fixe, avec ou sans commission de vente et qu'il a droit en outre au remboursement de ses frais de voyage. Cette disposition demeure lettre morte à cause du caractère propre du contrat-type, qui est de pouvoir être modifié par écrit en tout ou partie. Afin de supprimer l'abus des engagements à la seule provision et d'obtenir que le voyageur reçoive un salaire convenable pour ses services et une indemnité équitable pour ses frais de voyage, il était nécessaire de rendre imperatives les dispositions sur le salaire et les frais. C'est le but visé par l'article 19, 1er alinéa.

L'article 9, 1er alinéa, consacre la tendance -- approuvée par les grandes associations patronales elles-mêmes -- suivant laquelle le voyageur doit être engagé de plus en plus sur la base d'un salaire fixe et de moins en moins sur celle d'une provision. Une clause imperative de la loi oblige donc l'employeur à payer un salaire fixe, seule ou principale rétribution des services du voyageur. Si le fixe ne constitue pas le seul salaire, le rapport entre celui-ci et la provision doit être tel que le fixe l'emporte. Par conséquent, est frappé en principe de nullité tout contrat aux termes duquel le salaire convenu consisterait exclusivement ou principalement en une provision.

Le soin est toutefois laissé aux
parties de s'entendre sur le montant du fixe.

Le principe du 1er alinéa ne souffre que deux exceptions, au sujet desquelles il doit y avoir entente expresse des parties. La première a trait au salaire pendant le temps d'essai. La fixation d'un temps d'essai doit donner l'occasion aux deux parties de voir si le contrat leur convient.

Tandis que l'employeur a l'occasion d'éprouver les capacités du voyageur, ce dernier a le temps de considérer sa situation, son gain et ses chances. Le projet renonce à prescrire un temps d'essai ou à poser la présomption d'un tel arrangement. Il faut s'en rapporter à l'article 350, 1er alinéa, du code

1362 des obligations qui laisse aux parties l'initiative de fixer un temps d'essai et se borne à établir, pour ce cas, une présomption quant aux effets de la clause. Les parties peuvent convenir à volonté d'un temps d'essai plus long, de même qu'elles peuvent fixer à leur gré le délai de résiliation pendant ce temps d'essai. Si elles veulent convenir d'un temps d'essai, elles peuvent fixer à volonté le mode de rétribution pour deux mois au maximum (art. 9, 2e al.). Pendant ces deux mois, l'employeur a ainsi la possibilité d'examiner, sans faire courir au voyageur des risques exagérés, si celui-ci convient au genre d'emploi auquel il est préposé et de faire dépendre le salaire uniquement du résultat obtenu. Ce délai paraît suffisant pour permettre à l'employeur de juger s'il veut rendre le contrat définitif.

Abstraction faite de cette disposition sur le salaire, le contrat est soumis pendant ce temps-là, sur tous ses points, aux prescriptions de la loi. L'employeur reste en particulier dans l'obligation de rembourser au voyageur tous les frais imposés par ses tournées (art. 13, 1er et 2e al.).

Si le mode de rémunération peut être fixé au gré des parties pendant un temps d'essai de deux mois au maximum, il n'est admis, en revanche, qu'une seule exception au principe posé par le 1er alinéa pour le régime définitif: Les parties peuvent convenir par écrit que la rémunération consistera exclusivement ou essentiellement en une provision si celle-ci forme une rémunération convenable des services du voyageur (art. 9, 2e al.).

Ce qui est déterminant pour l'admissibilité d'une telle clause, ce n'est pas le taux de la provision prévue par le contrat, mais la question de savoir si, étant donnée la provision allouée, les services du voyageur sont convenablement rétribués. D'après les principes fondamentaux du contrat de travail, on entend, bien entendu, par services non pas le résultat obtenu, mais l'activité du voyageur comme telle, son travail, le temps qu'il y a consacré. Il s'ensuit qu'en cas de litige, le juge ne peut fixer qu'après coup si le contrat n'est pas valable; cette constatation n'offre cependant, en pratique, pas de difficultés. Si le juge reconnaît la nullité de la clause, il y a alors, au sens de l'article 3, 2e alinéa, de la loi, une lacune du contrat, qui doit être comblée par les usages
observés en matière de conditions d'engagement dans la branche de l'employeur.

Dans ses dispositions sur le salaire, le projet prévoit que les créances que le voyageur fait valoir dans la faillite de son employeur à raison de ce qui lui est dû à titre de traitement fixe et de provision sont colloquées en premier rang (art. 219, lettre a, LP). Cette précision s'est révélée nécessaire en raison des termes étroits de la disposition de l'article 219 « traitement des commis et des employés de bureau » et eu égard aussi à l'interprétation du Tribunal fédéral, qui, quoique extensive, n'en est pas moins réservée (voir ATF 52, III, 147). L'article 9, 3e alinéa, n'innove donc pas en matière de droit sur la faillite, mais donne une interprétation authentique d'une disposition de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite.

1363 Art. 10.

Les articles 10 et 11 règlent le droit à la provision pour le cas où celle-ci constitue selon le contrat une partie de la rétribution ou sa totalité, suivant l'article 9, 2e alinéa. L'article 10, 1er alinéa, prévoit que le voyageur a droit à la provision sur toutes les affaires conclues, lorsqu'une clientèle ou un rayon lui sont attribués exclusivement. Si le voyageur ne jouit pas d'une exclusivité, la provision n'est due que sur les affaires qu'il a luimême conclues ou négociées. Cette disposition correspond à celle de l'article 5, 1er alinéa, du contrat-type; comme elle, elle est de droit dispositif.

Libre aux parties de convenir par écrit d'une autre réglementation.

Aux termes des articles 6 et 5, 9e alinéa, du contrat-type, la commission est réputée acquise dès que l'employeur a accepté la commande qui lui a été transmise; elle tombe lorsque l'exécution de la commande a été empêchée pour une cause qui n'est pas imputable à l'employeur. Ces dispositions se sont révélées bonnes et correspondent bien à la situation d'un voyageur engagé en qualité d'employé. Elles sont reprises en principe par le projet. D'après l'article 10, 2e alinéa, lre phrase, la provision est acquise au voyageur dès que l'affaire est valablement conclue avec le client.

