01.022 Message concernant les initiatives populaires «Moratoire Plus ­ Pour la prolongation du moratoire dans la construction de centrales nucléaires et la limitation du risque nucléaire (Moratoire-plus)» et «Sortir du nucléaire ­ Pour un tournant dans le domaine de l'énergie et pour la désaffectation progressive des centrales nucléaires (Sortir du nucléaire)» et concernant la loi sur l'énergie nucléaire du 28 février 2001

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le message concernant les initiatives populaires «Moratoireplus ­ Pour la prolongation du moratoire dans la construction de centrales nucléaires et la limitation du risque nucléaire (Moratoire-plus)» et «Sortir du nucléaire ­ pour un tournant dans le domaine de l'énergie et pour la désaffectation progressive des centrales nucléaires (Sortir du nucléaire)» et vous proposons de soumettre ces deux initiatives au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de les rejeter.

Les projets d'arrêtés fédéraux à ce sujet sont annexés.

Simultanément, nous vous présentons un projet de loi sur l'énergie nucléaire, qui est un contre-projet indirect aux initiatives.

Nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 1988

P

87.342

Installations nucléaires. Autorisation générale (N 28.9.88, Commission de l'énergie du Conseil national)

1988

P

88.440

Législation sur l'énergie atomique (E 6.10.88, Villiger)

1994

P

94.3320 Stockage final des combustibles nucléaires radioactifs; garanties financières (N 6.10.94, Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie CN 93.055)

1997

P

97.3344 Transport par voie aérienne de plutonium (N 19.12.97, Ostermann)

1998

P

97.3568 Combustibles usés. Halte au retraitement nuisible à l'environnement (N 20.3.98, Teuscher)

1998

P

98.3274 Conséquences du scandale relatif aux transports radioactifs (N 9.10.98, Stump)

2001-0230

2529

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

28 février 2001

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2530

Condensé L'initiative «Moratoire-plus» demande que pendant dix ans, il ne soit accordé aucune autorisation pour de nouvelles installations nucléaires, ni pour des réacteurs de recherche, ni pour un accroissement de la puissance des centrales nucléaires en service. La prolongation du fonctionnement de ces dernières au-delà de 40 ans serait soumise au référendum facultatif. L'initiative prévoit aussi la déclaration de provenance du courant électrique.

L'initiative «Sortir du nucléaire» demande l'arrêt progressif des centrales nucléaires. Si elle était acceptée, Beznau I et II ainsi que Mühleberg devraient cesser leur activité dans les deux ans à compter de la date de la votation, Gösgen et Leibstadt au terme de 30 années de fonctionnement au maximum, soit respectivement en 2008 et en 2014. L'initiative demande aussi l'interdiction du retraitement des assemblages combustibles retirés des centrales nucléaires suisses. En outre, la Confédération devrait légiférer pour assurer la prise en charge par les exploitants, ainsi que par les actionnaires et les entreprises partenaires, de tous les frais en rapport avec l'exploitation des centrales nucléaires et leur désaffectation. Elle devrait également imposer le stockage durable des déchets radioactifs produits en Suisse ainsi que l'ampleur minimale des droits de codécision des collectivités intéressées. Enfin l'initiative réclame la conversion à un approvisionnement électrique non-nucléaire, tout en précisant que la production fossile de courant devrait être assortie d'une récupération de la chaleur.

Le Conseil fédéral rejette les deux initiatives, en particulier pour les raisons suivantes: Il semble que l'initiative «Moratoire-plus» n'entraînerait pas des conséquences économiques graves, même si une prolongation de fonctionnement au-delà de 40 ans était refusée par le peuple et par les cantons. Mais s'il fallait éviter que son acceptation ne se traduise par un accroissement des rejets de CO2 (par rapport à ce que représenterait le fonctionnement des centrales nucléaires actuelles durant 50 à 60 ans), il faudrait prendre des mesures supplémentaires. En somme, il serait plus difficile d'atteindre les objectifs en matière de CO2 et de maintenir l'option nucléaire.

Quant à l'initiative «Sortir du nucléaire», elle affecterait sensiblement la bonne marche de
l'économie suisse. En effet, on doit s'attendre à ce que les surplus actuels d'électricité en Europe se résorbent à partir de 2010. Or l'initiative prévoit certaines restrictions au remplacement du courant produit dans les installations nucléaires; l'approvisionnement en électricité s'en trouverait sans doute fortement renchéri. Par ailleurs, il serait politiquement impossible d'imposer l'interdiction stricte d'importer du courant de source nucléaire ou d'origine thermique fossile non assortie de la récupération de chaleur. A cela s'ajouterait le prix non négligeable, au plan économique, des mesures à prendre pour éviter l'augmentation des rejets de CO2 (imputable à l'arrêt des centrales nucléaires), voire pour les réduire de 10 %, comme le veut la loi en la matière. L'acceptation de l'initiative permettrait certes d'échapper aux risques liés à l'utilisation de l'énergie nucléaire. Le Conseil

2531

fédéral estime toutefois que cela ne compenserait pas les inconvénients d'un abandon prématuré de cette technique.

Au mois d'octobre 1999, le Conseil fédéral a décidé de présenter au Parlement un projet de loi sur l'énergie nucléaire au titre de contre-projet indirect à ces deux initiatives. Cette loi admet le principe de l'énergie nucléaire et la construction de nouvelles centrales pour l'exploiter. Une future installation devra toutefois refléter l'état le plus récent de la science et de la technique. Etant donné l'importance de la décision concernant un tel projet, elle sera sujette au référendum. La réglementation proposée s'étendra par ailleurs aux domaines ci-après: interdiction du retraitement d'assemblages combustibles usés, désaffectation des installations nucléaires, évacuation des déchets radioactifs (modèle du dépôt souterrain en profondeur) et financement de l'opération. Les procédures d'autorisation seront alors simplifiées et mieux coordonnées. Enfin un recours sera possible devant une autorité judiciaire indépendante de l'administration.

Ainsi ce projet de loi répond à plusieurs objectifs des initiatives «Moratoire-plus» et «Sortir du nucléaire». Certaines mesures réclamées par elles peuvent d'ailleurs être prises en vertu des dispositions constitutionnelles et légales actuelles (p. ex. le régime de la déclaration de provenance du courant électrique).

Le Conseil fédéral propose au Parlement de recommander au peuple et aux cantons de rejeter les initiatives «Moratoire-plus» et «Sortir du nucléaire» et d'approuver la loi sur l'énergie nucléaire.

2532

Message 1re partie Initiatives «Moratoire-plus» et «Sortir du nucléaire» 1

Aspects formels

1.1

Textes des initiatives

L'initiative populaire «Moratoire-plus ­ Pour la prolongation du moratoire dans la construction de centrales nucléaires et la limitation du risque nucléaire (Moratoireplus)» a été déposée le 28 septembre 1999 sous forme de projet rédigé de toutes pièces. Elle a la teneur suivante: I La constitution fédérale est complétée comme suit: Art. 24quinquies, al. 3 (nouveau)1 3 S'il est prévu d'exploiter une centrale nucléaire pendant plus de quarante ans et si cela n'est pas exclu par une autre disposition constitutionnelle, cette décision doit faire l'objet d'un arrêté fédéral soumis au référendum. La durée d'exploitation ne peut être prolongée que pour des périodes ne dépassant pas dix ans. La demande de prolongation présentée par l'exploitant doit notamment renseigner sur:

a.

le vieillissement de l'installation et les problèmes de sécurité qui en découlent;

b.

les mesures à prendre pour que l'installation satisfasse aux normes internationales de sécurité les plus modernes et les dépenses requises à cet effet.

Art. 24octies, al. 3, let. c (nouvelle)1 3

La Confédération: c.

arrête des dispositions sur la déclaration à faire au sujet de la provenance du courant électrique et de son mode de production.

II Les dispositions transitoires de la constitution fédérale sont complétées comme suit: Art. 25 (nouveau)1 Durant les dix ans suivant l'acceptation de la présente disposition transitoire, aucune autorisation fédérale ne sera accordée pour

1

a.

de nouvelles installations destinées à la production d'énergie nucléaire;

b.

l'augmentation de la puissance thermique des centrales nucléaires existantes;

Concernant la numérotation des articles, cf. le ch. 1.4

2533

c.

des réacteurs utilisés pour la recherche et le développement de la technique nucléaire, sauf s'ils servent à la médecine.

L'initiative populaire «Sortir du nucléaire ­ Pour un tournant dans le domaine de l'énergie et pour la désaffectation progressive des centrales nucléaires (Sortir du nucléaire)» a été déposée le 28 septembre 1999 sous forme de projet rédigé de toutes pièces. Elle a la teneur suivante: I La constitution fédérale est complétée comme suit: Art. 24decies (nouveau)2 1

Les centrales nucléaires sont progressivement désaffectées.

2

Le combustible nucléaire irradié ne doit plus être retraité.

3

La Confédération arrête les dispositions légales qui s'imposent, notamment en ce qui concerne a.

le recours à des sources d'énergie non nucléaires pour assurer l'approvisionnement en électricité, celle-ci ne devant pas provenir d'installations qui utilisent l'énergie fossile sans récupération de chaleur;

b.

le stockage durable des déchets radioactifs produits en Suisse, les exigences y relatives en matière de sécurité et l'ampleur minimale des droits de codécision des collectivités intéressées;

c.

la prise en charge par les exploitants, ainsi que par les actionnaires et les entreprises partenaires, de tous les frais en rapport avec l'exploitation des centrales nucléaires et leur désaffectation.

II Les dispositions transitoires de la constitution fédérale sont complétées comme suit: Art. 24 (nouveau)2 1

Les centrales nucléaires de Beznau 1, de Beznau 2 et de Mühleberg sont mises hors service au plus tard deux ans après l'adoption de la présente disposition transitoire, les centrales nucléaires de Gösgen et de Leibstadt au plus tard trente ans après leur mise en service.

2

Après l'adoption de la présente disposition transitoire l'exportation de combustibles nucléaires irradiés aux fins de retraitement n'est plus permise. Les combustibles nucléaires exportés, mais pas encore retraités à l'adoption de la présente disposition transitoire, doivent autant que possible être repris sans avoir été retraités. Les dispositions contraires d'accords internationaux sont réservées.

3 Dans un délai d'une année après l'adoption de la présente disposition transitoire, le Conseil fédéral arrête les dispositions d'exécution qui s'imposent.

2

Concernant la numérotation des articles, cf. le ch. 1.4

2534

1.2

Aboutissement

Par décision du 22 octobre 1999, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative «Moratoire-plus», déposée le 28 septembre 1999 avec 120 628 signatures valables, avait formellement abouti, de même que l'initiative «Sortir du nucléaire», déposée à la même date et munie de 117 675 signatures valables (FF 1999 8144 ss).

1.3

Délai

Le Conseil fédéral présente un projet de loi sur l'énergie nucléaire au titre de contreprojet indirect aux deux initiatives populaires. Il a donc jusqu'au 28 mars 2001 pour remettre aux Chambres un message concernant ces deux initiatives. De leur côté, les Chambres fédérales devront se prononcer avant le 28 mars 2003 (art. 27, al. 1 et 5bis, et art. 29, al. 1 et 2, de la loi sur les rapports entre les conseils; LREC; RS 171.11).

1.4

Effets de la nouvelle Constitution fédérale

Etant donné la Constitution du 18 avril 1999, les dispositions contenues dans les deux initiatives populaires ne peuvent plus être numérotées comme par le passé. Les art. 24quinquies, al. 3, 24octies, al. 3, let. c, et 25 des dispositions transitoires Cst. de l'initiative «Moratoire-plus» deviennent les art. 89, al. 6, 90a et 197, ch. 1, des dispositions transitoires concernant l'art. 90a Cst. De leur côté, les art. 24decies et 24 des dispositions transitoires Cst. de l'initiative «Sortir du nucléaire» deviennent les art. 90b et 197, ch. 2 des dispositions transitoires concernant l'art. 90bCst. La nouvelle numérotation est utilisée dans les pages qui suivent.

Les textes des deux initiatives ne nécessitent aucune correction rédactionnelle comme l'autoriserait, pour autant que cela s'impose, le ch. III de la nouvelle Cst.

1.5

Validité

1.5.1

Unité de la forme

Selon l'art. 139, al. 2, Cst., l'initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution peut revêtir la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet rédigé. Les formes mixtes ne sont pas admises (art. 75, al. 3, de la loi fédérale sur les droits politiques, LDP; RS 161.1). Les initiatives qui nous intéressent ont la forme d'un projet rédigé de toutes pièces. L'unité de la forme est assurée.

1.5.2

Unité de la matière

L'art. 139, al. 3, Cst. fixe l'exigence de l'unité de matière: une initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution doit avoir pour objet une seule matière. Cette exigtence est repectée lorsqu'il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties de l'initiative (art. 75, al. 2, LDP).

2535

L'initiative «Moratoire-plus» demande que pendant dix ans, il ne soit accordé aucune autorisation pour de nouvelles installations nucléaires, ni pour des réacteurs de recherche, ni pour un accroissement de puissance des centrales nucléaires en service.

La prolongation du fonctionnement de ces dernières au-delà de 40 ans serait soumise au référendum facultatif. L'initiative prévoit aussi une déclaration de provenance du courant électrique. Tous ces éléments relèvent bel et bien de la même matière.

L'initiative «Sortir du nucléaire» demande, outre l'arrêt progressif des centrales nucléaires, l'interdiction du retraitement des assemblages combustibles usés, la conversion à un approvisionnement électrique non-nucléaire, le stockage durable des déchets radioactifs produits en Suisse, ainsi que la prise en charge, par les exploitants, les actionnaires et les entreprises partenaires, de tous les frais en rapport avec l'exploitation des centrales nucléaires et leur désaffectation. L'initiative vise une interdiction de l'énergie nucléaire. Toutes ses autres propositions vont dans ce sens.

Ainsi donc, les deux initiatives respectent le principe de l'unité de matière.

1.6

Compatibilité avec le droit international

La majorité des écoles admettent, et cela correspond aussi à la pratique la plus récente de l'Assemblée fédérale, que pour être valable, une initiative populaire doit être compatible avec les règles impératives du droit international (dites jus cogens).3 De son côté, la Constitution fédérale reconnaît à l'art. 193, al. 4, pour la révision totale et à l'art. 194, al. 2, pour la révision partielle qu'il ne faut pas violer ces règles (cf. art. 139, al. 3,Cst cst.). Aucune des deux initiatives populaires ne touche de telles règles. Elles sont donc valables de ce point de vue également.

1.7

Applicabilité

Ni la Constitution fédérale ni une loi ne reconnaissent dans l'inapplicabilité d'une initiative un motif d'invalidité. Néanmoins, la pratique et la doctrine s'accordent sur ce point: les tâches impossibles à exécuter ne relèvent pas de l'activité de l'Etat, de sorte qu'une votation populaire ne saurait avoir lieu à leur sujet. Une pratique constante veut qu'une initiative soit irréalisable si elle est manifestement impossible à mettre en oeuvre non seulement du point de vue juridique et temporel, mais aussi au plan matériel.

La désaffectation progressive des centrales nucléaires suisses prévue par l'initiative «Sortir du nucléaire» et l'interdiction de retraitement du combustible usé pourraient avoir des retombées globalement négatives pour l'environnement et pour l'économie du pays. Quant à la conversion obligatoire aux sources d'énergie non nucléaires, exigée par cette même initiative, elle présenterait sans doute des difficultés pratiques; la remarque s'applique également à l'introduction du régime de la déclaration de provenance de l'électricité, voulu par l'initiative «Moratoire-plus» (cf. message

3

FF 1994 III 1480 ss

2536

initiatives, ch. 4.1.3.2 et 4.2.3.1 à 4.2.3.3)4. Mais ces difficultés ne suffisent pas pour condamner officiellement les initiatives en question.

2

Contexte et politique du Conseil fédéral

2.1

Approvisionnement énergétique mondial

2.1.1

Consommation d'énergie et production d'électricité

Selon l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), la consommation mondiale d'énergie finale s'est accrue de 8,4 % entre 1988 et 1998, la consommation d'électricité de 29 %. Le pétrole conforte sa position de principale énergie finale (apport de 49 %), l'apport du gaz reste stable à 19 %, l'électricité progresse de 15 à 18 % alors que le charbon chute de 15 à 10 %. La part des autres énergies finales (chaleur produite à distance, bois, autres énergies renouvelables) passe de 3 à 4 %.

En 1998, la production d'électricité s'est répartie comme suit: charbon: 38 % (1988: 39 %), pétrole: 9 % (11 %), gaz: 16 % (13 %), nucléaire: 17 % (inchangé), force hydraulique: 18 % (19 %), autres énergies renouvelables: 2 % (1 %).

Le recours à l'énergie nucléaire et l'utilisation de la force hydraulique ont évolué parallèlement à la consommation d'électricité. Sans la croissance soutenue de cette dernière, l'emploi du charbon reculerait encore davantage. C'est aussi ce qui explique la forte progression du gaz, dont 60 % du surcroît de consommation a servi à produire de l'électricité. En revanche, la hausse de la consommation de pétrole repose surtout sur la demande de carburants (+ 23 % de 1988 à 1998), alors que l'utilisation des combustibles pétroliers tend à se stabiliser.

2.1.2

Perspectives de l'approvisionnement énergétique mondial d'ici à 2020

Selon les perspectives les plus récentes produites par l'AIE, l'EIA, la CME, Standard & Poor's et le Petroleum Economics5, la consommation mondiale d'énergie devrait augmenter d'environ 2 % par an d'ici à 2020, soit deux fois plus rapidement qu'au cours des années 1990, grâce notamment à la reprise économique dans les pays de l'ancien Bloc de l'Est. La hausse devrait avoisiner 1,2 % l'an dans la zone OCDE et en ex-URSS, contre 3½ % dans les pays en développement. La part des pays de l'OCDE dans la consommation mondiale d'énergie reculera à 43 % en 2020 (54 % actuellement) et celle des pays du Sud-Est asiatique (y c. la Chine) passera de 20 à 28 %, pour des raisons économiques et démographiques.

Les différentes études s'accordent à estimer que la consommation d'agents énergétiques fossiles augmentera grosso modo au même rythme que la consommation glo4

5

Le présent document réunit en fait deux messages. Le premier traite des initiatives populaires, le second du projet de loi sur l'énergie nucléaire (LENu). Les renvois dans le texte ont la forme suivante: «cf. message initiatives, ch. 1 ou «cf. message LENu, ch. 7» AIE: Agence Internationale de l'Energie, Paris, scénario «Business as usual», novembre 1998; EIA: Energy Information Administration, Washington, Energy Outlook 2000; CME: Conseil mondial de l'Energie, perspectives 1998; Standard & Poor's DRI, World Outlook, janvier 1999; Petroleum Economist, Londres, Oil and Energy Outlook, février 2000.

2537

bale, ce qui fait qu'en 2020, l'approvisionnement énergétique mondial dépendra encore et toujours à raison d'environ 80 % des ressources non renouvelables.

La consommation d'électricité maintiendra sa tendance à la hausse d'environ 2½ % par an, avec une progression plus soutenue en Asie du Sud-Est (5 %) et en Amérique latine (4 %). En Europe occidentale, selon l'AIE, la hausse avoisinera les 2 %, en ligne avec la croissance économique.

Le recours à l'énergie nucléaire continuera de progresser, selon les différentes études, quoique bien moins rapidement que jusqu'ici et bien moins que la consommation globale. La croissance, estimée à env. ½ % par an jusqu'en 2010 et due principalement au renforcement du parc nucléaire en Asie du Sud-Est, devrait nettement s'infléchir à partir de là, voire même faire place au recul avec la mise hors service de centrales dans les pays industrialisés.

Selon la majorité des estimations, les énergies renouvelables évolueront au même rythme que la consommation globale; seule l'AIE leur attribue une croissance sensiblement supérieure à la moyenne (+ 2½ % par an).

Toutes ces perspectives vont manifestement à l'encontre de la convention sur le climat et du principe du développement durable. Elles ne supposent aucune modification fondamentale de la politique de l'énergie.

2.2

Approvisionnement de la Suisse en électricité

Pour son approvisionnement énergétique, la Suisse dépend largement de l'étranger (80,7 % en 1999). Dans notre pays, les principales énergies indigènes sont la force hydraulique, qui couvre 13 % des besoins finaux d'énergie, le bois (2,4 %) et les ordures et déchets industriels (env. 3 %, directement ou pour le chauffage à distance). Bien qu'elles aient un grand potentiel technique, les nouvelles énergies renouvelables (solaire, éolien, géothermie, biogaz) ne jouent encore qu'un rôle négligeable, statistiquement parlant.

Jusque vers la fin des années 1960, l'approvisionnement de la Suisse en électricité était basé à plus de 90 % sur la force hydraulique. A partir de 1970, l'énergie nucléaire a gagné en importance. En 1999, son apport à la production nationale d'électricité a été de 35,3 % (moyenne des dix dernières années 38,9 %), contre 60,9 % pour la force hydraulique et 3,8 % pour les centrales thermiques classiques.

Avec les centrales au fil de l'eau, les centrales nucléaires assurent la couverture de base de la demande d'électricité en Suisse.

De 1950 à 1999, la consommation d'électricité s'est accrue au taux moyen de 3,7 % par an. A partir du milieu des années 1980, on observe toutefois un net ralentissement (+ 1,5 % par an de 1985 à 1999). Au cours des années de stagnation économique (1991 à 1997), la progression moyenne n'a été que de 0,4 % par an, avant de reprendre en 1998 (+ 2,1 %) et en 1999 (+ 3,2 %).

Chaque année, la Suisse exporte plus d'électricité qu'elle n'en importe. Jusqu'au milieu des années 1970, ce solde net tendait à augmenter. Depuis, il stagne tout en fluctuant énormément d'une année à l'autre. Si l'on considère uniquement le semestre d'hiver, la situation apparaît plus précaire, puisque sur les dix derniers hivers, il y en a eu sept où la production indigène d'électricité n'a pas suffi à couvrir la demande. Les droits de prélèvement sur les centrales nucléaires françaises (2155

2538

MW à fin 1999) permettent de combler ces déficits d'approvisionnement. En 2005, les droits actuels atteindront leur maximum, avant de se résorber d'ici à 2036.

L'économie électrique suisse joue un rôle clé dans le commerce international d'électricité, grâce notamment aux centrales à pompage-turbinage, qui permettent de valoriser l'électricité produite en ruban, grâce aussi aux installations à accumulation qui peuvent être rapidement mises en service en cas de perturbation ou de surcroît soudain de la demande. Des lignes à grande capacité (lignes d'interconnexion) ont été construites entre la Suisse et les pays voisins et une centrale de coordination des échanges mise en place à Laufenbourg. La Suisse est de ce fait l'un des pays européens les plus étroitement imbriqués au réseau électrique du continent.

2.3

Politique énergétique

2.3.1

Loi sur l'énergie

La loi sur l'énergie (LEn; RS 730.0), entrée en vigueur le 1er janvier 1999, représente un fondement important de notre politique énergétique. Elle vise notamment à promouvoir une utilisation économe et rationnelle de l'énergie ainsi qu'à encourager le recours aux énergies indigènes et renouvelables.

Pour atteindre ces objectifs, la loi prévoit diverses possibilités. Ainsi, la collaboration avec des organisations privées doit-elle être renforcée. La Confédération peut notamment leur confier des tâches au moyen de mandats de prestations. A titre exceptionnel, elle peut aussi apporter un soutien financier direct à des projets isolés dans le domaine des énergies renouvelables, de l'utilisation rationnelle de l'énergie et de la récupération des rejets de chaleur. Les cantons doivent développer leurs propres programmes, pour lesquels ils reçoivent des montants globaux de la Confédération. De plus, en vertu de la loi sur l'énergie, ils doivent créer dans leur législation des conditions générales favorisant une utilisation économe et rationnelle de l'énergie ainsi que le recours aux énergies renouvelables dans les bâtiments.

Avant d'autoriser la construction de toute nouvelle installation productrice d'électricité alimentée par des combustibles fossiles, l'autorité cantonale doit étudier si la demande d'énergie peut être raisonnablement couverte au moyen d'énergies renouvelables et quelles sont les possibilités d'utiliser judicieusement les rejets de chaleur. Par ailleurs, les entreprises chargées de l'approvisionnement énergétique de la collectivité sont tenues de reprendre, aux conditions prévues par la loi, les surplus d'énergie des producteurs indépendants.

La consommation d'énergie des installations, véhicules et appareils produits en série doit être réduite en premier lieu à l'aide de valeurs-cibles convenues entre la Confédération, les producteurs et les importateurs.

Si aucune convention n'est adoptée, ou si les objectifs ne sont pas respectés, la Confédération peut prescrire des exigences applicables à la mise sur le marché de ces installations, véhicules et appareils. Elle peut aussi introduire des instruments économiques.

La Confédération et les cantons dispensent informations et conseils au public sur les questions relatives à l'énergie. Ils soutiennent la recherche et le développement
de nouvelles technologies ainsi que la formation et le perfectionnement de spécialistes.

Le programme SuisseEnergie soutient, comme l'ancien programme Energie 2000, les mesures volontaires prévues par la loi sur l'énergie (cf. message initiatives, ch. 2.3.2).

2539

2.3.2

Programme SuisseEnergie

SuisseEnergie est le programme subséquent d'Energie 2000. Il est mis en oeuvre conjointement par les cantons et les milieux économiques. Son objectif est de poursuivre et d'intensifier les actions d'Energie 2000 qui ont connu le succès, en faisant appel à des organisations privées conformément à la loi sur l'énergie (mandats de prestations délivrés à des agences), en passant des conventions avec de gros consommateurs conformément à la loi sur le CO2, ou encore en adoptant des conventions sectorielles ou des prescriptions sur la mise en circulation d'installations, de véhicules et de machines.

On exploitera systématiquement les expériences d'Energie 2000. Les mesures librement consenties seront soutenues par des incitations, tout en étant rendues plus contraignantes à l'aide de conventions. Par ailleurs, l'organisation sera améliorée et simplifiée. On continuera d'appliquer les recettes ayant assuré la réussite d'Energie 2000 (objectifs clairement quantifiables, approche axée sur le marché, le partenariat et les mesures librement consenties, et soutenue par le dialogue et des conditionscadres légales), suivant en cela les conclusions de la procédure de consultation du programme subséquent. Un nouveau groupe stratégique, réunissant des représentants de la Confédération, des cantons et de l'économie, a été chargé de définir le programme et d'en poursuivre le développement.

SuisseEnergie concentrera principalement son action sur le rendement énergétique et les énergies renouvelables. L'énergie hydraulique doit rester le pilier de l'approvisionnement électrique de la Suisse.

Le programme subséquent permettra en outre de coordonner la mise en oeuvre d'éléments importants de la loi sur l'énergie et de la loi sur le CO2. Il contribuera ainsi à soutenir l'objectif d'un développement durable voulu par le Conseil fédéral.

Pour atteindre cet objectif, on devra notamment ramener la consommation d'énergies renouvelables en dessous du rythme de renouvellement des ressources, tout en réduisant la consommation d'énergies non renouvelables à un niveau inférieur au développement des produits de substitution renouvelables. Les diverses atteintes environnementales causées par des émissions polluantes devront être ramenées à un niveau ne présentant plus de danger à long terme. Par ailleurs, les risques de catastrophes
écologiques devront être réduits et le fonctionnement de l'économie amélioré, et cela non seulement sur le plan quantitatif, mais aussi sur le plan de la qualité. Parmi les autres objectifs de SuisseEnergie figurent le maintien de la compétitivité de l'économie ainsi que la création d'emplois et de bien-être social. Le programme contribuera aussi à ce que les prix des prestations en matière d'énergie tiennent compte des coûts externes et de la raréfaction des ressources. Il doit en outre veiller à ce que la santé de l'homme ne soit pas menacée, et garantir à tous les habitants l'accès à un approvisionnement suffisant, diversifié et sûr.

SuisseEnergie concentre ses efforts en particulier sur trois secteurs de consommation d'énergie («bâtiment», «économie» et «mobilité»), ainsi que sur les énergies renouvelables.

Dans le secteur du bâtiment, SuisseEnergie apporte son aide aux cantons, qui sont compétents en la matière. Le programme vise à encourager la collaboration intercantonale, notamment en vue de l'harmonisation des prescriptions. Il soutient en outre la mise en oeuvre des mesures d'encouragement et, si nécessaire, l'élaboration de prescriptions par les cantons. Des montants globaux sont alloués aux cantons 2540

pour qu'ils financent les mesures d'encouragement direct et indirect, le principal critère d'attribution étant celui de l'efficacité des mesures.

La Confédération soutient les mesures librement consenties par l'économie, notamment par la nouvelle Agence de l'économie. Les conventions avec les consommateurs d'énergie prévues par la loi sur le CO2 joueront à cet égard un rôle central.

Dans le domaine de la mobilité, SuisseEnergie soutient les associations de transports combinés, la gestion de la mobilité dans les villes et les entreprises, ainsi que les modes de déplacement économisant l'énergie et favorables à l'environnement.

Conformément à la loi sur l'énergie, on fixera des valeurs-cibles et l'on édictera, le cas échéant, des prescriptions visant à réduire la consommation de carburant des véhicules nouvellement mis en circulation. Par ailleurs, on encouragera la recherche et le développement de nouvelles techniques dans le secteur de la propulsion et des véhicules, comme les piles à combustion.

Le rendement des appareils électriques sera amélioré au moyen de valeurs-cibles et, éventuellement, de prescriptions. D'autre part, le projet L'énergie dans la cité sera poursuivi en collaboration avec les cantons. Si nécessaire, on reprendra les discussions avec l'ensemble des partenaires sur des thèmes controversés de la politique de l'énergie.

2.3.3

Loi sur le CO2

La protection du climat figure au rang des tâches prioritaires de la politique environnementale. Elle vise à limiter le réchauffement climatique, imputable principalement à la consommation d'énergie, et ses redoutables conséquences. L'objectif de la loi sur le CO2 (RS 641.71) est de stabiliser dans un premier temps, puis de réduire les émissions de gaz carbonique (CO2) dues à l'utilisation d'énergie. La Suisse a ratifié en 1993 la Convention sur le climat et s'est engagée, dans le cadre du protocole de Kyoto, à réduire de 8 % les gaz ayant un effet sur le climat. Ces engagements doivent être concrétisés en particulier à l'aide de la loi sur le CO2, entrée en vigueur le 1er mai 2000.

L'objectif fixé par la loi est de réduire de 10 % les émissions de CO2 d'ici à l'an 2010 par rapport à 1990 (combustibles fossiles: moins 15 %; carburants fossiles: moins 8 %). L'évolution des rejets de CO2 est régulièrement évaluée.

Les objectifs doivent être atteints par les mesures décidées ou planifiées relevant de la politique de l'énergie, des transports, de l'environnement et des finances. Dans le domaine de l'énergie, il s'agit surtout des mesures prévues par la loi sur l'énergie ou qui, librement consenties, sont prises au titre du programme SuisseEnergie.

Des professions, des groupes de consommateurs et des grandes entreprises ont la possibilité de passer des accords avec la Confédération sur la limitation de leur consommation d'énergie et de leurs émissions de CO2. S'il est prévisible que ces efforts ne permettront pas d'atteindre les objectifs fixés, une taxe pourra en effet être introduite en 2004 au plus tôt. La loi prévoit une taxe maximale de 210 francs par tonne de CO2, ce qui correspondra, par exemple, à environ 50 centimes par litre d'essence. Le produit de la taxe sera intégralement reversé à la population et aux milieux économiques. Son montant devra être approuvé par le Parlement. Du fait de sa subsidiarité, cette taxe incitative sur le CO2 pourra être harmonisée avec les autres mesures prévues par la Confédération.

2541

2.3.4

Loi sur le marché de l'électricité

La loi du 15 décembre 2000 sur le marché de l'électricité (LME; FF 2000 5761) fixe les conditions générales permettant un renforcement de la concurrence et donc une amélioration de l'efficacité dans le secteur de l'électricité. L'ouverture du marché à de nouveaux producteurs et le libre choix des fournisseurs par les consommateurs constituent les éléments essentiels de la libéralisation du marché. Outre une meilleure efficacité, les dispositions de la LME visent également des objectifs tels que la préservation du service public et un recours accru aux énergies renouvelables.

Après l'ouverture du marché, la pression sur les coûts se fera encore davantage ressentir pour les centrales nucléaires. Les plus anciennes d'entre elles prévoient d'abaisser les coûts de production de l'électricité, d'une part en prenant des mesures de rationalisation, d'autre part en procédant à des amortissements supérieurs au minimum légal. La centrale nucléaire de Gösgen affiche d'ores et déjà des coûts de production relativement bas. En revanche, celle de Leibstadt risque d'avoir des difficultés à résorber les investissements non amortissables découlant de l'ouverture du marché.

Il est difficile de prévoir si la construction de nouvelles centrales nucléaires est réalisable en Suisse avec un marché concurrentiel. Outre la politique de l'énergie nucléaire, cette question fait intervenir de nombreux facteurs, tels que le développement et les possibilités commerciales de nouveaux types de réacteurs, les questions de financement, le prix des techniques de production de courant concurrentes, sans oublier l'opinion publique. Or, l'évolution de ces facteurs est très difficilement prévisible.

Les autres formes de production de courant, de même que les techniques d'économie d'électricité, seront elles aussi exposées à une importante pression sur les coûts. L'énergie hydraulique présente encore des possibilités de développement, notamment au travers de l'augmentation du volume d'eau utilisé ou de l'amélioration du rendement des installations lors du remplacement des turbines.

Cependant, ces mesures augmenteront généralement les coûts de production de l'électricité. En outre, la compétitivité de l'énergie hydraulique et l'intérêt des investisseurs risquent de souffrir des investissements non amortissables, des exigences de la loi sur la protection des eaux, ainsi que de l'augmentation des débits résiduels, surtout après 2020, lors du renouvellement des concessions.

2.4

Politique de l'énergie nucléaire

2.4.1

Généralités

L'exploitation de l'énergie nucléaire en Suisse a commencé en mai 1957 avec la mise en service du premier réacteur expérimental. Au début des années 1960, le Conseil fédéral s'était prononcé en faveur du passage sans transition de l'énergie hydraulique, presque entièrement exploitée, à l'énergie nucléaire, afin de couvrir une demande d'électricité en progression rapide à ce moment-là. L'exploitation commerciale de l'énergie nucléaire a débuté avec la mise en service de la centrale nucléaire de Beznau I en 1969.Ont suivi les centrales nucléaires de Beznau II et de Mühleberg (1971), de Gösgen (1978) et de Leibstadt (1984).

2542

Dans la deuxième moitié des années 1960, une partie de la population commença à s'opposer à la construction de centrales nucléaires. L'activité des opposants au nucléaire culmina avec l'occupation en 1975 du site prévu pour accueillir la centrale de Kaiseraugst. Cette occupation dura plusieurs mois et ne s'acheva qu'après que le Conseil fédéral eut assuré aux organisations manifestantes des entretiens sur le projet. En 1989, la SA Energie nucléaire Kaiseraugst renonçait finalement à construire. La Confédération suisse lui accorda 350 millions de francs de dédommagement pour ses dépenses, d'un montant supérieur au milliard. L'industrie de l'électricité abandonna par ailleurs les projets des centrales nucléaires de Graben (BE), Verbois(GE), Inwil (LU) et Rüthi (SG). La Confédération suisse dut encore verser un dédommagement de 227 millions de francs pour l'abandon du projet de Graben.

Diverses défaillances, comme les accidents de réacteur des centrales nucléaires de Harrisburg en 1979 (USA) et de Tchernobyl en 1986 (Ukraine), le cas de criticalité aux conséquences mortelles survenu dans une usine de combustible nucléaire à Tokai Mura (Japon) en 1999, les dépassements répétés des valeurs limites lors du transport d'assemblages combustibles usés (CH, D, F, GB), ainsi que les irrégularités dans le contrôle des combustibles à l'usine de retraitement de Sellafield (GB) en 1999/2000 ont régulièrement relancé le débat sur l'utilisation de l'énergie nucléaire.

Une série d'initiatives populaires ont été soumises au peuple depuis 1979 (cf. message initiatives, ch. 2.4.4).

Le 14 décembre 1992, à la suite de la votation du 23 septembre 1990 (initiatives sur un moratoire et sur l'abandon du nucléaire), le Conseil fédéral octroya à la centrale nucléaire de Mühleberg une autorisation d'exploitation limitée à la fin 2002; il donna en même temps son accord à l'augmentation de 10 % de la puissance thermique du réacteur. Le 12 décembre 1994, il autorisa la poursuite de l'exploitation de la centrale nucléaire de Beznau II jusqu'à la fin 2004. Le 28 octobre 1998, il approuva une augmentation de 14,7 % de la puissance thermique de la centrale nucléaire de Leibstadt, et prolongea l'autorisation d'exploitation de la centrale de Mühleberg de 10 ans, soit jusqu'en 2012. Le 23 juin 1993, il octroya à la SA ZWILAG Zwischenlager
Würenlingen une autorisation générale pour le dépôt intermédiaire centralisé à Würenlingen (ZZL), qui fut approuvée le 6 octobre 1994 par les Chambres fédérales. Le 21 août 1996, il autorisa la construction et l'exploitation des bâtiments du dépôt ainsi que la construction de l'installation de traitement des déchets du ZZL.

Enfin, le 6 mars 2000, il autorisa la mise en service de cette dernière. Ce dépôt devrait accueillir les premiers déchets radioactifs au premier semestre 2001.

2.4.2

Dialogue sur l'énergie

Après la catastrophe de Tchernobyl, une session extraordinaire du Parlement eut lieu en automne 1986 où il fut débattu du problème de l'énergie. Le Conseil fédéral accepta d'étudier, à l'aide de scénarios, les conditions requises, les possibilités et les conséquences d'un éventuel abandon du nucléaire en Suisse. Il mit en place à cet effet le groupe d'experts Scénarios énergétiques (EGES), en veillant à ce que ce groupe scientifique soit représentatif des diverses positions sur le nucléaire. Le groupe EGES élabora des scénarios à partir de dates d'abandon du nucléaire différentes. Il examina également le modèle d'un moratoire permanent sur l'énergie

2543

nucléaire. Peu avant la fin des travaux, trois experts quittèrent le groupe en raison de divergences d'opinion. Le rapport fut rendu public en automne 1988.

Suite à l'acceptation de l'article sur l'énergie et de l'initiative sur un moratoire et suite au rejet de l'initiative pour l'abandon du nucléaire, un programme intitulé Energie 2000 fut élaboré en septembre 1990. Dans le cadre du programme, on mit en place trois groupes de conciliation «Force hydraulique», «Lignes à haute tension» et «Déchets radioactifs», et un vaste débat sur l'énergie s'engagea sous la houlette du chef du DETEC.

Après des discussions préliminaires menées dans le cadre d'Energie 2000, une Conférence sur le problème de la gestion des déchets radioactifs («Conférence sur la gestion des déchets 1991») fut organisée en novembre 1991 avec les anciens acteurs du débat sur l'énergie. Les discussions se concentrèrent surtout sur la stratégie d'évacuation des déchets radioactifs, sur la sécurité de leur stockage final, sur leur recensement et sur leur forme.

Cette conférence aboutit à la création du groupe de conciliation «Déchets radioactifs» (KORA), qui entreprit ses travaux au début 1992. Ce groupe réunissait les exploitants des centrales nucléaires, les opposants au nucléaire et les autorités. Son objectif était d'élaborer des solutions communes en vue de résoudre les problèmes du cycle du combustible, du recyclage des éléments combustibles et de la gestion des déchets faiblement et moyennement radioactifs à vie courte. Les organisations de protection de l'environnement se retirèrent du KORA à la fin 1992, en réaction à la décision du Conseil fédéral d'augmenter la puissance de la centrale nucléaire de Mühleberg et de proroger l'autorisation d'exploiter.

Les principaux partenaires du dialogue de 1996/97 (partis représentés au Conseil fédéral, cantons, employeurs et travailleurs, organisations de consommateurs et de protection de l'environnement) s'accordèrent sur un programme de politique énergétique poursuivant le but, les projets et les mesures d'Energie 2000. Au milieu de l'année 1997, le DETEC tira un bilan intermédiaire. Il en est ressorti que la politique en matière d'électricité devait se fonder à l'avenir sur l'utilisation rationnelle du courant, sur l'exploitation de la force hydraulique et sur le recours accru aux
énergies renouvelables. Quant aux centrales nucléaires en activité, le rapport conclut qu'elles pouvaient continuer à être exploitées tant que leur sûreté était garantie. La construction de nouvelles centrales nucléaires devrait par contre être sujette au référendum, dont les modalités devraient être définies à la lumière de la refonte de la loi sur l'énergie atomique. Des groupes de travail réunissant les milieux concernés reprirent diverses questions non résolues, dont celle de la gestion des déchets radioactifs.

Au début de 1998, dans le cadre du Dialogue énergétique, le chef du DETEC créa le groupe de travail «Déchets nucléaires», chargé d'élaborer des propositions consensuelles dans l'optique de la future loi sur l'énergie nucléaire. Les questions fondamentales portaient sur les avantages et les inconvénients respectifs du stockage final et du modèle, proposé par les organisations écologiques, du stockage de longue durée, contrôlé et récupérable, ainsi que sur le retraitement du combustible usé et son stockage final direct. Le groupe de travail ne parvint toutefois pas à trouver un accord sur les questions essentielles. Dans son rapport final de fin 1998, le président du groupe proposa des solutions en vue de surmonter les divergences existant entre les exploitants des centrales nucléaires et les organisations écologistes.

2544

En octobre 1998, le Conseil fédéral adopta plusieurs résolutions en matière de politique de l'énergie. Il souhait notamment inscrire dans l'avant-projet de loi sur l'énergie nucléaire (LENu) le référendum facultatif pour la construction d'éventuelles nouvelles centrales. Par ailleurs, il proposait de tenter, avec le concours des exploitants des centrales nucléaires, des opposants et des cantons concernés, d'élaborer une solution associant l'échéance de la désaffectation des centrales nucléaires existantes à la solution du problème de la gestion des déchets radioactifs. Les discussions se déroulèrent en janvier et en février 1999. Cependant, tant les exploitants de centrales nucléaires que les organisations écologistes campèrent sur leurs positions.

On ne parvint donc pas à trouver une solution acceptable pour les deux parties.

C'est pourquoi le Conseil fédéral prit, le 7 juin 1999, des décisions provisoires touchant le projet de LENu qui allait être envoyé en consultation.

D'autre part, le chef du DETEC institua en juin 1999 le groupe d'experts EKRA pour les modèles d'évacuation des déchets radioactifs. Ce groupe avait pour mandat de comparer entre eux les modèles possibles et de tirer les conclusions qui s'imposeraient. Son rapport final fut rendu public le 7 février 2000. Le modèle d'un stockage souterrain durable contrôlé qu'il proposait a été repris en grande partie dans l'avant-projet de LENu.

Le projet d'évacuation de déchets radioactifs au Wellenberg, qui était bloqué depuis 1995, se trouvait ainsi relancé. En mars 2000, le DETEC et le gouvernement de Nidwald discutèrent des étapes à venir en vue de l'évacuation des déchets faiblement et moyennement radioactifs. Le 21 juin 2000, le canton de Nidwald mit en place un groupe spécialisé, chargé de veiller au respect des exigences du gouvernement nidwaldien et à la mise en oeuvre des recommandations de l'EKRA.

Depuis l'acceptation de l'article sur l'énergie et de l'initiative sur le moratoire, et avec le lancement du programme Energie 2000, les efforts pour trouver des solutions communes dans le domaine de l'énergie se sont intensifiés. Si des progrès considérables ont été enregistrés au niveau de l'utilisation rationnelle de l'énergie et des énergies renouvelables, il n'a toutefois pas été possible de dégager un consensus sur tous les aspects essentiels de l'utilisation du nucléaire. Il incombera donc au Parlement et au peuple de prendre des décisions politiques qui s'imposent.

2.4.3

Législation

2.4.3.1

Loi sur l'énergie atomique, arrêté fédéral concernant la LEA

Le 24 novembre 1957, le peuple et les cantons avaient approuvé l'art. 24quinquies de la Constitution fédérale du 29 mai 1874, dont la teneur était la suivante6: 1

La législation sur l'énergie atomique est du domaine de la Confédération.

2

La Confédération édicte des prescriptions sur la protection contre les dangers des rayons ionisants.

C'est en vertu de cette disposition que l'Assemblée fédérale avait édicté le 23 décembre 1959 la loi fédérale sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique (loi sur 6

L'art. 24quinquies, al. 1, correspond à l'art 90, l'art 24quinquies, al. 2, à l'art. 118, al. 2, let. c, de la nouvelle Constitution fédérale.

2545

l'énergie atomique, LEA, RS 732.0), laquelle réglait notamment les conditions d'octroi de l'autorisation de construire des installations nucléaires et la surveillance de celles-ci. Le 1er octobre 1994 entrait en vigueur la loi sur la radioprotection (LRaP, RS 814.50), laquelle remplaçait les dispositions de la loi sur l'énergie atomique relatives à la protection contre les radiations (art. 10 s. LEA). Quant aux articles régissant la responsabilité civile et la couverture des dommages (art. 12 à 28 LEA), ils avaient été remplacés par la loi fédérale du 18 mai 1983 sur la responsabilité civile en matière nucléaire (LRCN, RS 732.44; cf. message initiatives, ch.

2.4.3.2).

A titre de révision partielle et limitée dans le temps de la LEA, l'Assemblée fédérale avait édicté le 6 octobre 1978 l'arrêté fédéral concernant la loi sur l'énergie atomique (AF/LEA, RS 732.01), qui, après approbation en votation populaire, était entré en vigueur le 1er juillet 1979. Cet arrêté instaurait l'autorisation générale pour les nouvelles installations atomiques et la procédure correspondante, la clause du besoin, ainsi que les dispositions sur la gestion des déchets radioactifs et sur le fonds pour le financement de la désaffectation. Il devait déployer ses effets jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi sur l'énergie atomique, mais au plus tard jusqu'au 31 décembre 1983. Cette échéance a été prolongée le 18 mars 1983 jusqu'à la fin 1990, le 22 juin 1990 jusqu'à la fin 2000, et le 4 octobre 2000 jusqu'à la fin 2010.

La loi sur l'énergie atomique et l'arrêté fédéral forment les deux piliers de la législation sur l'utilisation de l'énergie nucléaire. Ces deux textes nécessitent une révision à plusieurs titres. Cela concerne en particulier le régime de l'autorisation générale, la délimitation des obligations incombant au propriétaire d'une telle installation, le retraitement des assemblages combustibles usés, la désaffectation de l'installation ainsi que l'évacuation des déchets radioactifs et son financement. En réponse à diverses interventions parlementaires, le Conseil fédéral a relevé plusieurs fois la nécessité de réviser la législation.

Les travaux ont commencé au milieu des années 1970. Quelques éléments d'un ancien avant-projet avaient été repris dans l'arrêté fédéral concernant la loi sur l'énergie
atomique. Une fois ce dernier entré en vigueur, la poursuite de la révision fut confiée à une commission d'experts non-membres de l'administration fédérale; leur avant-projet de loi sur la radioprotection et sur l'utilisation de l'énergie nucléaire, envoyé en consultation en 1981, n'a cependant pas eu de suite. Un nouvel avant-projet de loi sur l'énergie nucléaire (LEN), élaboré par les services de l'administration fédérale, fut envoyé en consultation durant le premier semestre 1986. Le 14 novembre 1988, le Conseil fédéral décida de repousser la LEN jusqu'après la votation sur les initiatives réclamant l'abandon du nucléaire et le moratoire. Au début des années 1990, l'administration fédérale reprit les travaux de révision. Parallèlement au renforcement des dispositions de la LEN sur la nonprolifération des armes nucléaires, le Conseil fédéral proposa, dans son message du 19 janvier 1994, une révision partielle de l'arrêté fédéral concernant la loi sur l'énergie atomique, avec notamment un raccourcissement des procédures réglant l'évacuation des déchets radioactifs. Le 13 décembre 1995 et le 4 mars 1996, respectivement le Conseil des Etats et le Conseil national décidaient de ne pas entrer en matière sur cette révision partielle, pour éviter de mettre le canton de Nidwald sous pression dans la question d'un éventuel dépôt au Wellenberg; on souhaitait aussi harmoniser les dispositions sur les procédures avec celles du projet législatif de «Coordination des procédures de décision» (cf. loi fédérale du 18 juin 1999 sur la

2546

coordination et la simplification des procédures d'approbation des plans, RO 1999 3071).

Le 7 juin 1999, le Conseil fédéral prit des décisions provisoires touchant le projet de LENu qui allait être envoyé en consultation (cf. message LENu, ch. 7.2.1). Le 27 octobre 1999, il décida de repousser la procédure de consultation en attendant de disposer des conclusions du groupe d'expert EKRA (cf. message initiatives, ch.

2.4.2). En outre, il choisit de faire de la LENu un contre-projet indirect aux deux nouvelles initiatives populaires «Moratoire-plus» et «Sortir du nucléaire». Le projet de loi sur l'énergie nucléaire, qui tient compte des recommandations du groupe d'experts EKRA, fut finalement envoyé en consultation du 10 mars au 15 juin 2000.

2.4.3.2

Responsabilité civile en matière nucléaire

En vertu de la LRCN, l'exploitant d'une installation nucléaire répond de manière illimitée des dommages d'origine nucléaire causés par des substances nucléaires se trouvant dans son installation. Le montant assuré est limité à 1 milliard de francs et depuis le 1er janvier 2000, il est intégralement couvert par les assureurs privés.

Quant aux risques exclus de cette assurance (phénomènes naturels extraordinaires, faits de guerre, dommages différés), la Confédération en assume l'assurance et elle perçoit à cet effet des exploitants de centrales nucléaires des contributions qui alimentent le fonds pour les dommages nucléaires. S'il y a lieu de prévoir, lors de grands sinistres, que les moyens financiers dont disposent la personne responsable, l'assureur privé et la Confédération ne suffiront pas à satisfaire toutes les demandes de réparation, l'Assemblée fédérale établira un régime d'indemnisation spécial; au besoin, elle pourra verser des contributions supplémentaires pour les dommages non couverts. Avec son principe d'une responsabilité illimitée et d'une couverture de 1 milliard de francs, la LRCN est considérée aujourd'hui encore comme une loi très progressiste sur le plan mondial.

Une révision de la LRCN est prévue après la refonte de la LENu. Il s'agira notamment de vérifier si une augmentation de la couverture s'avère nécessaire, et si des conventions internationales sur la responsabilité civile en matière nucléaire doivent être ratifiées.

Le projet de LENu prévoit la révision partielle de la LRCN. Il est prévu de transférer à la Confédération la responsabilité civile en matière de stockage souterrain de matériaux radioactifs lorsque celui-ci ne relèvera plus de la législation sur l'énergie nucléaire (cf. message LENu, ch. 8.9.2.5.3).

2.4.4

Précédentes initiatives

2.4.4.1

Confédération

Le 20 mai 1976 fut déposée l'initiative populaire «pour la sauvegarde des droits populaires et de la sécurité lors de la construction et de l'exploitation d'installations atomiques». Outre l'introduction d'un système de responsabilité civile plus strict, elle visait principalement à entraver la réalisation d'installations atomiques. Ainsi, elle préconisait un régime de concession et le transfert du pouvoir de décision à l'Assemblée fédérale, mais surtout elle exigeait l'acceptation du projet 2547

par les électeurs de la région concernée. Elle fut rejetée de justesse, le 18 février 1979, par 965 927 voix contre 920 480 et par 14 cantons contre 9.

Une initiative «pour l'interruption du programme atomique» fut lancée en juin 1980. Elle exigeait la désaffectation des centrales nucléaires existantes, mais selon un calendrier et un plan à fixer dans la loi. Le 10 décembre 1981, à l'expiration du délai imposé, elle n'avait pas recueilli le nombre de signatures requis.

Lors de la votation fédérale du 23 septembre 1984, deux initiatives dites «jumelles», intitulées «pour un avenir sans nouvelles centrales atomiques» et «pour un approvisionnement en énergie sûr, économique et respectueux de l'environnement» furent rejetées par le peuple et les cantons (la première par 931 245 voix contre 762 792 et 17 cantons contre 6, la seconde par 916 916 voix contre 773 767 et également 17 cantons contre 6). L'initiative «pour un avenir sans nouvelles centrales atomiques» voulait interdire la construction de nouvelles centrales nucléaires après Leibstadt, le remplacement des centrales en service ainsi que la construction et l'exploitation d'installations relevant du cycle du combustible nucléaire; elle assujettissait d'autre part au référendum facultatif l'octroi de l'autorisation générale pour des dépôts intermédiaires ou finaux de déchets radioactifs. L'initiative sur l'approvisionnement en énergie prescrivait quant à elle une réorientation de notre politique énergétique vers une utilisation économe et rationnelle de l'énergie et un emploi accru des énergies renouvelables afin d'ouvrir la voie à une «Suisse sans électricité nucléaire».

En 1987 furent déposées les deux initiatives «halte à la construction de centrales nucléaires» (moratoire) et «pour un abandon progressif de l'énergie atomique». La première visait à empêcher toute autorisation générale, de construire, de mettre en service ou d'exploiter de nouvelles installations productrices d'énergie nucléaire.

L'initiative pour un abandon du nucléaire voulait interdire la mise en service de nouvelles installations productrices d'énergie nucléaire et empêcher le renouvellement des unités existantes. Elle exigeait également que la production d'électricité soit compatible avec les impératifs de la protection de l'environnement, ainsi qu'une utilisation
rationnelle de l'électricité. L'initiative en faveur d'un moratoire fut acceptée lors de la votation du 23 septembre 1990 par 946 077 voix contre 789 209 et par 19 cantons plus un demi-canton contre 3 cantons et un demi-canton. L'initiative pour l'abandon du nucléaire fut en revanche rejetée par 915 739 voix contre 816 289 et par 16 cantons contre 7.

2.4.4.2

Cantons

Plusieurs constitutions cantonales prévoient l'obligation pour le gouvernement et le parlement de s'opposer par tous les moyens légaux à la construction et à l'exploitation d'installations nucléaires. Dans d'autres cantons, les consultations et les décisions relatives à l'énergie nucléaire doivent être soumises au référendum.

Ces dernières années, les décisions ci-après se réfèrent à ce contexte: Le 29 avril 1990, la Landsgemeinde du canton de Nidwald a accepté trois initiatives populaires qui rendaient obligatoire l'obtention d'une concession pour effectuer des travaux dans le sous-sol. Depuis 1996, l'octroi de telles concessions doit être soumis à la votation populaire. Le 25 juin 1995, les votants refusèrent de délivrer une concession à la société coopérative pour la gestion des déchets radioactifs de Wellenberg GNW (Genossenschaft für nukleare Entsorgung Wellenberg GNW).

2548

Dans le canton de Berne, l'initiative «Berne sans atome» a été déposée en mai 1999.

En cas d'acceptation, le Conseil-exécutif aurait notamment dû demander à l'assemblée générale des FMB la mise hors service de la centrale nucléaire de Mühleberg d'ici au 31 décembre 2002 au plus tard. Le 24 septembre 2000, l'initiative fut repoussée par 186 347 voix contre 103 502.

Les 10 et 26 mai 2000, deux initiatives identiques ont été déposées par les cantons d'Argovie et de Soleure. L'Assemblée fédérale y est invitée à s'assurer que l'énergie nucléaire ne sera pas désavantagée lors des prochains débats. Ces initiatives sont en attente au Parlement.

2.4.5

Sécurité des centrales nucléaires

La Division principale de la sécurité des installations nucléaires (DSN) est l'autorité de surveillance des installations nucléaires en Suisse. Elle est chargée d'évaluer leur sécurité dans le domaine nucléaire et de la radioprotection. Les rapports annuels publiés jusqu'ici par la DSN ont toujours conclu que l'état et que la conduite de l'exploitation de l'ensemble des centrales nucléaires suisses ainsi que de l'Institut Paul-Scherrer (IPS) étaient bons du point de vue de la sécurité et de la radioprotection. Ces conclusions ont été confirmées par les rapports d'activité de la Commission fédérale de la sécurité des installations nucléaires (CSA).

Tous les dix ans environ, les centrales nucléaires suisses subissent un contrôle de sécurité approfondi. Les exploitants doivent alors fournir un rapport présentant une comparaison de l'installation avec l'état actuel de la technique, ainsi qu'une appréciation globale de l'état de l'installation. L'accent est mis notamment sur les expériences d'exploitation, sur les incidents particuliers survenus dans l'installation ellemême et dans des installations similaires, sur les modifications apportées et sur l'état de vieillissement. La DSN examine ces rapports et procède à sa propre évaluation.

La CSA, quant à elle, prend acte des contrôles de sécurité des centrales nucléaires ainsi que des conclusions et des évaluations de la DSN. Elle peut y ajouter ses propres recommandations.

La science et la technique sont en évolution constante. Les centrales les plus anciennes furent construites sur la base des connaissances scientifiques et techniques de l'époque. Elles ne peuvent donc pas satisfaire en tous points aux exigences auxquelles doivent répondre aujourd'hui les nouvelles installations. Ainsi, il est évident que les centrales nucléaires bâties il y a 30 ans (comme celles de Beznau et de Mühleberg) ne seraient plus construites ni autorisées sous la même forme à l'heure actuelle. Cependant, elles sont entretenues et modernisées de façon à pouvoir être exploitées de manière sûre même après 30 ans d'activité.

