01.042 Message relatif au Traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la Suisse et l'Egypte du 3 juillet 2001

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre par le présent message, en vous proposant de l'adopter, un projet d'arrêté fédéral portant approbation du traité d'entraide judiciaire en matière pénale, signé le 7 octobre 2000 entre la Suisse et l'Egypte.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

3 juillet 2001

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

4680

2001-0504

Condensé Le traité d'entraide judiciaire en matière pénale avec l'Egypte marque une étape décisive dans la politique des traités de la Suisse. En effet, ce traité est le premier du genre que la Suisse conclut avec un pays arabe. Il permet d'élargir désormais aussi vers le monde arabe le réseau de traités conclus par la Suisse dans le domaine de la coopération judiciaire internationale en matière pénale.

Le présent traité établit une base légale internationale en vue de la coopération judiciaire internationale en matière pénale des deux Etats dans la recherche et la poursuite des infractions. Il oblige les Etats Parties à accorder l'entraide judiciaire dans les procédures visant des infractions. Jusqu'ici, la Suisse ne pouvait accorder l'entraide judiciaire à l'Egypte que sur la base de la loi sur l'entraide pénale internationale (EIMP; RS 351.1).

Ce traité permet à la Suisse et à l'Egypte d'apporter mutuellement un soutien actif aux autorités judiciaires dans la lutte contre la criminalité. Il circonscrit la coopération judiciaire internationale en matière pénale et précise la portée de l'entraide judiciaire accordée par les deux Etats dans les procédures pénales. Le traité répond aussi à un intérêt de la Suisse: d'une part il lui assure la réciprocité dans ses relations avec l'Egypte, de l'autre il tient compte de la pratique suisse en matière d'entraide judiciaire dans le domaine des droits de l'homme. La coopération judiciaire internationale en matière pénale peut en effet être refusée lorsque, dans une procédure pénale pour laquelle l'entraide judiciaire a été requise, il existe des motifs sérieux de penser qu'il y a violation des droits de l'homme.

Pour la Suisse, le traité d'entraide judiciaire avec l'Egypte constitue un précédent.

Si et dans quelle mesure la Suisse peut s'engager à négocier d'autres traités avec l'Egypte dans le domaine de la coopération judiciaire internationale en matière pénale dépendra pour l'essentiel de la manière dont le traité d'entraide judiciaire fera ses preuves dans la pratique et de l'évolution de la situation des droits de l'homme en Egypte.

4681

Message 1

Partie générale

1.1

Point de la situation

Lors la troisième Conférence des Ministres de la Justice francophones, à laquelle l'ancien conseiller fédéral Arnold Koller participa au Caire en automne 1995, le ministre égyptien de la Justice proposa à la Suisse de conclure un traité d'extradition et d'entraide judiciaire internationale en matière pénale. En novembre 1995, l'Egypte transmit à la Suisse une demande formelle en vue d'ouvrir les négociations. La Suisse n'ayant encore jamais signé de traité d'extradition ou d'entraide judiciaire en matière pénale avec un pays arabe, l'Office fédéral de la police1 proposa tout d'abord au Ministère égyptien de la Justice de négocier un traité d'entraide judiciaire en matière pénale et transmit un projet de traité aux autorités égyptiennes pour prise de position. Le Ministère égyptien de la Justice fit parvenir ses observations sur le projet suisse dans le courant de l'année 1996. Parallèlement, il présenta un projet de traité d'extradition et suggéra d'étendre les pourparlers au terrorisme et au crime organisé. Par la suite, l'Office fédéral de la police et le Ministère égyptien de la Justice se mirent d'accord pour limiter les négociations à l'entraide judiciaire en matière pénale et exclure pour le moment les autres domaines.

La réserve de la Suisse au cours des négociations était essentiellement due à la situation en matière des droits de l'homme en Egypte. Selon les rapports du DFAE et de l'Ambassade suisse, requis par l'Office fédéral de la police, les tribunaux ordinaires semblent bien fonctionner. Dans ces procédures, les droits de l'homme sont en règle générale respectés. Des doutes doivent par contre être émis à propos de la justice militaire qui, depuis la proclamation de l'état d'exception en 1981, poursuit aussi les particuliers à qui il est fait grief d'actes de violence et de terrorisme ou d'activités politiques interdites. A la différence des tribunaux ordinaires, les tribunaux militaires ne garantissent pas toujours une procédure respectueuse des droits de l'homme, ni ne se conforment aux exigences minimales d'un procès équitable. Face à la situation générale en matière des droits de l'homme en Egypte, les services compétents du DFAE2 et du DFJP3 estimaient prématuré de mener des discussions relatives à un traité d'extradition ou de transfèrement de personnes condamnées avant de disposer des premiers résultats du traité d'entraide judiciaire.

