13.051 Message concernant la modification de l'article constitutionnel relatif à la procréation médicalement assistée et au génie génétique dans le domaine humain (art. 119 Cst.) et de la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (diagnostic préimplantatoire) du 7 juin 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de l'article constitutionnel concernant la procréation médicalement assistée et le génie génétique dans le domaine humain (art. 119 Cst.) et de la loi sur la procréation médicalement assistée, en vous priant de les adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2005

M 04.3439

Admission du diagnostic préimplantatoire (N 16.6.05, Commission de la science, de l'éducation et de la culture CN 04.423; E 13.12.05)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

7 juin 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2008-2968

5253

Condensé Le projet prévoit la levée de l'interdiction du diagnostic préimplantatoire dans la loi sur la procréation médicalement assistée et modifie également, à cette fin, l'art. 119 de la Constitution. Tout en respectant le principe fondamental de la dignité humaine, il définit des conditions-cadre strictes pour l'application du diagnostic préimplantatoire aux couples concernés et prévoit des sanctions pour une utilisation à d'autres fins.

Introduction Le diagnostic préimplantatoire (DPI) est une technique médicale par laquelle les embryons provenant de la fécondation artificielle sont analysés sur le plan génétique avant d'être implantés dans l'utérus. Les informations obtenues au sujet de leur prédisposition génétique permettent de décider d'implanter les embryons chez la mère ou de les écarter.

L'objectif principal de cette technique est d'assurer que l'enfant à naître ne sera pas atteint d'une affection d'origine génétique dont les parents sont porteurs. Dans certaines familles, on peut trouver des affections héréditaires lourdes, comme par exemple la fibrose kystique, dont l'histoire remonte à plusieurs générations.

D'autres couples ont vécu la perte de leur ou leurs enfants à un âge précoce, suite à une forme héréditaire d'atrophie musculaire par exemple. De nombreux couples ne se sentent pas capables d'affronter un tel destin et renoncent à réaliser leur désir d'enfant, même si celui-ci occupe une place importante dans leur projet de vie. Le DPI offre une porte de sortie dans ces dilemmes.

En outre, le DPI permet d'utiliser chaque caractéristique d'origine génétique pour laquelle il existe un test comme critère de sélection. Une application-type consiste à essayer de reconnaître les embryons qui ne vont pas se développer à cause d'aberrations chromosomiques, afin d'augmenter le taux de réussite de la fécondation artificielle. Il est également possible de choisir des embryons sur la base de leur sexe ou de leurs caractéristiques tissulaires, par exemple afin de permettre une transplantation de cellules souches hématopoïétiques sur une soeur ou un frère malade.

Par contre, ces ouvertures technologiques comportent aussi des dangers: un pouvoir de disposition eugénique illimité sur les descendants ne peut pas être justifié sur le plan éthique. Un embryon in vitro ne doit pas devenir
l'exutoire de tous les intérêts imaginables. On appréhende notamment les effets que l'admission du DPI peut avoir sur la société en général, comme par exemple une détérioration de la situation des personnes handicapées ou malades. Il y a donc de sérieuses craintes face aux conséquences graves qui pourraient découler de l'admission du DPI.

Vu ces éléments, le présent projet entend certes admettre le DPI mais dans un cadre strict et à des conditions restrictives. En s'appuyant sur les résultats de deux procédures de consultation réalisées par le Département fédéral de l'intérieur au prin-

5254

temps 2009 et à l'été 2011, le présent projet comprend à la fois une modification de la Constitution et de la loi.

Contenu de la proposition La modification de la Constitution concerne le dernier segment de la phrase de l'art. 119, al. 2, let. c. La condition qu'il contient, à savoir: ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu'au stade d'embryon que le nombre d'ovules humains «pouvant être immédiatement implantés», n'autoriserait le DPI qu'à des conditions-cadre défavorables. Selon la nouvelle formulation, le nombre d'embryons «nécessaire à la procréation médicalement assistée» peut donc être développé. L'objectif constitutionnel visant à protéger les embryons est cependant maintenu puisqu'on ne peut toujours pas développer autant d'embryons que l'on souhaite.

