Enquête sur les décisions prises par le Conseil fédéral le 23 novembre 2005 concernant Swisscom SA Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 28 mars 2006

2006-1038

4929

Résumé Lors de sa séance spéciale du 23 novembre 2005, le Conseil fédéral a décidé de procéder sans délai à une révision de la loi sur l'entreprise de télécommunications dans le but de permettre à la Confédération de se retirer complètement du capital de Swisscom. En même temps, il a ordonné à Swisscom de renoncer à investir dans des entreprises étrangères de télécommunications et d'affecter les fonds propres disponibles à un rachat d'actions ou à une distribution de dividendes, en respectant un rapport de 60:40 entre le capital propre et les capitaux étrangers.

Les événements en rapport avec ces décisions ont suscité auprès du public l'image d'une procédure chaotique qui a été présentée principalement comme un problème de communication. L'enquête de la Commission de gestion du Conseil national montre toutefois qu'il en va de problèmes fondamentaux qui dépassent largement le cadre d'une simple panne de communication.

Le Conseil fédéral a pris une décision immédiate interdisant à Swisscom d'investir à l'étranger. La Commission de gestion ne comprend pas les raisons de cette précipitation. La décision elle-même était en outre peu claire et trop radicale, au point d'obliger le Conseil fédéral à la relativiser les 2 et 21 décembre 2005. L'injonction faite à Swisscom d'atteindre un rapport de 60:40 entre le capital propre et les capitaux étrangers en procédant à une distribution des fonds propres disponibles manquait elle aussi de clarté et était inapplicable.

La préparation de la séance spéciale du Conseil fédéral était limitée à la question de la cession de la participation majoritaire de la Confédération dans Swisscom. Le Conseil fédéral a pris les décisions relatives aux investissements à l'étranger et à l'affectation des fonds propres disponibles sans les avoir véritablement préparées et sans disposer de bases décisionnelles suffisantes. Les propositions adoptées et l'idée de les assortir d'une menace d'action en responsabilité sont tirées d'un co-rapport extrêmement bref du chef du Département fédéral de la justice et police (DFJP).

Les investigations de la Commission de gestion ont montré qu'en prenant la décision d'interdire à Swisscom de prendre des participations dans des entreprises étrangères de télécommunications, le Conseil fédéral n'a pas respecté le cadre et la procédure qu'il avait
lui-même fixés. Il ne s'est pas tenu aux objectifs stratégiques qu'il avait assignés à Swisscom pour les années 2002 à 2005. Aussi bien la forme absolue de l'interdiction d'investir à l'étranger visant d'une manière générale tout investissement dans une entreprise étrangère de télécommunications que sa forme ­ ultérieurement précisée limitant cette interdiction aux participations à des entreprises étrangères de télécommunications ayant pour mandat d'assurer un service universel ­ étaient contraires aux attentes envers Swisscom et aux objectifs stratégiques en vigueur à l'époque. De plus, la volte-face stratégique n'était pas compatible avec la loi sur l'entreprise de télécommunications. Quant à l'interdiction faite à Swisscom de prendre une participation dans Eircom, le Conseil fédéral a également court-circuité le processus de contrôle de gestion institutionnalisé alors en cours visant à vérifier la conformité de la participation avec les objectifs stratégiques. Le

4930

Conseil fédéral a donc procédé à une évaluation des risques de cette prise de participation projetée sans examen approfondi et sans disposer des bases idoines.

Force est de constater qu'avec les décisions abruptes qu'il a prises le 23 novembre 2005 et en s'immisçant dans le domaine de compétence du conseil d'administration de Swisscom, le Conseil fédéral s'est rendu responsable d'une rupture par rapport aux relations qu'il entretenait jusque-là avec Swisscom dans le cadre du processus de conduite par assignation d'objectifs stratégiques. Il a agi en contradiction avec la distinction des compétences entre les décisions de nature politique et celles concernant la gestion de l'entreprise qu'il avait publiquement exposée à plusieurs reprises, soulignant notamment que les acquisitions de participations sont du ressort exclusif du conseil d'administration de Swisscom. De ce point de vue, le Conseil fédéral a pris une décision au niveau de la gestion de l'entreprise qui ne lui incombait pas.

Le fait que le Conseil fédéral ait auparavant toujours soutenu Swisscom dans la mise en oeuvre de sa stratégie d'investissement à l'étranger tranche avec ses décisions de novembre 2005. Les discussions informelles que le Conseil fédéral a pu avoir au sujet de la participation de Swisscom dans des entreprises étrangères anciennement au bénéfice d'un monopole public depuis l'été 2004, c'est-à-dire depuis la tentative de rachat de Telekom Austria, ne ressortent pas des documents officiels. Ces discussions informelles n'ont de toute évidence pas non plus influé sur la décision concernant Cesky Telecom en 2005. En se basant sur le contrôle de gestion institutionnalisé, les chefs du Département fédéral des finances (DFF) et du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) ont d'ailleurs estimé que ce dernier projet était compatible avec les objectifs stratégiques assignés à Swisscom.

La manière avec laquelle le Conseil fédéral a opéré cette volte-face stratégique a fortement inquiété l'entreprise, la bourse et les actionnaires minoritaires de Swisscom. En assortissant de surcroît son injonction d'une menace d'action en responsabilité à l'encontre des membres du conseil d'administration et de la direction de Swisscom, le Conseil fédéral a désavoué les dirigeants de
l'entreprise. La commission ne comprend absolument pas pourquoi le Conseil fédéral a pu recourir à une telle manoeuvre d'intimidation.

En ce qui concerne la communication et les informations relatives à cette affaire, la Commission de gestion critique qu'une même décision, peu claire il est vrai, ait pu être commentée aussi diversement par différents conseillers fédéraux et qui plus est en contradiction avec la décision du collège gouvernemental du 23 novembre 2005 de confier la responsabilité de l'information au DFF. La commission estime inacceptable la manière dont certains conseillers fédéraux sont intervenus et se sont contredits en public. En communiquant de manière aussi irresponsable, les membres du Conseil fédéral ont porté atteinte à la crédibilité du gouvernement, aussi bien en Suisse qu'à l'étranger, prenant du même coup le risque de causer un préjudice à Swisscom.

4931

Des décisions telles que le changement abrupt de la stratégie de Swisscom ordonné par le Conseil fédéral en novembre 2005 peuvent avoir un effet déstabilisateur durable, aussi bien pour les entreprises de la Confédération conduites par assignation d'objectifs stratégiques que pour leurs actionnaires minoritaires et les divers acteurs du marché.

Par motion, la Commission de gestion invite le Conseil fédéral à prendre des mesures afin d'accorder au rôle de propriétaire échéant à la Confédération l'importance qui lui revient et afin d'instaurer la confiance dans sa conduite stratégique des entreprises de la Confédération. Emettant trois recommandations, la commission invite en outre le Conseil fédéral à réexaminer le droit de donner des instructions en tant qu'instrument lui permettant d'intervenir dans le domaine de compétence du conseil d'administration de Swisscom, à se pencher de manière approfondie sur les procédures et les mécanismes régissant les processus de conduite par assignation d'objectifs stratégiques et à résoudre les problèmes qui grèvent le domaine de la communication.

4932

Table des matières Résumé

4930

Liste des abréviations

4935

1 Introduction 1.1 Motif et objet de l'enquête 1.2 Procédure 1.3 Cadre juridique de l'enquête

4936 4936 4937 4938

2 Chronologie des faits qui ont précédé les décisions du 23 novembre 2005 4939 2.1 Décision prise le 31 août 2005 par le Conseil fédéral 4939 2.2 Préparation de la séance spéciale du 23 novembre 2005 4939 2.3 Décisions prises par le Conseil fédéral le 23 novembre 2005 4940 2.4 Mise en oeuvre des décisions prises par le Conseil fédéral le 23 novembre 2005 4941 3 Rôle de la Confédération en tant que propriétaire 3.1 Processus de gestion 3.2 Influence du Conseil fédéral sur Swisscom en général 3.3 Influence du Conseil fédéral sur la stratégie d'acquisitions de Swisscom à l'étranger 3.3.1 Objectifs stratégiques de 2002 à 2005 et de 2006 à 2009 3.3.2 Processus de contrôle de gestion de la Confédération concernant les projets importants de Swisscom à l'étranger 3.3.3 Résultats du processus de contrôle de gestion dans des cas concrets 4 Constatations et appréciations de la CdG-N concernant le processus décisionnel et les décisions du Conseil fédéral du 23 novembre 2005 4.1 Manque de préparation des décisions relatives aux investissements à l'étranger et à l'affectation des fonds propres disponibles de Swisscom 4.2 Bases décisionnelles insuffisantes 4.3 Manque de clarté du contenu des décisions relatives aux investissements à l'étranger et l'affectation des fonds propres disponibles 4.4 Motifs de décision flous et hétérogènes 4.4.1 Invocation de risques politiques et financiers (d'entreprise) 4.4.2 Rapport entre la décision relative à la participation majoritaire et celle relative à l'interdiction d'investir à l'étranger 4.5 Contradiction avec le cadre et la procédure fixés 4.6 Appréciation de l'urgence d'une décision en matière d'investissement à l'étranger 4.7 Autres contradictions 4.8 Menace d'une action en responsabilité 4.9 Effets de décisions du Conseil fédéral 5 Information du public sur les décisions du 23 novembre 2005 5.1 Chronologie des événements dans la perspective de la communication

4943 4943 4945 4946 4946 4947 4948 4949 4949 4951 4952 4953 4953 4954 4956 4958 4959 4963 4964 4964 4964 4933

5.1.1 Préparatifs relatifs à la communication 5.1.2 Décisions du Conseil fédéral du 23 novembre 2005 en matière de communication 5.1.3 Mise en oeuvre du dispositif d'information et comptes rendus des médias 5.2 Appréciation de la communication par le Conseil fédéral 5.3 Appréciation de la communication par la CdG-N 6 Autres réflexions de nature juridique

4964 4965 4965 4968 4969 4971

7 Evaluation globale

4972

8 Conclusions 8.1 Fiabilité des objectifs stratégiques de la Confédération 8.2 Réexamen du droit de donner des instructions 8.3 Respect des procédures et des principes établis 8.4 Mise au point dans le domaine de la communication

4973 4973 4974 4975 4975

9 Suite des travaux

4976

4934

Liste des abréviations AFF BO CdG-E CdG-N CFF CO Cst.

DETEC DFE DFF DFI DFJP Radio DRS EBITDA FF LET LOGA LParl NZZ RS SWX OLOGA PTT UDC UMTS TDC VoIP

Administration fédérale des finances Bulletin officiel Commission de gestion du Conseil des Etats Commission de gestion du Conseil national Chemins de fer fédéraux Loi fédérale du 30.3.1911 complétant le code civil suisse (livre cinquième: droit des obligations; RS 220) Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18.4.1999 (RS 101) Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Département fédéral de l'économie Département fédéral des finances Département fédéral de l'intérieur Département fédéral de justice et police Schweizer Radio der deutschen und der rätoromanischen Schweiz Earning Before Interest Tax Depreciation and Amortization Feuille fédérale Loi fédérale du 30.4.1997 sur l'organisation de l'entreprise fédérale des télécommunications (RS 784.11) Loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration du 21.3.1997 (RS 172.010) Loi du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (RS 171.10) Neue Zürcher Zeitung Recueil systématique du droit fédéral Bourse suisse, Swiss Exchange Ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration du 25.11.1998 (RS 172.010.1) Entreprise des postes, téléphones et télégraphes Union démocratique du centre Universal Mobile Telecommunications System Telekom Danemark Voix sur protocole Internet

4935

Rapport 1

Introduction

1.1

Motif et objet de l'enquête

Le 23 novembre 2005, le Conseil fédéral a décidé d'élaborer un projet de révision de la loi sur l'entreprise de télécommunications (LET)1 afin de permettre à la Confédération de se désengager entièrement de l'entreprise Swisscom SA (ci-après Swisscom). Il a également pris des décisions concernant les investissements de Swisscom à l'étranger et l'affectation des fonds propres disponibles.

L'annonce de ces décisions a provoqué une grande confusion dans l'opinion publique. Lors de la conférence de presse donnée le 2 décembre 2005, le président de la Confédération a d'ailleurs expressément regretté au nom du Conseil fédéral que l'application de règles d'information pourtant claires ait donné lieu à une telle confusion.

C'est dans ce contexte que les Commissions de gestion des Chambres fédérales ont décidé à leur séance du 7 décembre 2005 d'examiner la démarche suivie par le Conseil fédéral dans cette affaire et de lui demander un rapport sur sa politique d'information. Elles ont ainsi souhaité des éclaircissements d'ordre général sur l'organisation et la coordination de l'information dans les départements, mais aussi plus précisément sur la conception de l'information et la mise en oeuvre des règles fixées dans le cas des décisions du 23 novembre 2005 ainsi que sur les leçons que le Conseil fédéral a tirées de cette affaire.

Constatant que les problèmes ne se limitaient pas au domaine de la communication, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a décidé à sa séance du 15 décembre 2005 de procéder à une enquête plus approfondie. Elle a souhaité que les faits, en particulier leur chronologie, soient établis, que les procédures décisionnelles soient étudiées et que les questions relevant du droit des sociétés anonymes et des télécommunications (dans la LET, notamment) soient examinées.

Le présent rapport décrit les faits et les circonstances qui ont conduit aux décisions du 23 novembre 2005, y compris leur préparation et les éléments sur lesquels le Conseil fédéral s'est appuyé pour se déterminer. La CdG-N y donne son avis sur l'influence exercée par le Conseil fédéral sur Swisscom (au cours des dernières années, et en particulier relativement aux décisions de novembre 2005) et elle rend une appréciation sur les relations du Conseil fédéral avec le public (information et communication).
Ce rapport n'a pas pour but d'étudier par le menu le contenu de chaque décision, ce qui aurait impliqué une analyse détaillée des développements en matière de télécommunications et des investissements opérés par Swisscom: un tel examen n'entre pas dans le cadre de la haute surveillance parlementaire. L'accent est mis sur les processus décisionnels et sur la manière dont les décisions sont prises et communiquées. Cette enquête ne vise pas non plus à discuter la privatisation plus poussée envisagée par le Conseil fédéral, débat qui aura lieu en mai 2006 au Parlement.

1

Loi fédérale du 30.4.1997 sur l'organisation de l'entreprise fédérale de télécommunications (LET; RS 784.11).

4936

1.2

Procédure

L'enquête a été confiée à une sous-commission ad hoc, la sous-commission «Swisscom», dans laquelle chaque groupe parlementaire avait droit à un siège. L'UDC ayant renoncé à y participer, la sous-commission était composée des conseillers nationaux suivants: Christian Waber (président), Hugo Fasel, Edith Graf Litscher, Lucrezia Meier-Schatz et Kurt Wasserfallen.

La sous-commission a entamé ses travaux le 16 décembre 2005, établissant le plan de réalisation de l'enquête et demandant au Conseil fédéral un rapport détaillé concernant les événements survenus avant et après le 23 novembre 2005. Elle a ensuite prié le Conseil fédéral de l'informer sur la manière dont il s'est forgé son opinion au sujet de Swisscom et, en particulier, de lui présenter la stratégie qu'il avait suivie avant le 23 novembre 2005 face aux engagements de Swisscom à l'étranger.

La sous-commission a procédé à une analyse systématique de la documentation dont le Parlement disposait déjà et qui provenait des Commissions de gestion, des Commissions des finances, de la Délégation des finances et des Commissions des transports et des télécommunications. Les documents internes examinés, qui remontent jusqu'au milieu des années 90, ont permis à la sous-commission de se faire une idée assez précise du rôle joué par la Confédération en sa qualité de propriétaire de Swisscom. Les rapports sur les objectifs stratégiques de Swisscom établis chaque année par le Conseil fédéral depuis 2001 à l'intention des Commissions de gestion et des Commissions des finances se sont révélés particulièrement instructifs, de même que les procès-verbaux des entretiens annuels avec la direction de Swisscom et les représentants du DETEC.

Il convient de souligner que la sous-commission a également pu consulter les documents qui ont été établis par le Conseil fédéral et l'administration fédérale en prévision de la décision du 23 novembre 2005 et des décisions subséquentes, notamment toutes les décisions du Conseil fédéral et les documents de travail qui lui étaient destinés, le co-rapport du DFJP, les instructions du 24 novembre 2005 destinées au représentant de la Confédération, etc.

La sous-commission, après avoir analysé la documentation à sa disposition, a entendu les personnes suivantes (par ordre alphabétique, fonction occupée au 23 novembre 2005): Jens
Alder (directeur général de Swisscom), Christoph Blocher (conseiller fédéral en charge du DFJP), Moritz Leuenberger (conseiller fédéral en charge du DETEC), Hans-Rudolf Merz (conseiller fédéral en charge du DFF), Markus Rauh (président du conseil d'administration de Swisscom), Felix Rosenberg (membre du conseil d'administration de Swisscom et représentant de la Confédération), Samuel Schmid (président de la Confédération), Peter Siegenthaler (directeur de l'Administration fédérale des finances), Oswald Sigg (porte-parole du Conseil fédéral) et Hans Werder (secrétaire général du DETEC).