1.2

Déroulement des négociations

Une délégation suisse et une délégation égyptienne entamèrent les premiers entretiens début mars 1997 au Caire en vue de la conclusion d'un traité d'entraide judi1

2 3

Le 1er juillet 2000, la division chargée de l'entraide judiciaire internationale a été transférée à l'Office fédéral de la justice dans le cadre de la réforme gouvernementale et administrative (art. 7, al. 6a, de l'ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du DFJP; RS 172.213.1).

Direction du droit international public et Direction politique, Division IV, Section de la politique des droits de l'homme et de la politique humanitaire.

Office fédéral de la justice: Division I de la législation et Division des affaires internationales, Section droits de l'homme.

4682

ciaire en matière pénale. Un projet de traité élaboré par la Suisse et une contreproposition de l'Egypte constituaient la base des discussions. Les deux délégations éliminèrent toutes les divergences au cours de la première ronde d'entretiens et mirent au point un texte commun. D'entente, elles décidèrent de présenter ce projet de traité aux services nationaux compétents avant de le parapher.

Après approbation par les services compétents du DFAE et du DFJP, le traité fut paraphé par échange de lettres des 7 octobre 1997 et 9 mars 1998 entre les chefs des délégations suisse et égyptienne.

La signature du traité fut repoussée en raison de l'attentat de Louxor, au cours duquel plus d'une trentaine de ressortissants suisses avaient trouvé la mort4. Le chef du DFJP avait alors décidé de suspendre la signature du traité sur les conseils de l'administration fédérale des finances; en effet, dans le cadre de la consultation des offices, l'administration fédérale des finances s'était prononcée pour un report de la signature du traité jusqu'à ce que les autorités égyptiennes tiennent les promesses faites après l'attentat. Elle craignait que la signature du traité par le Conseil fédéral représente un faux signal au niveau de la politique étrangère et qu'en matière de politique intérieure, un an seulement après l'attentat de Louxor, cet acte puisse être interprété comme un manque de considération à l'égard des victimes.

Au cours de l'été 1999, après avoir examiné la situation, l'administration des finances parvint à la conclusion que la Suisse ne pouvait plus longtemps geler la coopération bilatérale avec l'Egypte dans le domaine de la lutte contre le crime, même si les promesses financières faites par les représentants du gouvernement égyptien n'avaient pas été tenues. La police fédérale était également d'avis qu'un report supplémentaire de la signature du traité n'influencerait guère la position des autorités égyptiennes sur ce point.

Le Conseil fédéral a approuvé le traité et a donné son accord pour la signature en janvier 2000. La signature du traité a eu lieu le 7 octobre 2000 au Caire.

2

Partie spéciale

2.1

Commentaire relatif au traité

Le présent traité établit une base légale internationale en vue de la coopération judiciaire des deux Etats dans la recherche et la poursuite d'infractions. Il oblige les Etats Parties à accorder l'entraide judiciaire dans les procédures visant des infractions. Jusqu'ici, la Suisse ne pouvait accorder l'entraide judiciaire à l'Egypte que sur la base de la loi sur l'entraide pénale internationale (EIMP)5. Cette coopération judiciaire était en règle générale liée à la réciprocité6.

Le droit égyptien étant largement basé sur le droit français, une grande partie des dispositions de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du

4

5 6

Le 17 novembre 1997, un attentat terroriste au temple d'Hatchepsout à Louxor avait fait 58 morts parmi les touristes (dont 36 Suisses), quatre parmi les gardes égyptiens ainsi que six parmi les terroristes. Vingt-cinq autres personnes avaient été blessées, dont 12 Suisses.

RS 351.1 L'Etat étranger doit garantir qu'il pourrait donner suite dans le cas inverse à une demande suisse et serait également prêt à le faire dans un cas concret.

