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ILTM année. Fol.IV.

N° 48.

Samedi 3 novembre 1888

Abonnement par année (franco dans toute la Suisse) 4 francs.

Prix d'insertion : 15 centimes la ligne. .Les insertions doivent être transmises franco à l'expédition. -- Imprimerie et expédition de C.-J. Wyss, à Berne.

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Message du

conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant

un projet de loi supplémentaire à la loi fédérale du 19 juillet 1872 sur les élections et votations fédérales.

(Du 26 octobre 1888.)

Monsieur le président et messieurs, Par décision en date du 6 décembre 1887, le conseil national noua a invités à « présenter un rapport et un projet de loi en vue de faciliter le vote, en matière fédérale, des employés des chemins de fer, des bateaux à vapeur, des postes et télégraphes et des péages fédéraux et, autant que possible, des citoyens, momentanément éloignés de leur domicile, qui établissent leur capacité électorale ».

Cette décision a été prise à la suite des délibérations sur les élections au conseil national, du mois d'octobre 1887 et a été provoquée par le recours d'un grand nombre d'employés des chemins de fer aptes à voter et domiciliés à Fribourg, lesquels se sont plaints de ce que, bien qu'ils eussent été empêchés par leur service de se rencontrer au local des élections durant le délai fixé et malgré 20 Feuille fédérale suisse. Année XL. Vol. IV.

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leur requête et l'intervention du conseil fédéral en leur faveur auprès du gouvernement de Fribourg, on ne leur ait pas rendu possible d'exercer leur droit de vote lors de ces élections.

En nous conformant à cette invitation, nous abordons la première partie du postulat, qui s'applique aux fonctionnaires et employés des administrations publiques de transport.

Suivant la législation fédérale actuelle en matière d'élections et de votations fédérales (lois du 19 juillet 1872, du 31 juillet 1873 et du 17 juin 1874), les élections au conseil national suisse, l'élection des jurés fédéraux, les votations sur la révision de la constitution fédérale et les votations sur les lois et arrêtés fédéraux ont lieu d'après les prescriptions des lois cantonales, mais sous réserve des dispositions des lois fédérales précitées. En tant que ces dispositions concernent l'exercice du droit de vote, qui seul entre en considération dans le cas présent, les cantons sont tenus, lors d'élections et de votations fédérales, d'observer les prescriptions suivantes renfermées aux articles 3, 4 et 8 de la loi fédérale du 19 juillet 1872.

« Le citoyen suisse exerce ses droits électoraux dans le lieu où il réside soit comme citoyen du canton, soit comme citoyen établi ou en séjour. » «Les électeurs qui, étant sous les armes pour le service de la Confédération ou de leur canton, ne se trouvent pas au lieu de leur domicile au moment où il est procédé à des élections pour le conseil national ou à des votations sur la révision de la constitution fédérale doivent pouvoir participer à ces élections ou votations, à moins que des difficultés graves ou des obstacles particuliers ne s'y opposent. » e Les élections au conseil national et les votations sur des changements à la constitution se font par écrit et au scrutin secret ; l'élection des jurés peut se faire à mains levées.

«Le vote par procuration est interdit1.» Il est établi dans chaque commune un registre électoral, qui doit être exposé publiquement, pour que les électeurs puissent en prendre connaissance, pendant au moins deux semaines avant l'élection ou la- votation, et qui sera clos au plus tôt trois jours avant la votation.

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Abstraction faite de ces dispositions réservées par la législation fédérale, l'exercice du droit de vote, c'est-à-dire la participation aux élections et votations fédérales dans les cantons, est réglé par les lois et règlements de chacun d'eux.

