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XLme année. M. I,

N. 5.

Samedi 4 février 1888

Abonnement par année (franco dans toute la Suisse) 4 francs.

Prix d'insertion : 15 centimes la ligne. Les insertions doivent être transmises franco à l'expédition. -- Imprimerie et expédition de C.-J. Wyss, à Berne.

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Message du

conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant

le projet de loi sur les brevets d'invention.

(Du 20 janvier 1888.)

Monsieur le président et Messieurs, Le 10 juillet dernier, le peuple suisse a accepté, par 203,506 contre 57,862 voix, et par 20'/2 cantons contre 1'/2, une adjonction à l'article 64 de la constitution fédérale, plaçant dans le ressort de la Confédération la législation « sur la protection des dessins et modèles nouveaux, ainsi que des inventions représentées par des modèles et applicables à l'industrie ».

La haute importance qui s'attache à la prompte mise en vigueur de la législation prévue par le nouvel article constitutionnel, nous a engagés à préparer sans retard deux projets de lois sur la matière : l'un sur les brevets d'invention, que nous avons l'honneur de vous soumettre aujoud'hui ; l'autre sur les dessins et modèles industriels, que vous recevrez sous peu.

Le premier de ces projets a été soumis à l'examen d'une commission composée de MM. Bühler-Honegger, conseiller national, à Rapperswyl ; Frey-Godet, secrétaire du bureau international de la propriété industrielle, à Berne ; Gavard, conseiller aux états, à Genève ; Feuille fédérale suisse. Année XL. Vol. J.

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MM. Haller, ingénieur, à Berne ; Imer-Schneider, ingénieur-conseil, à Genève ; Morel, juge au tribunal fédéral, à Lausanne ; Ad. Ott, rédacteur, à Berne ; Stoessel, conseiller national, à Zurich, ainsi que d'un délégué de chacune des principales sociétés qui se sont intéressées spécialement à l'introduction en Suisse de la protection des inventions ; ces sociétés, qui ont désigné elles-mêmes leurs délégués, sont les suivantes : la Société suisse d'agriculture, représentée par M. Häni, conseiller national, à Berne ; la Société des anciens polytechniciens, représentée par M. E.

Blum, ingénieur, à Zurich ; la Société des ingénieurs et architectes, représentée par M. A.

Waldner, ingénieur, à Zurich ; l'Union suisse du commerce et de l'industrie, représentée par M. G. Naville. de la maison Escher, Wyss & Cle, à Zurich ; la Société intercantonale des industries du Jura, représentée par M. E. Prancillon, conseiller national, à St-Imier ; l'Erfindungs- und Musterschutzverein, représenté par M. A.

Eichleiter, ingénieur, à Eorschach ; le Gewerbeverein suisse, représenté par M. E. Wild, directeur du musée industriel de St-Gall ; la Société suisse du Grutli, représentée par M. Scherer, avocat, à St-Gall.

Cette commission a consacré six séances laborieuses à l'examen du projet de loi, et a proposé un certain nombre de modifications dont nous avons tenu compte dans le projet qui vous est soumis.

Vu la forte majorité à laquelle la Suisse a exprimé sa volonté de se mettre au niveau des autres nations en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, nous croyons pouvoir nous dispenser d'entrer dans de longues considérations quant aux droits de l'inventeur sur l'invention qu'il a conçue, et quant à l'intérêt qu'a un pays à développer l'esprit d'invention en accordant une protection temporaire à ceux qui enrichissent l'industrie nationale de leurs découvertes. Il nous suffira d'établir la portée réelle du nouveau texte constitutionnel et de donner quelques explications relativement à la portée de certaines dispositions du projet de loi publié ci-après.

Pour pouvoir être protégée aux termes de la constitution fédérale, une invention doit : 1° être représentée par un modèle ;

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2° être applicable à l'industrie, ou, d'après une traduction plus exacte du texte original allemand, être susceptible d'être exploitée industriellement.

Cette dernière condition se retrouve dans toutes les lois sur les brevets. Elle a pour but de limiter la protection aux inventions qui développent la production économique d'un pays, à l'exclusion des découvertes scientifiques dépourvues d'application pratique, des inventions réalisables seulement dans le laboratoire, des systèmes de comptabilité, des plans de finance, etc.

La première condition, en revanche, n'existe dans aucun autre pays, et donnera à la loi suisse sur les brevets un caractère tont particulier. Comme vous le savez, Messieurs, la raison principale pour laquelle l'assemblée fédérale a limité la protection des inventions à celles d'entre ces dernières qui seraient représentées par des modèles, a été de désarmer l'opposition des industries chimiques, dont un représentant à l'assemblée fédérale avait combattu tous les textes constitutionnels autres que celui qui a été adopté. Une autre considération pratique d'une grande valeur, invoquée à l'appui de cette disposition restrictive, est qu'elle aura pour effet d'éliminer les brevets pris pour des inventions mal mûries et dont l'inventeur ne pourrait pas indiquer l'exécution technique.

On a exprimé l'idée que la présence de modèles simplifierait les procès en contrefaçon, en ce qu'ils permettraient au juge de comparer l'objet prétendu contrefait avec le modèle déposé par l'inventeur, et de voir s'il y a, ou non, conformité entre eux ; on est même allé jusqu'à dire que le dépôt de modèles dispenserait l'inventeur de déposer une description et des dessins explicatifs avec sa demande de brevet. Nous n'envisageons pas ces opinions comme fondées, attendu qu'elles ne tiennent pas suffisamment compte de la nature des inventions et des brevets.

Dans certaines industries purement mécaniques, la forme extérieure des organes est déterminante, et l'on peut admettre que, dans nombre de cas, un modèle suffirait pour caractériser l'invention.

Mais il n'en est pas ainsi pour d'autres branches d'industrie, en particulier pour celles qui reposent sur l'application de principes physiques. Ainsi, le condenseur de Watt peut revêtir les formes les plus diverses sans cesser pour cela d'être l'application
d'une seule et même idée technique, et chacun sait que des appareils électriques identiques dans leur nature peuvent varier complètement dans leur aspect.

Une description et des dessins schématiques peuvent indiquer l'essence d'une invention en faisant abstraction des formes particulières dans lesquelles elle peut se matérialiser; mais un modèle in-

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duirait facilement le juge en erreur, non seulement parce que la contrefaçon se ferait le plus souvent sous une autre forme que celle du modèle déposé, mais parce que l'inventeur perfectionnerait sans cesse la manière dont son invention serait mise en oeuvre, et livrerait au public des produits dont l'apparence différerait de celle du modèle confectionné par lui au moment où il venait de concevoir son invention.

D'autre part, il nous a paru que l'obligation de conserver, dans une sorte de musée, les modèles correspondant à toutes les inventions brevetées, pourrait entraîner l'administration à des frais hors de proportion avec les avantages qu'en retirerait le pays.

Cette manière de voir a été confirmée par les renseignements que nous avons obtenus des Etats-Unis, seul pays où le dépôt de modèles ait jamais été obligatoire pour les demandes de brevets.