4683

20 avril 1959 (CEEJ)7 ont pu être reprises. Le traité contient en outre les principes essentiels de l'EIMP. Il se situe dans la lignée des traités d'entraide judiciaire que la Suisse a signés en 1997 avec le Pérou8 et l'Equateur9 et en 1999 avec Hongkong10.

Parmi les éléments nouveaux, citons: ­

Une clause spéciale relative aux droits de l'homme oblige les Etats Parties à appliquer le traité d'entraide judiciaire dans le respect des garanties applicables en matière de protection des droits de l'homme (art. 1, par. 3).

­

Les Etats Parties peuvent restituer les objets et valeurs acquis en relation avec une infraction également en vue de leur confiscation (art. 10).

­

Les Parties peuvent signifier à leurs propres ressortissants les actes de procédure et les décisions judiciaires qui ne nécessitent pas de mesures de contrainte par l'entremise de la représentation diplomatique ou consulaire en lieu et place des autorités d'entraide judiciaire (art. 13, par. 5).

­

A la place de la clause d'arbitrage usuelle, le traité renferme une règle qui prévoit un règlement des différends sans arbitrage (art. 29 et 30).

L'application du traité repose sur les prescriptions de procédure figurant dans la première et la troisième partie de l'EIMP. Les dispositions de l'EIMP sont applicables dans la mesure où elles ne contreviennent pas au traité.

Nous nous limiterons à commenter les dispositions fondamentales du traité et à attirer l'attention sur ses particularités.

2.2

Commentaire des dispositions fondamentales du traité

Art. 1

Obligation d'accorder l'entraide

Le par. 1 oblige les Etats Parties, sur la base du droit international public, à s'accorder l'entraide judiciaire. S'il n'y a pas de motifs d'inapplicabilité ou de refus en vertu des art. 2 et 3, les Etats Parties doivent donner suite à une demande d'entraide judiciaire.

Le par. 2 énumère les mesures d'entraide judiciaire possibles en vertu du traité.

Cette liste n'est pas exhaustive afin de tenir compte de l'évolution du droit dans les deux Etats.

Le par. 3 requiert que le traité soit mis en oeuvre dans le respect des garanties applicables en matière de droits de l'homme. Cette réglementation supplémentaire négociée par la Suisse délimite la portée de l'obligation d'accorder l'entraide judiciaire.

Elle ne se limite pas au Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte des Nations Unies)11, mais englobe tous les instruments de protection des droits de l'homme. Cette réglementation a pour but d'empêcher que la Suisse, dans le cadre de l'entraide judiciaire, prenne part à des procédures qui ne ré7 8 9 10 11

RS 0351.1 RS 0.351.964.1 RS 0.351.932.7 FF 2001 154 RS 0.103.2

4684

pondent pas au standard international minimal figurant dans les instruments de protection des droits de l'homme ou qui contreviennent à l'ordre public international.

Cette clause précise la réserve de l'ordre public figurant à l'art. 3, par. 1, let. c. Elle sert la sécurité du droit en spécifiant clairement que l'entraide judiciaire peut être refusée en cas de violation des droits de l'homme. Certes, l'Egypte comme la Suisse est partie au Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques. Néanmoins, la clause des droits de l'homme s'imposait car, en Egypte, les personnes privées sont certes soumises à la juridiction civile, mais peuvent être aussi traduites devant un tribunal militaire pour certaines infractions (activités politiques interdites, actes terroristes et actes de violence) depuis la proclamation de l'état d'exception en 1981. Les procès militaires ne garantissent aucunement que les principes élémentaires de procédure et les droits de l'homme soient respectés. Les personnes concernées risquent la torture et les châtiments corporels. En vertu de la réglementation convenue, la Suisse peut donc refuser l'entraide judiciaire à l'Egypte lorsqu'au cours d'une procédure où l'entraide judiciaire est requise, il existe des motifs sérieux de penser qu'il y a violation des droits de l'homme. Cette réglementation s'appuie sur l'art. 2, let. a, EIMP, révisé et est en accord avec la pratique suisse en matière d'entraide judiciaire dans le domaine des droits de l'homme.