Depuis leur mise en service, les centrales nucléaires suisses ont subi des transformations parfois importantes (modernisation des systèmes de refroidissement d'urgence, des systèmes de dépressurisation automatique du confinement, etc.). Les mesures prises
offrent la garantie que ces centrales respectent les exigences en matière de sécurité. Les autorités de surveillance et celles qui accordent les autorisations veilleront à ce que ces exigences continuent à être respectées lorsque le marché de l'électricité sera libéralisé.

2549

2.4.6

Désaffectation des centrales nucléaires

Le droit en vigueur ne comporte quasiment aucune disposition matérielle sur la désaffectation des installations nucléaires. Lorsqu'une autorisation d'exploiter est révoquée, l'exploitant est tenu, en vertu de l'art. 9, al. 3, LEA, d'éliminer toutes les sources de dangers de l'installation mise hors service. L'art. 11 de l'AF/LEA renferme des dispositions visant à assurer la couverture des frais de la désaffectation et du démantèlement éventuel des installations mises hors service. Ainsi, les propriétaires doivent verser à cet effet des contributions à un fonds commun. Ces contributions sont fixées de façon à couvrir les frais. Les détails sont réglés par l'ordonnance du 5 décembre 1983 concernant le fonds pour la désaffectation d'installations nucléaires (RS 732.013).

Selon une étude de coûts datant de 1980 et mise à jour tous les trois ans, les coûts de la désaffectation des centrales nucléaires suisses se monteraient à environ 1,5 milliard de francs (base de prix: 1998; une nouvelle étude à ce sujet est en préparation).

Ils sont couverts par le fonds, lequel est alimenté par les contributions des exploitants de centrales nucléaires. La politique du fonds pour la désaffectation vise à fournir les ressources requises après 40 années de fonctionnement au maximum. A fin 2000, le fonds était doté de 940 millions de francs (1999: 903 millions).

2.4.7

Retraitement

Deux possibilités de gestion du combustible usé sont actuellement en discussion: le retraitement avec évacuation des déchets radioactifs issus de l'opération, ou l'évacuation directe, sans retraitement, des assemblages combustibles usés. Les pays qui retraitent leur combustible usé sont par exemple la France, la Grande-Bretagne, la Belgique, la Russie, le Japon, la Suisse, ainsi que, actuellement encore, l'Allemagne. L'évacuation sans retraitement est prévue notamment aux USA, en Suède, en Finlande et, depuis peu, en Allemagne.

Le retraitement du combustible irradié produit dans les centrales nucléaires suisses s'effectue actuellement dans les installations de la société Cogéma à La Hague (France) et dans celles de la société British Nuclear Fuels Ltd. à Sellafield (GrandeBretagne). Les contrats de retraitement en vigueur ont été conclus il y a une vingtaine d'années par les associations suisses d'exploitants des centrales nucléaires. A l'époque, le retraitement du combustible était économiquement fondé. En outre, l'opération devait permettre de ménager les réserves d'uranium. Depuis, les conditions ont changé. Le prix de l'uranium a baissé. La technologie des réacteurs à neutrons rapides, grâce à laquelle il aurait été possible de réutiliser à grande échelle le plutonium produit dans les installations de retraitement, n'est plus au centre des préoccupations. A l'heure actuelle, il existe dans le monde de grandes quantités de plutonium récupéré (civil et militaire), dont seule une petite partie sert à la fabrication de combustible à oxyde mixte (MOX). Selon les exploitants des centrales nucléaires suisses, la totalité du plutonium produit en Suisse par les assemblages combustibles devrait être utilisée pour la fabrication d'assemblages MOX.

En réponse à plusieurs interventions parlementaires, le Conseil fédéral a déclaré que la question fondamentale de savoir s'il fallait continuer à autoriser le retraitement devait être examinée dans le contexte de la révision totale de la LEA.

2550

Le retraitement suscite aujourd'hui la controverse, qui porte sur les questions de sécurité, de radioprotection, des risques liés aux transports, du volume des déchets, de l'économie des ressources et de la rentabilité. Dès lors, le projet de loi sur l'énergie nucléaire n'admet plus le retraitement des assemblages combustibles usés ni l'exportation des déchets à cet effet; les contrats existants pourront toutefois être honorés (cf. message LENu, ch. 7.3.3.2).

2.4.8

Evacuation des déchets radioactifs

La législation en vigueur précise que celui qui produit des déchets radioactifs est responsable de leur élimination sûre et à long terme et de leur entreposage définitif, et qu'il doit veiller à ce qu'ils soient éliminés de manière sûre (art. 3, al. 2, et art. 10, al. 1, AF/LEA). En réponse à diverses questions parlementaires, le Conseil fédéral a rappelé à plusieurs reprises ces dernières années qu'il considérait que ce principe était toujours valable, mais que la prochaine révision de la législation sur l'énergie atomique offrirait la possibilité de repenser la stratégie en la matière.

Dans le monde entier, la solution préférée aujourd'hui, en particulier pour l'évacuation des déchets hautement radioactifs et des déchets moyennement actifs à longue demi-vie, est le stockage final dans des formations souterraines profondes de la croûte terrestre continentale (stockage final souterrain). Mais les doutes sur la possibilité d'assurer durablement la sécurité d'un dépôt final avec les moyens et méthodes disponibles actuellement ont incité de nombreux Etats à élaborer un modèle prévoyant la surveillance et le contrôle, et facilitant la récupération des déchets entreposés. En Suisse, des organisations écologistes ont, parmi d'autres, exigé un «stockage durable contrôlé et récupérable» en lieu et place du stockage final souterrain.

S'appuyant sur le rapport final du groupe de travail Déchets nucléaires mis en place dans le cadre du Dialogue sur l'énergie (cf. message initiatives, ch. 2.4.2), le chef du DETEC a chargé en 1999 le groupe d'experts Modèles de gestion des déchets radioactifs (EKRA) de définir une stratégie d'élimination. Selon les conclusions du rapport, publiées le 7 février 2000, le stockage final souterrain représente, en l'état actuel des connaissances, la seule méthode d'enlèvement des déchets radioactifs permettant de satisfaire les exigences de sécurité à long terme. Afin de tenir compte des exigences de la société quant à la possibilité de récupérer les déchets, le groupe d'experts a élaboré le modèle du «stockage souterrain durable contrôlé», lequel prévoit un passage progressif au stockage final souterrain. Les questions en suspens devront être encore élucidées au moyen de sondages et de projets concrets d'entreposage.

Le chef du DETEC et une délégation du gouvernement nidwaldien
se sont rencontrés en mars 2000 pour discuter des prochaines étapes du projet du site d'entreposage de déchets faiblement à moyennement radioactifs au Wellenberg. Il s'agira dans un premier temps d'adapter la galerie de sondage conformément aux recommandations du rapport du groupe EKRA. Cette galerie permettra de vérifier si les résultats positifs actuels se confirment, et si le site du Wellenberg offre de bonnes conditions préalables au stockage. Les autres questions à clarifier portent sur l'inventaire et sur les critères d'exclusion des sites. Le Conseil d'Etat du canton de Nidwald a mis sur pied un groupe spécialisé, qui fera office d'organe consultatif et qui répondra aux questions d'ordre technique en rapport avec la galerie de sondage.

2551

Ce groupe sera notamment chargé de vérifier, d'une part, si les exigences du gouvernement nidwaldien quant aux moyens de contrôle et à la possibilité de fermer les dépôts sont respectées, et, d'autre part, si la société coopérative pour la gestion des déchets radioactifs GNW (Genossenschaft nukleare Entsorgung Wellenberg) applique les recommandations du groupe EKRA. Le promoteur du projet doit encore obtenir une concession minière du canton de Nidwald pour pouvoir réaliser la galerie de sondage.

Le principe de l'évacuation en Suisse s'applique également aux déchets hautement radioactifs et aux déchets moyennement actifs à longue demi-vie. Les exploitants des centrales nucléaires doivent encore apporter la preuve de la faisabilité de leur évacuation. La Société coopérative nationale pour l'entreposage de déchets radioactifs (CEDRA) concentre actuellement ses travaux sur l'étude des argiles à Opalines du sous-sol de la commune de Benken, dans le canton de Zurich. Un tel dépôt ne sera nécessaire que dans quelques décennies, mais les travaux doivent se poursuivre.

Il est en effet indispensable que la Suisse acquière le savoir-faire nécessaire, même si l'on devait avoir un jour la possibilité de stocker les déchets hautement radioactifs à l'étranger. Du reste, une telle possibilité est loin d'être assurée.

Avant d'être évacués dans un dépôt en profondeur, les déchets radioactifs seront provisoirement entreposés. A l'heure actuelle, les centrales nucléaires disposent de leurs propres dépôts intermédiaires et bénéficieront, dès le premier semestre 2001, du dépôt intermédiaire central de Würenlingen. Quant aux déchets relevant de la responsabilité de la Confédération (déchets de la médecine, de l'industrie et de la recherche MIR), ils sont entreposés dans l'entrepôt intermédiaire fédéral de l'IPS à Würenlingen.

Afin de garantir le financement des coûts d'évacuation, le Conseil fédéral a introduit une réglementation semblable à celle du fond de désaffectation (cf. ordonnance sur le fonds de gestion de mars 2000, RS 732.014, cf. message LENu, ch. 7.3.5.3).

2.4.9

Dépenses de la Confédération pour l'énergie nucléaire

En Suisse, les travaux de recherche sur l'énergie nucléaire se poursuivent depuis 1956. Les études sur la fission nucléaire ­ réacteur expérimental de Lucens compris ­ ont débuté en 1956, celles sur la fusion en 1961, notamment à travers la participation aux programmes EURATOM. Jusqu'en 1999, la Confédération y a consacré au total 1692,2 millions de francs en valeur nominale, soit 2617,1 millions en valeur corrigée.

Responsable de l'élimination des déchets radioactifs de la médecine, de l'industrie et de la recherche, la Confédération est sociétaire de la CEDRA. Sa participation entre 1982 à 1999 s'est montée à 30,8 millions de francs (36,8 millions en valeur corrigée.)

La Suisse est également membre de l'Agence pour l'énergie nucléaire (AEN), dont le but est de promouvoir la coopération entre les pays de l'OCDE dans le domaine de l'énergie nucléaire, et d'harmoniser les mesures prises dans les pays membres. De 1991 à 1999 (contributions antérieures non comprises), notre pays lui a versé 3,1 millions de francs en valeur nominale, soit 3,3 millions en valeur corrigée.

2552

L'AIEA est l'agence spécialisée de l'ONU qui veille en particulier au respect des accords de garanties que les pays non dotés d'armes nucléaires ont dû conclure en adhérant au traité de non-prolifération des armes nucléaires. La Suisse a passé avec elle un accord de garantie le 6 septembre 1978. Même si elle renonçait à l'énergie nucléaire, la Suisse devrait continuer de payer sa contribution à l'AIEA (comme c'est le cas de l'Autriche et du Danemark), à moins qu'elle ne se retire de cette organisation. Les versements pour la période de 1991 à 1999 (contributions antérieures non comprises) se sont montés à 41,2 millions de francs (42,6 millions en valeur corrigée).

Les dédommagements versés par la Confédération à la suite de l'abandon des projets de centrales nucléaires à Kaiseraugst et à Graben ont totalisé 577 millions de francs (670,3 millions de francs en valeur corrigée).

Dépenses de la Confédération pour l'énergie nucléaire Contributions pour la recherche 1956 ­ 1999 Contributions CEDRA 1982 ­ 1999 Contributions à l'AEN 1991 - 1999 Contributions à l'AIEA 1991 ­ 1999 Dédommagements Kaiseraugst et Graben Total

Valeur nominale ( millions de fr.)

Valeur ( millions de fr.)

1'692.2

2'617.1

30.8

36.8

3.1

3.3

41.2

42.6

577.0

670.3

2'344.3

3'370.1

Remarque ­ Les contributions antérieures aux années indiquées n'ont pas été prises en considération.

Depuis 1974, la Confédération soutient également la recherche sur les énergies renouvelables. Entre 1974 et 1999 (26 ans), ses contributions dans ce domaine se sont élevées à 1134,6 millions de francs en valeur corrigée. Les dépenses de la Confédération pour l'énergie nucléaire au cours des 26 premières années ont atteint 1245,4 millions de francs en valeur corrigée. Les montants octroyés pour la recherche sont donc comparables dans les deux cas.

Dans le domaine de la fission nucléaire, la recherche soutenue par la Confédération porte principalement sur la modernisation et la sécurité de l'exploitation des centrales existantes. En ce qui concerne la fusion, qui constitue une option éventuelle pour la production d'électricité dans le futur, les travaux se concentrent surtout sur la physique des plasmas. Depuis 20 ans, les dépenses pour la recherche sur la fission nucléaire sont en recul, et ne représentent plus aujourd'hui que 21 millions de francs par année. La Commission fédérale pour la recherche énergétique CORE prévoit de les stabiliser à ce niveau pendant les trois prochaines années. Les dépenses pour les travaux sur la fusion nucléaire, lesquels sont entièrement intégrés dans des programmes internationaux, sont aussi en recul depuis deux ans. Elles étaient d'environ 25 millions de francs en 1999. La CORE se prononcera sur l'affectation des moyens dès que de nouvelles conventions internationales se présenteront.

2553

2.4.10

Politique internationale de l'énergie nucléaire

2.4.10.1

Evolution jusqu'à présent et perspectives

A la fin de 1999, 433 réacteurs d'une puissance globale de 349 gigawatt (GW) étaient en service dans le monde, et 37 installations totalisant 31 GW, en construction. Près de 80 % de ces 433 réacteurs sont exploités en Europe et en Amérique du Nord. Leur production d'électricité s'est élevée à 2401 térawattheures, ce qui correspond à environ 17 % de la production mondiale d'électricité. Les pays exploitant le plus grand nombre de réacteurs sont les USA (104), la France (59) et le Japon (53). S'agissant de l'importance du nucléaire par rapport à la production totale d'électricité, c'est la France qui vient en tête en 1999 (75 %), suivie de la Lituanie (73 %) et de la Belgique (58 %). En Suisse, la proportion est de 35,3 %.

La première centrale nucléaire fut mise en service en 1956 en Grande-Bretagne.

Dans les années 1960, la construction de centrales nucléaires, soutenue par l'augmentation rapide de la consommation d'électricité, fit un bond en avant dans les pays industrialisés. Le choc des prix pétroliers en 1973 et la récession qui suivit entraînèrent une baisse de la consommation d'électricité. Les frais de financement et les coûts de l'uranium augmentèrent. Ces facteurs, ajoutés à l'opposition de la population face aux projets de centrales nucléaires, ont fortement freiné la construction de nouveaux réacteurs. Ainsi, à l'exception de la France, de la Corée du Sud et du Japon, aucun pays industrialisé n'a entrepris de nouveau projet depuis 1980. En outre, un nombre considérable de projets de construction ont été abandonnés. Dans les années 1990, la croissance réduite de la consommation et l'ouverture du marché de l'électricité ont remis en question la rentabilité de nouvelles installations.

Actuellement, l'Europe de l'Ouest et l'Amérique du Nord ne construisent plus de nouvelles centrales. En Asie, des projets sont en cours de réalisation en particulier en Chine (7 réacteurs), en Inde (3), au Japon (4) et en Corée (4). Des installations sont également en construction en Ukraine (4), en Russie (3), en Slovaquie (2), en République Tchèque (1) et en Roumanie (1). Inversement, il est prévu de fermer les centrales nucléaires de Tchernobyl (Ukraine), Ignalina (Lituanie) et Barsebäck (Suède).

L'avenir de l'exploitation de l'énergie nucléaire est très incertain. Avec la libéralisation du marché de
l'électricité, le critère de la rentabilité prend de plus en plus d'importance. Grâce à des coûts variables peu élevés, la plupart des centrales existantes sont concurrentielles et capables de couvrir la charge de base. Dans la mesure où les exigences de sécurité sont respectées, leurs propriétaires s'efforceront de les exploiter le plus longtemps possible. Par contre, les nouvelles installations se révèlent en général plus chères que les centrales alimentées par des combustibles fossiles. Mais une forte augmentation du prix des énergies fossiles pourrait renverser cette tendance.

L'énergie nucléaire suscite la controverse dans de nombreux pays. L'exploitation de centrales nucléaires est soumise à des restrictions légales ou politiques dans près de la moitié des pays de l'OCDE. En Allemagne, par exemple, la production maximale de courant des 20 centrales existantes jusqu'à leur fermeture a été limitée sur la base d'une durée moyenne d'exploitation d'environ 32 ans. Quant à la construction de nouvelles centrales, elle y est exclue. D'une manière générale, le rejet du nucléaire par la population pourrait encore s'intensifier si de nouveaux incidents comme ceux

2554

de Three Miles Island (USA), Tchernobyl (Ukraine), Tokaimura (Japon) ou Sellafield (GB) devaient se produire.

L'évacuation des déchets radioactifs fait partie du contexte de l'exploitation des centrales existantes et de l'avenir du nucléaire. Il existe déjà plusieurs dépôts dans le monde accueillant les déchets faiblement ou moyennement radioactifs. De telles installations sont notamment en service en Suède, en Finlande, en France et aux USA. Par contre, notre pays n'a pas été capable jusqu'ici d'entreprendre une telle réalisation, malgré les efforts déployés et les importants moyens financiers qui y ont été consacrés. Par ailleurs, on ne dispose encore d'aucun dépôt pour les déchets hautement radioactifs. La réalisation de projets concrets dans ce domaine rencontre des difficultés dans de nombreux pays.

2.4.10.2

Récentes conventions internationales importantes

Les répercussions de la catastrophe de Tchernobyl d'avril 1986 ont largement dépassé le cadre de l'ex-Union soviétique. Les dommages occasionnés à l'extérieur des frontières ont notamment mis en lumière l'absence de dispositions internationales propres à garantir une information rapide sur les accidents nucléaires et sur l'organisation de l'aide. Cette catastrophe a également montré la nécessité de codifier les principes fondamentaux de la sécurité nucléaire à l'échelle internationale.

Les exploitants de la centrale nucléaire de Tchernobyl n'avaient pas respecté ces principes. C'est à la suite de cet accident qu'ont été élaborées les conventions sur la notification rapide d'un accident nucléaire ainsi que sur l'assistance en cas d'accident nucléaire ou de situation d'urgence radiologique. La Suisse a ratifié les deux conventions le 3 mars 1988.

Le 12 septembre 1996, la Suisse a ratifié la Convention sur la sûreté nucléaire.

Cette dernière se fonde sur les principes fondamentaux de sécurité adoptés par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour les installations nucléaires (Safety Fundamentals). C'est la première fois que des exigences minimales de sécurité juridiquement contraignantes au niveau international ont été fixées pour des installations nucléaires civiles. Cette convention représente un progrès considérable sur la voie de la codification des principes fondamentaux de sécurité. Elle a aussi pour objectif d'améliorer la sécurité des centrales nucléaires d'Europe centrale et de l'Est ainsi que des Etats indépendants de l'ex-URSS, ou de permettre leur fermeture, si nécessaire.

La Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, ratifiée par la Suisse le 5 avril 2000, se rattache à la Convention sur la sécurité nucléaire. Elle a pour objectifs d'atteindre et de maintenir un niveau de sécurité élevé dans le monde entier, de garantir des dispositifs de protection efficaces contre les dangers potentiels dans toutes les phases de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs, et de prévenir les accidents.

Cette convention fixe pour la première fois des obligations juridiquement contraignantes au niveau international pour la manipulation de combustible usé. Par conséquent, elle représente une avancée importante vers une harmonisation internationale de la sécurité en matière d'évacuation des déchets nucléaires.

2555

3

Conséquences des initiatives

3.1

Etat de la question et marche à suivre

Les conséquences de la fermeture éventuelle des centrales nucléaires, proposée par les initiatives, sont comparées ci-après avec un scénario de référence qui prévoit la poursuite à long terme de l'exploitation.

Concrètement, se posent les questions suivantes: ­

Par rapport au scénario de référence, quelle serait l'ampleur du «manque» de courant lié à la réduction de la durée d'exploitation des centrales nucléaires, et comment le compenser (cf. message initiatives, ch. 3.3)?

­

En cas d'acceptation des initiatives, comment éviter une hausse des émissions de CO2 par rapport à l'option de référence (effet neutre en termes de CO2), et comment atteindre les objectifs de réduction prévus par la loi sur le CO2 (cf. message initiatives, ch 3.4)?

­

Quelles seraient, par rapport à l'option de référence, les incidences sur les coûts et sur l'économie publique (cf. message initiatives, ch. 3.5)?

Ces études s'appuient sur des modèles permettant de représenter de manière quantitative les différentes corrélations pour la période 2000­20307. Les résultats de ces modèles de calculs comportent toujours des incertitudes. En effet, il n'est pas possible de prévoir précisément le comportement des ménages et des entreprises ni la faisabilité et l'efficacité des mesures de politique énergétique. Afin d'éviter des résultats unilatéraux, les hypothèses de départ ont été choisies avec prudence. Pour les hypothèses portant sur des points importants ou controversés, comme l'évolution des prix de l'énergie dans le futur, on a fait des calculs de sensibilité. Ceux-ci permettent de cerner l'impact des facteurs. Les études ont été suivies par un groupe d'experts de l'OFEN.

3.2

Données générales et scénarios politiques

3.2.1

Données économiques et démographiques

Les données générales de base s'inspirent du scénario utilisé par l'administration fédérale. Pour l'analyse des perspectives économiques, elles ont été adaptées en fonction des évolutions économiques récentes. Ainsi, l'évolution du prix du courant part du principe de l'ouverture prochaine du marché de l'électricité. Le tableau 1 présente quelques hypothèses retenues pour le scénario de base.

7

Prognos: Szenarien zu den Initiativen «Strom ohne Atom» sowie «MoratoriumPlus», Bâle, février 2001.

Ecoplan: Ausstieg aus der Kernenergie: Wirtschaftliche Auswirkungen ­ Analyse der Volksinitiativen «Strom ohne Atom» und «MoratoriumPlus» mit einem Gleichgewichtsmodell, Berne, février 2001.

2556

Hypothèses concernant des données générales importantes

Tableau 1

(variations, % p.a.)

Population Produit intérieur brut Logements (surf. de référence énergétique) Kilomètres-passagers Prix réels de l'énergie (ménages) ­ Huile de chauffage ­ Essence ­ Electricité

3.2.2

1998 à 2010

2010 à 2030

+ 0,4 + 2,2 + 1,1 + 1,2

­ 0,1 + 1,3 + 0,4 + 0,8

+ 1,9 + 0,6 ­ 1,1

+ 1,0 + 0,3 + 0,6

Scénarios de la politique de l'énergienucléaire

Les scénarios étudiés diffèrent selon la durée d'exploitation des centrales nucléaires suisse, l'initiative «Moratoire plus» offrant plusieurs options quant à leur désaffectation: ­

Le scénario de référence (50/60) prévoit une durée d'exploitation de 50 ans pour les centrales nucléaires de Mühleberg (CNM), Beznau I et II (CNB) ­ les plus petites et les plus anciennes ­, et de 60 ans pour les centrales de Gösgen et de Leibstadt (CNG, CNL). L'option nucléaire est maintenue. Cependant, on a tenu compte de l'avenir incertain du nucléaire, dans la mesure où il n'a pas été prévu de remplacer les trois plus petites centrales en 2019­ 2022. Avec une durée d'exploitation de 60 ans, les deux installations les plus puissantes (Gösgen et Leibstadt) ne devraient être remplacées qu'après 2040, donc au-delà de la période considérée.

­

Le scénario (M+50) correspond à l'initiative «Moratoire plus» avec prolongation de la durée de fonctionnement des centrales existantes de 40 à 50 ans après référendum.

­

Le scénario (M+40) correspond à l'initiative «Moratoire plus» avec limitation de la durée de fonctionnement des centrales nucléaires existantes à 40 ans suite au refus (référendum) d'une prolongation. Les centrales nucléaires de Beznau et de Mühleberg seraient dans ce cas désaffectées respectivement en 2009 et 2012, celles de Gösgen et de Leibstadt en 2018 et 2024. La production de courant d'origine nucléaire disponible en Suisse pendant le semestre d'hiver passerait de 13,8 tWh actuellement (y compris l'augmentation de la puissance de la centrale de Leibstadt) à 12,2 tWh en 2010, et cesserait complètement en 2025.

­

Le scénario (SdN) correspond à l'initiative «sortir du nucléaire», qui prévoit la désaffectation des centrales existantes au plus tard 30 ans après leur entrée en service. Les centrales nucléaires de Beznau et de Mühleberg seraient mises hors service deux ans déjà après l'acceptation de l'initiative (2004), et celles de Gösgen et de Leibstadt respectivement en 2008 et 2014. La production de courant d'origine nucléaire pendant le semestre d'hiver serait réduite à 4,8 tWh en 2010, et cesserait complètement en 2015.

2557

3.2.3

Scénarios de la politique énergétique

Les scénarios de désaffectation des centrales nucléaires sont couplés à des mesures relevant de la politique énergétique: Les principaux critères sont les conventions et les mesures à caractère volontaire fondées sur le Programme SuisseEnergie et sur la loi sur le CO2, ainsi que les déclarations de marchandises et les standards de consommation d'énergie (valeurs cibles ou prescriptions en matière d'homologation) des appareils, installations et véhicules, les recommandations SIA et les prescriptions cantonales appliquées à la construction de bâtiments (notamment en ce qui concerne la consommation de courant des installations techniques) ainsi que les mesures d'encouragement découlant de la loi sur l'énergie. Par ailleurs, compte tenu des textes des initiatives et des dires de leurs auteurs, il faut prévoir d'autres interventions radicales dans le secteur de l'électricité et, par conséquent, la mise en oeuvre intégrale des instruments juridiques actuels et des compléments à la loi sur l'énergie. La réalisation des objectifs de l'initiative «Sortir du nucléaire», si elle était acceptée, impliquerait la commercialisation rapide d'appareils et d'installations énergétiquement efficaces ainsi que la réintroduction à l'échelon fédéral du régime de l'autorisation pour les nouveaux chauffages électriques fixes.

Comme l'a montré le dialogue sur l'énergie du DETEC en 1996/97, les problèmes d'approvisionnement à long terme ne devraient pas être simplement résolus par l'importation de courant. L'initiative «Moratoire-plus» propose, à l'instar de la loi sur le marché de l'électricité, une déclaration de la provenance et du mode de production du courant. L'initiative «Sortir du nucléaire» va plus loin, puisqu'elle demande, elle, que de nouvelles installations de production de courant ne soient exploitées dans notre pays que si elles fonctionnent au moyen d'énergies renouvelables ou ­ s'agissant de la production fossile thermique ­ uniquement si elles comportent des systèmes de récupération de chaleur (couplage chaleur-force). Cette condition ne pourra être respectée que si l'on parvient à éliminer dans une large mesure les importations, probablement meilleur marché, d'électricité produite sans couplage chaleur-force ou par des installations émettant du CO2. En principe, cette tâche serait réalisable, par exemple,
par l'obligation faite aux fournisseurs de courant de livrer une proportion donnée d'électricité produite dans des installations à couplage chaleur-force (CCF) et à courant vert, ainsi que par l'octroi de certificats négociables aux producteurs considérés. Cependant, il en résulterait de notables surcoûts à la consommation finale. La mise au

2558

point détaillée d'un tel système de certification ne fait pas l'objet de la présente analyse8.

Dans tous les scénarios, il faut aussi appliquer la loi sur le CO2, qui permet d'instaurer subsidiairement une taxe sur les émissions de CO2 si les objectifs fixés ne peuvent être atteints autrement.

3.2.4

Sécurité de l'approvisionnement

Un approvisionnement électrique sûr est capital pour l'économie et la société. C'est ce qui explique pourquoi, dans les débats sur la question, cet aspect a toujours occupé une place importante. Les visions globales qui ont été esquissées naguère de la politique énergétique, comme la preuve du besoin dans le cas de la centrale nucléaire de Kaiseraugst en 1981, ou les scénarios énergétiques de 1988, admettaient l'hypothèse d'une sécurité de l'approvisionnement de 95 %. Cela signifiait que la production suisse de courant devait être suffisante pour couvrir les besoins du pays pendant 19 semestres d'hiver sur 20; on admettait un solde importateur un hiver seulement sur vingt. Cette condition très sévère, qui reflétait la volonté des défenseurs de l'autarcie, a abouti à une surcapacité considérable et, partant, à des excédents d'exportation, mais elle est aussi à l'origine de coûts importants inhérents à la gestion des réserves.

L'ouverture du marché à l'échelle européenne facilitera la compensation des fluctuations de l'offre et de la demande via le réseau interconnecté. C'est pourquoi on a admis une sécurité d'approvisionnement de 50 % dans les prochaines perspectives.

Cette hypothèse est acceptable parce que, sur le marché libre, l'offre de courant est plus souple, même si c'est au détriment de la stabilité des prix. Une sécurité d'approvisionnement de 50 % signifie que la demande intérieure peut être couverte par l'offre potentielle moyenne de courant (capacités de production propres et droits de prélèvement nets sur des centrales nucléaires étrangères). C'est toujours le semestre d'hiver qui est déterminant car l'approvisionnement doit être garanti aux périodes où la demande est maximale.

L'économie électrique suisse possède d'importants droits de prélèvement à assez long terme sur des centrales nucléaires françaises. Dans les perspectives actuelles, la production correspondante est assimilée à la production intérieure, c'est-à-dire à l'offre. S'agissant des prochaines perspectives, les droits de prélèvement actuels sur des centrales françaises, fixés par contrat, seront considérés de manière analogue.

8

La quote-part des livraisons et de la consommation doit s'orienter sur la probable «insuffisance de courant» et être fixée périodiquement par une autorité. Pour réaliser cette quotepart, les producteurs et les fournisseurs de courant devraient augmenter les achats de «courant CCF» ou de «courant vert». Mais ils pourraient aussi remplir leurs obligations en achetant des certificats. Si le prix des certificats augmente, il vaudra la peine de construire les installations adéquates. A priori, si les règles sont harmonisées, il devrait aussi être possible de recourir à des producteurs étrangers. Les possibilités de produire du courant seraient utilisées dans l'ordre de leur rentabilité. Si (comme il est considéré ici) l'on ne fixait pas de quotes-parts distinctes pour le «courant vert», celui-ci n'entrerait en ligne de compte que dans une mesure limitée, dans l'optique actuelle. En cas d'introduction d'une taxe sur le CO2, et dans la perspective de progrès techniques et économiques sensibles, la compétitivité du «courant vert» s'améliorera. Les quotes-parts et les certificats auraient pour alternative les subventions. Cependant, les bases constitutionnelles d'une taxe d'encouragement affectée font défaut, et un financement des indispensables programmes promotionnels par la caisse générale de la Confédération est plutôt improbable.

2559

Cela signifie que, physiquement, la Suisse présentera de plus en plus un solde importateur.

L'importation de courant nucléaire n'est pas en contradiction avec l'initiative «Moratoire-plus», puisque celle-ci ne s'exprime pas explicitement sur les modalités de production. En revanche, l'initiative «Sortir du nucléaire» demande que la Confédération édicte les prescriptions légales nécessaires pour que l'approvisionnement électrique ne dépende plus que de ressources non nucléaires. Conséquence: les centrales nucléaires suisses ne sauraient être remplacées par des prélèvements effectués dans des installations étrangères du même type. Si l'on fondait les perspectives énergétiques sur le texte très sévère de cette dernière initiative et si l'on renonçait par conséquent aux droits de prélèvement sur des centrales nucléaires françaises, les conséquences seraient bien plus négatives que ce qui ressort du message sur les initiatives, ch. 3.5 ci-après.

2560

Tour d'horizon des mesures de politique énergétique

Tableau 2

Scénario

Désignation

Principales mesures

Scénario de référence 50/60

Durée d'exploitation des centrales nucléaires: 50 ou 60 ans

­ Maintien de la loi sur l'énergie et d'EnergieSuisse (programme subséquent d'Energie 2000) ­ Déclaration des marchandises (y c. la marque distinctive du courant), standards de consommation pour les appareils et véhicules à moteur ­ Législation cantonale dans le domaine de la construction et des installations techniques des bâtiments (recommandations SIA) ­ Taxes existantes (impôt sur les huiles minérales, RPLP, TVA) ­ Loi sur le CO2 (taxe sur le CO2)

M+50

«Moratoire-plus» avec ­ Comme le scénario de référence exploitation des centrales 50/60 limitée à 50 ans

M+40

«Moratoire-plus» avec ­ Comme le scénario de référence exploitation des centrales 50/60 limitée à 40 ans En plus: ­ appareils: renforcement des standards de consommation

SdN

«Sortir du nucléaire» avec exploitation des centrales limitée à 30 ans

­ comme le scénario M+40 En plus: ­ appareils: renforcement plus rapide des standards de consommation ­ régime de l'autorisation pour les nouveaux chauffages électriques fixes ­ certificats avec quote-part contraignante pour le courant produit par CCF et par les énergies renouvelables

2561

3.3

Perspectives dans le domaine de l'électricité

3.3.1

Scénario de référence

L'exploitation des centrales nucléaires pendant respectivement 50 et 60 ans aura pour effet une offre excédentaire d'électricité jusqu'en 2015/2020 (cf. figure 1). Le courant non consommé en Suisse sera vendu à l'étranger. En revanche, une fois les installations de Beznau et de Mühleberg mises hors service, il sera nécessaire de tirer parti des droits de prélèvement pour couvrir les besoins du pays. A la fin de la période considérée, il faudra impérativement passer de nouveaux contrats d'importation ou construire en Suisse des centrales nucléaires de la nouvelle génération9.

Dans le présent scénario de référence, de même que dans les scénarios considérant une durée d'exploitation plus courte des centrales nucléaires, on admet une production de courant hydroélectrique pratiquement stable. On admet également que des tendances opposées, par exemple le renforcement des exigences en matière de débit résiduel des cours d'eau et le renouvellement des installations existantes, s'annuleront à peu près. Après une forte poussée dans les années 1990, la production thermique de courant (notamment à partir des usines d'incinération des ordures) ne devrait croître que très faiblement. L'apport des énergies renouvelables (photovoltaïque, éolienne, biomasse) n'est pas perceptible dans le bilan global du scénario de référence. Eu égard aux données générales évoquées et aux options politiques, on ne saurait attendre de percée technologique et économique.

Dans le scénario de référence, la demande d'électricité augmentera de 15 % entre 1998 et 2020, pour ensuite se stabiliser. Quant aux standards de consommation des bâtiments et des appareils, on escompte un net progrès technique10.

9

Afin de disposer de bases de comparaison fiables, on admet tant dans le scénario de référence que dans les scénarios considérant une réduction de la durée d'exploitation des centrales nucléaires que, à la fin de la période considérée, des importations de courant (sans CO2) seront possibles dans certaines limites afin d'assurer une sécurité d'approvisionnement de 50 %. Les figures 1 à 3 illustrent la situation à la fin d'une période de 5 ans.

10 Exemple: s'agissant des nouveaux réfrigérateurs, on admet que leur consommation spécifique moyenne (kWh/24h) sera inférieure de 20 % à celle des appareils neufs actuels en 2010, de 40 % en 2020 (et dans le scénario SdN, de 67 % en 2030). De telles améliorations sont partiellement réalisables sans coûts supplémentaires. Compte tenu d'une utilisation accrue des pompes à chaleur électriques dans les villas, la consommation d'électricité n'augmentera que très peu dans les différents scénarios grâce à l'amélioration des rendements (indices de performance) de ces installations.

2562

Perspectives de l'électricité: scénario de référence avec exploitation des centrales nucléaires limitée à 50 ou 60 ans (objectif CO2 réalisé) Figure 1 40

TWh

30

20

10

0 89/90

3.3.2

97/98

99/00

04/05 09/10 14/15 19/20 Semestre d`hiver Consommation de courant Droits de prélèvement et nouveaux contrats d`importation Autre production thermique (ordures, etc.)

Energie nucléaire Force hydraulique

24/25

29/30

«Moratoire-plus»

Avec une durée d'exploitation des centrales nucléaires limitée à 50 ans, ce n'est que vers la fin de la période considérée que se produira un «déficit électrique», c'est-àdire un écart entre la demande et l'offre moyenne de courant (droits de prélèvement compris). Vue sous l'angle de l'économie énergétique, la différence est minime entre cette variante du moratoire et le scénario de référence.

Si l'initiative «Moratoire-plus» conduit à une limitation à 40 ans de la durée d'exploitation des centrales nucléaires, c'est à partir de 2015­2020 qu'apparaîtra le «déficit électrique». Celui-ci devrait être comblé par d'autres capacités de production ou par des économies de courant renforcées. Dans l'optique actuelle, ce sont des installations supplémentaires de CCF qui conviendraient le mieux (fig. 2). Une production de courant supplémentaire au moyen d'énergies renouvelables générerait des coûts sensiblement plus élevés.

Etant donné le texte de l'initiative «Moratoire-plus», des capacités de production supplémentaires pourraient aussi être créées par le biais d'une production fossile thermique de courant sans CCF. On pense en premier lieu aux turbines à gaz et à vapeur modernes (scénario étudié dans le cadre d'une analyse de sensibilité).

2563

Perspectives de l'électricité: «Moratoire-plus» avec exploitation des centrales nucléaires limitée à 40 ans (objectif CO2 réalisé) Figure 2 TWh 40

30

20

10

0 89/90

97/98

99/00

04/05 09/10 14/15 Semestre d'hiver

19/20

24/25

29/30

Consommation de courant Droits de prélèvement et nouveaux contrats d`importation Economies de courant supplémentaires CCF supplémentaire Energies renouvelables supplémentaires (solaire, vent, bois, etc.)

Autre production thermique (ordures, etc.)

Energie nucléaire Force hydraulique

3.3.3

«Sortir du nucléaire»

Dans les conditions générales définies, la limitation à 30 ans au maximum de la durée d'exploitation des centrales nucléaires créera un «déficit électrique» marqué à partir de 2010. En 2020, celui-ci équivaudra à plus d'un tiers de la demande.

Du point de vue du comité d'initiative, le CCF fossile thermique n'entre en ligne de compte que comme une solution transitoire et uniquement après la réalisation intégrale des potentiels d'économies et des possibilités des énergies renouvelables.

Néanmoins, comme le montrent des considérations économiques et techniques, ce système devrait jouer un rôle déterminant en cas d'acceptation de l'initiative. Les potentiels de CCF existants suffisent pour combler le «déficit électrique». Cette estimation est fondée sur une étude poussée de la future demande thermique susceptible d'être couverte par les installations à CCF, sur le perfectionnement technique probable des installations ainsi que sur les perspectives et les obstacles spécifiques (infrastructure, densité de raccordements, etc.). Avec une politique renforcée au sens 2564

où l'entend l'initiative «Sortir du nucléaire», on peut cependant s'attendre à des apports plus élevés des énergies renouvelables et de l'utilisation rationnelle de l'énergie. L'application du régime de l'autorisation aux nouveaux chauffages électriques ainsi que le renforcement des standards, dont l'introduction sera accélérée, pour les bâtiments et les appareils vont générer des économies supplémentaires de courant.

Perspectives de l'électricité: Sortir du nucléaire (objectif CO2 réalisé) 40

Figure 3

TWh

30

20

10

0 89/90

97/98

99/00

04/05 09/10 14/15 19/20 Semestre d`hiver Consommation de courant Droits de prélèvement et nouveaux contrats d`importation Economies de courant supplémentaires CCF supplémentaire Energies renouvelables suppl. (solaire, vent, bois, etc.)

Autre production thermique (ordures, etc.)

Energie nucléaire Force hydraulique

24/25

3.4

Conséquences en termes d'émissions de CO2 et d'oxydes d'azote

3.4.1

Emissions de CO2

29/30

Si l'on considère les perspectives de tous les agents énergétiques et secteurs de consommation (p. ex. les transports), on constate que la poursuite de l'exploitation des centrales nucléaires (scénario de référence) ramènera les émissions de CO2 de 41,8 à 40,8 millions de tonnes entre 1990 et 2010, puis à 39,6 millions de tonnes en

2565

2020. L'objectif global inscrit dans la loi sur le CO2 (réduction de 10 % entre 1990 et 2010) ne sera donc pas atteint, même si les centrales nucléaires sont maintenues en activité. Par conséquent, dans l'optique actuelle, une taxe sur le CO2 s'imposera si des mesures sensiblement plus incisives ne sont pas prises.

Avec les initiatives populaires, l'emploi accru du CCF thermique fossile et, dans une moindre mesure, la substitution partielle des combustibles fossiles aux chauffages électriques sont générateurs d'émissions de CO2 plus élevées qu'avec le scénario de référence. Dans le cas de l'initiative «Sortir du nucléaire», ces émissions supplémentaires s'élèveraient à 1,1 million de tonnes en 2010, et à 3,1 millions de tonnes au maximum en 2020. L'initiative «Moratoire-plus» (exploitation des centrales nucléaires limitée à 40 ans) n'entraînerait pas d'émissions supplémentaires de CO2 jusqu'en 2010, mais l'augmentation se ferait ultérieurement et se chiffrerait par exemple à 1,9 million de tonnes en 2020 (cf. tab. 3).

Emissions de CO2 en millions de tonnes (sans la taxe sur le CO2)

Tableau 3

1990

2010

2020

2030

41,81

40,8

39,6

38,6

M+40

40,8

41,5

40,9

SdN

41,9

42,7

40,7

Scénario de référence 50/60

1

valeur corrigée (fluctuations météo)

Comparées au scénario de référence, les deux initiatives occasionneront une croissance considérable des émissions de CO2. Avec elles, l'objectif en la matière serait donc plus difficile à atteindre. Force est de constater que la protection du climat exigerait que l'on prévoie des réductions plus drastiques au-delà de 2010.

Tant pour neutraliser ces émissions supplémentaires par rapport au scénario de référence que pour atteindre l'objectif global fixé pour le CO2, il faudrait instaurer progressivement la taxe sur le CO2 à partir de 2005. Dans le cas de l'initiative «Sortir du nucléaire», il faudrait appliquer le taux maximal (par exemple env. 50 ct./l pour l'huile de chauffage et l'essence). Avec l'initiative «Moratoire-plus», qui prévoit de limiter la durée d'exploitation des centrales nucléaires à 40 ans, il faudrait également appliquer le taux maximal aux carburants, alors qu'un taux légèrement réduit suffirait pour les combustibles. Selon les modèles mathématiques élaborés, on constate que, du fait du raccourcissement de la durée d'exploitation des centrales

2566

nucléaires, la taxe sur le CO2 devrait être sensiblement plus lourde que dans le cas où ces centrales seraient exploitées plus longtemps11.

La promotion de la nouvelle production de courant (CCF, énergies renouvelables) tend à renchérir l'électricité. Dans un compte mixte (considérant aussi l'électricité non certifiée provenant de la force hydraulique et des importations), les prix des certificats, nécessaires pour favoriser une certaine quote-part de production des techniques de substitution, augmenteraient le prix moyen du courant de 20 % au moins12.

3.4.2

Emissions d'oxydes d'azote

Actuellement, les immissions d'oxydes d'azote sont élevées, surtout dans les grandes agglomérations; l'augmentation qui découlerait de l'application de la stratégie du CCF rendrait difficile le respect des valeurs limites13. L'utilisation plus rationnelle de l'énergie et l'emploi accru des énergies renouvelables entraînent, eux, une réduction des émissions de NOx. Les émissions annuelles d'oxydes d'azote atteignent actuellement quelque 110 000 tonnes. Grâce à la politique de lutte contre la pollution de l'air et au progrès technique, elles devraient régresser de moitié environ. Le CCF augmenterait cependant les émissions de 11 000 tonnes au plus (2020) avec l'initiative «Sortir du nucléaire», et de 6000 tonnes au maximum (2025) avec le «Moratoire-plus» et l'exploitation des centrales nucléaires limitée à 40 ans. Cet inconvénient des installations classiques à CCF disparaîtrait si la technique des piles à combustible parvenait à s'imposer commercialement.

3.5

Retombées pour l'économie nationale

Il s'agit ici de déterminer tous les coûts macro-économiques générés en plus ou en moins par le raccourcissement de la durée d'exploitation des centrales nucléaires,

11

La loi sur le CO2 prévoit a priori des objectifs et des taux de redevance différents pour les combustibles et pour les carburants. Dans tous les scénarios de la politique nucléaire, les émissions de CO2 augmentent fortement pour les carburants et diminuent pour les combustibles. Indépendamment de cette politique, il est donc nécessaire de réduire les émissions générées par les carburants. En outre, fixer un taux maximal uniquement pour les combustibles ne suffirait pas à compenser les émissions supplémentaires générées du fait de l'application des dispositions découlant des initiatives populaires.

L'instauration d'une taxe sur le CO2 influera aussi sur les perspectives électriques. En particulier, elle agira négativement sur l'efficacité de la stratégie CCF, ce qui induira une augmentation des prix du courant pour le consommateur final (notamment dans le cas d'un système comportant des quotes-parts et des certificats). Avec la taxe sur le CO2, on observera un recul de la demande thermique des bâtiments et donc des possibilités d'utiliser le CCF. En revanche, la taxe favorisera le courant exempt de CO2 et les importations d'électricité.

12 Y compris la taxe sur le CO2 frappant le courant d'origine thermique fossile 13 La croissance des émissions de NOx provient du fait que les moteurs à combustion sur lesquels repose encore la technique du CCF en dégagent beaucoup. La récupération de chaleur (CCF au lieu des chaudières) ne compense pas ces émissions.

2567

par rapport à la poursuite de leur exploitation (scénario de référence). Sur cette base, on présentera les variations du produit intérieur brut, de l'emploi, etc.14.

3.5.1

Coûts générés en plus et en moins par les initiatives, par rapport au scénario de référence

Par rapport au scénario de référence, les coûts supplémentaires générés par les deux initiatives, cumulés sur la période 2004­2030, s'élèvent à 28 milliards de francs dans le cas de «Sortir du nucléaire» et à 13 milliards avec «Moratoire-plus» (cf. tab.

4)15.

Les facteurs de coûts produits indépendamment de la durée d'exploitation des centrales nucléaires, par exemple les versements au fonds pour le financement de leur désaffectation, ne doivent pas être intégrés dans la comparaison. Il en va de même des coûts qui n'impliquent qu'un déplacement des charges, comme la taxe sur le CO2, dont le produit sera redistribué à l'économie et aux ménages. En revanche, cette taxe aura un impact sur les coûts en raison des adaptations et des investissements qu'elle déclenchera, notamment pour la mise en oeuvre des mesures d'économies d'énergie.

Les principaux coûts en plus et en moins sont mentionnés dans le tableau 4 et sont commentés en détail dans les chapitres qui suivent.

14

Le modèle d'équilibre macro-économique appliqué englobe les réactions des ménages et des entreprises aux fluctuations des prix (notamment de l'énergie) et les rétroactions ainsi déclenchées, par exemple sur les différentes branches, sur le marché de l'emploi, etc.

Grâce aux progrès réalisés par l'informatique ces dernières années, il est possible de calculer assez rapidement les effets de facteurs économiques les plus divers. Les modèles mathématiques appliqués au volet énergétique des perspectives (demande et offre, coûts des techniques énergétiques) et le modèle macro-économique sont coordonnés.

15 En admettant que les centrales nucléaires soient exploitées pendant 60 ans, la plus récente des centrales (Leibstadt) ne sera mise hors service qu'en 2044. Entre 2030 et 2044, les deux initiatives alourdiront les coûts supplémentaires; ceux-ci se chiffreraient à 42 milliards de francs au maximum avec «Sortir du nucléaire». Cependant, des considérations s'étendant sur des périodes aussi longues ont un caractère très spéculatif et ne modifient que très peu les coûts supplémentaires annuels, de l'ordre du milliard de francs.

2568

Coûts différentiels cumulés entre 2004 et 2030 en milliards de fr.

(avec la taxe CO2 pour atteindre l'objectif)

Tableau 4

Genre de coût

SdN

M+40

Composantes

Désaffectation des centrales nucléaires CCF supplémentaire

­15,9

­ 8,7

22,3

11,8

10,2

5,0

3,5

1,9

Coûts évités: rééquipement, entretien, combustible Coûts supplémentaires: investissements, entretien, combustible Pertes sur le produit des exportations Coûts supplémentaires

2,6

1,0

Coûts supplémentaires

5,1

2,4

Coûts supplémentaires: économies d'énergie, énergies renouvelables

27,8

13,4

Recul des exportations Economies supplémentaires d'électricité Courant supplémentaire tiré des énergies renouvelables Neutralisation du CO2 Coûts supplémentaires

3.5.1.1

Coûts évités du fait de la désaffectation des centrales nucléaires

Une accélération de la désaffectation des centrales nucléaires supprimerait les coûts de rééquipement, d'entretien et d'achat de combustible indispensables à la poursuite de leur exploitation. Les coûts ainsi évités s'élèveraient à 15,9 milliards de francs dans le cas de l'initiative «Sortir du nucléaire» et à 8,7 milliards de francs dans celui de l'initiative «Moratoire-plus» (durée d'exploitation limitée à 40 ans). Dans tous les scénarios, on a appliqué une somme de 500 fr./kW pour le rééquipement des centrales. Si, en lieu et place, on appliquait un taux respectivement de 300 fr./kW et 1000 fr./kW dans le scénario «Sortir du nucléaire», les coûts seraient respectivement supérieurs de 0,7 milliard de francs et inférieurs de 1,7 milliard de francs. Il est aussi envisageable que la disponibilité actuellement élevée des centrales nucléaires diminue avec leur âge. Dans ce cas, on estime que les coûts supplémentaires induits par l'initiative «Sortir du nucléaire» pourraient diminuer de 3,5 milliards de francs.

3.5.1.2

Coûts additionnels dus au CCF supplémentaire

Les initiatives génèreraient des coûts supplémentaires dus aux investissements nécessaires pour de nouvelles installations de production, pour leur entretien et pour l'achat du combustible. Ces coûts sont lourds puisqu'ils représenteraient 22,3 milliards de francs dans le cas de l'initiative «Sortir du nucléaire» et 11,8 milliards de francs avec le «Moratoire-plus» (40 ans).

2569

Il est possible que, dans le futur, la technique du CCF s'appuie sur les piles à combustible16. Pour que des techniques avancées parviennent à percer, il faudra cependant les expérimenter longuement en conditions réelles (learning investments). Si elle pouvait s'imposer, la pile à combustible réduirait sensiblement les coûts générés par l'initiative «Sortir du nucléaire».

L'emploi accru d'installations décentralisées de production de courant permet de délester le réseau à haute tension. Toutefois, on ne dispose pas de données décrivant cet effet, et des économies ne sont réalisables que si le réseau présente des goulets d'étranglement. Les coûts induits par l'initiative augmenteraient si le texte constitutionnel devait être interprété comme exigeant également que les droits de prélèvement sur les centrales nucléaires françaises soient remplacés, par exemple, par l'acquisition de courant dans des installations à CCF en Suisse et à l'étranger.

A la différence de l'initiative «Sortir du nucléaire», «Moratoire-plus» ne pose aucune condition quant à la stratégie à mettre en place pour combler le «déficit électrique». Si, en lieu et place des installations à CCF envisagées en fonction des hypothèses de «Moratoire-plus», on construisait des centrales combinées (turbines à gaz et à vapeur) sans CCF, il en résulterait (compte tenu de la taxe sur le CO2) une réduction de 2,6 milliards de francs des coûts générés par l'initiative.

3.5.1.3

Coûts additionnels dus à la perte de recettes sur les exportations

Par rapport au scénario de référence, l'acceptation des initiatives provoquerait une diminution des exportations de courant. Le manque à gagner serait d'importance puisqu'il se chiffrerait à 10,2 milliards de francs dans le scénario «Sortir du nucléaire» et à 5,0 milliards de francs avec «Moratoire-plus» (40 ans).

3.5.1.4

Coûts additionnels induits par le renforcement des économies d'électricité et par la production de courant à partir d'énergies renouvelables

Les initiatives généreraient des coûts supplémentaires dus aux mesures additionnelles non rentables dans les conditions cadres fixées. Outre les coûts supplémentaires liés à la construction d'installations à CCF, la nécessité de combler le «déficit électrique» induirait des coûts supplémentaires de respectivement 6,1 et 2,9 milliards de francs, dus aux économies de courant et à la production d'électricité qui devrait alors se faire à partir des énergies renouvelables. Si les économies de courant devaient s'accroître, freinant du même coup la construction de nouvelles installations à CCF, il en résulterait un gain de 0,7 milliard de francs.

16

Le combustible (p. ex. du gaz naturel) est transformé en courant par un procédé électrochimique (avec ou sans récupération de chaleur). Comparativement au CCF classique, les avantages en sont les émissions extrêmement faibles d'oxydes d'azote, les applications possibles dans des bâtiments de toutes tailles et en régime partiel, ainsi que le rendement électrique élevé, tout au moins en laboratoire.

2570

3.5.1.5

Coûts additionnels dus à la réduction des émissions de CO2

La neutralisation des émissions supplémentaires de CO2 implique que le taux de la taxe sur le CO2 soit plus élevé que dans le scénario de référence. Il s'ensuivrait des investissements consacrés à l'utilisation rationnelle de l'énergie et à l'application des énergies renouvelables. Les coûts supplémentaires ainsi produits s'éléveraient alors à 5,1 milliards de francs avec l'initiative «Sortir du nucléaire» et à 2,4 milliards avec le scénario «Moratoire-plus» limitant à 40 ans la durée d'exploitation des centrales nucléaires.

3.5.1.6

Fluctuation du cadre économique général

Un ralentisement de la croissance économique (taux de croissance de 0,9 % par an entre 1998 et 2030, au lieu de 2,2 % jusqu'en 2010 puis 1,3 % par an jusqu'en 2030 dans le scénario de base) affaiblirait la demande de courant; par conséquent, les initiatives auraient des conséquences financières moindres. S'agissant de l'initiative «Sortir du nucléaire», on observerait une réduction de 7,1 milliards de francs des coûts supplémentaires totaux qu'elle générerait.

Des prix de l'énergie plus élevés (30 dollars au lieu de 20 par baril de brut dans le scénario de base) provoqueraient, au contraire, une augmentation de 4,4 milliards de francs des coûts supplémentaires de cette initiative, principalement à cause du renchérissement de la production thermique fossile d'électricité. Une croissance isolée des prix réels du gaz (+56 % au lieu de +25 % jusqu'en 2030) entraînerait, elle, une augmentation de 3,5 milliards de francs de ces coûts. En revanche, des prix réels constants du gaz les allégeraient de 1,7 milliard de francs.

3.5.2

Retombées sur la croissance économique

La modification du cadre économique général aurait de fortes retombées sur les coûts, en plus ou en moins, générés par les deux initiatives (cf. message initiatives, ch. 3.5.1.6). Il importe d'analyser comment, de leur côté, ces deux objets agiraient sur l'économie: C'est au premier chef l'initiative «Sortir du nucléaire» qui influerait négativement sur le développement économique de la Suisse. Raccourcir la durée de l'exploitation d'une centrale nucléaire existante reviendrait, économiquement parlant, à augmenter le prix de l'électricité qu'elle produit. L'application accrue de nouvelles techniques amplifie la demande de prestations préalables indispensables pour elles et, partant leurs prix. Comme l'électricité est un facteur de production difficile à remplacer, son renchérissement tendrait à augmenter le prix des autres biens matériels. Il s'ensuivrait un fléchissement de la demande de biens de consommation et d'investissements. A son tour, ce fléchissement induirait un recul de la production et un affaiblissement de la valeur ajoutée. Etant plus bas, le niveau de consommation nécessiterait moins de travail et de capitaux, d'où un ralentissement des investissements. Au bout du compte, ces changements déclenchés par les deux initiatives (par rapport au scénario de référence avec poursuite de l'exploitation des centrales nucléaires) seraient cependant minimes. Compte tenu des coûts de la neutralisation des émissions supplémentaires de CO2, le produit national brut devrait être inférieur de 2571

0,7 % à ce qu'il serait dans le scénario de référence durant la période 2015­2030. Il serait de 0,8 % inférieur si l'on mettait en oeuvre les mesures nécessaires pour atteindre l'objectif de réduction du CO2.

Dans son option prévoyant de limiter à 40 ans l'exploitation des centrales nucléaires, l'initiative «Moratoire-plus» n'aurait pratiquement pas de retombées sur l'économie nationale si l'on renonçait à réduire le CO2 car on dispose déjà de techniques compétitives sous la forme des centrales thermiques fossiles. Même avec un scénario incluant neutralisation du CO2 et réalisation des objectifs en la matière, le développement économique du pays ne serait pas sensiblement pénalisé.

3.5.3

Retombées sur les diverses branches

Les retombées de l'initiative «Sortir du nucléaire» seraient très variables étant donné que la consommation de courant diffère beaucoup d'une branche de l'économie à l'autre. La figure 4 montre comment elles feraient varier la valeur de production brute (chiffre d'affaires) par rapport au scénario de référence avec la poursuite de l'exploitation des centrales nucléaires. Fortes consommatrices d'énergie, notamment de courant, et soumises à une forte concurrence étrangère, les industries du textile et du papier seraient très touchées (pertes sur chiffre d'affaires allant jusqu'à 6 %). On constate également des baisses de chiffre d'affaires supérieures à 1 % dans les industries du bois, de la pierre et de la terre, du bâtiment et de l'aménagement, ainsi que dans le commerce, les télécommunications, les banques et les assurances.

L'électrotechnique et l'optique, elles, en retireraient des avantages.