L'observation de la disposition relative à la participation aux élections et votations de la part des citoyens aptes à voter qui sont sous les armes, disposition qui date de la première loi fédérale sur les élections au conseil national, du 21 décembre 1850, n'a rencontré aucune difficulté digne d'être mentionnée. A partir de l'entrée en vigueur de la nouvelle constitution fédérale de 1874, elle a été mise en pratique aussi lors de votations sur les lois et arrêtés fédéraux soumis au referendum et étendue, dans le sens de la loi, aux électeurs sous les armes, chaque fois que le jour d'entrée au service militaire ou le jour de licenciement coïncidait avec un jour d'élections ou de votations fédérales. (Circulaire du conseil fédéral aux états confédérés, du 11 octobre 1881. F. féd. 1881, IV. 48.)

En revanche, notre attention a été appelée sur une autre catégorie de citoyens qui, bien que se trouvant dans une situation analogue à celle des citoyens sous les armes, n'étaient pas mentionnés spécialement dans la loi et se voyaient ainsi, dans divers cantons, empêchés d'exercer leur droit de vote. Ce sont les employés du service public, particulièrement les employés des administrations publiques de transport. Déjà en 1872, nous avons adressé aux cantons une circulaire, dont voici la teneur.

« Un grand nombre d'employés des chemins de fer et de conducteurs nous ont priés instamment de veiller à ce qu'il leur soit procuré l'occasion de prendre part à la votation du 12 mai prochain sur la constitution fédérale. L'organisation de la votation étant en première ligne du ressort des cantons, nous n'avons pas à décréter des mesures spéciales pour cette classe d'électeurs, ni pour d'autres du même genre. En revanche, nous croyons devoir vous inviter à bien vouloir vouer votre attention particulière à ce désir exprimé par un nombre considérable de citoyens et faciliter autant que possible aux employés des postes, des chemins de fer et des bateaux à vapeur la participation à cet acte patriotique. » Diverses plaintes qui nous parvinrent plus tard nons ont engagés à inviter
les gouvernements cantonaux, par circulaire du 18 octobre 1881 (F. féd. 1881, IV. 50), «à prendre, pour les élections au conseil national, les mesures nécessaires pour que les employés des- catégories en question pussent exercer leur droit de vote, soit par la création d'un bureau d'élection spécial sous la surveillance d'un membre du conseil municipal, soit par la fixation d'un laps de temps plus étendu pour le dépôt du bulletin de vote».

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Une enquête ordonnée à cet égard dans les cantons, en 1884, a démontré que 14 cantons avaient pris des mesures propres à faciliter aux employés de chemins de fer et aux autres citoyens se trouvant dans des conditions de service analogues la participation aux élûctions et votations fédérales. Les cantons d'Uri, de Schwyz, d'Unterwalden-le-bas, de Fribourg, de Baie-campagne, d'Appenzell (les deux Rhodes), des Grisons, du Tessin, du Valais et de Genève n'avaient pris aucune mesure de ce genre, soit que -- comme ils l'ont déclaré -- leurs conditions particulières ou leur façon de procéder aux élections et votations ne réclamassent pas de mesures extraordinaires, soit que leur législation ne permit pas d'en prendre.

A l'exception de Pribourg, il ne nous est parvenu, durant les dernières années, aucune nouvelle demande tendant à obtenir des facilités dans la participation au vote, ni aucune plainte contre une atteinte portée au droit de vote ; il faut en conclure que, en général, on tient compte des conditions spéciales des catégories de citoyens dont il s'agit.

On pourrait donc se demander si, dans ces circonstances, il est vraiment nécessaire que la Confédération intervienne en leur faveur par voie législative. Le conseil national a résolu cette question affirmativement par la tâche qu'il nous a donnée, et nous estimons qu'il a eu raison.

Dès qu'on reconnaît aux citoyens précités le droit d'exiger qu'ils puissent exercer leur droit de vote, il faut aussi veiller à ce que ce droit leur soit réellement accordé dans tous les cantons sans exception, et, si l'on constate que l'action administrative de l'autorité executive, vu l'absence de dispositions législatives formelles, est impuissante à faire droit partout à cette juste réclamation, il est nécessaire de remédier à cet inconvénient par l'établissement de prescriptions législatives. Même pour les cantons qui ont pris les mesures nécessaires, soit de leur propre chef, soit sur l'invitation du conseil fédéral, il ne nous semble pas superflu d'établir des prescriptions fédérales à cet égard, car, sans ces dernières, les mesures prises peuvent derechef être abrogées en tout temps. Enfin, il faut une loi pour déterminer dans quelles limites peuvent être accordées ces facilités exceptionnelles, dans l'exercice du droit de vote.