La sous-commission s'est réunie à huit reprises et a adopté le 10 mars 2006 un projet de rapport qui, comme à l'ordinaire, a été soumis au Conseil fédéral pour avis afin d'identifier d'éventuelles erreurs formelles et les informations sensibles dont la publication pourrait poser problème. Le Conseil fédéral a fait part de son avis par écrit le 17 mars 2006.

4937

La CdG-N a approuvé le présent rapport lors de sa séance du 28 mars 2006 et en a décidé la publication.

1.3

Cadre juridique de l'enquête

Les Commissions de gestion, conformément à l'art. 169 de la Constitution (Cst.)2, exercent la haute surveillance sur le Conseil fédéral, l'administration fédérale, les tribunaux fédéraux et les autres organes ou personnes auxquels sont confiées des tâches de la Confédération. Elles exercent leur activité de surveillance principalement sous l'angle de la légalité, de l'opportunité et de l'efficacité (art. 52, al. 2, de la loi sur le Parlement [LParl]3).

Les Commissions de gestion disposent de droits particuliers à l'information pour exercer leurs attributions (art. 150 et 153 LParl). Elles ont notamment le droit d'interroger directement toutes les autorités, services et autres organes assumant des tâches pour le compte de la Confédération et d'obtenir tous les documents et informations dont elles ont besoin. En vertu de l'art. 153, al. 2, LParl, elles peuvent également demander à des personnes ou des services extérieurs à l'administration fédérale qu'ils leur fournissent des renseignements ou des documents.

Les Commissions de gestion peuvent se voir refuser les informations sur lesquelles le collège gouvernemental s'est directement fondé pour prendre une décision ou qui doivent rester secrètes pour des raisons relevant de la sécurité de l'État ou du renseignement (art. 150, al. 2, LParl). Si leur droit à l'information n'est pas suffisant pour leur permettre d'exercer leurs attributions en matière de haute surveillance, elles peuvent charger la Délégation des Commissions de gestion d'élucider une question particulière (art. 153, al. 5, LParl).

La CdG-N constate que son droit à l'information lui a permis de réaliser la présente enquête à sa satisfaction, notamment parce que le Conseil fédéral a présenté les faits clairement dans son rapport et que la sous-commission a eu accès à tous les documents qu'elle jugeait importants. En ce qui concerne le processus de décision au sein du Conseil fédéral, la sous-commission a pu s'entretenir librement le 21 février 2006 avec les conseillers fédéraux cités au ch. 1.2 sans que le principe de la collégialité ne soit remis en question. Il ne faut en outre pas oublier que les décisions du Conseil fédéral ont été expliquées et défendues publiquement à plusieurs reprises par certains conseillers fédéraux et que de nombreuses informations étaient donc déjà connues. La
CdG-N suit par ailleurs étroitement depuis 1999 la gestion des affaires relatives à Swisscom par le Conseil fédéral et disposait donc déjà de nombreux renseignements. Ces informations préalables sont intéressantes en ce sens qu'elles permettent d'éclairer les faits qui se sont produits avant les décisions du 23 novembre 2005. Dans ces conditions, la CdG-N n'a pas eu besoin de donner un mandat à la Délégation des Commissions de gestion.

2 3

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18.4.1999 (RS 101).

Loi du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (RS 171.10).

4938

2

Chronologie des faits qui ont précédé les décisions du 23 novembre 2005

2.1

Décision prise le 31 août 2005 par le Conseil fédéral

Ces dernières années, Swisscom a intensifié ses efforts d'expansion à l'étranger dans le but de compenser le recul prévisible de ses activités nationales. Anticipant une deuxième tentative de rachat de Telekom Austria en été 2005, les chefs du DFF et du DETEC avaient pris la décision de mettre l'objet à l'ordre du jour de la première séance du Conseil fédéral suivant les vacances estivales. La stratégie de Swisscom aurait, de l'avis du DFF et du DETEC, influencé fortement le profil de risques de la participation fédérale: la Confédération se devait dès lors de réexaminer l'avenir de sa participation majoritaire au sein de Swisscom. Après avoir procédé à des analyses complémentaires, Swisscom mit un terme à ce projet en novembre 2005, mais les chefs du DFF et du DETEC avaient déjà décidé en août 2005 d'inscrire la question de la participation de la Confédération dans Swisscom à l'ordre du jour du Conseil fédéral.

Le 30 août 2005, les départements de tutelle ont présenté au Conseil fédéral un document de travail concernant l'avenir de la participation majoritaire de la Confédération au sein de Swisscom. Ce rapport rappelait notamment que, si un projet déposé en 2001 prévoyant d'assouplir cette participation avait été retiré en raison de la situation politique défavorable, la nécessité d'agir avait été alors reconnue par le DFF et le DETEC et restait d'actualité. Les deux départements ont donc demandé au Conseil fédéral s'il convenait ou non de relancer la question de la privatisation. Les raisons principales de repenser la participation majoritaire résidaient dans l'évolution du marché des télécommunications (baisse du chiffre d'affaires découlant du réseau fixe, tassement de la croissance en matière de téléphonie mobile et essor de la téléphonie par Internet, notamment). En outre, le conseil d'administration et la direction du groupe Swisscom continuaient d'estimer que des investissements à l'étranger étaient indispensables pour assurer le développement à long terme de l'entreprise. Ce point de vue était alors conforme aux objectifs stratégiques assignés à Swisscom pour les années 2002 à 2005, aux termes desquels le gouvernement attendait de Swisscom qu'elle procède à des acquisitions qui accroissent durablement la valeur de l'entreprise, qui puissent être gérées efficacement et qui tiennent
suffisamment compte des risques.

Le Conseil fédéral a décidé le 31 août 2005 d'étudier de manière approfondie l'avenir de la participation majoritaire de la Confédération au sein de Swisscom et a chargé les départements concernés de présenter des propositions avant la fin du mois d'octobre.

2.2

Préparation de la séance spéciale du 23 novembre 2005

L'objet «Procédure à suivre concernant Swisscom SA» a été élaboré par le DETEC et le DFF. En raison des incidences boursières de ce dossier, les deux départements responsables ont veillé à ce qu'un nombre restreint de personnes y aient accès. Le secrétaire général du DETEC et le directeur de l'Administration fédérale des finances (AFF) ainsi qu'un expert de chacun des deux départements ont assumé la rédaction du document. Le secrétariat général du Département fédéral de l'économie 4939

(DFE) a également été associé à cette tâche. Les autres départements n'ont pas participé à ces travaux préparatoires et les offices n'ont pas été consultés.

Le 22 novembre 2005, le DFF et le DETEC ont présenté leur rapport, qui entrait dans la catégorie des documents secrets (dits «verts»): personnels et confidentiels, ceux-ci sont remis uniquement aux sept chefs de départements, à la chancelière de la Confédération et aux vice-chanceliers.

Le rapport rédigé par le DFF et le DETEC concernait uniquement la privatisation de Swisscom. Le DFF se déclarait favorable à l'examen d'un désengagement de la Confédération, alors que le DETEC souhaitait en rester au statu quo lors de cette législature. En cas de décision favorable à une cession de la participation majoritaire, le dossier devait être confié au DFF.

Le DFJP a présenté un co-rapport d'un peu plus d'une page, signé par le chef de département dans la nuit du 22 au 23 novembre 2005. Ce document a été remis le mercredi 23 novembre 2005 peu après 7 heures à la Chancellerie fédérale, qui l'a transmis aux destinataires des «documents verts» à 8 heures. Ce matin-là, le Conseil fédéral s'est réuni en séance ordinaire, de 9 heures à 14 h 45. À l'issue de cette séance, une conférence de presse a été donnée par les chefs du DETEC et du DFJP (thèmes abordés: «Via sicura: programme d'action de la Confédération en faveur de la sécurité routière», «Meilleure protection contre les délinquants extrêmement dangereux» et «Protection appropriée par brevet pour les inventions biotechnologiques»). La conférence de presse a eu lieu de 15 heures à 16 h 15.

Le co-rapport du DFJP fixait le calendrier de la privatisation et visait à ce qu'un projet de révision de la LET soit élaboré dans les plus brefs délais. Le DFF serait chargé de présenter au Conseil fédéral avant la fin 2005 un projet qui serait mis en consultation. De plus, le DFJP proposait d'ordonner à Swisscom d'affecter les fonds propres disponibles à un rachat d'actions ou au versement de dividendes aux actionnaires, en respectant un rapport de 60:40 entre le capital propre et les capitaux étrangers. Enfin, le rapport prévoyait d'interdire à Swisscom toute participation dans une entreprise étrangère de télécommunications sous peine d'une action en responsabilité à l'encontre des membres du conseil d'administration
et de la direction de Swisscom.

Le Conseil fédéral a traité cet objet lors de sa séance spéciale du 23 novembre 2005, dont l'ordre du jour comptait également un autre objet. Cette séance a débuté à 17 heures et s'est terminée à 19 heures.

2.3

Décisions prises par le Conseil fédéral le 23 novembre 2005

Lors de sa séance spéciale du 23 novembre 2005, le Conseil fédéral a pris les décisions suivantes: «1. Un projet de révision de la loi sur l'entreprise de télécommunications sera élaboré, dans le but de permettre un retrait total de la Confédération du capital de Swisscom. Le DFF a été chargé de présenter au Conseil fédéral, avant la fin de 2005, un projet destiné à la consultation et aux termes duquel le Conseil fédéral recevrait la compétence de renoncer à la participation majoritaire de la Confédération à Swisscom;

4940

2.

en sa qualité d'actionnaire majoritaire, le Conseil fédéral ordonne à Swisscom de renoncer à investir dans une entreprise étrangère de télécommunications. Le non-respect de cette décision entraînerait une action en responsabilité à l'encontre des membres du conseil d'administration et de la direction de l'entreprise;

3.

en sa qualité d'actionnaire majoritaire, le Conseil fédéral ordonne à Swisscom d'affecter les fonds propres disponibles à un rachat d'actions ou à une distribution de dividendes, en respectant un rapport de 60:40 entre le capital propre et les capitaux étrangers.»

Le Conseil fédéral a décidé de ne pas faire figurer le ch. 2 dans la décision du Conseil fédéral et de le consigner uniquement dans le procès-verbal de la séance.

2.4

Mise en oeuvre des décisions prises par le Conseil fédéral le 23 novembre 2005

Immédiatement après la séance spéciale, le chef du DFF a téléphoné au président du conseil d'administration de Swisscom pour l'informer des trois décisions qui venaient d'être prises.

Le jeudi 24 novembre 2005, à 8 heures, le conseil d'administration de Swisscom a tenu une conférence téléphonique. Il a décidé de demander au Conseil fédéral des instructions écrites précisant la volonté de l'actionnaire majoritaire, avant de tenir une seconde conférence téléphonique à 16 heures. Le président du conseil d'administration a transmis cette requête au chef du DFF vers 10 heures, qui a ensuite informé lui-même le représentant de la Confédération par téléphone.

Instructions du représentant de la Confédération au sein du Conseil d'administration de Swisscom Dans le courant de l'après-midi, le chef du DFF a remis au représentant de la Confédération deux versions des instructions écrites. Ces deux textes divergeaient uniquement sur l'action en responsabilité et ne portaient que la signature du chef du DFF. Le chef du DETEC n'a signé ultérieurement que la version qui ne comportait pas la phrase concernant l'action en responsabilité. Les instructions signées par les deux chefs de département ne correspondaient donc pas sur ce point à la décision du Conseil fédéral. Les instructions données à Swisscom sont les suivantes: «1. Le représentant de la Confédération, dans le but de protéger les intérêts de l'actionnaire majoritaire de l'entreprise, doit demander la réunion immédiate du conseil d'administration à son président. Les points suivants doivent être mis à l'ordre du jour de cette réunion: a. Swisscom SA doit renoncer à investir dans des entreprises étrangères de télécommunications; b. les fonds propres disponibles de Swisscom SA doivent être redistribués aux actionnaires.

2.

Le représentant de la Confédération doit en outre: a. voter contre toute participation de Swisscom SA dans des entreprises étrangères ­ en particulier Eircom ­ jusqu'à nouvel ordre et argumenter en ce sens au sein du conseil d'administration; 4941

b.

c.

informer le conseil d'administration du fait qu'une telle participation n'est pas dans l'intérêt de l'actionnaire majoritaire à l'heure actuelle; voter pour une redistribution des fonds propres disponibles aux actionnaires et argumenter en ce sens au sein du conseil d'administration.»

Concrétisation des décisions du Conseil fédéral du 23 novembre 2005 A la demande du conseil d'administration de Swisscom, une séance a eu lieu le 29 novembre 2005, réunissant les chefs du DFF et du DETEC ainsi qu'une délégation du conseil d'administration. Le président de cet organe a tenu les propos suivants concernant les décisions du conseil d'administration du 27 novembre 2005: ­

Le conseil d'administration n'a pas suivi les instructions du représentant de la Confédération parce qu'elles sont contraires aux objectifs stratégiques assignés à Swisscom SA par le Conseil fédéral, qu'elles ne sont pas suffisamment motivées et qu'elles représentent une ingérence grave dans ses affaires.

­

Le conseil d'administration considère qu'il est nécessaire de réviser le projet des «Objectifs stratégiques assignés à Swisscom SA par le Conseil fédéral de 2006 à 2009».

­

Jusqu'à l'entrée en vigueur des objectifs stratégiques 2006 à 2009, le conseil d'administration ne consentira aucun investissement dans des entreprises étrangères de télécommunications ­ notamment Eircom.

­

En vue de la rédaction définitive des nouveaux objectifs stratégiques assignés à Swisscom, le conseil d'administration attend du Conseil fédéral qu'il lui fournisse, à titre de mesure urgente, une interprétation minimale préliminaire et contraignante des décisions du 23 novembre 2005 concernant la stratégie d'investissement de Swisscom à l'étranger.

C'est seulement lors de cette réunion du 29 novembre 2005 que la décision du Conseil fédéral a été limitée aux entreprises de télécommunications ayant un mandat de service universel. Swisscom a contribué de manière décisive à cette interprétation restrictive.

Les chefs du DFF et du DETEC étaient d'avis que la procédure proposée par le président du conseil d'administration était adéquate; ils approuvaient en particulier la suspension temporaire de tout investissement de Swisscom dans des entreprises étrangères de télécommunications ayant un mandat de service universel, ainsi que l'adaptation des objectifs stratégiques à la décision du Conseil fédéral du 23 novembre 2005.

Sur proposition du DFF et du DETEC, le Conseil fédéral a pris les décisions suivantes le 2 décembre 2005: 1.

4942

L'interprétation minimale préliminaire suivante de la décision du 23 novembre 2005 du Conseil fédéral concernant la stratégie d'investissement de Swisscom à l'étranger est correcte: «Le Conseil fédéral, se fondant sur la loi sur l'entreprise de télécommunications, reformulera d'ici 2006 les objectifs stratégiques assignés à Swisscom de 2006 à 2009. Il y précisera que Swisscom ne peut prendre aucune participation à l'étranger dans des entreprises de télécommunications ayant un mandat de service universel (réseau fixe et/ou téléphonie mobile).» La précision entre parenthèses a été retirée du texte le 21 décembre 2005.

2.

Il attend pour sa séance du 21 décembre 2005 une proposition de rédaction des objectifs stratégiques assignés à Swisscom de 2006 à 2009.

Respectant la décision du Conseil fédéral du 2 décembre 2005, le conseil d'administration de Swisscom a pris la décision de renoncer à toute tentative de reprise d'Eircom, décision qui a été rendue publique le 5 décembre 2005.

Les nouveaux objectifs stratégiques de la Confédération concernant sa participation dans Swisscom de 2006 à 2009 Le projet existant a été modifié en fonction des décisions des 23 novembre et 2 décembre 2005, conformément au consensus trouvé avec Swisscom.

En ce qui concerne les coopérations et prises de participation, le Conseil fédéral précise dans les objectifs stratégiques de 2006 à 2009 qu'il attend de Swisscom qu'elle «1. ne prenne des participations que si celles-ci contribuent à garantir ou à accroître durablement la valeur de l'entreprise, peuvent être gérées de manière professionnelle et sont décidées en tenant suffisamment compte des risques; 2.

ne prenne aucune participation à l'étranger dans des entreprises de télécommunications ayant un mandat de service universel. D'autres prises de participation à l'étranger sont en revanche possibles si elles renforcent l'activité principale de l'entreprise en Suisse ou si elles obéissent à une autre forme de stratégie industrielle;

3.

prenne des participations en Suisse pour garantir sa compétitivité.»

Le Conseil fédéral a approuvé les objectifs stratégiques pour 2006 à 2009 le 21 décembre 2005.