La restructuration du secteur de l'électricité provoquerait un recul de la consommation de courant. Néanmoins, à cause de la réaction inélastique de la demande à l'augmentation des prix du courant, les chiffres d'affaires croîtrait dans ce secteur.

Du fait du remplacement de la production d'électricité thermonucléaire par une production thermique fossile, la consommation d'agents fossiles augmenterait. Il s'ensuivrait une croissance notable du chiffre d'affaires dans le secteur du gaz naturel, évolution toutefois freinée par la taxe sur le CO2.

2572

Variation des valeurs de production brutes sous l'effet de l'initiative «Sortir du nucléaire» (avec la taxe sur le CO2 pour neutraliser les émissions supplémentaires) Figure 4 -6.0%

0.0%

6.0%

12.0%

18.0%

24.0%

30.0%

Agriculture Energie (huile, diesel, essence) Electricité Gaz Alimentation Boissons, tabac Textile Vêtements Bois Industrie du papier Arts graphiques Chimie Plastiques Pierres, terres Métaux Machines Electro, optique Bâtiment Aménagement Commmerce Hôtellerie Transp. publ.

Transports Télécomm.

Banques, assur.

Consulting Divers/administr.

2010

2020

2030

Source: Ecoplan

L'initiative «Sortir du nucléaire» aurait un effet négatif sur les petites et moyennes entreprises (PME), surtout si celles-ci sont tout à la fois fortes consommatrices de courant, très tournées vers les exportations et exposées à la concurrence étrangère.

L'initiative «Moratoire-plus» ne produirait pas de changements structurels perceptibles. Dans la plupart des branches, le chiffre d'affaires ne changerait que de manière minime, voire pas du tout par rapport au scénario de référence.

3.5.4

Retombées sur la prospérité et sur la répartition des revenus

Abandonner prématurément l'énergie atomique, comme le demande l'initiative «Sortir du nucléaire», entraînerait un recul de la prospérité (niveau de vie des ména-

2573

ges) de l'ordre de 1 milliard de francs par année17. Si l'on inclut des estimations prudentes de la variation des coûts écologiques externes (sans les risques des centrales nucléaires), cette perte de prospérité diminuerait légèrement. En effet, la demande de combustibles et de carburants recule (taxe sur le CO2) et avec elle, les coûts écologiques externes se réduiront. La prospérité fera de même si l'on tient compte des risques externes inhérents à l'utilisation de l'énergie nucléaire. En définitive, l'évaluation des options de la politique énergétique est, elle aussi, une estimation parfois subjective des risques.

L'initiative «Moratoire-plus» générerait des pertes de prospérité minimes (si l'on fait abstraction des retombées écologiques). Suivant l'ampleur des coûts écologiques et des risques considérés, il est même possible qu'elle ait des effets positifs.

Seule l'initiative «Sortir du nucléaire» aurait une incidence ­ et encore minime ­ sur la répartition des revenus entre les différentes classes de ménages. Suivant les catégories, les pertes de revenu oscilleraient entre 0,05 % (ménages de retraités à haut revenu) et 0,30 % (ménages de retraités à faible revenu).

Cette même initiative aurait des conséquences financières plus marquées pour les cantons et les communes à cause de leurs participations dans les sociétés d'exploitation de centrales nucléaires. Les sociétés ainsi que les entreprises partenaires et les actionnaires devraient tous assumer les coûts directs d'exploitation et de désaffectation des centrales.

3.5.5

Retombées sur la compétitivité de notre commerce extérieur

Dans l'appréciation de ces retombées, il faut tenir compte du fait que la compétitivité internationale des entreprises dépend de nombreux facteurs tels que les prix du travail, du capital, de l'énergie et du terrain, le niveau de la fiscalité, le cours des devises, la capacité novatrice, la qualité des produits, etc. L'initiative «Sortir du nucléaire» ne modifierait pas directement les facteurs qualitatifs. En revanche, la hausse des prix de l'électricité et des biens détériorerait les conditions des échanges commerciaux internationaux. Cela signifie que le pays recevrait moins de biens importés par unité de bien exporté. Au total, les retombées de l'initiative sur les exportations et les importations seraient toutefois minimes. Même compte tenu de la neutralisation du CO2 et de la réalisation des objectifs en la matière, en 2030 les exportations et les importations ne seraient respectivement pas inférieures de plus de 0,5 % et de plus de 0,6 % au niveau qu'elles atteindraient dans le scénario de référence avec la poursuite de l'exploitation des centrales nucléaires. L'impact varierait beaucoup d'une branche à l'autre. C'est la branche de l'énergie qui réagirait le plus fort (baisse des exportations de courant, hausse des importations de gaz naturel). Quant à l'initiative «Moratoire-plus», c'est uniquement dans le scénario où les centrales ne seraient exploitées que pendant 40 ans qu'elle induirait un recul ­ au demeurant minime ­ des importations et des exportations.

17

Pour déterminer les effets sur la prospérité, on calcule le revenu qu'il faudrait donner ou prendre aux ménages dans le cas de référence pour qu'ils atteignent le même niveau de vie.

2574

4

Appréciation des initiatives

4.1

«Moratoire-plus»

4.1.1

Buts de l'initiative

L'initiative «Moratoire-plus» demande que pendant dix ans, il ne soit plus accordé aucune autorisation pour de nouvelles installations destinées à la production d'énergie nucléaire, ni pour l'augmentation de la puissance thermique des centrales nucléaires existantes, ni pour des réacteurs utilisés dans la recherche et le développement de la technique nucléaire, sauf s'ils servent à la médecine. Elle demande que, s'il est prévu d'exploiter une centrale nucléaire pendant plus de 40 ans, cette décision fasse l'objet d'un arrêté fédéral soumis au référendum. Elle exige en outre que la demande de prolongation de l'autorisation d'exploiter renseigne sur le vieillissement de l'installation et sur les problèmes de sécurité qui en découlent, ainsi que sur les mesures à prendre pour que l'installation satisfasse aux normes internationales de sécurité les plus modernes, et sur les dépenses requises à cet effet.

Enfin, l'initiative donne mandat à la Confédération d'édicter des prescriptions sur la déclaration de provenance du courant électrique et de son mode de production.

4.1.2

Point de vue des auteurs de l'initiative

Pour les auteurs de l'initiative, il est capital de renforcer le droit de participation démocratique dans la décision de prolonger la durée d'exploitation des centrales nucléaires en service. C'est à la population qu'il appartient de décider si elle veut ou non supporter le risque de réacteurs nucléaires présentant un danger croissant au fur et à mesure qu'ils vieillissent.

S'agissant de Leibstadt, dernière centrale nucléaire construite, les auteurs estiment que l'ouverture du marché va empêcher d'amortir 2,6 milliards de francs, et qu'il faudra subventionner cette installation non rentable par une «dîme atomique» sur le prix l'électricité. Afin d'empêcher d'autres investissements de ce genre, il faudrait, disent-ils, continuer à faire obstacle à la construction de nouvelles centrales nucléaires.

Le premier moratoire de 10 ans, arrivé à expiration en septembre 2000, a donné, selon eux, un certain élan à l'utilisation rationnelle de l'énergie et à l'application des énergies renouvelables. Plusieurs milliers de postes de travail ont ainsi pu être conservés ou créés. La poursuite du moratoire serait une condition indispensable pour faire progresser cette cause.

L'introduction d'une déclaration obligatoire, ajoutent-ils encore, permettrait à l'avenir aux consommateurs d'électricité de savoir où et comment est produit le courant qui alimente leurs prises. En ciblant la demande, lesdits consommateurs pourraient favoriser la production de courant par des énergies renouvelables indigènes.

2575

4.1.3

Appréciation juridique

4.1.3.1

Prolongation de l'exploitation au-delà de 40 ans

L'initiative ne s'exprime pas sur la durée d'exploitation des centrales nucléaires.

Par conséquent, elle ne la limite pas, et les autorisations d'exploiter pourraient être prolongées plusieurs fois.

L'initiative demande, pour la prolongation de l'exploitation des centrales nucléaires au-delà de 40 ans, un arrêté fédéral soumis au référendum (cf. art. 90a Cst., nouveau). Elle ne précise pas quel devrait être l'organe chargé de délivrer l'autorisation.

Elle laisse donc une certaine marge de manoeuvre qui pourrait être utilisée par des dispositions d'exécution. La compétence d'octroyer l'autorisation en question devrait être transférée au Conseil fédéral, comme dans la loi actuelle sur l'énergie atomique. Selon le texte et le sens de l'initiative, seule la prolongation de l'autorisation d'exploiter devrait être soumise à l'Assemblée fédérale; en revanche, il n'en irait pas de même du refus de prolonger l'autorisation au-delà de 40 ans.

En vertu de l'art. 163 de la Constitution, l'Assemblée fédérale édicte des décisions officielles ne contenant pas de règles de droit et soumises au référendum sous la forme d'un arrêté fédéral. La décision des Chambres fédérales sur la prolongation de l'autorisation d'exploiter devrait donc prendre cette forme. Dans le cas présent, l'arrêté serait sujet au référendum parce qu'il n'entre pas dans le champ d'application de l'art. 140 de la Constitution fédérale.

L'initiative précise par ailleurs que la demande de prolongation devra renseigner sur le vieillissement de l'installation et sur les problèmes de sécurité qui en découlent ainsi que sur les mesures et les dépenses nécessaires pour adapter l'installation aux normes internationales de sécurité en vigueur.

La surveillance du vieillissement des centrales nucléaires est permanente; toutes les centrales sont soumises à des contrôles spéciaux qui y veillent. Un contrôle plus détaillé est effectué à l'occasion des inspections périodiques de sécurité, tous les dix ans environ. Ainsi le vieillissement et les problèmes de sécurité qui y sont liés ne sont nullement ignorés.

Les centrales les plus anciennes, construites selon l'état de la science et de la technique de l'époque, ne peuvent correspondre en tous points à ce que l'on attend aujourd'hui des installations neuves (cf. message initiatives, ch. 2.4.5). Mais le
texte de l'initiative ne demande rien de tel. L'obligation d'adapter tous les composants de l'installation aux normes de sécurité les plus modernes obligerait à mettre hors service certaines centrales, en particulier les plus anciennes. Une obligation aussi radicale ne ressort pas du texte de l'initiative. Il faut plutôt décider au vu de chaque avancée de la science et de la technique s'il est déterminant pour la sécurité. Dans l'affirmative, on examinera si les mesures appropriées peuvent être raisonnablement prises ou si d'autres interventions permettront d'atteindre le niveau de sécurité requis.

2576

4.1.3.2

Déclaration de la provenance et du mode de production du courant électrique

L'initiative demande que soient déclarés la provenance et le mode de production du courant, et que la Confédération édicte les dispositions nécessaires à cet effet (cf. art.

89, al. 6, Cst., nouveau).

Les art. 89, al. 3, et 97, al. 1, de la Constitution fédérale offrent aujourd'hui déjà la base constitutionnelle suffisante pour instaurer la déclaration obligatoire. La loi sur le marché de l'électricité, adoptée par le Parlement le 15 décembre 2000, dispose à l'art. 12 ceci: «Pour la protection des utilisateurs finals, le Conseil fédéral peut promulguer des prescriptions sur des marques distinctives pour l'électricité, notamment quant au type de production du courant et à la provenance de l'électricité. Il peut introduire une obligation de marquage distinctif.» Ainsi, point n'est besoin d'instaurer une réglementation à l'échelon de la constitution, et pas davantage à celui de la loi, réserve faite du résultat d'une éventuelle votation référendaire touchant la loi sur le marché de l'électricité.

4.1.3.3

Pas d'autorisations fédérales pendant dix ans

Pendant dix ans à compter de l'acceptation de l'initiative, aucune autorisation fédérale ne pourrait être octroyée pour de nouvelles installations destinées à la production d'énergie nucléaire, pour l'augmentation de la puissance des centrales nucléaires en service ni pour des réacteurs utilisés dans la recherche et le développement nucléaires, sauf s'ils servent à la médecine (cf. art. 197, ch.1, cCst., nouveau).

La notion d'«installations nucléaires» n'est pas claire. On constate que l'initiative dans ses versions française et italienne est dirigée contre toutes les installations nucléaires servant à utiliser l'énergie de l'atome (p. ex. les centrales électronucléaires, les centrales de chauffage, etc.). A l'inverse, elle ne touche pas les installations servant à l'entreposage de déchets radioactifs. Si elle était acceptée, elle interdirait donc, pendant dix ans, l'octroi d'autorisations générales, de construire et d'exploiter de nouvelles installations destinées à utiliser l'énergie atomique. S'agissant des centrales nucléaires en service, aucune augmentation de leur puissance thermique ne pourrait alors être autorisée (cf. art 197, ch. 1, let. a et b, Cst., nouveau).

Le renouvellement des centrales nucléaires n'est pas mentionné explicitement dans l'initiative, mais il est touché par elle. Dans ce contexte, le renouvellement ne désigne pas les travaux qui se limitent à des parties isolées de l'équipement, mais bien les opérations qui reviennent pratiquement à réaliser une nouvelle installation (p. ex.

le remplacement de la cuve du réacteur). Toute installation en service nécessite des réparations et des modifications (dont certaines requièrent une autorisation) qui ne constituent pas un renouvellement (p. ex. le remplacement des générateurs de vapeur ou du système de pilotage des dispositifs de sécurité du réacteur, la construction d'un système de refroidissement de secours, etc.). Ces travaux ne seraient donc pas touchés par l'initiative.

Quant aux réacteurs servant à la recherche et au développement nucléaire, aucune autorisation fédérale ne pourrait leur être accordée s'ils ne servaient pas la méde2577

cine. D'après l'initiative, cette restriction ne s'appliquerait pas seulement aux nouvelles installations, mais aussi à celles qui sont en service (cf. art. 197, ch. 1, let. c, Cst., nouveau). Ainsi donc, il faudrait refuser des autorisations pour modifier les installations en service, mais pas pour désaffecter de tels réacteurs.

4.1.3.4

Question de l'indemnisation

4.1.3.4.1

Indemnisation en cas de refus de prolonger l'autorisation d'exploiter

Pour qu'une centrale nucléaire puisse rester en service plus de quarante ans, il faudrait un arrêté fédéral soumis au référendum. Les conditions et les modalités du rejet, de même que la question de l'indemnisation en cas de refus de la prolongation, devraient être réglées par la loi.

Il y a expropriation matérielle si l'usage actuel ou prévisible de sa chose est interdit à un propriétaire ou s'il est particulièrement limité (cf. ATF 123 II 481).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les limitations de la propriété ayant le caractère de mesures de police n'induisent pas d'obligation d'indemniser si elles visent à éviter un danger réel, c'est-à-dire sérieux et immédiat pour l'ordre, la sécurité et la santé publics, qui naîtrait de l'utilisation que l'on entend faire du terrain et si la limitation a lieu en application d'une interdiction légale (ATF 106 Ib 338. E.5).

En revanche, les limitations de la propriété qui équivalent à des expropriations peuvent donner lieu à une obligation d'indemniser.

Dans le cas présent, une votation populaire trancherait sur la poursuite de l'exploitation d'une centrale nucléaire. Un rejet de la prolongation de l'autorisation d'exploiter constituerait une limitation de propriété qu'il faudrait probablement assimiler à une expropriation matérielle, donnant droit à un dédommagement. En effet, il ne s'agirait pas d'éviter un danger sérieux et immédiat.

Une indemnité pour expropriation matérielle devrait être versée en particulier si des investissements effectués en vertu du droit en vigueur ne pouvaient plus être amortis à cause du nouveau droit. La durée d'amortissement prévue est de 40 ans pour la centrale nucléaire de Leibstadt, de 30 ans pour les autres. A cause de la libéralisation du marché de l'électricité, les exploitants affirment ne plus avoir l'intention d'effectuer de gros investissements. Par conséquent, les frais de construction devraient pouvoir être amortis avant une éventuelle votation populaire sur la prolongation de l'autorisation, si bien qu'il ne devrait pas y avoir d'indemnisation.

Si la prolongation de l'autorisation d'exploiter était refusée en votation populaire, les centrales nucléaires devraient être désaffectées. Elle ne pourraient donc plus réaliser de bénéfices. Cette perte de gain ne donnerait toutefois pas droit à un dédommagement,
n'étant pas protégée par la garantie de la propriété: la nonprolongation ne constituerait pas le retrait d'une compétence essentielle, découlant directement de la propriété.

Selon la réglementation en vigueur, les moyens financiers nécessaires à la désaffectation des centrales nucléaires et à l'évacuation des déchets radioactifs doivent être réunis en 40 ans. Ce financement s'effectue au moyen du fonds de désaffectation et du fonds de gestion. Etant donné cette obligation, il n'y a pas lieu de croire

2578

que la dépense serait trop élevée pour la société tenue de procéder à la désaffectation et que la Confédération devrait payer la différence.

4.1.3.4.2

Indemnisation pour le non-octroi d'autorisations pendant le moratoire

Pendant dix ans, aucune autorisation relevant de la législation sur l'énergie nucléaire ne pourrait être accordée pour de nouvelles installations destinées à la production d'énergie nucléaire, ni pour des réacteurs destinées à la recherche et au développement, sauf s'ils servent les intérêts de la médecine. Le non-octroi d'autorisations pour de nouvelles installations nucléaires pendant la durée du moratoire n'entraînera aucune revendication en dédommagement par la Confédération. En effet, la question ne pourrait se poser que si un requérant avait, en vertu de la situation juridique ou sur la foi des assurances qui lui auraient été données, consenti des investissements que le moratoire ferait se révéler sans valeur. Actuellement, aucune requête n'est pendante. La question ne devrait donc pas se poser.

4.2

«Sortir du nucléaire»

4.2.1

Buts de l'initiative

L'initiative «Sortir du nucléaire» demande la désaffectation progressive des centrales nucléaires. Si elle était acceptée, Beznau I et II ainsi que Mühleberg devraient être mises hors service au plus tard dans les deux ans qui suivent la votation, Gösgen et Leibstadt, au plus tard au bout de trente ans d'exploitation, c'est-à-dire respectivement en 2008 et 2014. L'initiative exige en outre l'interdiction du retraitement du combustible irradié produit dans les centrales nucléaires suisses. Par ailleurs, la Confédération devrait arrêter des dispositions légales en vertu desquelles les exploitants, leurs actionnaires et les entreprises partenaires devraient prendre en charge tous les frais en rapport avec l'exploitation et la désaffectation des centrales nucléaires. Elle devrait également régler le stockage durable des déchets radioactifs produits en Suisse ainsi que l'étendue minimale des droits de codécision à accorder aux collectivités intéressées. Enfin, l'initiative demande que l'approvisionnement électrique soit assuré par le recours à des sources non nucléaires, et que l'électricité ne provienne pas d'installations utilisant l'énergie fossile sans récupération de chaleur.

4.2.2

Point de vue des auteurs de l'initiative

De l'avis des auteurs de l'initiative, l'énergie atomique est porteuse de risques inacceptables. Les réacteurs de la première génération (Beznau I et II, Mühleberg) présenteraient des défauts de construction impossibles à éliminer. Des accidents de la gravité de celui de Tchernobyl pourraient survenir à n'importe quel moment. La libéralisation du marché de l'électricité et son effet drastique sur les coûts entraîneraient en outre une réduction des mesures de sécurité appliquées dans les centrales nucléaires.

2579

Les auteurs estiment que le retraitement est écologiquement inacceptable et qu'il n'est pas une forme de recyclage, contrairement aux affirmations de l'industrie concernée. Selon eux, seul 1 % du combustible peut être recyclé, à savoir le plutonium. Le reste est constitué de déchets hautement radioactifs dont le volume augmenterait lors du retraitement, ce qui compliquerait et renchérirait le stockage. Le stockage des déchets radioactifs devrait se faire sur un site aux caractéristiques géologiques optimales. Mais il faudrait en augmenter la sécurité. De surcroît, l'aménagement d'un dépôt ne devrait être possible qu'avec l'assentiment des collectivités intéressées. Cela nécessiterait par conséquent une réglementation de principe à l'échelon fédéral.

Les coûts totaux de la désaffectation des cinq centrales nucléaires suisses et de l'évacuation des déchets radioactifs se monteraient, disent-ils, à 16,2 milliards de francs. Les exploitants d'installations nucléaires n'auraient provisionné qu'une fraction de ce montant. Le principe de la prise en charge des coûts devrait donc être inscrit dans la loi. Dans le cas contraire, ces coûts risqueraient d'être répercutés sur la collectivité.

Plusieurs études confirmeraient que, pour la Suisse, la sortie du nucléaire ne serait pas seulement possible théoriquement, mais concrètement réalisable. En dix ans, le courant nucléaire suisse pourrait, estiment-ils, être remplacé par l'utilisation rationnelle de l'électricité ainsi que par une production décentralisée exploitant d'autres ressources (couplage chaleur-force, énergies solaire, éolienne et du bois).

S'il est un défi écologique, le tournant énergétique est également un enjeu de politique sociale. La compétitivité de l'économie s'en trouverait renforcée et des emplois seraient créés dans des branches d'avenir. L'adoption de l'initiative obligerait la Confédération à assurer l'approvisionnement électrique du pays au moyen d'énergies renouvelables. Le cadre légal devrait empêcher que la Suisse ne s'approvisionne en courant provenant d'installations alimentées par des agents fossiles générateurs d'émissions de CO2.

Plus les centrales nucléaires seraient désaffectées rapidement, plus les dommages globaux infligés à l'économie nationale seraient limités. Il est donc erroné, affirment-ils, de vouloir conserver l'option nucléaire.

4.2.3

Appréciation juridique

4.2.3.1

Désaffectation progressive

L'initiative demande que les centrales nucléaires soient progressivement désaffectées (cf. art. 90b, al. 1, Cst., nouveau). Elle fixe également le moment auquel elles devront être mises hors service: Beznau 1, Beznau 2 et Mühleberg au plus tard deux ans après son adoption, Gösgen et Leibstadt au plus tard après trente années de service (cf. art. 197, ch. 2, Cst., nouveau). Le Conseil fédéral devrait édicter les dispositions d'exécution nécessaires dans le délai d'une année.

L'initiative n'interdit pas expressément les nouvelles centrales nucléaires. L'art.

90b, al. 3, let. a, Cst. (nouveau) précise cependant que la Confédération devra arrêter des dispositions pour la conversion aux sources non nucléaires d'énergie. Il faut en déduire que la construction et la mise en service de nouvelles centrales nucléaires servant à produire du courant seraient impossibles. Cependant, la conversion à des

2580

ressources non nucléaires ne concerne que le domaine de l'approvisionnement électrique. L'initiative ne considère pas d'autres installations nucléaires (p. ex. les réacteurs nucléaires de chauffage ou de recherche) ne servant pas à produire de l'électricité; de telles installations pourraient donc encore être construites. Est réservée l'adoption de l'initiative «Moratoire-plus», laquelle aurait pour conséquence l'interdiction d'en réaliser pendant une durée de dix ans.

4.2.3.2

Interdiction du retraitement

L'initiative «Sortir du nucléaire» s'oppose également au retraitement des éléments combustibles nucléaires irradié (cf. art. 90b, al. 2, Cst., nouveau). Selon ce texte, il ne serait pas permis d'exporter du combustible usé pour le retraiter. Aucune autorisation ne devrait plus être délivrée pour le transport et l'exportation de ces éléments en vue de leur retraitement (cf. art. 197, ch. 2, al. 2, Cst., nouveau).

Si l'initiative était acceptée, les exploitants de centrales nucléaires devraient dénoncer des contrats et reprendre les éléments combustibles non retraités, dans la mesure du possible. La Suisse ne s'est engagée ni vis-à-vis de la France ni vis-à-vis de la Grande-Bretagne à faire retraiter dans ces pays ses déchets radioactifs. En revanche, elle s'est engagée (échanges de notes du 11 juin 1978 avec la France et du 30 septembre 1983 avec la Grande-Bretagne) à reprendre les déchets radioactifs produits par le retraitement du combustible, ou le combustible lui-même, s'il n'est pas retraité. Seuls des motifs techniques pourraient l'en empêcher.

Au reste, l'interdiction du retraitement peut s'appuyer sur l'art. 90 Cst. et ne réclame pas de base constitutionnelle explicite. Le projet de loi sur l'énergie nucléaire (LENu) la prévoit lui aussi, mais avec une disposition transitoire qui permettra aux exploitants d'honorer les accords passés avant le 31 décembre 2000 (cf. message LENu, ch. 7.3.3.2).

4.2.3.3

Conversion aux sources non nucléaires de l'approvisionnement en électricité

L'initiative «Sortir du nucléaire» veut convertir la production d'électricité aux ressources non nucléaires, tout en évitant de substituer à l'électricité nucléaire du courant provenant d'installations fossiles sans récupération de chaleur. Elle demande que la Confédération édicte les prescriptions nécessaires à cet effet (cf. art. 90b, al. 3, let. a, Cst., nouveau).

La conversion à des ressources non nucléaires exigerait tout un arsenal de mesures, en particulier le recours accru à des installations à CCF alimentées par des agents fossiles et à des installations utilisant des énergies renouvelables, ainsi que d'autres efforts en vue d'utiliser rationnellement l'énergie. Les mesures entrant en ligne de compte s'appuient sur les bases constitutionnelles et légales actuelles.

Il faudrait éventuellement renforcer l'art. 6 de la loi sur l'énergie, selon lequel, avant d'autoriser la construction et la transformation d'une installation productrice d'électricité alimentée par des combustibles fossiles, l'autorité compétente en vertu du droit cantonal est tenue d'étudier si la demande d'énergie peut être raisonnablement couverte au moyen d'énergies renouvelables, et les possibilités d'utiliser judi2581

cieusement les rejets de chaleur. L'examen de l'utilisation des rejets de chaleur devrait être remplacé par l'obligation de les récupérer. Par ailleurs, il faudrait envisager, en se fondant sur l'art. 89 Cst., d'introduire le régime de l'autorisation fédérale pour les nouveaux chauffages électriques.

Sur le marché libéralisé, il ne sera plus possible de répercuter automatiquement sur les consommateurs les coûts de production ­ peut-être plus élevés ­ du courant non nucléaire. L'accès non discriminatoire au réseau pour les entreprises de production et pour les consommateurs défavorisera les centrales suisses par rapport à leurs concurrentes étrangères qui ne seraient pas soumises aux mêmes exigences. Les importations de courant vont probablement prendre de l'importance dans le futur marché européen de l'électricité. Voilà pourquoi, si l'initiative était acceptée, il faudrait opter pour une solution de certification (cf. message initiatives, ch. 3.2.3), plus apte que les autres instruments à répondre aux exigences de l'initiative concernant la production d'électricité. Mais on ne connaît pas encore bien cet instrument, de sorte que sa mise en oeuvre semble devoir être complexe. Une base légale appropriée pourrait être instaurée en application des art. 89 et 91 Cst.

En Suisse, il existe trois sociétés de participations possédant des droits de prélèvement à l'étranger, à savoir «Energiefinanzierungs AG (ENAG)», «AG für Kernenergiebeteiligungen Luzern (AKEB)» et «Kernenergiebeteiligungsgesellschaft AG (KBG)». En reprenant une partie des coûts d'investissement de diverses centrales nucléaires ou du parc nucléaire français, elles ont acquis le droit d'acheter du courant à un prix fixe. Une éventuelle interdiction d'importer le courant produit à partir d'énergie nucléaire ou fossile sans récupération de chaleur poserait des questions de compatibilité avec l'accord de libre échange passé avec la CEE, avec l'accord du GATT et la charte de l'énergie. Notre pays devrait s'attendre à des sanctions et à des mesures de rétorsion de la part des autres partenaires aux accords et des organisations internationales concernées (cf. message initiatives, ch. 6.1 à 6.3).

4.2.3.4

Stockage durable des déchets radioactifs produits en Suisse

L'initiative «Sortir du nucléaire» demande que soient arrêtées des dispositions légales concernant le stockage durable des déchets radioactifs produits en Suisse, les exigences de sécurité y relatives et l'ampleur minimale des droits de codécision des collectivités intéressées. La Confédération devrait édicter à cet effet les prescriptions nécessaires (cf. art. 90b, al. 3, let. b, Cst., nouveau).

Il ne ressort pas des textes de l'initiative ce que ses auteurs entendent par «stockage durable». Dans ce domaine, on emploie les notions suivantes: ­

Dépôts durables: ils se trouvent en surface ou dans le sous-sol et ne sont ni comblés ni fermés. Leur surveillance et la récupération des déchets sont possibles en tout temps sans générer des coûts excessifs. La protection de la biosphère repose sur les barrières techniques et sur la surveillance.

­

Stockage durable sous contrôle: le terme a été créé en 1998 par les organisations écologistes. Mais celles-ci n'ont pas précisé si l'exigence portant sur la surveillance et sur la récupération facilitée des déchets devait être satisfaite par un dépôt souterrain ou par un dépôt en surface.

2582

­

Dépôt final: le dépôt final doit protéger durablement l'homme et l'environnement sans faire peser des contraintes sur les générations futures.

Dans le cas du dépôt final souterrain, la protection de l'homme et de l'environnement après la fermeture est assurée exclusivement pas des barrières naturelles et techniques. Une fois les déchets en place, le dépôt est fermé dans les plus brefs délais. Pour des questions de sécurité à long terme, les dépôts finaux proches de la surface n'entrent en ligne de compte ni pour les déchets hautement radioactifs ni pour les déchets moyennement actifs à vie longue.

­

Dépôt souterrain contrôlé de longue durée: à l'instar du dépôt final, il répond aux exigences liées à la sécurité à long terme. Ce sont des barrières techniques et naturelles qui assurent la protection durable de l'homme et de l'environnement. En même temps, ce type de dépôt est conçu de manière à répondre aux nécessités de la surveillance et de la récupération des déchets.

Le groupe EKRA (groupe d'experts pour les modèles de gestion des déchets radioactifs) a développé cette notion en se fondant sur la comparaison entre différents modèles d'évacuation des déchets (cf. rapport final du 31.1.2000, p. 37 ss et message LENu, ch. 7.3.5.2.6).

L'initiative ne se prononce pas davantage sur les exigences de sécurité auxquelles devrait satisfaire un dépôt de déchets radioactifs ni sur l'ampleur minimale des droits de codécision des collectivités touchées par le dépôt. Le législateur devrait formuler des prescriptions à ce sujet. Le modèle proposé par le groupe EKRA est repris dans le projet de LENu, qui fait dépendre la réalisation d'un dépôt souterrain en profondeur de l'approbation du canton d'accueil (cf. message LENu, ch. 7.3.6.3).

Par ailleurs, l'initiative «Sortir du nucléaire» ne dit rien du stockage à l'étranger des déchets radioactifs produits en Suisse. Rien n'indique qu'elle en préconise l'interdiction. Ses auteurs se prononcent en faveur du stockage à l'emplacement optimal. Si la possibilité d'exporter les déchets à cette fin était envisagée, le pays d'accueil devrait offrir des conditions de sécurité et de codécision démocratique qui répondent aux prescriptions suisses.

4.2.3.5

Obligation faite aux exploitants et aux actionnaires de centrales nucléaires d'assumer les coûts

L'initiative «Sortir du nucléaire» prévoit que les exploitants ainsi que leurs actionnaires et les entreprises partenaires supporteront tous les frais en rapport avec l'exploitation et la désaffectation des centrales nucléaires. La Confédération devrait édicter les prescriptions nécessaires à cet effet (cf. art. 90b, al. 3, let. c, Cst., nouveau).

Par cette disposition, les auteurs de l'initiative veulent exclure les prétentions en dommages-intérêts qui pourraient être adressées à la Confédération et, partant, tout report des coûts sur la collectivité. Même si l'exclusion de l'obligation du dédommagement n'est pas explicite, le Conseil fédéral estime qu'elle découle du texte.

Les frais en rapport avec l'exploitation et la désaffectation engloberaient en particulier les coûts d'amortissement, de désaffectation et d'évacuation, ainsi que les coûts éventuels de la dénonciation avant terme des contrats de retraitement.

2583

Amortissements: les centrales nucléaires suisses sont conçues pour être exploitées pendant 40 ans. La durée d'amortissement prévue est de 40 ans pour la centrale nucléaire de Leibstadt, de 30 ans pour les autres. Si l'initiative «Sortir du nucléaire» était acceptée, toutes les centrales nucléaires seraient mises hors service avant d'atteindre 40 ans d'exploitation (cf. message initiatives, ch. 4.1.3.4.1). Par conséquent, les centrales de Mühleberg, Beznau I et II et Gösgen pourraient être amorties normalement, tandis qu'il faudrait abréger l'amortissement de la centrale de Leibstadt, au risque de ne pas pouvoir amortir tous les coûts du premier établissement.

Coûts de désaffectation et d'évacuation: des estimations chiffrent les coûts de désaffectation à 1,5 milliard de francs et les coûts d'évacuation à 13,1 milliards (base des prix fin 1998, cf. message LENu, ch. 7.3.5.3). En vertu de la réglementation en vigueur, le fonds de désaffectation et le fonds pour la gestion des déchets doivent être alimentés de manière à être approvisionnés dans un délai de 40 ans. En cas de mise hors service anticipée, comme le demande l'initiative (Beznau I probablement après 36 ans, Mühleberg et Beznau II après 33 ans; Gösgen et Leibstadt après 30 ans), les contributions annuelles des exploitants aux deux fonds devraient être augmentées. Si les intéressés ne pouvaient pas les payer, des milliards risqueraient de manquer pour couvrir les coûts de désaffectation et de gestion des déchets.

L'insécurité à ce sujet s'accroît encore, comme pour les amortissements, du fait de l'ouverture du marché de l'électricité.

Coûts résultant de la dénonciation avant terme des contrats de retraitement: en cas d'interdiction du retraitement du combustible irradié, il faudrait dénoncer les contrats y relatifs. Il s'ensuivrait pour les exploitants la perte d'une partie des montants déjà versés aux entreprises de retraitement, et cela générerait des coûts supplémentaires pour la gestion directe des déchets non soumis au retraitement. Le montant de ces coûts n'est pas chiffrable actuellement.

Dans la perspective de la réalisation des centrales nucléaires de Gösgen et de Leibstadt, des sociétés de droit privé et des collectivités publiques se sont réunies en deux sociétés simples en vue de fonder les sociétés «Kernkraftwerk Gösgen
Däniken AG» et «Kernkraftwerk Leibstadt AG», et de régler les modalités pendant la construction et l'exploitation des installations. Les sociétaires ont conclu à cet effet des contrats de fondation et de partenariat. Ces contrats établissent que les partenaires doivent répondre, au prorata de leur participation, des coûts fixes et des coûts liés à la production, générés par l'exploitation de la centrale nucléaire. Au sens de l'initiative, les entreprises partenaires sont donc les sociétaires cités dans ces actes de fondation et ces contrats de partenariat. Ils sont en même temps actionnaires des compagnies exploitant les centrales.

L'obligation faite par l'initiative «de la prise en charge par les exploitants, ainsi que par les actionnaires et les entreprises partenaires, de tous les frais en rapport avec l'exploitation des centrales nucléaires et leur désaffectation» signifie tout d'abord que des fonds publics ne doivent pas y être consacrés. Mais l'initiative ne règle pas les modalités de cette prise en charge. Il faudrait donc que le législateur précise comment répartir ces coûts entre les exploitants, les actionnaires et les entreprises partenaires, en disant notamment quand et dans quelle mesure ces deux dernières catégories devraient être sollicitées. Ce serait une dérogation au droit des sociétés anonymes, qui veut que les engagements pris par la société ne soient pas couverts par les actionnaires, mais seulement par son patrimoine (art. 620 du code 2584

des obligations, RS 220). On pourrait envisager que les dépenses soient imputées en premier lieu aux recettes de la société exploitante et à son patrimoine. Ce n'est qu'en cas d'insolvabilité de ce côté que les entreprises partenaires ou les actionnaires prendraient à leur charge les coûts non couverts.

4.3

Appréciation des initiatives sous l'angle de la politique énergétique et de l'économie nationale

L'accélération de la désaffectation des centrales nucléaires nécessiterait des mesures assurant l'approvisionnement électrique dans le respect des conditions cadres définies par les initiatives et des dispositions légales, en particulier de la loi sur le CO2.

Les moyens techniques et les technologies de substitution nécessaires à cet effet sont connus. Le développement technique futur et l'évolution de l'économie énergétique (commercialisation des piles à combustible, rendement accru des pompes à chaleur, des installations et des appareils, ouverture du marché) pourront faciliter l'application des initiatives «Sortir du nucléaire» et «Moratoire-plus».

Il existe aussi des mesures de politique énergétique susceptibles de faciliter, en principe, l'exécution des initiatives. Il faudrait cependant compter avec des efforts et des coûts supplémentaires considérables. Comme pour l'acceptation de nouvelles centrales nucléaires, il paraît difficile d'obtenir un consensus politique sur les mesures nécessaires. Le rejet des taxes sur l'énergie le 24 septembre 2000 a montré à quelles difficultés se heurtent ceux qui entendent renforcer sensiblement les mesures de politique énergétique. Même si l'une ou l'autre des initiatives était acceptée, il ne serait pas évident de susciter d'entrée de cause l'approbation nécessaire aux mesures d'application. Au contraire, il ne semblerait guère possible d'imposer un renforcement de la panoplie des instruments légaux, et les moyens financiers nécessaires manquent après le rejet de la taxe d'encouragement. La probabilité est donc grande que l'on suive la voie de la moindre résistance et que l'on importe plus d'électricité.

La réalisation des objectifs en matière de CO2 deviendrait plus complexe et plus coûteuse. Il serait probablement plus difficile de respecter les valeurs limites d'immission des NOx dans les agglomérations. Dans le bilan global des retombées écologiques, il faudrait toutefois prendre en compte aussi les risques inhérents à la prolongation de l'exploitation des centrales nucléaires.

Les surcoûts de la désaffectation accélérée des centrales nucléaires pour l'économie nationale s'élèveraient à quelque 28 milliards de francs dans le cas de l'initiative «Sortir du nucléaire» (désaffectation après 30 ans; horizon 2004­2030). Ils atteindraient près de la
moitié de ce montant si les centrales étaient désaffectées au bout de 40 ans comme le préconise l'initiative «Moratoire-plus». Il faut considérer que ces surcoûts ne se produiront pas soudainement, mais qu'ils se répartiront sur plusieurs décennies. Des calculs de sensibilité montrent en effet que les prix sont fortement tributaires de divers facteurs (croissance économique, prix de l'énergie, évolution technologique, etc.).

Les effets de la désaffectation anticipée des centrales nucléaires sur les prix de l'énergie seraient directement perceptibles. Dans le cas de l'initiative «Sortir du nucléaire», il y aurait un renchérissement sensible de l'électricité tirée du CCF et des sources renouvelables à cause de la nécessaire application de la taxe sur le CO2 ainsi que des prix élevés des certificats.

2585

L'abandon anticipé de l'énergie nucléaire (initiative «Sortir du nucléaire») induirait des pertes économiques et une baisse de la prospérité de l'ordre de 1 milliard de francs par année pendant une longue période (cf. message initiatives, ch. 3.5.2­ 3.5.5). Il n'y aurait quasiment pas de retombées sur les revenus des ménages.

Cependant, les propriétaires de centrales nucléaires subiraient de sensibles pertes de capital. Celles-ci toucheraient surtout les cantons et les communes à cause de leurs participations. A l'échelon des branches, ce seraient surtout les industries du textile et du papier, fortement tributaires de l'énergie et exposées à la concurrence étrangère, qui souffriraient de l'abandon du nucléaire. La compétitivité des PME grosses consommatrices d'énergie reculerait pour les entreprises tournées vers les exportations ou exposées à la concurrence étrangère.

L'initiative «Moratoire-plus» n'entraînerait que des retombées macro-économiques et des pertes de prospérité minimes. Elle ne changerait pas sensiblement la structure des branches ou la répartition des revenus des ménages. Ses retombées négatives seraient un peu plus marquées si les centrales nucléaires étaient mises hors service après 40 ans plutôt qu'après 50 ans.

L'abandon du nucléaire induirait une perte de savoir-faire dans ce domaine. A long terme, il ne serait guère possible de maintenir les compétences acquises dans les domaines de la technique, de la physique, de la sécurité et de la chimie des réacteurs. Or ces compétences sont indispensables, en particulier dans l'optique de la désaffectation des centrales nucléaires. Aucun avantage dit «first mover» n'est à attendre des initiatives, car la Suisse développe peu les nouvelles techniques de production du courant. De plus, de tels avantages dépendent notamment de la question de savoir si les autres Etats sont également demandeurs de nouvelles techniques de production de courant et, si oui, dans quelle mesure ils le sont.

Economiquement et écologiquement, il est donc judicieux de continuer à exploiter les centrales nucléaires en service tant qu'elles sont sûres et qu'on ne dispose pas d'installations de remplacement rentables, à l'aide desquelles il serait possible de réaliser les objectifs en matière de CO2. Pour permettre une transition à terme, il faut accentuer
sensiblement les efforts actuels permettant d'utiliser rationnellement l'énergie et d'employer davantage les énergies renouvelables. Le raccourcissement de la durée d'exploitation des centrales nucléaires remet en question le maintien de l'option nucléaire. L'acceptation de l'initiative «Sortir du nucléaire» n'exclurait certes pas que cette option revienne au premier plan à la faveur d'une nouvelle révision de la Constitution. La reprise de cette technologie créerait alors des problèmes techniques, juridiques et économiques d'une extrême complexité.

5

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel pour la Confédération, les cantons et les communes

5.1

«Moratoire-plus»

Si l'initiative «Moratoire-plus» était acceptée, elle ne changerait quasiment rien à l'ampleur des tâches d'exécution. Sur le plan du personnel et des finances, elle n'aurait de conséquences ni pour la Confédération, ni pour les cantons, ni pour les communes.

2586

5.2

«Sortir du nucléaire»

L'initiative «Sortir du nucléaire», elle, aurait pour conséquence que, dans les deux ans qui suivent son acceptation, il faudrait mettre hors service les centrales de Beznau I et II ainsi que de Mühleberg, puis, quelques années plus tard, Gösgen et Leibstadt. Si plusieurs centrales nucléaires étaient arrêtées simultanément, la DSN serait forcée d'augmenter temporairement son personnel, notamment dans le secteur de la radioprotection. L'initiative ne permettrait de réduire le personnel de cette autorité de surveillance qu'à plus long terme. Les cantons et les communes ne sont pas directement touchés par les questions relevant de la technique nucléaire.

Avec l'acceptation de l'initiative «Sortir du nucléaire», il faudrait régler la conversion de l'approvisionnement électrique aux ressources non nucléaires (cf. message initiatives, ch. 4.2.3.3). L'exécution des mesures nécessaires devrait avoir pour effet d'augmenter substantiellement les besoins en personnel et en argent de la Confédération, des cantons et des communes. Une estimation des coûts ne sera cependant possible qu'une fois élaborées les dispositions légales requises.

6

Rapport avec le droit international

6.1

Généralités

Les dispositions proposées ne permettent pas d'affirmer absolument que les initiatives sont compatibles avec le droit public et avec la législation communautaire. La législation d'exécution à laquelle elles donneraient lieu jouerait encore un rôle déterminant. Le législateur devrait considérer dans chaque cas les conventions de droit public que notre pays s'est engagé à respecter et, éventuellement, les dénoncer.

6.2

Compatibilité avec le droit européen

L'initiative «Sortir du nucléaire» devrait logiquement déboucher sur l'interdiction d'importer du courant de provenance nucléaire ou dont la production ­ intra- ou extracommunautaire ­ présente un bilan de CO2 négatif. La difficulté tient à ce que l'électricité est une marchandise (voir le jugement rendu par la Cour de justice de la Communauté européenne et le tarif douanier de Bruxelles). Son importation ou son exportation sont une forme de circulation des marchandises, et entrent dans le champ d'application de l'accord de libre-échange de 1972 entre la Suisse et la Communauté européenne. Selon cette convention, la circulation des marchandises entre la Suisse et la CE ne peut faire l'objet, en principe, d'aucune restriction quantitative des importations ou des exportations (p. ex. de contingents ou d'interdictions) ni de mesures produisant des effets similaires. Ceux-ci découleraient, par exemple, de prescriptions du droit national sur la commercialisation d'un produit, d'entraves à son écoulement ou de limitations quant à sa distribution ou à son acquisition. Une interdiction d'importer de l'électricité de provenance nucléaire violerait les dispositions de l'accord de libre-échange et pourrait légitimer la CE à prévoir des sanctions.

Seraient en revanche eurocompatibles, en principe, des mesures telles que les aides financières à la production d'énergie renouvelable à l'intérieur du pays, l'introduction de certificats assortis d'une réglementation des quote-parts, dans le cas de 2587

l'initiative «Sortir du nucléaire», ou le marquage du type de courant et de sa provenance, préconisé par l'initiative «Moratoire-plus» (cf. message initiatives, ch. 3.2.3).

Le Moratoire-plus en tant que tel n'a pas d'incidence sur l'accord de libre-échange.

6.3

Accords de l'OMC, charte énergétique

L'initiative «Sortir du nucléaire» prévoit d'admettre le courant en fonction de la méthode de production (ni les centrales nucléaires ni les installations alimentées aux énergies fossiles sans récupération de la chaleur n'étant admises). Or la jurisprudence du GATT et de l'OMC interdit de longue date de distinguer dans les importations les produits fabriqués selon des méthodes différentes, mais identiques quant au résultat (produits similaires). Certes les accords du GATT de 1994 prévoient, dans certaines conditions, des exceptions au principe de non-discrimination, afin par exemple de protéger la vie humaine, celle des animaux et des plantes, dans l'intérêt de la santé publique ou pour ménager les ressources non renouvelables. Mais même dictées par les raisons qui précèdent, ces mesures ne sauraient introduire ni discrimination injustifiée ni protectionnisme excessif. La pratique instaurée de longue date par le GATT et l'OMC quant aux méthodes de production tient à la crainte qu'un accès au marché conditionné par les méthodes de production n'ouvre la voie au protectionnisme.

Le refus du courant d'origine nucléaire ou provenant d'installations alimentées par des énergies fossiles sans récupération de la chaleur risque de violer l'interdiction de la discrimination. Dans l'électricité importée, le mode de production n'apparaît pas.

Un système international de certification portant sur les méthodes de production du courant aiderait à résoudre cette difficulté (cf. message initiatives, ch. 4.2.3.3). Il est bon de signaler dans ce contexte que la jurisprudence de l'OMC tend à s'ouvrir aux préoccupations environnementales, pourvu que les mesures n'aient pas de finalité protectionniste. L'application de l'art. 90b, al. 3, let. a, Cst. (nouveau) de l'initiative buterait cependant sur des difficultés juridiques vis-à-vis de l'OMC si le législateur devait réglementer l'importation d'électricité et distinguer à ce propos les types de production.

Les explications pour l'OMC valent également pour la compatibilité avec l'accord sur la charte énergétique, dont les dispositions pour les échanges commerciaux correspondent à celles de l'OMC.

L'initiative «Moratoire-plus» n'a pas d'implications touchant les accords du GATT de 1994 ou la charte énergétique.

6.4

Convention de Kyoto

En 1993, la Suisse a ratifié la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (Convention sur le climat), avant de s'engager, dans le protocole de Kyoto, à réduire de 8 % les gaz à effet de serre. La mise en oeuvre de cette convention devrait se faire au moyen de la loi sur le CO2 (cf. message initiatives, ch.

2.3.3).

Sans violer la convention sur le climat, les initiatives compliqueraient la réalisation des objectifs fixés (cf. message initiatives, ch. 3).

2588

2e partie Projet de loi sur l'énergie nucléaire 7

Partie générale

7.1

Contexte, buts de la révision totale

Tant la loi sur l'énergie atomique que l'arrêté fédéral concernant cette loi ont besoin d'être révisés (pour le contexte, cf. message initiatives, ch. 2.4.3.1). L'arrêté fédéral a été prorogé le 4 octobre 2000 jusqu'à la fin de 2010. Le moratoire sur l'énergie nucléaire est échu au mois de septembre 2000. Deux nouvelles initiatives populaires («Moratoire plus» et «Sortir du nucléaire») sont pendantes.

A cela s'ajoute un moratoire de fait. Il n'existe en effet aucun projet de centrale nucléaire en Suisse, ce qui s'explique par différentes raisons. Outre l'absence de consensus politique, il faut mentionner les surcapacités sur le marché européen de l'électricité, qui font que les investissements dans de nouvelles centrales nucléaires sont pratiquement exclus pour plusieurs années.

Il faut rappeler aussi, dans ce contexte, l'incertitude liée à l'ouverture du marché de l'électricité. Par le passé, les compagnies d'électricité ont toujours pu répercuter leurs coûts de production sur les prix ou les tarifs. En ce sens, l'ouverture du marché sera le début d'une ère nouvelle puisque les clients qui auront accès au réseau pourront choisir librement leur fournisseur et profiter ainsi des offres les plus avantageuses. Inéluctablement, les installations ayant des coûts de production élevés se verront acculées à travailler à perte. Elles risqueront de ne plus pouvoir être amorties convenablement, d'où l'émergence d'investissements non amortissables. Selon l'évolution des prix de l'électricité, le phénomène pourra toucher également des centrales nucléaires. Or la loi du 15 décembre 2000 sur le marché de l'électricité fixe que la Confédération est habilitée à consentir des prêts, dans des cas de rigueur, seulement aux centrales hydrauliques. Le risque d'investissements non amortissables influera sur les futures décisions d'aménagement. Aux équipements très exigeants en capitaux et longs à amortir (tels que les nouvelles centrales hydrauliques et nucléaires), l'industrie de l'électricité en préférera de moins onéreux (notamment les centrales à gaz et à vapeur, les turbines à gaz, les équipements chaleur-force), qui représentent un risque économique moindre, tout en exigeant moins de capitaux et des délais d'amortissement moins longs.

Ces dernières années, l'énergie nucléaire a assuré en moyenne 40 % de la
production suisse d'électricité, voire 45 % en hiver. A moyen terme au moins, et même sur un marché libéralisé, cette ressource demeurera un important support de notre approvisionnement, quand bien même le pays redoublerait d'efforts en vue d'utiliser l'énergie de manière économe et rationnelle, de développer la force hydraulique et de promouvoir la production de courant à partir d'énergies renouvelables. Si de nouvelles centrales nucléaires devaient être construites, seul le remplacement des installations existantes sur les mêmes sites paraîtrait susceptible d'être accepté. Une telle installation devrait en tous cas être à la pointe du progrès scientifique et technique. Les développements actuels de la technologie des réacteurs visent ainsi à atteindre une sécurité passive et inhérente importante. Le projet franco-allemand (réacteur européen à eau pressurisée REP), par exemple, est bien avancé. Ce système permettrait de maîtriser les accidents avec fusion du coeur de telle sorte que seules

2589

des mesures de protection d'urgence limitées devraient être prises à l'extérieur. Le projet présenté ici laisse donc l'option nucléaire ouverte.

Le présent projet règle exactement les différents types d'autorisation nécessaires pour des installations nucléaires, des articles nucléaires et des déchets radioactifs. Il propose par ailleurs d'interdire le retraitement des assemblages combustibles usés. Il tient donc compte du fait que, depuis quelques années, cette opération suscite la controverse un peu partout dans le monde. En outre, il règle désormais les modalités de la désaffectation des installations nucléaires. Les dispositions à ce sujet s'inspirent des expériences faites à l'étranger. Quant à la philosophie de l'évacuation des déchets, qui s'appuie sur les travaux du groupe d'experts pour les modèles de gestion des déchets radioactifs (groupe EKRA), elle prévoit notamment l'éventualité de pouvoir contrôler ces matières et celle de les récupérer. Autre innovation: la base juridique unifiée imposant la garantie de couverture des coûts de désaffectation des installations et de gestion des déchets. Le projet simplifie les procédures d'autorisation et en améliore la coordination, dans l'esprit de la loi sur la coordination et la simplification des procédures de décision. Il introduit aussi la possibilité de recourir devant une autorité judiciaire indépendante de l'administration contre les décisions d'octroi d'une autorisation dans le domaine nucléaire.

De surcroît, le projet sert de contre-proposition indirecte aux deux initiatives populaires «Moratoire Plus» et «Sortir du nucléaire». Les éléments essentiels, à ce titre, sont la possibilité de demander le référendum contre l'autorisation générale de nouvelles installations nucléaires, l'interdiction du retraitement et la philosophie de l'évacuation des déchets incluant la couverture des coûts de désaffectation et de gestion.

La loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire règle les questions de RC et d'assurance dans l'exploitation d'énergie nucléaire. Elle devra être remaniée dans la foulée de la refonte de la LEA et de l'arrêté fédéral y relatif. Cette révision est moins urgente et ne pourra se faire simultanément, faute de capacités. La loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire n'a de toute manière pas de lien étroit,
qui justifierait la révision simultanée, avec la nouvelle LENu. Il incombe toutefois à la LENu de préciser d'avance qui est civilement responsable lorsqu'un dépôt souterrain en profondeur est fermé et qu'il n'est plus soumis au régime de la législation sur l'énergie nucléaire.

7.2

Procédure préalable

7.2.1

Décisions préalables, projet envoyé en consultation

Le 21 octobre 1998, le Conseil fédéral a chargé le DETEC de prévoir le référendum facultatif pour la construction de nouvelles centrales nucléaires dans le cadre du projet de LENu envoyé en consultation. Le 7 juin 1999, il a pris d'autres décisions préalables. Il était question de renoncer au retraitement, tout en permettant aux exploitants des centrales nucléaires d'honorer les contrats en cours. En outre, la question du stockage des déchets radioactifs devait être examinée par un groupe d'experts indépendant. Le DETEC a été chargé de proposer au Conseil fédéral, sur la base de ces décisions et conclusions, un projet devant être envoyé en consultation.

Le chef du DETEC a institué en juin 1999 le groupe d'experts EKRA, qui avait pour mandat de comparer les modèles d'évacuation des déchets radioactifs et de tirer les 2590

conclusions qui s'imposaient. Le 27 octobre 1999, le Conseil fédéral décidait de repousser la consultation sur le projet de LENu en attendant de disposer du rapport du groupe d'experts (cf. message initiatives, ch. 2.4.8). Il entendait également faire de la LENu un contre-projet indirect aux deux nouvelles initiatives populaires «Moratoire Plus» et «Sortir du nucléaire». Le rapport final du groupe EKRA est paru au début de février 2000.

Le 6 mars 2000, le Conseil fédéral a autorisé le DETEC à envoyer le projet de LENu et le rapport explicatif en consultation aux cantons, aux partis politiques et aux organisations intéressées. La consultation devait durer jusqu'au 15 juin 2000. Selon ce projet, l'exploitation des installations existantes et la construction de nouvelles centrales nucléaires restait possible. Outre la réglementation étendue du régime d'autorisation, en particulier pour les installations nucléaires, la désaffectation d'installations nucléaires, les modèles d'évacuation des déchets radioactifs, la simplification et la coordination des procédures d'autorisation, le projet prévoyait l'interdiction du retraitement des assemblages combustibles usés, et proposait deux modèles en matière de limitation temporelle de l'autorisation d'exploiter pour les centrales (limitation sans indication d'une échéance concrète et absence de limitation).

7.2.2

Résultats de la procédure de consultation

Le 2 octobre 2000, le Conseil fédéral a pris connaissance du rapport du DETEC sur la procédure de consultation et il en a autorisé la publication. Les résultats sont résumés brièvement ci-après. Pour plus de détails, le lecteur est prié de consulter le rapport publié.

Sur les 78 destinataires invités à se prononcer, 67 ont répondu. Par ailleurs, 51 autres organismes se sont exprimés spontanément.

Personne ne conteste la nécessité de réviser la législation sur l'énergie atomique. En ce qui concerne les détails, les avis sont néanmoins très divergents. La limitation de l'autorisation d'exploiter pour les centrales en service et l'interdiction du retraitement sont particulièrement controversées.

La Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie (CDE) a salué le projet de LENu en tant que contre-projet indirect aux deux initiatives «Moratoire Plus» et «Sortir du nucléaire». D'après elle, la politique énergétique suisse et l'industrie de l'électricité ont un besoin urgent de décisions montrant la voie à suivre dans le domaine de l'énergie atomique. Elle souhaite que l'option nucléaire soit maintenue.

La CDE refuse la limitation de l'autorisation d'exploiter pour les centrales existantes. Elle approuve le principe du dépôt souterrain en profondeur, mais préconise une solution internationale ou européenne pour les déchets hautement radioactifs. La CDE apporte son soutien à la proposition de garantie du financement de la désaffectation et de l'évacuation des déchets et à l'obligation des versements complémentaires, mais elle s'oppose à l'interdiction du retraitement. Elle salue par ailleurs la possibilité de demander le référendum après l'autorisation générale et l'introduction dans la loi du droit d'expropriation.

Tous les cantons sont favorables à la révision de la législation sur l'énergie nucléaire.

Pour ce qui est des détails, la plupart d'entre eux se réfèrent expressément à la prise de position de la CDE, ou reprennent à leur compte peu ou prou les exigences de celle-ci.