Cette prescription est de droit impératif. Le principe convient à toute affaire d'une exécution facile et rapide, entraînant les deux parties à une prestation unique. La situation est différente lorsque l'affaire comporte pour l'une ou l'autre des parties des prestations successives et que son exécution s'étend sur une longue période (contrats de livraisons successives, ventes à tempérament, contrats d'assurances, abonnements à des journaux, contrats d'annonces). Pour ce genre d'affaires, mais pour elles seules, il est légitime de prévoir dans le contrat que la provision est acquise au fur et à mesure de l'échéance des termes ou à chaque prestation (2e al., 2e phrase).

En vertu de ce principe, on fixera, par exemple, pour les contrats d'assurances que la provision n'est due qu'après le recouvrement des primes.

Lorsqu'il s'agit d'affaires successives dont les termes sont échus ou acquittés après la résiliation du contrat, il va bien sans dire que le droit à la provision se règle conformément à l'article 17, 3e alinéa.

La provision étant
acquise, d'après le projet, dès la conclusion de l'affaire et non pas, comme c'est le cas pour le contrat de commission, au moment où l'opération a reçu son exécution (art. 432 CO), il est conforme à l'équité de tenir compte du cas où l'exécution de l'affaire a été empêchée pour une cause qui ne peut pas être imputée à l'employeur et de celui où l'affaire ne parvient pas à exécution du fait du client. Pour ces deux cas d'inexécution partielle ou totale, l'article 10, 3e alinéa, prévoit une réduction proportionnelle de la provision. Cette disposition n'est pas de droit impératif; l'employeur peut la supprimer à l'avantage du voyageur ou bien retendre à son détriment à d'autres causes d'inexécution (par ex.: cas de clients annulant sans droit une commande).

1364 Art. 11.

Dans le droit à la provision, il faut distinguer l'échéance et le règlement de compte. D'après les articles 7 et 8 du contrat-type, le compte de commission est arrêté, autant que faire se peut, à la fin de chaque mois, et au plus tard deux mois après que l'employeur a accepté les commandes donnant droit à la commission. Quant au paiement, il doit avoir lieu, autant que possible, sitôt après l'arrêté de compte et au plus tard trois mois après l'acceptation de la commande. Le projet va plus loin que cette réglementation et prévoit, par une clause de droit impératif, que la provision, lorsqu'elle constitue un élément essentiel du salaire, doit être payée dans le même délai que le salaire fixe. Partie intégrante du salaire, elle doit être versée au voyageur à la fin de chaque mois, à moins qu'un délai plus court n'ait été convenu ou ne soit usuel (1er al., lre phrase). Si, en revanche, la provision ne forme qu'une partie accessoire du salaire et peut être, par son caractère, assimilée à une gratification, il est loisible aux parties d'en fixer l'échéance à volonté, mais pas plus tard qu'à l'expiration du mois qui suit la fin de l'année comptable de l'employeur (1er al., 2e phrase).

Il n'est pas toujours possible, au moment de l'échéance de la provision, d'établir exactement à combien se chiffre l'affaire traitée, parce que son exécution n'a Heu qu'après la date de l'arrêté de compte et qu'en raison de la nature même de l'affaire sa valeur ne peut être exactement déterminée qu'après l'exécution du contrat. Le contrat-type a prévu pour ce cas (art. 7, 2e al.) que la commission est provisoirement calculée d'après une évaluation minimum de la facture. Le projet précise cette prescription en prévoyant que la provision est calculée par l'employeur sur la base d'une évaluation minimum, le solde échéant au moment où l'affaire se termine (2e al.).

Cette disposition étant également de droit impératif, une échéance plus longue ne peut pas être prévue par le contrat.

Le règlement de compte a lieu partie sur la base des relevés du voyageur, partie sur ceux de l'employeur. Se fondant sur cette pratique, le projet prévoit que le contrat peut fixer à qui incombe le devoir d'établir le relevé des provisions. Si le voyageur n'y est pas expressément obligé, c'est le patron qui, en vertu d'une disposition imperative,
doit remettre un relevé, avec indication des affaires donnant droit à une provision, ce qui permet au voyageur de vérifier son compte (3e al., lre phrase). Si le relevé no donne pas d'indications suffisantes à ce sujet ou qu'il y ait discussion, il est d'usage, conformément à l'article 330, 2e alinéa, du code des obligations, appliqué par analogie, « d'autoriser l'employé à consulter les livres de comptabilité, dans la mesure où celui-ci en a besoin ». Le contrat-type a expressément prévu à l'article 7, 3e alinéa, que « le voyageur peut au besoin exiger la production des livres de comptabilité et des pièces justificatives à prendre en considération pour l'arrêté de compte ». Le projet reconnaît ce droit au voyageur par une prescription imperative (3e al., 2e phrase).

1365

Art. 12.

Le projet ne dit pas si le voyageur peut prétendre à son salaire lorsque, sans sa faute, il est empêché de travailler. Le voyageur n'a droit à son salaire que s'il en est convenu ainsi ou si les conditions prescrites par l'article 335 du code des obligations sont remplies. Si, en vertu du contrat ou de la loi, le droit au salaire est acquis, la loi prévoit de façon imperative (art. 12, 1er al.) que le voyageur a droit non seulement au traitement fixe, mais encore à une indemnité équitable pour la perte de provision. Pour déterminer cette indemnité, on se fonde sur ce que le voyageur aurait normalement gagné s'il n'avait pas été empêché de voyager. Les provisions acquises avant l'empêchement de voyager peuvent servir de base de calcul. Le contrat ne peut faire une exception au principe du paiement d'une indemnité en cas de perte de la provision que si celle-ci ne forme qu'un élément accessoire du salaire (2e al.).

Si, sans sa faute, le voyageur est empêché de voyager, et si son salaire lui reste néanmoins entièrement assuré, il est juste qu'il mette ses services à la disposition de l'employeur pour être occupé dans l'entreprise. Cette obligation, qui fait l'objet d'une prescription de droit dispositif, ne peut être imposée au voyageur qu'à la condition qu'il soit capable de se charger des travaux que l'on attend de lui et que sa collaboration puisse être raisonnablement exigée (3e al.). L'obligation cesse lorsque la cause de l'empêchement de voyager réside dans la personne du voyageur ou lorsque les services qu'il devrait rendre dans l'entreprise ne correspondraient pas à sa position de voyageur.