Les détails de l'admission du DPI seront réglés au niveau de la loi. Dans ce contexte, l'interdiction de cette technique inscrite dans la loi sur la procréation médicalement assistée sera levée (LPMA, RS 810.11). Les principes de la réglementation sont les suivants: ­

Le DPI ne doit être appliqué que lorsque le danger concret de voir le couple parental se trouver dans une situation intolérable parce que l'enfant à concevoir sera atteint avec une forte probabilité d'une maladie héréditaire grave, ne peut être écarté autrement. Pour cela, le risque de maladie doit être fondé sur une prédisposition génétique connue des parents. Toutes les autres-applications demeurent interdites sous peine de sanction: le DPI ne doit pas être réalisé sous forme de «screening» en cas de stérilité ou d'âge avancé de la mère; son utilisation dans le but de déterminer le type des tissus pour la production d'un bébé «sauveur», le sexe ou encore toute autre caractéristique génétique, sans lien avec une maladie grave, est interdite.

­

La règle selon laquelle pas plus de trois embryons ne doivent être produits par cycle de la femme est abrogée pour le DPI et remplacée par une règle dite des huit embryons. Selon cette dernière, huit ovules humains au plus par cycle de la femme peuvent être développés in vitro jusqu'au stade d'embryon. La règle des trois embryons continue de s'appliquer aux procédures fécondation in vitro sans DPI.

­

L'interdiction de la cryoconservation d'embryons in vitro est abrogée.

La proposition garantit que les couples, qui se trouveraient soit dans une situation grave et manifestement intolérable sans DPI, soit contraints d'opter pour une prise en charge à l'étranger, puissent bénéficier de ce procédé à des conditions médicales favorables en Suisse. Selon les estimations, le nombre de couples susceptibles d'envisager un DPI dans les conditions citées plus haut se situe entre 50 et 100 par année. La réglementation doit ainsi offrir, aux couples concernés, une alternative au diagnostic prénatal effectué pendant la grossesse, éventuellement suivi d'une interruption de la grossesse, sans mettre en danger la protection de la dignité humaine.

5255

Table des matières Condensé

5254

1 Lignes directrices du projet 1.1 Contexte 1.2 Aspects médicaux 1.2.1 Introduction 1.2.2 Termes 1.2.2.1 Diagnostic préimplantatoire 1.2.2.2 Analyse du globule polaire 1.2.3 Procédé du DPI 1.2.3.1 Stimulation hormonale et production d'ovules 1.2.3.2 Fécondation extracorporelle 1.2.3.3 Biopsie embryonnaire 1.2.3.4 Diagnostic génétique 1.2.3.5 Transfert d'embryons et cryoconservation 1.2.4 Champ d'application du DPI 1.2.4.1 Dépistage de maladies d'origine génétique 1.2.4.2 DPI pour les couples stériles ou pour les couples fertiles d'un certain âge 1.2.4.3 DPI dans le but de sélectionner les embryons immunocompatibles 1.2.4.4 DPI dans le but de choisir le sexe, sans lien avec une maladie 1.2.4.5 DPI dans le but d'une sélection positive d'une anomalie d'origine génétique 1.2.5 Erreurs de diagnostic 1.3 Eléments éthiques 1.3.1 Arguments pour et contre le DPI en général 1.3.1.1 Arguments contre le DPI en général 1.3.1.2 Arguments en faveur du DPI en général 1.3.1.3 DPI et diagnostic prénatal 1.3.1.4 Autonomie en matière de procréation 1.3.1.5 DPI et eugénisme 1.3.1.6 Synthèse 1.3.2 Arguments pour et contre les objectifs poursuivis par le DPI 1.3.2.1 DPI pour dépister des maladies héréditaires 1.3.2.2 DPI pour des couples stériles ou des couples fertiles d'un âge avancé 1.3.2.3 DPI dans le but de sélectionner des embryons immunocompatibles («bébé sauveur») 1.3.2.4 DPI dans le but de choisir des caractéristiques quelconques, sans lien avec une maladie 1.3.2.5 DPI dans le but de choisir de manière ciblée une caractéristique habituellement qualifiée de pathologique 1.3.3 Conditions-cadre posées à la réalisation d'un DPI 1.3.4 La position de la NEK-CNE