2591

Contrairement à la CDE, certains d'entre eux (BS, BL, TI et GE) refusent cependant le maintien de l'option nucléaire. Schaffhouse exige une participation démocratique plus large. D'autres (UR, BS, BL, SH, TI, VS, GE et JU) préconisent une limitation de la durée d'exploitation des centrales actuelles. Tous ou presque apportent leur soutien au principe des dépôts souterrains en profondeur. Nidwald souligne à cet égard qu'il est extrêmement important de garantir la possibilité de récupération et de contrôle. Il exige en outre une responsabilité civile de la Confédération illimitée dans le temps en cas de fermeture définitive d'un dépôt en profondeur. Obwald s'est prononcé en faveur d'un réglementation légale pour indemniser les retombées négatives qu'une centrale nucléaire pourrait avoir sur l'économie. En ce qui concerne la garantie du financement de la désaffectation et de l'évacuation des déchets et l'obligation des versements complémentaires, Schaffhouse demande que le principe de causalité soit appliqué dans son intégralité. Quant aux Grisons et au Valais, ils précisent que les charges financières supplémentaires ne doivent pas grever le budget des centrales hydrauliques par le biais de subventions croisées. L'obligation des versements complémentaires est refusée par Glaris et les Grisons. Un certain nombre (SZ, FR, BS, BL, SH, TI, VS, GE et JU) saluent l'interdiction du retraitement. Zoug rejette d'une manière générale la possibilité du référendum après l'autorisation générale, Vaud par contre uniquement pour les installations d'évacuation. Bâle-Ville et Schaffhouse exigent un droit de codécision plus étendu des cantons et du peuple. Tous les cantons ou presque sont clairement favorables au droit d'expropriation.

Les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale portent des regards très divergents sur le projet envoyé en consultation. Le PRD, le PDC, l'UDC et le PEV préconisent le maintien de l'option nucléaire. Le PLS exige la promotion explicite de l'énergie atomique. Par contre, le PS, le PST, Les Verts, le PaCS et l'AVeS exigent l'abandon progressif du nucléaire. Le PS, le PEV, le PST, Les Verts, le PaCS et l'AVeS demandent une limitation de la durée d'exploitation des centrales actuellement en service, le PLS avec possibilité de prorogation. Le PRD, le PDC et l'UDC s'opposent à une
telle limitation. Le principe du dépôt souterrain en profondeur a la faveur du PRD, du PDC, de l'UDC, du PEV et du PaCS. Le PS, le PST et Les Verts exigent la solution du stockage de longue durée, contrôlé et récupérable.

La proposition de garantir les coûts de désaffectation et d'évacuation est approuvée par le PDC et le PaCS. Selon le PS, le PST, Les Verts et l'AveS, il faudrait créer un fonds pour tous les coûts, y compris l'obligation des versements complémentaires, et étendre les garanties pour diminuer le risque d'une mise à contribution financière des collectivités publiques. L'obligation des versements complémentaires est rejetée par le PRD et l'UDC. L'interdiction du retraitement bénéficie du soutien du PS, du PST, des Verts et du PaCS. A l'exception du PaCS, ceux-ci exigent une interdiction immédiate. Pour leur part, le PRD, le PDC, l'UDC et le PLS se déclarent opposés à une telle interdiction. Le PS et le PEV saluent la possibilité du référendum après l'autorisation générale. Le principe du référendum facultatif est également soutenu par le PRD, le PDC, l'UDC et le PLS, qui ne souhaitent néanmoins pas y soumettre les installations d'évacuation. Le PST et Les Verts sont opposés à un raccourcissement de la procédure, mais favorables au référendum facultatif. Le PaCS rejette la possibilité du référendum. Le PRD, l'UDC, le PLS et le PaCS approuvent le droit d'expropriation. Le PDC n'est favorable au droit d'expropriation qu'une fois que l'autorisation aura été octroyée et que le canton aura donné son accord. Le PEV précise que le droit d'expropriation ne doit être accordé que s'il est légitimé par une décision politique correspondante (référendum facultatif). Le PS, le PST et Les Verts n'acceptent le droit d'expropriation que pour les dépôts de longue durée.

2592

Parmi les associations faîtières de l'économie, les associations patronales et les organisations des salariés, le CP, l'USAM, Swissmem, le Vorort (rebaptisé economiesuisse le 15.9.2000) et la FSE préconisent le maintien de l'option nucléaire. La CSC et l'USS rejettent par contre cette option et exigent l'abandon progressif du nucléaire. La CSC, l'USS et la FSE demandent une limitation de la durée d'exploitation des centrales en service, tandis que le CP, la Féd.Rom., l'USAM, Swissmem et le Vorort s'y opposent. Le principe du dépôt souterrain est approuvé par le CP, la Féd.Rom., l'USAM et le Vorort. La CSC soutient la solution du stockage de longue durée, contrôlé et récupérable. La proposition de garantir le financement de la désaffectation et de l'évacuation des déchets est approuvée par la CSC, Swissmem et la FSE. L'USS préconise la création d'un fonds pour tous les coûts, y compris l'obligation des versements complémentaires et autres garanties. Le CP, l'USAM et le Vorort rejettent l'obligation des versements complémentaires, la Féd.

Rom. toute solution impliquant la création d'un fonds. La CSC et la FSE saluent l'interdiction du retraitement, tandis que le CP, la Féd.Rom., l'USAM, Swissmem et le Vorort y sont opposés. Le principe du référendum facultatif après l'autorisation générale n'est pas contesté; le CP, la Féd.Rom., l'USAM et le Vorort rejettent néanmoins la possibilité du référendum pour les installations d'évacuation. A l'exception de la CSC, toutes les organisations consultées sont favorables au droit d'expropriation.

L'industrie de l'électricité exige une série de modifications substantielles. Par rapport à la législation sur l'énergie atomique actuellement en vigueur, aucune restriction supplémentaire ne doit, dit-elle, être introduite. Il faut garantir la liberté d'action des générations futures en matière de politique énergétique. La branche dans son ensemble est d'avis qu'il faut maintenir l'option nucléaire. La plupart des organismes invités à se prononcer exigent que l'énergie nucléaire soit résolument encouragée. Tous s'opposent à une limitation de la durée d'exploitation des centrales en service. Le principe des dépôts souterrains en profondeur est approuvé. Dans la mesure où les normes internationales de sécurité sont respectées, l'option de l'évacuation à l'étranger doit
être maintenue. La branche propose un fonds d'évacuation qui ne couvrirait que les coûts liés aux dépôts finaux, voire seulement les coûts qui se présenteraient dix ans ou plus après la désaffectation des centrales.

Elle rejette l'obligation des versements complémentaires, tout comme l'interdiction du retraitement. Le principe du référendum facultatif après l'autorisation générale est approuvé, mais rejeté pour les installations d'évacuation. La branche est favorable au droit d'expropriation.

La plupart des organisations politiques de l'énergie approuvent le maintien de l'option nucléaire. L'ESPER, la FRE et l'ASPEA exigent que l'énergie atomique soit résolument encouragée; le GAK, le MNA, le NWA et la SFE par contre demandent l'abandon progressif du nucléaire. La majorité des organisations invitées à s'exprimer sont opposées à une limitation de l'autorisation d'exploiter pour les centrales actuelles. Le GAK, le NWA et la SFE exigent une limitation, le VERA souhaitant également une possibilité de prorogation. Le principe du dépôt souterrain en profondeur est approuvé par la plupart des organisations. Le GAK, le MNA, le NWA et la SFE préconisent en revanche la solution du stockage de longue durée, contrôlé et récupérable. Le VERA soutient la proposition de garantir le financement de la désaffectation et de l'évacuation des déchets. Le GAK, le NWA et la SFE exigent la création d'un fonds pour tous les coûts, y compris l'obligation des versements complémentaires et autres garanties. L'obligation des versements complé-

2593

mentaires est rejetée par l'ESPER, le FECH, l'EFNW, le KR et l'ASPEA. La majorité des organisations invitées à se prononcer rejettent l'interdiction du retraitement.

De même, une majorité d'entre elles approuvent le principe du référendum facultatif après l'autorisation générale, mais souhaitent en exempter les installations d'évacuation. Le MNA demande que la codécision des communes et des cantons soit maintenue par le biais de la démocratie directe. La plupart des organisations soutiennent le droit d'expropriation. Le GAK et la SFE n'acceptent le droit d'expropriation que pour les dépôts de longue durée.

Les organisations écologistes exigent l'abandon progressif du nucléaire, la limitation de la durée d'exploitation des centrales actuelles et, pour ce qui est de l'évacuation, la solution du stockage de longue durée, contrôlé et récupérable. Le fonds prévu pour garantir le financement de la désaffectation et de l'évacuation des déchets devrait couvrir tous les coûts, y compris l'obligation des versements complémentaires. Les organisations écologistes demandent en outre le droit d'assigner les actionnaires, sociétaires et autres bailleurs de fonds. Elles sont favorables à l'interdiction du retraitement. Certaines exigent une interdiction immédiate. Le principe du référendum facultatif après l'autorisation générale est accepté, mais la procédure ne doit pas être abrégée. Le droit d'expropriation ne doit s'appliquer qu'aux dépôts de longue durée.

La grande majorité des autres organes consultés et des organisations techniques préconisent le maintien de l'option nucléaire. Certains exigent que cette option soit résolument encouragée. Plusieurs organes invités à se prononcer sont favorables à une limitation de la durée d'exploitation des centrales actuellement en service; cependant, la majorité y est opposée. La CSA propose de déterminer la nécessité d'une limitation dans le temps sur la base du contrôle de sécurité effectué tous les dix ans par l'autorité de surveillance. Tous les organes consultés approuvent le principe des dépôts souterrains en profondeur. Sur la question de la garantie du financement de la désaffectation et de l'évacuation des déchets, les avis sont très partagés. Certaines organisations préconisent l'interdiction du retraitement, d'autres estiment qu'il serait plus judicieux de
le soumettre au régime de l'autorisation. Cela dit, la plupart d'entre elles rejettent l'interdiction. Une majorité encore approuve la possibilité de référendum après l'autorisation générale, à l'exception des installations d'évacuation. Tous les organes consultés qui se sont exprimés au sujet du droit d'expropriation y sont favorables.

En résumé, on peut dire que la majorité des organes invités à s'exprimer sont favorables au maintien de l'option nucléaire et opposés à une limitation de la durée d'exploitation des centrales actuelles. Le principe des dépôts souterrains en profondeur est approuvé par la plupart des organes consultés. La garantie du financement de la désaffectation et de l'évacuation des déchets par le biais d'un fonds récolte une majorité d'avis favorables, tandis que l'obligation des versements complémentaires est refusée par une minorité. L'interdiction du retraitement est majoritairement rejetée; en revanche, la possibilité du référendum après l'autorisation générale est approuvée, tout comme le droit d'expropriation.

7.2.3

Modifications du projet après la consultation

Le 2 octobre 2000, le Conseil fédéral a pris connaissance des résultats de la procédure de consultation sur le projet de loi sur l'énergie nucléaire. Le DETEC a reçu 2594

pour instruction de ne pas prévoir de limitation de la durée d'exploitation des centrales en service dans son projet de message relatif aux initiatives populaires «Moratoire Plus» et «Sortir du nucléaire» et à la LENu. Le Conseil fédéral a également décidé de maintenir l'interdiction du retraitement des assemblages combustibles usés.

7.2.4

Classement des interventions parlementaires

L'adoption par le Parlement de la loi sur l'énergie nucléaire permet de classer les interventions parlementaires citées au début du présent message.

7.3

Grandes lignes, principaux éléments du projet de LENu

7.3.1

Champ d'application, LENu et loi sur la radioprotection

La LENu s'applique en premier lieu aux installations et aux articles nucléaires, mais également aux déchets radioactifs résultant soit de la production d'énergie, soit des applications médicales, industrielles ou scientifiques, et livrés au dépôt central de la Confédération. Elle englobe l'ensemble des activités liées à l'utilisation pacifique de l'atome à l'exception de la radioprotection, secteur qui, avant l'entrée en vigueur de la loi sur la radioprotection, était régi par la LEA (art. 10 s.). Lorsque la LRaP a été adoptée, considérant la refonte prochaine de la LEA, on s'est borné à abroger les art.

10 et 11 de cette dernière, sans y apporter d'autres changements. Cela explique pourquoi d'importants faits touchant aussi ou plus particulièrement l'utilisation de l'énergie nucléaire sont actuellement réglés par la loi sur la radioprotection. Dans l'esprit des auteurs du présent projet, la LENu représente un acte spécial par rapport à la loi sur la radioprotection. En l'absence de prescriptions spécifiques, dans la LENu, sur l'utilisation de l'énergie nucléaire, c'est la loi sur la radioprotection qui s'applique (voir aussi le ch. 2.1.2, commentaires relatifs à l'art. 2, al. 3). Les dispositions de la LRaP devront donc aussi être prises en considération lors de l'octroi d'autorisations découlant de la LENu (cf. message du 17.2.1988 relatif à la loi sur la radioprotection, FF 1988 II 189 ss.). A titre d'exemples de telles dispositions spéciales, on peut citer les art. 11 et suivants de la LRaP relatifs à la protection des personnes exposées aux radiations ou l'art. 22 de la LRaP à propos de la protection en cas d'urgence.

7.3.2

Principes de sécurité nucléaire

Ces principes constituent la philosophie de la sécurité d'utilisation de l'énergie nucléaire. S'ils sont en priorité conçus pour les installations nucléaires, ils s'appliquent dans leurs grandes lignes aux trois branches du secteur: articles, installations et déchets nucléaires. Force est toutefois de distinguer les principes concernant la sécurité (fiabilité technique de l'installation) de ceux qui touchent à la sûreté (protection contre le sabotage).

2595

La loi devrait comporter des critères d'autorisation aussi précis que possible à l'intention des autorités compétentes. Cependant, l'état de la science et de la technique ne cesse d'évoluer. Si la loi fixait des normes de sécurité concrètes, on courrait le risque de ne pas tenir compte des nouvelles connaissances pourtant techniquement utilisables. En outre, ces normes devraient être adaptées aux différents types d'installations et d'activités nucléaires, ce qui alourdirait considérablement la réglementation. Ces considérations ont conduit le législateur à trouver un moyen terme, l'objectif suprême demeurant identique: réduire au minimum les risques pour l'être humain et l'environnement. Les principes de la sécurité nucléaire introduits dans le présent projet s'inspirent de la Convention sur la sûreté nucléaire et de la Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs (cf. message LENu, ch. 11.1); ils s'inspirent aussi des principes édictés par l'AIEA en matière de sécurité des installations nucléaires. Ils décrivent, d'une part, les objectifs de protection et l'étendue des mesures permettant de les atteindre et, d'autre part, les mesures de protection. Leur description est essentiellement qualitative et assez peu quantitative. L'idée selon laquelle il faut prendre des mesures de précaution pour empêcher la libération de substances radioactives et l'irradiation de personnes lors de l'exploitation normale ou de dérangements (principe de prévoyance) y est expressément inscrite. Par ailleurs, le projet pose, certes, des exigences de principe quant à la conception de la sécurité d'une installation nucléaire, mais ne prescrit pas, par exemple, le respect de limites de dose précises ni la maîtrise de dérangements concrets. En effet, il ne serait pas judicieux de «figer» quantitativement l'état de la science et de la technique.

La base des mesures de sûreté se trouve d'une part dans la Convention du 3 mars 1980 sur la protection physique des matières nucléaires (RS 0.732.031). Celle-ci a pour but d'assurer la protection contre le détournement de matières nucléaires et leur utilisation illégale par des tiers lors de transports internationaux, de même que la coordination de telles mesures à l'échelon international. Il s'agit d'empêcher
ainsi toute activité pouvant aboutir à la construction d'un engin explosif nucléaire ou susceptible de menacer la sûreté d'une centrale nucléaire. D'autre part, les mesures de sûreté découlent des accords portant sur les mesures de contrôle conclus avec l'AIEA (cf. message LENu, ch. 11.1). De même, les directives réglant l'exportation de matières nucléaires par le groupe des Etats fournisseurs comportent des dispositions sur la protection physique ou des mesures de sécurité, cela au premier chef pour les matières nucléaires, mais aussi pour diverses installations nucléaires. Ces directives sont aujourd'hui appliquées dans l'annexe de l'ordonnance atomique (OA, RS 732.11, cf. message LENu, ch. 7.3.3.1). La LENu renfermera désormais une base légale générale aux mesures à prendre contre toute action intempestive visant des installations nucléaires et des matières nucléaires.

7.3.3

Matériels nucléaires

7.3.3.1

Autorisation requise, contrôle

Sont des articles nucléaires au sens de la LENu les matériaux destinés à être utilisés dans la production d'énergie nucléaire (articles nucléaires spécifiques). Ils peuvent aussi trouver des applications dans le secteur militaire, mais afin de l'empêcher, la loi prévoit, comme actuellement, de soumettre l'usage de certains d'entre eux au régime de l'autorisation. Le Conseil fédéral doit pouvoir instaurer un tel régime 2596

pour d'autres articles encore. Les mesures de contrôle de l'AIEA poursuivent le même but, celui d'empêcher la prolifération d'armes nucléaires (non-prolifération).

La Suisse s'y est engagée en ratifiant le Traité du 1er juillet 1968 sur la nonprolifération des armes nucléaires (traité de non-prolifération, RS 0.515.03) et en signant des accords bilatéraux de contrôle et de coopération (cf. message LENu, ch.

11.1).

Au début des années 1970 fut créé le comité Zangger, présidé par le professeur Claude Zangger (alors directeur suppléant de l'OFEN), et dans lequel les principaux Etats fournisseurs nucléaires définissent les équipements et matériaux critiques mentionnés dans le traité de non-prolifération. Au milieu des années 1970 fut ensuite fondé, à l'initiative de sept grands pays fournisseurs d'articles nucléaires (RFA, France, Grande-Bretagne, Japon, Canada, URSS et USA) le groupe des pays fournisseurs nucléaires, qui compte actuellement 38 membres. Dans l'esprit des dispositions du traité de non-prolifération concernant le contrôle des exportations, ces Etats se sont entendus sur des principes pour introduire des mesures de sécurité (protection physique) et des contrôles des exportations. Au début, les matériels conçus à des fins nucléaires étaient seuls concernés. Depuis le début des années 1990, suite à la découverte des tentatives de l'Irak de développer un programme nucléaire militaire, les matériels nucléaires à double usage (articles à usage civil et militaire) entrent aussi en considération.

Les contrôles des exportations visent à empêcher l'utilisation de ces articles et de la technologie correspondante à des fins militaires, p. ex. pour réaliser des engins nucléaires explosifs. Les conditions de livraison, les articles idoines et les technologies sont décrits dans des directives et des annexes très détaillées. Les directives n'ont cependant aucun caractère contraignant en droit international. Toutefois, les Etats membres s'engagent à les appliquer de manière autonome dans le cadre de leur législation nationale. L'annexe de l'OA mentionne ces directives, les matériels soumis au contrôle parce que spécialement conçus à des fins nucléaires et la technologie correspondante. La base des mesures de sûreté à prendre également en vue du contrôle et de la protection des articles nucléaires
est la Convention sur la protection physique des matières nucléaires (cf. message LENu, ch. 7.3.2, fin) et les accords portant sur les mesures de contrôle conclus avec l'AIEA (cf. message LENu, ch. 11.1.).

La loi sur le matériel de guerre (RS 514.51) et la loi sur le contrôle des matériels (RS 946.202), toutes deux du 13 décembre 1996, ont aussi pour objectif la nonprolifération des armes de destruction massive. En vertu de l'art. 7 de la première, il est notamment interdit de fabriquer des armes nucléaires et d'encourager des activités de cette nature. Par conséquent, toute activité en relation avec des armes nucléaires est interdite (message du 15.2.1995, FF 1995 II 1251). La seconde forme la base légale du contrôle des articles à usage civil et militaire (matériels à double usage).

L'annexe 2 de l'ordonnance sur le contrôle des biens du 25 juin 1997 (RS 946.202.1) fournit la liste des biens utilisables à des fins civiles et militaires.

Suite à la révision partielle de l'OA du 10 septembre 1997, le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) est chargé d'octroyer les autorisations pour les articles nucléaires spécifiques, à l'exception des matières nucléaires et des déchets radioactifs. Cette situation découle des décisions du Conseil fédéral destinées à décharger les petites et moyennes entreprises des tâches administratives. Il s'agissait en particulier de centraliser logiquement le processus d'approbation (guichet unique). Le protocole complémentaire à l'accord conclu avec l'AIEA, relatif à l'application de garanties 2597

(cf. message LENu, ch. 8.3.1), doit être appliqué dans le cadre de la législation sur le contrôle des biens. Il est prévu, dans un proche avenir, d'intégrer la liste des matériels de l'OA dans une liste unique de l'ordonnance sur le contrôle des biens, afin d'en faciliter l'utilisation. Le contrôle des matériels nucléaires et des déchets radioactifs restera cependant fondé sur la LENu. Les connaissances techniques relatives à ces articles demeureront de toute manière réunies à l'OFEN. En Suisse, cet office est chargé de l'application sur le plan national de la plupart de nos engagements découlant du traité de non-prolifération et d'un certain nombre d'autres accords internationaux. Il tient notamment la comptabilité relative à l'utilisation des matériels nucléaires et procède à des inspections en collaboration avec l'AIEA.

7.3.3.2

Retraitement des assemblages combustibles usés

Le retraitement du combustible irradié produit dans les centrales nucléaires suisses s'effectue actuellement dans les installations de la société Cogema à La Hague (France) et dans celles de la société British Nuclear Fuels Ltd. à Sellafield (GrandeBretagne; cf. message initiatives, ch. 2.4.7). Les résidus d'uranium (env. 95 %) et le plutonium généré (env. 1 %) sont extraits du combustible usé pour être réutilisés dans la production d'énergie nucléaire. Le reste (env. 4 %), soit des déchets de retraitement hautement radioactifs, est vitrifié.

L'actuelle législation atomique suisse ne règle pas le retraitement effectué à l'étranger. Cette opération repose sur des contrats de droit privé et couvre un tiers environ des assemblages combustibles nécessaires à l'exploitation pendant 40 ans des centrales nucléaires suisses existantes. Seuls sont soumis au régime de l'autorisation le transport et l'exportation de combustible usé à destination des installations de retraitement étrangères ainsi que le retour en Suisse des déchets radioactifs produits par l'opération. La Suisse s'est engagée vis-à-vis de la France, le 11 juin 1978, et vis-à-vis de la Grande-Bretagne, le 30 septembre 1983, à reprendre les déchets radioactifs produits par le retraitement ou, si l'opération était abandonnée, les assemblages combustibles usés.

Par le passé, des contaminations des conteneurs ou de l'intérieur des wagons ferroviaires ont été constatées lors de transports de combustibles usés provenant de centrales nucléaires suisses. Le 8 mai 1998, l'OFEN a suspendu toutes les autorisations de transport d'assemblages combustibles usés. Par la suite, les causes de ces contaminations ont été examinées et l'on a pris les mesures qui s'imposaient afin d'éviter qu'elles ne se reproduisent. Ayant élucidé les causes et pris les mesures nécessaires, l'OFEN a autorisé, le 13 août 1999, la reprise des transports à destination d'installations de retraitement, s'appuyant pour ce faire sur un préavis de la Division principale de la sécurité des installations nucléaires (DSN). Au mois d'octobre 2000, celle-ci a présenté un bilan intermédiaire sous forme d'une analyse et d'une évaluation des expériences faites jusque-là. Aucun dépassement des valeurs limites lors des transports n'a plus eu lieu. Le personnel des chemins de fer n'a plus été
exposé à une radiation notable. En l'absence d'une base de données statistiques suffisamment riche pour permettre une évaluation définitive, toutes les mesures sont reconduites pour le moment.

Les antinucléaires ont demandé à plusieurs reprises la dénonciation des contrats en vigueur et la fin du retraitement des déchets au plus tard à l'expiration desdits contrats. A leur avis, tout nouveau retraitement engendre des risques supplémentaires.

2598

Dans ce contexte, on rappellera aussi les efforts consentis à l'échelon international pour réduire de manière drastique les déversements d'eaux usées radioactives dans le nord-est de l'Atlantique et dans la Mer du Nord. En juillet 1998, un compromis a été trouvé à l'occasion de la Conférence de la Convention Oslo ­ Paris (OSPAR), élaborée en vue de protéger le nord-est de l'Atlantique et en vigueur depuis mars 2000. Ce compromis a été accepté par 13 Etats européens riverains de l'Atlantique ainsi que par le Luxembourg, la Commission européenne et la Suisse. Il prévoit que la radioactivité résultant avant tout des déversements des usines de retraitement devra être réduite quasiment à zéro d'ici 2020 pour les isotopes artificiels et ne pas dépasser sensiblement les taux de radioactivité mesurés dans les environs pour ce qui est des substances naturelles. Les exploitants des usines de retraitement de La Hague et Sellafield seront parmi les premiers à devoir trouver des solutions afin de respecter ces conditions. Lors de la Conférence OSPAR, une requête danoise demandant l'arrêt immédiat des déversements radioactifs a été retirée en raison de la résistance opposée par la France et la Grande-Bratagne ainsi que par la Finlande et la Suisse. Malgré l'opposition française et britannique, la Conférence a appelé tous les Etats contractants à examiner des solutions de rechange permettant de renoncer au retraitement.

En réponse à plusieurs interventions parlementaires, le Conseil fédéral a déclaré que la question fondamentale de savoir s'il fallait continuer à autoriser le retraitement du combustible usé, et donc son transport à cet effet vers des installations étrangères, devait être examinée dans le contexte de la refonte de la législation sur l'énergie atomique. En l'état actuel du droit, il ne saurait être question de refuser l'autorisation de transporter et d'exporter le combustible irradié, pourvu que les conditions requises soient remplies.

Le retraitement suscite aujourd'hui la controverse, qui porte sur des questions de sécurité, de radioprotection, de risques du transport, d'économie des ressources et de rentabilité. On fait valoir en particulier que l'opération produit du plutonium, qu'elle est probablement la cause, dans l'ensemble, de davantage de transports que l'évacuation sans retraitement
et qu'elle rejette, ne serait-ce que dans les limites fixées par la loi et les autorités, des substances radioactives dans l'air et dans l'eau. Par ailleurs, le retraitement est étroitement lié à la technologie des surgénérateurs rapides. Or la recherche et le développement dans ce domaine ont été plus ou moins abandonnés, du moins en Europe.

Les opposants à l'interdiction avancent qu'il est plus aisé de contrôler le cycle du plutonium susceptible d'être utilisé à des fins militaires s'il est extrait lors du retraitement, pour être réintégré ensuite dans la production d'électricité sous la forme de combustible à l'oxyde mixte (combustible MOX). Il incombe selon eux à la génération exploitante de déterminer quelle sera l'utilisation du plutonium. Or cette argumentation est difficilement défendable. En effet, l'extraction du plutonium lors du retraitement le rend plus facilement accessible, ce qui augmente les risques d'abus, donc exige des contrôles plus sévères. En revanche, le fait de renoncer au retraitement rend l'accès au plutonium nettement plus difficile, étant donné qu'il est lié aux assemblages combustibles usés. Enfin, le plutonium contenu dans les éléments MOX usés n'est que partiellement consumé et doit finalement être évacué. Par ailleurs, le secteur militaire présente de gros excédents.

Dans ces conditions, le présent projet n'admet plus le retraitement ni par conséquent l'exportation des déchets à cet effet. Les contrats passés dans ce sens pourront toutefois être honorés. A leur expiration, les assemblages combustibles usés devront 2599

être entreposés pendant longtemps, puis préparés pour un stockage ultérieur dans un dépôt souterrain en profondeur. La préparation pourra aussi s'effectuer dans une installation étrangère de conditionnement.

Le présent projet autorise le Conseil fédéral à prévoir des exceptions dans un but de recherche. Celles-ci concerneront surtout la transmutation, soit les procédés de transformation de déchets hautement radioactifs à longue vie en déchets à vie plus courte, et par conséquent plus inoffensifs à long terme.

7.3.3.3

Transport de matières nucléaires contenant du plutonium dans l'espace aérien suisse

Les éléments combustibles MOX contiennent du plutonium, obtenu lors du retraitement des éléments usés. Ils sont parfois transportés par avion à destination de la Suisse. Si ces transports sont effectués en conformité avec les prescriptions nationales et internationales en la matière, leur sécurité est malgré tout périodiquement remise en question. Mais la Suisse n'a pas connaissance d'éventuels survols de son territoire par des avions transportant des matières contenant du plutonium (en particulier des assemblages combustibles MOX). En vertu des règles internationales en matière de trafic et de transport aérien, auxquelles la Suisse se conforme, aucun agrément ni information n'est requis de la part de l'Etat survolé par des avions transportant des matières nucléaires s'ils respectent les prescriptions de sécurité en vigueur et si l'Etat en question ne s'est pas doté d'une autre réglementation pour des questions d'ordre et de sécurité publics18. Un devoir de notification a été introduit par différents Etats. Le Danemark et le Canada ont instauré l'obligation de requérir une autorisation de survol. Aux Etats-Unis, les prescriptions en l'espèce reviennent de fait à interdire presque tout transport aérien civil. En automne 1997, répondant à diverses interventions parlementaires, le Conseil fédéral s'est déclaré disposé à mettre en discussion, lors de la refonte de la loi sur l'énergie atomique, l'interdiction d'emprunter l'espace aérien de la Suisse pour transporter des matières contenant du plutonium. Vu les risques d'un tel transport ainsi que les avantages et les inconvénients à prendre en considération, le présent projet les interdit. Compte tenu de cette interdiction, la Suisse devrait assortir les prescriptions internationales susmentionnées d'une clause restrictive. Conformément à la pratique actuelle en matière d'accords internationaux, le Conseil fédéral détient cette compétence (cf. JAAC 51 1987 p. 376).

7.3.4

Installations nucléaires

7.3.4.1

Autorisation générale

7.3.4.1.1

Nécessité

L'autorisation générale, introduite en 1979 par l'arrêté fédéral concernant la loi sur l'énergie atomique, a été une innovation importante. Le législateur l'a justifiée par le fait qu'auparavant les autorités et la population résidant à une certaine distance 18

Art. 5 et 35 let. b de la Convention du 7.12.1944 relative à l'aviation civile internationale (RS 0.748.0); annexe 18 de la convention; Technical Instructions for the Safe Transport of Dangerous Goods by Air, International Civil Aviation Organization (ICAO), chap. 7.

2600

d'une installation nucléaire projetée étaient tenues à l'écart des processus décisionnels, qu'il fallait donc qu'elles puissent s'informer du projet à un stade précoce et, le cas échéant, s'y opposer. En raison de leur importance politique, la décision de construire ou non de nouvelles centrales nucléaires doit être rendue par une autorité politique ou par le Parlement (message du 24.8.1977 relatif aux compléments à apporter à la loi sur l'énergie atomique, FF 1977 III 321 s., BO N 1978 p. 461).

Cette démarche est d'autant plus justifiée que l'utilisation de l'énergie nucléaire est contestée par de larges couches de la population. C'est ce qu'a montré, notamment, l'acceptation de l'initiative sur le moratoire en septembre 1990, résultat encore renforcé par les 47 % de votants ayant approuvé l'initiative pour l'abandon du nucléaire. Depuis, l'attitude de la population suisse envers l'énergie nucléaire n'a pas changé fondamentalement. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de remettre en question la nécessité de l'autorisation générale, qui continue toutefois à ne pas s'appliquer aux centrales en service (cf. art. 12, al. 1 AF/LEA).

On peut déroger à l'obligation de requérir une autorisation générale pour les installations nucléaires présentant un faible danger potentiel. On entend par là les installations servant à l'entreposage de combustible non irradié et certaines installations de recherche.

7.3.4.1.2

Preuve du besoin

La preuve du besoin est aujourd'hui une condition nécessaire de l'octroi de l'autorisation générale. Elle a été instaurée à cause de la vision que les producteurs d'électricité avaient de l'avenir de l'énergie nucléaire au milieu des années 1970 ­ l'industrie électrique prévoyait à l'époque toute une série de centrales nucléaires (Kaiseraugst, Graben, Verbois, Inwil, Rüthi) ­ et à cause de la résistance politique croissante soulevée par ces projets. Vu la situation et compte tenu des risques liés à l'utilisation du nucléaire, les autorités fédérales ont estimé qu'on ne devait pas construire plus de centrales nucléaires qu'il n'en fallait (message du 24.8.1977 relatif aux compléments à apporter à la loi sur l'énergie atomique, FF 1977 III 321).

Compte tenu des surplus d'électricité sur le marché européen, de la conjoncture économique et de l'ouverture du marché de l'électricité, il ne faut pas s'attendre à ce que l'industrie électrique édifie prochainement de nouvelles centrales nucléaires.

Mais elle pourrait envisager le remplacement de l'une ou l'autre des installations en service.

La preuve du besoin n'a plus de raison d'être sur un marché de l'électricité libéralisé. Elle doit en effet se limiter au marché indigène, comme le prévoit la législation (art. 3, al. 1, let. b, AF/LEA). Il est très difficile de formuler des prévisions sûres quant aux besoins d'électricité sur un marché ouvert. En outre, le rôle joué par la preuve du besoin en politique intérieure est repris par la fonction démocratique inhérente au référendum facultatif contre la décision de l'Assemblée fédérale concernant une autorisation générale (cf. message LENu, ch. 7.3.4.1.4). Voilà pourquoi le projet ne prévoit plus la preuve du besoin.

2601

7.3.4.1.3

Démonstration de l'évacuation des déchets

En revanche, il faut maintenir l'obligation de démontrer que la gestion des déchets radioactifs sera assurée. De nouvelles centrales nucléaires ne pourront être autorisées que si elles garantissent l'évacuation de ces déchets. Cette obligation s'appliquera aussi bien aux déchets faiblement ou moyennement radioactifs qu'aux déchets fortement radioactifs ou moyennement radioactifs mais à vie longue. La démonstration comporte trois éléments: le justificatif de la sécurité, le justificatif du site et la preuve de la faisabilité technique. De l'avis des organes compétents de la Confédération, le justificatif de la sécurité doit montrer que la roche d'accueil, dont les propriétés géologiques et hydrogéologiques ont été établies, et que les barrières techniques qui seraient mises en place garantiront durablement la sécurité de l'homme et de l'environnement. Le justificatif du site doit montrer, sur la base des résultats d'investigations scientifiques, la forte probabilité qu'on se trouve en présence d'une masse rocheuse suffisamment vaste et présentant les propriétés définies dans le justificatif de sécurité, de telle sorte que la réalisation d'un dépôt en profondeur puisse y être entreprise avec de bonnes chances de succès. La preuve de la faisabilité technique doit montrer qu'un tel dépôt pourra être construit dans la roche d'accueil choisie, exploité et fermé durablement en toute sécurité avec les moyens techniques actuels et dans le respect des prescriptions de sécurité.

Le 3 juin 1988, le Conseil fédéral a décidé que le projet «Garantie 1985» présenté par la Société coopérative nationale pour l'entreposage de déchets radioactifs (CEDRA) démontre la possibilité d'évacuer les déchets faiblement et moyennement radioactifs. Dans le même temps, il est arrivé à la conclusion que, pour ce qui est du cristallin, il était possible de démontrer la sécurité d'un dépôt final pour les déchets hautement radioactifs et pour les déchets de longue durée dégageant de la radioactivité alpha, provenant du retraitement, mais qu'il manquait encore le justificatif du site apte à les recueillir. Sur le plan technique, il n'y aurait aucune réserve à émettre à l'encontre de la réalisation d'un dépôt final. Les travaux de recherche devraient se poursuivre dans l'optique du stockage final des déchets hautement radioactifs et
des déchets moyennement actifs de longue durée, et s'étendre aux roches-mères non cristallines (sédiments). Cette démarche devrait permettre d'apporter la preuve qu'il existe des zones rocheuses suffisamment vastes et appropriées pour recevoir ce type de dépôt. Le forage expérimental qui a reçu l'aval du Conseil fédéral en mai 1996 et les autres études effectuées dans l'argile à opalinus à Benken, dans le canton de Zurich, étayent la démarche. La CEDRA a commencé les travaux de sondage au début de septembre 1998. La profondeur voulue a été atteinte en mai 1999. La CEDRA effectue par ailleurs, en collaboration avec des organisations étrangères, des investigations visant à établir la sécurité de l'argile à opalinus au Mont Terri, dans le canton du Jura. Les résultats des recherches portant sur la sécurité de cet argile sont prévus pour fin 2002. Dans le cristallin du nord de la Suisse, en revanche, plus aucun forage n'est effectué pour l'instant. Les trous laissés par les forages en profondeur seront comblés et refermés d'ici au printemps 2001.

2602

7.3.4.1.4

Référendum facultatif

Selon le droit en vigueur, l'autorisation générale est délivrée par le Conseil fédéral et approuvée par l'Assemblée fédérale. Lors de la consultation de 1986 relative à un projet de loi sur l'énergie nucléaire, des voix se sont élevées pour proposer de soumettre au référendum la décision d'octroyer une autorisation générale. Dans les années 1987/88, plusieurs interventions parlementaires ont demandé que l'on institue le référendum facultatif par le truchement d'une modification de la législation atomique. Toutes les motions ont été transformées en postulats. Le Conseil fédéral envisageait à l'époque d'examiner ces questions dans le cadre de la refonte de la LEA.

Selon les conclusions que le DETEC a tirées du dialogue sur l'énergie en juin 1997, «la construction de nouvelles centrales nucléaires ... doit être subordonnée au référendum facultatif, les modalités de ce dernier étant définies dans le cadre de la refonte de la loi sur l'énergie atomique» (ch. 10 des conclusions). Le groupe de travail «Déchets radioactifs» s'est notamment penché sur le lien entre la poursuite de l'utilisation de l'atome et la gestion des déchets. Aucun accord n'a pu être trouvé.

Selon les conclusions de son président, il y a cependant consensus sur le fait que la construction de nouvelles centrales nucléaires doit être sujette au référendum ou à une autre forme de décision populaire. S'agissant des centrales actuellement en service, on pourrait trouver, selon les propositions du président encore, un compromis du genre de celui-ci: le Conseil fédéral déciderait quant à la prolongation de l'exploitation, pour autant qu'elle n'excède pas de plus de dix ans la durée d'exploitation prévue naguère. Une prolongation allant au-delà de cette limite devrait être soumise au verdict du peuple.

Les opinions de la population sont partagées quant à l'utilisation de l'énergie nucléaire. La construction de nouvelles centrales et de dépôts en profondeur est une question hautement politique et d'intérêt national. Cela étant, il est justifié que l'on exige la possibilité de référendum. Dans le cas contraire, la construction d'une installation nucléaire serait combattue par le biais de l'initiative populaire. C'est pourquoi le projet prévoit d'assujettir au référendum facultatif la décision de l'Assemblée fédérale concernant l'octroi d'une
autorisation générale pour des installations nucléaires. Les dépôts souterrains en profondeur ne seront pas touchés par cette obligation. L'autorisation générale pour une telle installation nécessitera cependant, d'après le projet, l'approbation du canton d'accueil, qui devra dire oui à l'exploitation de son sous-sol.

7.3.4.2

Autorisation de construire et d'exploiter

Comme dans le droit en vigueur, la réalisation et l'exploitation d'une installation nucléaire nécessiteront une autorisation spécifique de construire et d'exploiter.

Actuellement, d'autres autorisations ne relevant pas du secteur nucléaire sont également nécessaires, par exemple l'autorisation de construire découlant de la législation sur l'aménagement du territoire et du droit cantonal des constructions ainsi que les autorisations qui relèvent de la législation sur la protection de l'environnement et sur la protection des eaux. Désormais, ces autorisations devront être coordonnées avec l'autorisation spécifiquement nucléaire (cf. message LENu, ch. 7.3.6.2). Les autorisations de construire et d'exploiter spécifiques du nucléaire constitueront les

2603

deuxième et troisième étapes pour les installations nécessitant une autorisation générale, et les première et deuxième étapes pour les autres.

En vertu de l'art. 7, al. 1, OA, les autorisations de construire des installations atomiques peuvent être décomposées en trois autorisations partielles au maximum. Les autorisations d'exploiter peuvent l'être en deux autorisations partielles au maximum, à savoir l'autorisation de mise en service et l'autorisation d'exploiter proprement dite. Cette disposition s'est révélée inopportune. En effet, certaines questions, notamment liées à l'exploitation, ne peuvent être décomposées de la sorte. C'est ce qui a incité le DETEC à autoriser la mise en service et l'exploitation des centrales de Gösgen et de Leibstadt en rendant une seule décision (autorisations des 29.9.1979 et 15.2.1984; à l'époque, l'autorité compétente était le département). C'est également par une seule et même décision rendue le 29 avril 1981 que le Conseil fédéral a rejeté un recours contre l'octroi de l'autorisation de mettre en service et d'exploiter la centrale de Gösgen (considérant II 5, p. 18 ss, non publié). C'est pourquoi aucune autorisation partielle de cette nature n'a plus été délivrée.

La construction et l'exploitation de centrales nucléaires et de dépôts pour les déchets radioactifs ainsi que les investigations géologiques qui y sont liées, de même que le démantèlement ou la fermeture d'installations nucléaires sont des opérations complexes. Pour en garantir la sécurité, il faut que les étapes successives de l'opération soient supervisées par les autorités de sécurité et approuvées par elles avant d'être exécutées. L'instrument du permis d'exécution permet aux autorités de surveiller les différentes étapes d'une activité approuvée. Cela dit, les questions essentielles liées à l'autorisation et tout particulièrement à la sécurité doivent pouvoir être appréciées au moment de l'octroi de l'autorisation. Jusqu'à présent, le commencement de certains travaux dépendait de l'obtention préalable d'un permis d'exécution délivré par les autorités de sécurité. Il s'agira maintenant d'inscrire cette pratique formellement dans la loi. Sont principalement concernées les étapes de construction, de montage et d'exploitation ci-après: ­

les étapes de la construction d'installations nucléaires;

­

les phases de la mise en service et de l'exploitation d'installations nucléaires;

­

les petites modifications, non soumises à autorisation, apportées à des installations nucléaires;

­

les phases du démantèlement d'installations nucléaires;

­

les différentes étapes des investigations géologiques en vue du stockage souterrain en profondeur.

En vertu de l'art. 7, al. 2, OA, l'autorisation d'exploiter peut être octroyée en même temps que l'autorisation de construire s'il est possible, à ce stade-là, de considérer définitivement les conditions comme permettant une exploitation sûre. Cette disposition devra également être inscrite dans la loi.

Par rapport à la réglementation légale actuelle, les conditions préalables et la teneur des autorisations, en particulier les obligations faites au détenteur de l'autorisation d'exploiter, seront formulées de manière plus concrète. Cela répond aux exigences du principe de la légalité. Au surplus, cela permettra d'appliquer formellement d'importants principes de sécurité de l'AIEA.

2604

7.3.4.3

Pas de limitation légale de l'autorisation d'exploiter pour les centrales en service

Le 21 octobre 1998, le Conseil fédéral a pris différentes décisions touchant la politique de l'énergie. Les chefs du DETEC et du DFE ont en particulier été invités à proposer, après concertation avec les exploitants des centrales nucléaires, leurs opposants et les cantons concernés, un scénario comportant aussi bien un délai de désaffectation des centrales en service qu'un modèle d'évacuation des déchets. A défaut, le Conseil fédéral déciderait lui-même. Les entretiens ont eu lieu au début de 1999 sans toutefois apporter de solution satisfaisant les exploitants et les écologistes.

En raison des avis très divergents exprimés lors de la consultation, il n'y aura pas de limitation légale de l'autorisation d'exploiter des centrales nucléaires suisses, lesquelles pourront rester en service tant que leur sécurité de fonctionnement sera assurée. Cela présuppose néanmoins que le niveau de sécurité, actuellement élevé, sera maintenu, ce qui nécessitera des mesures de rééquipement adéquates.

En prenant sa décision, le Conseil fédéral a tenu compte des résultats de la votation populaire sur les taxes énergétiques du 24 septembre 2000. Depuis le triple non, les moyens permettant l'encouragement soutenu des énergies renouvelables manquent.

Il en résulte que même sur un marché libéralisé, l'électricité produite par les centrales nucléaires suisses restera, du moins à moyen terme, un important vecteur de l'approvisionnement énergétique. Le 24 septembre également, le peuple bernois a refusé la désaffectation rapide de la centrale de Mühleberg. La fixation d'un délai inférieur à la durée d'exploitation techniquement possible entraînerait des pertes économiques considérables (cf. message initiatives, ch. 3.5). Une plus longue exploitation des centrales nucléaires contribuera par ailleurs à désamorcer le problème posé par les émissions de CO2. La Suisse pourra plus facilement appliquer les directives du protocole de Kyoto (cf. message initiatives, ch. 3.4.1). En outre, sans limitation légale de l'autorisation d'exploiter, il restera plus de temps à disposition pour mettre au point des énergies qui se substitueront au courant produit par les centrales nucléaires suisses.

7.3.4.4

Désaffectation

Le droit en vigueur ne comporte quasiment aucune disposition matérielle réglant la désaffectation des installations nucléaires. Rien n'est encore certain sur la question de savoir si les centrales en exploitation seront démolies une fois arrivées au terme de leur vie ou si des parties des installations pourront être utilisées à d'autres fins.

Par ailleurs, d'un point de vue technique, il existe plusieurs modes de désaffectation, par exemple le démontage immédiatement après la mise hors service ou après un confinement sûr pendant une période prolongée. Il serait inopportun de prescrire dans la loi une de ces solutions. Cette dernière définira cependant le cadre à l'intérieur duquel la désaffectation devra s'effectuer. Les différentes étapes de l'opération seront décrites à cet échelon aussi. On tiendra compte des expériences faites à l'étranger et lors du démantèlement de l'ancienne centrale nucléaire expérimentale de Lucens (canton de Vaud) et des réacteurs de recherche de l'Université de Genève et de l'Institut Paul-Scherrer (IPS) à Villigen/Würenlingen (canton d'Argovie).

2605

7.3.5

Déchets radioactifs

7.3.5.1

Responsables de l'évacuation

La loi sur l'énergie atomique ne comporte quasiment aucune disposition sur l'évacuation des déchets radioactifs provenant de l'utilisation de l'énergie nucléaire. L'art. 9, al. 3, LEA prescrit que si l'autorisation d'exploiter une installation atomique est révoquée, l'exploitant est tenu d'éliminer toutes les sources de dangers de l'installation mise hors service. L'arrêté fédéral concernant la LEA précise que celui qui produit des déchets radioactifs est responsable de leur élimination sûre et à long terme et de leur entreposage définitif (art. 3, al. 2), ajoutant qu'il doit veiller à ce qu'ils soient éliminés de manière sûre et qu'il en assume les frais (art. 10, al. 1).

Hormis la possibilité de transférer le droit d'expropriation à des tiers (art. 10, al. 4), l'AF/LEA prévoit la possibilité d'obliger les producteurs de déchets radioactifs à s'affilier à un organisme de droit public et à verser des contributions pour assurer la couverture des frais d'élimination des déchets (art. 10, al. 3). Enfin, la Confédération peut également faire éliminer elle-même les déchets radioactifs aux frais du producteur (art. 10, al. 1).

En vertu de la loi sur la radioprotection, les déchets radioactifs dont la production ne provient pas de l'utilisation de l'énergie nucléaire doivent être livrés à la Confédération, laquelle est responsable de leur évacuation (art. 27 LRaP). Il s'agit des déchets radioactifs produits par la médecine, l'industrie et la recherche. L'IPS est chargé de prendre en charge ces déchets, de les traiter et de les entreposer jusqu'à leur élimination (art. 87 s. ORaP, RS 814.501).

Le projet de LENu repose sur une conception très proche. Celui qui exploite ou désaffecte une installation nucléaire sera tenu d'évacuer à ses frais et de manière sûre les déchets radioactifs produits par l'installation. Cette obligation sera considérée comme satisfaite lorsque les déchets auront été acheminés dans un dépôt souterrain en profondeur et que les moyens nécessaires pour financer la phase d'observation et la fermeture seront assurés. Si l'autorisation d'exploiter une centrale existante ou l'autorisation générale d'une nouvelle centrale nucléaire est transférée à un nouvel exploitant, celui-ci et son prédécesseur seront entièrement responsables de l'évacuation des déchets d'exploitation et des éléments
combustibles usés produits jusqu'à la date du transfert. De plus, l'exploitant qui cèdera la place devra assurer le financement de la désaffectation et de la gestion des déchets jusqu'à la date du transfert.

La Confédération évacue les déchets radioactifs produits par la médecine, l'industrie et la recherche et pris en charge par l'IPS. Elle fait de même pour les autres déchets radioactifs aux frais du fonds de gestion, mais (conformément au principe de causalité) seulement si le responsable ne remplit pas ses obligations. Enfin, elle peut participer à la construction et à l'exploitation d'une installation d'évacuation ou les assumer elle-même (cf. message LENu, ch. 8.5.1.2).

7.3.5.2

Plan d'évacuation des déchets

Le droit en vigueur prescrit que les déchets radioactifs produits en Suisse doivent en principe être éliminés dans le pays (cf. art. 25, al. 3, LRaP). Des conditions très strictes sont liées à l'octroi, exceptionnel, d'une autorisation d'exporter ces déchets

2606

en vue de leur élimination (cf. art. 93 ORaP). Ce principe sera maintenu dans la LENu (cf. message LENu, ch. 8.5.1.2 et 8.5.1.4).

Tant que l'on ne disposera pas d'un dépôt souterrain en profondeur, les déchets radioactifs devront être placés dans des dépôts intermédiaires. Les déchets et les assemblages combustibles usés provenant des centrales nucléaires seront entreposés dans les dépôts propres à ces dernières et dans le dépôt intermédiaire de Würenlingen appartenant à la ZWILAG. Ces entrepôts seront aussi appelés à recevoir les déchets radioactifs provenant des usines de retraitement, encore stockés en France et en Grande-Bretagne.

L'IPS abrite le dépôt intermédiaire fédéral, en service depuis 1992, dans lequel sont stockés les déchets faiblement et moyennement radioactifs provenant de la médecine, de l'industrie et de la recherche. Dès qu'un dépôt souterrain en profondeur sera disponible, la Confédération y placera ses déchets faiblement et moyennement radioactifs moyennant une participation aux frais.

7.3.5.2.1

Plan d'évacuation des déchets de la CEDRA

Dans la perspective de l'aménagement et de l'exploitation de dépôts finaux pour déchets radioactifs, les exploitants des centrales nucléaires et la Confédération suisse ont fondé, en 1972, la Société coopérative nationale pour l'entreposage de déchets radioactifs (CEDRA). Un premier plan d'évacuation des déchets a été présenté en 1978. Conformément aux projets internationaux, il prévoyait d'évacuer la totalité des déchets radioactifs en les stockant de manière définitive dans des formations géologiques présentant les propriétés requises. Le premier impératif du stockage final est de garantir la sécurité permanente du site une fois l'entrepôt définitivement fermé, sans qu'il soit nécessaire de le surveiller ni de l'entretenir. Trois types de dépôts finaux étaient prévus à l'origine: des cavernes proches de la surface pour les déchets faiblement radioactifs (dépôt final de type A), des cavernes dans des falaises accessibles par des galeries pour les déchets faiblement et moyennement radioactifs (type B) et des galeries dans le sous-sol profond accessibles par un puits pour les déchets hautement radioactifs et le combustible usé (type C). Le projet «Garantie» remis par la CEDRA en 1985 a montré que la sécurité exigée des dépôts finaux de type A ne se distinguait pas suffisamment de la sécurité exigée des dépôts de type B pour justifier l'aménagement d'un dépôt distinct de type A.

Le projet de 1992 comportait deux types de dépôts finaux: l'un pour les déchets faiblement et moyennement radioactifs (DFMA) ,l'autre pour les déchets hautement et moyennement actifs à vie longue (DHA/DMAL). Pour garantir la sécurité permanente des sites après la fermeture définitive des dépôts, il faudra isoler parfaitement les déchets de la biosphère par toute une série de barrières. Il existe divers types de barrières techniques et géologiques suivant le type de déchets et leur toxicité.

2607

7.3.5.2.2

Plan d'évacuation des DHA/DMAL: le projet Wellenberg

Pour les DHA/DMAL, la CEDRA cherche à apporter la preuve de la faisabilité technique d'un dépôt final souterrain dans deux roches d'accueil potentielles: Dans le cadre du projet «cristallin», elle a examiné la possibilité d'un dépôt final dans le fond rocheux cristallin du nord de la Suisse. Le projet «Garantie 1985» a permis de démontrer que d'une manière générale, cette roche était appropriée (justificatif de sécurité et de faisabilité), à condition de présenter une masse suffisamment vaste (justificatif du site). D'un point de vue géologique cependant, le cristallin du nord de la Suisse est difficile à explorer. D'où l'impossibilité de démontrer jusqu'ici l'existence d'une masse rocheuse vaste et présentant les propriétés définies. Par la suite, la CEDRA a retiré une nouvelle demande de forage après des résultats peu concluants d'études sismologiques menées dans le but de repérer une zone rocheuse appropriée. Elle considère aujourd'hui le projet «cristallin» comme une option de réserve.

En 1988, dans sa décision relative au projet «Garantie» (cf. message LENu, ch.

7.3.4.1.3), le Conseil fédéral a exigé que le programme de recherche soit étendu aux roches sédimentaires. Dans un premier temps, la CEDRA a envisagé d'examiner la roche de la molasse d'eau douce inférieure et l'argile à opalinus. Son choix s'est finalement porté sur la seconde de ces formations rocheuses, plus homogène et moins perméable que la molasse. Dès 1994, la roche sédimentaire du nord du canton de Zurich a été analysée. Depuis 1997, la CEDRA opère dans le vignoble zurichois.

Les analyses sismologiques et le forage expérimental effectués à Benken en 1998/1999 ont confirmé ce préavis favorable. La démonstration de la gestion s'appuiera par conséquent sur la formation rocheuse d'environ 100 m de profondeur de l'argile à opalinus. Cela ne préjuge toutefois en rien la décision de construire un dépôt souterrain en profondeur qui pourrait être prise par la suite.

7.3.5.2.3

Programme d'évacuation des DFMA: le projet Wellenberg

Après une longue procédure d'évaluation, la CEDRA a proposé en 1993 que le Wellenberg soit le site qui accueille un dépôt final des DFMA. En 1994, la Genossenschaft für Nukleare Entsorgung Wellenberg (Coopérative pour l'évacuation des déchets radioactifs au Wellenberg, GNW) a été fondée et une demande d'autorisation générale a été présentée. Le 25 juin 1995, la population de Nidwald a refusé à une courte majorité les deux objets relatifs au Wellenberg, soit la prise de position du gouvernement nidwaldien sur la demande d'autorisation générale et l'octroi d'une concession pour l'exploitation du sous-sol. Le 4 juin 1997, le DETEC a suspendu la procédure d'autorisation générale.

Suite aux entretiens qu'il a eus avec le gouvernement nidwaldien sur l'avancement du projet de dépôt final au Wellenberg, le chef du DETEC a chargé l'Office fédéral de l'énergie (OFEN) de créer un groupe de travail devant élucider les questions techniques. Au début de 1997, l'OFEN et les délégués du gouvernement nidwaldien ont décidé de passer le relais à un comité pilote constitué de représentants de la Confédération et du canton de Nidwald, mais aussi de délégués du canton d'Obwald et de la commune de Wolfenschiessen. En mars 1997, ce comité a défini la compo2608

sition et le mandat d'un «Technische Arbeitsgruppe Wellenberg» (commission technique du Wellenberg). En juin de la même année, le comité a créé un «Arbeitsgruppe Volkswirtschaft» (commission d'économie publique).

La commission technique du Wellenberg s'est occupée notamment des questions concernant les exigences minimales, les moyens de contrôle, les possibilités d'extraire les déchets stockés et de fermer les dépôts, en se référant au projet concret du Wellenberg. Dans son rapport du 15 avril 1998, le groupe de travail a conclu que le projet de dépôt final aménagé dans les couches géologiques du Wellenberg présentait un niveau de sécurité élevé et que tel qu'il avait été adapté dans l'intervalle par le GNW, il se prêtait assez bien à la récupération des déchets et à leur contrôle sur une période de 100 ans. Si les résultats actuels des investigations se confirment, le site du Wellenberg offrira de bonnes conditions préalables à la construction d'un dépôt final pour déchets faiblement et moyennement radioactifs. Le groupe de travail a recommandé de continuer à étudier le site du Wellenberg dans l'optique technique et d'y effectuer de nouvelles investigations dans une étape ultérieure au moyen de galeries de sondage.

La commission d'économie publique avait pour mission d'examiner les retombées économiques du dépôt final envisagé au Wellenberg. Dans son rapport de juin 1998, elle déclare que les avantages de la construction et de l'exploitation d'un éventuel dépôt final au Wellenberg en dépasseraient largement les inconvénients pour toute la région. Elle propose une nouvelle réglementation des indemnisations, qui serait amenée à remplacer les contrats négociés entre la GNW et le canton de Nidwald ou la commune de Wolfenschiessen avant la votation populaire de juin 1995. Il s'agirait d'une compensation financière accordée à la région du site pour les prestations d'intérêt général qu'elle fournit. Elle reviendrait non seulement au canton, mais à toutes les communes de la région et à l'industrie du tourisme.

Se fondant sur les rapports de ces deux commissions, le comité pilote a tiré en août 1998 les premières conclusions sur la marche à suivre. Il part du principe qu'il est impératif de trouver en Suisse une solution permettant d'évacuer les déchets radioactifs. En l'état actuel des connaissances,
des considérations tant techniques qu'économiques plaident en faveur du Wellenberg. Cependant, la décision de construire un dépôt exigera des études supplémentaires au moyen d'une galerie de sondage; elle exigera encore l'exploration plus précise de l'hydrologie du sous-sol dans le secteur Wolfenschiessen-Dallenwil, ainsi que l'analyse des questions juridiques liées à la fermeture d'un dépôt final et à la responsabilité civile. Le cas échéant, il faudra aussi adapter la réglementation de l'indemnisation.