Début de la consultation sur le retrait de la Confédération du capital de Swisscom Le Conseil fédéral a ouvert la consultation le 25 janvier 2006. Les milieux intéressés avaient jusqu'au 6 mars 2006 (délai raccourci) pour se prononcer sur le retrait de la Confédération et sur d'éventuelles mesures d'accompagnement. Le Conseil fédéral présentera son message au Parlement le 5 avril 2006.

3

Rôle de la Confédération en tant que propriétaire

3.1

Processus de gestion

La Confédération dispose en sa qualité d'actionnaire majoritaire des instruments suivants pour défendre ses intérêts de propriétaire: la majorité des voix à l'assemblée générale (élection et révocation des membres du conseil d'administration y compris), les objectifs stratégiques du Conseil fédéral et l'influence exercée sur le représentant de la Confédération au sein du conseil d'administration.

Le rôle de propriétaire exercé par la Confédération est réglé dans la LET. Depuis 1998, un processus de gestion bien défini s'est développé entre la Confédération et Swisscom de manière à permettre une conjonction de ces trois instruments. Ainsi,

4943

des objectifs peuvent être fixés, leur réalisation contrôlée et d'éventuelles mesures correctives entreprises.

Le Conseil fédéral vérifie la réalisation des objectifs stratégiques assignés à Swisscom selon un processus de contrôle de gestion annuel institutionnalisé (contrôle au niveau stratégique). Le conseil d'administration de Swisscom rend compte de la réalisation de ses objectifs stratégiques au premier trimestre de chaque année. Le rapport suit une systématique et comprend des indicateurs.

­

Dans une première phase, le rapport est discuté par le DFF et le DETEC (les départements de tutelle) ainsi que par le conseil d'administration de Swisscom, ce qui permet de répondre à d'éventuelles demandes d'informations supplémentaires.

­

Dans une deuxième phase, les deux départements concernés rendent compte au Conseil fédéral de la réalisation des objectifs stratégiques.

­

Dans une troisième phase, le Conseil fédéral se prononce sur ce point et sur les propositions du conseil d'administration à l'assemblée générale de Swisscom.

Si nécessaire, le Conseil fédéral peut également décider d'adapter les objectifs. Le rapport du Conseil fédéral est remis aux Commissions de gestion et aux Commissions des finances des Chambres fédérales, qui apprécient, dans le cadre de leurs activités de haute surveillance, la manière dont le Conseil fédéral exerce son rôle de propriétaire.

En dehors de ce processus annuel, des entretiens trimestriels réunissent le conseil d'administration de Swisscom et la Confédération. Les personnes suivantes y participent: le secrétaire général du DETEC et le directeur de l'AFF (accompagnés d'un collaborateur chacun) ainsi que le président du conseil d'administration, le représentant de la Confédération au sein du conseil d'administration et le directeur général de Swisscom. D'autres représentants de l'entreprise y participent également en fonction des sujets traités. Les représentants du DETEC et de l'AFF informent les chefs du DETEC et du DFF sur les points importants. Ceux-ci s'entretiennent si nécessaire directement avec les représentants de Swisscom (en règle générale le président du conseil d'administration). Par ailleurs, les représentants du secrétariat général du DETEC et du DFF ont un entretien avec le représentant de la Confédération au sein du conseil d'administration avant chaque réunion de cet organe.

Les entretiens réguliers menés avec Swisscom permettent à la Confédération d'être informée suffisamment tôt sur les affaires en cours et sur les projets importants. Les objectifs stratégiques fixés par le Conseil fédéral sont toujours des éléments de référence.

Conclusion: Les considérations qui précèdent montrent qu'un processus de gestion professionnel et transparent s'est établi entre Swisscom et son propriétaire. La CdG-N tient à préciser que, grâce à ce processus de gestion, les intérêts de la Confédération en tant que propriétaire sont bien pris en compte. La CdG-N a pu constater par elle-même à l'occasion de son activité de haute surveillance que les rapports entre le Conseil fédéral et Swisscom ont été empreints de confiance mutuelle ces dernières années. À son avis, les processus de gestion et les entretiens mentionnés plus haut ont permis, avant le 23 novembre 2005, de conjuguer harmonieusement les intérêts politiques et économiques des deux bords, dans le respect des contraintes et des analyses des uns et des autres.

4944

3.2

Influence du Conseil fédéral sur Swisscom en général

En sa qualité de propriétaire de Swisscom, la Confédération doit respecter les compétences prévues par la LET et les statuts de Swisscom. On peut distinguer deux cas de figure dans lesquelles une influence directe a été exercée sur Swisscom.

Affaires relevant de la compétence de l'assemblée générale Lorsqu'une affaire relève de la compétence de l'assemblée générale ­ modification des statuts, par exemple ­ la Confédération a la responsabilité, en tant qu'actionnaire majoritaire, de prendre une décision. Dans un tel cas de figure, le Conseil fédéral examine dans le détail la proposition du conseil d'administration, prenant si nécessaire l'avis d'un expert externe. Le Conseil fédéral édicte alors un arrêté formel, que le représentant de la Confédération doit défendre à l'assemblée générale. On peut citer pour exemple la participation de Swisscom aux enchères UMTS en Allemagne en l'an 2000 (augmentation de capital) ou la reprise manquée de Telekom Austria en été 2004 (modification des statuts).

Affaires relevant de la compétence du conseil d'administration En principe, le Conseil fédéral ne se mêle pas des affaires qui, conformément à la loi et aux statuts, relèvent de la compétence du conseil d'administration. Toutefois, le représentant de la Confédération informe le DETEC et le DFF de manière détaillée lorsqu'il s'agit d'affaires importantes. S'ils l'estiment nécessaire, les responsables des dossiers dans les deux départements de tutelle se font remettre les documents pertinents ou s'entretiennent directement avec la direction et une délégation du conseil d'administration. Ils peuvent exprimer leurs attentes, poser des questions critiques ou faire des commentaires lors de ces entretiens.

Ces informations sont recueillies dans le but de permettre au Conseil fédéral de donner des instructions au représentant de la Confédération, comme les statuts de Swisscom l'y autorisent. Ce pouvoir d'instruction dans le cas de Swisscom est unique et n'existe pas pour les autres entreprises de la Confédération. En raison de la responsabilité liée à ces instructions (art. 762, al. 4, CO4), le Conseil fédéral a eu une pratique très restrictive en la matière. Il s'est réservé le droit de donner des instructions formelles à son représentant dans deux types de situations: 1.

décisions qui sont en contradiction avec les objectifs stratégiques ou pourraient l'être;

2.

décisions qui revêtent une grande portée politique, indépendamment de leur importance stratégique ou financière.

Par ailleurs, le Conseil fédéral a conclu avec Swisscom en octobre 2001 un accord visant à préserver les intérêts de la Confédération. Celui-ci prévoit que le conseil d'administration ne peut céder des éléments essentiels de l'entreprise sans l'assentiment du Conseil fédéral. Sont considérés comme telles les filiales Fixnet, Mobile, Solutions et Broadcast.

4

Loi fédérale du 30.3.1911 complétant le code civil (livre cinquième: droit des obligations), CO, RS 220.

4945

Conclusion: Le Conseil fédéral n'a jamais donné d'instructions formelles à son représentant avant le 23 novembre 2005. La CdG-N a même pu constater que les décisions du conseil d'administration ont toujours respecté la volonté de l'actionnaire principal, dans la mesure où la Confédération avait fait valoir ses intérêts.

3.3

Influence du Conseil fédéral sur la stratégie d'acquisitions de Swisscom à l'étranger

La CdG-N a observé l'évolution des investissements de Swisscom à l'étranger depuis les années 90 (donc aussi avant la réforme des PTT en 1998). Afin de concentrer les travaux de recherche sur l'objet étudié, seules les informations relevant de la période qui commence à l'entrée en vigueur des objectifs stratégiques de 2002 à 2005 sont présentées ci-après.

3.3.1

Objectifs stratégiques de 2002 à 2005 et de 2006 à 2009

Le Conseil fédéral définit pour quatre ans les objectifs stratégiques assignés à Swisscom (art. 6 LET). Ces objectifs comprennent aussi des lignes directrices en matière de coopérations et de prises de participation à l'étranger. Le Conseil fédéral a élaboré à ce jour des objectifs stratégiques pour les périodes de 1998 à 2001, de 2002 à 2005 et de 2006 à 2009.

Période de 2002 à 2005 Les objectifs stratégiques de 2002 à 2005 prévoient en matière de coopérations et de prises de participation que Swisscom «1. mette tout en oeuvre ­ en concluant de manière ciblée des prises de participation et partenariats stratégiques en vue d'assurer sa compétitivité en Suisse ­ pour préserver la valeur intrinsèque de l'entreprise et l'accroître durablement; 2.

observe systématiquement les évolutions des marchés sur le plan international, identifie et évalue les différentes opportunités et ne prenne de nouvelles participations au niveau de la société de holding ou des entreprises du groupe que si elles contribuent à accroître durablement la valeur de l'entreprise, peuvent être gérées efficacement et tiennent suffisamment compte des risques.»

Au vu des possibilités limitées de croissance sur le marché intérieur, le Conseil fédéral attendait de Swisscom qu'elle examine de manière ciblée les participations en Suisse et à l'étranger à même d'assurer la capacité concurrentielle de l'entreprise.

La stratégie d'acquisitions de Swisscom entre 2002 et 2005 a consisté à gérer son portefeuille (vente en 2004 de sa participation dans Debitel, qui avait été acquise en 1999) et à se concentrer sur le marché intérieur, tout en étudiant activement les possibilités d'investissements à l'étranger. Swisscom cherchait surtout des fournisseurs de télécommunications pérennes, en particulier d'anciens monopoles publics (opérateurs en place). Depuis 2001, elle a analysé et évalué de nombreuses entreprises étrangères, leur appliquant des critères de sélection très stricts. Si l'on excepte le 4946

rachat d'Antenna Hungaria en 2005 et la création de Swisscom Eurospot en 2003, Swisscom n'a pas fait d'acquisitions importantes à l'étranger ­ dans la très grande majorité des cas, parce que les critères de sélection n'étaient pas remplis. Les tentatives de reprise de Telekom Austria en août 2004, de Cesky Telecom en mars 2005, de Telekom Austria en été 2005 et d'Eircom en novembre 2005 ont échoué seulement dans la phase décisionnelle.

Période de 2006 à 2009 Les objectifs stratégiques de 2006 à 2009 prévoient en matière de coopérations et de prises de participation que Swisscom «1. ne prenne des participations que si celles-ci contribuent à garantir ou à accroître durablement la valeur de l'entreprise, peuvent être gérées de manière professionnelle et sont décidées en tenant suffisamment compte des risques; 2.

ne prenne aucune participation à l'étranger dans des entreprises de télécommunication ayant un mandat de service universel. D'autres prises de participation à l'étranger sont en revanche possibles si elles renforcent l'activité principale de l'entreprise en Suisse ou si elles obéissent à une autre forme de stratégie industrielle;

3.

prenne des participations en Suisse pour garantir sa compétitivité.»

Le projet d'objectifs stratégiques de 2006 à 2009 élaboré par le secrétariat général du DETEC, l'AFF et Swisscom et présenté le 5 octobre 2005 pour avis aux Commissions des transports et des télécommunications se fondait sur les objectifs stratégiques de la période précédente. Il prévoyait que Swisscom pouvait prendre des participations dans des entreprises étrangères de télécommunications pour autant qu'elles contribuent à maintenir ou à accroître durablement la valeur de l'entreprise, qu'elles puissent être gérées efficacement et qu'elles tiennent suffisamment compte des risques. Il ne contenait pas d'autre restriction, telle l'interdiction de prendre des participations dans des entreprises de télécommunication étrangères ayant un mandat de service universel.

Conclusion: La CdG-N constate que les objectifs prévus par le Conseil fédéral pour les années 2002 à 2005 concernant les prises de participation de Swisscom à l'étranger étaient formulés de manière stricte et restrictive.

3.3.2

Processus de contrôle de gestion de la Confédération concernant les projets importants de Swisscom à l'étranger

Au vu de la stratégie toujours plus active de Swisscom et de ses tentatives de reprise d'entreprises étrangères, un processus de contrôle de gestion institutionnalisé a été mis en place en 2004 par le DETEC et le DFF afin de vérifier la conformité des projets de Swisscom à l'étranger relevant de la compétence du conseil d'administration avec les objectifs stratégiques. Cette mesure a été prise dans l'idée que des instructions pouvaient être données au représentant de la Confédération au sein du conseil d'administration au cas où la Confédération aurait des doutes sérieux concernant un projet donné (voir ch. 3.2).

4947

Dans le cadre des contacts réguliers entre Swisscom et les responsables du secrétariat général du DETEC et de l'AFF, les acquisitions de l'entreprise à l'étranger étaient évoquées. Pour chaque investissement important prévu à l'étranger, le conseil d'administration devait remettre à l'AFF et au secrétariat général du DETEC une prise de position écrite établissant la conformité du projet avec les objectifs stratégiques assignés à Swisscom par le Conseil fédéral (document appelé «déclaration de conformité»). L'AFF et le secrétariat général du DETEC étudiaient cette déclaration, rédigeaient un avis général sur l'investissement projeté et adressaient aux chefs du DFF et du DETEC une note résumant la situation et comprenant un commentaire concernant d'éventuelles instructions au représentant de la Confédération. Les deux chefs de département décidaient ensuite de mettre ou non l'affaire à l'ordre du jour du Conseil fédéral et de donner ou non des instructions au représentant de la Confédération.

En raison de la haute confidentialité et des incidences boursières potentielles de ces informations, seuls les chefs du DFF et du DETEC ainsi que deux collaborateurs de l'AFF et deux collaborateurs du secrétariat général du DETEC étaient au courant. La CdG-N est d'avis que ce processus de contrôle de gestion touche aux limites du principe de l'égalité de traitement entre les actionnaires. Aussi bien Swisscom que le DETEC et le DFF ont cependant affirmé que cette pratique n'a jamais posé de problème.

3.3.3

Résultats du processus de contrôle de gestion dans des cas concrets

Lors de la tentative de rachat de Cesky Telecom, ancien monopole public et opérateur principal du marché en République tchèque, au printemps 2005, les chefs du DFF et du DETEC, se fondant sur la note de l'AFF et du secrétariat général du DETEC, ont décidé de ne pas faire de proposition au Conseil fédéral et de ne pas donner d'instructions au représentant de la Confédération. Swisscom a participé aux enchères pour le rachat de Cesky Telecom, mais c'est l'opérateur espagnol Telefonica qui a remporté le marché.

Dans le cas de la seconde tentative de Swisscom visant une participation dans l'opérateur autrichien Telekom Austria en été 2005, les chefs du DFF et du DETEC, après avoir étudié la note de l'AFF et du secrétariat général du DETEC, ont décidé en juin 2005 de mettre l'affaire à l'ordre du jour du Conseil fédéral à sa première séance après les vacances estivales. En raison de la dimension politique du projet, le conseil d'administration estimait qu'il était indispensable que la stratégie de Swisscom soit approuvée par l'actionnaire majoritaire. Le conseil d'administration n'aurait consenti au rachat de Telekom Austria qu'avec l'assentiment du Conseil fédéral. Swisscom a dû réévaluer la situation en août 2005 après que le gouvernement autrichien ait confirmé son refus de coopérer. Le conseil d'administration a alors décidé d'examiner la possibilité de créer un consortium. Aucune proposition n'a donc été déposée au Conseil fédéral de donner des instructions au représentant de la Confédération dans le cadre d'une participation de Swisscom dans Telekom Austria. Lorsqu'en novembre 2005, il s'est avéré que la voie du consortium n'était pas viable, Swisscom a renoncé au projet. Les chefs du DFF et du DETEC avaient toutefois déjà décidé en août 2005 d'inscrire à l'ordre du jour la question de la

4948

participation majoritaire de la Confédération dans Swisscom, les notes de discussion du 30 août 2005 concrétisant cette décision.

Lors de la tentative du printemps 2005 de racheter Eircom, entreprise irlandaise de télécommunication privatisée en 1999, le processus de contrôle de gestion institutionnalisé était déjà amorcé. Le conseil d'administration a présenté son appréciation de la conformité du projet Eircom avec les objectifs stratégiques dans une lettre au Conseil fédéral datée du 24 novembre 2005. Cependant, après avoir pris connaissance de la décision du Conseil fédéral du 23 novembre 2005, le DETEC et le DFF n'ont plus procédé à aucune analyse dans le cadre du processus de contrôle de gestion institutionnalisé et le conseil d'administration a décidé de mettre un terme à son projet de rachat.

La Confédération ne s'est pas préoccupée des investissements consentis dans Antenna Hungaria et dans la création de Swisscom Eurospot, qui étaient de moindre importance du fait de leur dimension financière modeste et qui ne posaient pas de problème sur le plan politique.

