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Feuille Fédérale

Berne, 9 août 1976

128e année

Volume II

N° 31 Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 85 francs par an, 48 fr. 50 pour six mois.

Etranger:. 103 francs par an, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

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76.063 Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'initiative populaire «pour une protection efficace des locataires» et un contreprojet (Du 21 juin 1976) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

Nous avons l'honneur de vous soumettre par le présent message un projet d'arrêté concernant l'initiative populaire «pour une protection efficace des locataires», assortie d'un contreprojet de l'Assemblée fédérale.

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Aperçu liminaire

L'initiative «pour une protection efficace des locataires» a été déposée le 30 juin 1973, avec 142 190 signatures valables à l'appui (FF 1973 II 17). Elle demande le remplacement du 2e alinéa de l'article 34septiea de la constitution par un nouvel article 31sexies.

11 Texte de l'initiative populaire Arride 31sexies La Confédération édicté des dispositions sur les loyers immobiliers et sur la protection des locataires contre les résiliations injustifiées et les prétentions abusives.

2 Les loyers immobiliers ne peuvent être augmentés, même lors d'un changement de propriétaire ou de locataire, sauf autorisation. Celle-ci ne peut être accordée que pour des immeubles dont les comptes apporteront la preuve d'un rendement locatif insuffisant pour permettre une rentabilité équitable des fonds propres et la couverture des charges effectives. En cas de changement de main, le prix d'achat n'est pris en considération que dans la mesure où il ne dépasse pas la valeur de rendement moyenne d'objets comparables.

1

197« -- 407 Feuille fédérale, 128e année. Vol. II.

88

1322 3 Les loyers des choses louées pour la première fois sont soumis à autorisation. Pour les immeubles neufs, les loyers sont calculés sur la base du coût de revient; les loyers exagérés ne sont pas pris en considération.

4 Le congé donné par le bailleur sans justes motifs est annulé; s'il est justifié, mais entraîne des conséquences pénibles pour le preneur, il peut être différé dans son terme ou annulé. Ces dispositions s'appliquent même en cas de vente, de transformation ou de démolition de la chose louée. Sont spécialement protégés les locataires dont l'appartement est vendu en propriété par étage, s La Confédération édicté des dispositions analogues s'appliquant aux fermages et aux immeubles concédés en droit de superficie.

0 La Confédération peut faire appel au concours des cantons pour l'exécution de ces dispositions.

Le texte français est déterminant. Dans le projet d'arrêté fédéral annexé, le texte du 2e alinéa du nouvel article constitutionnel 31sexiea proposé par l'initiative a été légèrement remanié sur le plan linguistique. Par souci de clarté, une modification d'ordre rédactionnel a en outre été apportée au 4e ali-

néa.

Le comité d'initiative est autorisé à retirer l'initiative en faveur d'un contreprojet de l'Assemblée fédérale, ou sans réserve.

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Prolongation du délai

Comme le relève notre rapport du 16 avril 19751), nous avons fait usage de la possibilité, prévue à l'article 29 de la loi du 23 mars 1962 3> sur les rapports entre les conseils, de prolonger d'une année le délai qui nous est imparti pour exprimer notre avis sur l'initiative populaire.

Aux termes de l'article 27, lel alinéa, de cette loi, la décision doit être prise en principe dans le délai de trois ans à compter du jour où l'initiative a été déposée. Le délai aurait donc expiré le 30 juin 1975. Par vos décisions du 12 juin 1975 (Conseil national) et du 16 juin 1975 (Conseil des Etats), vous avez donné suite à notre proposition. Ainsi, les délais dans lesquels votre décision devait être prise et notre rapport présenté ont été prolongés d'une année.

Notre proposition de prolonger le délai était notamment motivée par les raisons exposées ci-après en détail.

Tout d'abord, on a voulu attendre que les éléments de la nouvelle conception de la politique suisse à long terme en matière de logement, établie en vertu de l'article 34sexie6 de la constitution et de la loi fédérale encourageant la construction et l'accession à la propriété de logements, fussent suffisamment précisés.

J

> FF 1975 11601 *> RS 171.11

1323

La deuxième raison était fournie par l'évolution de la situation sur le marché du logement, caractérisé par un accroissement du nombre des logements vacants. En effet, on n'excluait pas que cette détente ait un effet de stabilisation sur la formation des loyers et rende moins aigus les problèmes posés par la protection des locataires.

Un troisième point essentiel fut invoqué en faveur de la prolongation du délai. Il s'agissait de déterminer si les attributions de la Confédération sont entièrement utilisées par la législation en vigueur et quelles sont les limites qu'impartit la constitution à la revision des dispositions du code des obligations régissant le droit de résiliation. A cet effet, le Conseil fédéral a institué un groupe de travail interdépartemental, dont le rapport constitue l'une des bases du présent message.

Enfin, on a voulu attendre de connaître les effets de la modification, entrée en vigueur le 1er mars 1975, de l'ordonnance du 10 juillet 19721J concernant des mesures contre les abus dans le secteur locatif. En accroissant le nombre des catégories de logements et locaux commerciaux assujettis à l'arrêté fédéral du 30 juin J9722' instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif (ci-après l'arrêté fédéral), le champ d'application de cet arrêté a été considérablement étendu.

13

Contenu du message

Les trois principaux chapitres du présent message esquissent la situation juridique actuelle, donnent une appréciation sur l'initiative populaire et exposent les mesures qu'à nojre avis, il importerait de prendre.

L'initiative populaire «pour une protection efficace des locataires» vise deux objectifs principaux: d'une part, l'introduction d'un contrôle étatique des loyers, fondé sur le principe du loyer couvrant les coûts et les charges; d'autre part, l'extension des dispositions actuelles protégeant les locataires contre les résiliations.

En ce qui concerne la formation des loyers, le message compare la réglementation en vigueur, reposant sur une fixation, en principe libre, des loyers par les parties contractantes, au contrôle très poussé des loyers que demande l'initiative populaire. Cette comparaison montre que, compte tenu des résultats qu'a donnés le contrôle des loyers dans notre pays et des mesures prises depuis lors aux fins de lutter contre les abus dans le secteur locatif et d'accroître l'offre de logements, il n'y a aucune raison, en ce moment, de réintroduire le contrôle officiel des loyers.

Toutefois, l'analyse de la situation régnant sur le marché du logement a montré qu'il serait erroné de croire, au vu du nombre des logements vacants, que le libre jeu de l'offre et de la demande favorise le locataire dans tous les « RS 221.213.11 2) RS 221.213.1

1324 secteurs du logement. C'est pourquoi la protection des locataires devrait être réglée indépendamment de la situation momentanée du marché. Le contreprojet tient compte de cette exigence.

Etant donné que le régime de protection contre les résiliations en matière de baux à loyer repose à la fois sur les dispositions du code des obligations et sur la législation instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif, et qu'à long terme, il faudra envisager d'aménager de manière générale cette protection dans le code des obligations lors d'une revision totale du droit de bail, le présent message se borne à comparer la réglementation en vigueur à celle que préconisent les auteurs de l'initiative.

Le message et le projet d'arrêté fédéral recommandent de rejeter l'initiative populaire «pour une protection efficace des locataires» et soumettent en même temps un contreprojet dont ils proposent l'acceptation; celui-ci prévoit une modification de l'article 34septies ,je ]a constitution fédérale.

Ce contreprojet vise à insérer, dans la constitution, le régime de protection des locataires établi pour l'ensemble de la Suisse par l'arrêté fédéral du 19 décembre 19751' concernant la surveillance des prix.

2

Situation actuelle

21 Situation initiale Depuis la deuxième guerre mondiale la Suisse a, jusqu'en 1970, connu un régime étendu de protection des locataires. Durant la guerre, ces mesures ont été prises en vertu des pouvoirs extraordinaires conférés au Conseil fédéral; dès 1952, leur maintien a été assuré par des additifs constitutionnels de durée limitée, en matière de contrôle des prix. Dans les années soixante, le contrôle des loyers fut progressivement remplacé par un régime de surveillance. Celle-ci prit fin le 19 décembre 19702>.

En vue de remplacer la protection contre la résiliation, qui était liée à la surveillance des loyers, on fixa dans le droit ordinaire (art. 267 a-f CO3>), en vertu de la loi fédérale du 24 juin 1970 sur les restrictions au droit de résiliation dans le droit en matière de baux, la possibilité pour le juge de prolonger les baux à loyer. En revanche, de nouvelles interventions dans le domaine de la formation des loyers n'ont pas été prévues à l'époque; l'avis prévalait que le libre jeu de l'offre et de la demande devrait de nouveau être assuré sur le marché.