La loi à élaborer doit,
en première ligne, déterminer dans quels cas il y a lieu de décréter des mesures exceptionnelles concernant l'exercice du droit de vote. Le postulat du conseil national parle -- dans sa première partie -- des conditions de service des administrations des chemins de fer, des bateaux à vapeur, des postes, des télégraphes et des péages. Ce sont là les catégories que le con-

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seil national a adoptées lors de la discussion relative à l'article 6 de la loi fédérale sur les élections et votations fédérales, en 1884, de cette loi fédérale qui, après avoir passé la discussion de détail, a été rejetée par le conseil lui-même à la' votation définitive. On avait mis au même rang et ajouté « les directeurs et les employés des établissements cantonaux ».

Une enquête à laquelle on a procédé a fourni les résultats suivants quant à la nécessité de prendre des mesures exceptionnelles lors d'élections et de votations fédérales.

L'administration fédérale des péages dit que le service du dimanche n'empêche généralement pas ses fonctionnaires et employés d'exercer ^eur droit de vote. Il n'existe d'empêchement réel que pour quelques stations éloignées du local des élections et desservies par une seule personne, dans l'impossibilité de se faire remplacer par un membre de sa famille ; puis pour les douaniers commandés pour le service de patrouille pendant que la votation a lieu. Où cela peut se faire, on veille à ce que le personnel' des péages puisse voter, en le faisant relever à temps ; les rares cas précités sont les seuls dans lesquels il est difficile de procéder à un remplacement. Jusqu'ici, l'administration des péages n'a reçu aucune plainte à cet égard.

L'administration des postes dit que les fonctionnaires et employés des bureaux et dépôts des postes peuvent généralement exercer leur droit de vote en matière fédérale ; car, outre que le service de guichet et de distribution est considérablement réduit le dimanche, la participation au vote absorbe si peu de temps que chaque électeur trouve moyen de se rendre au local des élections.

En revanche, un grand nombre de fonctionnaires des bureaux ambulants et de conducteurs qui ne se trouvent pas au lieu de leur domicile lors de la votation ou qui ne peuvent quitter la gare ne sont pas dans le même cas. Ce ne sont, du reste, pas toujours les mêmes, vu qu'un fonctionnaire ne peut pas rester au service d'ambulant pendant plus de 180 jours dans la môme année et que les conducteurs changent ordinairement de route tous les mois. Il est impossible d'organiser le service de telle sorte que chaque fonctionnaire ou employé apte à voter (fonctionnaire du bureau ambulant ou conducteur) puisse exercer son droit de vote en matière fédérale au lieu
de son domicile et de la façon usitée généralement.

Quant aux fonctionnaires et employés de l'administration des télégraphes, il ressort du rapport présenté par celle-ci que les fonctionnaires de l'administration centrale et des inspectorats d'arrondissement n'ont pas de service obligatoire du dimanche, bien qu'il soit d'usage que, depuis 10 heures à midi, environ un tiers des

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employés doivent se trouver à leur poste. Toutefois, aux jours d'élections et de votations, on les dispense sans difficulté pour leur permettre d'exercer leur droit de vote. Les fonctionnaires des bureaux principaux et spéciaux ont un service restreint le dimanche, en ce sens qu'une partie d'entre eux seulement ('/2 à 2/3) se trouvent en service et que la façon dont celui-ci est réparti leur laisse suffisamment de liberté pendant l'heure de midi poar pouvoir prendre part au vote. Enfin les fonctionnaires des bureaux secondaires (la plupart sont réunis avec les bureaux de poste) sont assez nombreux pour se rendre alternativement au local de la votation, ou bien leur service est réduit le dimanche (ils sont libres de 10 à 1 heure) et leur permet de participer au vote.