Il convient de préciser que la fusion envisagée avec Telekom Austria en août 2004 aurait nécessité une décision de l'assemblée générale de Swisscom. Elle ne tombait donc pas sous le coup du processus de contrôle de gestion institutionnalisé en 2004.

L'administration avait préparé à cet effet, conformément à la procédure décrite au ch. 3.2 pour un examen approfondi, une proposition destinée au Conseil fédéral.

Celui-ci s'est entretenu de cette affaire avant les vacances estivales de 2004 de manière informelle (elle n'avait pas été mise à l'ordre du jour). Les négociations entre Swisscom et Telekom Austria ayant échoué, le projet n'a jamais été mis à l'ordre du jour du Conseil fédéral.

Conclusion: La CdG-N constate que le processus de contrôle de gestion institutionnalisé en 2004 concernant les investissements étrangers importants de Swisscom a bien fonctionné et qu'aucun des cas étudiés, y compris Eircom, n'est arrivé au stade d'une proposition formelle au Conseil fédéral. Le gouvernement n'a pas non plus discuté formellement du rachat de Telekom Austria en 2004, projet politiquement contesté. Les entretiens informels et personnels entre les membres du Conseil fédéral avant le 23 novembre 2005 n'ont pas influencé les décisions du Conseil fédéral.

4

Constatations et appréciations de la CdG-N concernant le processus décisionnel et les décisions du Conseil fédéral du 23 novembre 2005

4.1

Manque de préparation des décisions relatives aux investissements à l'étranger et à l'affectation des fonds propres disponibles de Swisscom

Pour la séance du Conseil fédéral du 23 novembre 2005, les deux départements responsables, soit le DETEC et le DFF, n'ont préparé que la question de la participation majoritaire de la Confédération dans Swisscom. Toutes les informations contextuelles, analyses et variantes élaborées en vue de la décision étaient axées sur la question de savoir si, et le cas échéant quand et comment, le Conseil fédéral devait lancer un nouveau projet d'assouplissement de la participation majoritaire de la Confédération dans Swisscom. La CdG-N estime que, sur ce point, les préparatifs des deux départements étaient sérieux. Ce qui ne l'était pas, c'est que le Conseil 4949

fédéral a suivi la proposition du DFJP et, dans le but d'accélérer le projet de privatisation, a décidé de rédiger pour fin 2005 un projet destiné à la procédure de consultation. Il s'est toutefois avéré qu'il n'était pas possible d'élaborer un tel projet en si peu de temps. Ci-après, le rapport n'approfondira plus la question de l'appréciation de la décision concernant la participation majoritaire de la Confédération de manière spécifique.

Le DETEC et le DFF n'ont entrepris aucun préparatif concernant l'injonction que le Conseil fédéral a faite à Swisscom lui ordonnant de renoncer à investir dans une entreprise étrangère de télécommunications et d'affecter les fonds propres disponibles à un rachat d'actions ou à une distribution de dividendes. L'origine et le contenu de ces décisions se trouvent dans le co-rapport du DFJP.

En raison de l'incidence boursière de l'objet, le DFF et le DETEC n'ont remis leurs notes de discussion aux destinataires des affaires dites vertes (voir ch. 2.2) que le 22 novembre 2005. Le co-rapport du DFJP, également rédigé dans l'urgence, a été remis aux membres du Conseil fédéral alors qu'ils se rendaient à leur séance ordinaire. En raison de ces préparatifs de dernière minute et des affaires courantes traitées par le Conseil fédéral, il est établi qu'au moins un conseiller fédéral n'a pris connaissance de ce co-rapport que lors de la séance spéciale. A cela s'ajoute le fait que les responsables du dossier au DETEC et au DFF n'ont reçu le co-rapport classé confidentiel et adressé aux conseillers fédéraux en personne que dans le courant de l'après-midi du 23 novembre 2005. Ils n'ont donc pas eu la possibilité de discuter de manière approfondie des nouvelles propositions du DFJP avec le chef de leur département respectif. Les responsables du dossier de l'un des deux départements sont tout juste parvenus à rendre leur conseiller fédéral attentif au fait que, tel qu'il était proposé, le projet relatif à l'interdiction d'investir à l'étranger et l'obligation d'affecter les fonds propres à un rachat d'actions ou à une distribution de dividendes n'était pas ficelé de manière optimale et qu'il vaudrait mieux améliorer la base de décision pour la prochaine séance. Les responsables de l'autre département n'ont plus eu suffisamment de temps pour contacter leur conseiller fédéral.
Dans son avis sur le projet de rapport qu'il a fait parvenir le 17 mars 2006 (voir ch. 1.2), le Conseil fédéral a précisé que, avant le 23 novembre 2005, il s'était penché huit fois en un an et demi sur la question de la participation majoritaire de la Confédération dans Swisscom et des investissements de celle-ci à l'étranger. La CdG-N conteste aussi bien le nombre de ces discussions que le rôle qu'elles ont pu jouer dans la préparation des décisions du 23 novembre 2005. Lors des entretiens du 21 février 2006, les conseillers fédéraux entendus ont fait état de quatre à onze discussions informelles. La CdG-N constate que celles-ci ne font l'objet d'aucun document écrit. En tout état de cause, de telles discussions informelles et en partie bilatérales entre conseillers fédéraux n'ont jamais été prises en compte dans la préparation des décisions relatives aux investissements à l'étranger et à l'affectation des fonds propres disponibles. Comme cela a déjà été relevé, la préparation a exclusivement porté sur la question de la participation majoritaire de la Confédération dans Swisscom.

4950

4.2

Bases décisionnelles insuffisantes

La qualité des bases décisionnelles est étroitement liée à la question de l'état de préparation de la décision.

Les notes de discussion du DETEC et du DFF étaient entièrement axées sur la question de l'avenir de la participation majoritaire de la Confédération dans Swisscom. Les propositions de renoncer à investir dans une entreprise étrangère de télécommunications et d'engager une action en responsabilité en cas de non-respect de cette injonction ainsi que l'idée de donner l'ordre de distribuer les fonds propres disponibles émanent du chef du DFJP qui les a résumées et très brièvement motivées dans un co-rapport succinct. Les motifs indiqués n'allaient pas au-delà des informations et évaluations contenues dans les notes de discussion.

Le co-rapport du DFJP est l'unique document écrit à la base des décisions lourdes de conséquences du Conseil fédéral quant à l'engagement de Swisscom à l'étranger et à sa politique en matière d'affectation des bénéfices. Il n'est donc pas étonnant qu'elles aient surpris les personnes en dehors de l'environnement restreint du Conseil fédéral. Il est plus que probable que certains membres du Conseil fédéral aient été eux-mêmes sous le coup de la surprise5. La procédure permet tout à fait de soumettre des co-rapports et des propositions au début, voire durant une séance du Conseil fédéral. Il appartient au Conseil fédéral d'estimer dans quelle mesure cette procédure peut entraîner ou provoquer des décisions hâtives.

En ce qui concerne l'évaluation de la reprise d'Eircom du point de vue de sa conformité avec la stratégie de Swisscom, le Conseil fédéral ne disposait d'aucune base spécifique au moment de prendre sa décision. Il ne disposait que d'une évaluation empreinte de scepticisme de la stratégie d'investissement de Swisscom à l'étranger datant de l'été 2004. Dans le cas d'Eircom, le doute a certainement été renforcé par les évaluations et les rumeurs majoritairement négatives fondées sur les informations publiées par la presse en octobre / novembre 2005 sur les projets d'acquisition de Swisscom concernant Eircom, mais aussi d'autres candidats au rachat. Le Conseil fédéral ne disposait toutefois pas des résultats du processus de contrôle de gestion institutionnalisé alors en cours quant à la conformité du rachat avec les objectifs stratégiques. Le 23 novembre 2005,
Swisscom n'avait pas encore remis de déclaration de conformité. De plus, le DFF et le DETEC n'avaient pas encore procédé à l'évaluation approfondie de l'objet.

La CdG-N ne comprend pas comment le Conseil fédéral a pu, le 23 novembre 2005, prendre des décisions si lourdes de conséquences pour l'engagement de Swisscom à l'étranger alors que tant de bases décisionnelles faisaient encore défaut. Les auditions auxquelles la CdG-N a procédé ont montré qu'il y avait également une volonté de trancher un sujet qui faisait l'objet de controverses depuis un certain temps en prenant une décision politique qui devait également permettre de clarifier la situation pour l'entreprise.

Le fait de procéder à une évaluation politique et de prendre une décision politique ne dispense toutefois pas le Conseil fédéral d'une préparation professionnelle et claire, de respecter le cadre donné lors du processus de décision, de choisir le moment et le ton adéquats, d'agir de manière cohérente, de réfléchir aux conséquences de la 5

Le chef du DFF avait en substance déclaré à la «NZZ am Sonntag» qu'en se rendant à la séance spéciale, il n'avait encore aucune idée de la tournure que les événements allaient prendre (NZZ am Sonntag du 27.11.2005).

4951

décision et de veiller à une information appropriée et harmonisée. Il ressort de la suite du présent rapport de la CdG-N que le Conseil fédéral n'a pas rempli ces exigences.

4.3

Manque de clarté du contenu des décisions relatives aux investissements à l'étranger et l'affectation des fonds propres disponibles

Par sa décision du 23 novembre 2005, le Conseil fédéral a ordonné à Swisscom de renoncer à investir dans une entreprise étrangère de télécommunications. La formulation générale et absolue de cette décision a été reprise dans les instructions données au représentant de la Confédération le 24 novembre 2005. Celles-ci comportaient en outre l'injonction de voter, jusqu'à nouvel ordre, contre toute participation ­ notamment dans Eircom. Ce n'est que le 2 décembre 2005 que le Conseil fédéral a précisé que sa décision ne visait que les entreprises étrangères de télécommunications ayant pour mandat d'assurer un service universel. Il ressort textuellement des décisions que le Conseil fédéral a prises le 2 décembre 2005 qu'il s'agissait d'une interprétation minimale de sa propre décision du 23 novembre 2005. C'est Swisscom qui a insisté sur une telle interprétation minimale. La limitation de l'interdiction générale d'investir à l'étranger aux seules entreprises ayant pour mandat d'assurer un service universel est le résultat d'une réunion entre des représentants de Swisscom, du DETEC et du DFF qui a eu lieu le 29 novembre 2005. Swisscom a contribué de manière décisive à cet éclaircissement. Le 21 décembre 2005, en approuvant les objectifs stratégiques modifiés en conséquence, le Conseil fédéral a de nouveau concrétisé l'interprétation minimale décidée par le Conseil fédéral le 2 décembre 2005.

La CdG-N constate que les problèmes qui ont affecté la décision du 23 novembre 2005 relative aux investissements à l'étranger n'ont pas été limités au domaine de la communication, mais ont également touché la décision en tant que telle, et dans une mesure importante qui plus est. Les représentants de Swisscom et les chargés d'information des départements et de la Chancellerie fédérale n'étaient pas les seuls à identifier un besoin d'interprétation, tant il est vrai que le Conseil fédéral lui-même n'était pas d'accord sur le contenu de sa propre décision, ce qui ressort non seulement de l'examen de la CdG-N, mais également des déclarations publiques des conseillers fédéraux après le 25 novembre 2005 (voir ch. 5.1).

La décision du Conseil fédéral relative à l'affectation des fonds propres disponibles manquait elle aussi de précision. Le rapport de 60:40 entre le capital propre et les capitaux étrangers décidé par le
Conseil fédéral aurait condamné Swisscom à rétrécir. C'est également le co-rapport du DFJP qui a fixé ce rapport entre fonds propres et fonds étrangers. De toute évidence, le bilan de Swisscom n'a pas été consulté puisque, bien qu'elle n'ait pas de dette financière à proprement parler, la part de ses fonds étrangers atteignait déjà 50 %. Cette décision également ne pouvait être mise en oeuvre et a par la suite dû être précisée. Le Conseil fédéral a en effet corrigé cette décision le 21 décembre 2005 et a limité l'endettement net à un montant équivalent à une fois et demi l'EBITDA (Earning Before Interest Tax Depreciation and Amortization, soit le résultat opérationnel avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements) selon les comptes consolidés.

4952

De l'avis de la CdG-N, diverses circonstances ont conduit à la décision très peu claire du Conseil fédéral qui, par la suite, n'a pas pu être mise oeuvre comme prévu.

Outre les facteurs mentionnés aux ch. 4.1 et 4.2, la CdG-N est parvenue à la conclusion que l'évaluation que le Conseil fédéral a faite des motifs à l'origine de ses décisions et de leur portée manquait de cohérence.

4.4

Motifs de décision flous et hétérogènes

4.4.1

Invocation de risques politiques et financiers (d'entreprise)

La CdG-N constate que les motifs invoqués pour justifier les décisions relatives à l'interdiction d'investir à l'étranger et à l'affectation des fonds propres disponibles de Swisscom étaient pour le moins hétérogènes.

Les communiqués de presse du Conseil fédéral ne fournissent guère d'informations à ce sujet. Le communiqué du 24 novembre 2005 indique et justifie uniquement les modalités nécessaires à la cession de la participation majoritaire de la Confédération à Swisscom étant donné que seule cette décision y était mentionnée. Les arguments avancés en faveur d'une cession étaient les suivants: d'une part, elle permettrait à Swisscom de contracter des alliances plus facilement, augmentant d'autant sa liberté d'action stratégique et, d'autre part, elle permettrait à la Confédération de ne plus devoir assumer les risques auxquels Swisscom était exposée, de diminuer le niveau des risques financiers majeurs auxquels elle est exposée et de supprimer son double rôle en tant que propriétaire et autorité de régulation dans le domaine des télécommunications.

Le communiqué de presse du 2 décembre 2005 ne contient aucune justification spécifique des objectifs relatifs à la politique d'affectation des fonds propres disponibles de Swisscom ou à l'interdiction d'investir à l'étranger. Quant au communiqué du 21 décembre 2005, il se contente d'indiquer que, en sa qualité d'actionnaire principal, le Conseil fédéral ne veut plus supporter les risques politiques et économiques liés à la reprise d'entreprises de télécommunications ayant pour mandat d'assurer un service universel.

Dans les réponses qu'il a données durant la session d'hiver 2005 aux interpellations urgentes à l'ordre du jour du Conseil national et du Conseil des Etats, le Conseil fédéral a également usé de la formule très générale «risques politiques et financiers».

Le chef du DFF a quelque peu précisé les tenants et aboutissants politiques et financiers le 13 décembre 2005 devant le Conseil des Etats et le 14 décembre 2005 devant le Conseil national6.

Comme cela a déjà été mentionné, c'est en 2004, lors de la tentative de reprise de Telekom Austria, que le Conseil fédéral a pour la première fois fait part de ses réserves politiques envers Swisscom. A l'époque, ces réserves résidaient principalement dans la crainte des problèmes que Swisscom aurait
pu avoir avec les partenaires sociaux autrichiens en raison de la restructuration de Telekom Austria et de la réduction du nombre de postes de travail qui pouvait en découler. Ainsi, la Confédération aurait pu se trouver impliquée dans un conflit du travail en Autriche, créant du même coup des tensions entre les deux Etats. Selon les explications que le chef du 6

BO 2005 E 1115 ss; 2005 N 1879 ss.

4953

DFF a données le 14 décembre 2005 devant le Conseil national, ces réserves découlent également du fait que certaines législations qui s'appliquent à l'étranger prévoient un mandat d'assurer un service universel.

C'est en lisant les articles publiés par la presse au sujet de la décision du 23 novembre 2005 que l'on trouve des éléments plus précis sur l'évaluation du risque financier par le Conseil fédéral et cela uniquement par le truchement des déclarations faites par certains conseillers fédéraux. Les éléments de l'évaluation du risque financier vont de la constatation de l'existence de certains signes de saturation voire de rupture sur le marché des télécommunications aux doutes émis quant à la valeur des actions d'Eircom et à la valeur que cette dernière aurait pu apporter à Swisscom, en passant par la constatation de la tendance à la baisse de l'action Swisscom au cours de 2005. Certains conseillers fédéraux ont également indiqué craindre de voir les fonds propres importants accumulés par Swisscom se perdre dans des participations risquées. Ils ont estimé que la participation majoritaire de la Confédération ­ représentant une valeur boursière de 17 millions de francs ­ constituait un risque financier majeur. Ils ont aussi souligné, en se référant à Debitel, que la Confédération ne doit pas assumer de risques d'entreprise. En relisant les interviews accordées par certains conseillers fédéraux avant la fin de l'année dernière, on trouve également l'avis selon lequel la stratégie de Swisscom qui vise à acquérir une entreprise elle aussi arrivée en fin de croissance sur son marché domestique ne peut pas être couronnée de succès.