Art. 2

Inapplicabilité

Cette disposition circonscrit le champ d'application du traité. La réglementation correspond à l'art. 1, par. 2, CEEJ.

Art. 3

Motifs pour refuser ou différer l'exécution de la demande

Le par. 1 établit une liste exhaustive des motifs pouvant mener à un refus de l'entraide judiciaire. Ce sont des motifs classiques de refus que l'Etat requis peut faire valoir dans le cas d'espèce. Il n'y a aucune obligation d'accorder l'entraide judiciaire lorsque la procédure pénale étrangère vise un délit politique ou un délit fiscal (let. a et b) ou lorsque la mesure d'entraide judiciaire constitue une atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels d'un Etat Partie (let. c). L'entraide judiciaire peut aussi être refusée lorsque la demande vise la même infraction qui a mené à l'acquittement ou à la condamnation de la personne concernée dans l'Etat requis (let. d). Cette disposition s'inspire de l'art. 2 CEEJ et de la réserve de la Suisse relative à l'art. 2, let. a, CEEJ. Elle suit l'esprit des art. 1a, 3 et 5, EIMP.

Pour ce qui est des délits fiscaux (let. b), la Suisse avait proposé une réglementation, analogue à celle prévue à l'art 3, al. 3, EIMP, qui aurait permis l'entraide judiciaire dans les cas d'escroquerie en matière fiscale12. Néanmoins, dans ce domaine, les autorités égyptiennes ne voulaient pas aller au-delà de la réglementation de la CEEJ.

Selon la conception juridique suisse, la notion d'«ordre public» (let. c) inclut également le respect des droits humains fondamentaux, dont font partie entre autres le droit à la vie, l'interdiction de la torture ou de tout autre traitement ou châtiment cruel, inhumain ou humiliant, ainsi que les garanties fondamentales de procédure13.

12

13

Voir à ce propos art. 4, par. 1, let. a, du traité avec le Pérou (RS 0.351.964.1); art. 3, par.

1, let. a, du traité avec l'Equateur (RS 0.351.932.7); art. 3, par. 1, let. d, du traité avec Hongkong (FF 2001 155).

ATF 125 II 356, cons. 8, avec renvois; 123 II 511 E ; 5a et 6a avec renvois.

4685

Ces garanties sont principalement fixées dans le Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques.

Le par. 2 donne à l'Etat requis la possibilité de différer l'entraide judiciaire lorsque l'exécution de la demande pourrait porter préjudice à une procédure pénale en cours dans cet Etat.

Les par. 3 et 4 contiennent des prescriptions sur la manière de procéder en cas de refus ou de report de l'entraide judiciaire: l'Etat requis doit motiver sa décision de refuser ou de différer l'entraide et doit examiner avec l'Etat requérant si, et dans quelles conditions, l'entraide judiciaire serait éventuellement possible (par. 3). L'Etat requis doit également motiver un refus qui ne porte que sur certains points (par. 4).

Art. 4

Droit applicable

Le par. 1 consacre le principe selon lequel les demandes d'entraide judiciaire doivent être exécutées en vertu des prescriptions légales de l'Etat requis. En Suisse, l'exécution a lieu conformément à l'EIMP, ainsi qu'au droit procédural déterminant des cantons et de la Confédération.

Le par. 2 donne à l'Etat requis la possibilité de déroger sous certaines conditions à la règle fondamentale du par. 1. Une demande d'entraide judiciaire peut être exécutée selon les règles de procédure de l'Etat requérant lorsque l'Etat étranger en fait expressément la demande et que les modalités d'exécution requises sont compatibles avec le droit de l'Etat requis. Cette disposition repose sur l'art. 65, al. 1, EIMP.

Art. 5

Mesures de contrainte

La CEEJ ne mentionne comme mesure de contrainte que la perquisition et la saisie d'objets (art. 5). La Suisse a élargi le champ d'application de l'art. 5 CEEJ à toutes les mesures de contrainte14. Celles-ci concernent par exemple la comparution de témoins récalcitrants, les dépositions de témoins faites sous la contrainte ou la divulgation de secrets protégés par la loi.

