ad 00.424 Initiative parlementaire Loi sur les maisons de jeu. Révision de l'art. 61 Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats du 1er mars 2001 Avis du Conseil fédéral du 16 mars 2001

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous prenons position comme suit sur le rapport du 1er mars 2001 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats relatif à la révision de l'art. 61 de la loi sur les maisons de jeu, conformément à l'art. 21quater, al. 4, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC).

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

16 mars 2001

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

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2001-0500

Avis 1

Point de la situation

Lors des débats parlementaires sur la loi fédérale sur les maisons de jeu (LMJ), les dispositions transitoires donnèrent lieu à de longues discussions. L'éventualité de l'octroi d'une concession provisoire, non seulement aux kursaals détenteurs d'une autorisation du jeu de la boule approuvée par l'autorité fédérale, mais également aux casinos d'automates ­ existants ou prévus ­ fut amplement débattue. Le Parlement y renonça. Fort de cette décision du législateur, le Conseil fédéral s'abstint, en décembre 1999, d'accorder rétroactivement l'autorisation fédérale aux casinos d'automates de Mendrisio et d'Herisau, qui ne disposaient que d'une autorisation cantonale du jeu de la boule.

Les exploitants des casinos de Mendrisio et d'Herisau adressèrent une plainte à l'Assemblée fédérale contre le Conseil fédéral. Ils firent valoir que le Conseil fédéral aurait injustement refusé l'octroi de l'autorisation fédérale au casino de Mendrisio.

Contrairement aux autres demandes, celle de Mendrisio aurait été frappée de manière arbitraire par l'entrée en vigueur du moratoire décrété par le Conseil fédéral en avril 1996. Dès lors, il appartenait au Conseil fédéral d'accorder une autorisation a posteriori.

La Commission de gestion du Conseil national (CdG-CN) examina cette plainte.

Elle ne constata aucune inégalité de traitement entre ces deux requêtes et les autres, mais parvint toutefois à la conclusion que la requête de Mendrisio était prête pour décision avant l'entrée en vigueur du moratoire. Aussi recommanda-t-elle au Conseil fédéral de trancher, en l'approuvant ou en la rejetant, sur la demande du canton du Tessin, à la lumière des constatations faites en 1996. Le Conseil fédéral ne suivit pas cette recommandation, estimant, contrairement à l'avis de la CdG-CN, que le dossier de Mendrisio n'était pas, à l'époque, prêt pour une décision.

Faute d'une approbation fédérale de l'autorisation cantonale de jeu de la boule, le casino de Mendrisio ne remplissait pas les conditions de la LMJ pour une concession provisoire. Il dut donc fermer ses portes à l'entrée en vigueur de la loi, tout comme le casino d'Herisau.

Par la présente initiative parlementaire, la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (CAJ-CE) propose de modifier les dispositions transitoires de la LMJ afin de permettre aux casinos
d'automates de Mendrisio et d'Herisau de recommencer leur exploitation jusqu'à la décision sur leurs demandes de concession définitive.

De fait, cette révision législative est le moyen adéquat pour le Parlement de trancher le différend survenu entre la CdG-CN et le Conseil fédéral, dans le sens voulu par la commission. Le Conseil fédéral juge toutefois que le projet d'art. 61bis LMJ soulève de nombreux et nouveaux problèmes, dont il estime qu'ils n'ont pas été suffisamment examinés.

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2 2.1

Remarques sur le projet Absence de lacune dans la loi actuelle

Le Conseil fédéral estime, contrairement à la CAJ-CN, que les dispositions transitoires de la LMJ ne présentent aucune lacune. Le législateur a clairement établi que seuls les kursaals munis d'une autorisation cantonale de jeu de la boule approuvée par le Conseil fédéral obtiennent une concession provisoire leur permettant de poursuivre leurs activités, dans les limites de leur offre de jeu à l'époque.

Le sort des casinos d'automates ­ existants ou prévus ­ dont l'exploitation se fondait sur une autorisation exclusivement cantonale fut longuement discuté tant au Conseil national qu'au Conseil des Etats. Dans cette Chambre, il fut proposé d'autoriser la poursuite de l'exploitation des casinos d'automates, d'une manière analogue à la présente initiative. Cette proposition fut toutefois retirée, le président de la commission ayant souligné que la disposition suggérée soulevait de délicats problèmes juridiques et défavorisait les cantons et les entreprises qui avaient respecté le moratoire du Conseil fédéral1.

De même, au Conseil national, survinrent des propositions de dispositions transitoires assurant, dans le nouveau droit, la poursuite de l'activité des casinos d'automates de Mendrisio et d'Herisau ainsi que d'autres projets en préparation à l'époque.