Conclusion: La CdG-N ne peut pas faire toute la lumière sur les motifs à l'origine de la décision du 23 novembre 2005 et la manière dont le Conseil fédéral les a pris en compte. L'image qu'elle a pu s'en faire à partir des explications rendues publiques par certains conseillers fédéraux et de sa propre enquête montre une grande hétérogénéité. D'une manière générale, force est de constater que l'accent principal s'est déplacé vers une évaluation financière du risque, ce qui est notamment confirmé par la déclaration émanant de certains membres du collège gouvernemental qui expliquaient, en substance, que le Conseil fédéral avait dû décider en entrepreneur étant donné qu'il
ne s'agissait finalement pas de risques politiques, mais bien de risques financiers colossaux.

L'évaluation financière du risque auquel le Conseil fédéral a procédé n'était cependant pas seulement axée sur le domaine des télécommunications en général ou sur Swisscom en particulier. Elle était en effet largement guidée par l'intérêt financier direct de la Confédération qui a fini par primer. Souhaitant la vente de la participation de la Confédération dans Swisscom, il semblerait que le Conseil fédéral ait décidé de privilégier les caisses fédérales au détriment du développement financier à long terme de l'entreprise.

4.4.2

Rapport entre la décision relative à la participation majoritaire et celle relative à l'interdiction d'investir à l'étranger

Lors de la session d'hiver 2005 déjà, le chef du DFF avait, devant le Conseil des Etats et le Conseil national, qualifié de principale la décision concernant la participation majoritaire de la Confédération.

4954

Les conseillers fédéraux entendus dans le cadre de la présente enquête ont également attiré l'attention de la CdG-N sur le rapport qu'il y avait entre les décisions. Les investigations de la CdG-N ont cependant constaté que, dans ce domaine, il n'y avait pas non plus d'homogénéité.

Selon l'une des argumentations, la privatisation est vue comme une conséquence de la divergence entre l'évaluation politique de la situation et l'évaluation dans la perspective de l'entreprise. Si la stratégie de Swisscom, qui doit croître et qui cherche à le faire à l'étranger, a des conséquences politiques ou financières qui risquent d'être négatives pour la Confédération qui détient la majorité de ses actions, celle-ci doit céder sa participation. Cela ne requière cependant ni interdiction d'investir à l'étranger ni modification de la stratégie de l'entreprise en ce qui concerne ses engagements à l'étranger.

Une autre argumentation met d'abord en avant les risques politiques et les implications financières de la stratégie relative aux engagements étrangers de Swisscom.

Elle en déduit une interdiction des invertissements à l'étranger et d'affecter les fonds propres disponibles de la manière décidée le 23 novembre 2005. Des lors, il faut alors constater que Swisscom ne dispose plus des conditions de cadre nécessaires à son développement et que la cession de la participation majoritaire de la Confédération s'impose.

Les conditions, la démarche et la logique de ces deux argumentations sont fondamentalement différentes, mais elles ont deux points en commun, soit l'évaluation politique des risques et l'objectif final qui est de libérer Swisscom du joug politique.

La CdG-N constate cependant que seul le premier point de vue exposé a été pris en compte lors de l'élaboration des bases décisionnelles.

Selon une troisième argumentation, l'interdiction d'investir à l'étranger a pour but de préserver la liberté d'action du Parlement en évitant toute décision qui pourrait porter préjudice à la décision qu'il devra prendre au sujet de la privatisation complète de Swisscom.

La CdG-N ne parvient pas à suivre cette troisième argumentation. A cet égard, elle rappelle que, en 2001, le Conseil fédéral était parvenu à lancer la discussion sur la privatisation de Swisscom et même à mener une consultation à bien sans que la stratégie
d'acquisitions à l'étranger de Swisscom ne soit remise en cause par l'actionnaire majoritaire.

L'évocation de ce lien n'apporte pas grand-chose non plus à la CdG-N, étant donné qu'elle est persuadée que, le cas échéant, le DETEC et le DFF, qui ont préparé le dossier avec soin, y auraient certainement intégré cette question. Le Conseil fédéral aurait en effet déjà eu la possibilité de la préparer et de l'aborder lors de sa séance du 31 août 2005. Les notes de discussion du 30 août 2005 montrent déjà l'orientation et fait l'état des lieux de la question de la participation majoritaire de la Confédération.

Le Conseil fédéral aurait donc eu tout le temps nécessaire pour se préparer suffisamment tôt sur la question des effets possibles d'une privatisation sur la stratégie d'investissement de Swisscom à l'étranger et sur ses engagements effectifs à l'étranger. Cela étant, après la discussion du mois d'août, le Conseil fédéral a concentré toute son attention sur la question de savoir s'il convenait ou non de garder la participation majoritaire de la Confédération dans Swisscom.

4955

4.5

Contradiction avec le cadre et la procédure fixés

Indépendamment de la question de savoir si l'évaluation du risque politique et financier auquel le Conseil fédéral a procédé était compréhensible et si elle peut justifier l'interdiction d'investir à l'étranger, la CdG-N constate que le Conseil fédéral n'a pas respecté le cadre et la procédure fixés.

Aussi bien la forme absolue de l'interdiction visant d'une manière générale tout investissement dans une entreprise étrangère de télécommunications que sa forme ultérieurement précisée limitant cette interdiction aux participations à des entreprises étrangères de télécommunications ayant pour mandat d'assurer un service universel étaient contraires aux objectifs stratégiques de Swisscom pour les années 2002 à 2005, en vigueur à l'époque. Ceux-ci précisaient encore que le Conseil fédéral attendait de Swisscom qu'elle examine systématiquement les possibilités d'investir à l'étranger et prenne des participations dans des entreprises étrangères à condition qu'elles contribuent à accroître durablement la valeur de l'entreprise, puissent être gérées efficacement et tiennent suffisamment compte des risques.

Force est donc de constater que la décision du 23 novembre équivaut à un changement de stratégie, ce que le Conseil fédéral a d'ailleurs confirmé dans ses rapports des 11 et 25 janvier 20067. Dans sa forme absolue, cette volte-face stratégique n'était pas compatible avec la LET. L'art. 3, al. 2, LET stipule que Swisscom est habilitée à prendre des participations ou coopérer d'une autre manière avec des tiers et, en vertu de l'al. 1 de ce même article, cela aussi bien en Suisse qu'à l'étranger.

En outre, les documents sur les travaux préparatoires au sujet de la LET font ressortir la nécessité des coopérations internationales8 et permettent de conclure qu'une interdiction générale de prendre des participations dans des entreprise étrangères est contraire à la LET.

L'adaptation de la stratégie avant l'échéance des objectifs stratégiques assignés à Swisscom pour les années 2002 à 2005 était toutefois possible et mentionnée en avant-propos du document correspondant. Cela étant, depuis 1998, les objectifs stratégiques n'ont jamais été modifiés avant l'échéance de la période quadriannuelle de leur validité. De plus, l'élaboration de ces objectifs est un processus itératif9 entre le Conseil fédéral et
l'entreprise. Avec la décision du 23 novembre 2005, le Conseil fédéral a court-circuité ce processus itératif et s'est écarté de la démarche habituelle.

Après cette décision, il aura fallu attendre que les rapports de confiance entre le Conseil fédéral et Swisscom se rétablissent avant que le processus habituel se remette en route et permette d'élaborer les nouveaux objectifs stratégiques de Swisscom pour les années 2006 à 2009. La CdG-N constate que le Conseil fédéral a tiré les conséquences de ses erreurs. Dans la nouvelle version, il est expressément prévu 7

8 9

Au ch. 2 du rapport du 25 janvier 2006 rédigé à l'attention de la sous-commission (Stratégie du Conseil fédéral en matière d'investissements à l'étranger de Swisscom), le Conseil fédéral constate que le 23.11.2005 (décisions qu'il a réaffirmées le 2.12.2005) il avait enjoint à Swisscom de distribuer les fonds propres disponibles aux actionnaires et de renoncer à prendre des participations dans des entreprises ayant pour mandat d'assurer un service universel. Il y précise également que ces nouveaux objectifs stratégiques sont nés du changement de stratégie décidé par le Conseil fédéral. Dans son rapport du 11 janvier 2006, il avait d'ailleurs déjà précisé qu'«il s'agissait d'informer le public et Swisscom, et d'induire chez cette dernière un changement de stratégie.» FF 1996 III 1267, BO 1996 N 2280 2299 2354.

Ce processus permet l'élaboration pas-à-pas des objectifs stratégiques par le Conseil fédéral et Swisscom par retours successifs d'information.

4956

que les objectifs stratégiques ne peuvent être modifiés que si des raisons importantes l'exigent et le Conseil fédéral ne peut décider de leur adaptation qu'après avoir consulté Swisscom.

La CdG-N rappelle ici que, en 2002, le Conseil fédéral était parvenu à restreindre la stratégie relative aux investissements à l'étranger arrêtée dans les objectifs de Swisscom pour les années 1998 à 2001 en suivant un processus ordonné et à intégrer les modifications en question dans les objectifs 2002 à 2005. A l'époque, le Conseil fédéral était confronté au fait que les premiers objectifs stratégiques fixés en matière de participations étrangères de Swisscom étaient rédigés de manière offensive. Cette formulation correspondait au marché d'alors de la branche des télécommunications qui était entraînée dans un processus de consolidation très rapide. Swisscom devait renforcer sa position sur un marché globalisé. En 2002, le rythme de consolidation s'étant ralenti, le Conseil fédéral a reformulé la stratégie d'investissement de Swisscom à l'étranger de manière plus limitative. Vu les perspectives de croissance restreintes sur le marché intérieur, le Conseil fédéral a subordonné les acquisitions à l'étranger aux conditions restrictives susmentionnées lorsqu'il a assigné à Swisscom les objectifs pour les années 2002 à 2005.

La CdG-N est étonnée de constater que le Conseil fédéral ait pris sa décision sans tenir compte de la procédure de définition des objectifs stratégiques pour les années 2006 à 2009 alors en cours. Le projet correspondant ne prévoyait aucune modification de la stratégie d'investissement de Swisscom à l'étranger. Contrairement au contenu de la lettre du 5 octobre 2005 que le chef du DETEC avait adressée aux Commissions des transports et des télécommunications, le Conseil fédéral ne s'était cependant pas encore penché concrètement sur le contenu des nouveaux objectifs10.

La CdG-N ne comprend tout de même pas pourquoi le Conseil fédéral n'a pas procédé à la modification de la stratégie en suivant la voie ordinaire dans le cadre du processus de renouvellement des objectifs stratégiques alors en cours. Aussi étonnant que cela puisse paraître, cela est peut-être en partie dû au fait que certains conseillers fédéraux n'étaient même pas au courant de la procédure. La CdG-N a même constaté que le Conseil
fédéral n'avait le contenu des objectifs et le «mécanisme» de leur définition que partiellement à l'esprit.

En se penchant sur l'aspect concret de la décision mise en oeuvre par les instructions données au représentant de la Confédération, en particulier l'injonction faite à Swisscom de renoncer à une participation dans Eircom, force est de constater que le Conseil fédéral a passé outre la procédure fixée telle qu'elle a été décrite au ch. 3.3.2. Sans attendre les résultats du processus de contrôle de gestion institutionnalisé qui devaient servir de base décisionnelle, le Conseil fédéral a procédé à une évaluation de la conformité et du risque d'une éventuelle participation de Swisscom dans Eircom.

10

Les Commissions des transports et des télécommunications se sont adressées au chef du DETEC en mai 2004 en le priant de bien vouloir, à l'avenir, leur faire parvenir aux fins de consultation les objectifs stratégiques assignés aux CFF, à la Poste et à Swisscom avant leur approbation par le Conseil fédéral. Le chef du DETEC a fait parvenir aux commissions susmentionnées le projet de nouveaux objectifs pour les années 2006 à 2009 le 5.10.2005. Dans la lettre d'accompagnement, il a, en substance, indiqué que le Conseil fédéral avait estimé que les objectifs de la période en cours avaient fait leurs preuves, raison pour laquelle le projet annexé allait dans le même sens.

4957

De l'avis de la CdG-N, rien n'explique pourquoi le contrôle de gestion institutionnalisé en 2004, pourtant parfaitement connu des chefs du DFF et du DETEC, ait été si peu présent dans l'esprit du collège gouvernemental et n'ait pas été pris en compte dans le processus décisionnel qui a conduit aux décisions prises le 23 novembre 2005.

La CdG-N s'étonne enfin que, au vu de la portée de ses décisions, le Conseil fédéral ne se soit pas rendu compte qu'il aurait de toute évidence dû instruire, formellement et par écrit, le représentant de la Confédération au sein du conseil d'administration de Swisscom. C'est d'ailleurs ce qu'a expressément souhaité le président du conseil d'administration de Swisscom lors de l'entretien téléphonique qu'il a eu avec le chef du DFF le 24 novembre 2005 au matin. La CdG-N comprend tout à fait la demande de Swisscom. Au contraire, il aurait été inconcevable que le conseil d'administration modifie une stratégie établie depuis des années et renonce à toute tentative de reprise d'Eircom sur la base de décisions peu claires communiquées lors du coup de fil du 23 novembre 2005 au soir.

4.6

Appréciation de l'urgence d'une décision en matière d'investissement à l'étranger

Les conseillers fédéraux entendus dans le cadre de la présente enquête ont expliqué que, le 23 novembre 2005, le Conseil fédéral a estimé que l'état avancé des discussions entre Swisscom et Eircom nécessitait une réaction rapide. Le Conseil fédéral a d'ailleurs également avancé ces raisons en réponse à certaines interpellations11.

La CdG-N met en question aussi bien l'urgence de la décision que la manière dont le Conseil fédéral a pris sa décision. Une fois encore, la CdG-N rappelle ici le processus de contrôle de gestion présenté au ch. 3.3.2 qui était déjà en cours et qui s'étendait également à la reprise d'Eircom. Au ch. 4.5 ci-dessus, la commission s'était déjà étonnée que le Conseil fédéral n'ait pas tenu compte de cette procédure lors de sa prise de décision. La CdG-N ne dispose d'aucun élément qui lui permettrait de penser que Swisscom se serait opposée à une décision prise dans le cadre de la procédure ordinaire. Lors de la discussion trimestrielle du 9 novembre 2005, les représentants du DETEC et du DFF ont exigé une déclaration de conformité de la part de Swisscom. Ils ont également, d'entente avec la direction de l'entreprise, fixé la procédure à suivre avant que le conseil d'administration prenne la décision définitive quant à la reprise d'Eircom: 1) remise de la déclaration de conformité par Swisscom, 2) note à l'attention du chef du DFF et du chef du DETEC, et 3) communication à Swisscom de l'appréciation des deux chefs de département. Comme il le fait avant les décisions importantes, le conseil d'administration a remis une déclaration de conformité écrite et circonstanciée le 24 novembre 2005 (soit un jour après la décision du Conseil fédéral).

Les explications ci-dessus conduisent à se poser la question des rapports de confiance entre l'actionnaire majoritaire et l'entreprise. La CdG-N a constaté que les discussions entre les représentants de la Confédération et de Swisscom étaient toujours empreintes d'une grande confiance. Il est apparu que le chef du DFF accordait encore toute sa confiance aux responsables de Swisscom lors de la communication 11

Réponse du Conseil fédéral du 9.12.2005 à l'interpellation urgente 05.3729; réponse du Conseil fédéral du 1.3.2006 à l'interpellation 05.3745.

4958

des décisions du 23 novembre 2005 ainsi que, le lendemain, lors des discussions avec le représentant de la Confédération au sein du conseil d'administration de Swisscom. Pourtant, malgré ces rapports de confiance intacts, la CdG-N a perçu une méfiance très nette qui se dégageait d'une partie du Conseil fédéral à l'endroit du management de Swisscom en général et de ses plans d'investissement à l'étranger en particulier. Cette méfiance transparait notamment de la menace d'action en responsabilité à l'encontre des membres du conseil d'administration de Swisscom et de déclarations publiques de certains conseillers fédéraux.

A cet égard, la CdG-N relève que, en parallèle avec les négociations qu'elle menait avec Eircom, Swisscom était également en pourparlers avec Telekom Danemark (TDC). Bien que s'intéressant également à ce second projet, Swisscom accordait la priorité à Eircom. Toute entreprise qui travaille de manière professionnelle se doit de préparer des solutions de rechange opportunes en cas d'échec de négociations en cours. La CdG-N souligne en outre que cette manière de travailler allait tout à fait dans le sens des objectifs stratégiques de la volonté du Conseil fédéral qui, dans les objectifs qu'il avait assignés à Swisscom pour 2002 à 2005, attendait que celle-ci observe «systématiquement» les évolutions des marchés sur le plan international, identifie et évalue les différentes options envisageables. La question de savoir dans quelle mesure Swisscom aurait poursuivi le projet de prise de participation dans TDC si le projet Eircom avait abouti demeure du domaine de l'hypothèse. D'ailleurs Swisscom était également consciente des risques importants liés à un cumul de participations.

La CdG-N met également en cause l'urgence de la décision étant donné que le DETEC et le DFF étaient au courant de l'intention de Swisscom à l'égard d'Eircom depuis novembre 2004 déjà, lorsque ce projet a été mentionné pour la première fois.