« RO 1975 2552. Cet arrêté remplace l'arrêté fédéral du 20 décembre 1972 concernant la surveillance des prix, des salaires et des bénéfices, 2 > Les interventions de la Confédération sur le marché du logement depuis la deuxième guerre mondiale ont été exposées en détail dans plusieurs messages du Conseil fédéral, en dernier lieu dans notre message relatif à un article constitutionnel concernant l'encouragement à la construction de logements (FF 197111677, spéc. aux p. 1678 s.).

3 >RS220

1325 Cependant, on dut rapidement constater que les conditions régnant sur le marché du logement exigeaient, à l'avenir également, des dispositions légales assurant la protection des locataires. Lors des débats parlementaires sur l'article constitutionnel relatif à l'encouragement de la construction de logements et à la déclaration de force obligatoire générale des conventions-cadre, les conseils législatifs adoptèrent donc un nouvel article 34sePtles, 2e alinéa, selon lequel la Confédération doit édicter des dispositions visant à protéger les locataires contre les loyers abusifs et autres prétentions abusives du bailleur. Ces mesures ne sont applicables que dans les communes où sévit une pénurie de logements ou de locaux commerciaux. Cet article constitutionnel ayant été accepté à une grande majorité en votation populaire et la situation sur le marché du logement s'étant en outre aggravée, la Confédération fut contrainte d'agir rapidement. Le 30 juin 1972, le Parlement adopta l'arrêté fédéral urgent instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatifl>. Pour des raisons inhérentes au droit constitutionnel, la durée de validité de cet arrêté fut limitée à cinq ans; elle expirera donc le 6 juillet 1977.

22

Comparaison entre la situation juridique actuelle et le régime proposé par l'initiative populaire «pour une protection efficace des locataires» 221 Champ d'application A divers égards, la base que fournit l'article 34seP*les, 2e alinéa, de la constitution est plus étroite que celle que prévoit le texte de l'initiative. La compétence conférée à la Confédération ne permet que de protéger les locataires contre des loyers abusifs et d'autres prétentions abusives du bailleur; l'article constitutionnel en vigueur ne donne pas expressément la compétence d'assurer la protection des locataires contre des résiliations injustifiées. Toutefois, dans la mesure où la protection contre Jes résiliations relève du droit civil, les attributions de la Confédération ressortent déjà de sa compétence générale de légiférer en matière de droit civil.

En vertu de la disposition constitutionnelle en vigueur, le champ d'application des mesures de protection des locataires est limité, à raison du lieu, aux communes où sévit la pénurie de logements ou de locaux commerciaux.

Il appartient au Conseil fédéral de désigner les communes assujetties à l'arrêté fédéral instituant des mesures contre Jes abus dans le secteur locatif. Cependant, l'arrêté fédéral du 20 décembre 19722> concernant la surveillance des prix, des salaires et des bénéfices, puis l'arrêté fédéral du 19 décembre 19753) concernant la surveillance des prix ont étendu à l'ensemble du territoire suisse le champ d'application de l'arrêté fédéral instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif.

« RS 221.213.1 2

> RO 1972 3112 » RO 1975 2552

1326 L'initiative populaire ne prévoit pas de différenciation des mesures de protection des locataires selon la région.

Selon l'article 34sei)tleB, 2e alinéa, de la constitution, la législation instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif ne s'étend qu'aux baux à loyer. L'article 2 de l'arrêté fédéral prescrit que ses dispositions s'appliquent par analogie aux fermages non agricoles et aux autres rapports contractuels dont le contenu essentiel réside dans la cession, contre rémunération, de l'usage de logements ou de locaux commerciaux. A la différence de l'initiative, la réglementation en vigueur ne concerne pas les fermages ni les immeubles concédés en droit de superficie.

222 Réglementation en matière de loyers L'initiative populaire prescrit un vaste contrôle des loyers immobiliers, fondé sur le système du loyer couvrant les frais et les charges, ainsi que l'obligation de soumettre à autorisation les loyers des choses louées pour la première fois et les augmentations de loyer. En revanche, la législation instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif repose sur le principe que les partenaires doivent conserver la possibilité de fixer les loyers d'un commun accord. La législation n'intervient que dans la mesure où il importe d'empêcher que des prétentions abusives ne soient imposées à la faveur de la situation du marché. Sont réputés abusifs les loyers «visant à obtenir un rendement inéquitable du logement ou du local commercial loué», ou les loyers «fondés sur un prix d'achat manifestement exagéré» (art. 14 de l'arrêté fédéral). L'article 15 de cet arrêté définit la notion juridique imprécise du «rendement inéquitable», en énumérant les loyers qui ne sont pas abusifs.

La différence essentielle entre l'initiative et le droit en vigueur réside dans la disposition de l'article 15, lettre a, de l'arrêté fédéral, qui ne considère pas comme abusifs les loyers restant dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier pour des immeubles comparables. Ce critère du «loyer comparatif» témoigne d'une façon de considérer les choses fondamentalement différente de celle dont s'inspire l'initiative: au lieu de se baser sur les coûts effectifs, on se fonde sur les loyers moyens réalisés sur le marché libre ; seuls sont considérés comme abusifs les loyers
dépassant nettement cette limite. En revanche, les dispositions de l'article 15, lettres b et c, de l'arrêté fédéral correspondent dans une large mesure au principe de la couverture des frais et des charges que défendent les auteurs de l'initiative. Les loyers ne sont pas abusifs lorsqu'ils sont justifiés par des hausses de coûts ou par des prestations supplémentaires du bailleur; pour les constructions récentes, ils ne le sont pas non plus lorsqu'ils restent «dans les limites du rendement brut permettant de couvrir les frais, calculé d'après le coût de revient». Soit dans le système préconisé par l'initiative, soit aux termes de la législation en vigueur, les coûts manifestement exagérés du terrain, de la construction et de l'acquisition n'entrent pas en considération dans le calcul du rendement brut.

1327 L'initiative populaire prévoit aussi, outre la couverture des coûts proprement dits, un rendement équitable des fonds propres investis. Quoique le rapport des fonds propres ne soit pas expressément mentionné dans l'arrêté fédéral, les commissions de conciliation et les tribunaux s'occupant des baux à loyer admettent que ce rendement peut être pris en considération par le bailleur en tant qu'élément des coûts. Compte a été tenu de cette pratique dans l'article 9, 2e alinéa, de l'ordonnance du 10 juillet 19721} concernant des mesures contre les abus dans le secteur locatif (modification du 5 février 1975), aux termes duquel des augmentations du taux de l'intérêt hypothécaire d'un quart pour cent donnent droit, en règle générale, à une hausse de loyer de 3l/2 pour cent au plus.

Cette réglementation entraîne, en cas d'augmentation du taux de l'intérêt hypothécaire, une majoration proportionnelle de l'intérêt servi non seulement sur les fonds de tiers, mais également sur les fonds propres.

A la différence de l'initiative, le droit en vigueur admet également des augmentations du loyer visant à maintenir le pouvoir d'achat du «capital exposé aux risques» (art. 15, let. d, de l'arrêté fédéral). Le capital exposé aux risques représente 40 pour cent de la valeur de rendement d'un immeuble usuelle dans la localité (art. 11 de l'ordonnance concernant des mesures contre les abus dans le secteur locatif).

223

Procédure

Etant donné que la législation contre les abus dans le secteur locatif n'entend pas, en principe, faire obstacle à la fixation des loyers par les parties contractantes, les loyers ne sont pas soumis au régime de l'autorisation. Le locataire doit contester, devant une commission de conciliation paritaire, le loyer estimé abusif afin de provoquer sa vérification. Lorsqu'une entente ne peut intervenir, la partie touchée a la possibilité de s'adresser au juge.

224

Protection contre la résiliation

Dans le droit en vigueur, la protection contre la résiliation en matière de baux à. loyer est assurée simultanément par deux actes législatifs.