L'art. 5 s'inspire de la déclaration de la Suisse relative à l'art. 5, par. 1, CEEJ, et reprend la règle consacrée à l'art. 64 al. 1, EIMP. Il lie l'ordonnance de mesures coercitives à la condition de la double incrimination. En d'autres termes, le fait à l'origine de la demande doit être punissable tant dans l'Etat requérant que dans l'Etat requis. La disposition s'étend non seulement aux mesures permettant, en cours de procédure, de faire usage de la contrainte contre des personnes (obligation pour un témoin de comparaître ou de déposer, perquisition), mais aussi à l'obtention ou à la conservation de moyens de preuves (saisie des instruments de l'infraction, perquisition de locaux, de véhicules, d'immeubles, etc.). L'ordonnance de mesures de contrainte de toutes sortes en procédure d'entraide judiciaire présuppose que le fait poursuivi présente dans le cas concret toutes les caractéristiques objectives d'un état de fait punissable en droit suisse15.

14 15

Déclaration de la Suisse relative à l'art. 5, par. 1, CEEJ (RS 0.351.1).

Voir à ce propos le message du 1er mars 1966 sur l'approbation de six conventions du Conseil de l'Europe, chiffre II (FF 1966 I 481/490).

4686

Art. 6

Mesures provisoires

Cette disposition permet aux autorités judiciaires de l'Etat requis d'ordonner des mesures provisoires sur la demande expresse de l'Etat requérant, par exemple le blocage d'un compte bancaire. L'ordonnance d'une mesure provisoire présuppose que la procédure étrangère satisfasse aux conditions que le droit de l'Etat requis lie à l'entraide judiciaire. Lorsque la Suisse est l'Etat requis, il est possible d'ordonner les mesures provisoires requises dans le cadre d'une procédure pénale égyptienne s'il n'existe aucun motif évident s'opposant à la coopération judiciaire internationale (p.

ex. l'infraction n'est pas punissable dans les deux Etats). Cette réglementation repose sur l'art. 18 EIMP.

Cette disposition permettra dorénavant aux autorités judiciaires suisses de demander l'exécution de mesures provisoires aux autorités égyptiennes dans le cadre d'une procédure pénale, ce qui n'était pas possible jusqu'ici car l'Egypte ne dispose pas de base légale correspondant à l'EIMP.

Art. 8

Déposition de témoins dans l'Etat requis

Le par. 1 précise le principe important selon lequel une personne qui est invitée à comparaître dans le cadre d'une procédure d'entraide judiciaire peut refuser de déposer si elle dispose d'un droit de refuser de témoigner en vertu du droit de l'Etat requis ou de l'Etat requérant.

Les par. 2 et 3 traitent des suites d'un refus de témoigner.

Art. 10

Restitution d'objets et de valeurs

Cette disposition donne aux autorités judiciaires des deux Etats la possibilité de restituer à l'autre Etat, en vue de leur confiscation, les objets et valeurs saisis qui proviennent d'une infraction. Une restitution présume que les prétentions élevées par des personnes qui ont acquis de bonne foi des droits sur les objets et valeurs saisis ont été satisfaites en priorité.

La CEEJ ne contient aucune disposition de ce genre16. La présente disposition du traité s'appuie sur le nouvel art. 74a EIMP. A la différence de la réglementation figurant dans l'EIMP, il est possible de restituer l'objet de l'infraction selon l'art. 10 uniquement en vue d'une confiscation dans l'Etat étranger17. Le droit égyptien n'autorise pas de règle dont la portée va plus loin.

Art. 12

Utilisation restreinte

Cet article a pour objet le principe de la spécialité. Ce principe, important pour la Suisse, est consacré à l'art. 67 EIMP et figure dans la réserve exprimée par la Suisse à propos de l'art. 2, let. b, CEEJ.

Le principe de la spécialité signifie que l'Etat requérant ne peut utiliser les informations et les moyens de preuve qu'il a obtenus par voie d'entraide ou les transmettre à des tiers, que pour poursuivre une infraction pouvant faire l'objet de l'entraide judiciaire, sauf si l'Etat requis en autorise une autre utilisation. L'objectif principal de

16 17

L'art. 3 CEEJ ne prévoit qu'une restitution à des fins de preuve.

L'art. 74a, al. 1, EIMP admet la restitution également à des fins de remise à l'ayant droit.

4687

cette disposition est d'empêcher l'utilisation des renseignements transmis dans des procédures fiscales dans l'Etat requérant.