Bien que la conception de ce projet et la priorité qui lui était accordée ont par la suite encore évolué, la CdG-N est persuadée que ce projet a dû ou aurait dû être mentionné lors des discussions informelles au sein du Conseil fédéral, raison de plus pour laquelle des décisions aussi abruptes que celles du 23 novembre 2005 sont incompréhensibles.

Quant à la manière dont le
Conseil fédéral a réagi dans une urgence qu'il avait luimême décrété, il y a lieu de constater qu'en toute logique, il aurait dû limiter le contenu de ses décisions aux projets Eircom et TDC et ne pas enjoindre à Swisscom de renoncer à tout investissement dans une entreprise étrangère de télécommunications. Une telle injonction revient à un changement de stratégie radical qui transgresse le cadre et la procédure fixés (voir ch. 4.5).

4.7

Autres contradictions

La CdG-N a constaté que la décision relative aux participations de Swisscom à l'étranger que le Conseil fédéral a prise le 23 novembre 2005 comporte encore d'autres contradictions: ­

Le Conseil fédéral avait déjà discuté de manière informelle des réserves et des implications politiques des participations de Swisscom dans des entreprises étrangères anciennement au bénéfice d'un monopole public d'exploitation lors de la fusion envisagée avec Telekom Austria en été 2004. Même si la question de cette participation ne s'est plus posée concrètement en rai4959

son de l'échec de ce projet (voir ch. 3.3.3), le Conseil fédéral aurait dû décider à l'époque déjà de modifier les objectifs stratégiques. Il n'y avait pas lieu de s'attendre à ce que Swisscom, un groupe guidé par un fort esprit d'entreprise, modifie sa stratégie en matière d'acquisition afin d'anticiper sur l'appréciation politique du Conseil fédéral.

­

Le Conseil fédéral a toujours soutenu Swisscom dans la mise en oeuvre de sa stratégie d'investissement à l'étranger. Pour le Conseil fédéral, les acquisitions à l'étranger (en respect des conditions fixées dans le cadre des objectifs stratégiques) ont gagné en importance dans la perspective de la réalisation de l'objectif de croissance à long terme qui figure également au nombre des objectifs stratégiques. Cela ressort notamment du rapport du Conseil fédéral du 13 avril 2005 sur la réalisation des objectifs stratégiques assignés à Swisscom. Dans ce rapport établi à l'attention des Commissions de gestion et des finances, au chapitre «Coopérations et prises de participation», le Conseil fédéral écrit: «Au vu de l'évolution incertaine que connaissent le marché et le secteur des télécommunications, le Conseil fédéral soutient la politique de coopération et de prises de participation réfléchie du Conseil d'administration de Swisscom. Selon les estimations actuelles, l'entreprise n'a subi aucun désagrément d'envergure en raison de sa taille et n'est donc pas soumise à la pression résultant des acquisitions. Créer la croissance reste cependant le défi principal de Swisscom. Alors que, jusqu'à présent, elle mettait l'accent sur la baisse des coûts et l'augmentation de l'efficacité, dans les années qui viennent, il s'agira avant tout d'analyser et de saisir les options de croissance.» Tous les rapports des années précédentes contiennent un passage semblable. En outre, depuis le rapport du 21 avril 2004, en plus de l'analyse, le Conseil fédéral met également l'accent sur la nécessité de saisir les options de croissance.

Le 3 juin 2005 encore, en répondant à l'interpellation 05.3059, le Conseil fédéral a publiquement déclaré: «Il est toutefois manifeste qu'en raison de la concurrence et des conditions régulatrices, ses possibilités d'expansion sont très restreintes. Si l'entreprise [Swisscom] souhaite donc créer durablement de la valeur, ainsi que le demande le Conseil fédéral en tant que représentant du principal actionnaire dans ses objectifs stratégiques, il ne faut pas lui exclure des acquisitions à l'étranger.» Aucun document, aucune déclaration officielle n'a repris les réserves politiques des participations de Swisscom dans des entreprises étrangères anciennement au bénéfice d'un monopole d'exploitation qui avaient fait l'objet de discussions informelles lors de la fusion envisagée avec Telekom Austria en été 2004.

­

4960

Lors du projet de reprise de Cesky Telecom au printemps 2005, le Conseil fédéral n'avait pas manifesté le point de vue qui a été à la base de ses décisions du 23 novembre 2005. Les chefs du DFF et du DETEC avaient alors estimé que ce projet était conforme aux objectifs stratégiques. Le 16 mars 2005, ils avaient en effet approuvé une note du DFF et du secrétariat général du DETEC selon laquelle il n'y avait pas de raison politique impérieuse s'opposant à une reprise de Cesky Telecom par Swisscom et ont décidé de ne pas faire de proposition au Conseil fédéral et de ne pas donner d'instructions au représentant de la Confédération. La CdG-N constate que Cesky Telecom fait partie de ces entreprises anciennement au bénéfice d'un mono-

pole d'exploitation et que la discussion informelle des risques politiques au sein du Conseil fédéral avait débuté au cours de l'été 2004. Si Eircom avait été privatisée en 1999, et déjà changé plusieurs fois d'actionnaire majoritaire depuis lors, au printemps 2005 Cesky Telecom était encore contrôlée par le gouvernement tchèque qui possédait 51,1 % des actions.

­

Les buts principaux de la réforme des PTT et de la privatisation partielle de Swisscom au 1er janvier 1998 étaient d'accroître l'autonomie de gestion de Swisscom et d'établir une distinction claire entre les décisions de nature politique et celles concernant la gestion de l'entreprise12. Avant la décision du 23 novembre 2005, le Conseil fédéral avait toujours fait cette distinction très nette. Il a en effet rappelé à réitérées reprises que le conseil d'administration de Swisscom était seul compétent en matière de stratégie d'entreprise et d'acquisition d'entreprises. Lors de l'analyse politique des pertes liées à la participation de Swisscom dans Debitel, le Conseil fédéral avait constaté: «Comme pour l'achat, la vente de cette participation était du ressort exclusif du conseil d'administration de Swisscom SA.»13 Le Conseil fédéral a dû rendre des comptes au Parlement sur l'affaire Debitel et expliquer pourquoi il n'avait pas réagi, notamment en donnant des instructions à son représentant au conseil d'administration de Swisscom. Il est à noter que cette réponse a été donnée à un moment où la question des investissements à l'étranger faisait déjà l'objet de discussions controversées au sein du Conseil fédéral.

Le 3 juin 2005, le Conseil fédéral a encore défendu cette distinction claire entre les décisions de nature politique et celles concernant la gestion de l'entreprise en répondant aux interpellations 05.3059 et 05.3111 relatives à la stratégie d'investissement de Swisscom à l'étranger en général et à la participation dans Cesky Telecom en particulier.

La décision du Conseil fédéral du 23 novembre 2005 sur la question des investissements de Swisscom à l'étranger est en contradiction flagrante avec les déclarations qu'il avait faites auparavant. En outre, la CdG-N constate que les instructions données à la suite de cette décision constituent une rupture par rapport à la retenue dont le Conseil fédéral avait fait preuve jusquelà. Elles tranchent avec la distinction entre les objectifs stratégiques et la stratégie de l'entreprise sur laquelle le Conseil fédéral a toujours insisté14.

Le Conseil fédéral s'est donc immiscé dans le domaine de compétence du conseil d'administration de Swisscom et il a pris une décision concernant la gestion de l'entreprise qui ne lui incombait pas.

­

12

13 14

L'analyse des risques financiers effectuée en rapport avec la décision du 23 novembre 2005 (voir ch. 4.4.1) n'est pas cohérente avec les appréciations précédentes du Conseil fédéral.

Voir message du Conseil fédéral relatif à la loi sur l'organisation de la Poste et à la loi sur l'entreprise de télécommunications du 10.6.1996, FF 1996 III 1289. Les points de vue exprimés au cours de débats parlementaires étaient également très clairs: «Die Entpolitisierung der Telecom und ihrer Organe ist zwingend» [Il est indispensable de «dépolitiser» l'entreprise de télécommunications et ses organes] (BO 1997 E 69). A l'époque, le Conseil fédéral avait déjà insisté sur l'importance pour Swisscom de pouvoir prendre des participations dans des entreprises étrangère (BO 1996 N 2299 s.).

Réponse du Conseil fédéral du 18.8.2004 à l'interpellation 04.3215.

Idem ainsi que réponse du Conseil fédéral du 1.3.2006 à l'interpellation 05.3745.

4961

Le Conseil fédéral a certes toujours apprécié la valeur crée par Swisscom et sa compétitivité (augmentation de la valeur de l'entreprise) en tenant compte de sa valeur boursière, mais il ne lui a jamais accordé un poids déterminant ou exclusif comme cela a été le cas lors de la décision du 23 novembre 200515. Dans les rapports annuels sur la réalisation des objectifs stratégiques, le Conseil fédéral a chaque fois apprécié le rendement de Swisscom dans une perspective plus large. Outre l'évolution du cours des actions, il tenait également compte de tous les bénéfices distribués (dividendes, réductions de la valeur nominale, rachats d'actions). Bien que le Conseil fédéral ait constaté dans ses rapports annuels sur la réalisation des objectifs stratégiques que Swisscom n'était pas parvenue à préserver la valeur intrinsèque de l'entreprise au cours des années 2000 à 2002 ­ et qu'elle ne l'avait préservée que de justesse en 2003 ­ il n'a jamais invoqué l'évolution du cours des actions de Swisscom comme motif justifiant des mesures particulières.

Placée dans la perspective de l'évolution en cours du marché des télécommunications, les décisions du Conseil fédéral du 23 novembre 2005 laissent également un sentiment mitigé à la CdG-N. Dans ses rapports annuels sur la réalisation des objectifs stratégiques établis à l'attention des Commissions de gestion et des finances, le Conseil fédéral a toujours analysé avec soin les défis que le marché des télécommunications représentait pour Swisscom.

Dans ses rapports du 16 avril 2003 et du 21 avril 2004, il avait déjà évoqué le contexte empreint d'insécurité aussi bien au niveau du marché que dans son champ d'activité. Dans son rapport du 13 avril 2005, il a en outre renvoyé à un certain nombre de changements du marché (tels que l'effritement du chiffre d'affaires dans le domaine du réseau fixe qui ne peut plus être compensé par une extension correspondante dans le domaine des services de téléphonie mobile, la demande de services groupés dans le domaine des transport de signaux [voix, données et télévision], ou l'accélération de l'intégration entre l'informatique et les télécommunications [voix sur protocole internet, VoIP]). La CdG-N constate que malgré ces appréciations approfondies qui datent de bien avant le 23 novembre 2005, le Conseil fédéral n'a rien
entrepris pour entamer la modification de la stratégie de Swisscom.

L'appréciation du risque financier à laquelle le Conseil fédéral avait procédé en 2004 dans le cadre de l'analyse de l'affaire Debitel diffère fondamentalement de celle du mois de novembre 2005. Dans la réponse à l'interpellation 04.3215 déjà citée, on peut lire comment, après coup, le Conseil fédéral a expliqué les raisons pour lesquelles Swisscom avait payé trop cher sa prise de participation dans Debitel. Le 4 juin 2004, le chef du DFF a en substance expliqué au Conseil des Etats que la perte d'environ 3 milliards de francs sur une participation n'était pas équivalente à une perte d'exploitation. Il a invoqué la période d'euphorie qui régnait à cette époque dans le domaine des télécommunications, notamment en ce qui concerne les licences UMTS, et qui est à l'origine de telles pertes. Se défendant de vouloir enjoliver la situation, il a toutefois prié les députés de ne pas la dramatiser. Il 15

Voir les explications données par le chef du DFF le 13.12.2005 (BO 2005 E 1117) ainsi que le discours prononcé par le chef du DFJP à l'occasion de l'assemblée des délégués de l'Union démocratique du centre à Stans, publié sur le site Internet du DFJP (www.dfjp.admin.ch).

4962

a estimé que de telles acquisitions de participations font partie du risque d'entreprise habituel et qu'elles peuvent également bien tourner16.

La CdG-N constate que, 15 mois seulement avant la décision du 23 novembre 2005, le Conseil fédéral avait encore procédé à une évaluation fondamentalement différente des risques financiers.

4.8

Menace d'une action en responsabilité

La menace d'une action en responsabilité découle du co-rapport du DFJP et a été reprise par le Conseil fédéral dans les termes suivants: le non-respect de la décision enjoignant à Swisscom de renoncer à investir dans une entreprise étrangère de télécommunications entraînerait une action en responsabilité à l'encontre des membres du conseil d'administration et de la direction de l'entreprise.

Cette menace n'a toutefois plus été reprise de manière systématique au cours du processus de mise en oeuvre des décisions du Conseil fédéral du 23 novembre 2005.

Le chef du DFF l'a certes transmise le 24 novembre 2005 dans le cadre des instructions écrites à l'attention du représentant de la Confédération. Cette version des instructions ne comportait toutefois pas la signature du chef du DETEC. La version définitive munie de la signature des chefs des deux départements de tutelle ne mentionnait plus cette menace. Le représentant de la Confédération a remis les deux versions au conseil d'administration de Swisscom étant donné qu'il était fort probable que la version des instructions comportant la menace d'une action en responsabilité soit celle finalement retenue.

Lors de la discussion du 21 février 2006, la CdG-N a constaté que, outre le chef du DETEC, la majorité des autres conseillers fédéraux entendus s'étaient entre-temps eux aussi désolidarisés de la menace d'action en responsabilité.

Il est en outre permis de douter qu'il aurait été possible de trouver une qualification juridique plus ou moins plausible qui aurait permis de mettre cette menace à exécution. Un actionnaire peut certes intenter une action en vertu de l'art. 754 CO, qu'il ait ou non préalablement menacé les membres du conseil d'administration et les personnes qui s'occupent de la gestion de l'entreprise d'une telle action. En tout état de cause, pour qu'une action en responsabilité ait une chance d'être couronnée de succès, il faut qu'un dommage soit intervenu, que le plaignant puisse apporter une preuve de culpabilité (manquement intentionnel ou par négligence au devoir de diligence) et qu'il y ait un rapport de causalité entre les deux.

On peut douter sérieusement qu'il y ait matière à une action en responsabilité dès lors que, pour chaque participation projetée (donc également pour le dossier Eircom), Swisscom a procédé à des examens
dits de «due diligence» coûteux et approfondis (les frais du dossier Eircom se sont montés à environ 6 millions de francs) et que l'entreprise a chaque fois remis la déclaration de conformité correspondante. En tout état de cause, les analyses approfondies auxquelles Swisscom a procédé n'ont de toute évidence aucun rapport avec le manque de préparation dont ont souffert les décisions que le Conseil fédéral a prises le 23 novembre 2005. Vu l'insuffisance des bases décisionnelles sur lesquelles le Conseil fédéral s'est basé, force est de constater que sa menace d'action en responsabilité n'était rien d'autre 16

Voir BO 2004 E 251 s.

4963

qu'une manoeuvre d'intimidation dont la raison d'être échappe totalement à la CdG-N. Elle est surprise de constater qu'une telle proposition émane justement du DFJP.

4.9

Effets de décisions du Conseil fédéral

Il ressort des ch. 4.6 et 4.7 que le moment choisi pour procéder à un changement fondamental de stratégie, soit le 23 novembre 2005, était tout à fait inopportun en raison des négociations alors en cours avec Eircom. Le fonds, mais aussi la forme des décisions du Conseil fédéral ont fortement inquiété l'entreprise, la bourse et les actionnaires minoritaires de Swisscom.

Les décisions du Conseil fédéral peuvent en outre avoir un effet déstabilisateur durable. En dérogeant à la distinction très nette entre ses compétences et celles du conseil d'administration de Swisscom, le Conseil fédéral s'est écarté des principes et de la pratique qu'il avait adoptés jusque-là.

La manière avec laquelle le Conseil fédéral a opéré cette volte-face stratégique a altéré la crédibilité du conseil d'administration et de la direction de Swisscom. Le directeur général de Swisscom de l'époque a démissionné le 20 janvier 2006. Atteignant la durée maximale de mandat, le président du conseil d'administration en exercice se retirera le 25 avril 2006.

Les instructions du Conseil fédéral ont également eu un effet direct: le 5 décembre 2005, le conseil d'administration de Swisscom a annoncé que les discussions portant sur la reprise d'Eircom avaient été abandonnées. Juridiquement, Swisscom aurait pu passer outre l'injonction du Conseil fédéral. Une telle réaction aurait cependant été extrêmement aléatoire et n'aurait pas permis de prendre des décisions qui s'inscrivent dans la durée. En effet, le Conseil fédéral aurait pu changer le conseil d'administration à qui il aurait enjoint de revendre la participation à Eircom. Envers l'entreprise et ses milliers d'employés, le conseil d'administration ne pouvait pas, dans de telles conditions, prendre la responsabilité de cette acquisition. La CdG-N est d'avis que le conseil d'administration de Swisscom a réagi de manière rationnelle et responsable.