7.3.5.2.4

Conclusions du dialogue sur l'évacuation des déchets

Le concept d'évacuation des déchets a également été traité en 1998 par le groupe constitué à cet effet à la faveur du dialogue sur l'énergie. Il n'a toutefois pas été possible de dégager un consensus. L'unanimité ne s'est faite que sur la nécessité de protéger le cadre de vie des générations futures et de manipuler les déchets radioactifs avec toutes les précautions requises. Les tenants du «stockage final» et ceux du «stockage contrôlé offrant des possibilités de récupération des déchets» ont campé sur leurs positions. Selon cette dernière option, introduite par les organisations écologistes dans le groupe de travail, toute forme de manipulation de déchets radioactifs doit pouvoir être corrigée et adaptée aux progrès de la science et de la techni2609

que. Des contrôles et une surveillance pendant la durée de fonctionnement, forcément très longue avant que le taux de radioactivité ait suffisamment baissé, sont tout aussi nécessaires pour assurer la sécurité. Cette option n'a cependant pas encore été précisée dans ses détails.

C'est pourquoi le président du groupe de travail a proposé que la CEDRA poursuive ses projets de stockage des déchets radioactifs. Parallèlement, le Conseil fédéral devra lancer une étude afin d'examiner dans le détail le principe du «stockage de longue durée contrôlé et récupérable». Suivra une évaluation des différentes conceptions. La procédure d'autorisation générale du Wellenberg sera suspendue pendant la durée de cette étude. Il s'agira de décider de sa reprise compte tenu des résultats obtenus à partir des galeries de sondage, qu'il faudra construire entretemps, et des rapports qui auront été publiés à ce propos.

7.3.5.2.5

Recommandations de la CSA et de la CGD

A la fin de novembre 1998, la Commission fédérale de la sécurité des installations nucléaires (CSA) a publié un document présentant sa position sur les questions actuelles d'évacuation des déchets radioactifs en Suisse. Selon elle, il faut s'en tenir au projet consistant à les stocker dans des formations géologiques appropriées et à surveiller le dépôt final jusqu'à sa fermeture définitive, après laquelle plus aucune surveillance ne devra être nécessaire. Il ne faut pas que les moyens de surveillance amènent à réduire les exigences quant à la sécurité passive du dépôt. De même, les mesures visant à faciliter l'extraction de déchets ne doivent pas aller à l'encontre des conditions qu'un dépôt final doit remplir sur le plan de la sécurité. Dans la pesée des intérêts entre la marge de manoeuvre et la sécurité des générations futures, la priorité va à cette dernière. Il faut que des dépôts finaux pour déchets radioactifs soient opérationnels dès que des déchets seront prêts à y être stockés. Par conséquent, il faudrait disposer le plus rapidement possible d'un tel dépôt pour les déchets faiblement et moyennement radioactifs. S'agissant des déchets hautement radioactifs et des déchets moyennement actifs à vie longue, on peut s'en tenir à l'échéance de 2020. Dans tous les cas, il reste à prouver qu'il existe réellement en Suisse des sites pouvant accueillir des dépôts finaux. L'exportation du stockage final des déchets hautement radioactifs et des déchets moyennement actifs à vie longue ne doit être envisagée que comme une option complémentaire du stockage final dans le pays.

A la mi-novembre 1998, la Commission pour la gestion des déchets radioactifs (CGD) est parvenue à des conclusions similaires pour l'essentiel.

7.3.5.2.6

Recommandations du groupe EKRA et avancement du projet Wellenberg

Les discussions conduites à l'enseigne du dialogue énergétique au sujet de l'évacuation des déchets radioactifs n'ont pas permis de définir sans ambiguïté la signification pratique du «stockage à long terme contrôlé et récupérable» exigé par les organisations écologistes. Le DETEC a donc chargé en juin 1999 le groupe d'experts Modèles de gestion des déchets radioactifs (EKRA) d'élaborer une documentation permettant de comparer les modèles en présence. Par la suite, le groupe EKRA a développé le modèle du stockage souterrain durable contrôlé et l'a comparé avec 2610

ceux du stockage final, du stockage intermédiaire et du stockage durable sous les angles de la sécurité active et passive, de la surveillance, du contrôle et de la possibilité de récupérer les déchets. Publié le 7 février 2000, ce rapport final se réfère à l'objectif suprême de l'évacuation des déchets radioactifs, soit la protection de l'homme et de l'environnement. Il faut autant que possible assurer la liberté de choix aux générations futures, pour autant que ledit objectif demeure. Selon le groupe EKRA, le stockage final souterrain est l'unique méthode d'évacuation des déchets radioactifs qui satisfait aux exigences de la sécurité permanente. A long terme, cette protection ne pourra s'appuyer que sur des barrières (techniques et naturelles) passives. Le modèle du stockage souterrain durable contrôlé qu'il propose répond à l'exigence de réversibilité, soit la possibilité de récupérer les déchets.

Avant la fermeture d'un dépôt, il prévoit notamment une longue phase d'observation, ainsi que l'exploitation d'un dépôt pilote. La surveillance, le contrôle et l'entretien seront ainsi assurés pour plusieurs générations. Par contre, les dépôts de déchets proches de la surface et les dépôts ouverts en profondeur devant être surveillés n'assurent pas la sécurité durable.

Par ailleurs, le groupe EKRA a recommandé de poursuivre le projet Wellenberg et de mettre en chantier les démarches nécessaires à la réalisation d'une galerie de sondage. Cette galerie déterminera si les résultats jusqu'ici positifs se confirment et si le Wellenberg offre un site adéquat pour qu'on y stocke des déchets faiblement et moyennement radioactifs. Les concepteurs du projet et les autorités de sécurité ont par la suite clarifié divers points restés en suspens, à savoir l'adaptation de la galerie de sondage et celle du dépôt au modèle de stockage souterrain de longue durée contrôlé.

Le gouvernement nidwaldien a créé à la mi-2000 le "Kantonale Fachgruppe Wellenberg", organe consultatif chargé notamment de résoudre ces questions. Cette instance a conclu en fin d'année qu'une demande de sondage pouvait être déposée.

Selon elle, le concept de dépôt est suffisamment élaboré pour permettre de prévoir et de construire la galerie de sondage, sans préjuger des autres travaux. Elle ajoute que des critères d'exclusion ont été définis
pour évaluer les zones pressenties en vue du stockage, que par ailleurs, des informations claires en matière de provenance et de classification sommaire permettent d'effectuer l'inventaire des déchets et qu'enfin d'autres études restent possibles en vue des procédures d'autorisation ultérieures. A la fin de décembre 2000, le groupe de coordination Wellenberg institué par le canton de Nidwald, qui réunit des représentants des cantons de Nidwald, d'Obwald, de la commune d'accueil ainsi que de la Confédération, a également conclu sur la base des documents disponibles qu'une demande de sondage pouvait être déposée. Il a par ailleurs annoncé sa décision de commanditer une étude sur les conséquences qu'un dépôt aurait pour le tourisme dans la région Nidwald/Engelberg. A la fin de janvier 2001, GNW a présenté sa demande de sondage au canton de Nidwald.

7.3.5.2.7

Position du Conseil fédéral

En réponse à diverses interventions parlementaires, le Conseil fédéral a rappelé à plusieurs reprises ces dernières années qu'il estimait correct le principe de l'évacuation et du stockage final permanents et sûrs, mais que la révision de la législation sur l'énergie atomique offrirait la possibilité de revoir le concept d'évacuation.

2611

Dans le monde entier, la solution préférée est aujourd'hui le stockage final des déchets radioactifs dans des formations géologiques profondes de la croûte terrestre continentale (stockage final souterrain). Mais les doutes sur la possibilité d'assurer durablement la sécurité d'un dépôt final avec les moyens et les méthodes disponibles ont amené bien des Etats à chercher des modèles prévoyant la surveillance et le contrôle des déchets entreposés, et facilitant leur récupération. L'évaluation des différents modèles repose essentiellement sur l'horizon à terme et sur la stabilité des conditions tant géologiques que sociales. Aussi bien les concepteurs de projets d'évacuation que les autorités de sécurité et les experts de la Confédération (DSN, CSA, CGD) restent convaincus que le modèle du stockage final souterrain assorti de multiples barrières techniques et naturelles représente une solution sûre à long terme. Ils font valoir en particulier que les formations géologiques évoluent selon des cycles ayant une durée du même ordre que celle du danger lié aux déchets fortement radioactifs, cycles extrêmement lents par rapport aux mutations historiques et sociales. Tel est aussi l'avis des experts de l'AIEA et de l'Agence de l'énergie nucléaire de l'OCDE ainsi que des Etats-membres. Plusieurs pays (p. ex. la Suède et la Finlande) pratiquent depuis des années le stockage final souterrain des déchets faiblement et moyennement radioactifs.

Conformément aux recommandations des spécialistes et en particulier du groupe EKRA, le présent projet prévoit le modèle du stockage souterrain en profondeur, pouvant être transformé en stockage final à l'issue d'une longue période d'observation. Outre le dépôt proprement dit («dépôt principal»), il comporte un dépôt-test et un dépôt pilote, ainsi qu'une période d'observation avec des facilités de récupération jusqu'à la fermeture du dépôt. Il répond donc aux exigences de sécurité à long terme et à celles, sociales, qui reposent sur le principe de la réversibilité. Ce modèle constitue une démarche progressive vers le stockage final souterrain. La fermeture du dépôt doit être préparée au début de la phase d'observation et elle devra pouvoir se faire à tout moment. Il importera aussi de garantir les moyens financiers nécessaires à l'observation et à la fermeture. Des questions
subsistent en ce qui concerne le passage progressif du stockage souterrain durable sous contrôle au stockage final, questions qui devront trouver une réponse dans le cadre des projets de dépôt concrets.

A plus d'une reprise, on s'est référé aux retombées économiques négatives qu'un dépôt souterrain en profondeur pourrait avoir pour réclamer des compensations financières à la Confédération ou à GW, ou du moins une réglementation à ce sujet dans la loi. Or la LENu indique que la responsabilité de l'évacuation incombe à celui qui est à l'origine des déchets radioactifs. Cette opération n'est donc pas une tâche de l'Etat. Il ne peut dès lors être question que la Confédération fournisse des compensations financières. La LENu ne prévoit pas non plus de réglementation des indemnités dues par les promoteurs du projet pour en compenser les retombées négatives. En effet, une réglementation de droit fédéral dans le domaine de l'énergie nucléaire créerait un fâcheux précédent pour d'autres grands projets d'infrastructure.

Il appartient donc aux acteurs impliqués de s'accorder sur ce point.

2612

7.3.5.3

Financement des coûts de la désaffectation et de l'évacuation des déchets

Aujourd'hui, le financement de ces coûts est réglé de diverses manières. On distingue d'une part les coûts de la désaffectation et du démantèlement des installations nucléaires usagées avec l'évacuation des déchets qui en résultent («coûts de désaffectation»), d'autre part, les coûts générés par la gestion des déchets d'exploitation et du combustible irradié retirés des centrales («coûts de gestion»).

Le droit actuel prescrit la mise en réserve des ressources nécessaires à la désaffectation par la constitution d'un fonds auquel les exploitants de centrales nucléaires versent des contributions censées couvrir les dépenses prévues (art. 11 AF/LEA).

Selon une étude datant de 1980, mise à jour tous les trois ans depuis cette date, les coûts de la désaffectation des centrales nucléaires suisses se montent aujourd'hui à environ 1,5 milliard de francs19. Ils sont couverts par un fonds qu'alimentent les contributions des exploitants des centrales, et depuis peu, celles de la ZWILAG (voir l'ordonnance du 5.12.1983 concernant le fonds pour la désaffectation d'installations nucléaires, ordonnance sur le fonds de désaffectation, RS 732.013.)

La politique du fonds de désaffectation consiste à réunir les ressources requises au terme de 40 années de fonctionnement au maximum. A la fin de 1999, ce fonds était doté de 903 millions de francs.

Jusqu'il y a peu, le Conseil fédéral n'a pas fait usage de son droit d'obliger les producteurs de déchets radioactifs à verser des contributions appropriées pour garantir la couverture des frais d'évacuation des déchets (art. 10, al. 3, AF/LEA). En effet, les exploitants ont fait des provisions dans cette perspective. Ils chiffrent l'enveloppe financière globale de l'évacuation des déchets à 13,1 milliards de francs20. Ce chiffre s'appuie sur le réexamen, en 1998, d'une évaluation (13,7 milliards) que les exploitants ont faite pour la première fois selon des critères uniformes en 1994. Les coûts de gestion actuels (p. ex. retraitement, études de la CEDRA, construction du dépôt intermédiaire centralisé de Würenlingen, etc.) sont réglés au fur et à mesure. A la fin de 1999, leur somme cumulée atteignait environ 3,2 milliards de francs. Chacune des compagnies d'exploitants alimente progressivement ses propres réserves destinées à couvrir les coûts d'évacuation qui se produiront
une fois les installations mises hors service. Les provisions brutes (comprenant la couverture des coûts d'évacuation courants) nécessaires jusqu'à la fin de 1999 selon les calculs des exploitants s'élèvent à quelque 6,1 milliards de francs. Les exploitants avaient certes déjà provisionné un montant de 7,6 milliards de francs, mais ces provisions sont destinées au cours des vingt premières années d'exploitation à rembourser les capitaux de tiers mais aussi, durant les 30 premières années d'exploitation (40 années désormais pour la centrale nucléaire de Leibstadt), aux amortissements. Il s'ensuit que ce n'est qu'à partir de la vingtième année d'exploitation que l'on dissociera et capitalisera les actifs ou que l'on placera les provisions hors de la

19

20

Date de référence: 31.12.1998. Si l'on admet un renchérissement annuel de 3 %, ces coûts atteindront environ 2,5 milliards de francs au moment de la désaffectation. Une nouvelle étude est en préparation.

Date de référence: 31.12.1998. Les coûts de gestion se produiront pendant une centaine d'années. C'est pourquoi il n'est guère indiqué d'en affecter le calcul d'un indice de renchérissement. Tant le modèle de financement des exploitants des centrales que la nouvelle ordonnance sur le fonds de gestion prévoient que les montants nécessaires doivent être réunis au bout de 40 ans au plus tard.

2613

branche. Les placements externes de cette nature se montent actuellement, toutes centrales confondues, à plus de 1 milliard de francs.

A l'invitation de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie (CEATE) du Conseil national, l'OFEN a commandé, en été 1997, une étude portant sur «la garantie de la couverture des coûts de gestion des déchets radioactifs». Les experts qui l'ont réalisée sont parvenus à la conclusion que le système des provisions destinées à couvrir les coûts d'évacuation, appliqué actuellement, était conforme au droit en vigueur, qu'une intervention immédiate n'était donc pas nécessaire. Un examen sommaire montre aussi que l'estimation de ces coûts ainsi que les provisions prévues jusqu'ici, mais également pour l'avenir, sont actuellement plausibles. Toutefois, les experts ont relevé un certain nombre de questions non encore élucidées (durée d'exploitation considérée, période pendant laquelle les provisions sont effectuées, garantie en particulier pour les cas de faillite ou d'accident majeur, possibilité d'assigner les actionnaires et les autres compagnies exploitantes si les moyens financiers font défaut). Par ailleurs, l'étude fait une présentation sommaire de différents modèles possibles en vue de garantir le financement des coûts d'évacuation21.

Compte tenu de cette étude et de l'incertitude quant à la durée de la refonte de la législation sur l'énergie nucléaire, compte tenu aussi des questions non encore élucidées à propos du système actuel de garantie du financement des coûts d'évacuation, le Conseil fédéral a déclaré, par lettre du 5 novembre 1997 adressée à la CEATE du Conseil national, qu'il allait mettre immédiatement en chantier les travaux préliminaires en vue de la publication d'une ordonnance concernant le fonds pour la gestion des déchets des installations nucléaires. Il a approuvé cette ordonnance le 6 mars 2000 (Ordonnance sur le fonds de gestion, RS 732.014). Elle est entrée en vigueur par étapes (le 1.4.2000 et le 1.1.2001). Le 28 août 2000, le DETEC a institué la commission administrative du fonds de gestion, laquelle élabore en ce moment les bases de l'organisation dudit fonds et de sa stratégie de placement. Le règlement du fonds devrait entrer en vigueur à la mi-2001 et les premières rentrées d'argent se feront probablement
au dernier trimestre 2001.

Lors de l'élaboration de l'ordonnance sur le fonds de gestion, on a examiné différents modèles permettant d'en garantir le volet financier.

Dans le modèle du fonds pouvant être sollicité dès la mise hors service d'une centrale, tous les coûts d'évacuation produits après la fin de l'exploitation sont assumés. Cela signifie que trois quarts environ des 13,1 milliards de francs auxquels sont estimés ces coûts sont réglés par le fonds. Une partie des coûts générés avant la fin de la période d'exploitation est couverte, comme jusqu'ici, par les sociétés exploitantes et réglée directement. Une autre partie continue d'être couverte par des réserves, dont la libération serait compromise en cas de faillite ou de dérangement de la centrale. Quant au modèle du fonds couvrant la totalité des coûts d'évacuation, il assurerait la totalité des coûts, donc aussi ceux qui apparaissent pendant l'exploitation d'une centrale et qui sont financés par le biais du compte de fonctionnement dans le cas du premier modèle. Enfin, un modèle prévoyait un fonds ne garantissant que les coûts liés au stockage, et la constitution par ailleurs de réserves.

21

STG-Coopers & Lybrand, Sicherstellung der Kosten der Entsorgung radioaktiver Abfälle, 8 août 1997.

2614

Le modèle du fonds pouvant être sollicité dès la mise hors service d'une centrale a un avantage sur celui du fonds couvrant la totalité des coûts d'évacuation: il simplifie les mouvements de fonds. Son adoption réduirait en conséquence les frais financiers et administratifs des exploitants tout au long de la durée de fonctionnement de la centrale, désamorçant d'autant le problème du refinancement ou de l'injection dans le fonds des réserves investies en partie dans les moyens d'exploitation de la société. Au moment de la publication de l'ordonnance sur le fonds de gestion, le Conseil fédéral a rejeté le modèle qui ne garantirait que les coûts liés au stockage final. Ce modèle ferait peser sur les collectivités publiques en cas d'insolvabilité de la société exploitante un risque sensiblement accru. Il a refusé de même à l'époque de donner suite aux exigences d'une extension des garanties pour diminuer le risque d'une mise à contribution financière des collectivités publiques, par le biais notamment de l'introduction d'une possibilité d'assigner les actionnaires ou par une suspension du remboursement d'obligations ou du paiement de dividendes en cas d'insolvabilité d'une société exploitante. Une telle réglementation ne serait guère praticable ou poserait des problèmes sur le plan du droit constitutionnel.

Tous les modèles destinés à garantir les coûts d'évacuation des déchets sont assortis de la réserve selon laquelle les ressources seront insuffisantes si une centrale nucléaire est mise hors service avant terme, ou si la société d'exploitation tombe en faillite et n'est pas reprise par une autre, sauf si l'on introduit, selon le principe de la responsabilité solidaire, l'obligation de versements complémentaires imposés aux autres sociétés exploitantes, comme on l'a fait dans le fonds de désaffectation (cf.

art. 8, ordonnance sur le fonds de désaffectation; il n'existe toutefois aucune base légale pour introduire dans l'ordonnance sur le fonds de gestion l'obligation de versements complémentaires pour financer les coûts d'évacuation). Par ailleurs, quel que soit le modèle choisi, les sociétés exploitantes devront transférer progressivement au fonds, pendant un délai transitoire de plusieurs années, les réserves internes constituées par elles.

C'est pour ces motifs que l'on a choisi le même modèle
pour le projet de LENu que pour l'ordonnance sur le fonds de gestion (fonds pouvant être sollicité dès la mise hors service). A titre de sécurité supplémentaire, il est prévu, dans le cadre de la LENu, d'imposer aux autres exploitants, en cas d'incapacité de paiement du responsable initial, une obligation limitée, inspirée de la responsabilité solidaire, d'opérer des versements complémentaires (art. 79). En outre, le projet prévoit que les créances de l'exploitant vis-à-vis du fonds ne pourront être mises ni prises en gage (art.

77, al. 1), comme le fait déjà l'ordonnance sur le fonds de désaffectation (art. 7, al.

2).

Etant donné l'importance des coûts de gestion pour l'économie et leur signification politique, les experts ont proposé diverses mesures de contrôle, par la Confédération, des coûts de gestion engendrés pendant le fonctionnement des centrales (rapport, p. 40, 47). La base légale qui aurait permis de les introduire faisait défaut jusqu'ici. Ces propositions figurent également dans le présent projet (art. 81).

2615

7.3.6

Procédures

7.3.6.1

Procédure d'autorisation générale

La procédure d'autorisation générale est la phase où se règlent les questions fondamentales et politiquement importantes. Lorsque des particuliers ayant le droit de s'y opposer seront touchés par la décision, leurs arguments seront examinés dans cette phase, comme par le passé.

Le droit en vigueur prévoit que toute personne ait deux possibilités de s'opposer à l'octroi de l'autorisation générale. Elle pourra le faire une première fois lorsque la demande sera déposée avec mise à l'enquête publique. Elle disposera d'une seconde possibilité de faire opposition ou de recourir à l'issue de la consultation des cantons et des services fédéraux compétents et lorsque seront connus les résultats des rapports d'expertise. Cette procédure en deux temps n'est pas indispensable pour préserver les droits des personnes concernées. Une procédure unique d'opposition et de recours suffit. Mais cela suppose qu'elle soit ouverte seulement lorsque les expertises et les consultations sont achevées. Ainsi, les personnes intéressées auront aussi la possibilité de prendre position de manière exhaustive sur toutes les questions essentielles intervenant dans la décision.

A propos du référendum facultatif, voir message LENu, ch. 7.3.4.1.4.

7.3.6.2

Procédures d'autorisation de la construction, de l'exploitation et de la désaffectation d'installations nucléaires, des études géologiques, de la phase d'observation et de la fermeture d'un dépôt souterrain en profondeur

Selon le droit en vigueur, la construction d'une installation nucléaire, par exemple, nécessite toute une série d'autorisations et de concessions (cf. art. 4, al. 3, LEA).

Hormis celle qui relève directement de la législation atomique, il s'agit, d'une part, d'autorisations régies par le droit fédéral (loi du 22.6.1979 sur l'aménagement du territoire, RS 700; loi du 7.10.1983 sur la protection de l'environnement, RS 814.01; loi du 24.1.1991 sur la protection des eaux, RS 814.12; loi du 13.3.1964 sur le travail, RS 822.11; loi du 4.10.1991 sur la forêt, RS 921.09). Ces autorisations sont accordées en partie par les autorités fédérales et en partie par les cantons.

L'autorisation découlant de la loi sur la protection des eaux est intégrée dans l'autorisation de construire exigée par la législation nucléaire (art. 48, al. 1, LEaux).

Les autorisations et les concessions relevant du droit cantonal, quant à elles, concernent pour l'essentiel les permis de construire (installations non nucléaires), les concessions d'utilisation des droits d'eau et celles qui concernent la régale des mines ou l'utilisation du sous-sol.

Le projet prévoit une simplification et une meilleure coordination des procédures d'autorisation. De plus, il vise à fusionner les procédures d'expropriation et d'autorisation. En ce sens, il s'inspire de la loi fédérale du 18 juin 1999 sur la coordination et la simplification des procédures d'approbation des plans (message du 25.2.1998, FF 1998 2221, RO 1999 3071).

Il faut concentrer la procédure de manière à ce que le respect des différentes prescriptions fédérales et cantonales applicables puisse être apprécié en première ins2616

tance par une seule autorité. Toutes les autorisations nécessaires selon les législations tant fédérale que cantonale seront octroyées au moyen d'une décision globale.

Sont réservées l'approbation, par le canton d'accueil, donnée dans le domaine de la gestion des déchets radioactifs, ainsi que la compétence dont il dispose, de par la constitution, pour octroyer des concessions d'utilisation des droits d'eau (cf. message LENu, ch. 7.3.6.3).

Parce que les procédures décisionnelles concentrées nécessitent d'amples connaissances spécifiques du projet considéré, il faut en attribuer la compétence à l'autorité responsable de l'exécution de la procédure principale (autorité dirigeante). Dans la mesure où le Conseil fédéral n'octroiera plus les autorisations des projets (autorisation de construire et d'exploiter, désaffectation), il semble approprié de désigner le DETEC pour exercer cette fonction, compte tenu de l'importance de tels projets.

L'OFEN s'occupera de la procédure sur le fond.

Il incombera à l'autorité dirigeante de faire appel à toutes les unités administratives de la Confédération dont les champs d'activité seront touchés par le projet et qui disposent des connaissances nécessaires. Il faudra aussi éliminer les éventuelles divergences entre autorités fédérales. Si l'on ne parvient pas à un consensus, le DETEC, en qualité d'autorité dirigeante, tranchera sur tous les aspects de la demande. Si plusieurs départements sont concernés, ils se concerteront avant la décision. Les autorités cantonales qui, sans la concentration des compétences décisionnelles, auraient à octroyer elles-mêmes une autorisation découlant du droit fédéral ou cantonal, seront consultées avant la décision. Leurs préavis devront inclure ceux des autorités communales. Le DETEC décidera en s'appuyant sur ces propositions, tout en vérifiant à titre définitif l'application du droit cantonal. Il sera tenu de considérer le droit cantonal dans la mesure où celui-ci n'empêchera ni ne compliquera le projet de manière disproportionnée. Il faudra peser les intérêts en présence dans chaque cas de figure (cf. à ce sujet l'ATF 121 II 378). Cette innovation correspond à la loi fédérale sur la coordination et la simplification des procédures d'approbation des plans (p. ex. art. 18, al. 4, de la loi modifiée sur les chemins de fer, RS
742.101, art. 62, al. 4, de la loi modifiée sur l'utilisation des forces hydrauliques, RS 721.80).

La concentration des procédures devra également englober la procédure d'expropriation. En conséquence, il faudra que, dans les projets dont la réalisation pourra nécessiter une expropriation, cette procédure soit intégrée dans la procédure principale de sorte qu'il soit possible de trancher en même temps sur les oppositions ayant pour objet le droit d'expropriation ou l'octroi de l'autorisation. Dans cette solution, seules les prétentions en indemnisation seront traitées au moyen d'une procédure spécifique. La procédure combinée ne devra pas restreindre les droits dont une personne bénéficie en vertu des prescriptions de la loi sur l'expropriation (garantie de la propriété de l'art. 26 Cst., exigences à respecter dans les procédures en vertu de l'art. 6, al. 1, CEDH). Par conséquent, la loi du 20 juin 1930 sur l'expropriation (LEx, RS 711) s'appliquera aussi à la procédure combinée proposée ici, sauf dispositions contraires de la LENu.

La concentration des procédures permettra, abstraction faite des exceptions mentionnées au ch. 1.3.6.3, d'effectuer en une seule opération une pesée générale des avantages et des inconvénients d'un projet. Par ailleurs, une décision globale aura pour effet de n'impliquer, en cas de contestation, qu'une seule instance de recours.

Cela évitera les doublons et les décisions contradictoires dans les procédures de recours.

2617

Selon le droit en vigueur, le Conseil fédéral peut, au besoin, transférer le droit d'expropriation à des tiers (art. 10, al. 4, AF/LEA). Déjà dans son message du 19 janvier 1994 sur la révision partielle de la loi sur l'énergie atomique et de l'arrêté fédéral y relatif (FF 1994 I 1341), le Conseil fédéral avait proposé, s'agissant de l'évacuation des déchets radioactifs, de simplifier la procédure, mais aussi d'accorder un droit légal d'expropriation à l'initiateur d'un projet à qui une autorisation a été octroyée. Cette partie du projet avait, à l'époque, été abandonnée pour diverses raisons (cf. message initiatives, ch. 2.4.3.1). Le présent projet de LENu prévoit un droit d'expropriation légal en particulier pour les requérants qui veulent construire et exploiter une installation nucléaire (art. 50). Depuis l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la coordination et la simplification des procédures d'approbation des plans, il y a un droit d'expropriation légal dans la plupart des grands projets régis par le droit fédéral. Cela se justifie aussi pour les centrales nucléaires, dont le site doit répondre à des exigences multiples et variées.

7.3.6.3

Consentement du canton d'accueil à l'évacuation des déchets radioactifs, réserve sur l'octroi de la concession d'utilisation des droits d'eau

D'après le projet de LENu, la procédure applicable aux recherches géologiques spécifiques et à l'octroi d'une autorisation générale, d'une autorisation de construire ou d'une autorisation de refermer un dépôt souterrain en profondeur pour déchets radioactifs s'écarte du modèle de la consultation. Certes, ici encore, il y a lieu de fondre les procédures et de faire en sorte qu'une seule autorité (DETEC) évalue, en rendant sa décision, le respect des diverses prescriptions légales fédérales et cantonales. Cependant, l'autorisation générale nécessaire au préalable ne sera octroyée que si le canton d'accueil a donné son aval à l'utilisation de son sous-sol (art. 43, al.

1). Cette dérogation se justifie par l'enjeu qu'un tel dépôt représente pour la région pendant une période prolongée. Il ne doit donc pas être réalisé sans l'approbation du canton d'accueil. Une seconde exception concerne certaines études géologiques (construction de galeries de sondage et de puits). L'autorisation ad hoc requiert aussi que le canton accepte que son sous-sol soit utilisé à cette fin (art. 48, al. 4). Enfin, une autorisation est également requise pour la fermeture d'un dépôt (art. 38, al. 2, let. b).

Les attributions accordées aux cantons par la Constitution sont normalement réservées dans un autre secteur sensible, celui de l'utilisation des droits d'eau. Cela signifie que l'utilisation d'un cours d'eau pour refroidir une centrale nucléaire relève de la législation sur les eaux et nécessite une concession du canton, alors même que la construction et l'exploitation du système de refroidissement sont subordonnées à la législation fédérale sur l'énergie nucléaire (Jagmetti, in «Commentaire Cst., art.

24quinquies N. 18»). Pour éviter toute équivoque, il faut donc préciser dans la LENu que l'octroi de l'autorisation générale présuppose celui de la concession de l'utilisation des droits d'eau (art. 43, al. 2, une telle concession s'impose en particulier pour l'exploitation de centrales nucléaires). Mais la coordination des procédures de décision aura pour effet de rendre superflues toutes les autres autorisations ou concessions cantonales et communales.

2618

Abstraction faite de telles exceptions à la coordination des procédures (autorisation générale, décision de fermer un dépôt souterrain en profondeur), il sera possible de saisir la commission de recours du DETEC, dès lors que la décision globale sera prise par lui.

7.3.6.4

Voies de droit

Le recours contre la décision de l'autorité de première instance comprend deux phases. Il est prévu que la première instance de recours soit une commission de recours indépendante de l'administration, dotée de la pleine cognition (commission de recours du DETEC, cf. art. 75; la décision relative à l'autorisation générale délivrée par le Conseil fédéral, nécessitant l'approbation de l'Assemblée fédérale, constituera l'exception). Les décisions des autorités mentionnées à l'art. 75 devront pouvoir être attaquées devant la commission de recours, puis devant le Tribunal fédéral. Abstraction faite de la décision relative à l'autorisation générale, la possibilité de recourir au Tribunal fédéral ne s'appliquera pas aux décisions qui posent pour l'essentiel des questions politiques ou techniques, ou qui exigent une procédure rapide. Cela nécessitera une adaptation du catalogue des exceptions de l'OJ (cf.

message LENu, ch. 8.6.7).

7.3.7

Autorités de surveillance de la sécurité

L'autorité de surveillance de la sécurité nucléaire et de la radioprotection dans les installations nucléaires est la Division principale de la sécurité des installations nucléaires (DSN), dont l'activité est régie par l'ordonnance du 14 mars 1983 sur la surveillance des installations nucléaires (RS 732.22). Les directives de la DSN indiquent comment elle doit exécuter son mandat légal; elles renseignent du même coup les initiateurs de projets et les exploitants sur les critères appliqués par les autorités compétentes pour apprécier les demandes et assumer la surveillance. Il en existe une trentaine à ce jour (qui concernent p. ex. les prescriptions sur la construction d'installations nucléaires, la protection des personnes contre les rayonnements ionisants, l'organisation et le personnel, les systèmes d'alarme aux alentours des centrales nucléaires, le conditionnement, l'entreposage et le stockage final des déchets radioactifs). La DSN rédige également, pour le Conseil fédéral, des rapports d'expertise sur les demandes présentées par les auteurs de projets et les exploitants de centrales. Elle suit la construction et la mise en service d'installations nucléaires nouvelles ou modifiées et elle vérifie en particulier si toutes les conditions et les charges ont été respectées. Les différentes phases des travaux ne sont entreprises qu'une fois que le permis d'exécution de la DSN a été obtenu (cf. message LENu, ch. 7.3.4.2). Grâce à des inspections et aux rapports fournis par les exploitants, la DSN est continuellement informée du niveau de sécurité des installations nucléaires, du respect des prescriptions et de la conduite de l'exploitation. Ces tâches qu'assume déjà la DSN ont leur place dans la nouvelle loi.

L'autorité de surveillance dans les domaines de la non-prolifération et de la sûreté (cf. message LENu, ch. 7.3.2 et 8.2.2, commentaire de l'al. 3) est la Section Energie nucléaire de l'OFEN. Ce qui vient d'être dit de la DSN s'applique à elle par analogie.

2619

De son côté, la Commission fédérale de la sécurité des installations nucléaires (CSA) est un organe consultatif du Conseil fédéral et du DETEC. L'ordonnance du 14 mars 1983 concernant cette commission (RS 732.21) en précise le statut, les tâches, l'organisation et le mode de travail. La CSA étudie les questions fondamentales de la sécurité nucléaire et se tient informée des recherches effectuées dans ce domaine. Elle se prononce également sur les demandes d'autorisation, en évaluant notamment les rapports d'expertise établis par la DSN et d'autres services fédéraux.

Comme la DSN, la CSA suit l'exploitation des installations nucléaires en Suisse et à l'étranger et propose des mesures de nature à renforcer la sécurité. Elle donne aussi son avis sur l'adoption de prescriptions. Sa tâche consiste essentiellement à donner un second avis, indépendant de celui de la DSN.

Un projet de consultation relatif à une agence nationale pour la sécurité technique, qui engloberait notamment une DSN détachée de l'OFEN, est en préparation. Cette agence pourrait constituer un établissement fédéral autonome de droit public et réunir différents services fédéraux chargés de surveiller la sécurité. Il semble à l'heure actuelle qu'elle ne pourra pas entrer en fonction avant 2003.

8

Partie spéciale: commentaire des dispositions isolées

8.1

Dispositions générales

8.1.1

Objet et but (art. 1)

A l'instar de l'actuelle loi sur l'énergie atomique, la nouvelle loi poursuit surtout des objectifs de sécurité. La priorité suprême est de protéger l'être humain et l'environnement de tous les dangers liés à l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Il s'agit pour l'essentiel des dangers des rayons ionisants et de la prolifération d'armes nucléaires (non-prolifération). Elle maintient l'option de l'énergie nucléaire, sans pour autant en promouvoir l'utilisation, sauf pour ce qui est de la recherche. La promotion peut se faire notamment dans les domaines de la sécurité des installations nucléaires et de la gestion des déchets radioactifs, ainsi que par le soutien apporté à la formation de spécialistes (cf. art. 85).

8.1.2

Champ d'application (art. 2)

Les termes «articles nucléaires», «installations nucléaires» et «déchets radioactifs» mentionnés à l'al.1 sont définis à l'art. 3.

Sur le fond, l'al. 2 correspond à l'art. 1, al. 4, de l'actuelle LEA. Le Conseil fédéral a fait usage de cette compétence dans les art. 1, 2 et 4 OA. Par articles nucléaires ne servant pas à l'utilisation de l'énergie nucléaire, on entend par exemple les matières brutes ne servant pas à la production d'énergie telles que celles qui sont utilisées pour des analyses, pour des écrans protecteurs ou pour la fabrication de produits industriels ainsi que ces produits eux-mêmes (art. 1, al. 2, let. b, OA). Selon leur effet radiologique, ils sont aussi considérés comme des articles nucléaires à faible rayonnement (let. c). Quant aux installations nucléaires dans lesquelles les matières nucléaires et les déchets radioactifs se trouvent en quantités modestes ou ne présentent pas de danger (let. b), ce seront par exemple des installations renfermant des matières brutes dont il est prouvé que leur état physico-chimique et les conditions 2620

d'exploitation auxquelles elles sont soumises excluent une réaction en chaîne autoentretenue (art. 4, let. b, OA).

L'al. 3 établit le lien avec la loi sur la radioprotection, par rapport à laquelle la LENu est une loi spéciale. Lorsque la LENu ne renferme pas de dispositions spécifiques, c'est la loi sur la radioprotection qui est applicable (cf. aussi l'art. 2, al. 3, LRaP). A titre d'exemple, on peut citer les art. 11 ss (Protection des personnes exposées aux radiations) et 22 (Protection en cas d'urgence) de la LRaP, qui peuvent jouer un rôle lors de l'octroi d'une autorisation d'exploiter des installations nucléaires.

L'utilisation de l'énergie nucléaire requiert encore l'observation des lois ou articles suivants (cf. aussi message LENu, ch. 7.2.6.2): ­

la loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire (LRCN), qui règle la responsabilité civile et l'assurance appliquées à l'utilisation de l'énergie nucléaire;

­

l'art. 3, al. 2, de la loi sur la protection de l'environnement, qui précise que le domaine des substances radioactives et des rayons ionisants relève de la législation sur la radioprotection et l'énergie atomique. Cela concerne aussi les retombées radiologiques de l'énergie nucléaire. En revanche, la loi sur la protection de l'environnement reste déterminante s'agissant des effets écologiques de l'utilisation de l'énergie nucléaire;

­

les lois sur l'énergie et sur le CO2, qui sont les pivots de la future politique énergétique dans la perspective du développement durable.

8.1.3

Définitions (art. 3)

La phase d'observation (let. a) permet la surveillance et le contrôle d'un dépôt souterrain en profondeur, en attendant sa fermeture. Pendant une durée prolongée, les galeries ou puits d'accès au dépôt ainsi que les locaux de surveillance resteront accessibles et autoriseront le contrôle du comportement des barrières techniques et des déchets. C'est une période pendant laquelle on pourra récupérer les déchets radioactifs sans avoir à déployer d'efforts démesurés aux plans technique et financier. Au terme de cette phase, le dépôt sera fermé.

L'évacuation (let. b) comprend le conditionnement, l'entreposage et le stockage des déchets radioactifs dans un dépôt souterrain en profondeur. Le conditionnement consiste à donner aux déchets radioactifs une forme permettant de les entreposer ou de les stocker dans un dépôt souterrain en profondeur, par exemple par confinement dans un manteau de béton. On appelle stockage intermédiaire tout stockage effectué dans l'intention d'amener ultérieurement les déchets à un autre stade de la gestion ou de les acheminer vers un dépôt souterrain en profondeur. Le combustible usé et les déchets hautement radioactifs produits par le retraitement nécessiteront un entreposage de plusieurs dizaines d'années à cause de leur forte production de chaleur; l'entreposage prolongé du combustible usé et des déchets radioactifs pourra s'imposer si l'on ne dispose pas encore des installations de gestion nécessaires.

Le but d'un dépôt souterrain en profondeur (let. c) est le stockage final des déchets radioactifs (cf. message LENu, ch. 7.3.5.2). La sécurité en sera assurée par une série de barrières naturelles et techniques isolant les déchets de la biosphère. L'intention

2621

est de fermer le dépôt, le moment venu. La surveillance durable ne sera alors plus requise parce que les barrières passives assureront seules la sécurité. Jusqu'à la fermeture, les déchets entreposés seront récupérables sans grandes complications. Ils pourront encore être retirés ultérieurement, mais au prix d'un effort technique et financier accru.

Les installations nucléaires (let. d) sont essentiellement les réacteurs nucléaires (également des réacteurs de recherche, p. ex. les réacteurs de fusion), les dépôts de combustible, les installations de fabrication et d'enrichissement ainsi que les dépôts intermédiaires et souterrains en profondeur pour le combustible usé et les déchets radioactifs. On ne considère pas comme telle, p. ex., la source de neutrons de spallation (SINQ) de l'Institut Paul-Scherrer à Villigen/Würenlingen (AG), laquelle n'est pas destinée à la production d'énergie nucléaire. Les neutrons produits à l'aide d'un faisceau de protons y sont certes libérés par la fragmentation (spallation) de noyaux d'atomes lourds. Cependant, les matières utilisées à cet effet (p. ex. le zirconium) ne sont pas des matières nucléaires classiques, c'est-à-dire des combustibles nucléaires pouvant être employés dans des réacteurs à fission. On ne considère pas non plus comme des installations nucléaires les autres accélérateurs dans lesquels il n'est pas fait usage de matière fissile. Conformément au droit en vigueur (art. 1, al. 2, let. b, OA), les installations dans lesquelles des matières nucléaires sont utilisées comme écrans protecteurs sont appelées installations nucléaires mais elles ne tombent pas dans le champ d'application de la loi si les matières nucléaires qui y sont utilisées figurent au catalogue des exceptions. En revanche, l'accélérateur («amplificateur d'énergie») proposé par le professeur Carlo Rubbia, prix Nobel de physique, devrait être considéré comme une installation nucléaire. En effet, il servirait à utiliser l'énergie nucléaire, consommerait des matières nucléaires classiques (du thorium et un mélange d'uranium) et produirait des déchets radioactifs. Quant aux dépôts intermédiaires et aux dépôts souterrains en profondeur, ce sont des installations nucléaires lorsque les matériaux qui y sont déposés sont régis par l'art. 2, al. 1, let. c, LENu ou que des assemblages combustibles
usés y sont stockés. Les entreprises industrielles, les hôpitaux ou les universités où des déchets radioactifs sont produits ou stockés ne sont pas des installations nucléaires. Ce terme s'applique en revanche aux universités dotées d'un réacteur de recherche, qui sont régies par la LENu, même si le but principal du réacteur n'est pas la production d'énergie. Il en va de même des édifices, installations et parties de celles-ci qui concourent techniquement au fonctionnement de l'installation nucléaire et pour lesquels la sécurité et la sûreté nucléaires sont importantes. Une centrale nucléaire qui a cessé son exploitation et dont le combustible et les déchets radioactifs transportables ont été évacués demeure une installation nucléaire aussi longtemps qu'elle présente des parties radioactives ou contaminées et qu'elle continue à devoir être surveillée en vertu de la législation sur l'énergie nucléaire (cf. art. 29, al. 1).

L'énergie nucléaire (let. e) a le même sens que dans le droit en vigueur (art. 1, al. 1, LEA). Cela englobe également l'énergie de fusion, mais pas l'énergie libérée par la fission spontanée de substances radioactives.

Les matières nucléaires (let. f) forment une sous-catégorie des articles nucléaires (let. g). Des substances pouvant entrer dans un processus de fusion nucléaire pour produire de l'énergie (p. ex. le deutérium, le tritium et l'hydrogène) ne sont pas pour autant des matières nucléaires. Ces substances radioactives relèvent de la loi sur la radioprotection. Par ailleurs, la let. f englobe des matières qui renferment des processus de fission nucléaire, mais dont le but premier n'est pas de produire de 2622

l'énergie (utilisation dans des réacteurs de recherche). La notion de matières nucléaires rejoint celle de «combustibles nucléaires» figurant dans la loi sur l'énergie atomique (art. 1) et la définition qu'en donne l'AIEA («Nuclear Material»). Cette terminologie ne correspond pas à celle de la LRCN, laquelle se fonde sur des conventions internationales sur la RC en matière nucléaire et sur la terminologie correspondante. Une telle hétérogénéité est certes gênante, mais inévitable. Le thème de la non-prolifération oblige en effet à reprendre dans la LENu la définition de l'AIEA.

Le terme articles nucléaires (let. g) est un nouveau terme générique s'appliquant à l'ensemble des biens pour lesquels l'obligation de requérir une autorisation existe ou peut être instaurée. Le ch. 1 est décrit plus en détail à la let. f. Les ch. 2 et 3 correspondent aux biens décrits à l'art. 4, al. 2, LEA, et aux art. 12, al. 1, et 14, al. 1, OA comme étant soumis au régime de l'autorisation. Les biens en question sont énumérés dans une liste complète annexée à l'OA. Cette annexe correspond aux accords sur les exportations nucléaires élaborés par des organes internationaux de contrôle (en particulier par le groupe des pays fournisseurs nucléaires, cf. message LENu, ch. 8.3.3.1). Si ces accords n'ont aucun caractère de droit public, les Etats membres s'engagent néanmoins à les appliquer de manière autonome dans le cadre de leur législation nationale.

Les déchets radioactifs (let. h) sont définis comme dans l'ordonnance sur la radioprotection (annexe 1). Ils proviennent essentiellement des installations nucléaires, mais également de la médecine, de l'industrie et de la recherche (les déchets de ces trois secteurs, appelés déchets MIR, représentent, en volume, 15 % de l'ensemble des déchets radioactifs). Les propriétés des déchets radioactifs ne dépendent pas de leur source. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire, a priori, de traiter les déchets MIR autrement que ceux des centrales nucléaires. Cependant, il ne serait pas judicieux non plus de soumettre à la LENu tous les déchets radioactifs. Cette loi englobe les déchets résultant de l'utilisation de l'énergie nucléaire parce qu'ils représentent généralement un plus grand danger potentiel que les déchets MIR. En conséquence, ces derniers ne doivent être soumis à la LENu
qu'au moment de leur collecte par la Confédération ou par l'Institut Paul-Scherrer de Villigen/Würenlingen. Auparavant, ils sont régis par la loi sur la radioprotection.

Le sens donné au terme de manipulation (let. i) découle de la mise en oeuvre du protocole additionnel à la convention avec l'AIEA sur les mesures de contrôle (cf.

message LENu, ch. 8.3.1).

La description du courtage (let. j) s'appuie sur le droit en vigueur (art. 1, al. 2bis, LEA). On entend par courtage les activités commerciales mettant en jeu des articles nucléaires et des déchets radioactifs livrés d'un pays A à un pays B. En général, la marchandise ne touche pas le sol suisse. Les activités du courtier peuvent consister à créer les conditions nécessaires à la conclusion du contrat (ch. 1). A cet effet, il établit les contacts entre les futures parties, les fait se rencontrer, prend part aux négociations ou fournit une autre contribution importante pour la réussite de la transaction. Quelquefois il organise également, dans le cadre de ses activités, le financement de la transaction nucléaire; en revanche, le seul fait de financer la transaction ou d'en opérer le paiement n'est pas considéré comme une activité de courtage. Un courtier peut aussi être celui qui passe contrat de livraison d'articles nucléaires ou de déchets radioactifs, livraison effectuée par un tiers (ch. 2), fût-ce une société mère ou une filiale. De tels services du courtage sont régis par la loi, indépendamment du lieu où se trouve l'objet de la transaction. Mais les opérations essentielles du courtier doivent se dérouler au moins partiellement sur le territoire 2623

suisse. Le ch. 3 précise la définition connue. Il en ressort que le courtage désigne également l'achat à l'étranger, suivi de la revente à un destinataire à l'étranger également. On trouvera une précision de même nature dans le message du 24 mai 2000 à l'appui de la loi fédérale relative à la coordination de la législation sur les armes, sur le matériel de guerre, sur les explosifs et sur le contrôle des biens (FF 2000 3151 et 3174). Jusqu'ici, la manutention de déchets radioactifs était réglée par la loi sur la radioprotection. Il manquait donc une base juridique régissant le courtage de ces déchets. Désormais, leur manipulation sera régie dans son principe par la LENu; pour les déchets produits par les activités de la médecine, de l'industrie et dans la recherche, cela s'appliquera à partir du moment de leur remise à la Confédération (cf. art. 2, al. 1, let. c, ch. 2). C'est l'occasion d'étendre à de tels déchets radioactifs le champ d'application des prescriptions sur le courtage.

8.2

Principes de la sécurité nucléaire

8.2.1

Principes applicables à l'utilisation de l'énergie nucléaire (art. 4)

Comme l'indique leur formulation, les principes, mais aussi les mesures de protection (art. 5) s'appliquent surtout aux installations nucléaires. Mais ils s'appliquent aussi aux articles nucléaires et aux déchets radioactifs.

L'être humain et l'environnement sont exposés à des phénomènes radiologiques autres que ceux des installations nucléaires (en particulier au rayonnement naturel).

Il ressort de l'al.1, associé à l'art. 1, que les installations nucléaires ne doivent accroître que dans une mesure limitée la charge radiologique préexistante. Les limites admissibles de la radiation et du rejet de substances radioactives figurent dans la législation sur la radioprotection et dans l'autorisation d'exploiter. L'al. 1 consacre encore le principe de prévention, fondamental pour la protection de l'homme et de l'environnement. Ce principe veut que des mesures soient prises pour prévenir la libération inadmissible de substances radioactives et l'irradiation inadmissible de personnes, aussi bien dans l'exploitation normale qu'en cas de dérangement.

L'al. 2 décrit l'ampleur des mesures préventives: En vertu de la let. a, il faudra mettre en oeuvre, en tout temps et indépendamment des considérations financières, les mesures nécessaires pour assurer la protection de l'homme et de l'environnement. L'étendue de ces mesures sera déterminée par l'expérience et l'état de la science et de la technique. Une mesure devra alors être prise même si l'un seulement de ces deux critères (expérience ou état de la science) les fait apparaître comme indiquées. Il est bien entendu impossible de maintenir absolument les installations existantes au niveau le plus récent. Il faudra donc les rééquiper dans la mesure où l'exigeront l'expérience ainsi que l'état de la technique de rééquipement et au-delà, pour autant que cela réduise encore le risque tout en restant raisonnable (art. 22, al. 2, let. g). Quant aux futures centrales nucléaires, elles devront en tous cas être construites conformément à l'état de la science et de la technique. On développe aujourd'hui des réacteurs qui ne requièrent, en cas d'accident dû à la fusion du coeur, que des mesures de protection limitées en dehors du périmètre de l'installation (p. ex. le réacteur européen à eau pressurisée REP).

2624

Selon la let. b, il y aura lieu, en outre, de contribuer à réduire encore le risque, conformément au principe dit ALARA (As Low As Reasonably Achievable) appliqué en matière de radioprotection, mais toujours dans la mesure où l'effort se situe dans des proportions raisonnables, compte tenu du gain de sécurité réalisable et des autres aspects, y compris financiers.

8.2.2

Mesures de protection (art. 5)

Cet article énonce les mesures permettant d'atteindre les objectifs de sécurité au sens de l'art. 4.

L'al. 1 mentionne à titre d'exemple les principales mesures permettant de garantir la sécurité. Celles-ci obéissent aux principes reconnus sur le plan international, tels que ceux qui sont énumérés dans les «Safety Series» de l'AIEA. Autant que possible, les systèmes de réacteurs devront être choisis et conçus de manière à ce que des dérangements ne surviennent pas ou qu'ils se corrigent d'eux-mêmes (techniques présentant des caractéristiques prononcées de sécurité passive et inhérente). Cela nécessitera une conception sûre et une bonne exécution. Il faudra mettre en place des systèmes de sécurité appropriés, offrant une grande fiabilité. La défaillance d'une mesure devra être neutralisée par le fonctionnement d'une autre. Les substances radioactives seront maintenues isolées de l'environnement par plusieurs barrières, de sorte qu'en cas de défaillance de l'une ou l'autre de ces barrières aucune émission radioactive ne se produise (principe des barrières multiples). Quant au système de sécurité dans son ensemble, il devra répondre à ce qu'on en attend même si un défaut isolé y apparaît indépendamment de l'événement qui est à l'origine de la défaillance (principe de la redondance). Les composants ou éléments d'installation redondants ne pourront être mis tous hors d'état de servir à cause d'un seul événement. A cet effet, ils seront séparés tant dans leur fonctionnement que dans l'espace (principe de la séparation).

Enfin leur réalisation devra différer (principe de la diversification). Aussi bien les systèmes d'exploitation que ceux de sécurité seront automatisés de sorte qu'en cas de dérangement pris en compte pour le dimensionnement le personnel n'ait à prendre aucune mesure de sécurité pendant un certain temps à compter du début du dérangement. Par ailleurs, l'installation nucléaire devra disposer d'une bonne organisation et d'un personnel qualifié, au bénéfice d'une formation lui permettant de l'exploiter en conditions normales et en cas de dérangement. La sécurité de l'exploitation repose largement sur la prise de conscience, par le personnel, des questions qu'elle pose; pour le reste, les mesures de protection à mettre en oeuvre dans le cas d'espèce dépendent du type d'installation.
Les mesures de sécurité d'urgence évoquées à l'al. 2 varient également en fonction du type d'installation et du danger potentiel. L'art. 22 de la loi sur la radioprotection fixe les mesures requises.

Les mesures de sûreté visées à l'al. 3 sont nécessaires pour éviter que les dispositifs de sécurité mis en place dans des installations nucléaires ne soient dérangés par l'intervention illicite de tiers (sabotage). Il s'agira également d'empêcher le vol de matières nucléaires. C'est nécessaire du point de vue tant de la sécurité nucléaire que de la non-prolifération des armes atomiques. Dans les installations nucléaires, les mesures de sûreté relevant de la construction devront être examinées dans le cadre de l'autorisation de construire. Quant aux mesures techniques, personnelles et organisationnelles (p. ex. l'équipe de surveillance, cf. art. 23), l'exploitant sera tenu 2625

de les mettre en oeuvre et de les assurer durant toute la période d'exploitation et parfois plus tard encore. Des mesures de sûreté doivent aussi être prises lors du transport de matières nucléaires.

La définition des mesures de protection se réfère avant tout aux installations nucléaires. Mais ces mesures s'appliquent aussi aux articles nucléaires et aux déchets radioactifs qui se trouveraient à l'intérieur d'une telle installation. En dehors d'elles, ce sont généralement les prescriptions relatives au transport de marchandises dangereuses et la législation sur la radioprotection qui prévalent (cf. message LENu, ch.

8.3.2).

A l'heure actuelle, les principes de sécurité sont concrétisés pour l'essentiel dans les directives de la DSN. Celles-ci présentent, à l'intention des concepteurs et des exploitants, les critères selon lesquels les autorités compétentes évaluent leurs demandes et exécutent la surveillance. Il en va de même dans le domaine de la sûreté, dont la responsabilité incombe à la section Energie nucléaire de l'OFEN.

8.3

Articles nucléaires

8.3.1

Régime de l'autorisation (art. 6)

Les autorisations requises en vertu de l'al. 1 servent les intérêts de la sécurité nucléaire (radioprotection, obstacle à toute réaction en chaîne) et du contrôle des matières fissiles requis pour des questions de non-prolifération; elles visent aussi à garantir le respect de l'obligation de contracter une assurance, en application de la loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire. La manipulation de matières nucléaires dans l'installation est couverte par l'autorisation d'exploiter (art. 19 ss).

L'al. 2 sert les intérêts de la non-prolifération des armes nucléaires et correspond à l'art. 4, al. 2, de l'actuelle loi sur l'énergie atomique. Au contraire de l'al. 1, il n'instaure pas l'obligation d'obtenir une autorisation. La raison en est que l'on peut déterminer les matières nucléaires régies par l'al. 1 plus facilement que les articles au sens de l'al. 2. Ainsi le terme «peut», c'est-à-dire la marge d'interprétation du Conseil fédéral, fait allusion au choix des articles devant être soumis au régime de l'autorisation, énumérés dans les longues listes internationales de contrôle des exportations. Ces listes sont périodiquement révisées, et la Suisse les reprend dans sa législation (cf. message LENu, ch. 7.3.3.1).

Selon la LEA actuelle, la possibilité de procéder à des contrôles dans le domaine des articles nucléaires implique une activité soumise à autorisation. Mais le protocole additionnel à la convention passée avec l'AIEA sur les mesures de contrôle (cf.

message LENu, ch. 11.1) étend cette possibilité aux entreprises dont les activités se rattachent à l'utilisation de composants industriels du cycle du combustible, en particulier aux fournisseurs qui s'adressent à des entreprises exportatrices. Or la recherche sur ces composants, leur développement, leur production et leur stockage sont des activités non soumises à autorisation. La législation en vigueur ne suffit donc pas pour assurer les contrôles exigés par nos engagements internationaux; il faut l'étendre à la recherche, au développement, à la production et au stockage.

Etant donné l'état actuel desdits engagements, il n'est pas nécessaire qu'une future ordonnance relative à la LENu déclare ces activités soumises à autorisation. Il suffira de les soumettre au régime de la notification. Cela permettra d'appliquer les mesures de contrôle désignées dans le protocole additionnel (en particulier l'accès 2626

aux documents, qqf. la pose de dispositifs de surveillance; cf. art. 72). Comme on l'a dit dans le message LENu, ch. 7.3.3.1, la concrétisation du protocole additionnel passera par la révision de la législation sur le contrôle des biens. L'art. 6, al. 2, LENu doit néanmoins être maintenu comme base légale. Le contrôle des matières nucléaires (et des déchets radioactifs, cf. art. 33, al. 1) doit rester fondé sur cette loi.

Au surplus, la tendance est à l'extension des contrôles de non-prolifération, par suite de divers événements tels que les efforts entrepris par l'Irak pour mettre sur pied un programme d'armement nucléaire, découverts après la guerre du Golfe. Il n'est pas exclu que les organes internationaux de contrôle désignent à l'avenir d'autres articles encore dont le contrôle ne saurait relever de la loi sur le contrôle des biens.