Il ressort d'une lettre du commissaire des brevets au secrétaire de l'intérieur, en date du 9 août 1886, dont une copie nous a été transmise par la légation de Washington, que le dépôt obligatoire des modèles a dû être supprimé parce qu'il créait de sérieux embarras au bureau des brevets. Cette lettre résumait comme suit l'état de choses actuel aux Etats-Unis : « Le bureau des brevets a maintenant le droit d'exiger un modèle dans tous les cas où cela paraît nécessaire pour expliquer convenablement l'invention. Cette demande n'est faite que dans des cas tout à fait exceptionnels, de manière que, dans l'immense majorité des cas, les inventeurs et demandeurs de brevets sont dispensés de la peine et de la dépense occasionnées par le dépôt de modèles. » La légation accompagnait l'envoi de cette copie des observations suivantes : « L'expérience a suffisamment prouvé que la représentation des inventions au moyen de modèles ne diminue nullement le nombre des procès en contrefaçon Quant à ce qui concerne la difficulté signalée par le commissaire des brevets, de trouver la place nécessaire pour le dépôt des modèles, elle est plus considérable qu'elle ne parait au premier abord. Quoique le bureau des brevets de Washington soit bien deux fois aussi grand que le palais fédéral à Berne, il serait depuis longtemps insuffisant, si l'on n'avait pas renoncé à exiger le dépôt de modèles. On s'est d'abord débarrassé des modèles peu importants relatifs à des inventions
arrivées au terme de la durée de protection, en en faisant don aux institutions techniques. Lorsque ce moyen se trouva insuffisant, on procéda à la vente des modèles. Enfin, un incendie vint détruire le reste, il y aura bientôt dix ans. Depuis lors, on ne demande des modèles que dans des cas exceptionnels, et malgré cela on les compte déjà par milliers. »

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II ne faut pas oublier non plus que le dépôt obligatoire imposerait des frais considérables aux inventeurs. Le seul partisan de cette mesure, au sein de la commission chargée d'examiner la loi sur les brevets, définissait de la manière suivante le modèle dont il voulait rendre le dépôt obligatoire : « Un modèle est la reproduction de l'objet inventé, tel qu'il est sorti des mains de l'inventeur, -- soit de même grandeur que cet objet, soit de dimension réduite, -- exécutée complètement dans tous ses organes et avec les mêmes matériaux que l'objet lui-même. » Afin de ne pas devoir consacrer aux modèles des locaux par trop vastes, l'administration serait forcée de les limiter à de certaines dimensions, ce qui rendrait leur exécution difficile et onéreuse. Se figure-t-on combien coûterait un semoir mécanique ou un métier à tisser « exécuté complètement dans tous ses organes et avec les mêmes matériaux » qne la machine réelle, et ne .dépassant d'aucun côté un maximum de 30 à 40 centimètres? Des modèles de ce genre reviendraient à des centaines et à des milliers de francs, et les brevets ne seraient accessibles qu'aux personnes qui pourraient supporter des frais aussi considérables.

Nous croyons avoir démontré que le dépôt obligatoire des modèles ne serait d'aucune utilité à l'inventeur, mais qu'an contraire il lui imposerait, ainsi qu'à l'administration, des frais considérables.

Pour ces motifs, nous avons estimé qu'il ne fallait pas, comme règle générale, exiger de l'inventeur le dépôt d'un modèle de l'objet inventé, mais qu'on pouvait se contenter de la preuve que ce modèle, ou l'objet lui-même, existe.

La constitution n'exige pas davantage, car elle demande que l'invention soit représentée par un modèle, et non par un modèle déposé.

C'est ce qui ressort clairement de la déclaration suivante insérée au procès-verbal du conseil des états, et destinée à préciser la portée que ce conseil entendait donner à la disposition constitutionnelle votée par lui dans la séance du 28 avril dernier r « II est bien entendu que les mots représentées par des modèles ne signifient pas que les modèles doivent être déposés dans tous les cas, ce qui pourrait, suivant les circonstances, imposer des frais considérables à l'inventeur aussi bien qu'à l'administration, sans utilité réelle comme sans nécessité absolue. --
La loi déterminera les cas dans lesquels le dépôt du modèle est exigé, ainsi que cela est prévu dans les législations d'autres pays, tels que l'Allemagne, l'AutricheHongrie, la Belgique, les Etats-Unis, la Norvège et la Suède. » Les brevets d'invention, sont délivrés dans les divers pays d'après trois systèmes différents, savoir :

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1° Le système de l'enregistrement pnr et simple, où le gouvernement se borne à donner acte à l'inventeur qu'il a déposé à une certaine date la description de l'invention, et abandonne aux tribunaux le soin d'examiner si l'invention est nouvelle et de nature à ótre protégée (Belgique, France, Italie).

2° Le système de l'appel aux oppositions, d'après lequel lo titre de l'invention est publié dans un journal officiel, tandis que la description de l'invention et les dessins y relatifs sont exposés publiquement, afin que les intéressés puissent en prendre connaissance et formuler leur opposition s'il y a lieu (Grande-Bretagne).

3° Le système de l'examen préalable, où chaque invention est examinée quant à sa nouveauté, et où le brevet n'est délivré que si les examinateurs n'ont pas découvert d'antériorités (Etats-Unis).

Certains pays (l'Allemagne, la Suède et la Norvège) ont combiné les deux derniers systèmes.

L'utilité de l'appel aux oppositions n'est pas aussi grande qu'on pourrait le croire au premier abord. Cela vient, en premier lieu, de ce que tous les industriels ne peuvent pas s'astreindre à lire le journal officiel où ces appels sont publiés ; ensuite, de ce que ce journal ne leur donne que le titre des inventions, et que pour s'assurer si une demande de brevet empiète sur leurs droits, les intéressés doivent se rendre à la capitale, ce qui ne laisse pas d'être coûteux. D'après le rapport du contrôleur des brevets de la GrandeBretagne pour 1886, les oppositions qui se sont produites pendant le cours de cette année ensuite des publications du bureau des brevets, formaient le 6 pour 1000 des brevets demandés, et sur te nombre plusieurs ont encore été repoussées comme dénuées de fondement.

Quant à l'examen préalable, il suppose des fonctionnaires d'une science et d'un jugement impeccables : une simple erreur d'appréciation de l'administration se traduit pour l'inventeur en une perte matérielle importante. De plus, cet examen ne met pas le breveté à l'abri de la déchéance pour défaut de nouveauté de l'invention, car les tribunaux ne sont pas liés par l'examen fait par le bureau des brevets ; il n'écarte pas non plus les inventions futiles ou impraticables, car il se borue à rechercher les antériorités et ne s'enquiert pas de la portée pratique des inventions. Ce système est, en outre, le plus
coûteux de tous, car il exige un grand nombre de fonctionnaires techniciens bien rétribués.

On reproche au système de l'enregistrement pur et simple d'accorder, les yeux fermés, des brevets pour des inventions absolument irréalisables. Ce fait est réel ; mais l'inconvénient signalé

193 trouve un correctif dans le paiement de la taxe par annuités, qui engage le breveté à abandonner son invention dès qu'il s'aperçoit qu'il ne peut pas en tirer de profit.

Selon le système que nous proposons, les brevets seront délivrés après un examen dont le seul but sera d'attirer l'attention de l'inventeur sur les causes de nullité qui pourraient menacer son brevet, au cas où ce dernier serait délivré dans la forme où il a été demandé. L'inventeur ne sera pas tenu d'écouter les avis qu'il recevra de l'administration, et le refus du brevet n'aura lieu que si les formalités matérielles du dépôt n'ont pas été remplies.

Dans tous les pays, l'invention peut faire l'objet d'un brevet dès le moment où elle est conçue, avant toute exécution pratique, et une loi qui permettrait aux tiers de s'en emparer au moment où son auteur est en train de l'adapter aux besoins de l'industrie, n'aurait aucune valeur réelle. D'autre part, la constitution ne permet de protéger effectivement que des inventions représentées par des modèles. Partant de ces deux considérations, nous avons prévu la délivrance d'un brevet provisoire, que les inventeurs pourront demander dès qu'ils auront conçu l'invention dans leur esprit, mais qui aura, pour seul effet de maintenir leur droit à un brevet définitif pour le cas où, dans un délai de trois ans, ils seraient à même de fournir la preuve qu'il existe un modèle de leur invention. Le brevet définitif seul conférera à son propriétaire un droit privatif sur son invention, ainsi que le droit de poursuivre les contrefacteurs.