5259 5259 5261 5261 5262 5262 5262 5263 5263 5264 5264 5266 5266 5267 5267

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5271 5273 5273 5274 5274 5275 5275 5275 5277 5278 5279 5280 5282 5282 5283 5285 5287 5288 5288 5289 5290

1.3.5 La discussion sur le plan international 1.4 La procédure liminaire 1.4.1 Mandat du Parlement 1.4.2 Avant-projet 2009 1.4.2.1 Teneur 1.4.2.2 Procédure de consultation 1.4.3 Remaniement de l'avant-projet 2009 1.4.4 Avant-projet 2011 1.4.4.1 Teneur 1.4.4.2 Procédure de consultation 1.4.5 Remaniement de l'avant-projet 2011 1.5 La nouvelle réglementation proposée 1.6 Solutions examinées 1.6.1 Extension de la réglementation des indications 1.6.1.1 Alignement de la réglementation des indications du DPI sur celle du DPN 1.6.1.2 DPI dans le but de traiter la stérilité 1.6.1.3 Typage HLA 1.6.1.4 Assouplissement de certains éléments de la réglementation des indications proposée (art. 5a) 1.6.2 Assouplissement des conditions-cadre 1.6.3 Modalités du contrôle administratif sur le DPI 1.6.4 Réglementation du DPI dans la LAGH plutôt que dans la LPMA 1.6.5 Synthèse 1.7 Coordination entre les tâches et les finances 1.8 Comparaison et rapport avec le droit européen 1.8.1 Situation juridique dans d'autres pays 1.8.2 Rapport avec le droit européen 1.8.3 Organisation des Nations Unies (ONU) 1.9 Mise en oeuvre 1.9.1 Mise en oeuvre prévue 1.9.2 Possibilités de mise en oeuvre examinées au stade préliminaire de la procédure législative 1.9.3 Evaluation de l'exécution 1.10 Traitement des interventions parlementaires

5291 5293 5293 5293 5293 5294 5295 5296 5296 5297 5297 5298 5299 5299 5299 5301 5303 5304 5304 5305 5305 5306 5306 5307 5307 5312 5314 5315 5315 5316 5316 5316

2 Commentaires article par article 2.1 Modification de la Constitution 2.2 Modification de la LPMA 2.3 Modification de la LAGH

5316 5316 5318 5334

3 Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne 3.3 Conséquences sur l'économie

5335 5335 5336 5336 5257

3.4 Conséquences sociales 3.4.1 Conséquences pour les personnes atteintes d'un handicap 3.4.2 Conséquences pour l'égalité entre hommes et femmes 3.5 Autres conséquences 3.5.1 Conséquences pour l'assurance-maladie sociale 3.5.2 Conséquences pour la liberté économique 3.5.3 Conséquences dans le secteur informatique

5337 5337 5337 5338 5338 5338 5338

4 Rapport avec le programme de la législature

5338

5 Aspects juridiques 5.1 La situation juridique en Suisse 5.1.1 Constitution 5.1.1.1 Procréation médicalement assistée et génie génétique dans le domaine humain (art. 119 Cst.)

5.1.1.2 Autres droits constitutionnels et fondamentaux pertinents au regard du DPI 5.1.1.3 Résultat de l'examen sous l'angle constitutionnel 5.1.2 Législation fédérale 5.1.3 Interventions parlementaires au niveau fédéral 5.1.4 Législation cantonale 5.2 Compatibilité avec les obligations de la Suisse sur le plan international 5.3 Soumission au frein aux dépenses et compatibilité avec la loi sur les subventions 5.4 Délégation de compétence législatives

5339 5339 5339 5339 5344 5352 5353 5353 5355 5355 5355 5355

Annexes: 1 Glossaire des termes scientifiques 2 Tableaux

5356 5360

Arrêté fédéral concernant la modification de l'article constitutionnel relatif à la procréation médicalement assistée et au génie génétique dans le domaine humain (Projet)

5363

Loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (LPMA) (Projet)

5365

5258

Message 1

Lignes directrices du projet

1.1

Contexte

En 1978, le premier enfant conçu à l'aide d'une fécondation in vitro (FIV)1 est né au Royaume-Uni. La conséquence directe fut que la procréation médicalement assistée s'est trouvée sous les feux de la rampe. En Suisse, les premiers essais relatifs à cette technique eurent lieu en 1982 à Bâle. Le premier «bébé-éprouvette» est né à Locarno en 19852.