Le code des obligations (art. 267 a -/) règle l'institution de la prolongation des baux. Selon ces dispositions, la résiliation qui paraît injustifiée comparativement aux exigences légales peut être ajournée, tout d'abord d'une à deux années au plus (selon l'objet loué) et, compte tenu de la possibilité de reconduction, de trois à cinq ans au maximum. La possibilité de prolonger le bail vaut également pour les baux à ferme non agricoles (art. 290 a CO), En revanche, l'initiative populaire demande l'annulation complète, en vertu d'une disposition imperative, des résiliations injustifiées. Si une telle intervention des autorités dans le libre aménagement des rapports juridiques n'est pas accompagnée d'une interdiction temporaire de résilier le bail, le bail« RS 221.213.11

1328 leur est libre de dénoncer à nouveau le contrat pour le délai le plus proche; il devra cependant, le cas échéant, compter avec une nouvelle annulation.

En conséquence, l'annulation d'une résiliation équivaudra pratiquement, dans de nombreux cas, à une prorogation du terme de la résiliation, d'une durée relativement limitée. Mais même si l'annulation est accompagnée d'une interdiction temporaire de résilier le bail, cette mesure, à l'instar de l'ajournement de la résiliation (ou la prolongation du bail), a pour effet que la protection dont bénéfice le locataire est limitée dans le temps.

L'arrêté fédéral s'oppose à une résiliation en rapport avec une hausse du loyer et en particulier avec une procédure de contestation. Selon l'article 18, 1er alinéa, de l'arrêté, le bailleur n'a pas le droit, en communiquant son intention d'augmenter le loyer, de menacer d'une résiliation le preneur. Pendant la procédure de conciliation ou une procédure judiciaire de contestation du loyer, toute résiliation émanant du bailleur est réputée nulle (art. 24 de l'arrêté).

La même sanction de nullité frappe la résiliation signifiée par le bailleur dans les deux ans qui suivent une procédure judiciaire de contestation qui s'est terminée en sa défaveur (art. 28, 3e al., de l'arrêté). Cette nullité lie les services administratifs. A la différence de ce que prévoient les articles 267 et suivants du code des obligations ainsi que l'initiative, le locataire n'a donc pas besoin de s'opposer à la résiliation par des voies de droit.

225 Protection des fermiers Au 5e alinéa, l'initiative populaire demande que des dispositions analogues à celles qui sont prévues pour les baux à loyer soient édictées pour les fermages.

En ce qui concerne les fermages non agricoles, on applique déjà, par analogie, les dispositions de l'arrêté fédéral ainsi que celles du code des obligations qui prévoient des restrictions au droit de résilier les baux (cf. art. 2, 3e al.; de l'arrêté, et art. 290 a CO). Cependant, les auteurs de l'initiative demandent qu'une réglementation analogue soit appliquée aux fermages agricoles. Des dispositions relatives à l'affermage agricole se trouvent dans le code des obligations (art. 275 s.), dans la loi fédérale du 12 juin 1951x) sur le maintien de la propriété foncière rurale, ainsi que dans la loi fédérale
du 21 décembre 19602) sur le contrôle des fermages agricoles.

En ce qui concerne les fermages, l'initiative n'apporte rien de nouveau étant donné que les fermages agricoles sont déjà soumis à un contrôle étendu de la part des autorités.

Il n'en va pas de même de la protection contre la résiliation. Lors de la revision de la loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale, de 1972, modification en vigueur depuis le 15 février 1973, une réglementation analogue U RS 211.412.11 2 > RS 942.10

1329 à celle qui existe pour le bail ordinaire (cf. art. 24W9 s. de ladite loi fédérale) a été édictée aux fins de protéger les fermiers contre les résiliations. Le délai de congé prévu pour les domaines agricoles est d'une année et peut être prolongé de trois ans au plus par le juge lorsque la dénonciation a des conséquences pénibles pour le fermier ou sa famille, sans que cela soit justifié par les intérêts du bailleur. Les auteurs de l'initiative entendent régler la protection contre la résiliation des baux agricoles d'une manière analogue à celle qui est proposée pour les loyers. A leurs yeux, il faudrait prescrire dans le droit régissant les baux à ferme l'annulation par le juge d'une résiliation injustifiée et, sous certaines conditions, également l'annulation d'une résiliation justifiée.

226 Immeubles concédés en droit de superficie Selon l'initiative, la Confédération doit aussi édicter, pour les immeubles concédés en droit de superficie, des dispositions analogues à celles qu'on lui demande de prendre pour les baux à loyer. Le droit de superficie est une servitude sur un bien-fonds, qui confère au preneur du droit de superficie le droit de construire sur le fonds grevé de la servitude ou de garder, en cas de vente du bien-fonds, un immeuble déjà existant (art. 779 CC1'). A titre de contre-prestation, celui qui a le droit de construire verse en règle générale au propriétaire du bien-fonds une indemnité sous forme d'un intérêt au titre du droit de superficie. Selon la législation en vigueur, la conclusion du contrat portant sur le droit de superficie est laissée pour une grande part à la libre appréciation des parties, qu'il s'agisse des intérêts servis au titre du droit de superficie ou de la durée du contrat, des motifs de l'extinction, etc. Le titulaire du droit de superficie ne bénéficie pas d'une protection spéciale, comme le demande l'initiative.

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Résultats donnés par la réglementation en vigueur

Pour se faire une idée des résultats qu'a permis d'obtenir l'arrêté fédéral instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif, l'Office fédéral du logement a fait procéder, pour la première fois en 1973 et pour la seconde en 1975, à des enquêtes auprès de représentants de commissions de conciliation choisies dans toute Ja Suisse. Il résulte des avis exprimés, que cet arrêté fédéral s'est généralement révélé efficace. On porte notamment un jugement très positif sur l'institution de commissions de conciliation paritaires en matière de baux à loyer, car un dialogue devant un organe neutre contribue pour une large part à éliminer des malentendus et à détendre les relations entre les parties contractantes. Les rapports semestriels des cantons sur l'activité des commissions de conciliation montrent qu'on a souvent recours à elles et qu'un arrangement à l'amiable peut être trouvé dans la plupart des cas. L'aperçu ci-après illustre l'activité des commissions de conciliation depuis 1972.

«RS210 Feuille fédérale, 128« année. Vol. n.

89

o

Activité des commissions de conciliation en matière de baux à loyer depuis 1972 Demandes réglées par1' Années

Nouvelles demandes

Accord à l'amiable N. abs.

en% des cas traités

Pas d'entente N. abs.

en % des cas Irai/es

Commission de Retrait, pas conciliation d'entrée en ma- comme tribunal iere, autre raison arbitral

1972

2e semestre

3089

1037

71,9

405

28,1

484

11

1973

1er semestre 2e semestre

5709 5644

2585 2709

76,8 75,7

780 871

23,2

24,3

976 884

80 38

er

1974

1 semestre 2e semestre

7427 7177

5005 4438

86,3 79,6

792 1140

13,7 20,4

1399 1952

74 135

1975

1er semestre 2e semestre

6112 6080

3462 3430

79,3 74,8

903 1153

20,7 25,2

1526 1245

93 21

"·' La différence entre le nombre des demandes nouvellement présentées et celui des demandes réglées résulte des cas en suspens à la fin de la période considérée.

1331 Malgré l'accueil généralement favorable, réservé à l'arrêté fédéral, certaines de ses dispositions sont l'objet de critiques. Toutefois, les jugements portés par les représentants des locataires et des bailleurs ne sont nullement homogènes; souvent les avis exprimés divergent fondamentalement. Les locataires critiquent avant tout l'article 15, lettre a, de cet arrêté, qui dit que les loyers se tenant dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier ne sont, en règle générale, pas abusifs. On fait valoir que cette disposition sanctionne les loyers réalisables sur le marché libre, bien que les mesures de protection des locataires soient précisément motivées par le fait que le marché permet d'obtenir des rendements abusifs. Si l'article 15, lettre a, de l'arrêté était systématiquement appliqué, tous les éléments des coûts utilisés permettant de fixer le loyer deviendraient inutiles; en effet, les loyers obtenus sur le marché sont toujours admissibles puisqu'il n'est guère possible de demander plus que le permet le jeu de l'offre et de la demande. Dans diverses régions, notamment en Suisse romande, il pourrait arriver - estime-t-on - qu'un petit nombre d'importants bailleurs imposent le niveau des loyers usuels dans la localité.