Par les deux points que nous venons de signaler, la loi suisse se distinguera avantageusement de celles de tous les autres pays.

Elle présentera à la fois les avantages de l'examen préalable et ceux de l'enregistrement pur et simple, sans avoir leurs inconvénients; en particulier, la distinction entre brevets provisoires et brevets définitifs aura le bon résultat de n'accorder l'accès des tribunaux qu'aux personnes qui auront su réaliser leur invention sous une forme pratique.

Après avoir examiné les questions de principes, nous passerons en revue les divers articles du projet de loi.

I. Dispositions générales.

er

Art. 1 . Cet article ne donne pas de définition du terme invention, qui n'est pas non plus défini dans les lois étrangères, mais dont la signification ressort clairement de la jurisprudence. Au

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reste, l'invention brevetable en Suisse est déterminée par les trois conditions suivantes : elle doit être nouvelle, pouvoir être exploitée1 industriellement, et être représentée par un modèle.

Il a paru, en revanche, nécessaire de préciser la signification du terme modèle, qui joue dans la lui suisse un rôle prépondérant qu'il n'a pas ailleurs.

· D'après le projet de loi, le brevet ne pourra pas, comme dans d'antres pays, être accordé valablement à la première personne qui en fera la demande, mais il sera exclusivement réservé au véritable inventeur. Cette question a une certain« importance pour ce qui concerne les inventions faites par les employés ou les ouvriers d'un établissement industriel. Ces inventions leur ont été suggérées par ce qu'ils ont vu dans le milieu où ils travaillent ; ils sont payés par leur patron ; ne doivent-ils pas le faire jouir des inventions qu'ils font dans sa maison ? -- La réponse parait facile : si l'employé est chargé de faire des inventions pour le compte de son chef, comme cela se voit dans nombre d'établissements, les inventions qu'il pourra faire appartiendront à ce dernier, en sa qualité d'ayant cause de l'inventeur ; si, au contraire, un ouvrier est chargé de surveiller la marche d'une machine ; un contre-maître, de diriger les ouvriers d'une fabrique ; un ingénieur, d'appliquer des machines d'un type connu aux circonstances diverses des industriels pour lesquels on les construit, les inventions qui seront faites par l'ouvrier, le contremaître ou l'ingénieur leur appartiendront en propre. En l'absence de convention entre le patron et son employé, la présomption sera en faveur de celui-ci, ce qui n'est que juste, car il aura toujours pins de peine à faire valoir ses droits que celui-là.

Art. 2. Il est évident qu'une invention exploitée ouvertement dans le pays ne peut pas ótre retirée du domaine public. Quant à celles qui sont exploitées à l'étranger seulement, les législations diffèrent. La loi française exige une nouveauté absolue, et il suffit qu'une invention ait été utilisée publiquement au point le plus éloigné du globe la veille de la demande de brevet en France, pour qu'il ne puisse plus être délivré dans ce pays de brevet valable pour l'invention dont il s'agit. En Allemagne, au contraire, la nouveauté d'une invention ne peut être détruite que par
la publication d'une description imprimée de cette dernière, suffisante pour que l'invention puisse être exécutée par un homme du métier.

Nous avons choisi la moyenne entre les deux extrêmes. Il suffit qu'une publicité quelconque ait été donnée à une invention exploitée à l'étranger, pour que la nouveauté de cette invention soit détruite ; mais cette publicité doit avoir eu lieu en Suisse avant la date de la demande de brevet, peu importe que ce soit par la présence,

195 dans le pays, d'un ouvrage scientifique ou d'une publication officielle étrangère contenant une description de l'invention, ou encore par une conversation non confidentielle, par une conférence publique, par l'importation de l'objet breveté, ou de toute autre manière.

Le fait que la publicité doit avoir eu lieu en Suisse facilitera grandement la tâche des tribunaux, car il leur est beaucoup plus aisé de constater avec certitude un fait de publicité qui s'est produit dans le pays, qu'un fait analogue ayant eu lieu à l'étranger.

Art. 3. Le second alinéa de l'article ne s'applique qu'à l'utilisation de l'objet breveté dans un but industriel.

Il convient, en effet, de ne pas soumettre aux dispositions de cet article l'emploi de l'objet breveté pour un usage privé. Cette distinction se justifie d'abord parce qu'elle évite toute inquisition dans le domaine domestique, ensuite parce qu'une utilisation de l'invention restreinte dans ces limites ne peut pas porter de grave préjudice au breveté.

Il pourrait sembler que le droit d'utilisation absolu dût ótre attaché à tout objet breveté qui est mis en vente. Il y a cependant lieu de distinguer entre les différentes inventions. Une machine à coudre, par exemple, ne pourrait guère se vendre, si son acheteur n'obtenait pas, en même temps que la machine elle-même, le droit de s'en servir où et quand bon lui semble. En revanche, l'acheteur d'un appareil coûteux, comme une machine à produire de la glace, pourrait se refuser à faire les frais considérables de l'achat et de l'installation de cette machine, s'il n'était pas sûr qu'aucune machine du même genre ne sera installée dans la ville qu'il habite.

Il convient donc que le propriétaire du brevet puisse tracer certaines limites au droit d'utilisation de l'objet breveté. Mais cette limitation des droits de l'acheteur ne saurait, en aucun cas, être considérée comme résultant d'un contrat tacite, et il faut que l'acheteur auquel aucune condition n'a été imposée lors do lu vente, sache qu'il peut utiliser l'objet breveté sans courir aucun risque.

Il peut aussi arriver que l'inventeur d'une machine veuille être le seul à l'utiliser, et refuse soit de vendre l'objet breveté, soit d'autoriser sa fabrication par des tiers. Cette utilisation par un seul pourra suffire pour constituer l'exploitation exigée par
l'article 7.

Mais si cette manière d'exploiter l'invention devient ruineuse pour la généralité de l'industrie, les personnes intéressées, ou les cantons pour lesquels l'industrie lésée constitue une source de richesse, pourront demander l'expropriation du brevet, en vertu do l'article 12. Cette supposition se réaliserait, par exemple, si un fabricant de broderie inventait une machine à broder réduisant le prix de

196 revient dans une très-forte proportion, et, repoussant toute demande de licence, réussissait par ce moyen à rendre toute concurrence impossible aux brodeurs de St-Gall.

Art. 4. L'emploi secret fait d'une invention préalablement à la demande de brevet, n'empêchera pas cette invention d'être valablement brevetée. En revanche, il paraîtrait injuste qu'un industriel qui exploitait en secret une invention faite plus tard par un autre, pût, par ce seul fait, être empêché de continuer une fabrication qui jusque là était parfaitement licite.

Art. 5 Le brevet constitue une propriété mobilière, et peut être transmis comme telle. Une cession implique la transmission de la propriété du brevet, en tout ou en partie, tandis qu'une licence ne se rapporte qu'a« droit d'exploitation. Cessions et licences seront valables entre les contractants, pourvu qu'elles puissent être considérées comme des contrats au sens du code fédéral des obligations ; mais elles ne pourront être opposées aux tiers que si elles sont enregistrées dans le registre des brevets. Cette disposition est nécessaire pour protéger les tiers qui, sans cela, pourraient acheter un brevet sans avoir le moyen de se rendre compte si les droits y relatifs sont intacts, ou s'ils ont été aliénés en partie.