À l'époque, la Confédération ne disposait pas de la base constitutionnelle lui permettant de légiférer en la matière. La conséquence fut que, le 15 octobre 1985, la rédaction du Beobachter a lancé la récolte de signatures pour une initiative populaire visant à arrêter des développements perçus comme dangereux. L'objectif était d'introduire une disposition constitutionnelle claire avec mandat au Parlement d'édicter une loi, particulièrement pour «le transfert de glandes génitales, l'insémination artificielle, la FIV, le transfert d'embryons ainsi que l'utilisation des gamètes et des germes vivants ou morts dans la science, la médecine, le commerce et l'industrie»3. Le 17 mai 1992, le peuple et les cantons ont suivi la recommandation du Parlement et accepté son contre-projet à l'initiative populaire. Cette disposition se trouve actuellement à l'art. 119 de la Constitution (Cst.)4.

A cette même époque, il y eut également des développements essentiels dans le génie génétique, second domaine réglé par cette disposition constitutionnelle, en Suisse comme sur le plan international. Les nouvelles techniques et méthodes d'analyse furent notamment transmises en gynécologie et dans le domaine de la procréation médicalement assistée, ce qui a conduit, dans un premier temps, à des analyses prénatales chromosomiques effectuées par une ponction du liquide amniotique et, au début des années 80, à la choriocentèse. Afin d'empêcher la transmission de maladies génétiques liées au sexe, la méthode d'analyse a été jointe à la FIV et, en 1990, un premier rapport concernant l'utilisation clinique du diagnostic préimplantatoire (DPI) a été établi. Depuis lors, l'éventail des indications a constamment été élargi. Il n'est plus seulement question d'empêcher la transmission d'une maladie d'origine génétique, mais aussi d'essayer, à l'aide du DPI, d'augmenter le taux de réussite de la FIV, particulièrement pour les femmes d'un certain âge. Il s'agit notamment de contrer le risque
d'aberrations chromosomiques croissant avec l'âge.

Par ailleurs, le DPI sert, dans certains pays, à choisir le sexe de l'enfant ou, plus rarement, à sélectionner l'embryon compatible avec les caractéristiques tissulaires d'une soeur ou d'un frère déjà né et atteint de maladie. Grâce au prélèvement de 1 2

3

4

Les termes scientifiques sont définis dans le glossaire (annexe 1) et apparaissent en italique à leur première occurrence.

Cf. message du 26 juin 1996 relatif à l'initiative populaire «Pour la protection de l'être humain contre les techniques de reproduction artificielle (initiative pour une procréation respectant la dignité humaine, PPD)» et à la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (LPMA), FF 1996 III 197.

Cf. message du 18 septembre 1989 relatif à l'initiative populaire «contre l'application abusive des techniques de reproduction et de manipulation génétique à l'espèce humaine», FF 1989 III 945.

RS 101

5259

cellules souches hématopoïétiques sur le «bébé sauveur», ce dernier peut contribuer à la guérison de sa soeur ou de son frère malade.

Lors des délibérations parlementaires sur l'initiative populaire «contre l'application abusive des techniques de reproduction et de manipulation génétique à l'espèce humaine» et sur la disposition constitutionnelle, le DPI n'était pas assez connu pour susciter une discussion et il n'a été mentionné qu'une seule fois dans les Chambres5.