Art. 13.

D'après un principe général du droit sur le contrat de travail, qui ressort de l'article 338, 2e alinéa, du code des obligations, l'employeur doit rembourser à son employé toute dépense qui lui a été occasionnée par l'exercice de son activité en relation directe avec celle-ci et dont la charge ne saurait lui être imposée suivant l'usage établi par le commerce. Rentrent dans ces dépenses remboursables les frais de déplacement du voyageur. Ce principe est posé expressément par l'article 10 du contrat-type, qui prévoit que le voyageur a droit au remboursement de tous les frais qui, d'après ses décomptes périodiques, sont rendus nécessaires par son activité. C'est à ce principe que les
contrats particuliers ont le plus souvent dérogé, d'où un affaiblissement considérable de la valeur du contrat-type en tant qu'instrument de protection sociale.

La question du remboursement des frais du voyageur est un point cardinal de la nouvelle législation; elle n'est pas moins importante que celle du salaire. Pour atteindre son but, c'est-à-dire pour empêcher que le voyageur ne doive supporter les frais de voyage, la loi devait prévoir une disposition imperative. En conséquence, le contrat ne peut écarter

1366 l'article 13, ni le modifier au détriment du voyageur. Au 1er alinéa, cet article dit que tous les frais imposés au voyageur par son activité doivent lui être remboursés, y compris les dépenses auxquelles il doit faire face pour son entretien hors de son domicile. Il en va de même des dépenses que le placier supporte pour les repas qu'il ne peut pas prendre à la maison. A condition que le principe du remboursement intégral des frais soit respecté, il est loisible aux parties de fixer la manière suivant laquelle ces débours seront payés. Il peut être convenu soit que les frais effectifs et justifiés seront remboursés, soit que les « frais de confiance » seront accordés (c'est-à-dire une indemnité correspondant aux dépenses qui, d'après l'estimation du voyageur, sont tenues pour indispensables), soit enfin qu'une indemnité journalière fixe sera payée. Pour empêcher toutefois que le principe du 1er alinéa ne soit éludé, le projet prévoit que la clause relative à une indemnité journalière fixe n'a de validité que si tous les frais visés par le 1er alinéa sont couverts (2e al., lre phrase). Si cette condition n'est pas remplie, la clause est nulle et l'employeur est alors tenu de rembourser tous les frais indispensables dont le relevé lui est présenté par le voyageur. Est également illicite toute clause en vertu de laquelle tout ou partie de l'indemnité pour les frais de voyage serait comprise dans le traitement fixe ou dans la provision (2e al., 2e phrase).

Une disposition particulière s'impose pour le cas où le voyageur travaille en même temps pour plusieurs employeurs. Dans ce cas aussi, le principe du remboursement intégral des frais doit être observé, mais la charge peut en être répartie entre les différents employeurs, selon la volonté des contractants. Si le remboursement de tous les frais n'est pas réglé entre les parties, chaque employeur est tenu de supporter la même part de frais (3e al.).

Pour empêcher que le voyageur ne paie temporairement de sa poche les frais entraînés par son activité et pour le protéger contre la perte qu'il éprouverait de ce fait en cas de faillite de l'employeur, le contrat-type a prévu, dans son article 10, 2e phrase, qu'une somme forfaitaire doit être versée au voyageur avant ses tournées. L'article 13, 4e alinéa, contient une disposition plus souple, en ce
sens que le contrat peut établir que des avances seront faites à intervalles réguliers, sans toutefois qu'il y ait plus d'un mois d'écart d'un versement à l'autre. Le solde de l'indemnité doit être payé au plus tard à la fin de chaque mois, sur la base d'un relevé de compte du voyageur.

Art. 14.

Le véhicule automobile est d'un emploi courant et toujours plus répandu dans l'exercice de la profession de voyageur de commerce. Une réglementation spéciale fixant le mode du remboursement des frais qui sont occasionnés de ce chef au voyageur s'imposait dès lors. En conformité du principe général posé à l'article 13, l'article 14, 1er alinéa, prévoit de façon

1367 imperative que l'employeur, si le voyageur fait sur son ordre usage d'un véhicule automobile, doit lui rembourser tous les frais d'usage et d'entretien du véhicule, que celui-ci soit la propriété du voyageur ou qu'il soit mis à sa disposition par l'employeur. Par frais d'usage et d'entretien, il faut entendre les frais de carburant et d'huile, de nettoyage et de réparation, ainsi que le garage du véhicule. L'employeur n'est tenu de rembourser que les frais occasionnés par l'usage professionnel de l'automobile ; le voyageur supporte lui-même les frais de ses déplacements privés. Le remboursement s'effectue à la fin de chaque mois, d'après les décomptes réguliers du voyageur. La règle posée par l'article 13, 4e alinéa, en ce qui concerne les avances dues par l'employeur, trouve ici aussi son application. Si le voyageur travaille en même temps pour plusieurs patrons, c'est la règle de l'article 13, 3e alinéa, qui est applicable.

Lorsque l'employeur met un véhicule automobile à disposition du voyageur, la situation suivante se présente d'après les principes généraux du droit : en sa qualité de propriétaire du véhicule, l'employeur est astreint au paiement des contributions publiques perçues sur le véhicule et à celui des primes d'assurance contre la responsabilité civile. Comme propriétaire aussi, le cas échéant comme locataire, il supporte la diminution de valeur due à l'usure du véhicule. Pour l'usage du véhicule, le voyageur doit se conformer au contrat; il est responsable du dommage causé s'il emploie le véhicule pour d'autres courses en violation du contrat. En vertu de l'article 328, 2e alinéa, du code des obligations, il répond de plus du dommage qu'il cause intentionnellement ou par négligence à l'employeur en employant son véhicule. Ces dispositions paraissent ménager suffisamment les intérêts des parties.