Art. 6. La plupart des pays ont fixé à 15 ans le maximum de la durée de protection accordée aux inventions brevetées.

La taxe doit être modérée, surtout a« début, afin que les inventeurs peu fortunés puissent obtenir la protection sans devoir faire de trop lourds sacrifices. D'autre part, elle doit être payable par annuités progressives, afin que les brevetés dont l'invention ne donne pas les résultats attendus, soient portés à les abandonner promptement, en cessant de payer les taxes. On peut attribuer les nombreux procès en contrefaçon dont on se plaint en Amérique, au fait que la taxe des brevets américains se paie une fois pour toutes, et que le brevet subsiste quand même le breveté n'y attashe aucune valeur ; dans ces conditions, il est possible qu'un inventeur qui eût abandonné son brevet depuis longtemps sous le système proposé, découvre, après de longues années de non-exploitation, une invention nouvelle appliquant d'une manière plus pratique le principe qui est la base de la sienne, et cherche à s'approprier la nouvelle invention en
alléguant l'antériorité de son brevet.

Il convient qu'un breveté qui craint d'être trop absorbé par ses affaires pour penser à payer ses annuités à date fixe, ou qui est à la veilli; d'entreprendre un long voyage, puisse acquitter d'avance un certain nombre d'annuités. Le remboursement des taxes non échues, prévu pour le cas où l'inventeur en question renoncerait

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ultérieurement à son brevet, a pour but de faire tomber aussitôt que possible les brevets sans valeur.

Il arrivera souvent que, pour ne pas être prévenu par un autre, l'inventeur demandera son brevet dès qu'il aura conçu l'invention dans son essence, sans avoir encore arrêté tous les détails secondaires relatifs à son exécution pratique. Chaque perfectionnement apporté dans ces détails pourra faire l'objet d'un brevet additionnel, qui prendra fin avec le brevet principal et dout le prix doit être modéré. S'il le préfère, l'inventeur pourra prendre pour son invention un brevet ordinaire, qui aura 15 ans de durée, niais qui sera aussi soumis au paiement des taxes annuelles. Les tiers qui apporteront un perfectionnement à une invention brevetée pourront obtenir un brevet ordinaire pour leur invention, mais ils ne pourront pas l'exploiter sans une licence du premier inventeur.

Si ce dernier la refuse, et que le perfectionnement constitue une amélioration importante, le tribunal pourra obliger le premier inventeur à accorder au second la licence demandée, contre une indemnité à déteminer (article 11).

Le dernier paragraphe tient compte des inventeurs pauvres, qui ne sont pas aussi rares qu'on pourrait le supposer.

Nous estimons que le service de la propriété industrielle doit se suffire à lui-même, qu'il ne doit rien demander au budget fédéral, ni rien lui apporter : c'est sur ces bases qu'ont été calculées les taxes prévues à l'article 6. En admettant que les chances de durée des brevets soient les mêmes en Suisse que dans les autres pays, ces taxes fourniront une recette de 82,000 francs pour 750 brevets, et de 110,000 francs pour 1000 brevets annuels. Ces sommes, qui seraient insuffisantes avec le système de l'examen préalable, couvriront largement les frais du bureau, dont le personnel sera peu nombreux et n'exigera qu'une partie relativement faible de la recette totale : le gros de la dépense consistera dans la publication des descriptions d'inventions et des dessins y relatifs.

Art. 7. Il est juste qu'on échange de la protection accordée, l'inventeur contribue a la prospérité de l'industrie nationale par l'exploitation de son invention dans le pays. La disposition proposée ne va toutefois pas aussi loin que celle de la loi française, -- corrigée, il est vrai, par une jurisprudence fort
indulgente, qui frappe de déchéance toute invention n'ayant pas été exploitée dans le délai fixé. Il suffit que le brevet soit déclaré déchu quand il n'est pas exploité dans une mesure convenable. C'est à dessein que ce terme peu préuis a été choisi, car il a pour but de laisser au juge une grande latitude pour l'appréciation de chaque cas spécial. Si l'objet breveté est d'une vente facile en Suisse, et qu'il y

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ïoit importé en grandes quantités, l'inaction du breveté sera inexcusable et le juge prononcera la déchéance du brevet. Si, en revanche, cet objet ne se prête pas à la consommation du pays, ou que, empêché d'exploiter lui-même l'invention, le breveté ait en vain offert des licences de fabrication de divers côtés et à des conditions raisonnables, le brevet ne lui sera pas retiré.

Art. 8. Le second paragraphe de cet article ne se retrouve dans aucune autre loi sur les brevets. Dans la plupart des pays, l'administration n'avertit aucunement le breveté de l'échéance de l'annuité due ; d'autres publient préalablement, dans un journal officiel, les brevets qui arrivent à échéance dans un certain délai. Vu l'importance des intérêts attachés à un brevet, il a paru que l'administration pouvait parfaitement adresser un avis aux retardataires ; l'amende de 20 francs l'indemnisera, du reste, du travail résultant de la disposition proposée.

Art. 9. Les causes de nullité indiquées sous les chiffres 1 et 2 ne sont que l'application des principes posés à l'article 1er. Celles qui figurent sous les chiffres 3 et 4 ont pour but d'assurer à tout intéressé la possibilité de vérifier si un brevet lèse ses droits, et de rendre possible l'exploitation de l'invention par tout homme du métier après l'expiration du terme de protection. Pour cela, il ne faut pas que le breveté puisse entraver les recherches, en donnant à son brevet un titre destiné à dépister les chercheurs ; il ne faut pas non plus qu'il puisse ne dévoiler de son invention que certains éléments, suffisants pour la caractériser.mais non pour la mettre en oeuvre.

Art. 10. Il est nécessaire que les propriétaires de brevets domiciliés à l'étranger aient un représentant en Suisse, afin d'éviter au bureau fédéral les longueurs d'une correspondance à grande distance, et de créer au breveté un domicile en Suisse pour les actions civiles.

La plupart des inventeurs étrangers choisiront pour mandataires des agents de brevets de profession, et il est à prévoir que bon nombre d'inventeurs suisses recourront aussi à ces agents pour la rédaction et le dépôt de leurs demandes de brevet. Cela a attiré notre attention sur la question de savoir s'il convenait de créer des agents de brevets patentés, qui fourniraient certaines garanties, et qui seraient seuls autorisés à
servir d'intermédiaires entre les inventeurs et l'administration fédérale. Comme aucune autre loi sur les brevets n'a de disposition semblable, et que nous n'aurions pas pu profiter de l'expérience d'autrui, nous avons estimé qu'une innovation de ce genre aurait plus de chances de réussite si elle était

199 faite quelques années après l'entrée en vigueur de la loi. Il suffira que le règlement d'exécution permette à l'administration fédérale de refuser toute relation avec les agents de brevets dont la manière d'agir aurait donné lieu à des plaintes sérieuses ; c'est ce qui se pratique au bureau des brevets des Etats-Unis.

Art. 11. Voir ce qui est dit à l'article 6 au sujet des brevets additionnels.

Art. 12. Voir ce qui est dit à l'article 3. L'assemblée fédérale votera l'expropriation des brevets quand l'intérêt général l'exigera.

Dans certains cas, elle pourra prendre à sa charge une partie des frais d'expropriation, comme elle vote des subsides pour la correction de cours d'eau et pour d'autres objets d'utilité publique.

II. Demande et délivrance des brevets.

Art. 13. Le dépôt des objets indiqués sous chiffres 1, 2 et 5 est exigé par toutes les lois sur les brevets.