5

Information du public sur les décisions du 23 novembre 2005

5.1

Chronologie des événements dans la perspective de la communication

5.1.1

Préparatifs relatifs à la communication

En raison des incidences boursières potentielles, les services d'information du DETEC et du DFF n'ont été impliqués que dans la phase finale du dossier.

A partir du 17 novembre 2005, les départements de tutelle, soit le DETEC et le DFF, ont préparé conjointement l'information du public sur leur note de discussion. La préparation de la communication s'est limitée au cas où le Conseil fédéral prendrait la décision proposée dans la note discussion, ce qui n'a toutefois pas été le cas.

4964

Il était prévu qu'en cas d'abandon de la participation majoritaire, la responsabilité de l'information incomberait au chef du DFF, et dans le cas contraire, au chef du DETEC. Par conséquent, deux versions de communiqué de presse ont été préparées.

Dès le départ, il était prévu de publier le communiqué hors des heures d'ouverture de la bourse et d'organiser une conférence de presse du Conseil fédéral le jeudi 24 novembre 2005 vers 11 heures. Swisscom devait être informée de la décision du Conseil fédéral le mercredi soir.

Le porte-parole du Conseil fédéral a été informé le mardi 22 novembre 2005 de l'état d'avancement des travaux préparatoires.

5.1.2

Décisions du Conseil fédéral du 23 novembre 2005 en matière de communication

A propos de la communication, le Conseil fédéral a décidé lors de sa séance spéciale: «1. de confier au DFF la communication de la décision à Swisscom et au public (à Swisscom sans délai et au public le lendemain avant l'ouverture de la bourse), et de maintenir la conférence de presse du 24 novembre 2005 à 11 heures; 2.

d'informer Swisscom immédiatement, et le public avant l'ouverture de la bourse, de la privatisation et de la réaffectation des fonds propres;

3.

d'informer Swisscom à l'issue de la séance de l'obligation qui lui est faite de renoncer à des participations dans des entreprises de télécommunications, et de ne pas en informer le public avant que le conseil d'administration de Swisscom ait été averti;

4.

de charger le conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz d'informer exhaustivement des décisions prises: le président du conseil d'administration de Swisscom durant la nuit du 23 au 24 novembre 2005, le représentant de la Confédération au sein du conseil d'administration de Swisscom le lendemain, et le public au moyen d'un communiqué (portant sur la seule privatisation) le 24 novembre 2005 avant l'ouverture de la bourse et lors d'une conférence de presse à 11 heures.»

5.1.3

Mise en oeuvre du dispositif d'information et comptes rendus des médias

Mardi 22 novembre 2005 Le jour précédant la séance spéciale du Conseil fédéral, et avant que les chefs de département aient eu connaissance de la note de discussion des DETEC et DFF, le «Blick» publiait déjà l'essentiel de la note en question en précisant en substance qu'au sein du département du ministre de l'infrastructure Moritz Leuenberger et de celui du ministre des finances Hans-Rudolf Merz, on travaillait d'arrache-pied à une note de discussion portant sur la conservation ou la vente de la participation majoritaire au capital de Swisscom, Merz voulant vendre et Leuenberger étant d'avis contraire.

4965

Jeudi 24 novembre 2005 Le jeudi 24 novembre 2005, avant 7 heures, le service d'information du DFF a publié le communiqué relatif à la décision de cession de la participation majoritaire de la Confédération. A la demande de Swisscom et après concertation entre la responsable de l'information du DFF et le chef du DFF, l'injonction en matière d'affectation des fonds propres disponibles de Swisscom n'a pas été mentionnée dans le communiqué.

A 11 heures, lors de la conférence de presse du Conseil fédéral, le chef du DFF a également informé les représentants des médias de la décision relative à la distribution des fonds propres disponibles. Cette décision entraînait dans les faits une quasiimpossibilité d'investir à l'étranger dans la mesure où la distribution des fonds propres disponibles réduisait également la capacité d'emprunt empêchant du même coup Swisscom d'acquérir des participations importantes dans des entreprises étrangères. Cette conséquence n'a pas échappé à quelques journalistes (voir ci-dessous explications relatives au vendredi 25 novembre 2005).

A l'issue de la conférence de presse, le chef du DFF s'est mis à la disposition de nombreux journalistes pour des interviews. Enfin, à 21 h 50, il est apparu en public dans l'émission «10 vor 10». Pour le reste, seul le service d'information du DFF a répondu aux questions des journalistes le jeudi 24 novembre 2005.

A 17 heures, la radio DRS a enregistré pour l'émission «Samstagsrundschau» un entretien avec le chef du DFJP au sujet de l'initiative sur l'internement. Le rendezvous pour cette interview avait été pris avant la séance spéciale du Conseil fédéral.

Elle était frappée d'embargo jusqu'au samedi 26 novembre 2005 à 11 heures. Au vu de l'actualité, l'entretien ne s'est pas limité à la seule initiative sur l'internement, et il a également porté sur Swisscom. Le chef du DFJP a communiqué à cette occasion l'intégralité de la décision du Conseil fédéral, y compris l'injonction faite à Swisscom de renoncer à toute participation à des entreprises étrangères de télécommunications. Il a livré cette information alors même que, en l'occurrence, la responsabilité du dispositif de communication avait été confiée au chef du DFF qui, à ce moment-là, n'avait pas encore communiqué cet élément de la décision.

Vendredi 25 novembre 2005 Il n'avait pas
échappé à quelques participants à la conférence de presse du 24 novembre 2005 qu'une restitution des fonds propres disponibles aux actionnaires revenait à empêcher Swisscom de poursuivre sa stratégie d'acquisitions à l'étranger.

Aussi, dans son édition du jour, le «Blick» écrivait en substance qu'en informant le mercredi soir le président du conseil d'administration de Swisscom Markus Rauh des plans de désengagement du Conseil fédéral, Hans-Rudolf Merz avait également donné pour instruction que les fonds propres disponibles devaient revenir aux actionnaires sous la forme de rachats d'actions ou de dividendes. En clair, cela signifiait que l'on voulait l'argent, et qu'il n'était pas question d'investir la fortune de la Confédération dans des transactions risquées avec la compagnie irlandaise Eircom ou la société danoise TDC (Sunrise).

Plusieurs départements ont été sollicités durant la matinée du vendredi, notamment par des journalistes financiers de Londres et des agences de presse internationales; toutes les demandes ont été réacheminées vers le service d'information du DFF.

Vers 11 h 30, une journaliste du «Tagesanzeiger» a appelé la responsable de l'information du DFF en affirmant qu'elle disposait d'un document selon lequel le 4966

Conseil fédéral avait interdit à Swisscom de s'engager à l'étranger, sous peine d'une action en responsabilité, et en demandant confirmation de l'information par le DFF.

Après consultation du chef du département et examen des dispositions idoines de la législation sur les bourses, le DFF a confirmé l'information, ce qu'il a ensuite fait savoir au service d'information du DETEC.

Le porte-parole du DFF a ensuite confirmé l'information à radio DRS, dont les recherches s'étaient orientées dans la même direction. La radio DRS en a fait état dans son bulletin de la mi-journée, puis le porte-parole du DFF a confirmé les faits à tous les journalistes qui l'ont contacté.

Dans le courant de l'après-midi, Swisscom a confirmé dans un communiqué de presse avoir pris connaissance des instructions qui avaient été rendues publiques et par lesquelles le Conseil fédéral lui enjoignait de renoncer à toute prise de participation dans une entreprise étrangère et de procéder à une distribution des fonds propres disponibles.

Les jours suivants, les services d'information des départements (DFF, DETEC, DFJP et DFI) se sont mutuellement informés des demandes d'entretien adressées aux conseillers fédéraux. Chacun d'entre eux a toutefois décidé lui-même des interviews qu'il voulait bien accorder.

Samedi 26 novembre 2005 Dans une interview accordée à «Finanz und Wirtschaft», le chef du DFF s'est exprimé sur les décisions du Conseil fédéral en précisant les intentions du gouvernement.

Radio DRS a diffusé à 11 h 30 l'émission «Samstagsrundschau» (voir ci-dessus explications relatives au jeudi 24 novembre 2005) avec le chef du DFJP. Ce dernier y a abordé, outre les questions relatives à l'application de l'initiative sur l'internement, les décisions du Conseil fédéral à propos de Swisscom.

Dimanche 27 novembre 2005 La «NZZ am Sonntag» a publié une interview avec le chef du DFF, dans laquelle il a expliqué les décisions du Conseil fédéral et souligné que tous les conseillers fédéraux avaient approuvé les instructions données au représentant de la Confédération.

Quant au chef du DFJP, il a rendu compte des décisions du Conseil fédéral dans une interview accordée à la «Sonntagszeitung».

Mardi 29 novembre 2005 Plusieurs journaux («L'Agefi», «La Liberté», «L'Impartial») ont publié une interview du chef du DFI sur les décisions
du Conseil fédéral.

Au cours de l'émission «10 vor 10», le chef du DETEC a révélé que les décisions avaient été très controversées au sein du Conseil fédéral et qu'elles n'avaient pas été prises de manière unanime. Il a également confié que toutes les décisions ne font pas toujours l'objet d'un vote. Le Conseil fédéral ayant pris sa décision, il a indiqué qu'il allait s'y tenir et qu'il allait falloir mettre en oeuvre la décision relative à l'interdiction d'investir à l'étranger avec le conseil d'administration de Swisscom puisque celle-ci ne visait pas tous les investissements à l'étranger, mais uniquement les reprises de grandes entreprises étrangères de télécommunications.

4967

Mercredi 30 novembre 2005 Lors d'une interview accordée au «Blick», le chef du DETEC a également indiqué que le Conseil fédéral n'avait pas pris ces décisions de manière unanime, contredisant ainsi les déclarations du chef du DFF lors l'interview susmentionnée publiée le 27 novembre 2005.

Le chef du DFJP a défendu les décisions du Conseil fédéral lors de l'émission «Rundschau» de la télévision suisse alémanique. Durant l'interview qui a duré plus de 11 minutes, le chef du DFJP s'est aussi exprimé sur la précision du chef du DETEC relativisant l'interdiction d'investir à l'étranger. Le chef du DFJP a relevé la formulation très claire de l'interdiction et indiqué que l'on parlait de compromis afin que personne ne perde la face. Il a en outre insisté sur le fait que si la direction de l'entreprise ne parvenait pas à gérer Swisscom autrement qu'en appliquant une stratégie d'expansion à l'étranger, elle en tirerait les conséquences et se retirerait, le Conseil fédéral devant ensuite la remplacer.

Jeudi 1er décembre 2005 Dans sa rubrique nationale, le «Tagesanzeiger» a publié un article intitulé «Blocher widerspricht Leuenberger» (Blocher contredit Leuenberger) dans lequel il relevait les déclarations contradictoires des conseillers fédéraux au sujet des décisions du Conseil fédéral et de la prise de décision au sein du collège gouvernemental.

Vendredi 2 décembre 2005 Le Conseil fédéral a décidé une «interprétation minimale» de sa décision du 23 novembre 2005 relative à l'interdiction faite à Swisscom d'investir à l'étranger, tranchant ainsi dans le sens de la relativisation évoquée le 29 novembre 2005 par le chef du DETEC et contestée le lendemain par le chef du DFJP.

Le Conseil fédéral a par ailleurs confirmé que, comme cela avait été déjà décidé le 23 novembre 2005, la responsabilité de la communication relative à ce dossier incombait exclusivement au DFF et que toutes les demandes des journalistes devaient lui être transmises.

Lundi 5 décembre 2005 Profitant d'une information sur la révision du droit de la société anonyme, le chef du DFJP a une nouvelle fois répondu à des questions sur Swisscom, passant une fois encore outre à la décision que le Conseil fédéral venait de réaffirmer trois jours plus tôt.

Jeudi 8 décembre 2005 Se fondant sur des dossiers confidentiels, la «Weltwoche» a présenté en détail la préparation et le déroulement des décisions du 23 novembre 2005.

5.2

Appréciation de la communication par le Conseil fédéral

Dans son rapport du 11 janvier 2006 à l'attention des Commissions de gestion, le Conseil fédéral a apprécié de la manière suivante la façon avec laquelle il a communiqué ses décisions du 23 novembre 2005: 4968

La communication à propos de l'affaire Swisscom s'est révélée difficile à double titre. D'une part, le co-rapport du DFJP n'a pas été pris en compte suffisamment tôt dans la préparation de la stratégie d'information. D'autre part, l'incidence boursière potentielle de l'objet empêchait une information rapide et exhaustive. On a pu constater qu'une divulgation échelonnée des diverses composantes d'une décision du Conseil fédéral n'était pas judicieuse. En principe, le public doit être informé sans retard de la totalité d'une décision gouvernementale.

Bien qu'elles ne s'appliquent pas aux actionnaires, le Conseil fédéral a expliqué avoir respecté de sa propre initiative les prescriptions de la législation sur les bourses en matière d'information (notamment les dispositions régissant la publicité événementielle). Il a suivi en cela les recommandations de la bourse suisse SWX. Il a donc publié la décision relative au projet de privatisation le 24 novembre 2005, avant 7 heures, soit hors des heures d'ouverture de la bourse. Face aux fuites relatives à l'interdiction d'investir dans des entreprises étrangères de télécommunications, le Conseil fédéral a confirmé sans plus attendre les faits parvenus à la connaissance de certains journalistes, dans le but de permettre au public de disposer aussi rapidement que possible des mêmes informations que celles divulguées par la fuite.

Le Conseil fédéral a annoncé qu'il accordera plus d'attention à la communication au sein du collège gouvernemental même et qu'il arrêtera la manière de communiquer les décisions importantes qui dérogeront aux propositions des départements concernés. De plus, il a indiqué que la coordination de l'information sera davantage concentrée auprès du porte-parole du Conseil fédéral et qu'il a décidé de débattre de sa stratégie de communication durant le premier trimestre de 2006.

Le Conseil fédéral estime néanmoins que l'information sur l'affaire Swisscom a finalement atteint ses objectifs. Il s'agissait d'informer le public et Swisscom, et d'induire chez cette dernière un changement de stratégie: les prises de participation à l'étranger, trop risquées aux yeux du Conseil fédéral, devaient être jugulées au profit du maintien de la valeur de l'entreprise. Le collège gouvernemental est d'avis que ce but a été atteint dans la mesure où Swisscom
a renoncé d'elle-même à une acquisition. Il s'agissait également de montrer pourquoi les fonds propres excédentaires devaient être distribués aux actionnaires et pourquoi un projet devait être rapidement préparé en vue d'une privatisation. D'après les explications du Conseil fédéral du 11 janvier 2005, cet objectif a également été atteint.

5.3

Appréciation de la communication par la CdG-N

Outre le manque de préparation ayant grevé la communication, la CdG-N critique surtout le fait que les conseillers fédéraux ne se soient pas tenus à leur décision du 23 novembre 2005 de confier la responsabilité de l'information au DFF. Il en est résulté une situation chaotique qui a échappé à tout contrôle de la part du Conseil fédéral. La CdG-N estime inacceptable la manière dont certains conseillers fédéraux sont intervenus et se sont contredits en public. Ce faisant, ils ont porté atteinte à la crédibilité du gouvernement, aussi bien en Suisse qu'à l'étranger, prenant du même coup le risque de causer un préjudice à Swisscom.

La CdG-N constate que le chef du DFJP a été le premier conseiller fédéral à ne pas respecter la décision de confier la responsabilité de l'information au DFF. Elle relève également qu'il y avait désaccord au sein du Conseil fédéral quant à la durée 4969

de validité d'une telle décision et sur le moment à partir duquel chaque conseiller fédéral peut et doit pouvoir intervenir et défendre une décision du Conseil fédéral. Il est indispensable que le Conseil fédéral parvienne rapidement à se mettre d'accord sur cette question afin d'éviter qu'une telle panne de communication puisse se reproduire.

Cela étant, cette question n'aurait même pas dû se poser dans le cas d'espèce. Les décisions du Conseil fédéral du 23 novembre 2005 comportaient un élément radicalement nouveau concernant les participations de Swisscom dans des entreprises étrangères. C'est justement cet élément qui, dans un premier temps, ne devait pas être communiqué mais qui, par manque de clarté, a pu être interprété de différentes manières et a finalement quand même été communiqué. A cet égard, il y a également lieu de rappeler que les décisions que le Conseil fédéral a prises en matière de communication (ch. 5.1) étaient floues, voire partiellement contradictoires. Les points qui devaient être communiqués lors de la conférence de presse du 24 novembre 2005 n'avaient notamment pas été clairement définis.