Le rapport du département des chemins de fer fournit les renseignements suivants sur les conditions dans lesquelles se trouve à cet égard le personnel des chemins de fer.

Les administrations des chemins de fer ont un service du dimanche qui peut réellement empocher les fonctionnaires et employés d'exercer leur droit de vote au lieu de leur domicile un jour d'élection ou de votation fédérale. Les fonctionnaires et employés qui souffrent principalement de cet inconvénient sont le personnel des locomotives et des trains, auxquels le service ne peut fournir que très-rarement l'occasion d'exercer leur droit de vote au lieu de leur domicile, s'ils sont tenus de déposer leurs suffrages aux mêmes heures et dans le même local que les autres citoyens. Le personnel des stations, les garde-voie et même les employés du dépôt peuvent également être empêchés de voter lorsqu'ils habitent des communes où les urnes ne restent ouvertes que peu de temps et où la votation a lieu en assemblée communale. L'exploitation des chemins de fer ne permet pas d'organiser le service de telle façon que chaque fonctionnaire et employé apte à voter puisse déposer son suffrage au lieu de son domicile, comme tout autre citoyen. Il ne serait pas possible de relever un personnel aussi nombreux, et, si l'on essayait de le faire, ce seraient alors les citoyens qui ont relevé les employés réguliers qui, à leur tour, ne pourraient pas prendre part au vote, vu que notamment le personnel des trains et des locomotives ne peut pas être relevé seulement pendant une certaine partie
du temps fixé pour la votation, mais qu'il doit l'être pour des courses entières.

Le personnel des bateaux à vapeur se trouve dans des conditions analogues.

Quant aux fonctionnaires et employés cantonaux, la plupart des gouvernements ont répondu négativement à la question de savoir « si l'administration cantonale ou l'une de ses branches connaît un service du dimanche pouvant réellement, lors d'élections et de

243 cotations fédérales, empêcher un fonctionnaire ou employé de prendre part au vote au lieu de son domicile ». Les cantons d'Argovie, du Tessin, de Vaud et de Genève nous informent que certains fonctionnaires et employés peuvent être empochés par leur service de prendre part au vote et que le seul moyen de leur permettre d'exercer leur droit de vote est de prendre des mesures spéciales, comme on le fait réellement. Ils citent entre autres les directeurs et les gardiens des hôpitaux cantonaux, des maisons d'aliénés et des asiles de bienfaisance, les employés des maisons de correction et des prisons, et les "membres des corps de police.

Outre les citoyens qui sont sous les armes, nous aurions donc, d'après l'enquête qui a été faite, les citoyens suivants, auxquels il est nécessaire -- en prenant des mesures spéciales pour cela -- de fournir l'occasion d'exercer leur droit de vote lors d'élections et de votations fédérales, savoir: les fonctionnaires et employés des administrations des postes et des péages, des chemins de fer et des bateaux à vapeur, ainsi que ceux des établissements et corps de police cantonaux. Bien que, comme nous l'avons dit plus haut, l'administration des télégraphes estime qu'il n'est pas absolument nécessaire de prendre des mesures spéciales pour faciliter à ses fonctionnaires et employés l'exercice du droit de vote, nous croyons cependant devoir aussi tenir compte de ceux-ci, vu qu'il peut se présenter des cas où leur service les empêche d'exercer ce droit et où l'on serait bien aise de pouvoir les prendre en considération de la même manière que les fonctionnaires d'autres administrations.

En ce qui concerne les établissements cantonaux, nous entendons par là non-seulement ceux qui sont dirigés et administrés par le canton lui-même, mais, d'une manière générale, tous les établissements publics de malades, d'aliénés et d'indigents qui existent dans le canton.