La preuve exigée sous chiffre 3 est nécessitée par le texteconstitutionnel, d'après lequel la protection ne peut être accordée qu'aux inventions représentées par des modèles. Cette preuve pourra être fournie de deux manières différentes : soit par l'envoi d'un exemplaire de l'objet breveté, de grandeur naturelle ou réduite, soit par celui d'un certificat émanant d'une personne autorisée à cet, effet par le conseil fédéral, et attestant que l'inventeur a soumis à cette dernière un modèle conforme à la description annexée à la demande de brevet. L'envoi des modèles au bureau fédéral no sera guère exigé que pour les objets de petite dimension et dont le coût sera modéré ; nous pensons, en particulier, aux modèles appartenant à l'horlogerie et dont la réunion en un musée, dans une localité située au centre des contrées horlogères, serait d'une grande utilité pour l'industrie intéressée.

Quand bien même il ne sera exigé de modèles que pour des branches d'industrie où l'accomplissement de cette formalité n'entraînera pas de grands frais, il se pourra néanmoins que, dans certains cas, le coût du modèle à fournir dépasse de beaucoup la somme qu'aurait coûté le certificat mentionné plus haut. Aussi, pour ne pas créer entre les divers inventeurs d'inégalités injustifiables, proposons-nous que lo bureau fédéral rembourse au breveté le coût du modèle, en tant qu'il dépassera la somme de vingt francs.

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Art. 14. L'exemple suivant fera comprendre la portoe du premier paragraphe de cet article : Un brevet pris pour le perfectionnement d'un piston de pompe peut comprendre plusieurs inventions séparées, tendant toutes au perfectionnement dudit piston dans un sens déterminé. En revanche, il ne saurait s'étendre à des perfectionnements apportés à d'autres parties de la pompe. Cet exemple, qui a trait aux rapports réciproques entre les diverses inventions comprises dans un même brevet, est aussi applicable aux rapports existant entre le brevet principal et les brevets additionnels.

Le troisième paragraphe de l'article 14 exclut l'emploi d'une des langues nationales pour la demande de brevet. Nous estimons que cette disposition est nécessaire pour ne pas compliquer outre mesure le travail du bureau des brevets, qui le sera déjà bien assez par l'emploi facultatif du français ou de l'allemand. Le seul canton que l'exclusion de la langue italienne frappera, est presque exclusivement agricole et ne souffrira guère de ce fait.

Art. 15. Cet article a pour but de protéger les inventions entre le moment où elles sont conçues et celui où elles sont représentées par des modèles. Cette période est très-critique pour les inventions, car leur auteur doit souvent les communiquer à des tiers en vue de l'exécution du modèle ; si, au contraire, il exécute le modèle lui-même, il peut être forcé de l'essayer plus ou moins publiquement ; or, tout cela peut constituer des faits de publicité destructifs de la nouveauté de l'invention.

Pour rester dans les termes constitutionnels, on n'a accordé au titulaire du brevet provisoire aucune protection positive, aucune action contre les contrefacteurs. Le but de ce brevet est uniquement d'assurer à l'inventeur le droit au brevet définitif, s'il complète sa demande de brevet dans le délai fixé.

Art. 16. Emprunté, avec les modifications nécessaires, à la loi sur les marques.

Art. 17. Comme l'article 16, paragraphe 2, donne à la loi les avantages du système de l'examen préalable, ainsi le premier paragraphe de l'article 17 lui assure ceux du système de l'enregistrement pur et simple : délivrance rapide des brevets ; pas de refus de brevets, vexatoires pour les intéressés et quelquefois injustes ; pas de semblant de garantie donnée au public par un examen officiel dont le résultat
peut être contredit et annulé par un jugement.

La présomption insérée au dernier paragraphe est nécessaire pour simplifier la procédure. Celui qui demandera un brevet n'aura pas à prouver qu'il est l'inventeur, et ce sera à la personne qui

201 lui contestera cette qualité à fournir les preuves de son dire, ce qui est beaucoup plus facile.

Art. 18. Le registre prévu à cet article correspond absolument, avec les modifications exigées par la matière, au registre des marques de fabrique.

Art. 19. Pour éviter que les industriels ne deviennent contrefacteurs sans le savoir, il faut que les objets brevetés portent une marque constatant qu'ils sont au bénéfice de la loi. La date du brevet indiquera au premier coup d'oeil le maximum de la durée de protection pouvant être accordée à l'invention, et le numéro du brevet permettra aux intéressés de demander au bureau fédéral un exemplaire de la description de l'invention ou un extrait de l'inscription au registre concernant le brevet dont il s'agit.

Art. 20 et 21. Dispositions analogues à celles de la loi sur les marques. La publication séparée de chaque brevet est très-favorable à l'industrie, en ce qu'elle permet aux intéressés d'acheter à peu de frais les descriptions des inventions brevetées qui les intéressent, ou môme de s'abonner à toutes celles qui concernent une branche d'industrie spéciale.

La possibilité de retarder de six mois la publication des brevets obtenus doit être donnée aux brevetés pour leur permettre de faire un dépôt valable en Allemagne et dans les autres pays qui n'ont pas encore adhéré à l'Union de la propriété industrielle.

III. De la contrefaçon.

Art. 22 à 28. Vu l'importance qu'il y a à ce que toutes les lois sur la propriété industrielle reposent sur des principes uniformes, les dispositions de la loi sur les marques relatives à la contrefaçon ont été appliquées aux brevets avec les modifications exigées par la nature de la matière, sans que l'on ait recherché si ces dispositions étaient les meilleures qui pussent être choisies. D'ailleurs, l'application qui en a été faite depuis que la loi sur les marques existe, n'a pas, à notre connaissance, présenté d'inconvénients.

Les deux derniers paragraphes de l'article 25 ont toutefois besoin de quelques mots d'explication. La saisie d'objets brevetés, qui peut s'appliquer à des machines dont la production journalière est très-importante, est tout autrement grave que celle de quelques étiquettes contrefaites ou de quelques objets munis d'une marque de fabrique frauduleusement imitée. C'est pourquoi il y a lieu d'autoriser le tribunal à imposer un cautionnement au requérant, s'il le

202

juge convenable. D'autre part, le saisi ne peut pas ótre indéfiniment sous le coup d'une menace de procès en contrefaçon ; il est donc nécessaire de fixer un délai pendant lequel la saisie doit, sous peine de nullité, être suivie de l'action judiciaire.

Le troisième paragraphe de l'article 26 donne au juge la faculté de statuer si les objets fabriqués pendant la durée d'un brevet provisoire peuvent être mis en vente par leur propriétaire moyennant indemnité au propriétaire du brevet définitif. Cette disposition est nécessaire pour éviter de graves abus qui pourraient se produire sans cela. Les inventions faisant l'objet de brevets provisoires recevront absolument la même publicité que celles pour lesquelles il aura été délivré un brevet définitif. Le droit du breveté existera à l'état virtuel dès qu'il aura déposé sa demande de brevet provisoire ; il deviendra effectif dès le moment où la preuve de l'existence du modèle aura été faite au bureau fédéral. Ceux qui exploiteront sans l'autorisation du breveté une invention pour laquelle il n'existe qu'un brevet provisoire, sauront donc à quoi ils s'exposent, et subiront les conséquences de leurs actes.

IV. Dispositions diverses et finales.

Les articles 29 et 30 sont l'application pure et simple des articles 4 et 11 de la convention internationale pour la protection de la propriété industrielle, sauf le second paragraphe de l'article 29, lequel a pour but de mettre sur le môme pied que les citoyens des états contractants, les inventeurs suisses qui auraient pris leur premier brevet dans l'un de ces états. Sans cette disposition, les Suisses qui auraient pu avoir intérêt à se faire breveter en premier lieu à l'étranger, -- peut-être aux Etats-Unis, pour soumettre leur invention à l'examen préalable, -- ne pourraient plus obtenir de brevet valable, une fois que la description de l'invention publiée par l'administration étrangère serait arrivée dans le pays.