8.3.2

Conditions d'octroi de l'autorisation (art. 7)

Les conditions énoncées à l'al. 1 s'appliquent à toutes les autorisations inscrites à l'art. 6. Comme dans tout le domaine de l'énergie nucléaire, le mot d'ordre de la manipulation d'articles nucléaires est protéger l'homme et l'environnement. La sécurité nucléaire (let. a) s'apprécie avant tout en fonction de la législation sur la radioprotection et des prescriptions nationales et internationales régissant les transports. Ces prescriptions sont au nombre de deux: l'ordonnance relative au transport des marchandises dangereuses par chemin de fer (RSD, RS 742.401.6), qui concrétise dans le droit suisse, pour les transports internationaux, les prescriptions de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires (COTIF, RS 0.742.403.1); et l'ordonnance relative au transport des marchandises dangereuses par route (SDR, RS 741.621, avec renvoi à la disposition de l'accord européen du 30.9.1957 relatif au transport international des marchandises dangereuses par route, ADR, RS 0.741.621, annexes A + B). S'y ajoutent les dispositions relatives aux marchandises dangereuses pour d'autres modes de transport. Le critère de la nonprolifération des armes nucléaires (let. b) permet, si nécessaire, de refuser l'autorisation même en l'absence d'engagements contraignants à l'échelon du droit public international. Il permet en particulier d'appliquer les décisions d'organismes internationaux de contrôle concernant les exportations sensibles. La couverture de l'assurance responsabilité civile (let. c) découle des art. 11 et suivants de la LRCN.

La let. d reprend la formulation de l'art. 5, al. 1, LEA. Les engagements internationaux découlent d'accords dont les normes sont directement applicables. Par sécurité extérieure de la Suisse, on entend en particulier les aspects militaires, par exemple l'atteinte portée à des équipements militaires par des projets de dépôts souterrains en profondeur. La let. e reprend également le droit actuel (art. 5, al. 2, LEA).

8.3.3

Mesures prises, dans des cas d'espèce, à l'encontre de certains pays destinataires spécifiques; exceptions au régime de l'autorisation (art. 8)

Dans l'intérêt de la non-prolifération des armes nucléaires, l'al. 1 permet d'interdire, comme c'est le cas actuellement (art. 8, al. 2, LEA), par exemple l'exportation de certains articles sans devoir préalablement les soumettre au régime de l'autorisation.

Cela s'est parfois révélé nécessaire dans le passé.

L'al. 2 donne au Conseil fédéral la compétence de décréter un embargo général, indépendamment de demandes concrètes d'autorisation. Cela peut être nécessaire 2627

lorsque la Suisse veut adhérer à un embargo décidé par la communauté internationale. Cette disposition correspond à l'art. 25 de la loi sur le matériel de guerre et à l'art. 8, al. 1, de la loi sur le contrôle des marchandises.

L'al. 3 permet de prévoir des facilités et des dérogations au régime de l'autorisation.

Cela peut être envisagé en particulier pour les livraisons à destination de pays signataires de traités internationaux de non-prolifération ou qui participent à des mesures de contrôle soutenues par la Suisse. De telles facilités sont également prévues par la loi (art. 8) et par l'ordonnance (art. 13 et annexe 4) sur le contrôle des marchandises.

8.3.4

Retraitement et exportation à des fins de retraitement (art. 9)

Cette disposition interdit tout à la fois de retraiter en Suisse le combustible usé et de le transporter à l'étranger pour retraitement (cf. message LENu, ch. 7.3.3.2). Les contrats actuels pourront néanmoins être honorés (art. 104, al. 4). Pour l'heure, il n'existe pas d'installation de retraitement dans notre pays. Une partie du combustible usé dans les centrales nucléaires suisses est retraitée en France et en GrandeBretagne. En lieu et place du retraitement des assemblages usés et du stockage des déchets produits par l'opération, certains pays envisagent l'évacuation sans retraitement (p. ex. les USA, la Suède, la Finlande et depuis peu, l'Allemagne). Le retraitement suscite des appréciations diverses quant à la sécurité, à la protection contre les radiations, aux risques du transport, au volume des déchets, à l'utilisation parcimonieuse des ressources et à la rentabilité. La controverse se développe aussi à l'échelle européenne (OSPAR, cf. message LENu, ch. 7.3.3.2). On reproche surtout au retraitement de produire du plutonium, d'exiger des transports supplémentaires et de rejeter des substances radioactives dans l'eau et dans l'air, même si les valeurs limites fixées par la loi et les autorités ne sont pas dépassées. De plus, l'opération est étroitement liée à la technologie des surgénérateurs, dont le développement n'est plus sérieusement envisagé, du moins en Europe. Voilà pourquoi il faut interdire le retraitement et l'exportation de déchets radioactifs à cette fin.

Selon l'al. 1, les assemblages combustibles usés doivent être évacués comme déchets radioactifs. Cela veut dire qu'ils seront stockés provisoirement pendant une assez longue période pour refroidir, puis préparés (conditionnés) éventuellement dans une entreprise étrangère en vue du stockage en profondeur et retournés à la Suisse. L'interdiction du retraitement frapperait également les assemblages combustibles utilisés dans des centrales nucléaires suisses mais appartenant à des tiers (leasing). Une disposition contractuelle s'écartant de l'interdiction serait sans effet, car celle-ci relève du droit public et par conséquent, elle prime les accords de droit privé. Une dérogation reviendrait pratiquement à annuler l'interdiction. Selon l'al.

2, le Conseil fédéral peut bel et bien prévoir des exceptions. Cela concerne avant tout
la recherche internationale sur la transmutation, c'est-à-dire la transformation de déchets fortement radioactifs de longue durée en déchets de moins longue durée. Par ailleurs, si cette exception n'était pas prévue, la recherche sur le réacteur du Pr Rubbia (cf. message LENu, ch. 8.1.3, commentaire de la let. d) serait entravée. Enfin l'exception facilite les études du combustible dans le domaine de la sécurité, qui se poursuivent en particulier à l'IPS.

2628

8.3.5

Transport aérien de matières nucléaires contenant du plutonium (art. 10)

L'interdiction concernerait essentiellement le transport aérien de combustible MOX (cf. message LENu, ch. 7.3.3.3). Elle éviterait le risque d'une irradiation consécutive à la chute d'un avion sur sol suisse avec à son bord des assemblages combustibles contenant du plutonium. L'importation d'assemblages MOX par la route ou par le rail resterait possible. Cela permettrait de réutiliser le plutonium obtenu par le retraitement d'assemblages combustibles suisses pendant le délai transitoire, et peutêtre une faible partie du plutonium obtenu par suite du désarmement nucléaire.

8.3.6

Déclaration et enregistrement obligatoires (art. 11)

Cette disposition sert à faciliter le contrôle par l'autorité et l'accomplissement de nos engagements internationaux (art. 7 du traité du 6.9.1978 entre la Confédération suisse et l'AIEA sur l'application de mesures de sûreté dans le cadre de l'accord de non-prolifération, cf. message LENu, ch. 11.1). La déclaration obligatoire s'applique également aux transports d'assemblages combustibles usés, où des contaminations sont apparues ces dernières années (cf. message LENu, ch. 7.3.3.2).

8.4

Installations nucléaires

8.4.1

Autorisation générale

L'autorisation générale règle les questions de principe, politiquement importantes (p. ex. le site, la démonstration de l'évacuation). Elle est la condition sine qua non de l'octroi des autres autorisations.

8.4.1.1

Régime de l'autorisation générale (art. 12)

En vertu de l'al. 1, la construction ou l'exploitation d'une installation nucléaire nécessite une autorisation générale. La validité de celle-ci s'étend jusqu'à l'achèvement de la désaffectation (art. 29) ou, s'il s'agit d'un dépôt souterrain en profondeur, jusqu'à la fin de la phase de fermeture ou de la phase de surveillance qui pourrait lui succéder (art. 38, al. 4). L'art. 47 règle plus précisément la compétence d'octroyer l'autorisation générale.

L'al. 2 exempte de l'autorisation générale les installations nucléaires présentant un faible danger potentiel. Cette exemption est justifiée dans des cas exceptionnels. En effet, l'autorisation générale a été instituée en raison de la portée politique de la construction d'installations nucléaires représentant un danger potentiel élevé. Cette nécessité n'existe pas pour d'autres installations: la procédure serait disproportionnée par rapport au danger potentiel qu'elles représentent. Si l'autorité renonce à requérir une autorisation générale, elle examinera néanmoins les conditions techniques de sécurité dans le cadre de la procédure d'autorisation de construire et d'exploiter. Il appartiendra au Conseil fédéral de désigner dans l'ordonnance sur l'énergie nucléaire les installations non soumises au régime de l'autorisation; il pourra s'agir de celles qui servent à entreposer des matières brutes, à traiter ou à 2629

entreposer des déchets faiblement et moyennement radioactifs à faible danger potentiel (volume, radioactivité) et d'installations de recherches présentant elles aussi un faible danger potentiel. En revanche, des dépôts intermédiaires tels que ZZL ou un dépôt souterrain en profondeur n'entreront jamais dans cette catégorie.

8.4.1.2

Conditions d'octroi de l'autorisation générale (art. 13)

La question de savoir si l'autorisation générale a la valeur d'une autorisation de police, à l'octroi de laquelle il existe un droit dès le moment où les conditions sont remplies, ou si l'autorité compétente doit disposer d'une certaine marge d'appréciation décisionnelle, n'a pas une très grande importance pratique. Les conditions étant souples, il existe de facto une marge d'appréciation assez considérable.

En tout état de cause, nul n'a droit à l'autorisation générale.

L'al. 1, aux let. a, c, d et g, énumère les conditions relevant de la législation sur l'énergie nucléaire: ­

protection de l'homme et de l'environnement (let. a): lors de l'appréciation de la sécurité, il y a lieu d'examiner non seulement le type d'installation, mais encore l'adéquation du site pressenti, notamment ses aspects géologiques, ainsi que la faisabilité de mesures de protection d'urgence et de sûreté.

Le requérant devra présenter ces éléments dans un rapport de sécurité (cf.

message LENu, ch. 8.4.2.2, à propos de l'al. 1). Les questions de radioprotection y auront leur place. Ainsi l'appréciation de sécurité s'appuie sur une réflexion de principe, incluant la possibilité d'un dérangement et ses conséquences. L'évaluation de la sûreté devra également être consignée dans un rapport.

­

stratégie applicable à la désaffectation ou à la phase d'observation et de fermeture de l'installation (let. c): à ce stade déjà, le requérant devra faire des considérations, non pas détaillées, certes, mais de principe, sur la manière dont il envisage la désaffectation d'une centrale nucléaire ou la fermeture d'un dépôt souterrain en profondeur. Les deux opérations et la phase d'observation pourront en effet influer sur la conception de l'installation nucléaire.

­

justificatif de l'évacuation des déchets (let. d): cette exigence figure déjà dans le droit en vigueur (art. 3, al. 2, AF/LEA). Il s'agit de décrire des solutions très probablement applicables, les incertitudes qui subsistent ne remettant pas en question leur principe (cf. message LENu, ch. 1.3.4.1.3).

­

caractère approprié du site d'un dépôt souterrain en profondeur (let. g): des analyses géologiques devront indiquer si le sous-sol se prête à un dépôt souterrain en profondeur et fournir les premiers éléments d'une évaluation de la sécurité d'un tel dépôt. L'autorisation générale ne sera accordée que si le site se révèle approprié.

Mais des motifs n'ayant aucun rapport avec la législation nucléaire peuvent aussi s'opposer à l'octroi d'une autorisation générale. C'est à eux que renvoient les let. b, e et f. L'énumération de la let. b (si aucun autre motif n'est prévu) n'est pas exhaustive. La demande ou les documents complémentaires devront démontrer qu'aucun motif de ce genre ne s'oppose à l'octroi de l'autorisation générale. Une étude 2630

d'impact sur l'environnement fera le tour des questions de la protection de l'environnement, de la protection de la nature et du paysage, de la protection des eaux, de la préservation de la forêt et de la pêche (cf. EIE 1re étape, ordonnance du 19.10.1988 relative à l'étude de l'impact sur l'environnement OEIE, n° 21.1, 40.1 et 40.2 de l'annexe, RS 814.011). Un rapport analogue devra traiter les questions d'aménagement du territoire. Il présentera le résultat de l'étude requise en vertu de la loi et fixera les conditions générales qui en résulteront pour l'intégration spatiale de la construction et de l'exploitation d'une installation et des ouvrages de desserte qui y seront liés. Les conditions qui président à la sécurité extérieure de la Suisse et à ses engagements internationaux sont réglées aux let. e et f (cf. message LENu, ch.

8.3.2). Le ch. 2.6.1.3 aborde la question des réserves au profit du droit cantonal dans la procédure.

L'octroi de l'autorisation générale ne dépendra pas de conditions telles que la récupération de chaleur. Celle-ci serait certes indiquée à proximité des grandes agglomérations, mais il vaut mieux ne pas construire de centrales dans ces zones à cause du danger accru. Dès lors, la récupération de chaleur ne serait guère payante, d'autant que seule une faible partie pourrait être utilisée. Cependant, l'art. 13, let. c, de la loi sur l'énergie du 26 juin 1998 (RS 730.0) autorise la Confédération à soutenir financièrement les mesures de récupération de la chaleur. Ainsi le principe d'un tel projet pour une centrale nucléaire n'est pas exclu. N'ont pas été retenus d'autres critères tels que la rentabilité du projet ou son rapport à la politique fédérale de l'énergie, puisque la preuve du besoin n'est plus exigée comme préalable à l'autorisation (cf.

message LENu, ch. 7.3.4.1.2) Selon l'al. 2, l'autorisation générale ne sera accordée qu'à des sociétés anonymes, à des sociétés coopératives ou à des personnes morales de droit public. Les autres formes de sociétés n'offrent pas les garanties suffisantes que les diverses obligations légales seront assumées et n'entrent quasiment pas en ligne de compte pour des raisons pratiques. La clause de la nationalité figurant dans le droit en vigueur (art. 3, al. 3, AF/LEA) a été supprimée. La loi requiert cependant que l'entreprise
étrangère possède une filiale en Suisse afin de permettre l'application du droit et l'exercice de la surveillance. La clause de la réciprocité correspond à l'art. 6, al. 2, de la loi sur les télécommunications (RS 784.10).

8.4.1.3

Teneur de l'autorisation générale (art. 14)

L'autorisation générale fixe les principaux éléments de l'installation projetée.

L'al. 1 correspond dans une large mesure au droit en vigueur. Dans le cas des réacteurs nucléaires, le but de l'installation (let. c) est la forme principale de l'énergie utile qui sera produite, c'est-à-dire l'électricité ou éventuellement le chauffage à distance. Il s'agit là du but principal. Ainsi, même s'il n'est pas prévu à l'origine, le prélèvement ultérieur limité de chaleur, par exemple, n'obligera pas à modifier l'autorisation générale. Le but d'un dépôt de déchets radioactifs est leur stockage intermédiaire ou dans les profondeurs du sol. Quant à la limite maximale d'exposition des personnes aux radiations aux alentours de l'installation (let. e), c'est la valeur directrice de dose liée à la source au sens de l'art. 7 de l'ordonnance sur la radioprotection (ORaP, RS 814.501). S'il s'agit d'un dépôt souterrain en profondeur, il faudra déterminer les caractéristiques indispensables en l'absence desquelles un site prévu n'entrera pas en ligne de compte (let. f, ch. 1). La DSN a

2631

défini des critères d'exclusion s'appliquant à la galerie d'accès prévue au Wellenberg. Ils concernent en particulier les zones de fractures, la présence d'eau et l'ampleur des roches-mères. De tels critères figureront également dans une éventuelle autorisation générale pour un dépôt sur ce site. De son côté, la zone provisoire de protection (ch. 2) visera à empêcher toute intervention humaine dans un périmètre critique du sous-sol (cf. art. 39).

Les grandes lignes du projet, à définir dans l'autorisation générale en vertu de l'al.

2, correspondent également au droit actuel, pour l'essentiel. Leur modification, de même que celle du but du projet, impliquera celle de l'autorisation générale, conformément à la procédure d'octroi (art. 64, al. 1). Comme exemples de systèmes de réacteurs, on peut citer les réacteurs à eau légère, à eau lourde ou à haute température. En revanche, il ne sera pas nécessaire d'indiquer à ce moment-là s'il s'agira d'un réacteur à eau bouillante ou à eau pressurisée. Au chapitre de la classe de puissance, on indiquera, par exemple, pour une centrale nucléaire, la puissance électrique avec une tolérance de plus ou moins 20 %. Le système de refroidissement principal sera par exemple, dans le cas des réacteurs à eau légère, un cours d'eau ou une tour de refroidissement. Dans le cas des dépôts (let. b), on distinguera les catégories suivantes de matières: éléments combustibles non irradiés ou irradiés, autres matières nucléaires (échantillons de combustibles, p. ex.), déchets faiblement et moyennement radioactifs (SMA), déchets moyennement radioactifs de longue durée (LMA) et déchets hautement radioactifs vitrifiés (HAA). Quant à la capacité maximale du dépôt, c'est le volume ou le nombre maximal des colis de déchets qu'il pourra recevoir.

A la différence du droit en vigueur, l'al. 3 fixe un délai non pas pour la réalisation du projet, mais pour la remise de la demande d'autorisation de construire. C'est le seul intervalle réellement définissable, la maîtrise des étapes ultérieures de la réalisation n'étant pas toujours du seul ressort du détenteur de l'autorisation.

8.4.2

Construction

8.4.2.1

Régime de l'autorisation (art. 15)

Dans le droit en vigueur, la construction d'une installation nécessite, outre l'autorisation de construire «nucléaire», une autorisation de construire cantonale. La coordination des procédures fait qu'en principe, tous les aspects seront compris dans une seule autorisation, accordée par le DETEC (cf. message LENu, ch. 7.3.6.2).

8.4.2.2

Conditions d'octroi de l'autorisation de construire (art. 16)

L'octroi de l'autorisation de construire constituera un droit lorsque les conditions sont remplies.

L'al. 1 énumère les conditions à remplir, qui s'appliquent à toutes les installations nucléaires projetées. Elles sont en partie identiques à celles qui régissent l'octroi de l'autorisation générale, mais doivent être présentées de manière plus concrète qu'à ce stade initial. Le but est d'assurer la protection de l'homme et de l'environnement (let. a). Il incombera au requérant de montrer comment il a l'intention d'y parvenir, 2632

en particulier en apportant la preuve que son projet répond aux principes de la sécurité et de la sûreté nucléaires (let. b, cf. art. 4 et 5, cf. message LENu, ch. 7.3.2, 2.2.1 et 8.2.2). Les exigences à respecter en matière de sécurité sont inscrites dans les directives de la DSN ou découlent de la législation sur la radioprotection.

L'évaluation des conditions par les autorités de sécurité s'appuiera sur les rapports fournis par le requérant. Le rapport de sécurité (Safety Analysis Report, SAR) contiendra notamment une description de l'installation et du site, des informations sur le dimensionnement et l'exécution des bâtiments et des systèmes d'exploitation et de sécurité, sur le traitement des déchets radioactifs, la protection contre les radiations, le comportement de l'installation en cas de dérangement, mais aussi sur l'organisation, la documentation, la sécurité du personnel et l'assurance de la qualité. Y seront encore décrits le fonctionnement normal de l'installation et les dérangements envisagés (accidents de référence), qui devront être maîtrisés. De surcroît, une analyse probabiliste de sécurité (PSA) permettra d'évaluer les accidents allant au-delà de l'accident de référence. Elle portera sur les situations où plusieurs systèmes de sécurité ne fonctionneraient pas ou encore où les valeurs-limites de conception seraient dépassées pour d'autres raisons. C'est une évaluation chiffrée de la probabilité et de l'ampleur des accidents graves. Aujourd'hui, les rapports de type SAR et PSA sont mis à jour tous les cinq ans en prévision de l'inspection périodique de sécurité (cf. art. 22, al. 2, let. e), qui a lieu tous les dix ans. Le rapport sur la sûreté décrit les mesures de sûreté requises dans la construction et l'exploitation. Il recense les équipements et les endroits vitaux sous l'angle de la technique de sécurité, décrit le système des barrières matérielles permettant de garantir la protection de ces équipements, ainsi que l'organisation en matière de sûreté et l'infrastructure.

La demande d'autorisation de construire, elle aussi, doit démontrer qu'aucun autre motif prévu par la législation fédérale (let. c) ne s'oppose à son octroi. Cette démonstration est plus poussée que dans le dossier de la procédure d'autorisation générale. Cela vaut aussi pour le rapport d'impact (EIE 2e étape)
et pour le rapport sur l'aménagement du territoire. L'assurance d'une exécution techniquement correcte du projet (let. d) apparaît notamment dans le fait qu'avant le début des travaux, on exigera des structures organisationnelles claires et un personnel qualifié en nombre suffisant, selon la phase de réalisation. Cela impliquera l'existence d'un programme de mesures d'assurance de la qualité (programme de gestion de la qualité).

A la différence de l'autorisation générale, l'autorisation de construire exigera non seulement un concept, mais encore un plan concret pour la fermeture de l'installation (let. e). Le plan est plus concret que le concept. Un projet prêt à être exécuté sera exigé pour la phase d'observation.

L'al. 2 énumère les conditions supplémentaires que devront remplir les installations soumises à l'autorisation générale, laquelle doit avoir force de droit (cf. art. 47). Au surplus, il faudra que les éléments du projet ainsi que les conditions et réserves définis dans l'autorisation générale soient respectés.

En vertu de l'al. 3, il y aura lieu de démontrer, s'agissant des installations non soumises à l'autorisation générale, que l'évacuation des déchets sera assurée, que la sécurité extérieure de la Suisse ne sera pas touchée et qu'aucun engagement international ne s'y opposera. En outre, il faudra tenir compte de l'art. 13, al. 2.

2633

8.4.2.3

Teneur de l'autorisation de construire (art. 17)

Concernant les détails à fournir pour obtenir l'autorisation de construire, les centrales nucléaires ont développé un modus operandi qui est applicable par analogie aux autres installations nucléaires. Parmi les principaux éléments de la réalisation technique (al. 1, let. d) on compte en particulier les caractéristiques de l'installation (type de réacteur et de confinement, systèmes de sécurité, puissance thermique, nombre de circuits primaires et de turbines, etc.), y compris le dispositif de protection en cas d'actions illicites de tiers ou de guerre, de même que les caractéristiques principales des installations nucléaires annexes telles que les entrepôts intermédiaires pour combustible ou déchets radioactifs. Les grandes lignes de la protection en cas d'urgence (let. e), autrement dit les types de mesures d'urgence et leur organisation, seront fixées en accord avec les dispositions de l'art. 22 de la loi sur la radioprotection (cf. art. 5, al. 2, et message LENu, ch. 8.2.2). En outre, l'autorisation de construire devra fixer les constructions dont la réalisation nécessite un permis des autorités de surveillance (let. f). Cela reviendra à formuler expressément la pratique actuelle du permis d'exécution. La procédure aura pour but de ne permettre l'exécution des étapes reposant sur l'autorisation accordée que lorsque l'autorité de surveillance se sera assurée, sur la base de l'examen des documents techniques présentés par le requérant, que les conditions requises pour une exécution conforme aux prescriptions et aux normes de qualité sont réunies (cf. message LENu, ch. 7.3.4.2).

La clause du délai, à l'al. 2, évite que le début des travaux ne soit inutilement retardé. Elle assure également que les travaux de construction seront effectués conformément aux normes de sécurité les plus récentes.

8.4.2.4

Exécution du projet (art. 18)

Grâce à la documentation, tant la société d'exploitation et son personnel que l'autorité de surveillance auront une connaissance complète et précise de l'installation, ce qui facilitera les contrôles.

8.4.3

Exploitation

8.4.3.1

Régime de l'autorisation d'exploiter (art. 19)

De même que dans le droit en vigueur, l'autorisation d'exploiter sera conçue comme une autorisation permanente. Conformément à la pratique actuelle, aucune distinction ne sera faite entre l'autorisation de mettre en service et l'autorisation d'exploiter (cf. message LENu, ch. 7.2.4.2).

8.4.3.2

Conditions d'octroi de l'autorisation d'exploiter (art. 20)

L'al. 1 énumère les conditions requises. A l'instar de l'autorisation de construire, l'autorisation d'exploiter est un droit, qui sera accordé lorsque toutes les conditions seront réunies (cf. message LENu, ch. 8.2.2 au début). En vertu de la première condition, le requérant devra être propriétaire de l'installation ou bénéficier d'une 2634

concession minière d'usage privatif, si le canton connaît ce système de concession (let. a). Le droit actuel n'en exige pas autant. Désormais, la responsabilité sera centrée sur le propriétaire et, dans le cas d'un dépôt souterrain en profondeur, sur le détenteur de la concession minière. L'autorisation générale et l'autorisation de construire (cf. art. 16, al. 2, let. a), ainsi que l'autorisation d'exploiter devront être accordées à la même personne. Cela clarifiera la situation, notamment en ce qui concerne les engagements qui y sont liés et la prise en charge des coûts de désaffectation et d'évacuation des déchets. Il faudra également que les dispositions de l'autorisation générale et de l'autorisation de construire soient respectées (let. b).

Ici encore, l'objectif premier est d'assurer la protection de l'homme et de l'environnement (let. c). Pour obtenir l'autorisation d'exploiter, il faudra donc en particulier prouver que sont remplies les exigences en matière de sécurité et de sûreté inscrites dans les deux autorisations précédentes. Au surplus, les autorités de surveillance pourront fixer, durant les travaux et dans la perspective de l'exploitation, des exigences de sécurité et de sûreté qui devront également être satisfaites (let. d). Les rapports sur la sécurité et sur la sûreté requis pour obtenir l'autorisation d'exploiter reposeront sur les rapports correspondants élaborés au moment de la demande d'autorisation de construire, mais ils devront être adaptés et complétés de manière à permettre une évaluation définitive de l'installation.

S'agissant des exigences auxquelles devront répondre le personnel et l'organisation (let. e), il incombera au requérant d'assurer les structures appropriées. Les mesures d'assurance de la qualité (let. f) décrites dans le programme devront être prêtes aussi bien pour la mise en service que pour l'exploitation. Il en ira de même des mesures de protection d'urgence (let. g), fixées sur la base de l'art. 22 LRaP. La couverture d'assurance prescrite (let. h) découle de l'art. 11 LRCN.

L'al. 2 correspond à l'art. 7, al. 2, de l'OA. Pour que l'autorisation d'exploiter puisse être accordée en même temps que l'autorisation de construire, il faudra que le respect des exigences fondamentales de la sécurité d'exploitation puisse être évalué complètement et
définitivement à ce stade. Par conséquent, la description d'un projet dans les dossiers de requête devra être suffisamment précise. Cela dit, certaines questions techniques et organisationnelles ne pourront être examinées que dans le projet de détail. Il sera alors nécessaire de les résoudre de manière satisfaisante pour permettre à la DSN de donner plus tard le feu vert aux étapes subséquentes de l'exploitation. L'al. 2 permet donc d'éviter qu'une installation achevée, sûre, puisse ne pas être mise en service pendant de longs mois, voire des années, en attendant la fin de la procédure d'autorisation d'exploiter. L'expérience montre toutefois que l'octroi simultané des autorisations de construire et d'exploiter ne sera possible que pour des installations relativement simples de conception.

L'al. 3 précise clairement que l'entreposage anticipé de matières nucléaires dans une centrale ne nécessitera pas d'autorisation d'exploiter. Il pourra être opportun d'acquérir à temps du combustible et de l'entreposer dans un endroit adéquat pendant toute la procédure d'autorisation. Ce combustible ne pourra toutefois pas être introduit dans le réacteur.

8.4.3.3

Teneur de l'autorisation d'exploiter (art. 21)

L'autorisation d'exploiter règle dans le détail les aspects de l'exploitation liés à la sécurité et à la sûreté nucléaires (al. 1). La puissance ou la capacité de l'installation

2635

admises (let. b) se rapportent respectivement à la puissance thermique maximale d'un réacteur et au volume ou au nombre de colis de déchets pouvant être absorbés par un dépôt. Les limites du relâchement de substances radioactives dans l'environnement (let. c) seront fixées de telle sorte que la valeur directrice de dose liée à la source, fixée dans l'autorisation générale, soit respectée. Au surplus, l'autorisation d'exploiter obligera le détenteur de l'installation à mettre en oeuvre des mesures de surveillance des alentours (let. d). Les mesures de sécurité, de sûreté et de protection d'urgence (let. e) devront être mentionnées avec précision dans la demande d'autorisation d'exploiter. Pour l'instrument du permis d'exécution (let. f), cf. message LENu, ch. 7.3.4.2.

L'al. 2 permettra de limiter dans le temps l'autorisation d'exploiter, conformément à un principe du droit administratif. Il ne s'agit pas d'une restriction légale de la durée de fonctionnement d'une centrale nucléaire, telle que le Conseil fédéral l'a rejetée (cf. message LENu, ch. 7.3.4.3). On est en présence d'une mesure de police. Elle pourra être indiquée, notamment par précaution, lorsqu'à une question qui n'est pas d'une importance fondamentale il faudra trouver une réponse satisfaisante. En l'occurrence, il serait exagéré de refuser l'autorisation d'exploiter ou, le cas échéant, de vouloir la retirer. Sa limitation dans le temps suffirait au respect intégral des conditions d'octroi. Cette mesure a déjà été appliquée à diverses reprises dans le passé (Beznau II et Mühleberg).

8.4.3.4

Obligations générales du détenteur de l'autorisation d'exploiter (art. 22)

L'al. 1 désigne expressément le détenteur de l'autorisation d'exploiter comme responsable de la sécurité et du fonctionnement de l'installation.

L'al. 2 donne une liste détaillée des principales obligations du détenteur de l'autorisation d'exploiter, conforme aux principes de sécurité de l'AIEA. La plus grande importance revient à l'engagement dudit détenteur, d'exploiter l'installation en accordant la priorité à la sécurité nucléaire (let. a), ce qui sert la protection de l'homme et de l'environnement. Les décisions à prendre au sujet du rééquipement de l'installation (let. g) doivent ainsi certes tenir compte de la rentabilité, mais la garantie de la sécurité reste primordiale. Une structure organisationnelle claire, mais aussi un personnel bien formé (let. b), sont des facteurs de sécurité essentiels.

L'installation nucléaire devra toujours être maintenue en bon état (let. c). Il faudra la moderniser de manière à l'amener au plus près de l'état de la science et de la technique, ou tout au moins dans toute la mesure où c'est nécessaire en vertu des expériences faites et de la technique de rééquipement, voire au-delà si cela contribue à réduire encore le risque et si c'est raisonnable (let. g, cf. message LENu, ch. 8.2.1).

Le rééquipement des centrales nucléaires ayant atteint un certain âge est une pratique internationale. C'est une exigence qui découle du principe de prévention (art.

4). Un réacteur existant ne sera toutefois jamais amené au niveau d'une installation de type plus récent. Du moins sa sécurité doit-elle correspondre en tous cas à la pratique internationale en matière de rééquipement. Des études et des examens complémentaires systématiques (let. d), respectant les normes internationales actuelles, doivent avoir lieu périodiquement. En premier lieu, il s'agira d'établir et de mettre à jour des rapports de sécurité, des analyses de risques et des programmes de surveillance du vieillissement. Au plan international, il est d'usage de vérifier pério-

2636

diquement et intégralement la sécurité d'une centrale nucléaire (let. e). Actuellement, l'opération est exigée tous les dix ans. Il s'agit d'une vérification exhaustive, portant sur la sécurité technique de l'installation. Cela englobe des comparaisons des éléments essentiels avec l'état de la science et de la technique au plan international, moyennant la prise en compte des résultats des SAR et des PSA (cf. message LENu, ch. 8.4.2.2). Ce contrôle permet à la DSN de se prononcer sur le niveau de sécurité pour la période allant jusqu'à la prochaine vérification ainsi que sur la nécessité de limiter dans le temps la durée de l'exploitation. Conformément à la directive de la DSN, une information à ce sujet (let. f) est fournie chaque mois, chaque année et après chaque arrêt d'une certaine importance. Par ailleurs, toutes les activités et tous les incidents touchant la sécurité doivent être communiqués. Le détenteur de l'autorisation d'exploiter est tenu de suivre activement l'évolution de la science et de la technique ainsi que les expériences faites (notamment les événements survenus) par les exploitants d'installations nucléaires comparables en Suisse et à l'étranger (let. h). Le dossier d'exploitation (let. i) renfermera en particulier des données complètes sur les équipements techniques, les doses de rayonnement auxquelles les collaborateurs sont exposés, le relâchement de radioactivité dans l'environnement et les dérangements survenus. Les mesures d'assurance de la qualité (let. j) englobent en particulier ce qu'on appelle aujourd'hui la gestion de la qualité. Comme pour tous les rapports touchant à la sécurité, il importera de mettre à jour le plan de désaffectation ou le projet de phase d'observation et le plan de fermeture de l'installation (let. k).

8.4.3.5

Equipe de surveillance (art. 23)

Toutes les centrales nucléaires disposent actuellement de leur propre équipe de surveillance armée. Celle-ci a pour mission de surveiller le périmètre de l'installation, le personnel et le matériel, et de protéger l'ouvrage contre toute intervention illicite (sabotage). Comme ces corps de garde ont des tâches assimilables à celles de la police, ils ne sont pas sans poser des problèmes puisqu'ils risquent de porter atteinte au monopole de la force publique dont dispose l'Etat. Mais des considérations pratiques plaident en faveur de la présence de corps de garde privés. En effet, la surveillance des installations suppose une bonne connaissance de leurs structures et des relations étroites entre les gardes et le personnel d'exploitation.

L'al. 1 en fournit la base légale. L'équipe de surveillance n'est qu'un élément du dispositif de sécurité fonctionnant sur le périmètre de l'installation. Pour que les tâches des services responsables puissent être coordonnées, elles doivent être réglées par un service fédéral (al. 2); étant donné que cela entame la souveraineté des polices cantonales, il faudra consulter au préalable les cantons. En outre, l'al. 3 dispose que les cantons seront associés à la réglementation de la formation.

8.4.3.6

Contrôles de fiabilité (art. 24)

En vertu des al. 1 et 2, les collaborateurs exerçant des fonctions liées à la sécurité (direction de l'exploitation, opérateurs, gardes d'entreprise) doivent être contrôlés périodiquement (santé, bonne condition psychique, mode de vie [certificat de bonnes moeurs]). Les résultats de l'examen doivent être communiqués aussi bien au propriétaire de l'installation qu'à l'autorité de surveillance (al. 3). L'examen vise à 2637

éliminer les risques éventuels pour la sécurité. Voilà pourquoi l'art. 24, al. 2, va audelà de la disposition générale de l'art. 74, al. 2.

8.4.3.7

Mesures à prendre dans des situations extraordinaires (art. 25)

La loi du 8 octobre 1982 sur l'approvisionnement économique du pays (LAP, RS 531) permet au Conseil fédéral, à l'art. 23, en présence d'une menace militaire ou politique croissante, de prendre des mesures en vue de maintenir la production intérieure d'énergie. A contrario, l'art. 25 LENu doit permettre d'arrêter au besoin une centrale nucléaire à titre préventif. Il s'agit là d'une atteinte drastique à la liberté d'entreprise, qui dépasse le cadre défini dans la LAP précisément en cas de justification militaire. Par conséquent, il faut inscrire cette compétence dans la LENu.

8.4.4

Désaffectation

8.4.4.1

Obligations liées à la désaffectation (art. 26)

Le propriétaire d'une installation nucléaire est responsable de sa désaffectation (cf.

commentaire de l'art. 20, al. 1, let. a, cf. message LENu, ch. 8.4.3.2). L'al. 1 l'obligera à désaffecter l'installation lorsqu'il l'aura mise définitivement hors service (let. a). Il devra aussi le faire lorsque l'autorisation d'exploiter ne lui aura pas été accordée ou lui aura été retirée, ou encore lorsqu'elle aura expiré en vertu de l'art.

67, al. 1, let. a et b, et que le département aura ordonné la désaffectation (let. b). Le retrait ou l'expiration de l'autorisation d'exploiter n'est pas en soi un motif de désaffectation d'une installation. En effet, le propriétaire pourra se voir accorder une nouvelle autorisation d'exploiter après avoir amélioré son installation. Dans les autres cas, le département obligera le propriétaire à désaffecter l'installation.

La désaffectation englobe toutes les activités nécessaires pour permettre d'utiliser l'installation ou le site à d'autres fins. L'al. 2 précise les obligations qui y sont liées.

Les parties de l'installation qui présentent un danger nucléaire devront être démontées, les parties radioactives soit décontaminées, soit évacuées (let. c). Evacuer les déchets radioactifs (let. d), c'est en particulier les transporter vers un dépôt intermédiaire, aussi longtemps qu'un dépôt souterrain en profondeur fera défaut. Une fois qu'il sera établi qu'une installation ou les éléments restants ne sont plus soumis à la législation sur l'énergie nucléaire, il n'y aura plus lieu de traiter le bâtiment décontaminé autrement qu'un quelconque bâtiment industriel désaffecté. Sera déterminant dès ce moment-là le droit cantonal sur les constructions. A titre d'exemple d'un tel démantèlement, on peut citer ici l'ancienne centrale nucléaire expérimentale de Lucens. A l'exception d'un petit entrepôt intermédiaire, son périmètre, avec les installations à ciel ouvert et souterraines, n'est plus soumis à la législation atomique (il est «déclassé») depuis la décision rendue par le Conseil fédéral le 12 avril 1995.

Le canton de Vaud l'a affecté à la conservation des biens culturels et archéologiques. Quant aux conteneurs de déchets qui y sont encore conservés, ils seront transférés à Würenlingen dès que le dépôt ZZL entrera en service. A ce moment-là, le dernier carré sera déclassé.

Concernant le financement de la désaffectation, cf. le message LENu, ch. 7.3.5.3 et les art. 76 ss, ch. 2.7.

2638

8.4.4.2

Projet de désaffectation (art. 27)

En principe, ce n'est pas aux autorités, mais au propriétaire de déterminer comment désaffecter l'installation. L'opération devra cependant se faire sous la surveillance de l'autorité. Le propriétaire devra donc, en vertu de l'al. 1, élaborer un projet dans le délai fixé par l'autorité de surveillance. S'il ne remet pas ce projet dans le délai imparti, le département fixera d'office les modalités de la désaffectation.

Dans la description du projet demandée par l'al. 2, il sera très important de présenter les phases et le calendrier (let. a) des travaux, ainsi que les diverses opérations de démontage et de démolition (let. b). Il faudra également fixer exactement les mesures de sécurité et de sûreté, même si elles peuvent être réduites au fur et à mesure de l'avancement des travaux de démantèlement. Cela s'appliquera en particulier aux mesures de radioprotection. Les dispositions de la législation à ce sujet régiront aussi la désaffectation (cf. art. 26, al. 2, let. a, et commentaire de l'art. 16, al. 1, let.

b). Une désaffectation accomplie dans les règles nécessitera le maintien d'une organisation appropriée et d'un personnel qualifié en nombre suffisant (let. d). Enfin, le projet devra également montrer comment et où les déchets radioactifs ainsi produits seront évacués (let. e).

8.4.4.3

Décision de désaffecter (art. 28)

Le département rendra sa décision en se fondant sur le projet de désaffectation, sur l'expertise des autorités de surveillance et, si nécessaire, sur celles d'autres instances, notamment des autorités compétentes en matière de protection de l'environnement. Il y règlera les conditions dans lesquelles les travaux de désaffectation devront être accomplis, conformément aux exigences énumérées à l'art. 27, al. 2. Ici encore, les permis d'exécution délivrés par les autorités de surveillance préciseront les détails des travaux de désaffectation.

Les conditions de sécurité inscrites dans l'autorisation d'exploiter demeureront en vigueur jusqu'à ce que tombe la décision de désaffecter (cf. art. 68). Les dispositions complémentaires nécessaires seront prises par l'autorité de surveillance en vertu de l'art. 71, al. 2.

8.4.4.4

Fin de la désaffectation (art. 29)

Pendant les travaux de désaffectation, comme elle est toujours considérée comme une installation nucléaire, l'installation reste soumise à la surveillance de la Confédération. Les travaux seront achevés lorsqu'elle pourra être utilisée sans restriction et sans surveillance à des usages autres que nucléaires. La décision prise en vertu de l'al. 1 constatera que l'installation n'est plus qualifiée de nucléaire au sens de la LENu et qu'elle ne tombe plus sous le coup de la surveillance fédérale découlant de la loi sur l'énergie atomique (elle sera alors «déclassée»). S'agissant de l'évacuation des déchets radioactifs, les obligations incombant au propriétaire de l'installation désaffectée subsisteront jusqu'au moment où les déchets seront amenés dans un dépôt souterrain en profondeur, où la fermeture sera préparée et où les moyens financiers nécessaires à la phase d'observation et à la fermeture seront garantis (art.

31, al. 2). L'al. 2 doit contribuer à ce que l'exploitant assume ses obligations.

2639

8.5

Déchets radioactifs

8.5.1

Généralités

Conformément à l'art. 2, al. 1, let. c, la présente loi vaut pour l'évacuation des déchets radioactifs produits dans les installations nucléaires. Elle ne s'applique aux déchets radioactifs émanant de la médecine, de l'industrie et de la recherche qu'à partir du moment où ils sont livrés au dépôt central de la Confédération, conformément à l'art. 27, al. 1, de la loi sur la radioprotection. Comme cette obligation vaut pour tous les déchets de la médecine, de l'industrie et de la recherche, ladite réglementation couvre l'ensemble des déchets radioactifs produits en Suisse. Seuls font exception les déchets pouvant être rejetés dans l'environnement en vertu de l'art. 26 LraP, après un éventuel stockage intermédiaire destiné à faire diminuer leur radioactivité (art. 85 ORaP).

8.5.1.1

Principes (art. 30)

Manipuler les substances radioactives de manière responsable implique notamment que l'on produise le moins de déchets radioactifs possible (al. 1). En principe, ces déchets doivent être évacués dans le pays (al. 2); c'est conforme non seulement au consensus international, mais encore au droit et à la pratique en vigueur (art. 25, al.

3, LRaP). L'art. 33, al. 3, précise, quant à lui, les conditions dans lesquelles les déchets radioactifs pourront, à titre exceptionnel, être exportés pour retraitement.

Selon l'al. 3, la sécurité à long terme devra être assurée. Actuellement, une directive de la DSN concrétise les objectifs de protection, définissant le but et les principes du stockage final des déchets radioactifs. Il s'agit d'évacuer ces déchets de manière à garantir durablement la protection de l'homme et de l'environnement contre les rayons ionisants et à épargner aux générations futures des charges et des engagements inacceptables. Selon le groupe d'experts pour les modèles de gestion des déchets radioactifs (groupe EKRA), le stockage final souterrain est la seule méthode qui permette de répondre à ces exigences sur une période dépassant 100 000 ans. Ce modèle repose sur l'effet combiné de barrières naturelles et techniques cernant et retenant les radionucléides. Les déchets seront placés dans des cavernes ou des galeries construites dans des couches géologiques appropriées. Leur récupération une fois le dépôt fermé ne sera pas exclue, mais l'opération n'est pas prévue par le modèle, lequel s'inspire des principes de sécurité reconnus au plan international et déjà appliqués par plusieurs pays.

Afin d'assurer la protection durable de l'homme et de l'environnement tout en répondant au voeu maintes fois exprimé de disposer d'un système réversible, le groupe EKRA a développé le modèle du dépôt souterrain durable, contrôlé et récupérable, repris dans le présent avant-projet. Ce modèle assurera à la fois la sécurité à long terme et la réversibilité. Il prévoit une assez longue phase d'observation précédant la fermeture du dépôt. Le stockage souterrain sera ainsi réalisé progressivement. Auparavant, des études géologiques poussées débouchant sur une analyse de sécurité devront démontrer que, pour autant qu'on puisse en juger, le dépôt garantira durablement la protection de l'homme et de l'environnement. Sans
que cela soit nécessaire, il sera possible de prévoir, après la fermeture du dépôt, une période supplémentaire de surveillance et d'autres mesures encore, le cas échéant (art. 38, al. 3). A

2640

l'inverse, il existe des modèles où la sécurité repose sur un suivi permanent. C'est le cas des dépôts implantés en surface ou souterrains mais ouverts, qui nécessitent une surveillance durable. Ces modèles n'assurent toutefois pas la protection durable de l'homme et de l'environnement.

Les débats sur le dépôt final du Wellenberg ont soulevé des questions au sujet de la possibilité de contrôler un dépôt final et d'en récupérer les déchets. La «Genossenschaft für nukleare Entsorgung Wellenberg» (GNW) a donc développé un projet spécifique du Wellenberg, qui a été remanié dans l'intervalle. Un groupe d'experts institué par le gouvernement de Nidwald étudie maintenant la compatibilité de ce projet avec les exigences du canton et les recommandations du groupe EKRA.

8.5.1.2

Devoir d'évacuation (art. 31)

En vertu du droit actuel (art. 10, al. 1, AF/LEA), les déchets radioactifs générés par l'exploitation ou la désaffectation d'une installation nucléaire doivent être évacués par les producteurs (art. 31, al. 1) et à leurs frais. Devoir évacuer ses déchets dans un dépôt souterrain en profondeur, c'est aussi assurer les préparatifs de l'opération (recherches, études géologiques) et construire à temps un tel dépôt.

Le devoir d'évacuer les déchets est rempli lorsque ceux-ci ont été placés dans un dépôt souterrain en profondeur et que les moyens financiers nécessaires pour la phase d'observation et la fermeture sont acquis (al. 2; cf. message LENu, ch.

7.3.5.3). Si l'autorisation générale d'une centrale nucléaire est transférée à un nouvel exploitant (art. 65, al. 2), l'ancien et le nouvel exploitants répondront entièrement de l'évacuation des déchets d'exploitation et des assemblages combustibles usés jusqu'au moment du transfert (al. 3). On s'assurera ainsi que l'ancien exploitant remplisse l'obligation d'évacuer les déchets, tout en réservant la possibilité d'y contraindre son successeur, si besoin est. Il pourra certes en résulter une insécurité du droit pour le nouvel exploitant, tenu, si la société cédante n'assume pas ses obligations, de fournir des prestations à sa place. Etant donné que l'obligation d'évacuer les déchets radioactifs ne sera remplie que lorsqu'ils auront été placés dans un dépôt souterrain en profondeur et que les moyens nécessaires à l'observation et à la fermeture de ce dépôt seront acquis (al. 2), l'acte de «solidarité» en question pourra se prolonger durant des années, voire des décennies. Mais par ailleurs, l'autorisation générale ne pourra être transférée que lorsque le détenteur initial aura assuré les moyens financiers nécessaires à la désaffectation et à l'évacuation des déchets, en fonction de la durée d'exploitation, de sorte que le risque auquel s'expose le nouveau détenteur d'avoir à remédier à des découverts semble fortement réduit. Une règle analogue devra s'appliquer aux centrales nucléaires en service (art. 104, al. 3, cf. message LENu, ch. 8.9.2.4).

Par dépôt souterrain en profondeur au sens de l'art. 31, al. 2, on entend une infrastructure aménagée sur le territoire suisse, conformément au principe qui veut que les déchets soient évacués dans le pays (art. 30,
al. 2). Si le responsable de l'évacuation peut, exceptionnellement et compte tenu des dispositions de l'art. 33, al. 4, exporter ses déchets à évacuer, il ne sera délié de ses engagements que lorsque les déchets auront été transportés dans une installation étrangère idoine.

2641

8.5.1.3

Evacuation par la Confédération (art. 32)

Aujourd'hui déjà, la Confédération se charge des travaux d'évacuation des déchets que lui livrent la médecine, l'industrie et la recherche, comme le veut l'art. 27, al. 2, LRaP. Cette règle doit subsister (al. 1, let. a). La Confédération exploite, sur le périmètre de l'institut Paul-Scherrer (IPS) à Würenlingen, un incinérateur qui devra toutefois être prochainement désaffecté, car il ne répond plus aux exigences de l'ordonnance du 16 décembre 1985 sur la protection de l'air (OPAir, RS 814.318.142.1). Cette installation absorbe non seulement lesdits déchets (y compris ceux de l'IPS lui-même), mais encore ceux des centrales nucléaires suisses. En outre, la Confédération conditionne les résidus produits par l'incinération et les filtres, ainsi que d'autres déchets de la médecine, de l'industrie et de la recherche.

Lorsque les nouvelles installations de conditionnement, d'incinération et de fusion de la ZWILAG seront mises en service, toutes ces opérations s'y effectueront. Le dépôt intermédiaire fédéral de l'IPS renferme des déchets faiblement et moyennement radioactifs produits par la médecine, l'industrie et la recherche. Dès que l'on disposera d'un dépôt souterrain en profondeur pour cette catégorie de déchets, la Confédération les y placera, moyennant une participation aux frais. Au surplus, les producteurs de déchets de la médecine, de l'industrie et de la recherche devront eux aussi subvenir aux coûts de leur évacuation (art. 27, al. 2, LRaP). La Confédération ne se substituera à eux et n'effectuera l'évacuation des déchets aux frais du fonds que s'ils n'assument pas leur responsabilité (al. 1, let. b).

En vertu de l'art. 32, al. 2, la Confédération pourra, aux fins de l'évacuation au sens de l'al. 2, participer à des études géologiques au sens de l'art. 34, al. 1, ou en effectuer elle-même (let. a). Elle est depuis 1972 sociétaire de la CEDRA (cf. message LENu, ch. 7.3.5.2.1). En outre, elle pourra participer à la construction et à l'exploitation d'une installation d'évacuation (let. b). On pourrait envisager par exemple une contribution financière comme ce fut le cas pour le ZZL, ou une participation financière à la société responsable de la construction et de l'exploitation.

Enfin, elle pourrait elle-même réaliser et exploiter une telle installation.

8.5.1.4

Manipulation de déchets radioactifs (art. 33)

L'al. 1 contient la base légale qui réglemente toute manipulation de déchets radioactifs au sens de l'art. 2, al. 1, let. c. Comme cette base fait défaut dans la loi actuelle sur l'énergie atomique, l'art. 11, al. 2, OA s'appuie sur la loi sur la radioprotection.

Désormais (cf. message LENu, ch. 7.3.1), la manipulation des déchets radioactifs entrant dans le champ d'application de la LENu sera réglée dans cette loi. Les al. 2 et 3 sont un prolongement respectivement de l'art. 25, al. 4, LRaP (qui correspond à l'al. 2, let. a) et des art. 25, al. 3, LRaP et 93 ORaP (qui correspond à l'al. 3, let. a et b). L'al. 2, let. c et d, et l'al. 3, let. c et d, inscrivent dans le droit suisse les dispositions de la Convention commune sur la sûreté du traitement du combustible usé et sur la sûreté du traitement des déchets radioactifs (cf. message LENu, ch. 11.1), et celles d'une directive d'EURATOM à ce sujet (cf. message LENu, ch. 11.2). Les conditions essentielles pour qu'une installation nucléaire soit appropriée au sens de l'al. 2, let. b, sont remplies si elle est conforme aux directives et aux valeurs directrices de l'AIEA et de la Commission internationale pour la protection contre les radiations (CIPR). Selon l'al. 3, let. d, deux situations peuvent se présenter qui requièrent une convention: soit les déchets (y c. les assemblages combustibles) 2642

peuvent être conditionnés; l'expéditeur s'engage alors à reprendre les déchets et assemblages conditionnés ainsi que les déchets produits par le conditionnement luimême; soit les déchets ne sont pas conditionnés et l'expéditeur doit les reprendre.

En vertu de l'al. 4, des conditions aussi strictes que celles de l'al. 3 devront être remplies en contrepartie de l'octroi exceptionnel d'une autorisation d'exporter des déchets radioactifs. Le préalable en sera toutefois que l'Etat destinataire respecte les exigences de sécurité reconnues au plan international, qu'il dispose d'un dépôt approprié correspondant à l'état de la science et de la technique et qu'une convention internationale l'autorise à importer ces déchets. En l'occurrence, il n'est pas exclu que certains types de déchets soient placés dans une installation autre qu'un dépôt souterrain en profondeur. Plusieurs Etats tels que la Finlande et la Suède exploitent de tels dépôts pour déchets faiblement et moyennement radioactifs, mais la France, par exemple, place ces déchets dans des dépôts en surface. En cas d'exportation dans ce pays, le devoir d'évacuation (cf. art. 31, al. 2) serait néanmoins rempli. Mais la Suisse s'interdit, dans un accord international, d'évacuer les déchets en mer ou dans le sous-sol marin.

La formulation potestative (al. 2 et 4) avec l'adjonction «exceptionnellement» marque à la fois le caractère extraordinaire de l'autorisation et la marge d'appréciation laissée à l'autorité qui l'accorde. Le principe qui prévaut est celui de l'évacuation des déchets radioactifs dans le pays même (art. 30, al. 2).

8.5.2

Etudes géologiques

8.5.2.1

Régime et conditions d'octroi de l'autorisation (art. 34)

Le régime de l'autorisation pour les études géologiques ou les «mesures préparatoires en vue de l'aménagement d'un dépôt de déchets radioactifs» a été instauré par l'arrêté fédéral concernant la loi sur l'énergie atomique. Les dispositions de l'art. 10, al. 2, AF/LEA sont toutefois très succinctes. Désormais, plusieurs prescriptions, réglées actuellement par l'ordonnance du 27 novembre 1989 sur les mesures préparatoires (RS 732.012) seront intégrées à la LENu, par exemple ici, à l'al. 1, la description de l'objet soumis au régime de l'autorisation. A la différence du droit en vigueur (art. 2 de cette ordonnance), qui oblige simplement à annoncer les études de moindre portée telles que les forages de faible profondeur, désormais n'importe quelle opération nécessitera a priori une autorisation. Cela s'explique par la concentration des procédures d'autorisation. S'il suffisait d'annoncer certaines investigations, les autres autorisations requises ne feraient pas l'objet d'une procédure coordonnée et simplifiée; des autorisations cantonales en particulier resteraient nécessaires. Ainsi le requérant serait confronté à un surcroît de formalités administratives pour des actes de peu d'importance. On évitera cela en instituant le principe du régime de l'autorisation pour toutes les études géologiques. L'al. 2, let. a, précise que les travaux ne devront pas porter atteinte à l'adéquation d'un site. Il ne faudrait pas, par exemple, que des forages dans les couches rocheuses remettent en question la sécurité d'un dépôt final. Cela dit, les sondages seront indispensables pour connaître le sous-sol et évaluer la sécurité. Il s'agit donc d'optimiser ces deux objectifs.

Selon la let. b, l'octroi de l'autorisation impliquera qu'aucune autre raison prévue dans la législation fédérale ne s'y oppose. A la différence de ce qui se passe pour les autorisations générale et de construire (cf. message LENu, ch. 8.4.1.2 et 8.4.2.2), 2643

une procédure formelle d'EIE n'est pas requise (cf. art. 4 OEIE et n° 4 de l'annexe à l'OEIE). Un rapport d'impact sur l'environnement devra tout de même être rédigé selon l'importance des conséquences. L'al. 3 exempte du régime de l'autorisation les investigations qui n'entraîneront que des atteintes mineures. On peut citer à ce titre les mesures sismologiques. Si la LENu n'exige pas d'autorisation, cela ne signifie pas pour autant que ces travaux pourront être accomplis sans autre autorisation. L'emploi d'équipements vibro-sismiques sur la voie publique est généralement soumis à une autorisation de la police des routes et de la police des étrangers selon la législation cantonale ou fédérale. Les activités ne nécessitant pas d'autorisation selon la LENu sont de second ordre, de sorte que l'on pourra même renoncer à la procédure abrégée. Comme ces investigations n'entraînent que des atteintes mineures, il n'existera pas pour elles de droit légal d'expropriation (cf. art. 50, al. 1, let. b, a contrario). L'initiateur du projet pourra cependant introduire une procédure selon l'art. 15 de la loi sur l'expropriation.

8.5.2.2

Teneur de l'autorisation pour des études géologiques (art. 35)

Un programme d'études géologiques devra pouvoir être adapté en fonction des connaissances. L'autorisation ne saurait donc fixer le détail de toutes les étapes des travaux envisagés. Par conséquent, le contrôle nécessaire s'effectuera au moyen du permis d'exécution (al. 1, let. b). L'élément essentiel de la surveillance est le fait que les autorités compétentes devront être dès le début parties prenantes du relevé des données, dans la perspective d'une demande d'autorisation générale. A cet effet, elles doivent disposer d'une documentation complète (let. c). La délimitation légale entre les travaux effectués au titre des études géologiques et les activités considérées comme des travaux de construction pour un dépôt souterrain en profondeur assujetti à l'autorisation générale n'est guère possible (p. ex. la construction d'une galerie de sondage). Il incombera donc à l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation de garantir, au moyen de garde-fous appropriés, que les «études géologiques» ne porteront pas préjudice à la réalisation d'un dépôt final. C'est aussi à cela que pourront servir l'autorisation échelonnée des investigations et la limitation de l'autorisation dans le temps (al. 2).

8.5.3

Dispositions particulières pour les dépôts souterrains en profondeur

Le dépôt souterrain en profondeur pour déchets radioactifs est une installation nucléaire au sens de la LENu (cf. art. 3, let. c). Le chap. 4 (installations nucléaires) et les dispositions ad hoc concernant les procédures et la surveillance (chap. 6) s'y appliquent donc. Les art. 36 à 40 renferment des prescriptions complémentaires spéciales le concernant, ainsi que le dépôt final. Les dépôts intermédiaires de déchets radioactifs ne sont pas soumis à cette réglementation particulière.