Par contre, la question de savoir s'il fallait l'admettre a été abondamment discutée lors des débats sur la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur la procréation médicalement assistée (LPMA)6. Cette dernière a été élaborée en contre-projet indirect d'une autre initiative de 1994, très restrictive, «pour la protection de l'être humain contre techniques de reproduction artificielle (initiative pour une procréation respectant la dignité humaine)». Finalement, le Parlement puis le peuple et les cantons, à une majorité écrasante, ont décidé d'adopter cette loi. Celle-ci contient, en son art. 5, al. 3, l'interdiction de prélever une ou plusieurs cellules sur un embryon in vitro et de les analyser. Selon le message du Conseil fédéral du 26 juin 19967, les arguments invoqués étaient les suivants: ­

Le prélèvement d'une cellule représente un risque pour l'embryon, dont les conséquences à long terme ne sont pas connues.

­

Il est possible, sans que l'on puisse en préciser la fréquence, que des anomalies génétiques ne se retrouvent que dans les cellules analysées. De telles mutations pourraient donner lieu à de graves erreurs de diagnostic.

­

Des réserves importantes en relation avec une sélection toujours plus poussée et plus fine des embryons s'opposent à un éventuel avantage pour les couples concernés. Il ne serait presque plus possible de fixer une limite entre la prévention autorisée et la sélection interdite.

­

La relation automatique établie entre le dommage génétique présumé et le rejet de la vie à naître n'a pas de parallèle dans le diagnostic prénatal.

L'entrée en vigueur de la LPMA n'a pas clos le débat puisque plusieurs interventions parlementaires ont régulièrement demandé que le DPI soit admis (cf. ch. 5.1.3) et ce, jusqu'en 2005, lorsque les deux Chambres ont adopté une motion de la Commission du Conseil national de la science, de l'éducation et de la culture (CSEC-N) qui chargeait le Conseil fédéral d'élaborer une réglementation relative à l'admission du DPI8. Aucune modification fondamentale des arguments apportés quelques années auparavant en lien avec le DPI n'en a résulté, si ce n'est que les risques ont été estimés comme étant plutôt maîtrisables et que plus de poids a été accordé aux intérêts des femmes et des couples concernés.

Dans son avis sur la motion de la CSEC-N, le Conseil fédéral a accepté d'examiner s'il ne fallait pas accorder la préférence à une réglementation sévèrement contrôlée, plus qu'à une interdiction absolue. Les conditions-cadre devraient être élaborées de manière à éviter toute marge d'appréciation pouvant être utilisée de manière abusive en vue de l'extension des indications.

5 6 7 8

BO 1991 N 590, discours Bärlocher.

RS 810.11 Message LPMA, FF 1996 III 197, ch. 322.135.

Motion 04.3439 «Admission du diagnostic préimplantatoire».

5260

Les différentes étapes de la phase pré-parlementaire du projet législatif ayant succédé à l'adoption de la motion sont détaillées dans le chapitre consacré à la procédure liminaire (cf. ch. 1.4).

1.2

Aspects médicaux

1.2.1

Introduction

Le DPI constitue un procédé de diagnostic récent qui permet d'examiner le patrimoine génétique des embryons in vitro9. Le patrimoine génétique humain est composé de 23 paires de chromosomes, une moitié provenant du père, l'autre de la mère.

De ces 23 paires, 22 sont identiques chez la femme et chez l'homme; la 23e paire diffère d'un sexe à l'autre (chromosomes sexuels). Les chromosomes sexuels consistent en deux chromosomes X chez la femme, un chromosome X et un chromosome Y chez l'homme. Les chromosomes sont formés pour l'essentiel d'ADN, la substance-clé de l'hérédité. Les segments d'ADN, qui constituent une unité fonctionnelle, portent le nom de gène, le génome humain en comptant au total quelque 20 000 à 25 000. Les analyses du patrimoine génétique humain peuvent avoir pour but d'examiner soit le nombre et la structure des chromosomes (examen cytogénétique), soit un gène en particulier (examen moléculaire).