Le complément ajouté à l'art. 67, al. 2, lors de la révision de l'EIMP n'a pas pu être repris18. L'Egypte a préféré une réglementation selon laquelle l'Etat requis doit donner son accord dans tous les cas où l'Etat requérant souhaite une autre utilisation des actes de l'entraide (par. 1). Il en va de même du nouvel élément introduit à l'art. 67, al. 3, EIMP19. Là aussi, l'Egypte a préféré une réglementation qui limite à l'Etat étranger le droit de consulter de la partie lésée qui prend part à une procédure pénale dans l'un des Etats contractants (par. 2).

Art. 13 à 19

Remise d'actes de procédure et citations

Les dispositions concernant la remise d'actes de procédure et de citations de témoins et d'experts ont été reprises des art. 7 à 12 CEEJ. La disposition sur l'étendue du témoignage dans l'Etat requérant (art. 18) fait exception. Les divergences par rapport aux dispositions de la CEEJ sont commentées ci-dessous.

A l'art. 13 (Remise d'actes de procédure et de décisions judiciaires), le délai pour la remise d'une citation à comparaître à une personne qui habite dans l'Etat requis et est poursuivie dans l'Etat requérant a été fixé à 45 jours sur demande de l'Egypte (par. 4). La Suisse a limité ce délai à 30 jours dans ses relations avec les Etats parties à la CEEJ20. Cet article précise en outre qu'une représentation diplomatique ou consulaire peut procéder à la remise d'actes de procédure et de décisions judiciaires (par. 5). Ce mode de remise se limite aux actes de procédure et aux décisions judiciaires destinés aux propres ressortissants et n'est autorisée que lorsqu'aucune mesure de contrainte n'est appliquée. La réglementation correspond à la pratique suisse en relation avec la Convention de Vienne sur les relations consulaires21, dont l'art. 5, let. j, confère aux représentations diplomatiques et consulaires certaines tâches en matière d'entraide judiciaire.

L'art. 18 (Etendue du témoignage dans l'Etat requérant) consacre le principe selon lequel l'Etat requérant ne peut obtenir par la contrainte la déclaration d'un témoin ou la production de moyens de preuve lorsque le droit de l'un des deux Etats permet au témoin de refuser de témoigner. Cette disposition couvre les cas où un témoin se rend dans l'Etat requérant pour y être entendu. Elle est le pendant de l'art. 8, qui traite de l'audition des témoins dans l'Etat requis. Une réglementation analogue figure dans les traités d'entraide judiciaire avec le Pérou22 et l'Equateur23.

18

19 20 21 22 23

Selon l'art. 67, al. 2, EIMP, révisé et la déclaration de la Suisse relative à l'art. 2, let. c, CEEJ, l'Etat requérant peut utiliser les renseignements transmis par voie d'entraide dans deux cas sans l'accord préalable de l'Etat requis : 1. les faits faisant l'objet de l'entraide judiciaire et à l'origine de la demande sont qualifiés différemment par le droit étranger, ou 2. les renseignements transmis doivent être utilisés pour poursuivre d'autres personnes (p. ex. des complices).

L'art. 67, al. 3, est ainsi libellé: «L'autorisation d'assister aux actes d'entraide et de consulter le dossier (art. 65a, al. 1) est soumise aux mêmes conditions.» Déclaration relative à l'art. 7, par. 3, CEEJ (RS 0.351.1).

RS 0.191.02 Art. 19 (RS 0.351.964.1) Art. 18 (RS 0.351.932.7)

4688

L'art. 19 (Remise de personnes détenues) ne contient aucune réglementation sur le transit de détenus par le territoire d'un Etat tiers24. Etant donné la situation géographique des Etats Parties, il est inutile de régler ce point.

Art. 20

Casier judiciaire et échange d'avis de condamnation

Cet article oblige les Etats Parties à communiquer, sur demande, les renseignements relatifs à leur casier judiciaire et à informer des décisions pénales rendues à l'encontre de leurs ressortissants. Il a été élaboré d'après les art. 13 et 22 CEEJ.