Si le voyageur met lui-même son véhicule à disposition de l'employeur, la question des contributions publiques, des primes d'assurance contre la responsabilité civile et de l'amortissement du véhicule exige une réglementation spéciale. On peut admettre que les parties s'entendront ellesmêmes sur ce qu'il y a lieu de convenir, de sorte que la loi se borne à prévoir des dispositions servant à compléter et interpréter le contrat. L'article 14, 2e alinéa, qui est de droit dispositif,
prévoit que l'employeur supporte les frais d'impôts et d'assurance du voyageur dans la mesure où celui-ci emploie le véhicule pour son service. Le voyageur a droit également à une indemnité pour l'usure; elle est calculée sur la même base.

Le voyageur qui se sert d'un véhicule automobile pour exercer son activité court des risques particuliers, contre lesquels il doit être protégé.

Si l'entreprise de l'employeur est soumise à l'assurance obligatoire contre les accidents, le voyageur est, en règle générale, également assuré auprès de la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents pour les accidents survenus pendant le travail ou hors du travail. Dans ce cas, il ne reste plus qu'à prévoir une assurance particulière contre les accidents causés

1368 par le véhicule automobile. Si le voyageur n'est pas assuré, l'employeur est tenu, aux termes de l'article 14, 3e alinéa, de conclure une assurance prévoyant des prestations convenables en cas d'accidents d'automobile.

La police doit couvrir les frais pour soins médicaux et pharmaceutiques en cas d'incapacité temporaire de travail et prévoir en plus le paiement du salaire perdu. En cas de mort ou d'incapacité complète et permanente, l'indemnité doit correspondre à cinq fois le salaire gagné la précédente année. Si l'incapacité n'est que partielle, la somme assurée est réduite en proportion. L'article 14, 3e alinéa, n'est pas de droit impératif; d'autres dispositions peuvent être prises par écrit au gré des parties.

Art. 15.

D'après les principes généraux du droit, le voyageur a le pouvoir en cas d'insolvabilité de l'employeur, de retenir les choses mobilières et les papiers-valeurs qui, du consentement de celui-ci, se trouvent en sa possession, jusqu'au paiement de ses créances exigibles, voire non exigibles (art. 895 à 898 CC). La relation qu'il doit y avoir entre la créance et l'objet retenu en vertu de l'article 895 du code civil existe en principe, car il s'agit de créances qui résultent d'un contrat de travail et qui ont trait au salaire fixe, aux provisions et à l'indemnité pour frais de voyage. Le voyageur peut ainsi, de plein droit, retenir les objets qui sont susceptibles de l'être.

La jurisprudence a reconnu, par exemple, au voyageur le droit de retenir sa malle d'échantillons (Blätter für zürcherische Rechtsprechung 12, n° 140).

En revanche, le droit de rétention ne peut pas s'exercer sur des choses qui, de leur nature, ne'sont pas réalisables. Tandis que le 1er alinéa de l'article 15 du projet se réfère à ces principes généraux, le 2e alinéa précise, en application de l'article 896, 1er alinéa, du code civil, que les documents qui sont entre les mains du voyageur et qui n'ont pas le caractère de papiersvaleurs ne peuvent pas être retenus. En ce qui concerne les collections d'échantillons, le droit de rétention ne peut s'exercer que si elles se composent d'objets susceptibles d'être réalisés.

L'article 15 du projet va plus loin que les articles 895 à 898 du code civil quant à l'étendue du droit de rétention. Il reconnaît également au voyageur un droit de rétention sur les sommes encaissées chez les clients en vertu d'un pouvoir d'encaissement prévu par l'article 463 du code des obligations ou par le contrat; c'est exactement le droit que l'article 434 de ce code donne au commissionnaire en ce qui concerne le prix qui a été réalisé sur les choses formant l'objet du contrat. On doit admettre, en vertu de l'usage établi par le commerce, que le voyageur qui a le pouvoir de faire des encaissements peut, de même1 que les commissionnaires, mêler au sien l'argent encaissé et le considérer comme lui appartenant en propre.

Le droit de conserver par devers soi les sommes encaissées constitue un véritable droit de rétention au sens de l'article 82 du code des obligations ;

1369 grâce à lui, le voyageur s'assure une garantie pour toutes les prétentions qu'il peut faire valoir à raison du contrat, de même qu'une couverture pour les commissions échues, conformément à l'article 11, 1er et 2e alinéas, et les frais de voyage (art. là et 14). Si le voyageur n'a pas le pouvoir de faire des encaissements, il ne peut pas accepter de versements de la part des clients; si, malgré cette règle, il reçoit des paiements, l'argent encaissé reste propriété de l'employeur suivant l'usage courant dans le commerce, et doit comme tel lui être remis immédiatement, en conformité de l'article 5, 2e alinéa.

Si la loi doit atteindre son but, c'est-à-dire garantir au voyageur les créances qui résultent de son contrat de travail, il est nécessaire de prévoir une disposition de droit impératif (art. 19, 1er al.). En conséquence, il n'est pas possible d'exclure le droit de rétention (ce que permet l'article 896, 2e alinéa, du code civil). Si le voyageur -- le cas peut se présenter -- veut exercer son droit de rétention en garantie d'une prétendue créance, l'employeur peut prévenir immédiatement l'exercice de ce droit en poursuivant la réalisation de la chose retenue (art. 898 CC).

V. Fin du contrat.

Art. 16.

La fin du contrat d'engagement est réglée par les articles 345 à 355 du code des obligations. En ce qui concerne la résiliation, les délais prévus pour les employés par les articles 347 et 348 sont déterminants. Une disposition particulière sur la résiliation se justifie pourtant lorsque, dans le contrat, la provision représente une partie essentielle du salaire et qu'elle est soumise à de fortes fluctuations saisonnières. Il s'agit de protéger les parties contre l'éventualité d'une résiliation venant inopinément, dans un moment peu favorable de l'année. De même que l'article 349 du code des obligations demande des parties, dans les contrats de travail agricole conclus avec communauté domestique, qu'elles fassent preuve de fidélité lorsque intervient la fin du contrat, l'article 16 du projet prévoit une prolongation unilatérale du délai de résiliation en faveur de l'une ou l'autre partie: le voyageur qui a travaillé pour son patron durant toute la morte saison ne peut être congédié pendant la saison que pour la fin du deuxième mois suivant la résiliation du contrat. Parallèlement, le voyageur qui est resté au service de l'employeur pendant la saison ne peut résilier le contrat pendant la morte saison subséquente que pour la fin du deuxième mois suivant la résiliation. Ces dispositions sont de droit impératif et une modification du délai-congé n'est admise que si elle est en faveur du voyageur (art. 19, 1er al.).