Toutes furent rejetées2.

A la lumière de ces décisions, il était clair à l'entrée en vigueur de la loi, pour le Conseil fédéral, qu'il n'y avait pas lieu de lever le moratoire fédéral sur l'approbation des autorisations cantonales de jeu de la boule. Le Parlement avait confirmé la ligne suivie par le Conseil fédéral, qui consistait à ne pas prétériter l'application de la nouvelle loi par la création de nouveaux kursaals. Ces décisions du législateur ont déterminé la politique suivie par la suite par le Conseil fédéral.

Il apparaît ainsi que le projet d'art. 61bis LMJ ne comble nulle lacune légale. Que le Conseil fédéral, après l'entrée en vigueur de la loi, ait rayé du rôle ­ sans les rejeter formellement ­ les douze demandes en suspens à l'époque ne remet en rien ce constat en cause. C'est en ayant pleinement conscience des conséquences de ses décisions pour les projets concernés que le législateur a voté les dispositions transitoires de la LMJ. La CAJ-CN l'a d'ailleurs souligné dans son rapport du 5 juillet 2000 sur l'initiative parlementaire
Stamm, initiative qui visait le même objectif que celle dont il est question ici.

A ce sujet, le Conseil fédéral rejette le reproche émis lors du débat au Conseil des Etats le 13 décembre 2000, reproche selon lequel le moratoire décrété en avril 1996 sur les approbations fédérales des autorisations cantonales du jeu de la boule eût été contraire au droit3. L'Office fédéral de la justice avait examiné au préalable la légalité de ce moratoire et l'avait confirmée. Plus tard, le Tribunal fédéral confirma également, dans le cas de Mendrisio, que la loi en vigueur à l'époque ne conférait aucun droit à une approbation fédérale.

1 2 3

BO 1997 E 1326 ss BO 1998 N 1944 ss BO 2000 E 917 ss

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2.2

Procédure suivie dans le cas de Mendrisio

Dans son rapport du 1er mars 2001, la CAJ-CE justifie la présente révision légale par le fait que le Conseil fédéral n'aurait pas tranché, en raison du moratoire d'avril 1996, sur la demande du canton de Tessin d'approuver l'autorisation cantonale octroyée au casino de Mendrisio, en dépit du fait que cette requête aurait été prête pour une décision.

Le Conseil fédéral rappelle à nouveau que la sous-commission DFJP/Tribunaux de la CdG-CN, qui examina en détail le traitement de la demande du canton du Tessin pour le casino de Mendrisio, ne constata aucune inégalité de traitement par rapport à d'autres requêtes (Schaffouse, Bienne). Comme la CAJ-CE le mentionne dans son rapport du 1er mars 2001, elle est parvenue à la conclusion que la demande tessinoise était prête pour décision peu avant le moratoire d'avril 1996. Elle fonde son avis sur une note interne de l'Office fédéral de la police (OFP) ­ instance alors compétente ­ au DFJP, note qui demandait une décision préliminaire. La souscommission de la CdG-CN souligna néanmoins que, de l'avis de l'OFP, cette demande devait être rejetée, conformément à la pratique suivie jusqu'alors. Toutefois, le Conseil fédéral fit valoir à la CdG-CN qu'il y avait lieu, dans cette situation, de se pencher, avant de trancher, sur les conséquences d'un changement de pratique. C'est pourquoi cette demande n'était pas prête à être traitée.

Le Conseil fédéral ne voit pas de motif de modifier ce point de vue. Aussi est-il d'avis que la procédure suivie dans l'affaire Mendrisio ne constitue pas une justification suffisante de la révision législative proposée par la CAJ-CE. En outre, il s'étonne que le seul casino d'Herisau dût bénéficier également d'une révision fondée sur la procédure suivie à l'époque à l'égard de la demande tessinoise. Le rapport de la CAJ-CE ne contient aucune explication à ce sujet.

2.3

Inégalité de traitement entre les cantons

Le moratoire décrété par le Conseil fédéral en avril 1996 avait pour but d'éviter que la création d'un grand nombre de nouveaux kursaals ne préjugeât des effets de la nouvelle loi. Le Conseil fédéral entendait trouver une solution de compromis avec les cantons pour la période précédant l'entrée en vigueur de la LMJ, et, sur la base de cette solution, assouplir le moratoire. Cette démarche s'avéra sans objet lorsque certains cantons autorisèrent l'ouverture de casinos d'automates de droit cantonal.