Les représentants des commissions de conciliation qualifient, eux aussi, d'ambiguë la disposition relative au «loyer comparatif», étant donné que, dans la pratique, il n'est guère possible d'apporter la preuve du caractère «usuel dans la localité ou dans le quartier», à moins d'entreprendre des recherches entraînant des dépenses insupportables. Par contre, l'Union suisse des propriétaires d'immeubles souligne que le critère du «loyer comparatif» - qui laisserait une certaine marge dans la formation libre des loyers - doit absolument être maintenu.

Les locataires critiquent en outre l'article 15, lettre d, de l'arrêté, qui considère comme non abusifs les loyers visant à maintenir le pouvoir d'achat du capital exposé aux risques. En appliquant cette disposition, les commissions de conciliation constatent que, dans la pratique, il est difficile de convaincre les locataires du bien-fondé d'une augmentation du loyer qui n'est pas justifiée par une prestation supplémentaire évidente du bailleur. En revanche, les bailleurs font valoir que cette disposition
est nécessaire afin de conserver aux investissements de capitaux dans les immeubles leur caractère de valeur réelle.

La question de la protection des locataires contre la résiliation est également controversée. Certains milieux de locataires sont d'avis que, sous sa forme actuelle, la protection contre la résiliation ne permet pas au locataire d'user de ses droits sans crainte de représailles de la part du bailleur. On demande une obligation générale de motiver les résiliations, ainsi que la possibilité de les faire annuler par le juge. Selon les constatations faites par les commissions de conciliation, les locataires éprouvent une certaine" crainte de recevoir le congé, mais celle-ci ne semble pas justifiée, étant donné qu'on ne connaît guère de cas de représailles à la suite d'une procédure de contestation du loyer.

Quant aux bailleurs, ils critiquent avant tout la disposition de l'article 17 de l'arrêté fédéral, qui prévoit que le loyer convenu peut être contesté sitôt après

1332 la conclusion du contrat. On estime que cette disposition porte atteinte au principe de la bonne foi. Les constatations des commissions de conciliation montrent que cet article ne joue pas un grand rôle dans la pratique.

Ces derniers temps, l'évolution de la situation économique a mis en évidence deux problèmes que le droit en matière de bail à loyer ne permet pas de résoudre de manière satisfaisante. Dans une requête qu'il nous a adressée le 7 novembre 1975, le Conseil d'Etat du canton de Vaud attire notre attention sur les difficultés pouvant surgir, en rapport avec l'article 269 du code des obligations, lors d'une résiliation du bail par le locataire pour des raisons privées d'ordre économique. Aussi demande-t-il que le locataire bénéficie de certaines facilités de résilier son bail pour de justes motifs, notamment en cas de perte de son emploi.

Dans une motion du 1er mars 1976, le groupe socialiste reprend un problème très discuté dont il a été largement question dans la presse et sur les ondes. Il s'agit de l'abaissement des loyers en cas de diminution des coûts, notamment de réduction du taux de l'intérêt hypothécaire. Cette motion demande que le bailleur soit obligé de baisser le loyer lorsqu'il ne peut apporter la preuve que le loyer exigé ne couvre pas ses charges.

Malgré cette critique adressée à quelques dispositions particulières de l'arrêté, on peut dire, en résumé, que le régime qu'il a instauré a, pour l'essentiel, donné satisfaction.

24 Evolution de la situation sur le marché du logement depuis la mise en vigueur de la législation instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif La situation qui régnait sur le marché du logement lors de la mise en vigueur de la législation instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif, a été décrite en détail dans notre message du 30 juin 1971 (FF 19711 1677) concernant l'article constitutionnel sur l'encouragement de la construction de logements, ainsi que dans celui du 24 avril 1972 (FF 1972 I 1217) concernant l'arrêté fédéral instituant des mesures urgentes contre les abus dans le secteur locatif. On se bornera à rappeler ici les faits les plus importants.

A l'époque, la situation était caractérisée par le fait que, malgré une intense production, une pénurie aiguë de logements régnait, en particulier dans les grandes agglomérations. Cette pénurie était due avant tout à une augmentation continue de la demande de logements résultant de l'accroissement de la population, de l'amélioration des revenus ainsi que de l'augmentation du nombre des nouveaux ménages. Sous l'effet de la hausse des coûts de la construction et des prix des terrains à bâtir, les loyers des nouveaux logements n'ont cessé d'augmenter fortement, entraînant la hausse des loyers des logements anciens.

1333 A la différence de ce que l'on observait en 1971, le marché du logement accuse aujourd'hui un nombre extraordinairement élevé de logements vacants, l'activité dans le domaine de la construction marquant simultanément un recul considérable. Selon les enquêtes de l'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail (OFIAMT), le nombre des logements vacants en Suisse n'a cessé d'augmenter depuis 1972; à la fin de 1975, on comptait environ 51 000 logements inoccupés. Voici un aperçu du nombre des logements vacants :

Logements vacants, en pour-cent du nombre total des logements, depuis 1971 dans les communes de plus de 2000 habitants" Aimées

Grandes villes

Autres villes

Villes au total

Grandes communes rurales

Petites communes rurales

Total

1971 1972 1973 1974 1975

0,07 0,13 0,21 0,41 0,80

0,18 0,27 0,53 1,32 2,28

0,13 0,21 0,40 0,95 1,68

0,42 0,45 0,89 1,48 2,65

0,44 0,51 0,98 1,71 2,56

0,25 0,31 0,62 1,22 2,05

L'analyse du nombre des logements vacants permet de dégager les éléments suivants : - Il existe de fortes différences entre les régions. C'est surtout aux abords des grandes agglomérations que l'offre de logements est surabondante; dans les centres, les logements à prix abordables continuent à être rares. Le tableau suivant confirme cette constatation: Logements vacants (en %) le 1er décembre 1975 dans quelques grandes agglomérations, répartis selon les villes et les communes environnantes11

1)

Zurich

Agglomération Ville Communes

1,19 0,15 2,58

Baie

Agglomération Ville Communes

1,37 1,17 1,65

Cf. «La Vie économique» 1976, 2° fascicule, p. 73.

1334

Berne

Agglomération 1,45 . 0,79 Vule 2,35 Communes

Genève

Agglomération Ville Communes

1,32 1,15 1,54

Lausanne

Agglomération Ville Communes

2,35 1,50 3,70

Lucerne

Agglomération Ville Communes

1,60 0,51 2,56

Winterthour

Agglomération Ville Communes

1,28 1,16 1,94

Bienne

Agglomération Ville Communes Agglomération Ville Communes

3,53 2,76 5,27

Saint-Gall

2,08 1,55 6,37

Une grande partie des logements vacants est constituée par des logements nouvellement construits, qui sont très chers. Selon les indications de l'OFIAMT, environ 55 pour cent des logements vacants ont été construits en 1974 et 1975, c'est-à-dire au moment où le taux de renchérissement du coût de la construction était le plus fort. On peut donc tout au plus attendre de ces logements qu'ils exercent une certaine pression sur les prix pratiqués sur le marché des logements nouvellement construits.

En ce qui concerne les anciens logements vacants, une partie considérable d'entre eux est constituée par des logements devenus vacants à la suite du départ d'ouvriers étrangers et par des logements laissant si fortement à désirer1 quant à leur entretien et au confort qu'ils ne trouvent plus preneurs.

Les logements vacants sont en grande partie de petits logements n'entrant pas en ligne de compte pour des familles. D'après les indications de l'OFIAMT, la répartition des logements vacants selon leur. grandeur est la suivante: logements de 1 et 2 pièces: 27 pour cent; logements de 3 pièces: 33 pour cent; logements de 4 pièces: 27 pour cent; logements de 5 pièces: 10 pour cent; logements de 6 pièces et plus: 3 pour cent.

1335 - On estime que 60 pour cent des logements vacants sont des logements en propriété par étage.

Le nombre élevé des logements vacants a exercé une influence favorable sur l'évolution des loyers. Selon les enquêtes de l'OFIAMT, la hausse moyenne des loyers se situait à 9,8 pour cent en 1975; ce taux était donc non seulement nettement supérieur à celui qui exprime l'évolution générale des prix (6,7 %), mais encore au taux de la hausse notée en 1974 (7,6 %). Il est vrai que, durant le deuxième semestre de 1975, on a enregistré un net ralentissement de la hausse des loyers. De novembre 1975 à mai 1976, les loyers n'ont augmenté que de 1,2 pour cent; c'est la progression la plus faible que l'on ait notée depuis 17 ans. Ce nouveau ralentissement de la hausse des loyers doit être attribué surtout au grand nombre de logements vacants. La stabilité des taux d'intérêt pour les «anciennes» hypothèques et la baisse de ceux qui s'appliquent aux «nouvelles» hypothèques y ont assurément contribué aussi.