Art. 17.

En vertu du droit commun, la fin du contrat rend exigible le salaire (art. 333, 2e al. CO). Ce principe est étendu par l'article 17, 1er alinéa, du

1370 projet, en ce sens que toutes les créances du voyageur -- qu'elles dérivent du droit à la provision ou du droit au remboursement des frais de voyage -- deviennent exigibles à ce moment-là. Cela étant, il s'agit de savoir sur quelles affaires la provision doit être payée. D'après la prescription imperative de l'article 17, 2e alinéa, ce sont celles qui, jusqu'à la fin du contrat, ont été conclues par le voyageur lui-même ou dont l'offre a été acceptée par l'employeur, quelle que soit la date de l'acceptation et de leur exécution.

Cette disposition doit empêcher que l'employeur ne mette de côté des offres qui lui parviennent peu avant la fin du contrat pour ne les accepter qu'une fois l'engagement résilié, de sorte que le voyageur soit privé de son droit à la provision. Si le voyageur a l'exclusivité du rayon qui lui est attribué, la commission lui est due sur toutes les affaires qui ont été traitées avec les clients de son rayon, et cela sur la base des offres qui sont parvenues à l'employeur avant la fin du contrat (art. 17, 2e al., en liaison avec l'art. 10, 1« al).

Le principe de l'exigibilité de la provision à la fin du contrat ne vaut cependant pas pour les affaires dont la conclusion ou l'exécution sont postérieures à la résiliation. Tant qu'il s'agit d'affaires dont l'accomplissement n'exige qu'une prestation, le droit à la commission naît avec la conclusion de l'affaire (art. 10, 2e al.), et l'exigibilité coïncide avec la fin du mois dans lequel la conclusion a eu lieu (art. 11, 1er al.). Cette prétention peut être, bien entendu, en tout ou partie réduite conformément à l'article 10, 3e alinéa. Comme les parties doivent avoir égard à cette possibilité avant le règlement définitif des comptes, l'article 17, 3e alinéa, prévoit, en dérogation au principe général de l'article 11, 1er alinéa, que l'exigibilité des provisions peut être expressément reculée, mais pas au delà de six mois après la fin du contrat. Pour les affaires donnant lieu à des prestations successives, le droit à la provision, et avec lui son échéance, peut être fractionné en autant de parties qu'il y a de termes versés ou de prestations accomplies, ce qui retarde d'autant l'exigibilité des provisions dues sur ce genre d'affaires. Pourtant, l'intérêt des parties exige, même en ce cas, que les créances exigibles se liquident
dans un délai donné. C'est pourquoi l'article 17, 3e alinéa, prévoit que le règlement des comptes et le paiement des provisions restant dues doivent avoir' lieu au plus tard un an après la fin du contrat, ou deux ans après, pour les contrats d'assurance. Ces délais sont calculés de telle sorte qu'ils tiennent compte de tous les intérêts fondés en droit. Ils constituent des maxima ; comme tels, ils ne peuvent subir aucune prolongation par la volonté des parties (art. 19, 1er al.).

Art. 18.

La fin du contrat de travail comporte toujours un devoir de restitution lorsque, pendant, la durée du contrat, les parties se sont confiées des objets, des documents, etc. Ce devoir n'étant pas réglé par le code des obligations, dans ses dispositions sur le contrat de travail, il convenait-

1371 que la loi le fît, considérant l'importance particulière qu'il prend dans les rapports d'employeur à voyageur de commerce. L'article 18, 1er alinéa, dispose donc impérativement qu'à l'expiration du contrat les parties doivent se rendre tout ce qui est susceptible d'être restitué, objets confiés, argent reçu de tiers pour le compte d'une des parties. Est réservé le droit de rétention des contractants, notamment celui dont le voyageur jouit en vertu de l'article 15, de même que le droit reconnu au patron par les articles 895 à 898 du code civil de retenir les choses mobilières et les papiers-valeurs et, suivant les prescriptions particulières de l'article 18, 3e alinéa, le montant de la sûreté fournie par le voyageur.

En application du principe posé par le 1er alinéa, le 2e alinéa indique à titre d'exemples les objets et sommes d'argent que le voyageur doit restituer à l'employeur: en premier lieu les avances faites sur son traitement, ses provisions et frais de voyage qui dépassent ce que l'employeur doit à ce titre d'après l'arrêté définitif de compte. Le 3e alinéa règle le cas de la restitution de la sûreté fournie par le voyageur, sur laquelle le patron ne peut exercer son droit de rétention que dans la proportion des créances qu'il peut faire valoir contre le voyageur, notamment à raison des avances versées en trop et des provisions auxquelles le voyageur a cessé d'avoir droit conformément à l'article 10, 3e alinéa. Ce droit de rétention subsiste jusqu'au moment du règlement définitif des comptes, soit jusqu'à l'échéance de la dernière provision due en conformité de l'article 17, 3e alinéa, du projet. A ce moment-là, la sûreté doit être restituée, sauf le montant susceptible d'être retenu par l'employeur en couverture de ses créances.

Pour assurer la restitution de la sûreté, le voyageur peut exiger que celle-ci soit consignée judiciairement.

VI. Dispositions finales.

Art. 19.

Une série de dispositions du projet ont nettement pour but de protéger juridiquement et matériellement le voyageur lié par un contrat de travail, d'où leur caractère impératif. Afin d'écarter toute hésitation à ce sujet, la loi désigne ces dispositions comme telles (art. 19, 1er al.), s'inspirant ainsi de l'exemple de la loi sur le contrat d'assurance.