De nombreux cantons, en revanche, renoncèrent à détourner ainsi les effets du moratoire fédéral. Ce n'est qu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 22 avril 1998, par laquelle le Conseil fédéral corrigea sa pratique d'autorisation de machines à sous et la remit en conformité avec la constitution et la loi en vigueur à l'époque, qu'il fut mis un terme à l'ouverture de casinos d'automates.

La révision proposée par la CAJ-CE défavoriserait clairement les cantons qui respectèrent le moratoire fédéral de l'époque. Le canton du Valais, par exemple, avait soumis une demande d'approbation fédérale pour l'autorisation du jeu de la boule accordée à Loèche-les-Bains, mais s'en tint cependant au moratoire fédéral édicté par la suite. Le Conseil fédéral se demande dès lors s'il n'y aurait pas lieu de consulter les cantons désavantagés par la présente révision.

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2.4

Inégalité de traitement entre les exploitants

C'est en effet non seulement entre les cantons, mais également entre les exploitants de kursaals et de casinos d'automates que la présente révision engendrerait des inégalités de traitement.

La CAJ-CE estime, dans son rapport du 1er mars 2001, que les casinos d'automates de Mendrisio et d'Herisau, par la présente révision, ne bénéficieraient pas d'une discrimination positive à l'égard des dix autres projets de casinos frappés par le moratoire d'avril 1996. Ces autres projets, aux yeux de la CAJ-CE, ne constituaient pas des casinos dans lesquels des investissements avaient déjà été réalisés.

Cette affirmation est inexacte. Le casino de Sarnen, par exemple, bénéficiait d'une autorisation cantonale et était prêt à commencer son exploitation lorsque celle-ci fut interdite par l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 22 avril 1998. Alors que les initiateurs du casino de Sarnen ne purent amortir le moins du monde leurs investissements, ceux d'Herisau et de Mendrisio eurent largement le temps, jusqu'au 31 mars 2000, de récupérer les sommes engagées. Cette inégalité de traitement serait renforcée de manière flagrante par la présente révision légale. Qui plus est, tant la Confédération que le canton du Tessin attirèrent l'attention des exploitants du casino de Mendrisio sur les risques liés à l'ouverture de leur établissement. Les exploitants du casino de Mendrisio ne peuvent donc tirer parti d'une bonne foi pour faire valoir un droit à la protection des investissements réalisés.

En outre, la révision proposée causerait une inégalité de traitement entre, d'une part, les casinos d'automates d'Herisau et de Mendrisio, qui resteraient soumis au droit cantonal, et, d'autre part, les kursaals au bénéfice d'une concession provisoire, soumis eux à la LMJ et à la surveillance de la Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ). Les distorsions de concurrence qui s'ensuivraient apparaissent clairement dans le cas du canton du Tessin: les kursaals de Locarno et de Lugano ont à s'acquitter de l'impôt fédéral sur les maisons de jeu, qui prélève jusqu'à 40 % du produit brut des jeux au bénéfice du fonds de l'AVS. Les casinos d'automates d'Herisau et de Mendrisio ne verseraient de leur côté qu'un émolument cantonal modeste et unique par machine à sous. Ces deux établissements auraient ainsi bien plus de moyens à disposition afin d'attirer la clientèle par des offres spéciales et diverses stratégies de marketing.

2.5

Portée incertaine de la surveillance cantonale

Depuis l'entrée en vigueur de la LMJ, la CFMJ exerce la surveillance sur les maisons de jeu. Au cours des mois écoulés, cette autorité constata diverses irrégularités et dut intervenir à plusieurs reprises dans les kursaals. Les lacunes constatées concernaient, notamment, le relevé correct du produit brut des jeux et le fonctionnement des installations techniques des maisons de jeu, comme les systèmes de jackpot et les systèmes électroniques de décompte et de contrôle (SEDC).

La soumission des casinos d'automates d'Herisau et de Mendrisio à la législation des cantons concernés confie une grave responsabilité aux autorités cantonales.

Aussi eût-il été indiqué de consulter celles-ci au préalable.

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Le Conseil fédéral, pour sa part, s'attend à ce que les cantons en question se donnent les moyens nécessaires à l'exercice de la surveillance qui leur serait attribuée.

Le rapport de la CAJ-CE n'examine nullement le caractère adéquat des deux législations cantonales concernées aux fins d'une surveillance efficace. L'une des questions cruciales est, par exemple, la protection des joueurs dépendants: les kursaals actuels sont tenus de vérifier l'identité de chaque joueur et de refuser l'accès aux jeux à ceux qui sont frappés d'une interdiction. La CFMJ surveille strictement le respect de cette obligation légale par les kursaals titulaires d'une concession provisoire. Or, il ne semble pas que les cantons disposent des moyens de droit permettant de contraindre les casinos d'automates à mettre en place des contrôles d'accès, ni d'ailleurs que les casinos en question soient en droit d'être informés des interdictions prononcées par les kursaals. Dans ce cas, il faut s'attendre à ce que de nombreux joueurs frappés d'interdiction de jeu ne tentent leur chance dans les casinos d'Herisau et de Mendrisio.