La CdG-N souligne que le Conseil fédéral n'est pas entièrement libre en matière de communication et qu'il doit se tenir aux dispositions de la Constitution (art. 180, al. 2), de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)17 et de l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA)18. Les prescriptions légales correspondantes n'ont pas été transgressées ni complètement exploitées: en vertu de l'art. 10, al. 2, LOGA, le Conseil fédéral est tenu de fournir des informations cohérentes sur ses décisions. L'art. 23 OLOGA lui donne les moyens d'atteindre cet objectif. En vertu de l'art. 23, al. 4, OLOGA, le Conseil fédéral peut, s'il y a lieu, centraliser l'information et la communication auprès d'un département. L'organe désigné a alors le droit de donner des instructions.

La CdG-N est donc d'avis que c'est le Conseil fédéral lui-même qui porte la responsabilité principale du cafouillage constaté en matière de communication. Elle estime en outre qu'il est urgent de clarifier le rôle du porte-parole du Conseil fédéral. Selon l'art. 10a LOGA, le rôle principal du porte-parole du Conseil fédéral est de coordonner les activités d'information
entre le Conseil fédéral et les départements. Pour sa part, la CdG-N déplore le fait que le porte-parole du Conseil fédéral n'ait pas été impliqué plus activement dans la conception de la communication, aussi bien lors de la préparation des informations par le collège gouvernemental que lors du déroulement chaotique qui a suivi. En matière de communication et de coordination de l'information à l'échelon du collège gouvernemental, l'influence et le rôle de conseiller du porte-parole sont par trop marginaux et doivent être institutionnalisés et renforcés.

Outre la responsabilité principale susmentionnée du Conseil fédéral, de nombreuses indiscrétions ont, elles aussi, contribué au cafouillage en matière de communication.

Ainsi, avant même que les conseillers fédéraux en aient pris connaissance, le «Blick» était déjà au courant de l'essentiel de la note de discussion du 22 novembre 2005. Le 25 novembre 2005, le «Tagesanzeiger» affirmait disposer d'un document selon lequel le Conseil fédéral avait interdit à Swisscom de s'engager à l'étranger, 17 18

Loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration du 21.3.1997 (LOGA, RS 172.010).

Ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA, RS 172.010.1).

4970

sous peine d'une action en responsabilité. Quant à la «Weltwoche», elle s'est fondée sur des documents confidentiels pour publier son exposé détaillé de la chronologie paru le 8 décembre 2005. Réagissant à ce compte-rendu de la «Weltwoche», le Conseil fédéral a chargé la Chancellerie fédérale d'informer le Ministère public de la Confédération d'une possible indiscrétion. Après une enquête préliminaire, ce dernier a ouvert une procédure d'enquête de police judiciaire. La CdG-N s'élève avec fermeté contre les indiscrétions. Elles constituent un grave problème, nuisent à la crédibilité du Conseil fédéral et entravent la préparation des décisions et la prise de décision elle-même au sein du collège fédéral. La liste des destinataires pour les affaires dites vertes étant très restreinte, la CdG-N en conclut que la fuite émane certainement du cercle très restreint des conseillers fédéraux. Elle est donc confiante que le Ministère public de la Confédération obtiendra des résultats concrets qui permettront d'entamer des poursuites pénales à l'encontre des auteurs de l'indiscrétion.

En revanche, la CdG-N est d'avis que Swisscom n'est en rien responsable du cafouillage constaté. A l'évidence, certains membres du Conseil fédéral s'attendaient à ce que ce soit Swisscom qui rende public l'abandon du projet de participation à une entreprise étrangère de télécommunications. Au cours de son enquête, la CdG-N a pu constater que Swisscom avait examiné si l'obligation de communiquer les décisions peu claires que le Conseil fédéral avait prises le 23 novembre 2005 lui incombait. Cela n'était pas le cas. Sur les bases des constatations faites au ch. 4, la CdG-N parvient à la conclusion que Swisscom n'était pas habilitée à fournir ces informations et que c'est avec raison qu'elle a insisté pour que le Conseil fédéral lui livre une interprétation minimale approfondissant les décisions du 23 novembre 2005 relatives à la stratégie d'investissement à l'étranger.

6

Autres réflexions de nature juridique

La CdG-N a traité les questions juridiques déterminantes de manière approfondie aux ch. 3 et 4. Elle a en particulier présenté le processus de conduite du Conseil fédéral qui fixe les objectifs stratégiques, contrôle leur réalisation et, le cas échéant, prend les mesures qui s'imposent. La CdG-N a constaté qu'en prenant les décisions du 23 novembre 2005, le Conseil fédéral a transgressé les principes (objectifs stratégiques) et les procédures (processus itératif lors de l'adaptation des objectifs stratégiques, contrôle de gestion institutionnalisé lors de l'examen de la conformité de projets par rapport aux objectifs stratégiques). Alors qu'il avait jusque-là opéré une distinction claire entre les décisions de nature politique de son ressort et celles concernant la gestion de l'entreprise du ressort de cette dernière, il s'est tout à coup immiscé dans le domaine de compétences du conseil d'administration de Swisscom.

Dans sa forme absolue, la décision du Conseil fédéral concernant l'interdiction d'investir à l'étranger n'était pas compatible avec la LET (voir ch. 4.5).

Compte tenu de ce constat et de ceux du ch. 4, il n'y a pas lieu d'approfondir la question dans la perspective du droit de la société anonyme. La CdG-N est en outre d'avis qu'une analyse des événements purement axée sur le droit privé n'accorderait pas aux bases légales et procédures qui règlent les rapports entre Swisscom et son actionnaire majoritaire l'importance qui leur est due.

En ce qui concerne le respect des dispositions idoines de la législation sur les bourses, les décisions du Conseil fédéral devaient être examinées sous l'angle du règle4971

ment de cotation de la bourse suisse SWX, en particulier des prescriptions relatives à la publicité événementielle19. Ces prescriptions visent l'émetteur et non pas l'actionnaire. Bien que la CdG-N estime que, dans cette affaire, la communication du collège gouvernemental était pour le moins maladroite (voir ch. 5.3), la question d'une violation des prescriptions boursières par le Conseil fédéral ne se pose pas.

Swisscom y est en revanche soumise. A cet égard, la CdG-N constate que la bourse suisse SWX, instance compétente en la matière, n'a pas entamé de procédure à l'encontre de Swisscom.

7

Evaluation globale

Pour une partie du public, l'affaire des décisions du Conseil fédéral du 23 novembre 2005 se résume au seul cafouillage qui a altéré la communication. Le présent rapport montre toutefois qu'il en va de problèmes fondamentaux qui dépassent largement le cadre d'une simple panne de communication.

Le 23 novembre 2005, sans préparation et sans bases de décisions suffisantes, le Conseil fédéral a enjoint à Swisscom de renoncer à prendre des participations dans des entreprises étrangères de télécommunications. Il a pris ces décisions sans respecter les principes et procédures fixées, passant outre les objectifs stratégiques en vigueur. Dans sa forme absolue, cette volte-face stratégique n'était pas compatible avec la LET. En ce qui concerne l'injonction faite à Swisscom de renoncer à prendre une participation dans Eircom, force est de constater que le Conseil fédéral a courtcircuité le processus de contrôle de gestion institutionnalisé en cours visant à vérifier la conformité de la participation avec les objectifs stratégiques. Sans examen approfondi et sans disposer de bases correspondantes, le Conseil fédéral a procédé à une évaluation des risques.

Sans motifs apparents pouvant expliquer sa précipitation, le Conseil fédéral a pris une décision non seulement immédiate, mais également peu claire au point de donner lieu à des interprétations différentes. De plus, étant trop radicales, le Conseil fédéral a dû relativiser ses décisions les 2 et 21 décembre 2005. Malgré ce manque de clarté et le fait que la responsabilité de la communication relative à ce dossier ait été confiée au DFF, certains conseillers fédéraux ont publiquement commenté les décisions du collège gouvernemental et se sont contredits. En communiquant de manière aussi irresponsable, les membres du Conseil fédéral ont porté atteinte à la crédibilité du gouvernement, aussi bien en Suisse qu'à l'étranger, prenant du même coup le risque de causer un préjudice à Swisscom. En assortissant de surcroît son injonction d'une menace d'action en responsabilité à l'encontre des membres du conseil d'administration et de la direction de Swisscom, le Conseil fédéral a désavoué les dirigeants de l'entreprise.

Force est de constater qu'avec les décisions abruptes qu'il a prises le 23 novembre 2005 et en s'immisçant dans le domaine de compétence du conseil
d'administration de Swisscom, le Conseil fédéral s'est rendu responsable d'une rupture par rapport aux relations qu'il entretenait jusque-là avec Swisscom dans le cadre du processus de conduite.

19

Voir règlement de cotation de la bourse suisse SWX du 24.1.1996, chapitre 3, art. 72 (devoir d'information des faits susceptibles d'influencer les cours [publicité événementielle]).

4972

Le chemin emprunté par le Conseil fédéral était incohérent et empreint de contradictions, aussi bien sur la forme que sur le fond. Les motifs des décisions invoqués au sein du collège gouvernemental manquaient de cohérence. L'évaluation des risques à laquelle le Conseil fédéral a procédé le 23 novembre 2005 et qui a été diversement expliquée par la suite est entachée de nombreuses contradictions.

Au surplus, en méconnaissance de la structure du bilan de l'entreprise, le Conseil fédéral a également pris une décision relative à l'affectation des fonds propres disponibles de Swisscom (rapport de 60:40 entre fonds propres et fonds étrangers).

Par la suite, il s'est également avéré que, à l'instar de celle relative aux investissements à l'étranger, cette décision ne pouvait pas être mise en oeuvre.

8

Conclusions

8.1

Fiabilité des objectifs stratégiques de la Confédération

La démarche suivie par le Conseil fédéral lors de sa décision du 23 novembre 2005 est de nature à provoquer des incertitudes, aussi bien auprès des entreprises auxquelles la Confédération assigne des objectifs stratégiques (Swisscom, La Poste, Ruag, Skyguide, CFF) que de leurs actionnaires minoritaires et des divers acteurs du marché. Il est inacceptable que des procédures manquant de transparence permettent à des acteurs politiques de peser sur les directions des entreprises de la Confédération au point de leur faire courir des risques supplémentaires. Force est de constater que la délimitation claire entre responsabilité politique et responsabilité en matière de gestion de l'entreprise a été remise en cause.

Comme cela était le cas jusqu'ici, les objectifs stratégiques assignés à Swisscom pour les années 2006 à 2009 donnent une image de fiabilité. En arrêtant à long terme des objectifs cohérents et en les publiant, la Confédération assure la stabilité et la clarté nécessaires pour les autres investisseurs.

Eu égard aux événements de novembre 2005, la CdG-N invite le Conseil fédéral à respecter cet objectif déclaré en matière de stabilité et de clarté. Le rapport sur la conduite des établissements et des entreprises de la Confédération20 donnera au Conseil fédéral la possibilité de préciser comment il entend exercer à l'avenir le rôle de propriétaire qui échoit à la Confédération. La CdG-N estime qu'il doit aller plus loin encore et prendre des mesures supplémentaires afin d'accorder à ce rôle l'importance qui lui revient et d'instaurer la confiance dans sa conduite stratégique des entreprises de la Confédération. Il va de soi que cette exigence de la CdG-N concerne également les rapports avec Swisscom.

20

Ce rapport du Conseil fédéral doit donner suite au postulat de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 13.9.2004 (04.3441) et à la motion de la Commission des finances du Conseil national du 15.2.2005 (05.3003). La CdG-E attendait ce rapport pour l'automne 2005. Selon une information de l'AFF, ce rapport sera encore retardé.

4973

Motion: La CdG-N charge le Conseil fédéral de définir clairement le rôle de propriétaire et la représentation de la Confédération dans les entreprises où elle a une participation importante. Le Conseil fédéral prendra les mesures nécessaires afin d'instaurer la confiance dans sa conduite stratégique des entreprises de la Confédération et déterminera les outils à même de lui permettre d'exercer son influence dans les organes des entreprises.

8.2

Réexamen du droit de donner des instructions

En vertu des statuts de Swisscom en vigueur, la Confédération a le droit de donner des instructions à ses représentants au conseil d'administration. Les événements de novembre 2005 ont montré que le Conseil fédéral a voulu utiliser son droit de donner des instructions pour provoquer une volte-face stratégique.

La CdG-N remet en question l'opportunité et l'efficacité de l'instruction dans la mesure où cet instrument permet au Conseil fédéral d'intervenir dans le domaine de compétence du conseil d'administration de Swisscom. L'instruction met le représentant de la Confédération, qui assume un double rôle en tant que représentant du propriétaire et de l'entreprise, dans une situation singulière. En vertu de l'art. 762 CO, il a les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres membres du conseil d'administration élus par l'assemblée générale. Cela étant, l'instruction n'exonère pas le conseil d'administration de son devoir de défendre l'ensemble des intérêts de l'entreprise. Avant le 23 novembre 2005, le Conseil fédéral a eu une attitude extrêmement restrictive en matière d'instruction au point de n'avoir jamais donné d'instruction formelle à ses représentants au sein du conseil d'administration de Swisscom.

La CdG-N constate également que les conditions et les compétences relatives à l'instruction ne font l'objet d'aucune disposition contraignante. Le mandat du représentant de la Confédération du 15 avril 2004 précise uniquement que, pour les questions importantes, les chefs du DFF et du DETEC donnent une instruction formelle et écrite lorsque le représentant de la Confédération au sein du conseil d'administration ou les responsables de l'administration le demandent.

La CdG-N constate en outre que l'instrument de l'instruction tel qu'il est prévu par les statuts de Swisscom, qui ont été approuvés par le Conseil fédéral, est unique en son genre.

Si le Conseil fédéral décidait de maintenir cet instrument, il faudrait alors en préciser les conditions et les fixer de manière contraignante, et cela en tenant compte des intérêts des actionnaires minoritaires.

Le Conseil fédéral ne doit en aucun cas utiliser son pouvoir d'instruction à des fins d'influence lorsqu'il a la possibilité de recourir à une autre procédure (telle que l'adaptation des objectifs stratégiques ou une décision par l'assemblée générale).

4974

Recommandation 1: La CdG-N invite le Conseil fédéral à réexaminer le droit de donner des instructions en tant qu'instrument lui permettant d'intervenir dans le domaine de compétence du conseil d'administration de Swisscom. S'il décidait de maintenir cet instrument, il faudrait alors fixer les conditions avec précision et de manière contraignante, et cela en tenant compte des intérêts des actionnaires minoritaires.

8.3

Respect des procédures et des principes établis

La CdG-N a constaté que tous les conseillers fédéraux n'étaient pas familiarisés avec les mécanismes et les procédures régissant les processus de conduite par assignation d'objectifs stratégiques.

Recommandation 2: La CdG-N invite le Conseil fédéral à se pencher de manière approfondie sur les procédures et les mécanismes régissant les processus de conduite par assignation d'objectifs stratégiques et à veiller à ce que ses décisions politiques respectent ce cadre.

8.4

Mise au point dans le domaine de la communication

La CdG-N parvient à la conclusion que le Conseil fédéral doit accorder plus de soin à la préparation dans le domaine de la communication, notamment en ajoutant systématiquement un point à la fin de l'ordre du jour de chacune de ses séances. La CdG-N est en outre d'avis que le porte-parole du Conseil fédéral doit être associé plus activement aux préparatifs en matière de communication et qu'il doit pouvoir s'exprimer systématiquement sur la clarté des informations et sur la coordination de la communication. Tout changement par rapport au plan de communication initialement défini lors de la séance du Conseil fédéral doit faire l'objet d'une décision claire et contraignante.

Le Conseil fédéral doit également se mettre d'accord sur la définition et le caractère contraignant du rôle de responsable du dispositif de communication. Il doit respecter les dispositions légales.

Le Conseil fédéral doit aussi se déterminer sur la manière de prévenir les indiscrétions. Les conseillers fédéraux doivent faire respecter les règles en la matière de manière uniforme et conséquente au sein de leur département respectif. En cas d'indiscrétion, le collège gouvernemental doit décider des mesures à prendre. S'il décide d'engager une procédure pénale, il doit alors s'engager à ce qu'elle soit menée à son terme.

4975

Recommandation 3: La CdG-N invite le Conseil fédéral à prendre des mesures destinées à assurer une meilleure préparation et une mise en oeuvre uniforme de la communication qui respecte les dispositions légales. Le Conseil fédéral doit définir le rôle de responsable du dispositif de communication. Il doit aussi arrêter des prescriptions uniformes en matière de prévention et, le cas échéant, de poursuite des indiscrétions.

9

Suite des travaux

La CdG-N transmet le présent rapport au Conseil fédéral en le priant de prendre position d'ici au 17 juillet 2006. Elle l'invite également à indiquer les mesures qu'il entend prendre ainsi que le délai de mise en oeuvre des recommandations 1 à 3.

La procédure relative à la motion déposée par la commission est régie par les art. 120 à 122 LParl.

28 mars 2006

Au nom de la Commission de gestion du Conseil national: Le président, Kurt Wasserfallen, conseiller national Le président de la sous-commission ad hoc Swisscom, Christian Waber, conseiller national Le secrétaire suppléant des Commissions de gestion, Martin Albrecht

4976