Conformément au but poursuivi par les prescriptions imperatives
de la loi, il n'est admis de modification à leur contenu que s'il en résulte un avantage pour le voyageur. La possibilité est ainsi créée de fixer dans le contrat des conditions d'engagement plus favorables pour le voyageur.

On peut dire en conséquence que les prescriptions imperatives de la loi sont de force relativement obligatoire; elles ne peuvent être ni écartées ni modifiées au préjudice du voyageur par le contrat. Par contrat, il faut entendre aussi bien les contrats collectifs et les contrats-types que les conventions particulières.

1372 Toute clause contractuelle ayant pour but d'éluder les dispositions imperatives de la loi ou de les modifier au préjudice du voyageur est nulle, conformément aux principes généraux (arfc. 19, 2e al.). Pour apprécier ai une modification est à l'avantage ou au désavantage du voyageur, il faut déterminer si les conditions juridiques voulues par la loi sont devenues meilleures ou moins bonnes à la suite de l'entente des parties. En conséquence, le juge n'a pas le pouvoir de prendre en considération une réglementation contractuelle qui est prohibée par la loi; elle doit être écartée d'office.

Art. 20.

Lorsque la loi sera entrée en vigueur, ses règles s'appliqueront à tous les contrats d'engagement qui seront conclus subséquemment. D'après le principe de la non-rétroactivité, les règles de la nouvelle loi ne seront, en revanche, pas applicables aux contrats anciens. Seules les dispositions de droit impératif dont le juge doit admettre qu'elles ont été édictées pour sauvegarder l'ordre et la moralité publics, régiront ces contrats.

Son considérées comme de droit impératif, d'après la jurisprudence fédérale, les dispositions tendant, pour des raisons d'ordre et de moralité publics, à mettre fin à un état de choses, par ex. l'exploitation du faible par le fort, qui était possible sous le droit ancien. Les tendances protectrices de la loi demandent cependant, autant que possible, une application uniforme de ses normes. Aussi l'article 20, 2e alinéa, dispose-t-il qu'au moment de l'entrée en vigueur de la loi les contrats existants devront être mis en harmonie avec ses prescriptions dans le délai d'un an et que passé ce délai elle s'appliquera à tous les contrats qu'elle vise.

Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous nous permettons de vous recommander d'adopter le projet de loi ci-joint.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 6 décembre 1940.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, PILET-GOLAZ.

Le chancelier de la Confédération, G. BOVET.

1373 (Projet.)

Loi fédérale sur

le statut des voyageurs de commerce.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu l'article 64 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 6 décembre 1940, arrête :

I. DISPOSITIONS GÉNÉRALES Article premier.

1

.La présente loi est applicable aux contrats d'engagement con- champ d'applicaclus entre commerçants, industriels ou autres chefs d'établissements tlon' exploités en la forme commerciale d'une part et les voyageurs de commerce d'autre -part qui, pour le compte d'un ou plusieurs employeurs et hors de l'établissement, sont chargés de la négociation ou de la conclusion d'affaires de n'importe quelle nature.

2 Sont réputées contrats d'engagement toutes conventions présentant les éléments constitutifs d'un contrat de travail, au sens de l'article 319 du code des obligations, sans égard à la dénomination choisie par les parties.

3 La loi ne s'applique pas aux employés qui n.'exercent pas principalement une activité de voyageur auprès de la clientèle, ni aux voyageurs qui font des affaires pour leur propre compte, pas plus qu'à ceux qui travaillent occasionnellement au service de l'employeur ou qui n'ont été engagés qu'à titre temporaire.

Feuille fédérale. 92" année. Vol. I.

110

1374 Art. 2.

Relation avec le A moins que la présente loi n en dispose autrement, les contrats code des obliga- -,, /* i A » · i i i i i· · tions.

d engagement des voyageurs sont régis par le code des obligations, en particulier par les prescriptions relatives au contrat de travail.

II. FORMATION DU CONTRAT Forme écrite.

Art. 3.

Le contrat d'engagement doit être fait par écrit; il réglera les points suivants: 1° La nature et le rayon de l'activité du voyageur; 2° Ses pouvoirs; 3° Son salaire et le mode de remboursement de ses frais de voyage ; 4° Le temps d'essai, la durée et la fin du contrat; 5° Le droit applicable et le for, lorsque l'une des parties est domiciliée à l'étranger.

2 Si le contrat n'a pas été fait en la forme écrite, les prescriptions légales et les conditions d'engagement en usage dans la branche de l'employeur sont applicables. Seule la détermination de la nature et du rayon de l'activité du voyageur peut faire l'objet d'un accord verbal.

1

III. OBLIGATIONS ET POUVOIRS DU VOYAGEUR Loyauté et diligence.

Art. 4.

Le voyageur est tenu de s'acquitter loyalement de sa tâche, en conformité des dispositions de son contrat, et doit veiller aux intérêts de son patron avec la diligence requise d'un bon commerçant.

2 II doit visiter la clientèle de la manière qui lui a été prescrite, à moins que de justes motifs ne l'obligent à s'en°écarter; sauf autorisation écrite de son employeur, il ne peut négocier ou conclure d'affaires ni pour son propre compte ni pour celui de tiers.

3 II doit observer les prix et autres conditions qui lui sont prescrits, en réservant pour toute modification le consentement de l'employeur, s'il est autorisé à conclure des affaires.

1

Art. 5.

Autres obligations.

Le voyageur est tenu de faire rapport sur son activité, de transmettre immédiatement tous les ordres qu'il a obtenus et de porter à la connaissance de son employeur tous les faits importants qui ont trait à sa clientèle.

1

1375 a

II doit remettre à son employeur tout ce qu'il reçoit de tiers dans l'exercice de son activité; en particulier, il lui versera immédiatement le produit des encaissements qu'il fait auprès des clients.

Le droit de rétention prévu par l'article 15 est réservé.

3 A l'égard des tiers, le voyageur doit taire toutes les observations qu'il fait dans l'exercice de son activité ; il est tenu à la discrétion même après l'expiration du contrat.

Art. 6.

Est illicite, sous réserve des alinéas 2 et 3, toute clause en Ducroire, vertu de laquelle le voyageur est tenu de répondre du paiement ou de l'exécution des autres obligations incombant à ceux avec qui il a traité ou de supporter tout ou partie des frais de recouvrement des créances.