En résumé, on constate aujourd'hui une surabondance de l'offre dans certaines catégories de logements et dans quelques régions. Il y a, par ailleurs, une forte offre de petits logements confortables mais chers, accompagnée d'une diminution de la demande dans cette catégorie. Ce fléchissement de la demande est dû à la propension moins prononcée qu'on a, en raison de l'évolution économique, à créer un ménage indépendant. En revanche, dans la catégorie des logements construits durant des périodes antérieures, qui sont d'un prix plus avantageux, la demande reste vive ; il n'est pas rare que, notamment, des familles à faible et moyen revenu aient encore de la peine à trouver un logement qui réponde à leurs besoins. En raison surtout de la différence considérable de prix entre les logements anciens et les logements nouvellement construits, on ne saurait s'attendre, quand bien même ces derniers sont vacants dans une forte proportion, à une notable amélioration de l'évolution sur le marché.

Actuellement, une stabilisation se manifeste dans le domaine des loyers.

Celle-ci peut être attribuée dans une large mesure au nombre élevé des logements vacants. De façon générale, il faut relever en outre le rôle important que joue le rapport étroit existant entre l'évolution des loyers et celle de la situation économique.

25

Aperçu des réglementations en matière de protection des locataires dans quelques pays européens 251

Remarque préliminaire

Cet aperçu des réglementations en matière de protection des locataires dans quelques pays européens spécialement choisis se fonde sur les résultats d'une étude entreprise en automne 1975, sur mandat dé l'Office fédéral du.

1336 logement, par l'Institut suisse de recherches dans le domaine de l'économie extérieure, des structures et du marché, institut rattaché à l'Ecole des hautes études économiques et commerciales de Saint-Gall. L'étude a porté sur la situation en Suède, dans la République fédérale d'Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et en Autriche, 252 Réglementation en matière de loyer Tous les pays considérés connaissent, sous une forme ou une autre, une réglementation légale du montant des loyers. L'intervention étatique va d'un contrôle étendu des loyers s'appliquant à tous les logements au régime de la libre stipulation du loyer, avec possibilité pour le locataire de le contester sur la base d'un «loyer comparatif», à l'instar du système établi par la législation suisse instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif. Dans tous les pays, les logements subventionnés par l'Etat sont soumis au contrôle d'une autorité, le loyer étant en règle générale fixé selon le principe du loyer couvrant les coûts et les charges.

Parmi les Etats considérés, les Pays-Bas et la Belgique connaissent les interventions les plus étendues de l'Etat en matière de formation des loyers dans la catégorie des logements construits par l'économie privée. Dans ces deux pays, les loyers sont fixés par l'autorité et ne peuvent être augmentés, en principe, que dans la mesure prévue par les autorisations générales accordées par le gouvernement. Aux Pays-Bas, certaines dérogations à l'augmentation des loyers généralement admise, qu'il s'agisse d'un taux d'accroissement plus faible ou d'une hausse plus forte, peuvent être obtenues d'après des «loyers comparatifs». En outre, des différences sont faites selon les régions, aux PaysBas, dans l'application du contrôle des loyers. Actuellement, 60 à 70 pour cent des logements, notamment dans les grandes agglomérations, sont soumis au contrôle des loyers.

L'Autriche occupe une position intermédiaire: Le contrôle exercé sur la formation des loyers des logements terminés sans l'aide de l'Etat après le 1er janvier 1968, a été levé, alors que les logements construits antérieurement continuent d'être soumis au contrôle des autorités compétentes qui appliquent le principe du loyer couvrant les coûts et les charges.

Les réglementations qui se rapprochent le plus du système suisse sont celles
qu'appliquent la Suède et la République fédérale d'Allemagne. Dans ces deux pays, la libre stipulation du loyer est en principe assurée, mais, sur la proposition d'un service officiel, le loyer peut être soumis à un examen permettant de s'assurer qu'il est équitable. Lors du contrôle, on se réfère surtout aux objets comparables. La Suède connaît une réglementation spéciale, en ce sens que seuls les loyers de logements d'utilité publique peuvent être utilisés comme base . de comparaison.

1337 253 Protection contre les résiliations

Aux Pays-Bas et en Autriche, la résiliation ne peut être prononcée que par le juge dans des circonstances bien définies par la loi, avant tout en Cas de violation grave du contrat par le locataire et lorsque le bailleur a lui-même besoin du logement. Cette réglementation étendue ne s'applique, il est vrai, qu'aux catégories de logements soumis au contrôle des loyers (soit, aux PaysBas, environ 60 à 70 pour cent du nombre total des logements, surtout dans les grandes villes; en Autriche, tous les logements dont la construction a été achevée avant 1968). Pour ce qui est des logements non soumis au contrôle des loyers, les Pays-Bas donnent au juge, appelé à apprécier les intérêts réciproques du bailleur et du locataire, la possibilité de prolonger le bail à loyer.

En Belgique, seuls les locataires de logements à loyer modéré bénéficient de la protection contre les résiliations. Le congé ne peut être donné que pour les motifs prévus par la loi. Celle-ci mentionne la violation du contrat, l'usage du logement requis par le bailleur ainsi que la transformation ou la démolition de l'objet loué.

En Suède et en République fédérale d'Allemagne, la protection contre les résiliations, qui est partie intégrante du droit ordinaire en matière de baux à loyer, s'applique de manière uniforme à tous les objets loués. Les deux pays ont institué une procédure de contestation analogue à la réglementation suisse.

Toutefois, en Suède et en République fédérale d'Allemagne, le bailleur doit prouver en principe qu'il a un intérêt légitime à la résiliation, faute de quoi celle-ci est annulée sur demande du locataire. Sont notamment reconnus comme intérêt légitime la violation grave du contrat par le locataire, l'usage du logement requis par le bailleur et la démolition de l'objet loué. En République fédérale d'Allemagne, la résiliation est facilitée lorsque le bailleur fait ménage commun avec le locataire; dans ce cas, le bailleur n'est pas tenu de motiver le congé.

254 Résumé

Quant à la fixation des loyers, aucune tendance uniforme ne se dégage des régimes européens retenus à titre de comparaison. Certes, chacun des pays étudiés dispose d'une réglementation légale dans ce domaine, mais l'éventail s'étend du contrôle général des loyers par l'Etat à la complète liberté d'établir des loyers de certains objets, en passant par une législation visant à combattre les abus.

Par contre, l'étude comparative révèle une tendance fort uniforme en matière de protection contre les résiliations. Ces réglementations mettent l'accent sur l'obligation imposée au bailleur de motiver la résiliation en justifiant de son intérêt légitime et sur la faculté reconnue à une autorité judiciaire ou administrative d'annuler un congé donné abusivement. Les motifs de résiliation admis par la loi concordent largement dans les divers régimes juridiques ;

1338

parmi les motifs les plus importants, il y a lieu de relever les violations du contrat par le locataire, l'usage du logement requis par le bailleur et la transformation ou la démolition de l'objet loué. Cependant, le champ d'application de cette protection contre les résiliations varie beaucoup dans ces pays selon les catégories de logements.

3 Appréciation de l'initiative 31 Fixation des loyers et procédure L'initiative populaire «pour une protection efficace des locataires» demande l'instauration par l'Etat d'un contrôle des loyers obéissant au principe selon lesquel les loyers doivent couvrir les coûts et les charges du propriétaire.

Comme nous l'avons déjà dit, la Suisse a connu depuis la deuxième guerre mondiale le système du contrôle des loyers, qui a été assoupli progressivement jusqu'en 1966, Les expériences que le contrôle des loyers a permis de faire ont été exposées de manière circonstanciée dans plusieurs de nos messages, en dernier lieu dans celui qui avait trait à un article constitutionnel concernant l'encouragement à la construction de logements (FF 1971 I 1677). Les raisons qui ont motivé l'abolition du contrôle des loyers sont encore valables aujourd'hui.