En vertu du par. 2, les extraits de casier judiciaire peuvent aussi être transmis dans des buts qui ne sont pas de droit pénal (p. ex. une procédure civile). S'il est demandé à la Suisse de fournir des extraits du casier judiciaire, la portée du renseignement fourni est définie par l'art. 24 de l'ordonnance du 1er décembre 1999 sur le casier judiciaire automatisé25.

Le devoir d'information selon le par. 3 se limite à la transmission des extraits de jugement et à la communication des inscriptions subséquentes au casier judiciaire. La disposition ne crée néanmoins pas de base légale pour la remise de jugements complets26.

Art. 21 à 26

Procédure

Les détails de la procédure formelle d'entraide judiciaire sont décrits aux art. 21 à 26. Des réglementations analogues figurent dans les traités d'entraide judiciaire avec le Pérou27, l'Equateur28 et Hongkong29.

L'art. 21 précise quels sont les interlocuteurs lors du traitement des demandes d'entraide judiciaire et réglemente la voie de transmission. En Suisse, l'Office fédéral de la justice auradésormais compétence en matière d'entraide judiciaire30. Dans la pratique, les autorités centrales ont fait la preuve de leur efficacité surtout dans les relations avec les Etats dont le système juridique ou l'environnement culturel sont différents. Elles permettent des contacts directs entre les spécialistes de l'entraide judiciaire et facilitent ainsi considérablement la collaboration.

L'exécution de la demande d'entraide judiciaire conformément à l'art. 23 est soumise aux dispositions de l'EIMP s'y rapportant ainsi qu'aux règles de procédure des cantons et de la Confédération applicables aux causes pénales.

La dispense du devoir de légalisation et d'authentification prévue par l'art. 24 sert à simplifier et à accélérer la procédure d'entraide judiciaire. Cette disposition s'inspire de l'art. 17 CEEJ.

Art. 27

Dénonciation aux fins de poursuites et de confiscation

L'institution juridique qu'est la dénonciation aux fins de poursuites permet à un Etat Partie, face à un délit qu'il ne peut poursuivre, de demander à l'autre Etat Partie 24 25 26 27 28 29 30

Voir art. 11, par. 2 CEEJ RS 331 Voir FF 1966 I 481/494 Art. 21 ss (RS 0.351.964.1) Art. 20 ss (RS 0.351.932.7) Art. 26 ss (FF 2001 161) Voir la note no 1

4689

d'ouvrir une procédure pénale et de lui transmettre les moyens de preuve et informations nécessaires. Ce mode de faire s'impose essentiellement dans les cas où l'Etat A a des motifs sérieux de penser qu'une infraction a été commise dans l'Etat B et ne peut pas la poursuivre (p. ex. lorsqu'un touriste suisse en Egypte est victime d'un vol avec agression et que le coupable est un ressortissant égyptien). Cette disposition n'oblige pas de procéder à une poursuite pénale. Par contre, l'Etat qui a reçu une dénonciation doit informer l'autre Etat des suites qu'il a données à la dénonciation.

Contrairement à l'art. 21 CEEJ, cette disposition permet aussi les dénonciations aux fins de confiscation d'objets et de valeurs acquis en relation avec une infraction selon l'art. 10. Elle permet donc non seulement l'introduction d'une procédure pénale, mais englobe aussi les procédures de confiscation.

Art. 28 à 31

Dispositions finales

Au lieu de la clause d'arbitrage usuelle, les art. 29 et 30 prévoient un règlement des litiges sans arbitrage. Cette disposition a été introduite sur demande de l'Egypte car celle-ci ne voulait pas faire appel à la Cour internationale de justice comme tribunal arbitral. Une réglementation analogue figure dans le traité d'entraide judiciaire avec le Pérou31.

2.3

Appréciation du traité

Le traité d'entraide judiciaire en matière pénale avec l'Egypte constitue une étape importante dans la politique suisse des traités et ouvrira peut-être la voie à d'autres accords avec des pays du continent africain. En effet, ce traité est le premier du genre que la Suisse conclut avec un Etat arabe. Il permet d'élargir désormais aussi vers le monde arabe le réseau de traités conclus par la Suisse dans le domaine de la coopération judiciaire internationale en matière pénale.