2 Lorsque le voyageur est chargé de la conclusion d'affaires avec la clientèle particulière, il peut être convenu par écrit qu'il est responsable des dommages résultant de l'inexécution des obligations incombant à ses clients, à la condition que sa responsabilité couvre au maximum le quart de la perte subie par affaire et qu'une commission convenable (ducroire) lui soit allouée.

3 En ce qui concerne les contrats d'assurance, il peut être convenu par écrit que le voyageur (acquisiteur) supportera la moitié au plus des frais de recouvrement des créances, si une prime ou fraction de prime n'a pas été payée et s'il demande qu'elle soit recouvrée par voie d'action judiciaire ou d'exécution forcée.

1

°

Art. 7.

A moins que le contrat n'en dispose autrement, le voyageur Pouvoirs, n'a que le droit de négocier des affaires.

2 Si le voyageur a le droit de conclure des affaires, ses pouvoirs s'étendent à tous les actes que comporte habituellement l'exécution de celles-ci; sont réservés les articles 463 du code des obligations et 34 de la loi fédérale sur le contrat d'assurance.

3 Les pouvoirs conférés au voyageur peuvent être en tout temps restreints ou révoqués par l'employeur; la restriction ou la révocation d'un pouvoir n'est pas opposable aux tiers de bonne foi.

1

IV. OBLIGATIONS DE L'EMPLOYEUR

Art. 8.

Le voyageur à qui sont attribués une clientèle ou un rayon Rayon d'activité, déterminés en a l'exclusivité ; l'employeur garde toutefois la faculté 1

1376 de conclure personnellement des affaires avec les clients dont le voyageur a l'exclusivité.

2 L'employeur a la faculté de modifier de son chef les dispositions conventionnelles relatives à la clientèle ou au rayon attribués au voyageur, si de justes motifs nécessitent une telle modification avant le terme de résiliation du contrat; dans ce cas, le voyageur a le droit, conformément à l'article 352 du code des obligations, de se départir immédiatement du contrat et de réclamer des dommages intérêts.

Art. 9.

salaire.

1

L'employeur est tenu de payer au voyageur un salaire comportant un traitement fixe, avec ou sans provision; est illicite, sous réserve du 2e alinéa, toute clause disposant que le salaire consiste exclusivement ou principalement en une provision.

2 Pendant un temps d'essai de deux mois au maximum, le mode de rémunération peut être fixé à volonté par le contrat; pour la suite, il peut être convenu par écrit que la rémunération consistera exclusivement ou principalement en une provision, si celle-ci forme une rémunération convenable des services du voyageur.

3 Les créances portant sur le traitement fixe et les provisions dus au voyageur sont colloquées conformément à l'article 219, première classe, lettre b, de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite.

Art. 10.

Provision.

* Lorsqu'une clientèle ou un rayon sont attribués exclusivement i. Droit à la pro- à un voyageur, le droit à la provision convenue ou usuelle porte vision et éten- sur toutes les affaires qui ont été conclues avec cette clientèle ou qui rentrent dans ce rayon; si le voyageur ne bénéficie pas de l'exclusivité, il ne peut prétendre à la provision que sur les affaires qu'il a négociées ou conclues.

2 La provision est acquise au voyageur dès que l'affaire a été valablement conclue avec le client. Lorsqu'il s'agit d'affaires dont l'exécution se fait par prestations successives, ainsi que pour les contrats d'assurance, il peut être convenu par écrit, sous réserve de l'article 17, 3e alinéa, que le droit à la provision s'acquiert lors de l'exigibilité de chaque acompte ou à chaque prestation.

3 Le droit à la provision s'éteint lorsque l'exécution de l'affaire a été empêchée par une cause qui n'est pas imputable à l'employeur ou lorsque le client n'a pas rempli ses obligations; si l'inexécution n'est que partielle, la provision est réduite proportionnellement.

1377 Art. 11.

Lorsque la provision constitue un élément essentiel du salaire, 2. Echéance et elle est exigible à la fin de chaque mois, à moins qu'un délai de paie«mpte.e ment plus court n'ait été convenu ou ne soit usuel. Dans l'autre cas, l'échéance peut être fixée par le contrat au gré des parties, mais au plus tard à l'expiration du mois qui suit la fin de l'année comptable de l'employeur.

2 Si, à l'échéance normale de la provision, la valeur d'une affaire ne peut pas être exactement déterminée, la provision est calculée par l'employeur sur la base d'une évaluation minimum; le solde échoit au moment où l'affaire se termine.

3 Si le voyageur n'est pas tenu par le contrat de présenter un relevé de ses provisions, l'employeur doit lui remettre un relevé de compte à chaque échéance, en indiquant les affaires donnant droit à une provision. Le voyageur peut exiger la production des livres et des pièces justificatives qui entrent en considération pour le relevé de compte.

Art. 12.

1 Lorsque, sans sa faute, le voyageur est empêché de voyager Empêchement de et que la loi ou le contrat lui reconnaît néanmoins un droit au salaire, v°yaKercelui-ci se détermine sur la base du traitement fixe et d'une indemnité convenable pour perte de 'provision.

2 Si la provision ne représente qu'une partie secondaire du salaire, il peut être convenu par écrit que, dans le cas où, sans sa faute, le voyageur est empêché d'exercer son activité, aucune indemnité ne lui sera due à raison de la perte de provision.

3 Lorsque, sans sa faute, le voyageur est empêché de voyager et que son salaire intégral lui reste assuré, il peut être employé dans l'établissement, à l'a demande de l'employeur, à d'autres travaux, à la condition qu'il soit capable de s'en charger et qu'on puisse raisonnablement l'exiger de lui.

1

Art. 13.

L'employeur est tenu de rembourser au voyageur tous les frais Frais de voyage, qui lui sont imposés par son activité, y compris les dépenses aux- '· En générai, quelles il doit faire face pour son entretien en dehors de son domicile.