En 1990, le premier enfant pour lequel le sexe avait été déterminé à l'aide du DPI pour prévenir la survenance d'une maladie héréditaire liée au chromosome X est né en Angleterre (cf. ch. 1.2.4, Dépistage de maladies d'origine génétique)10. Deux ans plus tard, ce fut la naissance du premier enfant pour lequel une maladie héréditaire monogène avait pu être exclue grâce au DPI11. Alors qu'au début le DPI n'a été utilisé que dans des cas isolés et afin de détecter quelques maladies congénitales, le nombre d'enfants nés suite à un DPI se situe déjà au-dessus de 10 00012, mais cette augmentation est aussi due à l'extension des indications. Actuellement, le DPI n'est pas seulement utilisé afin de détecter environ 230 maladies congénitales13, mais aussi dans d'autres buts, par exemple augmenter le taux de réussite de la FIV ou effectuer une sélection en fonction du sexe, avec ou sans lien avec une maladie (cf.

ch. 1.2.4). L'extension des indications peut également être constatée en matière de diagnostic prénatal (DPN). Ainsi, le DPI permet de diagnostiquer des maladies qui pourraient également être détectées à l'aide du DPN, mais dont le diagnostic n'est pas courant. En Grande-Bretagne, par exemple, le DPI est aujourd'hui utilisé

9 10 11

12

13

Cf. pour l'ensemble J. C. Harper, S. B. SenGupta, Preimplantation genetic diagnosis: State of the art 2011, in: Human Genetics, 2012, 131, p. 175 à 186.

A. H. Handyside et al., Pregnancies from biopsied human preimplantation embryos sexed by y-specific DNA amplification, in: Nature, 1990, 344, p. 768 à 770.

A. H. Handyside et al., Birth of a normal girl after in vitro fertilization and preimplantation diagnostic testing for cystic fibrosis, The New England Journal of Medicine, 1992, 327, p. 905 à 909.

Cf. J. L. Simpson, Preimplantation genetic diagnosis at 20 years, in: Prenatal Diagnosis, 2010, 30, p. 682 à 695. Comme les «enfants DPI» ne sont pas enregistrés de manière systématique, il n'y a pas de chiffres plus précis.

Cf. la liste des indications admises pour le DPI en Grande-Bretagne sur la page d'accueil de la Human Fertilisation and Embryology Authority; www.hfea.gov.uk > Patients > Treatment & storage options > Treatment > Genetic testing > Pre-Implantation genetic diagnosis (PGD) > Conditions licensed by the HFEA (consulté le 17 janvier 2013).

5261

notamment pour sélectionner des embryons porteurs d'une prédisposition à des maladies traitables comme la phénylcétonurie14.

1.2.2

Termes

1.2.2.1

Diagnostic préimplantatoire

Par DPI (l'abréviation anglaise est PGD pour preimplantation genetic diagnosis), on entend généralement l'analyse génétique d'un embryon conçu hors du corps humain, effectuée avant l'implantation dans l'utérus de la mère. Quelques jours après la fécondation, une ou plusieurs cellules sont prélevées sur l'embryon; elles sont alors analysées dans le but de détecter des défauts génétiques déterminés (mutations génétiques) (cf. ch. 1.2.3).

Habituellement, la notion de «diagnostic préimplantatoire» englobe également ce que l'on appelle le dépistage des aneuploïdies (en anglais: PGS pour Preimplantation genetic screening; cf. ch. 1.2.4 et 1.3.2, DPI pour des couples stériles ou des couples fertiles d'un âge avancé). Alors que le DPI est une analyse moléculaire qui vise à dépister un défaut génétique déterminé, le dépistage des aneuploïdies constitue un examen cytogénétique. Le terme aneuploïdie désigne généralement une aberration chromosomique due à la présence d'un chromosome supplémentaire sur une des paires ou à l'absence d'un chromosome sur une des paires (aberration chromosomique numérique; p. ex., la trisomie 21). Les aneuploïdies sont considérées comme étant la cause de la majorité des troubles de la fertilité d'origine génétique.

L'objectif du dépistage des aneuploïdies est de sélectionner, pour le transfert, des embryons ayant une séquence chromosomique normale (embryons euploïdes). On espère ainsi accroître le taux de réussite des FIV.

1.2.2.2

Analyse du globule polaire

En règle générale, l'analyse du globule polaire n'entre pas dans la définition du diagnostic préimplantatoire. L'analyse du globule polaire est un procédé d'analyse sur l'ovule, permettant d'examiner le matériel génétique de l'ovule sur la base de la composition génétique ou chromosomique des globules polaires15. Les deux globules polaires sont de petits éléments qui se forment pendant la maturation des ovules et qui dégénèrent après peu de temps. Chacun contient le patrimoine génétique de la mère.