2644

8.5.3.1

Autorisation d'exploiter (art. 36)

Des données géologiques supplémentaires seront recueillies pendant la construction du dépôt souterrain en profondeur. L'al. 1, let. a, assujettit l'octroi d'une autorisation d'exploiter au fait que les enseignements recueillis au cours de la construction confirment que le site s'y prête. Selon la let. b, il faudra faire en sorte que les déchets puissent être récupérés au prix d'un effort raisonnable jusqu'au moment de la fermeture du dépôt. L'al. 2 précise que l'autorisation d'exploiter fixera la zone de protection définitive du dépôt souterrain en profondeur. La désignation provisoire figurait déjà dans l'autorisation générale (cf. art. 14, al. 1, let. f, ch. 2). La zone de protection aura pour but de faire en sorte que nul ne s'aventure dans un espace critique du sous-sol ou, s'il le fait, que ce soit exclusivement avec une autorisation officielle (cf. art. 39). Selon l'al. 3, seuls les déchets correspondant à un type de dépôt donné (p. ex. valeurs-limites ou limites d'activité données, exigences en matière de conditionnement et d'emballage) pourront y être stockés. Ces exigences décrivent les principaux éléments des barrières techniques qui, en complément des barrières naturelles, devront garantir la sécurité à long terme de l'homme et de l'environnement.

8.5.3.2

Obligations particulières du détenteur de l'autorisation d'exploiter un dépôt souterrain en profondeur (art. 37)

L'art. 37 formule des obligations particulières qui s'ajoutent à celles de l'art. 22.

L'al. 1 donne au Conseil fédéral la compétence d'obliger le détenteur de l'autorisation à prendre en charge les déchets radioactifs; il existe en effet un intérêt public à l'évacuation intégrale de ces déchets. Les déchets radioactifs qui proviennent de Suisse englobent également ceux qui sont issus du retraitement du combustible ayant servi dans des centrales nucléaires du pays. Seuls pourront être pris en charge les déchets qui répondent aux dispositions de l'art. 36, al. 3, et de l'autorisation d'exploiter. Le devoir de prise en charge s'appliquera également aux déchets de la médecine, de l'industrie et de la recherche recueillis par la Confédération. La documentation que demande l'al. 2 est un élément capital pour l'examen ultérieur de la garantie de la sécurité à long terme de l'homme et de l'environnement. L'al. 3 contribue à ce que le détenteur de l'autorisation tienne ses engagements.

8.5.3.3

Phase d'observation et fermeture (art. 38)

La fermeture d'un dépôt souterrain en profondeur et sa conversion en dépôt final sera d'actualité au plus tôt dans quelques décennies. Par conséquent, la LENu se limite à en esquisser les fondements. Par fermeture, on entend l'action de combler toutes les constructions souterraines qui ne l'auraient pas déjà été et de sceller les galeries et puits d'accès au dépôt. En vertu de l'al. 1, le propriétaire ou le titulaire d'une concession minière d'usage privatif devra présenter un projet pour la phase d'observation et la fermeture éventuelle du dépôt en fonction des enseignements tirés de la construction et de l'exploitation. Il le fera lorsque la phase de mise en dépôt sera arrivée normalement à son terme (let. a). Mais il sera aussi tenu de pré2645

senter un tel projet lorsque l'autorisation d'exploiter lui aura été retirée (cf. art. 66, al. 1) ou qu'elle sera échue en vertu de l'art. 67, al. 1, let. a et b (let. b). Si à l'issue de la phase d'observation, la sécurité à long terme assurée par les barrières géologiques et techniques est suffisamment établie et si le canton d'accueil y consent, le Conseil fédéral pourra ordonner les travaux de fermeture en vertu de l'al. 2. En dérogation à la concentration des procédures assortie de voies de recours, la compétence de décision ne sera pas donnée au département, mais au Conseil fédéral.

Comme pour les décisions prises au sens des al. 3 et 4, il ne s'agira pas ici d'une décision seulement technique, mais d'un acte politique. Voilà pourquoi il n'est pas prévu de voies de recours, pas plus que dans le cas de l'autorisation générale (cf.

app. ch. II, modification de l'art. 100, al. 1, let. u, OJ). La dérogation prévue à la let.

b se justifie du fait que le canton d'accueil est tout particulièrement concerné (cf.

message LENu, ch. 7.3.6.3). A moins qu'il n'ordonne une nouvelle période de surveillance, limitée dans le temps, après la fermeture (al. 3), le Conseil fédéral constatera par un acte officiel, aux termes de l'al. 4, la fin de la surveillance exigée par la législation sur l'énergie nucléaire. A partir de cette date, la Confédération sera compétente pour prendre d'éventuelles mesures supplémentaires de surveillance.

Toute intervention dans la zone de protection demeurera assujettie à autorisation, même après la fermeture du dépôt final (art. 39, al. 2).

8.5.3.4

Protection du dépôt souterrain en profondeur (art. 39)

Il faut considérer comme un scénario d'accident possible l'atteinte portée par une intervention humaine à la sécurité d'un dépôt souterrain en profondeur. C'est ainsi, par exemple, qu'un forage touchant le dépôt ou la roche avoisinante pourrait porter atteinte à des barrières de sécurité et entraîner un accroissement de l'exposition aux radiations des personnes proches. Il faut donc éviter toute intervention humaine dans cette zone et, à cette fin, définir dans le sous-sol une zone tridimensionnelle autour du dépôt (al. 1). La dimension de cette zone de protection dépendra de l'inventaire des déchets ainsi que des barrières géologiques et techniques. Sur l'axe horizontal, elle pourra s'étendre sur quelques kilomètres. Non seulement la LENu, mais encore la législation sur l'aménagement du territoire aura des incidences sur le sous-sol.

C'est ainsi que, dans le cas du dépôt du Wellenberg, la loi nidwaldienne sur les constructions prévoit une zone spéciale d'affectation sur les trois axes en vue de protéger toute la zone du dépôt.

L'art. 39 a une composante de police. Sans autorisation, toute intervention dans le sous-sol sera interdite aux abords de la zone protégée. Mais la délimitation d'une zone relèvera aussi de l'aménagement du territoire. Elle débouchera sur des restrictions dans l'affectation. L'al. 2 soumet à autorisation toutes les activités susceptibles de porter atteinte à la zone de protection. On pense notamment à des forages géothermiques, pétroliers ou gaziers. Il faudra inscrire au registre foncier la zone de protection provisoire une fois l'autorisation générale délivrée, et la zone de protection définitive dès l'octroi de l'autorisation d'exploiter (al. 3). Ainsi, toute personne pourra prendre connaissance des contours de la zone. Le canton sera tenu d'inscrire au registre foncier tous les terrains situés dans la zone de protection et non encore inscrits. Il s'agira en l'occurrence de terrains qui ne sont liés à aucune propriété privée, sauf preuve du contraire. Ce sont, d'une part, des zones impropres à la culture telles que les rochers, les éboulis, les névés et les glaciers avec leurs sources, 2646

d'autre part, des terrains à usage public tels que les routes, les places, les cours d'eaux et lacs publics (art. 664, al. 2, et art. 944 CC). Les cantons devront veiller à ce que la zone de protection soit également inscrite dans le plan directeur et dans le plan d'affectation (al. 4). Si le dépôt souterrain en profondeur n'est pas réalisé, la zone de protection provisoire sera supprimée, l'inscription au registre foncier radiée et les plans directeur et d'affectation adaptés en conséquence (al. 5).

Le contrôle des alentours du dépôt est la meilleure protection contre toute menace pour l'homme et l'environnement. Cela impliquera toutefois que l'on dispose des connaissances nécessaires sur le dépôt, d'où le besoin de conserver des informations exhaustives (al. 6) le concernant. L'accès à ces données sera garanti pendant une très longue période. Elles pourront aussi être communiquées à d'autres Etats ou à des organisations internationales comme l'AIEA. Pour renforcer ce qu'on sait du site, le Conseil fédéral pourra prescrire le piquetage du dépôt final (al. 7). Cette obligation existe dans la législation américaine, s'appliquant aux dépôts pour déchets fortement radioactifs et moyennement radioactifs de longue durée.

8.5.3.5

Remise et utilisation de données géologiques (art. 40)

Les données brutes ainsi que les résultats des études géologiques et de la construction d'un dépôt souterrain en profondeur sont d'intérêt public. Par conséquent, elles devront être remises gratuitement à la Confédération, à sa demande. Cette disposition correspond largement à la teneur de l'art. 15, al. 3, de l'ordonnance sur les actes préparatoires ainsi qu'à la pratique actuelle. Les données seront remises au Service suisse de documentation géologique. Il faudra régler dans l'ordonnance sur l'énergie nucléaire les restrictions d'accès souhaitables aux données représentant une valeur économique importante.

8.6

Procédure et surveillance

8.6.1

Autorisation générale

8.6.1.1

Ouverture de la procédure (art. 41)

Le déroulement de la procédure d'autorisation générale était réglé jusqu'à présent par les art. 4 et suivants de l'AF/LEA. Des innovations y sont apportées dans les art.

41 et suivants, en application de la loi fédérale sur la coordination et la simplification des procédures d'approbation des plans.

8.6.1.2

Expertises et avis (art. 42)

Les expertises à obtenir (al. 1) sont d'abord celles des autorités de sécurité (expertise de la DSN et de la section Energie nucléaire de l'OFEN, prise de position de la CSA, cf. message LENu, ch. 7.3.7). Celles-ci revêtent une importance prépondérante pour l'autorisation du point de vue de la sécurité nucléaire. Outre les expertises citées à l'al. 1, il faudra élaborer un rapport d'impact sur l'environnement et un rapport sur l'aménagement du territoire (cf. message LENu, ch. 8.4.1.2). Pour l'étude d'impact sur l'environnement, les délais prescrits par l'ordonnance à ce sujet 2647

sont réservés (al. 2; cf. message relatif à la loi fédérale sur la coordination et la simplification des procédures d'approbation de plans, commentaire de l'art. 62a, al.

2 LOGA, FF 1998 III 2221). La participation des autorités spécialisées (al. 3) est régie par la loi fédérale sur la coordination et la simplification des procédures de décision (cf. message LENu, ch. 7.3.6.2) Le système actuel, qui comporte deux procédures de recours successives, s'est révélé très lourd, de sorte qu'une seule et unique procédure de ce genre est désormais prévue. La simplification est acceptable parce que les décisions à prendre pour l'autorisation générale portent essentiellement sur des questions de principe, politiquement importantes. De surcroît, la possibilité du référendum permettra de s'opposer à l'approbation décidée par l'Assemblée fédérale (art. 47, al. 3), sauf quand la décision concerne un dépôt souterrain en profondeur. Ce dernier nécessitera par ailleurs l'approbation du canton d'accueil (art. 43, al. 1 et art. 48, al. 4). La limitation à une seule phase d'opposition présuppose que les expertises des autorités de sécurité soient disponibles au moment où les cantons et les services de la Confédération seront appelés à se déterminer (al. 2).

8.6.1.3

Approbation du canton d'accueil, réserve pour les concessions d'utilisation des droits d'eau (art. 43)

Le canton d'accueil pourra tout d'abord faire part de son avis durant la procédure d'autorisation générale d'un projet de dépôt souterrain en profondeur pour déchets radioactifs (art. 42, al. 2). Selon l'al. 1, son approbation à l'utilisation du sous-sol sera également nécessaire pour l'octroi de l'autorisation générale. De même, toute autorisation de creuser des galeries et des puits de sondage impliquera son approbation préalable (art. 48, al. 4). L'al. 2 précise qu'en cas d'utilisation des droits d'eau, l'autorisation générale ne sera accordée qu'après l'octroi d'une concession dans ce sens (cf. message LENu, ch. 7.3.6.3). Les ch. 1.3.6.2 et 1.3.6.3 abordent la question de la délimitation des compétences d'autorisation entre la Confédération et les cantons en vertu du droit en vigueur et de la concentration de la procédure découlant du nouveau droit.

8.6.1.4

Publication et mise à l'enquête (art. 44)

La demande sera publiée et simultanément mise à l'enquête publique avec les documents mentionnés à l'al. 2. Ce sera le début de la procédure d'opposition. Cela impliquera que les expertises techniques relatives à la sécurité soient effectuées et que les cantons et services spécialisés aient fait part de leur position.

8.6.1.5

Objections et oppositions (art. 45)

Dans les procédures d'autorisation générale menées jusqu'ici (centrale nucléaire de Kaiseraugst, ZZL, dépôt final pour déchets faiblement et moyennement radioactifs du Wellenberg), la grande majorité des milliers d'objections ont été polycopiées.

Seules quelques-unes ont approfondi le sujet. Les objections montrent au fond que

2648

la procédure d'autorisation générale permet essentiellement aux cantons, aux milieux intéressés et à la population de s'exprimer sur le principe du projet et de l'utilisation de l'énergie nucléaire, et qu'en outre elle sert à garantir les droits de participation que l'art. 4 de la loi sur l'aménagement du territoire donne à la population. La question de la légitimation des parties n'a encore jamais été étudiée (économie de la procédure). Les objections formelles n'ont donc pas été éliminées.

Malgré tout, il importe de conserver les dispositions en vigueur des art. 5 et 7 AF/LEA, afin de garantir aux éventuels ayants droit la possibilité d'être entendus.

Cela se justifie en particulier par le fait que l'autorisation générale fixe l'emplacement de l'installation. L'al. 3 fixe la nécessité du lieu de domicile, qui facilitera la notification valable à un étranger n'habitant pas en Suisse. Cette disposition correspond à l'art. 29, al. 4, OJ.

8.6.1.6

Avis sur les objections et oppositions (art. 46)

Cette disposition correspond à l'art. 7, al. 4, AF/LEA. Les avis seront formulés à l'intention de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation, et ils lui serviront à prendre sa décision. L'éventualité d'une seconde procédure (al. 2) résulte de la spécificité de la démarche consistant à octroyer l'autorisation générale.

8.6.1.7

Décision (art. 47)

Comme actuellement, l'autorisation générale devra, selon le projet, être délivrée par le Conseil fédéral. Si sa décision est positive, elle sera soumise à l'approbation de l'Assemblée fédérale, mais non (comme le veut la loi actuelle) si elle est négative22.

La compétence de l'Assemblée fédérale en la matière introduit un type particulier de participation à une procédure d'application du droit. Elle se différencie en particulier des compétences visées à l'art. 173, al. 1, let. h, Cst. (p. ex. la détermination du réseau des routes nationales, art. 1 de la loi fédérale sur les routes nationales, RS 725.11). L'Assemblée fédérale n'est pas l'autorité qui octroie l'autorisation (cf.

approbation de la construction ou de l'acquisition de nouveaux tronçons ferroviaires, art. 4, al. 3 de la loi sur les Chemins de fer fédéraux, RS 742.31). Il ne s'agit pas davantage de la remise en question de la décision au sens d'une voie de recours. Le Conseil fédéral décide officiellement. L'Assemblée fédérale ne pourra ni décider à sa place ni l'obliger à revenir sur un éventuel rejet de la demande pour accorder l'autorisation générale. Sa compétence dans la pratique est celle d'un droit de veto.

Comme il ressort de la genèse de l'art. 8 AF/LEA, la réserve de l'approbation par l'Assemblée fédérale de l'octroi de l'autorisation générale est un compromis entre la solution du Conseil fédéral comme seule autorité et celle de l'Assemblée fédérale comme autorité qui accorde l'autorisation ou comme instance de recours (BO 1978 N 457 ss, notamment 513 ss; E 252 ss, notamment 259 s et 273 s). Comme l'Assemblée fédérale n'a que la compétence d'approuver, et non celle d'octroyer l'autorisation, elle pourra seulement approuver ou rejeter celle-ci. Elle ne pourra pas modifier elle-même la décision du Conseil fédéral, pas plus qu'elle ne pourra donner à ce dernier des instructions ou des mandats contraignants dans ce sens. Si

22

cf. expertise de l'Office fédéral de justice du 22 septembre 1982, p. 11 ss.

2649

l'Assemblée fédérale estime que l'autorisation doit être formulée différemment ou qu'elle doit comporter des dispositions annexes autres que prévues par le Conseil fédéral, deux possibilités peuvent être envisagées: selon la première, elle l'approuvera à condition que le Conseil fédéral ajoute à l'autorisation une charge spécifique ou qu'il en modifie une dans un certain sens. La seconde possibilité, la plus judicieuse de l'avis du Conseil fédéral, serait que l'Assemblée fédérale suspende son approbation en invitant le Conseil fédéral à examiner certaines modifications qu'elle souhaiterait apporter à l'autorisation générale et à lui présenter un nouveau projet modifié ou complété, le cas échéant. L'une et l'autre possibilités laissent au Conseil fédéral la liberté de maintenir la version initiale. Dans le premier cas, l'approbation de l'Assemblée fédérale s'en trouverait empêchée, alors que dans le second cas, celle-ci pourrait encore se rallier au projet initial.

La procédure d'autorisation générale soulève des questions politiques très importantes. Ceux qui sont directement touchés, c'est-à-dire les parties au sens de l'art. 6 PA, feront valoir leurs arguments par une opposition, et le Conseil fédéral tranchera.

A cela s'ajoutera désormais la possibilité de demander le référendum contre la décision de l'Assemblée fédérale, possibilité qui est considérée comme un élément de la participation démocratique et une compensation du fait que la preuve du besoin n'est plus exigée et que l'on se limitera à une seule procédure d'opposition (cf.

message LENu, ch. 7.3.4.1.2 et 7.3.4.1.4). Le référendum ne pourra pas être lancé contre une décision relative à un dépôt souterrain en profondeur, pour lequel l'approbation du canton est nécessaire (art. 43, al. 1, et art. 48, al. 4). De plus, l'implantation d'un tel dépôt sera largement prédéterminée par les exigences géologiques.

8.6.2

Autorisation de construire une installation nucléaire et autorisation de procéder à des études géologiques

Les autorisations et autres décisions qui font suite à l'autorisation générale, soumises à des procédures différentes, figurent dans des sections distinctes de la LENu.

8.6.2.1

Généralités (art. 48)

Comme l'autorisation et l'expropriation feront désormais l'objet d'une seule procédure, les décisions intéressant les opposants à l'expropriation seront rendues en même temps que l'autorisation. Seul le traitement des demandes d'indemnisation sera soumis à une procédure spécifique. Ce mode de faire simplifiera beaucoup le déroulement. L'al. 1 règle le rapport entre les dispositions de la LENu et respectivement la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) et la loi sur l'expropriation. Il précise que les prescriptions de la LENu s'appliqueront en priorité, les autres à titre subsidiaire.

Dans l'esprit du modèle de concentration des procédures, l'al. 2 prescrit qu'une seule autorisation restera nécessaire, qui englobe l'ensemble des autorisations requises par le droit fédéral. C'est donc là que devront être traitées toutes les objections des personnes directement touchées. Cela présuppose un projet déjà relativement bien élaboré. L'octroi de l'autorisation requise par la législation atomique implique-

2650

ra que le projet satisfasse notamment aussi aux dispositions du droit ordinaire sur les constructions et sur l'expropriation.

Selon l'al. 3, l'autorisation fédérale rendra superflues les autorisations des autorités cantonales ou communales. Plus précisément, aucun document cantonal ou communal (autorisation ou plan) ne sera plus requis. La légitimité d'un projet ne devra plus dépendre non plus de la définition préalable de zones d'affectation. Cependant, le droit cantonal et les demandes qui en découlent devront être pris en compte pour autant qu'ils ne fassent pas échouer le projet ou ne le restreignent pas excessivement. L'expression «droit cantonal» recouvre les bases cantonales de planification (plan directeur, plan communal d'affectation). L'art. 2, al. 1, de la loi sur l'aménagement du territoire impose déjà la prise en compte des plans directeurs cantonaux.

Les études géologiques ne nécessitent pas d'autorisation générale et, partant, pas d'approbation du canton d'accueil quant à l'utilisation de son sous-sol au sens de l'art. 43. Mais vu la portée potentielle de la réalisation d'une galerie ou d'un puits de sondage dans l'optique de l'aménagement d'un dépôt souterrain en profondeur, l'al. 4 prescrit qu'une telle autorisation nécessitera aussi l'approbation du canton d'accueil (cf. message LENu, ch. 7.3.6.3 et 8.6.1.3).

D'après l'al. 5, les équipements de desserte, les aires d'installations et les sites d'exploitation et d'entreposage des matériaux d'excavation, de terrassement et de démolition (aire de transbordement) directement liés à la construction et à l'exploitation d'une installation nucléaire, à des études géologiques ou à un dépôt souterrain en profondeur seront inclus dans l'autorisation générale de l'installation ou des recherches. Il y aura lien étroit uniquement si une aire de transbordement constitue un élément nécessaire à l'exploitation.

8.6.2.2

Droit d'expropriation (art. 50)

Cette disposition indique au requérant qu'il disposera du droit d'expropriation pour construire, exploiter et désaffecter une installation nucléaire nécessitant une autorisation générale (let. a, cf. art. 12), pour procéder à des recherches géologiques soumises au régime de l'autorisation (let. b, cf. art. 34) et pour construire les équipements de desserte et les aires d'installations nécessaires au projet (let. c, cf. art. 48, al. 5) ainsi que pour établir des sites d'entreposage et de recyclage des matériaux d'excavation, de terrassement et de démolition (let. d). En général, le requérant sera une personnalité de droit privé. La Confédération ne pourra revendiquer le droit d'expropriation que lorsqu'elle voudra construire elle-même une installation d'évacuation ou exécuter préalablement des études géologiques s'avérant nécessaires (cf. art. 32). Cette réglementation correspond à celle de la loi fédérale sur la coordination et la simplification des procédures d'approbation des plans, laquelle prévoit désormais un droit d'expropriation d'office pour l'aménagement d'ouvrages militaires, de conduites et d'installations à courant fort, de centrales proches des frontières, d'infrastructures pour des entreprises publiques de navigation et d'installations aéroportuaires. C'est notamment parce que les installations (et en particulier les centrales) nucléaires dépendent assez fortement des sites que le présent avant-projet les assortit également du droit légal d'expropriation (cf. message LENu, ch. 7.3.6.2 à la fin). Ce droit ne s'étendra pas à la fermeture d'un dépôt souterrain en profondeur, où il ne sera pas nécessaire, semble-t-il. Au reste, la fermeture 2651

nécessitera une décision du Conseil fédéral. Si celle-ci touchait simultanément des droits de propriété, elle ne pourrait pas être réexaminée par une autorité judiciaire indépendante de l'administration; ce serait incompatible avec la CEDH (cf. message LENu, ch. 7.3.6.2).

Les objets de l'expropriation pourront être soit la propriété du bien-fonds, soit des droits réels limités. En cas d'expropriation des rapports de voisinage, la jurisprudence du Tribunal fédéral sera déterminante. Il en résulte que seule sera possible l'expropriation dans une aire soumise à des immissions positives (p. ex. le bruit), conformément à l'art. 684 CC. Lorsqu'on aura affaire à des immissions négatives (p. ex. la privation de lumière et de soleil), l'expropriation n'entrera en ligne de compte que si la législation cantonale comporte des normes de protection de la propriété (ATF 106 IB 231).

8.6.2.3

Art. 49 et 51 à 57

Ces articles règlent la procédure d'octroi des autorisations. Ils correspondent aux dispositions ad hoc de la loi fédérale sur la coordination et la simplification des procédures d'approbation des plans (art. 126b à 127, al. 1, et 129 de la loi du 3 février 1995 sur l'armée (RS 510.10), art. 62a à 62g et 62i de la loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques, RS 721.80; art. 18u de la loi du 20 décembre 1957 sur les chemins de fer, RS 742.101; RO 1999 3074 ss; cf. aussi les commentaires in FF 1998 III 2525).

8.6.2.4

Prétentions en matière d'expropriation du fait de la zone de protection (art. 58)

A priori, la zone de protection entourant un dépôt final interdira toute autre utilisation du sous-sol sur son aire (art. 39, al. 2). Dans la mesure où l'utilisation du soussol appartient au propriétaire du bien-fonds (art. 667, al. 1, CC), cette interdiction interférera avec les droits de propriété. Si la restriction de propriété est assimilable à une expropriation, il y aura lieu de verser une indemnité. Quant à savoir si tel est bien le cas, il faudra en faire une analyse fondée sur les critères définis par le Tribunal fédéral. Le projet renonce délibérément à fixer ces critères et se borne à préciser la démarche permettant de réclamer une indemnité.

8.6.2.5

Participation des cantons à l'évacuation des matériaux d'excavation, de terrassement ou de démolition (art. 59)

S'il n'existe, pour recevoir les matériaux d'excavation, de terrassement et de démolition, aucun site lié au projet de par son implantation et sa fonction et pouvant par conséquent être considéré comme faisant partie intégrante de l'installation (voir art.

48, al. 5), les cantons désigneront un site pour l'évacuation des matériaux non nucléaires. S'ils ne remplissent pas cette tâche avant l'octroi de l'autorisation, le département pourra autoriser un entrepôt intermédiaire provisoire et limité dans le

2652

temps au sens de l'art. 37 de l'ordonnance du 10 décembre 1990 sur le traitement des déchets (OTD, RS 814.015).

8.6.3

Autorisation d'exploiter une installation nucléaire, désaffectation d'une installation nucléaire et fermeture d'un dépôt souterrain en profondeur (art. 60 à 62)

Certaines dispositions légales régissant les procédures d'octroi de l'autorisation d'exploiter une centrale nucléaire et les décisions liées à la désaffectation et à la fermeture de telles installations ne s'appliquent pas dans tous les cas d'espèce. C'est la raison des renvois aux dispositions ad hoc des art. 48 à 59. On renonce en particulier à mentionner les prescriptions de la procédure d'expropriation lorsque ce droit n'est pas prévu.

8.6.4

Autres décisions, y compris les permis d'exécution (art. 63)

Dans bien des domaines, une procédure concentrée est superflue. On peut citer notamment les autorisations relatives à la manipulation d'articles nucléaires (art. 6), l'entreposage de matières nucléaires dans une installation nucléaire avant l'octroi de l'autorisation d'exploiter (art. 20, al. 3), l'ordre de désaffectation (art. 26, al. 1, let.

b), les autorisations relatives à la manipulation des déchets radioactifs (art. 33) ainsi que l'ordre de fermer un dépôt souterrain en profondeur (art. 38, al. 2). Selon l'al 1, ces procédures sont régies par les prescriptions générales de la PA. L'al. 2 règle la question de l'adresse postale (cf. message LENu, ch. 8.6.1.5). Comme jusqu'ici, le requérant sera seul associé, en vertu de l'al. 3, à la procédure aboutissant à l'octroi du ou des permis par l'autorité de sécurité. La procédure publique empêcherait de réaliser des projets d'une telle ampleur à cause du très grand nombre d'étapes qu'elles comportent. Les permis d'exécution sont des décisions au sens de la loi sur la procédure administrative.

8.6.5

Décisions: modification, transfert, retrait et extinction

8.6.5.1

Modification (art. 64)

En principe, une modification sera apportée selon la même procédure que la décision et par la même autorité (al. 1 et 2). Mais cette démarche ne sera nécessaire que s'il s'agit d'une modification essentielle. Le contenu de l'autorisation et l'étendue de la modification détermineront si l'on se trouve dans ce cas de figure. Ainsi, pour les réacteurs nucléaires, l'autorisation générale fixe la forme d'énergie, soit généralement l'électricité. Le prélèvement ultérieur limité de chaleur, non prévu à l'origine, ne nécessitera pas que l'on modifie l'autorisation générale. Il en ira de même de l'augmentation de la puissance dans les limites de la classe de puissance autorisée.

En revanche, une telle augmentation nécessitera une modification de l'autorisation d'exploiter, si tant est qu'il en résulte une puissance excédant la puissance maximale 2653

indiquée dans l'autorisation d'exploiter. Comme autres exemples de modifications soumises à l'autorisation, on citera les systèmes de refroidissement d'urgence des centrales nucléaires de Beznau et de Mühleberg. En revanche, un permis d'exécution délivré par les autorités de surveillance suffira (al. 3) pour des modifications touchant la sécurité mais ne divergeant pas profondément de l'autorisation d'exploiter. Dans la pratique actuelle, c'est en particulier le remplacement de composants (p. ex. les générateurs de vapeur) ou de systèmes importants (p. ex. le système de protection et de réglage des réacteurs). Par ailleurs, un permis d'exécution suffira en cas d'emploi d'éléments combustibles à l'oxyde mixte (éléments MOX) aussi longtemps que les caractéristiques de sécurité du réacteur ne changent pas notablement.

L'autorisation générale fixe «les grandes lignes du projet, qui comprennent l'indication approximative de la taille et de l'implantation des principales constructions» (art. 14, al.

2). Par conséquent, il serait nécessaire de la modifier si par exemple on envisageait d'accroître sensiblement la capacité d'un dépôt souterrain en profondeur ou de le construire à partir du même portail d'entrée, mais d'une taille dépassant l'aire prévue initialement.

L'art. 64 ne règle pas la modification des autorisations relatives à la manipulation d'articles nucléaires (al. 6) ou de déchets radioactifs (art. 33). Une nouvelle autorisation sera dans ce cas requise.

8.6.5.2

Transfert (art. 65)

En principe, une autorisation pourra être transférée à un nouvel exploitant si toutes les conditions requises sont réunies (al. 1). Le transfert de l'autorisation générale d'une centrale nucléaire sera régi par des prescriptions supplémentaires. En effet, l'ouverture du marché de l'électricité fait que des regroupements importants ne sont pas exclus dans la branche. Certaines sociétés pourraient être tentées de détacher leur centrale nucléaire de la firme. Voilà pourquoi il sera exigé du détenteur initial de l'autorisation qu'il s'acquitte de tous les coûts de désaffectation et de gestion correspondant à la durée d'exploitation (al. 2). En outre, il restera responsable de l'évacuation des déchets produits jusqu'à la date du transfert (art. 31, al. 3). Au surplus, l'octroi et le transfert de l'autorisation générale impliquent que l'on vérifie si le requérant donne suffisamment d'assurances qu'il remplit ses obligations légales et par conséquent, s'il dispose des moyens financiers requis. Le transfert de cette autorisation ne nécessitera pas l'approbation du Parlement (al. 3). En effet, si l'installation est en service, il n'est nécessaire, pour l'essentiel, que d'examiner les conditions d'autorisation personnelles (art. 20, al. 1, let. a, e et h). Si l'autorisation générale est transférée, les autorisations de construire et d'exploiter le seront aussi (al. 4). A l'inverse, celles-ci ne pourront être transférées sans l'autorisation générale, dont le détenteur et celui des autorisations de construire et d'exploiter devront être une seule et même personne (art. 16, al. 2, let. a, art. 20, al. 1, let. a). Comme les conditions personnelles sont déterminantes dans le transfert de l'autorisation générale, le requérant et le détenteur de l'autorisation auront seuls qualité de parties (al. 5). Quant aux autorisations de manipuler des articles nucléaires et des déchets radioactifs, elles sont étroitement limitées dans le temps. Leur transfert serait quasiment aussi laborieux que l'octroi. C'est pourquoi elles ne sont pas transférables (al. 6).

2654

8.6.5.3

Retrait (art. 66)

L'al. 1 définit les motifs généraux du retrait. Pour l'autorisation générale, la décision appartient au Conseil fédéral (al. 2). Eu égard à sa portée, elle est soumise à l'approbation de l'Assemblée fédérale (al. 3). Le retrait de l'autorisation générale entraînera aussi celui des autorisations de construire et d'exploiter (al. 4, cf. art. 65, al. 3). La réciproque ne sera pas vraie: le retrait de l'autorisation de construire ou d'exploiter n'entraînera pas forcément celui de l'autorisation générale. Il n'est pas exclu que l'exploitant rétablisse en temps utile les conditions requises pour obtenir une nouvelle autorisation d'exploiter. Quant à l'idée d'un dédommagement au sens de l'art.

9, al. 5, LEA, elle a été abandonnée pour les raisons suivantes: le dédommagement tel qu'il est conçu actuellement est étroitement lié à la preuve du besoin. Si celui-ci est réputé ne plus exister et si par conséquent l'autorisation générale est retirée, cette décision inattaquable juridiquement pourra avoir pour le requérant des conséquences financières graves. En outre, le détenteur de l'autorisation ne peut influer sur l'appréciation du besoin. Voilà pourquoi la législation actuelle prévoit son dédommagement. La nouvelle loi, elle, ne fera plus dépendre l'autorisation de la preuve du besoin. Quant à l'autorisation générale, elle pourra être retirée en particulier si les conditions de son octroi ne sont plus remplies, conditions qui relèvent toutes de la sphère d'influence du détenteur. Si le retrait avait lieu sans raison, l'intéressé pourrait exiger un dédommagement au moyen d'une plainte se référant à la loi sur la responsabilité (RS 170.32). En vertu de cette même loi (art. 75), le retrait des autres autorisations, notamment celle de construire ou d'exploiter, pourrait être soumis à l'appréciation du juge.

8.6.5.4

Extinction (art. 67)

L'extinction, où l'autorisation expire sans aucun acte de l'autorité, est distincte du retrait de l'autorisation, qui est un acte de souveraineté. Les délais mentionnés à l'al.

1, let. a, sont essentiellement ceux qui découlent des art. 14, al. 3, et 17, al. 2.

L'abandon décidé par le détenteur (let. b) éteint l'autorisation, certes, mais il ne délie pas le propriétaire de l'installation de ses obligations en matière de désaffectation (art. 26, al. 1, let. b) et d'évacuation (art. 31, al. 1, cf. aussi l'art. 68). En vertu de la let. c, l'autorisation s'éteint lorsque le département ou, aux termes de l'art. 38, al. 4, le Conseil fédéral constate que l'installation ne tombe plus sous le coup de la législation sur l'énergie nucléaire. C'est le cas après la fin réglementaire de la désaffectation d'une installation nucléaire et après la fermeture du dépôt souterrain en profondeur ou à la fin d'une période de surveillance ordonnée par le Conseil fédéral (art. 29, al. 1, et 38, al. 4). Pour une installation soumise à l'autorisation générale, celle-ci prime les autorisations de construire et d'exploiter; de ce fait, son extinction entraîne celle des deux autres (al. 3).

8.6.5.5

Maintien de certaines dispositions qui conditionnent l'autorisation (art. 68)

A priori, on pourrait penser que le retrait ou l'extinction d'une autorisation d'exploiter abolissent également les obligations qui y figurent et qui doivent être remplies pour garantir la sécurité de l'installation après sa mise hors service, donc que le propriétaire de l'installation pourrait se soustraire à ses engagements. Voilà 2655

pourquoi l'art. 68 précise que les obligations en matière de sécurité figurant dans l'autorisation subsistent jusqu'à ce que l'opération de désaffectation ou de fermeture de l'installation nucléaire ait été ordonnée (al. 1). Il en va de même en cas de retrait ou d'extinction de l'autorisation selon l'art. 20, al. 3 (al. 2).

8.6.6

Surveillance

8.6.6.1

Autorités de surveillance (art. 69)

Actuellement, les autorités de surveillance sont la Division principale de la sécurité des installations nucléaires (DSN) pour ce qui touche à ce domaine, et la section Energie nucléaire de l'OFEN pour ce qui a trait à la non-prolifération et à la sûreté (cf. message LENu, ch. 7.3.2 et 8.2.2, commentaires des al. 3 et 4). La DSN fait partie intégrante de l'OFEN sur le plan administratif, certes, mais elle travaille en toute indépendance sur les questions techniques. Il est prévu de l'intégrer au futur Institut suisse de sécurité technique (cf. message LENu, ch. 7.3.7).

8.6.6.2

Commission de la sécurité des installations nucléaires (art. 70)

La Commission fédérale de la sécurité des installations nucléaires (CSA), créée en 1960, doit être inscrite dans la loi. Son cahier des charges correspond au droit en vigueur (art. 2 de l'ordonnance du 14 mars 1983 concernant la Commission fédérale de la sécurité des installations nucléaires, RS 732.21, cf. message LENu, ch. 7.3.7).

8.6.6.3

Tâches et compétences des autorités de surveillance (art. 71)

Les autorités compétentes en matière de surveillance (DSN et section Energie nucléaire de l'OFEN) ainsi que la CSA (art. 70, al. 2) examinent les projets reçus.

Actuellement, la DSN élabore des expertises techniques ad hoc tandis que la CSA prend position, à l'intention du Conseil fédéral, sur les projets et les expertises. Ces documents servent à donner la réponse à une demande d'autorisation dans le domaine nucléaire. Les autorités de surveillance veillent à ce que les exigences en matière de sécurité et de sûreté nucléaires soient respectées dans les installations nucléaires et dans la manipulation des déchets radioactifs (al. 1, cf. message LENu, ch. 7.3.7). Dans ce domaine, la DSN est déjà l'autorité chargée de faire respecter aussi les prescriptions relevant de la législation sur la radioprotection (art. 136, al. 4, ORaP).

Les autorités compétentes en matière de surveillance ne peuvent ordonner que des mesures qui ne s'écartent pas des autorisations accordées (al. 2; cf. art. 64, al. 1 et 2).

Des mesures de rééquipement peuvent être prises en tout temps si elles sont nécessaires au vu des expériences faites et de la technique de rééquipement et en outre, si elles sont justifiées en vue de réduire encore le risque (cf. art. 22, al. 2, let. g). Ainsi la DSN a exigé de tous les exploitants de centrales nucléaires suisses qu'ils installent des systèmes de dépressurisation du confinement et qu'ils améliorent les protections contre la foudre et l'incendie. Les autorités de surveillance ne peuvent ordonner exceptionnelle2656

ment des mesures s'écartant des dispositions de l'autorisation que si un danger immédiat menace (al. 3). Cependant, c'est le Conseil fédéral qui décide dans les situations extraordinaires (art. 25 et ch. 2.4.3.7). La possibilité de séquestrer et d'éliminer les sources de danger ainsi que de faire appel aux organes de police et d'enquête (al. 4 et 5) fait partie des compétences usuelles de contrôle inscrites dans le droit de police (cf.

p. ex. art. 28, al. 1 et 2, et art. 29, al. 1, de la loi sur le matériel de guerre, et les art. 10, al. 1 et 2, et art. 11 de la loi sur le contrôle des marchandises). Elles correspondent à l'actuel art. 39, al. 2 à 4, LEA.

8.6.6.4

Obligation d'informer et de fournir des documents, accès (art. 72)

Cette disposition reprend l'essentiel des prescriptions en vigueur sur le contrôle des marchandises sensibles (art. 27 et 28, al. 1, de la loi sur le matériel de guerre et art. 9 et 10, al. 1, de la loi sur le contrôle des marchandises) et de l'art. 39, al. 1 et 2, LEA.

Associée à l'art. 11, al. 1, elle autorise des mesures fondées sur la convention de contrôle passée entre la Suisse et l'AIEA (cf. message LENu, ch. 11.1).

8.6.6.5

Information du public (art. 73)

Cette disposition définit une obligation. L'information devra porter en particulier sur l'état des installations nucléaires, sur les événements ou activités en relation avec les articles nucléaires et sur l'évacuation des déchets radioactifs (al. 1). Une responsabilité spécifique incombe à la DSN, qui informe d'ores et déjà sans délai le public sur les événements particuliers l'intéressant (al. 2) et en outre une fois par an sur la surveillance des installations nucléaires. Lorsque les autorités fournissent des informations, elles sont tenues au secret de fabrication et au secret d'affaires (al. 3) ainsi qu'au secret de fonction (art. 100, al. 4).

8.6.6.6

Protection des données (art. 74)

Cette disposition règle l'étendue de l'utilisation possible des données personnelles.

Elle répond aux prescriptions de la législation sur la protection des données. Une disposition analogue est inscrite dans la loi sur le matériel de guerre (art. 28, al. 3) et dans la loi sur le contrôle des marchandises (art. 10, al. 3). Dans le contexte des contrôles de fiabilité, l'art. 24 va plus loin que la formulation générale figurant à l'art. 74 (cf. message LENu, ch. 8.4.3.6).

8.6.7

Voies de droit (art. 75)

Les décisions officielles du département et des autorités désignées par le Conseil fédéral d'accorder les autorisations, et celles des autorités de surveillance et des commissions administratives des fonds de désaffectation et de gestion peuvent être attaquées devant la commission des recours du DETEC. Tel n'est pas le cas des décisions du Conseil fédéral avalisées par les Chambres, et concernant une demande d'autorisation générale. Comme les autorités de surveillance (DSN, section Energie 2657

nucléaire de l'OFEN) peuvent ordonner des mesures étendues (art. 71, al. 2 à 4), il est indiqué de prévoir la possibilité de saisir la commission de recours du DETEC ou le Tribunal fédéral. Consécutivement à la proposition de réviser la loi d'organisation judiciaire (ann., ch. II), toutes les décisions d'autorisation, sauf l'autorisation générale et les décisions relatives à la fermeture d'un dépôt souterrain en profondeur, seront assorties du droit de recours administratif devant le Tribunal fédéral.

8.7

Garantie du financement de la désaffectation et de l'évacuation des déchets

8.7.1

Fonds de désaffectation et fonds d'évacuation des déchets (art. 76)

La constitution de réserves en vue de couvrir les coûts de désaffectation des centrales nucléaires et de gestion des déchets radioactifs doit s'inspirer largement des ordonnances concernant le fonds de désaffectation et le fonds pour la gestion des déchets radioactifs (cf. message LENu, ch. 7.3.5.3). Les al. 1 et 2 définissent les coûts à imputer à ces fonds. Les coûts de gestion comprennent toutes les dépenses liées à l'évacuation des déchets radioactifs, soit celles de la recherche, des mesures préparatoires, de la conception du dépôt, de la construction et de l'exploitation des équipements de gestion, de la fermeture et de la surveillance du dépôt souterrain en profondeur. L'ordonnance devra préciser les composants exacts. Les dépenses imputables en partie à la désaffectation et en partie à la gestion des déchets seront réparties en conséquence. L'al. 3 désigne les propriétaires d'installations nucléaires comme étant tenus de verser des cotisations aux fonds. L'obligation commencera à la mise en service de la centrale et elle prendra fin lorsque les tâches de désaffectation et d'évacuation des déchets auront été achevées. Les petits équipements qui n'engendrent guère des coûts de désaffectation et de gestion des déchets pourront être exonérés du versement aux fonds.

8.7.2

Créance (art. 77)

Aux actifs des fonds correspond, en vertu de l'al. 1, une créance de tout propriétaire astreint au versement de cotisations. Son ampleur dépend des cotisations acquittées, auxquelles s'ajoute une part du produit du fonds et des dépenses qu'il suscite (intérêts, part de l'accroissement ou de la diminution de sa valeur, coûts de gestion et de secrétariat). La seconde phrase introduit une plus grande sécurité en cas de faillite d'une société exploitante. L'al. 3 règle dans ce cas le transfert à un nouveau propriétaire. Celui-ci endossera les droits et les responsabilités de son prédécesseur, notamment l'obligation de verser des cotisations; en conséquence, il devra verser les arriérés, le cas échéant. L'al. 4 précise que si le propriétaire fait faillite, si la société est radiée à l'issue de la procédure de faillite et si l'installation n'est pas reprise par une autre société, la partie du fonds qui y est destinée deviendra propriété du fonds.

Elle sera affectée à la couverture des coûts de désaffectation et d'évacuation des déchets de l'installation. Si l'argent vient à manquer, il est dit à l'art. 78, al. 2, que les fonds couvriront le solde; reste enfin la clause des versements complémentaires obligatoires (art. 79, al. 3).

2658

8.7.3

Prestations du fonds (art. 78)

Si les cotisations versées par un propriétaire d'installation nucléaire ne suffisent pas à en couvrir les coûts, le fonds y pourvoit à sa place. En vertu de l'al. 1, le responsable de l'installation sera sollicité en premier pour combler le trou. Si ses moyens ne suffisent pas, les fonds interviendront selon l'al. 2. C'est également ce qui se passera si (art. 77, al. 4) un exploitant tombe en faillite, si la société est radiée et si aucune autre société ne reprend la centrale. L'art. 32, al. 1, let. b, précise que si l'exploitant néglige son devoir d'évacuer les déchets radioactifs, la Confédération le fera aux frais du fonds de gestion, lequel est alimenté par les contributions des producteurs de déchets. Là encore, le fond interviendra dans la mesure où ses moyens le lui permettent; reste enfin la clause des versements complémentaires obligatoires (art. 79, al. 3).

8.7.4

Versements complémentaires (art. 79)

Si une installation nucléaire est mise hors service avant terme ou si la société exploitante tombe en faillite et n'est pas reprise, la couverture financière des coûts de désaffectation et de gestion des déchets ne sera pas assurée. Selon le moment où cela arrivera, la différence pourra atteindre plusieurs milliards de francs. Pour éviter aux collectivités publiques de devoir assumer ces frais, il faut soumettre les autres sociétés exploitantes à l'obligation de fournir des versements complémentaires. Le principe de tels versements a déjà été énoncé dans l'ordonnance sur le fonds de désaffectation (art. 8). Seront tenus de fournir de tels versements, selon l'al. 2, les exploitants astreints au versement de cotisations ainsi que les créanciers, c'est-à-dire les propriétaires d'installations nucléaires s'étant déjà acquittés de leurs cotisations; ils y seront tenus seulement dans la mesure où ils sont débiteurs ou créanciers du fonds en question. On peut envisager le cas d'une installation nucléaire qui causerait des coûts de désaffectation, mais non des coûts de gestion. Elle serait alors débitrice ou créancière vis-à-vis du fonds de désaffectation seulement. Au surplus, elle ne serait tenue à des versements complémentaires qu'à concurrence des cotisations dues. On évitera ainsi de charger exagérément les propriétaires des petites installations nucléaires. L'al. 3 règle la situation où l'exploitant fait faillite, où l'installation nucléaire n'est pas reprise par une autre société et où les montants dont dispose le fonds (cotisations payées ou dues par cet exploitant) ne suffisent pas à couvrir les coûts (let. a). L'obligation des versements complémentaires pourra être limitée (al. 4) par une contribution de la Confédération aux coûts non couverts, en application du principe de la proportionnalité.

8.7.5

Forme juridique et organisation des fonds (art. 80)

Selon l'al. 1, les fonds ont une personnalité juridique propre. Leur organisation (al. 2) pourra s'inspirer des expériences faites avec le fonds de désaffectation. La possibilité d'une avance accordée aux fonds par la Confédération (al. 3) figure déjà à l'art. 11, al. 3, AF/LEA. Elle permet de remédier à un manque passager de liquidités. En revanche, l'al. 4 innove, par rapport à la réglementation du fonds de désaffectation, en prévoyant que les fonds seront exonérés du paiement d'impôts directs. La pratique des autorités fiscales consiste déjà à ne pas prélever de tels impôts 2659

sur le fonds de désaffectation. Les grandes options de la politique de placement selon l'al. 5 sont les lignes directrices applicables dans l'investissement des fonds.

De telles lignes directrices ont été rédigées pour la commission administrative du fonds de désaffectation. Elles contribuent à assurer la sécurité et la solvabilité du fonds ainsi qu'un intérêt équitable des actifs. Même si le Conseil fédéral fusionnait les deux fonds, la comptabilité distinguerait toujours les coûts de désaffectation des coûts de gestion des déchets de chacune des installations nucléaires.

8.7.6

Garantie du financement des autres opérations d'évacuation des déchets (art. 81)

L'al. 1 précise que le devoir de constituer des provisions visé à l'art. 669 du code des obligations prévaut même si le propriétaire de l'installation nucléaire n'est pas une société anonyme (cf. art. 13, al. 2). Les al. 2 et 3 correspondent aux propositions du rapport d'expertise sur la couverture des coûts de gestion des déchets radioactifs (cf. message LENu, ch. 7.3.5.3, note 23). Ces contrôles accroissent la sécurité quant aux coûts de gestion non assumés par le fonds.

8.8

Emoluments, dédommagements et mesures d'encouragement

8.8.1

Emoluments et taxes de surveillance perçus par la Confédération (art. 82)

La teneur des al. 1 et 2 correspond au droit en vigueur (art. 37, al. 3, LEA, ordonnance du 30.9.1985 sur les émoluments dans le domaine de l'énergie nucléaire, RS 732.89). Les travaux de recherche et de développement ne peuvent être facturés que s'ils se situent dans le cadre des tâches des autorités de surveillance, autrement dit, s'ils ont trait à des questions de sécurité et de sûreté. A l'avenir, cela concernera davantage les recherches nécessaires pour maintenir le niveau des connaissances et la formation de spécialistes en vue d'assurer la sécurité des installations en service.

Les taxes perçues s'expliquent par l'insuffisance des émoluments pour couvrir les coûts de surveillance. Notamment, les activités générales de surveillance non liées à une installation spécifique (suivi des avancées de la science et de la technique, collaboration dans des commissions et dans des autorités internationales) ne peuvent être imputées à des personnes ni à des sociétés soumises à la surveillance. C'est pourtant ce qu'exige le principe de l'équivalence et de la couverture des coûts qui s'applique à la perception des émoluments. Pour couvrir intégralement les coûts, il sera donc nécessaire de prélever, en plus des émoluments, une taxe forfaitaire annuelle. Celle-ci correspondra, pour l'essentiel, aux émoluments prélevés jusqu'ici pour les activités générales de surveillance en vertu de l'art. 19 de l'ordonnance en la matière. Cette réglementation ne peut être intégralement déléguée au Conseil fédéral. La loi doit fixer le sujet, l'objet et la base de calcul de la taxe annuelle.

Selon l'al. 2, la taxe de surveillance sera calculée d'après la moyenne des dépenses des cinq années précédentes et répartie entre les propriétaires d'installations nucléaires au prorata des émoluments dus par leurs détenteurs.

2660

8.8.2

Emoluments perçus par les cantons (art. 83)

Cette disposition est à mettre en relation avec l'art. 100, al. 5, selon lequel les cantons pourront être associés aux tâches d'exécution. La let. d concerne les mensurations, annotations et inscriptions visées à l'art. 39, al. 3.

8.8.3

Dédommagement pour atteinte aux droits régaliens des cantons (art. 84)

Les études géologiques et la construction d'un dépôt souterrain en profondeur peuvent porter atteinte notamment à la régale cantonale des mines. Il n'est pas possible de faire valoir une indemnisation des collectivités pour le préjudice direct ou indirect subi dans leurs droits régaliens en s'appuyant sur la législation relative à l'expropriation. Cela ressort de l'art. 5, al. 1, LEx (ATF 109 Ib 34). Le canton propriétaire des droits régaliens a cependant droit à une indemnité, raison pour laquelle il a fallu créer une base légale. Si aucun arrangement ne peut être trouvé quant au montant de l'indemnité, il incombera à la commission d'estimation de le fixer en application de la loi sur l'expropriation, par analogie.

8.8.4

Encouragement de la recherche et de la formation de spécialistes (art. 85)

Cette disposition est très proche de l'art. 2 LEA. Selon l'al. 1, la Confédération ne sera pas tenue d'encourager la recherche fondamentale au titre de la LENu. Elle le fera dans le cadre de la loi sur la recherche (RS 420.1). A titre d'exemple de recherche appliquée, on peut citer la prise en compte des facteurs humains dans les systèmes de commande de centrales nucléaires, les conditions chimiques régnant dans les dépôts souterrains en profondeur et le transport des radionucléides dans la géosphère. Un autre type de projets gagnant en importance concerne le maintien des connaissances utiles à la sécurité des installations en activité. S'agissant du soutien à la formation de spécialistes prévu à l'al. 2, on peut citer la participation à des programmes de formation universitaire. Le soutien apporté à la formation dans le domaine de la radioprotection découle de la législation ad hoc (art. 5 LRaP); la LENu ne prévoit pas de contribution. L'al. 3 fixe le montant maximal des aides financières à 50 % des coûts imputables.

8.8.5

Contributions versées aux organisations internationales et participation à des projets internationaux (art. 86)

L'AIEA gère un fonds d'aide technique et de coopération qui sert à financer avant tout des applications techniques liées à l'utilisation pacifique et sûre de l'énergie nucléaire dans les pays en développement, en particulier dans les domaines de la santé et de l'environnement. Outre des contributions volontaires à ce fonds, la Suisse fournit aujourd'hui des contributions obligatoires au budget de l'AIEA, comme l'exige l'arrêté fédéral du 18 mars 1957 concernant l'approbation du statut de l'AIEA (RS 0.732.011). L'art. 86 constitue la base juridique claire autorisant les 2661

contributions volontaires déjà accordées à l'AIEA. Les contributions obligatoires à cette organisation sont couvertes par la même disposition. Celle-ci autorisera en outre la Confédération à participer à des projets internationaux dans les domaines cités.

8.9

Remarques sur les chapitres 9 et 10 (dispositions pénales et finales)

8.9.1

Dispositions pénales

8.9.1.1

Généralités

L'actuelle loi sur l'énergie atomique comporte un important catalogue de dispositions pénales, qui a été étendu à la faveur de la révision partielle du 3 février 1995.

Ces dispositions sont reprises ici. La plupart des actes criminels dirigés contre la collectivité seront désormais réglés dans le code pénal (annexe, ch. 2, cf. message LENu, ch. 8.9.2.5.2). Les délits commis dans le domaine de la radioprotection sont réglés dans la loi spéciale (art. 41 ss, LRaP). Les infractions à ladite loi seront poursuivies comme jusqu'ici exclusivement en vertu de ces dispositions pénales (cf. le message du 17.2.1988 concernant la loi sur la radioprotection, FF 1988 II 189 ss).

Cela concerne par exemple la manipulation des déchets radioactifs en médecine, dans l'industrie et dans la recherche.

Les peines encourues doivent être adaptées à l'importance des droits enfreints et aux sommes parfois élevées entrant en ligne de compte comme montant du délit. Elles avaient déjà été massivement augmentées à l'art. 34a LEA comparativement au droit en vigueur pour des motifs de non-prolifération.

8.9.1.2

Infractions aux mesures de sécurité et de sûreté (art. 87)

Pour l'essentiel, cette disposition correspond à l'art. 30 LEA. Elle s'adresse en premier lieu aux producteurs et exploitants d'installations nucléaires ainsi qu'aux personnes qui manipulent des articles nucléaires et des déchets radioactifs. En comparaison, le cercle des personnes visées à l'art. 226bis du code pénal est beaucoup plus large.

8.9.1.3

Infractions touchant des articles nucléaires ou des déchets radioactifs (art. 88)

Cette disposition correspond largement à celle de l'art. 34a LEA. Elle a été instaurée en 1995 sur la base des expériences effectuées avec les pays en voie de nucléarisation (cf. le message du 19.1.1994 concernant une révision partielle de la loi sur l'énergie atomique et de l'AF/LEA, FF 1994 I 1341 ss). Elle englobe désormais les infractions lors de la manipulation des déchets radioactifs, laquelle relève de la LENu lorsque ces déchets ne proviennent pas de la médecine, de l'industrie ou de la recherche.

2662

8.9.1.4

Violation des obligations imposées par l'autorisation d'une installation nucléaire (art. 89)

Dans le droit en vigueur, l'accomplissement illicite d'actes soumis au régime de l'autorisation est une contravention (art. 35, al. 1, LEA). La gravité des actes commis justifie la qualification de délit. Les autres actes au sens de l'al. 3 peuvent être des études géologiques et le stockage de matières nucléaires dans une installation nucléaire avant l'octroi de l'autorisation d'exploiter (art. 20, al. 3).

8.9.1.5

Violation du secret (art. 90)

Cette disposition a pour objet de préserver la sécurité publique, qui pourrait être mise en péril, par exemple par la publication du dispositif de sécurité d'une installation nucléaire.

8.9.1.6

Abandon de la possession (art. 91)

Cette disposition vise à faire appliquer les obligations concernant la manipulation d'articles nucléaires et l'évacuation des déchets radioactifs. La sanction est le seul moyen approprié. Il serait vain de retirer l'autorisation à un détenteur de matières nucléaires ou de déchets radioactifs qui voudrait de toute manière s'en débarrasser.

8.9.1.7

Contraventions (art. 92)

Pour l'essentiel, cette disposition reprend l'actuel art. 35 LEA.

8.9.1.8

Autres dispositions pénales (art. 93 à 99)

Ces dispositions ont été introduites dans la loi sur l'énergie atomique lors de la révision partielle de 1995. Il est indiqué d'apporter des précisions à l'art. 36, al. 1, LEA, et donc à l'art. 94, al. 1, LENu. L'extension de la souveraineté pénale de la Suisse est une exception rare; elle a notamment servi jusqu'à présent à empêcher la prolifération d'armes de destruction massive. L'art. 36, al. 1, LEA a été instauré dans l'optique de la non-prolifération des armes nucléaires (cf. le message 1994, FF 1994 I 1341). C'est pourquoi la pénalité est limitée aux actes criminels et aux infractions selon les art. 88 et 90. La double juridiction fixée à l'art. 99, al. 1 et 2 (juridiction pénale fédérale et poursuite et jugement par l'OFEN) correspond à la pratique actuelle, qui veut qu'en cas d'infraction, les autorités compétentes techniquement le soient aussi sur le plan pénal (cf. art. 43, al. 2, LRaP).