2 II peut être convenu par écrit que le voyageur recevra une indemnité journalière fixe, à la condition qu'elle couvre tous les frais visés par le 1er alinéa. Est illicite toute clause en vertu de laquelle l'indemnité pour frais serait comprise en tout ou en partie dans le traitement fixe ou dans la provision.

1

1378 3

Si le voyageur travaille pour le compte de plusieurs employeurs et que la répartition des frais ne soit pas réglée entre eux par écrit, chaque employeur est tenu au remboursement de la même quotité de frais.

4 A intervalles réguliers et en tous cas chaque mois, l'employeur est tenu de faire au voyageur une avance convenable pour ses frais; le solde doit être remboursé à la fin de chaque mois sur la base des relevés de compte du voyageur, à moins qu'un délai plus court n'ait été convenu ou ne soit usuel.

Art. 14.

1 2. véhicules autoSi le voyageur, sur l'ordre de l'employeur, use d'un véhicule mobiles.

automobile pour son service, l'employeur supporte, dans la mesure des déplacements causés par la visite de la clientèle, les frais occasionnés par l'usage et l'entretien .du véhicule, et il est tenu de rembourser à la fin de chaque mois les dépenses qui ressortent des relevés de compte réguliers du voyageur.

2 Lorsque le voyageur se sert de son propre véhicule, l'employeur est tenu de plus au remboursement des impôts qui frappent le véhicule et des primes d'assurance contre la responsabilité civile, ainsi qu'au paiement d'une indemnité équitable pour l'usure du véhicule, dans la mesure où le voyageur l'emploie pour son service.

3 Si le voyageur, sur l'ordre de l'employeur, fait usage d'un véhicule pour son service et qu'il ne soit pas obligatoirement assuré auprès de la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, l'employeur est tenu de l'assurer contre les accidents d'automobile; les prestations de l'assurance doivent comprendre le remboursement des soins médicaux et pharmaceutiques, ainsi qu'une indemnité correspondant, en cas d'incapacité temporaire de travail, à la totalité du salaire perdu, en cas de décès ou d'incapacité totale permanente, au quintuple du salaire de la dernière année.

Art. 15.

1 Droit de rétention En garantie des créances exigibles qui découlent de son contrat, du voyageur. je VOyageur a je (jjoit, conformément aux articles 895 à 898 du code civil, de retenir les choses mobilières et les papiers-valeurs, ainsi que les sommes qui lui ont été versées par des clients en vertu de son droit d'encaissement; lorsque l'employeur est insolvable, le, voyageur peut exercer ce droit même pour la garantie d'une créance non exigible.

2 Le droit de rétention ne peut pas s'exercer sur les abonnements de chemins de fer et autres titres de transport, pas plus que sur les tarifs et listes de clients.

1379 V. FIN DU CONTRAT Art. 16.

1 Lorsque la provision est soumise à des fluctuations saison · Résiliation. Dispositions partinières importantes et constitue un élément essentiel du salaire, le culières.

voyageur qui est engagé depuis la fin de la saison précédente ne peut .être congédié pendant la saison que pour la fin du deuxième mois suivant la résiliation du contrat.

2 Dans les mêmes circonstances, le voyageur qui a été occupé par l'employeur jusqu'à la fin de la saison ne peut dénoncer le contrat avant le début de la saison suivante qu'à la condition d'observer le même délai.

Art. 17.

1 A l'expiration du contrat, toutes les sommes dues au voyageur Droits du voyaau titre de traitement fixe, de provision et de frais de voyage geur' deviennent exigibles, le 3e alinéa étant réservé.

2 La provision est due au voyageur sur toutes les affaires qu'il a conclues, ainsi que sur les offres qui ont été transmises à l'employeur jusqu'à l'expiration du contrat et qui ont été acceptées par lui, quelle que soit la date de leur acceptation et de leur exécution.

3 Pour les affaires dont l'exécution se fait, entièrement ou partiellement, après l'expiration du contrat d'engagement, l'échéance de la provision peut être différée par convention écrite, mais pas de plus de six mois; s'il s'agit d'affaires donnant lieu à des prestations successives, la prorogation peut être d'un an au plus et, pour les contrats d'assurance, de deux ans au plus après l'expiration du contrat.

Art. 18.

1 A l'expiration du contrat, les parties doivent se rendre tous Restitution.

les objets qu'elles se sont confiés pendant la durée de l'engagement, de même que tout ce que l'une d'elles pourrait avoir reçu de tiers pour le compte de l'autre; le droit de rétention des parties est réservé.

2 Le voyageur est tenu de rendre à l'employeur les modèles et les échantillons qui lui ont été remis, de même que les tarifs et listes de clients, véhicules, abonnements de chemins de fer et autres titres de transport, ainsi que les avances faites sur son traitement, ses provisions et ses frais de voyage en excédent du montant de ses créances.

3 De son côté, l'employeur est tenu de restituer la sûreté fournie par le voyageur; la sûreté peut être retenue par l'employeur s'il a des prétentions à élever contro le voyageur, mais, à la demande de ce dernier, elle doit être consignée judiciairement.

1380 VI. DISPOSITIONS FINALES

Art. 19.

Dispositions impératives.

1

Les prescriptions des articles 3, 2e alinéa, 6, 9, 1er et 2e alinéas, 1 1 e r 1« alinéa, 13, 14, 1" alinéa, ler l«r aliné 16, 17 et 18 ne peuvent être conventionnellement écartées, ni modifiées au préjudice du voyageur.

2 Est nulle toute disposition conventionnelle qui contreviendrait aux prescriptions imperatives de la loi.

10) 2 alinéa, a ,11,H,

Art. 20.

1 Entrée en vigueur Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la prédé la loi. Adap- sente loi.

tation des an- Sente 1O1.

e ens con ta s.

2 Lencontratst s d'engagement existant au moment de l'entrée en vigueur de cette loi doivent être mis en harmonie avec ses dispositions dans le délai d'une année; passé ce délai, la loi s'applique à tous les contrats visés par elle.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi sur le statut des voyageurs de commerce. (Du 6 décembre 1940.)

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Bundesblatt

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Foglio federale

Jahr

1940

Année Anno Band

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Volume Volume Heft

50

Cahier Numero Geschäftsnummer

4093

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

11.12.1940

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1341-1380

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