D'après l'article 29, quiconque aura déposé une demande de brevet dans un des états de l'Union, aura un délai de sept mois pour déposer la môme demande en Suisse; il en résulte que ceux de nos inventeurs qui auront pris leur premier brevet dans un des états contractants pendant les sept mois qui précéderont l'entrée en vigueur de la loi, auront le droit d'obtenir un brevet suisse pour la môme invention. Nous tenons toutefois, à faire remarquer ici qu'il ne s'agit pas de donner à la loi un effet rétroactif, mais uniquement de modifier quelque peu, en faveur des ressortissants de l'Union, les dispositions de l'article 2 relatives à la nouveauté requise d'une invention brevetable.

203 De divers côtés, on nous a exprimé le voeu que la loi contint une disposition transitoire permettant aux inventeurs suisses d'obtenir des brevets, pour les inventions qu'ils auraient fait breveter à l'étranger dans la période entre la votation populaire du 10 juillet 1887 et l'entrée en vigueur de la loi. Après avoir étudié cette question avec la sérieuse attention qu'elle méritait, nous sommes arrivés à la conclusion que l'on ne pouvait pas, sans inconvénient, rendre la loi applicable à des inventions publiées depuis un an ou deux.

Au point de vue international, il est probable que nous devrions mettre les citoyens des pays de l'Union pour la protection de la propriété industrielle sur le même pied que nos propres ressortissants, et leur accorder des brevets pour un grand nombre d'inventions qui, au moment de l'entrée en vigueur de la loi, seraient exploitées licitement par des Suisses. Mais en dehors de cela, les difficultés d'exécution seraient énormes, car il s'agirait de concilier les droits du breveté avec ceux que l'exploitation licite de l'invention aurait créés à des tiers, de déterminer la mesure dans laquelle ces derniers pourraient continuer leur exploitation, etc. Dans bien des cas, la protection accordée au breveté serait illusoire, à cause des nombreux ayants droit à son invention, et, au lieu de lui être avantageuse, la disposition proposée n'aboutirait qu'à le jeter dans des procès.

Art. 31. Il est généralement admis que les brevets ne doivent pas créer des ressources à l'état, mais qu'ils doivent uniquement fournir les recettes nécessaires pour couvrir les frais d'administration qu'ils occasionnent. Rien donc de plus juste que de disposer que l'excédent de recettes devra être employé à faciliter le travail des inventeurs et à perfectionner les moyens d'investigation du bureau fédéral, afin que, par son examen préalable, .il puisse être utile aux chercheurs et leur éviter des dépenses inutiles.

Art. 32. Cet article dispose entre autres que le conseil fédéral est charge de déterminer la procédure qui devra être suivie devant le tribunal fédéral en ce qui concerne l'application de la loi sur les brevets. Cette disposition est nécessaire, d'une part, parce que certains articles de la loi introduisent de véritables innovations dans le droit de notre pays; d'autre part, parce
que la procédure usuelle devant le tribunal fédéral est souvent lente et onéreuse, et que la matière exige une procédure rapide et peu chère.

Les articles 33 et 34 contiennent des dispositions finales qui n'exigent aucune explication.

Feuille fédérale suisse. Année XL.

Vol. 1.

15

204 Agréez, Monsieur le président et Messieurs, l'assurance renouvelée de notre haute considération.

Berne, le 20 janvier 1888.

Au nom du conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération : HERTENSTEIN.

Le chancelier de la Confédération : RINGIER.

205

(Projet)

Loi fédérale sur

les brevets d'invention.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la CONFÉDÉRATION SUISSE, en application de l'article 64 de la constitution fédérale, vu le message du conseil fédéral du 20 janvier 1888.

décrète :

I. Dispositions générales.

Art. 1 . La Confédération suisse accorde, sous la forme de brevets d'invention, aux auteurs d'inventions nouvelles susceptibles d'être exploitées industriellement et d'ôtre représentées par des modèles, les droits spécifiés dans la présente loi.

Est considérée comme un modèle, toute représentation plastique d'une invention qui fait connaître clairement la nature et l'objet de cette dernière.

er

206

Art. 2. Ne seront pas considérées comme nouvelles, les inventions qui, au moment de la demande de brevet, auront été exploitées en Suisse d'une manière assez publique, ou y auront reçu d'une autre manière une publicité suffisante, pour pouvoir être exécutées par un homme du métier.

Art. 3. Nul ne pourra, sans l'autorisation du propriétaire du brevet, fabriquer l'objet breveté ou en faire le commerce.

Si l'objet breveté est un outil, une machine ou un autre moyen de production, l'utilisation de cet objet dans un but industriel sera de même subordonnée à l'autorisation du propriétaire du brevet. Cette autorisation sera considérée comme accordée, si l'objet breveté est mis en vente sans aucune condition restrictive.

Art. 4. Les dispositions de l'article précédent ne seront pas applicables aux personnes qui, au moment de la demande de brevet, auraient déjà exploité l'invention ou pris les mesures nécessaires pour son exploitation.

Art. 5. Le brevet est transmissible par voie d'héritage.

Il pourra aussi faire l'objet d'une cession totale ou partielle, ou d'une licence autorisant un tiers à exploiter l'invention.

Pour être opposables aux tiers, les transmissions, cessions et licences devront être enregistrées conformément aux dispositions de l'article 18.

Art. 6. La durée des brevets sera de 15 années à partir de la date de la demande.

Il sera payé pour chaque brevet une taxe .de dépôt de 20 francs et une taxe annuelle et progressive fixée comme suit : 1TM année 20 francs, 2me » 30 » 3«"> » 40 » et ainsi de suite, jusqu'à la 15me année, pour laquelle la taxe sera de 160 francs.

207

Cette taxe sera payable par anticipation. Le propriétaire d'un brevet pourra payer à l'avance la taxe pour plusieurs années ; mais s'il renonce à son brevet avant l'expiration du terme pour lequel les taxes auront été payées, ces dernières lui seront remboursées au prorata des annuités non encore échues.

Le propriétaire d'un brevet qui apportera un perfectionnement à l'invention brevetée pourra obtenir, moyennant le paiement d'une taxe unique de 20 francs, un brevet additionnel prenant fin avec le brevet principal.

Si un inventeur domicilié en Suisse établit qu'il manque des ressources nécessaires pour payer les taxes lui incombant pendant les trois premières années, il lui sera accordé un délai qui s'étendra jusqu'au commencement de la 4me année ; et si, à ce moment, il laisse tomber son invention dans le domaine public, il lui sera fait remise des taxes échues.

Art. 7. A partir de trois ans de la date de la demande, tout brevet devra, sous peine de déchéance, être exploité en Suisse dans une mesure convenable, ou le propriétaire du brevet devra au moins avoir fait tout ce qui était nécessaire pour assurer cette exploitation.

Dans le délai ci-dessus, le breveté devra faire connaître au bureau fédéral de la propriété industrielle le lieu ou un des lieux où l'invention est exploitée, ou du moins les démarches qu'il a faites en vue de son exploitation.

L'action en déchéance pour défaut d'exploitation sera ouverte à toute personne intéressée devant les tribunaux compétents pour les procès en contrefaçon (article 28).

Art. 8. Sera déchu de tous ses droits, sous réserve de ce qui est dit au paragraphe suivant, le propriétaire d'un brevet qui n'aura pas acquitté la taxe annuelle le premier jour de chacune des années de son brevet.