2663

8.9.2

Dispositions finales

8.9.2.1

Exécution (art. 100)

Cette disposition correspond largement à l'art. 37, al. 1bis et 2, LEA. L'al. 2 statue une délégation de compétence donnée au DETEC et à ses services subordonnés, notamment l'OFEN. Les prescriptions correspondantes se trouvent aujourd'hui pour l'essentiel dans les directives de la DSN. L'obligation faite aux autorités de protéger le secret de fonction (al. 4) est certes déjà couverte par l'art. 320 du code pénal. Sa mention et celle de l'obligation de prendre les précautions requises visent à fixer clairement les responsabilités (cf. art. 28, al. 4, de la loi sur le matériel de guerre et art. 10, al. 4, de la loi sur le contrôle des marchandises). Le principal objet du secret de fonction est le secret d'affaires et professionnel. Associer les cantons (al. 5) est chose indispensable dans différents domaines, par exemple dans la surveillance des installations nucléaires (art. 23 et message LENu, ch. 8.4.3.5). La protection des transports de matières nucléaires est assurée par les polices cantonales. L'autorisation de transporter (art. 6, al. 1) octroyée par la Confédération précise si une telle protection est nécessaire ou non, et si oui, quelle doit en être l'ampleur. Lorsqu'il s'agit de protection en cas d'urgence, le recours aux cantons se fonde sur la LRaP.

Le remboursement des coûts induits pour les cantons est réglé à l'art. 83.

8.9.2.2

Entraide administrative en Suisse et avec des autorités étrangères (art. 101 et 102)

Ces dispositions, également introduites dans la foulée de la révision partielle de 1995 de la loi sur l'énergie atomique, correspondent aux art. 41 et 42 de la loi sur le matériel de guerre et aux art. 19 et 20 de la loi sur le contrôle des marchandises.

8.9.2.3

Conventions internationales (art. 103)

Dans sa teneur, l'al. 1 correspond à l'art. 37, al. 4, LEA. Au surplus, la let. c autorise le Conseil fédéral à conclure des accords bilatéraux concernant l'échange d'informations sur la construction et l'exploitation d'installations nucléaires proches de la frontière. Une telle convention existe aujourd'hui entre la Suisse et l'Allemagne (accord du 10.8.1982, RS 0.732.211.36). Elle avait été approuvée naguère par l'Assemblée fédérale au cours d'une procédure ordinaire. La délégation proposée à la let. c autoriserait le Conseil fédéral à conclure des conventions analogues avec d'autres pays sans l'approbation du Parlement. Il faut mentionner par ailleurs à ce titre les conventions sur l'échange d'informations concernant la sécurité nucléaire et la radioprotection, pour lesquelles l'approbation du Parlement n'est pas nécessaire en vertu de la pratique adoptée. La Suisse en a conclu avec tous ses voisins: l'Allemagne (convention du 31.5.1978, RS 0.732.321.36, avec échange de notes du 25.7.1986, RS 0.732.321.361), la France (accord du 30.11.1989, RS 0.732.323.49), l'Italie (accord du 15.12.1989, RS 0.732.324.54) et enfin l'Autriche (traité signé le 19.3.1999; entré en vigueur le 1.1.2001). Par ailleurs, notre pays a signé, le 26 septembre 1986, sous l'égide de l'AIEA, une convention sur la notification rapide d'un accident nucléaire (RS 0.732.321.1) et sur l'assistance en cas d'accident nucléaire ou de situation d'urgence radiologique (RS 0.732.321.2). Mentionnons pour terminer les conventions sur l'utilisation pacifique de l'énergie nu2664

cléaire. La Suisse a passé ainsi avec l'Autriche les 19/26 février 1969 une convention sous forme d'échange de lettres (non publiées) et conclu le 5 décembre 1988, un accord de coopération avec la France (RS 0.732.934.9). L'al. 2 est lié à l'art. 86.

Il autorise le Conseil fédéral à passer des conventions relatives à la participation à des projets internationaux dans le domaine de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire, notamment pour ce qui concerne la non-prolifération des armes atomiques, la sécurité ainsi que la protection de la santé et de l'environnement. Au surplus, le Conseil fédéral pour déléguer à l'OFEN la compétence de passer des accords à teneur administrative ou technique (art. 47bis b, al. 4, LREC).

8.9.2.4

Dispositions transitoires (art. 104)

Il serait inadéquat d'assujettir désormais au régime de l'autorisation générale des installations nucléaires déjà en exploitation. En vertu de l'al. 1, une telle autorisation ne sera donc nécessaire que lorsque des changements dans le but et les caractéristiques principales de l'installation interviendront. Les procédures en cours devront se poursuivre selon la nouvelle loi. Cela concerne la procédure d'autorisation générale Wellenberg, qui est suspendue.

L'al. 2 exige une garantie de l'évacuation des déchets radioactifs des centrales en service. Aux termes de la décision du Conseil fédéral du 3 juin 1988, les exploitants ont fourni cette garantie pour les déchets faiblement et moyennement radioactifs de courte durée. Il leur reste à faire de même pour les déchets hautement radioactifs et pour ceux qui le sont moyennement, mais de longue durée (cf. message LENu, ch.

7.3.4.1.3 et 7.3.5.2.2). La démonstration devra être faite dans un délai fixé par le Conseil fédéral et elle devra s'appuyer sur le modèle de dépôt souterrain en profondeur (cf. message LENu, ch. 7.3.4.1.3 et 7.3.5.2.2).

L'al. 3 reprend la réglementation figurant à l'art. 31, al. 3, pour les centrales nucléaires actuelles et à l'art. 65, al. 2 pour les centrales nouvelles: comme par le passé (cf.

art. 12, al. 1, AF/LEA), la continuation de l'exploitation des centrales actuelles ne nécessitera pas de nouvelle autorisation générale. Si la centrale doit passer à une nouvelle société, il suffira de transférer l'autorisation d'exploiter. Voilà pourquoi on se réfère à ce transfert de l'autorisation d'exploiter pour réglementer le devoir d'évacuation des déchets et celui du financement des coûts de désaffectation et de gestion des déchets. Avec l'ouverture du marché de l'électricité, on ne saurait exclure des modifications structurelles importantes dans la branche et dans le domaine nucléaire. Cette disposition fait que le principe du pollueur-payeur sera entièrement respecté (cf. message LENu, ch. 8.6.5.2). Le transfert de l'autorisation d'exploiter devra en outre avoir lieu dans le respect de l'art. 13, al. 2.

Selon l'art. 9, le retraitement et les exportations qui y sont liées seront désormais interdits (cf. message LENu, ch. 7.3.3.2). Les contrats passés devront néanmoins pouvoir être honorés, pour ne pas donner lieu à des revendications
en dommages et intérêts. Il s'agit de contrats de droit privé. Il en ressort que 150 des quelque 1000 tonnes initialement convenues devront encore être envoyées en France et en Angleterre. Les contrats prévoient toutefois la possibilité d'accroître les quantités convenues (option). Une centrale nucléaire suisse a déjà fait usage de cette possibilité (+ 120 t). Pour éviter que l'interdiction d'exporter à des fins de retraitement puisse être contournée dans les faits pendant encore de nombreuses années, l'al. 4 précise que ces exportations ne seront admises que si le retraitement a fait l'objet d'une conven2665

tion avant le 31 décembre 2000. Mais il faudra sans doute quelques années pour achever l'opération.

8.9.2.5

Modification du droit en vigueur (annexe)

8.9.2.5.1

Loi fédérale d'organisation judiciaire

L'art. 99, al. 1, let. e, exclut en principe le recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral contre l'octroi ou le refus d'un autorisation de construire ou d'exploiter. Comme les décisions du DETEC en la matière doivent pouvoir être attaquées ainsi, il convient de créer un état de fait exceptionnel. En vertu de l'art.

100, al. 1, let. u, le recours de droit administratif sera irrecevable contre les décisions qui y sont mentionnées. La raison en est que ces décisions posent des questions de nature politique, technique ou financière. Dans les cas visés au ch. 1, le Conseil fédéral tranchera. La décision d'approbation de l'Assemblée fédérale sera sujette au référendum (art. 47). Dans les cas visés au ch. 2, le Conseil fédéral décidera (art. 38, al. 2 à 4). Dans les cas visés aux ch. 3 à 5, la commission des recours du DETEC se prononce définitivement, en cas de recours (art. 75; cf. message LENu, ch. 7.3.6.4).

8.9.2.5.2

Code pénal suisse

8.9.2.5.2.1

Danger imputable à l'énergie nucléaire, à la radioactivité et aux rayonnements ionisants (art. 226bis)

Cette disposition rejoint dans ses grandes lignes l'art. 29 LEA. Le cercle des personnes visées est plus large que dans l'art. 87 LENu, qui s'adresse tout d'abord aux personnes exerçant une fonction liée à l'énergie nucléaire. Les art. 226bis et 226ter sont des crimes et délits créant un danger collectif (cf. Titre septième du code pénal).

8.9.2.5.2.2

Actes préparatoires punissables (art. 226ter)

Cette disposition correspond à peu près à l'art. 32 LEA. Elle se réfère à des dispositions préparatoires qui ne représentent pas, à ce stade, des tentatives au sens pénal.

Elles doivent être punissables compte tenu de la gravité des activités prévues, par analogie à l'art. 260bis du code pénal, qui punit les actes préparatoires délictueux conduisant à certains crimes graves.

8.9.2.5.2.3

Art. 340, ch. 1, al. 4

Cet article énumère les délits qui tombent sous le coup de la juridiction fédérale. Il doit aussi s'appliquer aux art. 226bis ss. de même qu'aux dispositions pénales inscrites dans la LENu (cf. art. 99, al. 1).

2666

8.9.2.5.3

Loi sur la RC en matière nucléaire

La couverture assurée par la Confédération selon l'art. 16 LRCN s'étendra désormais au cas où un dommage aura été causé par un dépôt souterrain en profondeur qui n'est plus soumis à la législation sur l'énergie nucléaire. Selon une opinion largement partagée à l'échelon international et qui a déjà trouvé son expression dans certaines législations nationales, la fermeture du dépôt marque le transfert de la charge, tant administrative (art. 38, al. 4) que sur le plan de la responsabilité civile, à la Confédération.

8.9.2.5.4

Loi sur la radioprotection

8.9.2.5.4.1

Art. 2, al. 2 et 3

A l'al. 2 comme dans toute la LRaP, il faut remplacer le terme «élimination» par «évacuation» pour des raisons d'harmonisation terminologique avec la LENu. La modification de l'al. 3 concerne exclusivement le nouveau titre «Loi sur l'énergie nucléaire».

8.9.2.5.4.2

Art. 3, let. a

La terminologie de cette disposition doit aussi être adaptée à celle de la LENu.

Celle-ci renonce à la notion de résidus. Elle utilise les termes «articles nucléaires» et «déchets radioactifs» (art. 3, let. g et h).

8.9.2.5.4.3

Art. 25, al. 3 et 4

Ces dispositions concernent les déchets radioactifs produits par la médecine, l'industrie et la recherche. Elles s'appuient en partie sur le droit actuel. Au surplus, elles correspondent à l'art. 33, al. 2 et 4, LENu. Voir aussi les explications données dans le message LENu, ch. 8.5.1.1 et 8.5.1.3.

8.9.2.5.4.4

Art. 26, al. 3

Comme leur évacuation est réglée exclusivement dans la LENu, il suffit de préciser que les déchets radioactifs que la LRaP oblige à collecter devront être entreposés jusqu'à leur remise, ou exceptionnellement jusqu'à leur exportation. Ensuite, c'est la LENu (art. 2, al. 1, let. c, ch. 2) qui s'appliquera. Les art. 30 ss LENu s'appliqueront aux déchets radioactifs des centrales nucléaires.

8.9.2.5.4.5

Art. 27, titre médian et al. 2 à 4

Il s'agit ici d'une adaptation en partie matérielle et en partie rédactionnelle à la LENu. Le terme d'élimination est remplacé par celui d'évacuation. A l'al. 3, il ne faut à nouveau parler du traitement des déchets que jusqu'à leur remise.

2667

8.9.2.5.4.6

Art. 30

Disposition correspondant dans son principe à l'art. 47, al. 2, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA, RS 172.010), selon lequel le Conseil fédéral règle par voie d'ordonnance l'attribution du pouvoir de décision aux unités administratives dans des affaires particulières ou des domaines déterminés.

8.9.2.5.4.7

Art. 43 Exposition d'autrui à une irradiation injustifiée

L'al. 1 correspond à l'art. 31, al. 1 et 3, LEA, les al. 2 et 3 à l'art. 31, al. 1 et 3, LEA. Une norme pénale ad hoc manque aujourd'hui dans la LRaP. Cela doit figurer exclusivement dans la LRaP, qui définit dans quelles conditions le rayonnement est manifestement injustifié.

8.9.2.5.4.8

Art. 43a Manipulation illicite de substances radioactives, exposition de biens à une irradiation injustifiée

L'al. 1, let. a, correspond à l'art. 43, al. 1, let. b, LRaP, élargi à l'entreposage. On entend en particulier l'entreposage de déchets radioactifs provenant de la médecine, de l'industrie et de la recherche, lesquels doivent être remis conformément à l'art. 27 LRaP. L'art. 43 actuel de la LRaP ne comporte pas de disposition concomitante à l'art. 31, al. 2, LEA. C'est pourquoi celle-ci a été inscrite à la nouvelle let. b, sa terminologie et la sanction prévue étant harmonisées avec la LRaP.

8.9.2.5.4.9

Art. 44, al. 1, let. a

La disposition pénale actuelle est complétée par le délit de l'obtention illicite d'une autorisation. Cela concerne en particulier la fausse déclaration.

8.9.2.5.4.10

Art. 46, al. 1

Cette disposition doit être adaptée après la modification de l'art. 43 et l'adjonction du 43a.

8.9.2.5.4.11

Art. 47, al. 2 et 3

Cette disposition comporte une délégation de compétence législative pour des prescriptions sur la radioprotection applicables avant tout dans le domaine des centrales nucléaires. En l'espèce, le DETEC et le DFI pourront édicter conjointement des dispositions d'exécution. Il en ira de même des services qui leur sont subordonnés

2668

(Office fédéral de la santé publique, OFEN). Cela correspond à l'art. 100, al. 2, LENu.

9

Conséquences

9.1

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel de la Confédération, des cantons et des communes

9.1.1

Conséquences financières

A l'échelon de la Confédération, la LENu n'entraîne presque pas de conséquences financières directes. La promotion éventuelle de la recherche, prévue à l'art. 85, notamment dans les domaines de la sécurité des installations nucléaires et de l'évacuation des déchets radioactifs, continuera à s'effectuer dans le cadre actuel.

A l'échelon des cantons et des communes, les modifications proposées n'entraîneront aucune répercussion financière notoire.

9.1.2

Effets sur l'état du personnel

La concentration des procédures imposera un surcroît de travail au DETEC, autorité compétente sur le plan formel, et en particulier à l'OFEN, auquel revient le traitement matériel des procédures. Cette surcharge est due surtout à l'introduction de la possibilité générale de faire recours, mais il est difficile d'évaluer la quantité de travail supplémentaire que cela impliquera. Il en résultera par contre un modeste allégement pour les autorités cantonales et communales précédemment responsables.

La commission de recours du DETEC (REKO/UVEK) a été instaurée le 1er janvier 2000. Il est encore trop tôt pour évaluer le surcroît de travail que l'introduction du recours imposera à cette commission et au Tribunal fédéral.

Le service central évoqué à l'art. 100, al. 3, existe déjà (office central Atome de la police fédérale). L'application du protocole additionnel de l'accord avec l'AIEA relatif à la fourniture de garanties représentera un faible surcroît de travail pour la Confédération, qui s'en chargera dans le cadre de l'effectif actuel en personnel.

9.2

Conséquences économiques

Conformément aux directives du Conseil fédéral sur l'exposé des conséquences économiques des projets d'actes législatifs fédéraux du 15 septembre 1999 (FF 2000 986), tout projet doit être examiné sur les points suivants: ­

Nécessité et possibilité d'une intervention de l'Etat: le projet est destiné à remplacer par des dispositions légales non limitées dans le temps deux textes de loi qui nécessitent une révision (LEA, AF/LEA) et à combler des lacunes dans la législation, notamment en ce qui concerne les procédures d'autorisation, le retraitement, la désaffectation ainsi que la gestion des déchets radioactifs.

2669

­

Impact du projet sur les différents groupes de la société: l'option nucléaire doit rester ouverte. L'utilisation de l'énergie nucléaire reste toutefois politiquement contestée. En raison de l'ouverture du marché de l'électricité, ce secteur économique doit s'orienter davantage vers le marché. Même s'il ne saurait être question de renoncer, du moins à moyen terme, à l'énergie nucléaire dans un marché suisse libéralisé, son avenir est pour l'instant incertain. Ce projet interdit, certes, le retraitement et le transport d'éléments combustibles usés, mais les contrats existants pourront être honorés. Excepté sur ce point, le projet n'aura pas de conséquences significatives pour le secteur de l'électricité ou pour l'industrie. Le programme de gestion des déchets radioactifs proposé ne débouchera pas non plus sur de nouvelles charges pour les sociétés d'exploitation ni pour les sites d'implantation. La garantie améliorée du financement des désaffectations et de la gestion des déchets réduira le risque encouru par les collectivités publiques en cas d'insolvabilité d'une société exploitante, par exemple si une centrale nucléaire doit être désaffectée prématurément. La coordination et la simplification des procédures permettront de diminuer la charge des autorités administratives et judiciaires cantonales. Les procédures seront plus transparentes pour les intéressés, qui disposeront désormais du droit de recourir devant une instance judiciaire indépendante de l'administration. Il y aura d'ailleurs là un risque de surcharge, surtout pour les autorités administratives et judiciaires fédérales.

­

Implications pour l'économie dans son ensemble: pour les raisons évoquées ci-dessus, le projet ne devrait pas avoir de répercussion notoire sur l'ensemble de l'économie.

­

Autres réglementations entrant en ligne de compte: l'option nucléaire reste ouverte. Le Conseil fédéral est d'avis qu'il est moins raisonnable de continuer indéfiniment le retraitement que de gérer les éléments combustibles usés sans les retraiter. Sans l'assurance de couverture des coûts de désaffectation et d'évacuation, le risque financier que le système actuel fait courir aux collectivités locales serait trop grand, surtout dans l'optique de l'ouverture du marché de l'électricité. Les prescriptions pour la procédure sont régies par la loi fédérale sur la coordination et la simplification des procédures de décision. La marge de manoeuvre pour d'autres réglementations est par conséquent limitée.

­

Aspects pratiques de l'exécution: la LENu prévoit de coordonner, de simplifier et d'accélérer les procédures d'autorisation. La concentration sur une autorisation en règle générale unique permettra d'alléger l'exécution. Il se peut toutefois que l'introduction d'une possibilité générale de recours provoque une surcharge de travail notable. Dans le domaine des matériaux nucléaires, le projet ne changera rien à la répartition des tâches entre l'OFEN, le Secrétariat d'Etat à l'économie et la police fédérale.

9.3

Conséquences dans le secteur informatique

La loi sur l'énergie nucléaire n'aura aucune répercussion (significative, du moins) sur l'informatique. Elle ne demande aucune adaptation des procédures administratives qui pourrait se répercuter sur les applications informatiques sous-jacentes.

2670

10

Grandes lignes de la politique gouvernementale

Le projet a été annoncé dans le programme de la législature 1999­2003 (FF 2000 2226 A2 ch. 2.4).

11

Rapport avec le droit international

11.1

Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA)

Depuis ses débuts, l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire est liée à la volonté de la communauté internationale d'empêcher la prolifération des armes atomiques.

La création de l'AIEA comme organisation spécialisée de l'ONU, dont les statuts datent du 26.10.1956 (RS 0.732.011), fut un pas important dans cette voie. L'AIEA est chargée de promouvoir l'utilisation pacifique et sûre de l'énergie nucléaire. A cet effet, elle soutient la formation ainsi que les échanges scientifiques et techniques.

Elle opère actuellement sur les cinq continents dans le domaine de la sécurité des installations nucléaires et au titre des applications techniques, surtout dans les domaines de la santé et de l'environnement. La Suisse est membre de l'AIEA depuis 1957. Le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires jette, à un échelon multilatéral, les bases d'un régime uniforme de coopération et de non-prolifération ayant pour but d'empêcher une plus large diffusion des armes nucléaires par le renoncement des Etats non-nucléaires à se doter de ces moyens de destruction massive, mais sans empiéter sur le droit imprescriptible des parties contractantes à utiliser l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. En contrepartie, le traité prévoit de promouvoir la coopération internationale dans l'utilisation pacifique de l'atome. Les Etats non-nucléaires signataires du traité se sont déclarés prêts à soumettre au contrôle de l'AIEA la totalité du combustible nucléaire utilisé sur leur territoire à des fins de production d'énergie. La Suisse a signé ce traité en 1977. Un an plus tard, elle a conclu avec l'AIEA un accord portant sur les mesures de contrôle (accord du 6.9.1978 relatif à l'application de garanties dans le cadre du traité sur la nonprolifération des armes nucléaires, accord de contrôle, RS 0.515.031). Elle s'y engage à accepter sur son territoire les mesures de contrôle des matières brutes ou des matières fissiles spéciales au sens du traité de non-prolifération. Il existe encore d'autres accords techniques passés avec l'AIEA. Par ailleurs, la Suisse a conclu avec un certain nombre de pays (p. ex. avec les Etats-Unis d'Amérique, le Canada, l'Australie, la Suède et la Russie) des accords de coopération bilatéraux qui comprennent également des dispositions sur les mesures de contrôle.

Le 16 mai 1997,
le Conseil des gouverneurs de l'AIEA a entériné un modèle de protocole additionnel qui devrait permettre un meilleur contrôle des engagements découlant du traité de non-prolifération. Le premier axe de cette convention fournit aux inspecteurs de l'AIEA de nouveaux instruments leur permettant de détecter d'éventuelles activités nucléaires menées par les Etats non-nucléaires. Sa principale innovation réside dans les obligations de notifier et dans les meilleures possibilités d'accès accordées aux inspecteurs dans le secteur de la recherche, du développement et de la production de composants industriels susceptibles d'être utilisés en relation avec des articles nucléaires. En outre, elle prévoit d'autres mesures pouvant faciliter une surveillance plus efficace. Le 12 avril 2000, le Conseil fédéral a approuvé ce protocole additionnel à l'accord avec l'AIEA sur les mesures de contrôle. La Suisse

2671

l'a ratifié le 16 juin de la même année. Il entrera en vigueur aussitôt que la Suisse en aura notifié la mise en oeuvre à l'AIEA, complétant l'accord de 1978 sur le contrôle.

Chacun des pays utilisant l'atome à des fins pacifiques a développé sa propre méthode de surveillance des installations nucléaires, et ces méthodes divergent parfois considérablement les unes des autres. En vue de les uniformiser un tant soit peu, l'AIEA a publié des directives décrivant les principes de sécurité fondamentaux applicables aux installations nucléaires. Cependant, ces directives n'ont jamais eu un caractère juridiquement contraignant.

En juin 1994, une conférence diplomatique de l'AIEA a adopté la Convention sur la sûreté nucléaire (RS 0.732.020), dont le but est, premièrement, d'atteindre et de maintenir un niveau élevé de sûreté nucléaire dans le monde entier grâce à l'amélioration des mesures mises en oeuvre par les pays et au renforcement de la coopération internationale, deuxièmement, de créer et de maintenir dans les centrales nucléaires des dispositifs de protection efficaces contre les dangers potentiels dus à la radioactivité et, troisièmement, de prévenir les accidents et d'en atténuer les conséquences. Elle se fonde sur les principes fondamentaux de sécurité mis en place par l'AIEA pour les installations nucléaires. Elle ne demande pas aux parties contractantes d'appliquer des normes de sécurité concrètes, mais d'observer les règles fondamentales en matière de sécurité. Elle s'applique exclusivement aux centrales nucléaires civiles et exclut donc les installations militaires. La Suisse l'a signée en octobre 1995. Suite à son approbation par l'Assemblée fédérale le 20 juin 1996, cette convention a été ratifiée le 12 septembre 1996. Elle est entrée en vigueur pour la Suisse le 11 décembre de la même année.

La Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs a été approuvée en septembre 1997 à Vienne, également dans le cadre de l'AIEA. Elle couvre une grande partie du cycle du combustible nucléaire à usage civil et un petit secteur du cycle du combustible utilisé à des fins militaires. Elle a pour objectifs d'atteindre et de maintenir un niveau de sécurité élevé dans le monde entier, de garantir des dispositifs de protection
efficaces contre les dangers potentiels dans toutes les phases de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs, et de prévenir les accidents. Elle repose sur les principes de sécurité édictés par l'AIEA en matière de gestion des déchets radioactifs. La Suisse l'a signée le 29 septembre 1997 sous réserve de ratification. Le Conseil fédéral a approuvé le message à l'Assemblée fédérale, du 31 mars 1999.

L'Assemblée fédérale ayant adopté la convention le 14 décembre 1999, elle a été ratifiée le 5 avril 2000.

Les deux conventions énoncent des normes de sécurité juridiquement contraignantes. A ce titre, elles constituent un progrès. Aujourd'hui déjà, la Suisse dispose dans une large mesure des réglementations légales et des structures administratives nécessaires pour les appliquer. La refonte totale de la législation relative à l'atome offre l'occasion d'inscrire certaines dispositions complémentaires dans la LENu.

11.2

Union européenne

La législation sur l'énergie nucléaire en vigueur dans l'Union européenne s'appuie sur le traité de fondation de la Communauté européenne de l'énergie atomique (traité Euratom, TCEEA). Celui-ci renferme en particulier des dispositions portant sur l'encouragement de la recherche et la diffusion et la mise en valeur des résultats 2672

obtenus, sur l'uniformisation de la radioprotection, l'encouragement des investissements et la création d'entreprises communes. Ainsi il règle dans le détail la politique commune d'approvisionnement en combustibles nucléaires ainsi que les contrôles de non-prolifération, actuellement coordonnés avec les contrôles de même nature effectués par l'AIEA. Enfin, il comporte des dispositions sur le marché commun dans le secteur de l'énergie nucléaire ainsi que sur les relations avec des pays tiers.

L'agence d'approvisionnement créée en commun avec Euratom a un droit de propriété sur toutes les matières fissiles spéciales (art. 86 TCEEA). Etant donné que, selon l'interprétation généralement admise, ce droit se borne pour la Communauté, c'est-à-dire pour l'agence, au contrôle et à l'achat (art. 87 TCEEA), il n'est pas incompatible, a priori, avec la conception suisse (art. 6 LENu), qui s'appuie sur l'économie privée. Toutefois, l'agence a le droit exclusif de conclure des contrats de livraison de combustibles nucléaires avec des pays tiers (art. 64 TCEEA). De plus, tout accord passé par un Etat membre ou par un de ses ressortissants avec des Etats tiers ou avec certains de leurs ressortissants nécessite l'accord de la Commission, dans la mesure où il implique la livraison de combustible nucléaire (art. 66 TCEEA).

Si la Suisse adhérait à l'Union européenne, il faudrait adapter la LENu sur ce point.

Un autre élément est important dans l'optique de la LENu: la directive 92/3/ Euratom du 3 février 1992 concernant la surveillance et le contrôle des mouvements de déchets radioactifs d'un Etat membre dans un autre, à destination de la Communauté ou au départ de celle-ci (JOCE n° L 35 du 12.2.1992, p. 24). Selon cette directive, les transports transfrontières, en particulier, requièrent l'approbation des Etats impliqués. Cette disposition, qui figure aussi dans la convention commune de l'AIEA sur la sûreté du traitement des combustibles usés et sur la sûreté du traitement des déchets radioactifs (cf. message LENu, ch. 11.1), est introduite dans le présent avant-projet.

Depuis 1957, il existe entre la Suisse et Euratom divers accords de coopération ayant trait à la recherche et à la formation dans les domaines de la fusion nucléaire contrôlée, de la physique des plasmas et de la radioprotection. Par ailleurs,
la Suisse a conclu avec plusieurs Etats européens des accords bilatéraux portant sur diverses questions touchant à l'énergie atomique et à la radioprotection (cf. message LENu, ch. 8.9.2.3).

Au surplus, Euratom elle-même n'est pas membre de l'AIEA, à la différence des Etats membres d'Euratom. Cet organisme possède son propre système de contrôle de non-prolifération, harmonisé avec celui de l'AIEA.

12

Bases juridiques

12.1

Constitutionnalité

En vertu de l'art. 90 Cst., en matière d'énergie atomique, la Confédération dispose d'une compétence globale avec effet dérogatoire subséquent («le droit fédéral prime le droit cantonal»; Saladin, commentaire Cst., art. 3 N. 202ss.; message relatif à une nouvelle Cst., FF 1997 I 272). En outre, le Tribunal fédéral a confirmé à plusieurs reprises qu'une ingérence dans les souverainetés cantonales est admise dans le domaine de l'énergie nucléaire (111 1b 105, 111; 118 1b 577).

La question de la constitutionnalité de la procédure concentrée a été examinée dans le cadre du message relatif à la loi fédérale sur la coordination et la simplification 2673

des procédures d'approbation des plans (FF 1998 2221). Comme la Confédération dispose d'une compétence globale en matière d'énergie atomique, la concentration à l'échelon fédéral des procédures relevant de cette législation est admissible.

L'autorisation générale relève, certes, du droit de police, mais il n'existe aucun droit légal à en obtenir une. On peut estimer conforme à la Constitution l'approbation de sa décision par l'Assemblée fédérale et la subordination de cette décision d'approbation au référendum facultatif23. Un examen formel de la procédure amène à la même conclusion. En effet, l'art. 163, al. 2, Cst. prévoit que l'Assemblée fédérale édicte sous la forme d'un arrêté fédéral les actes ne fixant pas des règles de droit. Cet arrêté est sujet au référendum si la Constitution ou la loi le prévoient (art.

141, al. 1, let. c, Cst.).

Les autorisations générales pour les dépôts souterrains en profondeur ne doivent pas être sujettes au référendum. L'octroi de l'autorisation générale présuppose toutefois l'accord du canton d'accueil pour l'utilisation du sous-sol.

L'obligation des versements complémentaires imposée aux sociétés exploitantes dans le contexte du financement de la désaffectation et de la gestion des déchets porte atteinte à la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) et à la liberté économique (art. 27 Cst.). Ces restrictions sont toutefois justifiées dans les conditions énoncées à l'art. 36 Cst. La restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale, voire sur une loi dans les cas graves. Elle doit répondre à l'intérêt collectif ou se justifier en protégeant des droits fondamentaux de tiers. Elle doit satisfaire au principe de la proportionnalité, en constituant une mesure appropriée, nécessaire et supportable. Enfin elle ne doit pas porter atteinte à l'essence des droits fondamentaux. En outre, les dérogations au principe de la liberté économique, notamment les mesures qui entravent la concurrence, ne sont admissibles que si elles sont prévues par la Constitution ou fondées sur les droits régaliens des cantons (art. 94, al. 4, Cst.)

L'obligation des versements complémentaires est compatible avec la garantie de la propriété pour les raisons suivantes: les coûts de la désaffectation des centrales nucléaires en service et de la gestion de leurs déchets
d'exploitation radioactifs atteignent plusieurs milliards de francs. Seule la création d'un fonds permettra réellement de constituer une telle réserve indépendamment des comptes d'exploitation (cf. message LENu, ch. 7.2.5.3). Normalement, les cotisations de chaque société exploitante devraient suffire à couvrir les coûts de la centrale concernée. La fonction de solidarité qui incombe à l'institution ne prend de l'importance que lorsqu'une société en difficultés de paiement bénéficie de prestations supérieures à ses cotisations. La situation pourrait se présenter si une centrale devait être désaffectée avant d'avoir fourni au fonds les montants nécessaires. L'obligation des versements complémentaires prévue dans le projet jouera alors si la société responsable n'est pas en mesure de rembourser le fonds. Elle est le corollaire de la fonction de solidarité du fonds. L'obligation des versements complémentaires doit diminuer le risque que la Confédération doive assumer le financement des activités nécessaires à la protection de l'homme et de l'environnement si une société exploitante est en cessation de paiements. Il y va de montants élevés, de sorte qu'il existe un intérêt public à réduire au minimum un éventuel engagement financier de la Confédération, en faisant as-

23

cf. l'avis d'expertise de l'Office fédéral de la justice, du 19 juin 1997, qui part toutefois du point de vue que l'autorisation générale présuppose notamment la preuve du besoin.

2674

sumer à tous les exploitants d'installations nucléaires une responsabilité financière subsidiaire.

Les versements complémentaires obligatoires satisfont aussi au critère de la proportionnalité. Ils sont appropriés à matérialiser la fonction de solidarité du fonds et à réduire un éventuel risque financier subsidiaire de la Confédération. Aucune solution plus douce ne produirait un effet approchant. A défaut, la mise en réserve effective des montants nécessaires exigerait que le législateur oblige l'exploitant à les constituer intégralement dès la mise en service de la centrale ou dès la production de déchets. Une telle condition serait quasi rédhibitoire et constituerait un moratoire de fait sur la construction et sur l'exploitation de centrales nucléaires. En outre, l'obligation de fournir des versements complémentaires peut être qualifiée de supportable pour les exploitants, cela pour deux raisons: d'une part, les contributions versées aux fonds de désaffectation et de gestion tendront à réduire au minimum le risque de dépenses non couvertes; d'autre part, les cas où un versement complémentaire peut s'avérer nécessaire sont peu nombreux. Si les circonstances devaient néanmoins nécessiter des versements complémentaires obligatoires, le montant supplémentaire à verser par les entreprises astreintes serait déterminé par rapport au montant de leur cotisation annuelle. A cela s'ajoute que les exploitants astreints à s'exécuter pourront, ultérieurement, se retourner contre celui à qui le fonds a versé des prestations supérieures aux cotisations, si ses affaires vont mieux. Enfin la charge qui leur sera imposée pourra être allégée par une contribution fédérale au fonds. On évitera ainsi que l'obligation ne risque de mettre le reste des sociétés d'exploitation en difficultés financières.

Enfin, la réglementation prévue respecte le principe de la garantie de la propriété.

L'obligation de fournir des versements complémentaires est également compatible avec la liberté économique. En vertu de l'art. 90 Cst., la Confédération possède une compétence législative globale dans le domaine de l'énergie nucléaire. Cette compétence autorise non seulement la possibilité de restreindre la liberté économique, elle prévoit encore implicitement des mesures qui contreviennent à la liberté économique.

12.2

Délégation de compétences législatives

La LENu prévoit différentes normes de délégation du droit de légiférer. Le Conseil fédéral peut ainsi édicter, de son propre chef et dans les limites prévues par la loi, des ordonnances pour compléter le droit. Conformément au droit constitutionnel, les délégations de pouvoir doivent se limiter à la réglementation d'objets précis, elles ne peuvent donc pas être illimitées. Les délégations du droit de légiférer prévues par la LENu sont conformes à cette exigence et sont suffisamment concrètes sur le plan du contenu, de l'objectif et de l'ampleur. La compétence d'édicter des ordonnances accordée au Conseil fédéral est conforme au principe de détermination et satisfait donc au droit constitutionnel.

L'art. 100, al. 2, LENu prévoit en outre une possibilité limitée de sous-délégation, qui autorise le Conseil fédéral à déléguer au département ou à des services subordonnés le droit d'édicter des prescriptions, en tenant compte de leur portée. Il s'agit essentiellement de prescriptions techniques ou administratives.

2675

12.3

Forme de l'aide à adopter

Conformément à l'art. 164, al. 1, Cst., toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale.

2676

Liste des abréviations ALARA AF/LEA AIEA APS ASPEA ATF AveS CC CDE CEDH CEDRA CGD CIPR CP CPS CR ETEC

CSA CSC Cst.

DETEC DFE DFI DFMA DHA/DVLMA DSN EFNW EIE EKRA EPR ESPER Euratom FECH Féd.Rom.

FF

As low as reasonably achievable (aussi bas que ce qui peut raisonnablement être atteint) Arrêté fédéral concernant la loi sur l'énergie atomique Agence internationale de l'énergie atomique Analyse probabiliste de la sécurité Association suisse pour l'énergie atomique Arrêté du Tribunal fédéral Alliance verte et sociale Code civil suisse Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie Convention européenne des droits de l'homme Société coopérative nationale pour l'entreposage des déchets radioactifs Commission pour la gestion des déchets radioactifs Commission internationale de protection radiologique Centre patronal Contrôle périodique de la sécurité Commission de recours du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Commission fédérale de la sécurité des installations nucléaires Confédération des syndicats chrétiens de Suisse Constitution fédérale Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Département fédéral de l'économie Département fédéral de l'intérieur Déchets de faible ou de moyenne activité Déchets à haute activité et déchets à vie longue de moyenne activité Division principale de la sécurité des installations nucléaires Energieforum Nordwestschweiz Etude d'impact sur l'environnement Groupe d'experts pour la gestion des déchets radioactifs Réacteur européen à eau pressurisée Entente suisse pour une politique énergétique raisonnable Communauté européenne de l'énergie atomique Forum suisse de l'énergie Fédération romande des syndicats patronaux Feuille fédérale

2677

FRE FSE FSE GAK GNW IPS JAAC KR LAP LEA Leaux LENu Les Verts Lex LME LOGA LraP LRCN MIR MNA MOX NWA OA OACI OCDE OEIE OFEN OJ ORaP OSPAR PA PaCS PDC PEV

2678

Fédération romande pour l'énergie Fondation suisse de l'énergie Fédération des sociétés suisses d'employés Gewaltfreie Aktion Kaiseraugst Genossenschaft für nukleare Entsorgung Wellenberg Institut Paul-Scherrer Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération Kettenreaktion, Verein zur Unterstützung der Energie Loi sur l'approvisionnement du pays (loi fédérale du 8 octobre 1982 sur l'approvisionnement économique du pays) Loi sur l'énergie atomique (loi fédérale du 23 décembre 1959 sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique) Loi sur la protection des eaux (loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux) Loi sur l'énergie nucléaire Parti écologiste suisse Loi fédérale sur l'expropriation (loi fédérale du 20 juin 1930 sur l'expropriation) Loi sur le marché de l'électricité Loi fédérale du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration Loi du 22 mars 1991 sur la radioprotection Loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire (loi fédérale du 18 mars 1983 sur la responsabilité civile en matière nucléaire) Médecine, industrie et recherche Komitee für die Mitsprache des Nidwaldner Volkes bei Atomanlagen Oxyde mixte Nordwestschweizer Aktionskomitee gegen Atomkraftwerke Ordonnance atomique (ordonnance du 18 janvier 1984 sur les définitions et les autorisations dans le domaine atomique) Organisation de l'aviation civile internationale Organisation de coopération et de développement économiques Ordonnance concernant l'étude d'impact sur l'environnement Office fédéral de l'énergie Organisation judiciaire (loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943) Ordonnance du 22 juin 1994 sur la radioprotection Convention Oslo-Paris Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative Parti chrétien-social Parti démocrate-chrétien suisse Parti Evangélique de la Suisse

PLS PRD PS PST RID RS RSD SAR SDR seco SINQ Swissmem TCEEA UDC USAM USS VERA Vorort WEC ZWILAG ZZL

Parti libéral suisse Parti radical-démocratique suisse Parti socialiste suisse Parti suisse du travail Règlement international pour le transport des marchandises dangereuses par chemin de fer Recueil systématique du droit fédéral Ordonnance du 3 décembre 1996 relative au transport des marchandises dangereuses par chemin de fer Safety analysis report (rapport sur l'analyse de la sécurité) Ordonnance du 17 avril 1985 relative au transport des marchandises dangereuses par route Secrétariat d'État à l'économie Source de neutrons de spallation Association patronale suisse de l'industrie des machines et Société suisse des constructeurs de machines Traité instituant la communauté européenne de l'énergie atomique Union démocratique du centre Union suisse des arts et métiers Union syndicale suisse Forum Verantwortung für die Entsorgung radioaktiver Abfälle Union suisse du commerce et de l'industrie Conseil mondial de l'énergie ZWILAG Zwischenlager Würenlingen AG Dépôt intermédiaire central de déchets radioactifs de Würenlingen

2679

Table des matières Condensé

2529

1 Aspects formels 1.1 Textes des initiatives 1.2 Aboutissement 1.3 Délai 1.4 Effets de la nouvelle Constitution fédérale 1.5 Validité 1.5.1 Unité de la forme 1.5.2 Unité de la matière 1.6 Compatibilité avec le droit international 1.7 Applicabilité

2533 2533 2535 2535 2535 2535 2535 2535 2536 2536

2 Contexte et politique du Conseil fédéral 2537 2.1 Approvisionnement énergétique mondial 2537 2.1.1 Consommation d'énergie et production d'électricité 2537 2.1.2 Perspectives de l'approvisionnement énergétique mondial d'ici à 2020 2537 2.2 Approvisionnement de la Suisse en électricité 2538 2.3 Politique énergétique 2539 2.3.1 Loi sur l'énergie 2539 2.3.2 Programme SuisseEnergie 2540 2.3.3 Loi sur le CO2 2541 2.3.4 Loi sur le marché de l'électricité 2542 2.4 Politique de l'énergie nucléaire 2542 2.4.1 Généralités 2542 2.4.2 Dialogue sur l'énergie 2543 2.4.3 Législation 2545 2.4.3.1 Loi sur l'énergie atomique, arrêté fédéral concernant la LEA2545 2.4.3.2 Responsabilité civile en matière nucléaire 2547 2.4.4 Précédentes initiatives 2547 2.4.4.1 Confédération 2547 2.4.4.2 Cantons 2548 2.4.5 Sécurité des centrales nucléaires 2549 2.4.6 Désaffectation des centrales nucléaires 2550 2.4.7 Retraitement 2550 2.4.8 Evacuation des déchets radioactifs 2551 2.4.9 Dépenses de la Confédération pour l'énergie nucléaire 2552 2.4.10 Politique internationale de l'énergie nucléaire 2554 2.4.10.1 Evolution jusqu'à présent et perspectives 2554 2.4.10.2 Récentes conventions internationales importantes 2555 3 Conséquences des initiatives 3.1 Etat de la question et marche à suivre 3.2 Données générales et scénarios politiques 2680

2556 2556 2556

3.2.1 Données économiques et démographiques 2556 3.2.2 Scénarios de la politique de l'énergienucléaire 2557 3.2.3 Scénarios de la politique énergétique 2558 3.2.4 Sécurité de l'approvisionnement 2559 3.3 Perspectives dans le domaine de l'électricité 2562 3.3.1 Scénario de référence 2562 3.3.2 «Moratoire-plus» 2563 3.3.3 «Sortir du nucléaire» 2564 3.4 Conséquences en termes d'émissions de CO2 et d'oxydes d'azote 2565 3.4.1 Emissions de CO2 2565 3.4.2 Emissions d'oxydes d'azote 2567 3.5 Retombées pour l'économie nationale 2567 3.5.1 Coûts générés en plus et en moins par les initiatives, par rapport au scénario de référence 2568 3.5.1.1 Coûts évités du fait de la désaffectation des centrales nucléaires 2569 3.5.1.2 Coûts additionnels dus au CCF supplémentaire 2569 3.5.1.3 Coûts additionnels dus à la perte de recettes sur les exportations 2570 3.5.1.4 Coûts additionnels induits par le renforcement des économies d'électricité et par la production de courant à partir d'énergies renouvelables 2570 3.5.1.5 Coûts additionnels dus à la réduction des émissions de CO2 2571 3.5.1.6 Fluctuation du cadre économique général 2571 3.5.2 Retombées sur la croissance économique 2571 3.5.3 Retombées sur les diverses branches 2572 3.5.4 Retombées sur la prospérité et sur la répartition des revenus 2573 3.5.5 Retombées sur la compétitivité de notre commerce extérieur 2574 4 Appréciation des initiatives 4.1 «Moratoire-plus» 4.1.1 Buts de l'initiative 4.1.2 Point de vue des auteurs de l'initiative 4.1.3 Appréciation juridique 4.1.3.1 Prolongation de l'exploitation au-delà de 40 ans 4.1.3.2 Déclaration de la provenance et du mode de production du courant électrique 4.1.3.3 Pas d'autorisations fédérales pendant 10 ans 4.1.3.4 Question de l'indemnisation 4.1.3.4.1 Indemnisation en cas de refus de prolonger l'autorisation d'exploiter 4.1.3.4.2 Indemnisation pour le non-octroi d'autorisations pendant le moratoire 4.2 «Sortir du nucléaire» 4.2.1 Buts de l'initiative 4.2.2 Point de vue des auteurs de l'initiative 4.2.3 Appréciation juridique

2575 2575 2575 2575 2576 2576 2577 2577 2578 2578 2579 2579 2579 2579 2580

2681

4.2.3.1 Désaffectation progressive 4.2.3.2 Interdiction du retraitement 4.2.3.3 Conversion aux sources non nucléaires de l'approvisionnement en électricité 4.2.3.4 Stockage durable des déchets radioactifs produits en Suisse 4.2.3.5 Obligation faite aux exploitants et aux actionnaires de centrales nucléaires d'assumer les coûts 4.3 Appréciation des initiatives sous l'angle de la politique énergétique et de l'économie nationale

2580 2581 2581 2582 2583 2585

5 Conséquences financières et effets sur l'état du personnel pour la Confédération, les cantons et les communes 5.1 «Moratoire-plus» 5.2 «Sortir du nucléaire»

2586 2586 2587

6 Rapport avec le droit international 6.1 Généralités 6.2 Compatibilité avec le droit européen 6.3 Accords de l'OMC, charte énergétique 6.4 Convention de Kyoto

2587 2587 2587 2588 2588

7 Partie générale 2589 7.1 Contexte, buts de la révision totale 2589 7.2 Procédure préalable 2590 7.2.1 Décisions préalables, projet envoyé en consultation 2590 7.2.2 Résultats de la procédure de consultation 2591 7.2.3 Modifications du projet après la consultation 2594 7.2.4 Classement des interventions parlementaires 2595 7.3 Grandes lignes, principaux éléments du projet de LENu 2595 7.3.1 Champ d'application, LENu et loi sur la radioprotection 2595 7.3.2 Principes de sécurité nucléaire 2595 7.3.3 Matériels nucléaires 2596 7.3.3.1 Autorisation requise, contrôle 2596 7.3.3.2 Retraitement des assemblages combustibles usés 2598 7.3.3.3 Transport de matières nucléaires contenant du plutonium dans l'espace aérien suisse 2600 7.3.4 Installations nucléaires 2600 7.3.4.1 Autorisation générale 2600 7.3.4.1.1 Nécessité 2600 7.3.4.1.2 Preuve du besoin 2601 7.3.4.1.3 Démonstration de l'évacuation des déchets 2602 7.3.4.1.4 Référendum facultatif 2603 7.3.4.2 Autorisation de construire et d'exploiter 2603 7.3.4.3 Pas de limitation légale de l'autorisation d'exploiter pour les centrales en service 2605 7.3.4.4 Désaffectation 2605 7.3.5 Déchets radioactifs 2606

2682

7.3.5.1 Responsables de l'évacuation 7.3.5.2 Plan d'évacuation des déchets 7.3.5.2.1 Plan d'évacuation des déchets de la CEDRA 7.3.5.2.2 Plan d'évacuation des DHA/DMAL: le projet Wellenberg 7.3.5.2.3 Programme d'évacuation des DFMA: le projet Wellenberg 7.3.5.2.4 Conclusions du dialogue sur l'évacuation des déchets 7.3.5.2.5 Recommandations de la CSA et de la CGD 7.3.5.2.6 Recommandations du groupe EKRA et avancement du projet Wellenberg 7.3.5.2.7 Position du Conseil fédéral 7.3.5.3 Financement des coûts de la désaffectation et de l'évacuation des déchets 7.3.6 Procédures 7.3.6.1 Procédure d'autorisation générale 7.3.6.2 Procédures d'autorisation de la construction, de l'exploitation et de la désaffectation d'installations nucléaires, des études géologiques, de la phase d'observation et de la fermeture d'un dépôt souterrain en profondeur 7.3.6.3 Consentement du canton d'accueil à l'évacuation des déchets radioactifs, réserve sur l'octroi de la concession d'utilisation des droits d'eau 7.3.6.4 Voies de droit 7.3.7 Autorités de surveillance de la sécurité

2606 2606 2607 2608 2608 2609 2610 2610 2611 2613 2616 2616

2616

2618 2619 2619

8 Partie spéciale: commentaire des dispositions isolées 2620 8.1 Dispositions générales 2620 8.1.1 Objet et but (art. 1) 2620 8.1.2 Champ d'application (art. 2) 2620 8.1.3 Définitions (art. 3) 2621 8.2 Principes de la sécurité nucléaire 2624 8.2.1 Principes applicables à l'utilisation de l'énergie nucléaire (art. 4) 2624 8.2.2 Mesures de protection (art. 5) 2625 8.3 Articles nucléaires 2626 8.3.1 Régime de l'autorisation (art. 6) 2626 8.3.2 Conditions d'octroi de l'autorisation (art. 7) 2627 8.3.3 Mesures prises, dans des cas d'espèce, à l'encontre de certains pays destinataires spécifiques; exceptions au régime de l'autorisation (art. 8) 2627 8.3.4 Retraitement et exportation à des fins de retraitement (art. 9) 2628 8.3.5 Transport aérien de matières nucléaires contenant du plutonium (art. 10) 2629 8.3.6 Déclaration et enregistrement obligatoires (art. 11) 2629 8.4 Installations nucléaires 2629

2683

8.4.1 Autorisation générale 2629 8.4.1.1 Régime de l'autorisation générale (art. 12) 2629 8.4.1.2 Conditions d'octroi de l'autorisation générale (art. 13) 2630 8.4.1.3 Teneur de l'autorisation générale (art. 14) 2631 8.4.2 Construction 2632 8.4.2.1 Régime de l'autorisation (art. 15) 2632 8.4.2.2 Conditions d'octroi de l'autorisation de construire (art. 16) 2632 8.4.2.3 Teneur de l'autorisation de construire (art. 17) 2634 8.4.2.4 Exécution du projet (art. 18) 2634 8.4.3 Exploitation 2634 8.4.3.1 Régime de l'autorisation d'exploiter (art. 19) 2634 8.4.3.2 Conditions d'octroi de l'autorisation d'exploiter (art. 20) 2634 8.4.3.3 Teneur de l'autorisation d'exploiter (art. 21) 2635 8.4.3.4 Obligations générales du détenteur de l'autorisation d'exploiter (art. 22) 2636 8.4.3.5 Equipe de surveillance (art. 23) 2637 8.4.3.6 Contrôles de fiabilité (art. 24) 2637 8.4.3.7 Mesures à prendre dans des situations extraordinaires (art. 25) 2638 8.4.4 Désaffectation 2638 8.4.4.1 Obligations liées à la désaffectation (art. 26) 2638 8.4.4.2 Projet de désaffectation (art. 27) 2639 8.4.4.3 Décision de désaffecter (art. 28) 2639 8.4.4.4 Fin de la désaffectation (art. 29) 2639 8.5 Déchets radioactifs 2640 8.5.1 Généralités 2640 8.5.1.1 Principes (art. 30) 2640 8.5.1.2 Devoir d'évacuation (art. 31) 2641 8.5.1.3 Evacuation par la Confédération (art. 32) 2642 8.5.1.4 Manipulation de déchets radioactifs (art. 33) 2642 8.5.2 Etudes géologiques 2643 8.5.2.1 Régime et conditions d'octroi de l'autorisation (art. 34) 2643 8.5.2.2 Teneur de l'autorisation pour des études géologiques (art. 35) 2644 8.5.3 Dispositions particulières pour les dépôts souterrains en profondeur 2644 8.5.3.1 Autorisation d'exploiter (art. 36) 2645 8.5.3.2 Obligations particulières du détenteur de l'autorisation d'exploiter un dépôt souterrain en profondeur (art. 37) 2645 8.5.3.3 Phase d'observation et fermeture (art. 38) 2645 8.5.3.4 Protection du dépôt souterrain en profondeur (art. 39) 2646 8.5.3.5 Remise et utilisation de données géologiques (art. 40) 2647 8.6 Procédure et surveillance 2647 8.6.1 Autorisation générale 2647 8.6.1.1 Ouverture de la procédure (art. 41) 2647 8.6.1.2 Expertises et avis (art. 42) 2647 8.6.1.3 Approbation du canton d'accueil, réserve pour les concessions d'utilisation des droits d'eau (art. 43) 2648 2684

8.6.1.4 Publication et mise à l'enquête (art. 44) 2648 8.6.1.5 Objections et oppositions (art. 45) 2648 8.6.1.6 Avis sur les objections et oppositions (art. 46) 2649 8.6.1.7 Décision (art. 47) 2649 8.6.2 Autorisation de construire une installation nucléaire et autorisation de procéder à des études géologiques 2650 8.6.2.1 Généralités (art. 48) 2650 8.6.2.2 Droit d'expropriation (art. 50) 2651 8.6.2.3 Art. 49 et 51 à 57 2652 8.6.2.4 Prétentions en matière d'expropriation du fait de la zone de protection (art. 58) 2652 8.6.2.5 Participation des cantons à l'évacuation des matériaux d'excavation, de terrassement ou de démolition (art. 59) 2652 8.6.3 Autorisation d'exploiter une installation nucléaire, désaffectation d'une installation nucléaire et fermeture d'un dépôt souterrain en profondeur (art. 60 à 62) 2653 8.6.4 Autres décisions, y compris les permis d'exécution (art. 63) 2653 8.6.5 Décisions: modification, transfert, retrait et extinction 2653 8.6.5.1 Modification (art. 64) 2653 8.6.5.2 Transfert (art. 65) 2654 8.6.5.3 Retrait (art. 66) 2655 8.6.5.4 Extinction (art. 67) 2655 8.6.5.5 Maintien de certaines dispositions qui conditionnent l'autorisation (art. 68) 2655 8.6.6 Surveillance 2656 8.6.6.1 Autorités de surveillance (art. 69) 2656 8.6.6.2 Commission de la sécurité des installations nucléaires (art. 70) 2656 8.6.6.3 Tâches et compétences des autorités de surveillance (art. 71)2656 8.6.6.4 Obligation d'informer et de fournir des documents, accès (art. 72) 2657 8.6.6.5 Information du public (art. 73) 2657 8.6.6.6 Protection des données (art. 74) 2657 8.6.7 Voies de droit (art. 75) 2657 8.7 Garantie du financement de la désaffectation et de l'évacuation des déchets 2658 8.7.1 Fonds de désaffectation et fonds d'évacuation des déchets (art. 76) 2658 8.7.2 Créance (art. 77) 2658 8.7.3 Prestations du fonds (art. 78) 2659 8.7.4 Versements complémentaires (art. 79) 2659 8.7.5 Forme juridique et organisation des fonds (art. 80) 2659 8.7.6 Garantie du financement des autres opérations d'évacuation des déchets (art. 81) 2660 8.8 Emoluments, dédommagements et mesures d'encouragement 2660 8.8.1 Emoluments et taxes de surveillance perçus par la Confédération (art. 82) 2660 8.8.2 Emoluments perçus par les cantons (art. 83) 2661 2685

8.8.3 Dédommagement pour atteinte aux droits régaliens des cantons (art. 84) 8.8.4 Encouragement de la recherche et de la formation de spécialistes (art. 85) 8.8.5 Contributions versées aux organisations internationales et participation à des projets internationaux (art. 86) 8.9 Remarques sur les chapitres 9 et 10 (dispositions pénales et finales) 8.9.1 Dispositions pénales 8.9.1.1 Généralités 8.9.1.2 Infractions aux mesures de sécurité et de sûreté (art. 87) 8.9.1.3 Infractions touchant des articles nucléaires ou des déchets radioactifs (art. 88) 8.9.1.4 Violation des obligations imposées par l'autorisation d'une installation nucléaire (art. 89) 8.9.1.5 Violation du secret (art. 90) 8.9.1.6 Abandon de la possession (art. 91) 8.9.1.7 Contraventions (art. 92) 8.9.1.8 Autres dispositions pénales (art. 93 à 99) 8.9.2 Dispositions finales 8.9.2.1 Exécution (art. 100) 8.9.2.2 Entraide administrative en Suisse et avec des autorités étrangères (art. 101 et 102) 8.9.2.3 Conventions internationales (art. 103) 8.9.2.4 Dispositions transitoires (art. 104) 8.9.2.5 Modification du droit en vigueur (annexe) 8.9.2.5.1 Loi fédérale d'organisation judiciaire 8.9.2.5.2 Code pénal suisse 8.9.2.5.3 Loi sur la RC en matière nucléaire 8.9.2.5.4 Loi sur la radioprotection

2661 2661 2661 2662 2662 2662 2662 2662 2663 2663 2663 2663 2663 2664 2664 2664 2664 2665 2666 2666 2666 2667 2667

9 Conséquences 9.1 Conséquences pour les finances et le personnel de la Confédération, des cantons et des communes 9.1.1 Conséquences pour les finances 9.1.2 Conséquences pour le personnel 9.2 Conséquences économiques 9.3 Conséquences dans le secteur informatique

2669 2669 2669 2669 2670

10

2671

Grandes lignes de la politique gouvernementale

2669

11 Rapport avec le droit international 11.1 Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) 11.2 Union européenne

2671 2671 2672

12 Bases juridiques 12.1 Constitutionnalité 12.2 Délégation de compétences législatives 12.3 Forme de l'aide à adopter

2673 2673 2675 2676

2686

Liste des abréviations

2677

Arrêté fédéral concernant l'initiative populaire «Moratoire-plus» (Projet)

2688

Arrêté fédéral concernant l'initiative populaire «Sortir du nucléaire» (Projet)

2690

Loi sur l'énergie nucléaire (Projet)

2692

2687