Les mesures prises dans le but de faciliter la participation au vote varient suivant les cantons. Elles consistent principalement soit à prolonger la durée de la votation, soit à permettre de déposer plus tôt les cartes d'électeurs et les bulletins de vote, soit à établir des bureaux électoraux spéciaux, comme par exemple dans les gares, les ports et les bâtiments postaux, soit à admettre l'envoi des bulletins de vote
sous enveloppe, soit enfin à permettre aux citoyens en question de déposer leur suffrage et leur carte d'électeur au bureau électoral de l'endroit où ils se trouvent au moment do la votation, en dehors du lieu de leur domicile ordinaire.

Comme par le passé, nous estimons qu'il faudra laisser aux autorités cantonales le soin de prendre les mesures appropriées aux circonstances et aux besoins ; car, si la loi actuellement en vigueur

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leur confère le droit d'organiser les élections et votations régulières à leur guise, il est d'autant plus nécessaire de suivre ce principe lorsqu'il s'agit de mesures secondaires destinées à tenir compte de conditions exceptionnelles. Il est évident que ces mesures spéciales, comme les lois cantonales sur les élections et votations, doivent se mouvoir dans les limites tracées par la loi fédérale sur les élections et votations. Les prescriptions qui fixent que la votation, sauf l'élection des jurés fédéraux, doit avoir lieu par écrit et au scrutin secret et qui interdisent le vote par procuration doivent être observée» partout sans exception ; jusqu'ici, nous nous 'sommes placés au même point de vue en ce qui concerne la disposition suivant laquelle le citoyen suisse doit exercer ses droits électoraux dans le lieu où il réside soit comme citoyen du canton, soit comme citoyen établi ou en séjour. L'enquête ordonnée en 1884 ayant démontré que certains cantons avaient pris, relativement au vote des employés des chemins de fer, des mesures leur permettant d'exercer, moyennant le dépôt de la carte communale justifiant de leur capacité civique, leur droit électoral même en dehors de la commune qu'ils habitent et dans laquelle ils ont le droit de vote, nous avons communiqué ce fait à tous les cantons, par circulaire du 19 septembre 1884 (F. féd.

1884, III. 658), en leur faisant observer que, quelque désirable qu'il fût de continuer à faire profiter les employés .des chemins de fer, des postes et des bateaux à vapeur des facilités prévues par notre circulaire du 11 octobre 1881 pour le dépôt de leur vote, cela ne pouvait cependant pas se faire au moyen de dispositions en contradiction avec les prescriptions claires de la loi fédérale et en les invitant, en particulier, à veiller à ce que le dépôt du suffrage des citoyens en question ne s'effectuât que dans la localité où, en conformité de; l'article 3 de cette loi, ceux-ci sont domiciliés et électeurs. Plus tard, sur la demande du gouvernement de St-Gall, qui désirait savoir si l'on ne pouvait tout au moins permettre aux employés des chemins de fer de voter dans l'arrondissement électoral auquel leur lieu de domicile appartient et qui invoquait pour cela l'article 4 de la loi fédérale précitée, nous avons répliqué que cet article 4 n'était applicable
qu'aux militaires sous les armes en dehors du lieu de leur domicile, soit au service de la Confédération, soit au service cantonal, et qu'il fallait maintenir le principe suivant lequel, même dans les cas où l'on accorde aux employés des chemins de fer des facilités dans l'exercice de leur droit de vote, le dépôt du suffrage ne peut avoir lieu que dans la localité où ils sont domiciliés et électeurs.

Malgré notre invitation, ce principe n'est pas observé partout, comme nous le voyons par les réponses des cantons à notre récente fflirculaire, et, au dire de leurs gouvernements, les facilités accordées

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par deux cantons de la Suisse occidentale dans l'exercice du droit de vote consistent en ce que les citoyens en question peuvent, lors d'élections et votations fédérales, déposer leur suffrage dans une autre commune que celles qu'ils habitent et où ils sont inscrits dans le registre électoral.