Le bureau fédéral de la propriété industrielle donnera avis de cette déchéance au propriétaire, lequel pourra ob-

208

tenir la continuation de son brevet moyennant le paiement de la taxe échue et d'une amende de 20 francs, effectué dans le délai de deux mois à partir de l'expédition du susdit avis.

Art. 9. Seront nuls et de nul effet les brevets délivrés dans l'un des cas suivants, savoir : 1° si l'invention n'est pas nouvelle ou n'est pas susceptible d'être exploitée industriellement ; 2° si le propriétaire du brevet n'est pas l'auteur de l'invention ou son ayant cause ; 3° si le titre sous lequel le brevet a été demandé indique, dans le but d'induire en erreur les intéressés, un autre objet que le véritable objet de l'invention ; 4° si l'exposé (description et dessins) de l'invention, déposé avec la demande, n'est pas suffisant pour l'exécution de l'invention par un homme du métier.

L'action en nullité sera ouverte à toute personne intéressée devant les tribunaux compétents pour les actions en contrefaçon (article 28) Art. 10. Une personne non domiciliée en Suisse ne pourra prétendre à la délivrance d'un brevet et à la jouissance des droits qui en découlent, que si elle a nommé en Suisse un mandataire autorisé à la représenter dans toutes les actions civiles relatives audit brevet.

Seront compétents pour recevoir des plaintes contre le propriétaire du brevet, dans les actions ci-dessus, le tribunal dans le ressort duquel le représentant est domicilié, ou, à défaut, celui dans le ressort duquel se trouve le siège du bureau fédéral.

Art. 11. A partir mande, le propriétaire licence d'exploitation à exploiter d'une manière

de trois ans d'un brevet un tiers qui avantageuse

de la date de la dequi aurait refusé une en avait besoin pour une invention brevetée

209

ayant une importance réelle, pourra être obligé, par jugement du tribunal fédéral, à accorder la licence demandée.

Le tribunal fédéral fixera le montant de l'indemnité et la nature de la garantie qui lïevra être donnée au propriétaire du brevet.

Art. 12. Lorsque l'intérêt général l'exigera, l'assemblée fédérale pourra prononcer l'expropriation d'un brevet délivré en vertu de la présente loi, aux frais de celui qui l'aura demandée. Le tribunal fédéral fixera l'importance de l'indemnité qui devra être payée au propriétaire du brevet.

II. Demande et délivrance des brevets.

Art. 13. Tout inventeur qui voudra obtenir un brevet devra adresser, soit personnellement, soit par mandataire, une demande à cet effet au bureau fédéral de la propriété industrielle.

A cette demande devront être joints : 1° une description de l'invention, saffisante pour que cette dernière puisse être exécutée par un homme du métier, et se terminant par l'énumération succincte des caractères constitutifs de l'invention ; 2° les dessins nécessaires pour l'intelligence de la description ; 3° la preuve qu'il existe un modèle de l'objet inventé, ou que cet objet lui-même existe ; 4° la somme de 40 francs, représentant la taxe de dépôt et la première annuité du brevet (article 6) ; 5° un bordereau des pièces et objets déposés.

En cas de refus du brevet, l'annuité de 20 francs ainsi que les pièces et objets déposés seront restitués au déposant.

Le conseil fédéral pourra déclarer le dépôt de modèles obligatoire en ce qui concerne certaines catégories d'inven-

210

tions. Tous les modèles que les inventeurs auront à fournir seront payés par le bureau fédéral au prix de revient, pour autant que ce dernier dépassera la somme de 20 francs.

Un règlement du conseil fédéral déterminera les détails d'exécution du présent article.

Art. 14. La demande de brevet devra être limitée à un seul objet principal, avec les objets de détail qui le constituent.

Elle indiquera le titre de l'invention, lequel devra désigner d'une manière claire et précise la nature de l'objet inventé.

Elle devra, de même que les documents qui l'accompagnent, être rédigée en langue allemande ou française.

Art. 15. Toute personne qui ne sera pas à môme de satisfaire au chiffre 8 de l'article 13, pourra se borner à déposer avec sa demande de brevet les objets spécifiés aux chiffres 1, 2, 4 et 5 dudit article.

Ce dépôt lui donnera droit à un brevet provisoire, lequel ne lui permettra pas de poursuivre les faits de contrefaçon qui pourraient se produire, mais aura pour seul effet de maintenir son droit à un brevet définitif, malgré la publicité qui pourrait être donnée à son invention.

Pendant trois ans à partir de la date de la demande, le propriétaire d'un brevet provisoire pourra, moyennant l'accomplissement de la formalité prescrite au chiffre 3 de l'article 13, échanger le brevet provisoire contre un brevet définitif portant ia date du premier. Si cet échange n'a pas lieu dans le délai indiqué, l'invention faisant l'objet du brevet provisoire tombera dans le domaine public.

Art. 16. Toute demande dans laquelle n'auraient pas été observées les formalités prescrites par les articles 13, 14

211

et 15, sera rejetée par le bureau fédéral de la propriété industrielle, sous réserve du recours à l'autorité administrative supérieure, dans un délai péremptoire de quatre semaines.

Si le bureau croit s'apercevoir que l'invention n'est pas brevetable pour un des motifs énuinérés à l'article 9, il en donnera au demandeur un avis préalable et secret, pour qu'il puisse, à son gré, maintenir, modifier ou abandonner sa demande.

Art. 17. Les brevets dont la demande aura été régulièrement formée seront délivrés sans retard, aux risques et périls des demandeurs, et sans garantie de la réalité, de la nouveauté ou du mérite de l'invention.

Un certificat du bureau fédéral constatant l'accomplissement des formalités prescrites, et auquel seront joints les duplicata de la description et des dessins mentionnés à l'article 13, sera délivré au demandeur et constituera le brevet d'invention.

Jusqu'à preuve contraire, le propriétaire d'un brevet sera considéré comme l'auteur de l'invention à laquelle il se rapporte.

Art. 18. Le bureau fédéral de la propriété industrielle tiendra un registre indiquant l'objet des brevets délivrés, le nom et le domicile des propriétaires des brevets et de leurs mandataires, la date de la demande, le paiement des taxes, la délivrance de brevets additionnels, ainsi que toute modification pouvant survenir dans la propriété ou dans la jouissance du brevet, par une transmission, une cession totale ou partielle, une licence, par déchéance, nullité, expropriation, ou de toute autre manière.

Il sera pris note au registre de la déchéance, de la nullité ou de l'expropriation d'un brevet, ainsi que des licences octroyées en justice, sur la communication, par la partie intéressée, du jugement ayant force de chose jugée.

212

Art. 19. Tout propriétaire de brevet définitif devra munir les objets fabriqués d'après ledit brevet, à un endroit visible, de la croix fédérale f (£Jj ) suivie du numéro du brevet et de la date de la demande.

Si les objets brevetés sont trop petits pour pouvoir être munis de cette indication, cette dernière sera apposée sur leur emballage.

Aucune action ne pourra Ótre intentée pour la contrefaçon d'objets brevetés, si le titulaire du brevet a négligé de marquer ses produits de la manière indiquée plus haut.

Art. 20. Toute personne pourra déral, des renseignements oraux sur des brevets, ou des extraits écrits de Le conseil fédéral établira, pour tarif modéré.

obtenir, au bureau féle contenu du registre ce registre.

ces renseignements, un

Art. 21. Immédiatement après la délivrance des brevets , le bureau fédéral publiera le titre des brevets, avec leur numéro d'ordre, ainsi que le nom et le domicile des propriétaires de brevets et de leurs mandataires.