Le traité permet à la Suisse et à l'Egypte d'apporter mutuellement un soutien actif aux autorités judiciaires dans la lutte contre la criminalité. Il circonscrit la coopération judiciaire en matière pénale et précise la portée de l'entraide judiciaire accordée par les deux Etats dans les procédures pénales. L'attentat de Louxor a montré que, pour la Suisse, une bonne collaboration avec l'Egypte était nécessaire. Le traité répond aussi à un intérêt de la Suisse car il lui assure la réciprocité dans ses relations avec l'Egypte. Par ailleurs, il tient compte des préoccupations de la Suisse en matière de droits de l'homme dans la mesure où la coopération peut être refusée si l'Egypte demande l'entraide judiciaire dans une procédure pénale à propos de laquelle il existe des motifs sérieux de penser qu'il y a une violation des droits de l'homme. Le traité est ainsi en harmonie avec la politique des droits de l'homme en vigueur en Suisse.

31

Art. 29 et 30 (RS 0.351.964.1)

4690

3

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel, conséquences économiques

3.1

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel pour la Confédération

Le traité fait naître de nouvelles obligations pour la Suisse. L'Office fédéral de la justice (OFJ) est particulièrement concerné à cet égard car c'est lui qui, en tant qu'autorité centrale, assurera les relations en matière d'entraide judiciaire en provenance de et à destination de l'Egypte. Le supplément de tâches dépendra du nombre et de la complexité des demandes d'entraide judiciaire. Une éventuelle augmentation des effectifs sera, dans la mesure du possible, réglée au niveau du département.

3.2

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel pour les cantons

La conclusion du traité n'implique aucune tâche supplémentaire au niveau des cantons. Néanmoins, selon l'importance et la complexité des demandes d'entraide judiciaire, il peut en résulter un surcroît de travail pour certains cantons.

3.3

Conséquences économiques

Le traité n'a aucune répercussion au niveau économique en Suisse.

4

Programme de législature

Le traité figure dans le rapport du 1er mars 2000 sur le Programme de la législature 1999-200332.

5

Relation avec le droit européen

La coopération entre la Suisse et les Etats membres du Conseil de l'Europe dans le domaine de l'entraide judiciaire internationale en matière pénale est réglementée par la CEEJ. Des traités additionnels conclus entre la Suisse et ses pays voisins sont également appliqués à titre complémentaire33.

Le traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la Suisse et l'Egypte reprend tous les principes essentiels fixés dans la CEEJ. Partant, il est compatible avec le droit européen.

32 33

FF 2000 2168/2223 Avec l'Allemagne (RS 0.351.913.61), l'Autriche (RS 0.351.916.32), la France (RS 0.351.934.92) et l'Italie (FF 1999 1311).

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6

Constitutionnalité

En vertu de l'art. 54, al. 1, de la Constitution fédérale (Cst.), la Confédération est compétente en matière d'affaires étrangères. La conclusion de traités internationaux est donc de son ressort. L'approbation de traités internationaux incombe à l'Assemblée fédérale conformément à l'art. 166, al. 2, Cst.

Les traités internationaux sont soumis au référendum facultatif en vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., lorsqu'ils sont de durée indéterminée et ne sont pas dénonçables, lorsqu'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale ou entraînent une unification multilatérale du droit. Le traité d'entraide judiciaire avec l'Egypte ne remplit pas ces conditions: certes il est conclu pour une durée indéterminée, mais il peut être dénoncé en tout temps par chaque Partie. En outre, il ne prévoit ni l'adhésion à une organisation internationale, ni une unification multilatérale du droit.

Pour ces raisons, l'arrêté de l'Assemblée fédérale portant approbation du traité n'est pas soumis au référendum facultatif.

7

Conclusions

Pour la Suisse, le traité d'entraide judiciaire avec l'Egypte constitue un précédent important. Pour la première fois, la Suisse contracte des obligations avec un important pays arabe. Ce pas n'oblige néanmoins pas la Suisse à conclure d'autres traités.

La question de savoir si, et dans quelle mesure, la Suisse peut s'engager à négocier d'autres traités avec l'Egypte dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale dépendra pour l'essentiel de la manière dont le traité d'entraide judiciaire aura fait ses preuves dans la pratique et de l'évolution de la situation des droits de l'homme en Egypte. L'appréciation que fera la Suisse du respect des droits de l'homme en Egypte sera déterminante quant à la conclusion de futurs traités avec ce pays.

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