Or, nous croyons devoir maintenir la manière de voir exprimée dans notre circulaire précitée. Les mesures exceptionnelles en faveur de certains citoyens ou de certaines catégories de citoyens doivent se mouvoir dans des limites aussi étroites que possible. Une seule catégorie de citoyens employés au service public sont réellement dans l'impossibilité d'exercer leur droit de vote au lieu de leur domicile, à savoir ceux qui, un jour d'élections ou votations fédérales, se trouvent sous les armes en dehors de leur domicile ; il est donc juste de leur permettre de voter sur leur place d'armes. En revanche, il est entièrement inutile, comme l'expérience le démontre dans la plupart des cantons, de dispenser aussi les employés des postes, des péages, des chemins de fer et des bateaux à vapeur, des établissements cantonaux et des corps de police de déposer leur suffrage au lieu de leur domicile. Si donc cette dispensation n'est pas nécessaire pour atteindre le but, elle n'est pas non plus justifiée et ne doit pas avoir lieu. C'est pourquoi nous vous proposons pour le nouvel article une rédaction qui réclame l'observation des dispositions de la loi dans les facilités à accorder aux dernières catégories de citoyens aptes à voter.

Quant à la question (non superflue, d'après les expériences' faites) de savoir comment garantir aux citoyens les facilités que la loi veut leur accorder lors d'élections et votations fédérales, du moment que les autorités communales et cantonales sont libres de prendre les mesures ultérieures qui leur conviennent, on pourrait être tenté de prescrire que ces mesures doivent être soumises à l'approbation du conseil fédéral. Mais, outre qu'il serait difficile à cette autorité, sans connaître exactement les conditions locales, de dire si telle mesure prise est suffisante ou non, il nous paraît peu en harmonie avec la loi électorale actuelle de soumettre une mesure d'ordre secondaire à l'approbation du conseil fédéral, tandis que cette approbation n'est pas même prévue pour les lois électorales
des cantons. C'est pourquoi nous estimons que l'article 7 de la loi fédérale sur les élections et votations fédérales, qui permet de recourir au conseil fédéral contre les infractions aux dispositions précitées, doit suffire aussi pour les mesures spéciales en question. De cette façon, les autorités fédérales obtiennent, par le recours même et le rapport y relatif présenté par le gouvernement du canton respectif, des renseignements détaillés qui leur permettent de prendre, dans chaque cas particulier, une décision conforme à la loi et au

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but qu'elle poursuit. Toutefois, afin que le nécessaire puisse être réglé à temps, il faut que les autorités cantonales publient les mesures relatives au dépôt du suffrage des employés des postes, des péages, des chemins de fer, etc., empêchés par leur service, au moins deux semaines avant le jour fixé pour les élections ou la votation ; c'est ce que prévoit aussi l'article que nous vous proposons.

II.

La seconde partie du postulat demande qu'on facilite autant que possible la participation aux élections et votations fédérales aux citoyens, momentanément éloignés de leur domicile, qui établissent leur capacité électorale.

Ce postulat est d'une portée plus grande que le premier dont nous venons de nous occuper ; d'une part, parce que, à chaque élection ou votation, il faudrait l'appliquer dans un nombre de cas beaucoup plus considérable que le premier ; d'autre part, parce qu'il réclame la faculté d'exercer le droit de vote dans une commune autre que celle où. l'électeur a son domicile ordinaire, ce qui signifie donc une infraction à l'un des principes les plus importants du droit en usage jusqu'ici en matière d'élection et de votation. En outre, il est évident que, si cette infraction était statuée d'une manière générale, la première partie du postulat deviendrait à peu près sans objet.