Aussi nous bornerons-nous à rappeler les arguments les plus importants : - Le contrôle des loyers sel on le principe des loyers établis en fonction des coûts et des charges du propriétaire empêche d'adapter de manière conforme aux exigences du marché les loyers des anciens logements à ceux des nouveaux, et privilégie les locataires d'anciens logements. L'écart considérable entre les loyers de ces deux catégories de logements est à l'origine de l'occupation insuffisante (sous-occupation) ou défavorable des logements, au préjudice précisément, en règle générale, des couches de la population à revenu modeste, telles que les jeunes époux et les familles nombreuses qui doivent s'accommoder de nouveaux logements chers.

- Le contrôle des loyers empêche d'adapter le rendement des anciens immeubles au renchérissement. Mais en cas d'aliénation d'anciens immeubles, les prix d'achat sont ajustés au coût de remplacement sensiblement plus élevé. Ce phénomène incite légitimement l'acheteur à récupérer la dépense en augmentant les loyers, ce qui entraîne un écart entre les loyers exigés pour des objets similaires selon qu'ils ont déjà changé
plusieurs fois de propriétaire ou non, - La procédure à suivre pour obtenir l'autorisation d'augmenter des loyers exige un appareil administratif coûteux et lourd. Notamment en ce qui concerne les anciens logements, la seule fixation du loyer de base entraîne de sérieuses complications. Comme il n'est plus possible dans la plupart des cas de reconstituer dans le passé l'évolution des coûts, les loyers de base doivent être fixés d'après des estimations uniques ou périodiques de la valeur de rendement usuelle dans la localité.

1339 - Enfin, le contrôle des loyers risque de se répercuter défavorablement sur le volume de production de l'industrie de la construction. Tel pourrait être surtout le cas si des maîtres de l'ouvrage et leurs bailleurs de fonds renonçaient à réaliser leurs projets de construction de logements du fait que des entraves inhérentes au contrôle des loyers viendraient s'ajouter au risque de l'investissement.

Compte tenu des mauvaises expériences faites dans le domaine du contrôle des loyers, celui-ci a été remplacé en Suisse par la surveillance des loyers et finalement - après une coutre période durant laquelle la formation des loyers était absolument libre - par la législation instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif. Des mesures ont été prises simultanément pour stimuler la construction de logements, en dernier lieu par l'adoption de la nouvelle loi fédérale du 4 octobre 1974 encourageant la construction et l'accession à la propriété de logements (RS 843); elles visent à améliorer l'offre de logements, à loyer modéré en particulier, ainsi que de logements destinés aux couches défavorisées de la population. C'est pourquoi il n'y a aucune raison actuellement de rétablir le contrôle des loyers.

32 Protection contre les résiliations Outre le contrôle des loyers, l'initiative populaire vise un autre objectif principal: l'extension de la protection contre les résiliations. Aux termes de l'article 267 a, 1er alinéa, du code des obligations, le bail peut être prolongé lorsque la résiliation aurait des conséquences pénibles pour le preneur ou sa famille, sans que cela soit justifié par les intérêts du bailleur. Le bail à loyer ne peut donc pas être prolongé lorsque les intérêts du bailleur l'emportent. Tel est toujours le cas, selon des dispositions légales expresses, lorsque le locataire ou une personne vivant en ménage commun avec lui donne lieu à des plaintes fondées (notamment lorsqu'il contrevient à des clauses contractuelles), lorsqu'un appartement a été loué en relation avec un contrat de travail et que ce dernier est résilié par le preneur lui-même ou pour faute grave de l'employé par l'employeur, ainsi que lorsque le bailleur a besoin du logement pour lui-même, pour de proches parents ou alliés (art. 267'e CO). En d'autres termes, la protection contre les résiliations au sens
des articles 267a s. du code des obligations se rattache toujours, selon le droit ordinaire, à une résiliation injustifiée; une résiliation doit toujours être tenue pour telle lorsqu'aux intérêts dignes deprotection du locataire, spécifiés à l'article 267a du code des obligations, ne s'opposent pas des intérêts prédominants du bailleur au sens des articles 267a et 267c du code des obligations.

En revanche, l'initiative distingue entre le congé donné sans justes motifs, qui doit être annulé, et le congé justifié qui, s'il entraîne des conséquences pénibles pour le locataire, permet d'en différer le terme ou d'annuler la résiliation, de sorte que, malgré son bien-fondé, elle peut ne pas bénéficier de la pro-

1340 tection légale. Mais l'initiative ne précise pas ce qu'il faut entendre par congé donné sans justes motifs et congé justifié. A cet égard, le mandat assigné au législateur manque de clarté.

Il y a en principe trois possibilités de déterminer les notions de résiliation sans justes motifs ou de résiliation justifiée: a. La loi énumère les motifs qui, sans plus, font apparaître injustifiée une résiliation. Une résiliation est par conséquent justifiée aussi longtemps que la preuve de l'existence d'un'de ces motifs particuliers n'a pas été faite. La liste des motifs impropres à justifier le congé pourrait, le cas échéant, être complétée par une clause générale.

b. On admet au contraire comme règle la présomption selon laquelle une résiliation n'est pas justifiée. Pour que l'on puisse admettre qu'un congé est justifié, il faut qu'il y ait un motif spécial ou une justification particulière.

En l'occurrence, les motifs justifiant une résiliation sont énumérés dans une liste qu'il faudrait compléter par une clause générale, afin de tenir compte des multiples conditions existant dans la pratique.

c. Au lieu de partir de présomptions générales pouvant être réfutées dans les cas d'espèce justifiés figurant sur une liste, la loi fixe les principes permettant d'apprécier les conditions particulières. L'appréciation des intérêts concrets des deux parties selon des règles légales (comme c'est également le cas pour les clauses générales dans les variantes a et b ) permettrait de déterminer si une résiliation est justifiée ou non.

Cette dernière possibilité qu'ofTre la procédure législative est la plus proche de la solution retenue par le droit en vigueur. Mais, considérée sous l'angle de l'initiative constitutionnelle, elle diffère du régime actuel en ce sens que des conséquences pénibles pour le locataire, au sens de l'initiative, ne constitueraient pas une condition générale permettant de déclarer qu'un congé est injustifié. Il en ressort que, selon l'initiative, il faut, pour déterminer si une résiliation est justifiée ou non, tabler surtout dans le premier cas et exclusivement dans le second sur les intérêts du locataire.

La mesure dans laquelle on s'emploiera à faire prévaloir la tendance à assurer la protection unilatérale des locataires dépendra de la définition - que la législation d'exécution
devra donner - de la résiliation «justifiée, mais ne devant pas être juridiquement protégée» et de la résiliation «injustifiée». Juridiquement, rien ne s'oppose à un élargissement et à un renforcement de la notion de résiliation injustifiée, prévue aux articles 267 a s. du code des obligations. En outre, les délais de prolongation pourraient, en principe, être étendus sans plus.

Il reste cependant à examiner si, ce faisant, on renforcerait effectivement la protection du locataire ou s'il ne faudrait pas, à cet égard, s'engager sur de nouvelles voies, peut-être en prescrivant une obligation générale de justifier le congé.

1341 L'une des tâches de plus en plus importantes du droit privé consiste à réaliser un équilibre adéquat des intérêts, même lorsque le rapport des forces entre les parties contractantes est perturbé. H importe de tenir compte de cette exigence en aménageant, dans le code des obligations, le régime de la protection du locataire en cas de résiliation signifiée par le bailleur. D va de soi que le principe de l'égalité devant la loi, selon l'article 4 de la constitution, s'applique également au droit privé. Toutefois, ce droit doit intervenir lorsque, de manière générale et, partant, structurellement, le rapport des forces entre les parties est si déséquilibré qu'un des contractants est amené à profiter abusivement envers l'autre de sa position prédominante. Cet aspect doit tout spécialement être pris en considération lors de l'aménagement des dispositions du code des obligations protégeant les locataires contre des résiliations abusives. A l'avenir également, le législateur devra prendre en considération cette exigence. Or l'initiative n'en tient pas suffisamment compte.

Le texte de l'initiative prévoit en outre que les locataires dont l'appartement est vendu en propriété par étage doivent être spécialement protégés. Selon la réglementation actuelle, les prescriptions relatives à la prolongation des baux à loyer s'appliquent également à la vente de l'immeuble loué, qu'il s'agisse d'un bâtiment entier ou d'un appartement en propriété. De ce fait, le principe que l'achat de la chose louée rompt le bail, qu'établit le code des obligations, est, pour le moins, quelque peu assoupli. Les baux à loyer sont mieux protégés par les articles 260 du code des obligations et 959 du code civil (annotation au registre foncier). Malgré ces limitations, on estime à juste titre que le principe précité est trop rigide. Aussi, dans tous les Etats environnants, a-t-on établi, en vertu du droit impératif ou du droit dispositif, la règle opposée: L'acquéreur d'un immeuble doit en principe respecter les baux existants.