14

15

Cf. la liste des indications admises pour le DPI en Grande-Bretagne sur la page d'accueil de la Human Fertilisation and Embryology Authority; www.hfea.gov.uk > Patients > Treatment & storage options > Treatment > Genetic testing > Pre-Implantation genetic diagnosis (PGD) > Conditions licensed by the HFEA (consulté le 13 janvier 2013).

Cf. détails dans M. Montag et al., Polar body biopsy and its clinical application, in: D. K.

Gardner, A. Weissmann, C. M. Howles, Z. Shoham (éd.), Textbook of Assisted Reproductive Techniques, Volume 1: Laboratory Perspectives, Londres 2012, p. 336 à 345.

5262

Le procédé a été introduit au début des années 90 et est proposé actuellement en Suisse, comme dans de nombreux autres pays16. Afin d'obtenir le résultat le plus fiable possible, les deux globules polaires sont généralement analysés. On peut ainsi diagnostiquer les mutations à l'intérieur d'un gène et l'écrasante majorité des aberrations chromosomiques (cf. ch. 1.2.4, Dépistage de maladies d'origine génétique), 90 % de ces aberrations survenant pendant la maturation des ovules. Cependant, l'inconvénient de l'analyse des globules polaires par rapport au DPI est que seul le génome maternel peut être analysé. En outre, une sélection en fonction du sexe n'est pas possible. Par contre, l'analyse des globules polaires présente l'avantage de pouvoir être effectuée sur l'ovule; par conséquent, aucun embryon ne peut être endommagé. De plus, cette analyse permet de contourner la problématique du mosaïcisme, qui apparaît lors du dépistage des aneuploïdies et provoque des erreurs de diagnostic (cf. ch. 1.2.5).

1.2.3

Procédé du DPI

Une FIV préalable est nécessaire afin de pouvoir procéder à un DPI. Le procédé d'une FIV avec DPI peut être subdivisé grossièrement en cinq étapes. Ce faisant, les étapes trois et quatre constituent le DPI au sens strict du terme17.

1.

stimulation hormonale et prélèvement d'ovules

2.

fécondation extracorporelle

3.

biopsie embryonnaire (prélèvement, dissociation)

4.

diagnostic génétique

5.

transfert des embryons et cryoconservation.

1.2.3.1

Stimulation hormonale et production d'ovules

En premier lieu, les ovaires sont stimulés par un apport d'hormones afin de permettre la maturation simultanée de plusieurs follicules. Alors que seul un follicule atteint habituellement la pleine maturité par cycle menstruel, la stimulation artificielle des ovaires amène à maturité jusqu'à 15 follicules. A la fin du traitement de stimulation, qui peut durer environ douze jours, les ovules sont extraits des follicules. Les follicules sont alors ponctionnés à l'aide d'une aiguille introduite dans le vagin et les ovules sont aspirés.

16

17

E. Macas et al., Polar body biopsy for Curschmann-Steinert disease and successful pregnancy following embryo vitrification, in: Reproductive BioMedicine Online, 2009, 18, p. 815 à 820.

Cf. pour l'ensemble E. Iwarson, H. Malmgren, E. Blennow, Preimplantation genetic diagnosis: twenty years of practice, in: Seminars in Fetal & Neonatal Medicine, 2011, 16, p. 74 à 80.

5263

1.2.3.2

Fécondation extracorporelle

Généralement, tous les ovules prélevés sont fécondés environ six heures après la ponction folliculaire; globalement 80 % environ de ces ovules sont aptes à être inséminés (cf. annexe 2, tableau 1). Deux procédés peuvent être appliqués pour la fécondation: pour la FIV traditionnelle, les spermatozoïdes sont mis en présence des ovules, afin que la fécondation puisse se faire d'elle-même. L'injection intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI) est un procédé alternatif, par lequel un spermatozoïde est injecté directement dans l'ovule. Ce procédé est appliqué notamment lorsqu'un DPI doit ensuite être effectué, car il évite le danger d'une contamination avec un ADN tiers et permet, par conséquent, de minimiser le risque d'une erreur de diagnostic.