Nous rappelons avant tout que, il y a peu de temps, cette question a fait l'objet d'une longue discussion au sein du conseil national. En 1884, à l'occasion des délibérations relatives à la nouvelle loi fédérale sur les élections et votations fédérales, la majorité de la commission du conseil national avait proposé, d'accord avec le postulat actuel, l'adjonction suivante à l'article 6, qui traite des facilités à accorder aux employés des postes, des péages, des chemins de fer, des bateaux à vapeur, etc., dans l'exercice de leur droit de vote, savoir : « On peut aussi prendre des mesures dans le but de faciliter le dépôt du suffrage aux électeurs qui, ensuite de leur profession, se trouvent souvent en dehors du lieu de leur domicile. » A l'appui de cette adjonction, on a fait valoir qu'il s'agit, pour le citoyen, d'un droit fondamental, dont on doit lui faciliter autant que possible l'exercice ; que l'absence du lieu de domicile clans l'exercice de sa profession ne doit pas le priver de son droit d'électeur,, c'està-dire l'empêcher de l'exercer ; que, avec la nouvelle organisation prévue par la loi -- registres électoraux fédéraux uniformes, présentation obligatoire de cartes d'électeurs identiques, enveloppes et bulletins de vote uniformes, etc. -- il est possible à 'l'électeur de

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·déposer son suffrage dans un autre bureau électoral que celui de son lieu de domicile, sans qu'il en résulte ni danger, ni dommage, ce qui, bien entendu, exige pour les élections un mode de procéder autre que pour une simple votation fédérale. Mais il s'est élevé, contre cette adjonction, des scrupules si graves que le conseil national l'a repoussée à une majorité considérable.

Aujourd'hui, il est encore plus difficile qu'alors d'adopter une proposition dans le sens du postulat, et cela pour les motifs suivants.

Le postulat admet avec raison, comme allant de soi, que le citoyen désireux d'exercer son droit d'électeur dans un lieu autre que celui de son domicile doit justifier de sa capacité électorale. 11 ne peut le faire qu'à l'aide de sa carte d'électeur ou d'un certificat ad hoc. Or, des cartes ou certificats de ce genre ne sont pas délivrés aux citoyens par tous les cantons ; il faudrait donc que ce point fût réglé préalablement d'une manière générale par une prescription fédérale. Mais comment un bureau électoral pourra-t-il reconnaître si les diverses justifications de forme et de rédaction qui lui sont présentées par des personnes étrangères a la localité sont authentiques et acceptables ? On pourrait, il est vrai, obvier à cette difficulté, qui provoquerait des différends et des recours nombreux, en établissant des prescriptions fédérales sur la forme extérieure, le contenu et la légalisation de ces justifications. Toutefois, le bulletin rempli du citoyen en question ne pourrait pas être simplement déposé dans l'urne, car, lorsqu'il s'agit d'une votation relative à la constitution, il doit être adressé au canton habité par lui, et lorsqu'il s'agit d'élections au conseil national, à l'arrondissement électoral, c'est-à-dire à la commune dans les registres de laquelle il est inscrit en qualité d'électeur ; dans les deux derniers cas, la carte d'électeur doit être annexée au bulletin. Comment faire alors pour sauvegarder le secret du vote et prévenir des désordres pouvant donner lieu à des contestations et des différends en matière électorale ? Il faudrait également régler ce point d'une manière précise au moyen de prescriptions législatives fédérales.

C'est pourquoi il nous semble que, si l'on veut donner suite au postulat en question, cela ne peut se faire qu'en réglant à nouveau divers
points du mode de procéder en matière d'élections et de votations fédérales. On aurait pu le faire il y a quatre ans, lors ·de la révision totale de la loi sur les élections et votatious ; aujourd'hui, où il n'y a en jeu qu'un seul point de ce domaine, nous estimons qu'il ne convient pas de le choisir comme point de départ pour entreprendre une révision -- assez étendue, mais décousue -- de la loi.

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Même en passant par dessus ces scrupules, nous ne pourrions pas recommander une révision de la loi dans le sens du pos-.

tulat.