Il publiera de la même manière les brevets qui cesseront d'exister pour une raison quelconque, ainsi que toute modification survenant dans la propriété d'un brevet.

Le bureau fédéral publiera, en outre, les descriptions et les dessins annexés aux demandes de brevets, et les vendra à un prix modéré. Cette publication sera adressée gratuitement aux départements du conseil fédéral, au tribunal fédéral, aux gouvernements cantonaux, spécialement pour les tribunaux appelés à juger les procès en contrefaçon, ainsi qu'aux établissements publics d'instruction supérieure et aux musées industriels de la Suisse. 11 en sera fait échange avec les publications semblables paraissant dans d'autres pays.

A la demande de l'inventeur, la publication de la description de l'invention pourra être ajournée de 6 mois, en

213

vue de permettre la prise de brevets à l'étranger. Dans ce cas, le breveté n'aura d'action contre les contrefacteurs qu'à partir de la publication effective, qui aura lieu à l'expiration du susdit délai.

III. De la contrefaçon.

Art. 22. Seront poursuivis, au civil ou au pénal, conformément aux dispositions ci-après: 1° ceux qui auront contrefait les objets brevetés ou qui les auront utilisés illicitement ; 2° ceux qui auront vendu, mis en vente ou en circulation des objets contrefaits, ou qui les auront introduits sur le territoire suisse ; 3° ceux qui auront coopéré à ces actes en connaissance de l'infraction, ou qui en auront sciemment favorisé ou facilité l'exécution ; 4° ceux qui refuseront de déclarer la provenance des objets contrefaits se trouvant en leur possession.

Art. 23. Ceux qui auront commis dolosivement les actes prévus par l'article précédent seront condamnés aux indemnités civiles et punis d'une amende de 30 a 2000 francs, ou d'un emprisonnement de 3 jours à une année, ou de ces deux peines réunies.

La peine pourra être élevée jusqu'au double en cas de récidive.

Ces pénalités ne seront pas applicables lorsqu'il y aura simplement faute, imprudence ou négligence. L'indemnité civile demeurera néanmoins réservée dans les cas prévus an chiffre l ec de l'article 22.

Art. 24. L'action civile pourra être ouverte par toute personne intéressée.

La répression pénale n'aura lieu que sur la plainte de la partie lésée, et cela conformément à la procédure pénale

214

du canton où l'action sera intentée. Celle-ci pourra l'être soit au domicile du délinquant, soit au lieu où le délit a été commis. En aucun cas il ne pourra y avoir cumulation de poursuites pénales pour le même délit.

L'action, sera prescrite lorsqu'il se sera écoulé plus de deux ans depuis les derniers faits de contrefaçon.

Art. 25. Les tribunaux ordonneront les mesures conservatoires nécessaires. Ils pourront notamment faire procéder, sur la présentation du brevet, à une description précise des objets prétendus contrefaits ainsi que des instruments et ustensiles servant à la contvofaçon, et ils ordonneront, en cas de besoin, la saisie clesdi s objets, instruments et ustensiles.

Lorsqu'il y aura lieu à la saisie, le tribunal pourra imposer au requérant un cautionnement, qu'il sera tenu de déposer avant d'y faire procéder.

La saisie ou la description sera nulle de plein droit, ans préjudice des dommages-intérêts qui pourront être réclamés s'il y a lieu, si le requérant n'a pas introduit une action civile ou pénale dans les 14 jours qui suivront cette opération.

Art. 26. Le tribunal pourra ordonner la confiscation des objets saisis, à compte ou à concurrence des dommagesintérêts et des amendes.

Il prescrira, même en cas d'acquittement, si c'est nécessaire, la destruction des instruments et ustensiles spécialement destinés à la contrefaçon.

Il statuera dans quelle mesure l'acquitté, le condamné ou des tiers pourront rentrer en possession desdits objets.

Dans le cas où il s'agirait d'objets fabriqués pendant la durée d'un brevet provisoire (article 15), il statuera si ces objets peuvent être mis en vente par leur propriétaire, moyennant indemnité au propriétaire du brevet définitif.

215

II pourra ordonner la publication du jugement dans un ou plusieurs journaux, aux frais du condamné.

Art. 27. Ceux qui auront indûment muni leurs papiers de commerce, annonces ou produits d'une indication tendant à faire croire à l'existence d'un brevet, seront punis, d'office ou sur plainte, d'une amende de 30 à 500 francs, ou d'un emprisonnement de 3 jours à 3 mois, ou de ces deux peines réunies.

La peine pourra être élevée jusqu'au double en cas de récidive.

Art. 28. Les procès en contrefaçon seront jugés, au civil, en une seule instance par le tribunal auquel chaque canton attribuera cette compétence.

Il pourra y avoir appel au tribunal fédéral, quelle que soit l'importance du procès.

Le produit des amendes entrera dans la caisse des cantons. Les amendes non payées seront transformées, par le juge, en un emprisonnement équivalent.

IV. Dispositions diverses et finales.

Art. 29. Les ressortissants des pays qui auront conclu avec la Suisse une convention à cet égard, pourront, dans un délai de 7 mois à partir de la date de la demande de brevet dans l'un desdits pays, et sous réserve des droits des tiers, déposer leur demande en Suisse, sans qu'une autre demande de brevet ou que les faits de publicité se produisant dans l'intervalle puissent être opposés à la validité de leur demande de brevet.

Le même avantage sera accordé aux citoyens suisses qui auront déposé leur première demande de brevet dans un des pays désignés au paragraphe précédent.

Art. 30. Il sera accordé à tout inventeur d'un produit brevetable figurant dans une exposition nationale ou inter-

216 nationale en Suisse, moyennant l'accomplissement des formalités à déterminer par le conseil fédéral, une protection temporaire de six mois à partir du jour de l'admission du produit à l'exposition, et pendant la durée de laquelle les demandes de brevets ou les faits de publicité qui pourraient se produire, n'empocheront pas l'inventeur de faire valablement, dans ledit délai, la demande de brevet nécessaire pour obtenir la protection définitive.

Lorsqu'une exposition internationale aura lieu dans un pays qui aura conclu avec la Suisse une convention à cet égard, la protection temporaire accordée par le pays étranger aux produits brevetables figurant à ladite exposition, sera étendue à la Suisse pendant une durée ne dépassant pas six mois à partir du jour de l'admission du produit à l'exposition, et aura les mêmes effets que ceux décrits au paragraphe précédent.

Art. 31. Les excédents de recettes du bureau fédéral de la propriété industrielle seront employés avant tout à faciliter les recherches du public, par la création, dans les principaux centres industriels, de bibliothèques contenant les descriptions des inventions nationales et étrangères qui intéressent l'industrie locale ainsi que des ouvrages techniques se rapportant à cette dernière, et par la diffusion des publications du bureau, us serviront, en outre, à perfectionner les moyens d'investigation du bureau fédéral (article 16, § 2).

,,Art. 32. Le conseil fédéral est chargé d'édicter les règlements et ordonnances nécessaires pour l'exécution de la présente loi, et en particulier de déterminer la procédure qui doit être suivie devant le tribunal fédéral dans les cas prévus aux articles 7, 9, 11, 12, 26 et 28 de la présente loi.

Art. 33. La présente loi abroge les dispositions en vigueur dans les cantons sur la protection des inventions.

Les inventions qui, au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, jouiraient encore de la protection en vertu

217

des lois cantonales, demeureront toutefois protégées dans les cantons respectifs jusqu'à l'expiration de la durée de protection légale.

Art. 34. Le conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi du 17 juin 1874 concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer l'époque où elle entrera en vigueur.

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Message du conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant le projet de loi sur les brevets d'invention. (Du 20 janvier 1888.)

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