L'applicabilité de la loi fédérale du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent (LBA)4 aux casinos d'automates de droit cantonal semble également incertaine: seules les maisons de jeu au sens de la LMJ y sont en effet expressément soumises.

Il est en revanche certain que les casinos d'automates ne sont pas assujettis à la surveillance de la CFMJ en matière de blanchiment d'argent, et que l'ordonnance de la CFMJ concernant la lutte contre le blanchiment d'argent ne s'applique pas à ces établissements. Cet état de fait crée une inégalité de traitement supplémentaire à l'égard des kursaals au bénéfice d'une concession provisoire. Les casinos d'automates d'Herisau et de Mendrisio sont dès lors face à une alternative: soit ils rejoignent un organisme d'auto-réglementation reconnu par l'autorité de contrôle en matière de blanchiment d'argent, soit ils se soumettent directement au contrôle de cette dernière. Les deux termes de cette alternative présupposent toutefois une longue procédure d'examen préalable.

Pour que cette initiative parlementaire puisse atteindre son but, il est donc nécessaire de dispenser les casinos d'automates de Mendrisio et d'Herisau des obligations de la LBA. Le Conseil fédéral juge cette solution fort hasardeuse.

2.6

Interdiction tessinoise des machines à sous hors des kursaals

Il est un autre motif pour lequel le Conseil fédéral eût jugé indiqué de consulter le canton du Tessin sur la présente initiative parlementaire.

L'art. 60, al. 2, LMJ permet aux cantons d'autoriser la poursuite de l'exploitation de machines à sous dans les restaurants et autres locaux durant une période transitoire de cinq ans. La CAJ-CE signale dans son rapport que le nouvel art. 61bis LMJ constitue, pour les machines à sous des casinos d'automates d'Herisau et de Mendrisio, une solution analogue à celle de cette disposition.

4

RS 955.0

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Toutefois, le canton du Tessin connaît une interdiction légale des machines à sous hormis dans les kursaals au sens de la législation fédérale5. Une initiative populaire cantonale qui visait à assouplir cette interdiction fut clairement rejetée le 1er décembre 1996. On est dès lors en droit de se demander si la présente proposition est légalement réalisable au Tessin.

Il relèvera de la compétence du Conseil d'Etat tessinois de décider si le nouvel art.

61bis LMJ permet la poursuite de l'exploitation du casino d'automates de Mendrisio sur la base d'une autorisation cantonale.

3

Calendrier de mise en oeuvre de l'initiative parlementaire

La CAJ-CE propose de conférer à cette révision un caractère urgent afin d'en assurer la réalisation effective. Une entrée en vigueur apparaît envisageable au 1er juillet 2001 au plus tôt.

Le 24 janvier 2001, le Conseil fédéral a précisé les prochaines étapes de la procédure d'attribution des concessions définitives de maison de jeu. Il procédera à un premier tri au mois de mai prochain: à cette occasion, il rejettera les projets qui ne remplissent clairement pas certaines des conditions impératives de la LMJ. Dans un deuxième temps, en automne 2001, il choisira les demandes auxquels il entend classer une réponse positive et définira les conditions et les charges de l'exploitation des maisons de jeu concernées. Les autres demandes seront rejetées.

Il apparaît ainsi qu'une réouverture des casinos d'automates de Mendrisio et d'Herisau selon le droit cantonal sera au mieux d'une brève durée. Selon que leurs demandes de concession seraient rejetées en mai ou en automne, il ne pourraient, respectivement, même pas ouvrir leurs portes, ou alors pour quelques mois tout au plus. Si leurs demandes de concession sont acceptées, ces quelques mois d'exploitation sont à mettre en regard de la durée de la concession définitive, qui est octroyée pour vingt ans. Le Conseil fédéral ne peut dès lors que s'interroger sur la simple opportunité de la présente révision légale.

4

Avis du Conseil fédéral

Eu égard aux incertitudes évoquées ci-dessus et aux inégalités de traitement qu'engendrerait cette proposition, le Conseil fédéral propose de rejeter l'initiative parlementaire Lombardi.

5

Legge sull'esercizio del commercio e delle professioni ambulanti, e degli apparecchi automatici, Art. 9a cpv. 3.

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