On ne saurait contester que, en permettant à l'électeur d'exercer son droit de vote dans une autre commune que celle où il a son domicile et où il est inscrit dans le registre électoral, on favorise davantage, malgré toutes les précautions, les erreurs, les irrégularités, les procédés arbitraires, les tromperies et les actes illégaux, qu'en obligeant le citoyen à déposer son suffrage dans la localité où il est électeur. Chaque augmentation des facteurs en jeu et des phases que doit parcourir l'exercice du droit de vote, chaque division de la responsabilité, voire même chaque précaution nouvelle signifie un accroissement des dangers mentionnés et, partant, des plaintes, avec tout ce qui 's'y rattache. On aurait tort d'admettre que les électeurs ne profiteraient que rarement et par exception de la faculté d'exercer leur droit de vote dans une commune quelconque du pays. Ces cas seraient nombreux dès l'abord et pourraient, si des manoeuvres déloyales des partis s'emparaient de cette institution, se produire en masse. Bien que, en maintenant le principe du dépôt des suffrages au lieu du domicile, quelques citoyens absents de leur domicile pendant un jour d'élections et de votations soient empochés de prendre part au vote, le mal est cependant beaucoup plus petit que si l'on abandonnait ce principe. Les citoyens dont nous avons parlé dans la première partie, c'est-à-dire les électeurs empêchés par un service public, sont les seuls qui se trouvent dans une situation dont la loi doit tenir compte. Ceci n'est pas à comparer avec des empêchements d'un caractère privé. Or, puisque les mesures spéciales destinées à faciliter la participation au vote ne sont tolérées pour ces citoyens que sous réserve qu'elles ne soient pas en contradiction avec le principe du dépôt du suffrage au lieu du domicile, on doit encore bien plus se garder d'enfreindre ce principe, lorsqu'il s'agit de citoyens empêchés pour motifs de nature purement privée.

Plus la disposition qui prescrit que les électeurs ne peuvent exercer leur droit de vote qu'au lieu de leur domicile et où ils sont inscrits dans les registres est observée sévèrement, plus on est en droit d'exiger que les élections et votations soient
organisées de façon à ce que les électeurs ne soient pas soumis à des embarras inutiles et à une trop grande perte de temps. A cet égard, les lois de certains cantons semblent ne pas accorder aux citoyens toutes les facilités désirables et possibles. Toutefois, la législation fédérale actuelle sur les élections et votations laissant pour le moment aux cantons le soin d'organiser celles-ci, la révision de la loi fédérale est seule capable de régler cet objet à fond ; cette révision, dont

249 le premier essai tenté en 1884 n'a pas conduit au but, devrait être entreprise avant qu'il soit longtemps.

En nous fondant sur ce qui précède, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la seconde partie du postulat, et nous nous bornons, d'accord avec sa première partie, à soumettre le projet de loi ci-dessous à votre approbation.

Agréez, monsieur le président et messieurs, l'assurance renouvelée de notre haute considération.

Berne, le 26 octobre 1888.

Au nom du conseil fédéral suisse, Le président de la Confédération : HERTENSTBIN.

Le chancelier de la Confédération : RlNGrEK.

Projet.

Loi fédérale modifiant

l'article 4 de la loi fédérale sur les élections et votations fédérales, du 19 juillet 1872.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE

de la

o

C O N F É D É R A T I O N SUISSE, vu le message du conseil fédéral du 26 octobre 1888, décrète : er

Art. 1 . L'article 4 de la loi fédérale sur les élections et votations fédérales, du 19 juillet 1872, est modifié comme suit.

250

Art. 4. Les électeurs qui se trouvent en service militaire lors d'élections et votations fédérales, ainsi que les fonctionnaires et employés des postes, des télégraphes, des péages, des chemins de fer, des bateaux à vapeur, des.

établissements et des corps de police cantonaux, doivent pouvoir participer à ces élections et votations.

Toutefois, les mesures à prendre à cet effet par les autorités cantonales ne peuvent être en contradiction avec les dispositions des articles 3 et 8 de là présente loi et doivent être publiées au moins deux semaines avant chaque élection ou votation fédérale.

Art. 2. Le conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer l'époque où elle entrera en vigueur.

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Message du conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant un projet de loi supplémentaire à la loi fédérale du 19 juillet 1872 sur les élections et votations fédérales.

(Du 26 octobre 1888.)

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