Nous sommes de l'avis qu'il y aura lieu d'examiner la possibilité d'étendre la protection légale contre les résiliations. Cependant, un tel aménagement n'exige pas une revision constitutionnelle. A la suite de plusieurs interventions au Parlement, le Département fédéral de justice et police a entrepris les
travaux préliminaires en vue d'une revision générale des dispositions du code des obligations qui régissent le bail. Eu égard aux efforts qu'impliqué toute procédure de revision de certaines parties du droit privé, nous avons décidé de ne pas examiner séparément, en premier lieu, la question de l'extension générale de la protection contre les résiliations - dans la mesure où elle doit être réglée dans le code des obligations - mais de la traiter à plus long terme, dans le cadre d'une revision totale du droit régissant le bail. C'est pourquoi nous ne sommes pas actuellement à même de vous soumettre des propositions concrètes en ce qui concerne la revision des dispositions du code des obligations relatives à la résiliation. Cependant, nous ne négligerons aucun effort pour résoudre ce problème lors de l'examen général du droit régissant le bail dans le code des obligations, en recourant à tous les moyens dont nous disposons.

1342 Au vu des résultats de ces travaux, nous traiterons aussi l'initiative du canton de Zurich, du 12 juin 1974, concernant la protection des locataires (12.030); en effet, elle a partiellement pour objet une amélioration de la protection contre les résiliations.

33 Dispositions sur le fermage agricole Comme nous l'avons déjà relevé, les exigences posées par les auteurs de l'initiative en ce qui concerne le contrôle des fermages peuvent être considérées comme satisfaites dans la situation juridique actuelle. En vertu de la loi fédérale sur le contrôle des fermages agricoles, toutes les augmentations des fermages, ainsi que les fermages pour les domaines loués pour la première fois à un fermier sont soumis à autorisation, Les fermages sont fixés d'après la valeur de rendement. Le texte de l'initiative «pour .une protection efficace des locataires» pourrait laisser entendre que, selon la volonté de ses auteurs, le fermage devrait aussi être fixé selon les coûts, un intérêt équitable des fonds propres étant compris. Mais ce mode de calcul, qui méconnaît les données économiques qui sont à la base des baux à ferme, ne servirait pas du tout les intérêts du fermier.

Toutefois, comme le texte de l'initiative se borne à exiger que des dispositions analogues soient édictées pour les fermages, le législateur aura, en édictant la législation d'exécution, la latitude nécessaire pour tenir compte des différences existant sur le plan économique entre loyers et fermages. Le calcul du fermage selon la valeur de rendement - seule solution qui soit supportable pour le fermier - serait donc également possible si l'initiative populaire était acceptée.

Le renforcement de la protection du fermier contre la résiliation du bail correspond à une exigence ancienne des exploitants de biens-fonds affermés.

Ceux-ci font valoir qu'il est aujourd'hui difficile à un fermier de trouver à louer une nouvelle exploitation qui assure à lui-même et à sa famille une base d'existence suffisante, cela surtout parce qu'on pratique souvent l'affermage par parcelles de domaines agricoles. A la suite de la récession, la situation du fermier exposé à une résiliation de son bail est devenue plus difficile en ce sens qu'il ne peut guère non plus se recréer une existence dans les professions non agricoles.

On considère aussi que la protection
contre les résiliations est le corollaire indispensable des dispositions sur le contrôle des fermages; en effet, on ne saurait exiger du fermier qu'il soumette obligatoirement son bail à ferme à l'autorité s'il devait courir le risque de perdre sa ferme au cas où le fermage serait réduit d'office.

Depuis longtemps, nous avons reconnu qu'une protection efficace contre les résiliations des baux à ferme se justifie. Le projet de loi modifiant le droit civil rural, du 29 avril 1970, prévoyait que le fermier pouvait demander l'annulation d'une résiliation signifiée sans motif important. Mais cette proposition fut vigoureusement combattue au Parlement. Elle fut qualifiée d'intervention exagérée, entravant la liberté de disposer librement de ses biens. On fit aussi valoir que, dans l'intérêt d'un ordre juridique uniforme, il fallait trouver une solution analogue à celle qui serait retenue pour les baux à loyer.

1343 A la suite de diverses interventions parlementaires, on remet aujourd'hui en discussion certaines parties du droit civil rural. Il s'agirait notamment de revoir la réglementation du droit de préemption lors de la vente de domaines agricoles, ainsi que le problème de l'affermage par parcelles d'exploitations agricoles viables. Ces questions relèvent, d'une part, du droit des obligations, d'autre part, de la législation spéciale, surtout de la loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale. Nous sommes disposés à examiner de nouveau, en rapport avec ces problèmes, la possibilité de renforcer la protection contre les résiliations. A cet effet, il n'est pas nécessaire de reviser la constitution.

34 Immeubles concédés en droit de superficie L'initiative populaire prévoit, au 5e alinéa de l'article proposé, que la Confédération édicté, pour les immeubles concédés en droit de superficie, des dispositions analogues à celles qui régissent les baux à loyer.

Cette exigence n'est pas sans justification dans le système de protection qu'établit l'initiative, d'autant que l'on ne saurait méconnaître un certain parallélisme d'ordre économique entre le loyer et l'intérêt servi au titre du droit de superficie. De plus, des similitudes existent quant aux circonstances se présentant durant la validité du bail à loyer et au cours de celle du contrat portant sur le droit de superficie. C'est sans doute pourquoi les auteurs de l'initiative ont d'emblée voulu écarter toute possibilité d'éluder le contrôle des loyers à la faveur de redevances abusives perçues au titre du droit de superficie.

D'autre part, il faudrait aussi tenir compte en l'occurrence du fait que, sur le plan des intérêts sociaux, la situation se présente, pour le droit de superficie, sous un autre jour que pour le bail à loyer, étant donné que, le plus souvent, celui qui concède le droit de superficie et celui qui a le droit de construire sont, en quelque sorte, l'un et l'autre des «investisseurs de capitaux».

En revanche, si l'on rejette le principe du loyer couvrant les coûts et les charges que prévoit l'initiative, le risque que la loi soit éludée, invoqué ci-dessus, ne constitue plus un motif pertinent à l'appui de la disposition proposée.

Pour cette raison, il n'apparaît pas nécessaire d'instituer une réglementation spéciale s'appliquant aux immeubles concédés en droit de superficie.

35

Conclusions

Tenant compte des résultats négatifs enregistrés dans le domaine du contrôle des loyers, qui ont au demeurant entraîné sa suppression, et considérant que le système de l'arrêté qui institue des mesures contre les abus dans le secteur locatif a, dans l'ensemble, donné satisfaction en dépit de certaines critiques justifiées, nous vous proposons de rejeter l'initiative populaire «pour une protection efficace des locataires». Le fait que, les grandes agglomérations

1344

mises à part, une certaine détente s'est manifestée sur le marché du logement en raison de l'augmentation du nombre des logements vacants, et que cette détente peut également influer sur les loyers, nous confirme dans notre attitude. Les données sur les logements disponibles ne permettent pourtant pas de conclure que, sur le marché libre du logement, le jeu de l'offre et de la demande est assuré dans tous les secteurs.

Enfin, nous nous en tenons au principe que, compte tenu de notre régime économique, l'Etat ne doit intervenir qu'en cas de nécessité absolue dans l'activité économique. A l'heure actuelle, il n'existe pas de situation exceptionnelle justifiant une telle intervention.

En proposant le rejet de l'initiative populaire, nous n'entendons pas nous opposer à toutes les exigences énoncées par les auteurs de l'initiative. Nous estimons comme eux qu'il importe de tenir compte le mieux possible de la prétention légitime de tout citoyen à disposer, à un prix abordable, d'un logement correspondant à ses besoins.

En raison même des particularités du marché du logement, la protection des locataires devrait être réglée indépendamment de la situation momentanée qui règne sur le marché. C'est pourquoi nous vous proposons, à titre de contreprojet, de ne plus limiter l'application des mesures assurant la protection des locataires aux régions où sévit la pénurie de logements ou de locaux commerciaux, mais de régler cette protection de façon uniforme pour toute la Suisse.

Cela exige une modification de l'article 34Bepties, 2e alinéa, de la constitution.

Il y aura lieu d'examiner les autres requêtes des auteurs de l'initiative lofs de la revision des lois y relatives.

A notre avis, la législation instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif, qui arrive à expiration le 6 juillet 197.7, devra être prorogée dès cette date. Le message y relatif vous sera soumis prochainement.

La possibilité d'étendre le régime de protection contre les résiliations de bail sera examinée dans le cadre d'une revision générale des dispositions du code des obligations régissant le bail. Il en va de même en ce qui concerne l'initiative du canton de Vaud tendant à la revision de l'article 269 du code des obligations.

Le renforcement de la protection des fermiers pose un problème qu'il y aura lieu d'examiner en rapport avec les modifications qu'il est envisagé d'apporter au droit civil rural.

4

Le contreprojet 41

Teneur

L'article 34sePtles, 2e alinéa, de la constitution est modifié comme il suit: 2 La Confédération édicté des dispositions visant à protéger les locataires contre lés loyers abusifs et autres prétentions des bailleurs.

1345

42 Exposé des motifs Le contreprojet reprend en principe la disposition actuelle qui donne à la Confédération la compétence d'édicter une législation instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif; toutefois, le champ d'application n'est plus limité aux régions où sévit une pénurie de logements ou de locaux commerciaux.

A l'origine, on a voulu limiter le pouvoir de la Confédération d'intervenir dans la libre formation des loyers aux communes où la situation du marché du logement est perturbée. Mais, au moment d'établir la législation d'exécution, il est apparu que la notion de «pénurie de logements» est difficile à définir, étant donné que même s'il y a un nombre élevé de logements vacants dans une contrée, rien ne permet de garantir qu'il y ait suffisamment de logements à prix abordable pour certaines catégories de locataires. C'est pourquoi l'article 2 de l'arrêté fédéral en vigueur prévoit qu'il y a pénurie de logements ou de locaux commerciaux «lorsque, dans une commune, l'offre de logements, surtout à prix abordables, ou de logements commerciaux ne suffit pas à satisfaire la demande».

Il nous incombe de désigner les communes dans lesquelles cet arrêté est applicable. Nous avons l'obligation d'examiner continuellement l'évolution de la situation et de rayer de la liste des communes soumises audit arrêté celles où les conditions se sont améliorées.

Pour des raisons relevant de la politique conjoncturelle, l'arrêté fédéral du 20 décembre 1972 concernant la surveillance des prix, des salaires et des bénéfices, aujourd'hui remplacé par l'arrêté fédéral du 19 décembre 1975« concernant la surveillance des prix, des salaires et des bénéfices, a étendu provisoirement à la Suisse entière le champ d'application de l'arrêté fédéral instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif. Selon le nouveau libellé proposé de l'article 34sePties, 2e alinéa, de la constitution, le régime en vigueur depuis la fin de 1972 serait inséré dans notre loi fondamentale.

On peut invoquer, à l'appui de cette solution, la difficulté déjà mentionnée de définir de manière satisfaisante la pénurie de logements en tant que critère d'appréciation pour l'adoption de mesures visant à protéger les locataires. De même, on ne saurait guère recourir à la notion d'un manque de logements à loyer modéré
(loyers abordables), dont fait état l'arrêté fédéral instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif, étant donné qu'il faudrait procéder dans les diverses communes à des enquêtes détaillées sur la structure de la population et des revenus, ainsi que sur l'état des logements selon les catégories de logements et de prix. Pour le moment, on manque des bases qui permettraient d'entreprendre des enquêtes de ce genre.

Outre ces difficultés de caractère pratique, des raisons plus impérieuses exigent qu'on ne fasse plus dépendre, à l'avenir, les mesures de protection des D RO 1975 2552

1346 locataires de la situation momentanée du marché. Ce sont tout d'abord les particularités bien connues du marché du logement, avant tout le manque de souplesse et d'uniformité. Il faut aussi tenir compte du fait que les intérêts des parties au contrat de bail à loyer divergent; alors que, pour le bailleur, les intérêts financiers priment, le logement constitue un besoin vital pour le locataire. En sus des frais considérables et des soucis qu'il entraîne, un déménagement pose souvent des problèmes humains au locataire et à sa famille, à cause des changements qu'il apporte sur le plan des conditions de vie. En raison de ces intérêts opposés, il y a, indépendamment de la situation momentanée qui règne sur le marché du logement, un déséquilibre permanent dans le rapport de forces entre les parties contractantes, ce qui exige des mesures de politique sociale en faveur du plus faible. L'article 34septies5 2e alinéa, de la constitution ne donne à la Confédération la compétence d'édicter des mesures de protection des locataires que sous la forme de dispositions pondérées propres à prévenir les abus. Cela exclut des interventions étendues de l'Etat telles que le contrôle des loyers que demande l'initiative. Il semble justifié de combattre les abus partout, et non seulement dans des contrées délimitées où règne une situation difficile.

Ces considérations nous amènent à vous proposer de supprimer la disposition constitutionnelle limitant l'application des mesures de protection des locataires aux régions où il y a pénurie de logements ou manque de locaux commerciaux, et d'établir de façon uniforme pour toute la Suisse la législation instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif, quelle que soit la situation momentanée du marché du logement.

5

Proposition

II y a lieu de soumettre l'initiative populaire «pour une protection efficace des locataires» au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter et d'accepter le contreprojet de l'Assemblée fédérale. Un projet d'arrêté fédéral est joint au présent message.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 21 juin 1976 Au nom du Conseil fédéral suisse : 23430

,

Le président de la Confédération, Gnägi Le vice-chancelier, Sauvant

1347 (Projet)

Arrêté fédéral concernant l'initiative populaire «pour une protection efficace des locataires» et un contreprojet L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'initiative populaire «pour une protection efficace des locataires» déposée le 30 juin 1973l>; vu le message du Conseil fédéral du 21 juin 19762', arrête: Article premier 1

L'initiative populaire du 30 juin 1973 «pour une protection efficace des locataires» est soumise au vote du peuple et des cantons.

2

L'initiative populaire demande le remplacement de l'article 34septles, 2 alinéa, de là constitution par un nouvel article 31sexies ayant la teneur suivante: Art. 31 sexte> 1 La Confédération édicté des dispositions sur les loyers immobiliers et sur la protection des locataires contre les résiliations injustifiées et les prétentions abusives.

a Les loyers immobiliers ne peuvent pas être augmentés sans autorisation, même lors d'un changement de propriétaire ou de locataire. L'autorisation ne peut être accordée que si les comptes apportent la preuve que le rendement locatif de l'immeuble n'assure pas une rentabilité équitable des fonds propres ni la couverture des charges effectives. En cas de changement de main, le prix d'achat n'est pris en considération que dans la mesure où il ne dépasse pas la valeur de rendement moyenne d'objets comparables.

3 Les loyers des choses louées pour la première fois sont soumis à autorisation. Pour les immeubles neufs, les loyers sont calculés sur la base du coût de revient; les loyers exagérés ne sont pas pris en considération.

e

» FF 1973 II17 a > FF 1976 II 1321

1348 4 Le congé donné par le bailleur sans justes motifs est annulé; s'il est justifié, mais entraîne des conséquences pénibles pour le preneur, le terme de la résiliation peut être différé ou le congé annulé. Ces dispositions s'appliquent même eri cas de vente, de transformation ou de démolition de la chose louée. Sont spécialement protégés les locataires dont l'appartement est vendu en propriété par étage.

5 La Confédération édicté des dispositions analogues s'appliquant aux fermages et aux immeubles concédés en droit de superficie.

6 La Confédération peut faire appel au concours des cantons pour l'exécution de ces dispositions.

Art 2 1

Le contreprojet de l'Assemblée fédérale sera soumis en même temps que l'initiative au vote du peuple et des cantons.

2

II a la teneur suivante:

L'article 34aepMesf 2e alinéa, de la constitution est modifié comme il suit : 2 La Confédération édicté des dispositions visant à protéger les locataires contre les loyers abusifs et autres prétentions des bailleurs.

Art. 3

L'Assemblée fédérale recommande au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire et d'accepter le contreprojet.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'initiative populaire «pour une protection efficace des locataires» et un contreprojet (Du 21 juin 1976)

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09.08.1976

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