Environ 16 à 18 heures après l'ICSI, on procède à un contrôle visuel de la fécondation. Celle-ci est réussie si, à ce moment, deux pronoyaux de taille similaire sont visibles dans l'ovule18. L'ovule fécondé avant la fusion des noyaux est appelé ovule imprégné selon la terminologie de la LPMA (art. 2, let. h). Environ 70 % des ovules aptes à être inséminés deviennent des ovules imprégnés (cf. annexe 2, tableau 1).

Après la fusion des deux noyaux en un zygote, l'état de développement de l'embryon est observé au microscope par intervalles réguliers. Certaines caractéristiques reconnaissables à l'oeil permettent notamment d'estimer le potentiel de développement de l'embryon (p. ex., nombre et forme des blastomères, nombre de noyaux par cellule)19. Environ 55 % des ovules imprégnés évoluent en embryons au stade de quatre cellules (cf. annexe 2, tableau 1).

En Suisse, l'art. 17, al. 1, LPMA prévoit que seuls trois ovules imprégnés peuvent être développés jusqu'au stade de l'embryon par cycle («règle des trois»). Les autres ovules imprégnés sont cryoconservés dans de l'azote liquide.

1.2.3.3

Biopsie embryonnaire

La biopsie embryonnaire, c'est-à-dire le prélèvement d'une ou deux cellules sur l'embryon, est effectuée en règle générale le troisième jour après la fécondation20. A ce moment, l'embryon est généralement constitué de six à dix cellules (blastomères) et est entouré d'une membrane protectrice (zone pellucide). Environ 70 % des embryons au stade de quatre cellules parviennent au stade de huit cellules (cf. annexe 2, tableau 1).

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19

20

Cf. pour l'ensemble T. Ebner, Analysis of fertilization, in: D. K. Gardner, A. Weissmann, C. M. Howles, Z. Shoham (éd.), Textbook of Assisted Reproductive Techniques, Volume 1: Laboratory Perspectives, Londres 2012, p. 212 à 217.

Cf. pour l'ensemble D. Sakkas, D. K. Gardner, Evaluation of embryo quality: Analysis of morphology and quantification of nutrient utilization and the metabolome, in: D. K.

Gardner, A. Weissmann, C. M. Howles, Z. Shoham (éd.), Textbook of Assisted Reproductive Techniques, Volume 1: Laboratory Perspectives, Londres 2012, p. 240 à 253.

Cf. pour l'ensemble A. R. Thornhill, Christian Ottolini, A. H. Handyside, Human embryo biopsy procedures, in: D. K. Gardner, A. Weissmann, C. M. Howles, Z. Shoham (éd.), Textbook of Assisted Reproductive Techniques, Volume 1: Laboratory Perspectives, Londres 2012, p. 197 à 211.

5264

Un procédé récent permet de n'effectuer une biopsie sur l'embryon que vers le cinquième jour. A ce stade de son évolution, l'embryon est constitué d'une couche cellulaire externe provenant du placenta (trophoblaste) et de la masse cellulaire interne de laquelle se développera l'embryon, respectivement le foetus (embryoblaste); l'ensemble s'appelle blastocyste. C'est pourquoi, on parle de biopsie blastocystaire. Au cours d'une biopsie blastocystaire, plusieurs cellules sont en général prélevées sur le trophoblaste et analysées génétiquement. On ne connaît pas encore l'ensemble des avantages et des inconvénients d'une biopsie blastocystaire par rapport à une biopsie embryonnaire effectuée le troisième jour. La biopsie blastocystaire présente l'avantage de pouvoir prélever et analyser plus de deux cellules, ce qui permet notamment de limiter le risque d'erreur (cf. ch. 1.2.5).

Pour une biopsie embryonnaire, on procède en premier à une perforation de la membrane protectrice de l'embryon à l'aide d'un acide, d'un faisceau laser ou par voie mécanique. On prélève ensuite une à deux cellules au travers de cette ouverture à l'aide d'une pipette d'aspiration. Ce prélèvement de cellules n'est pas toujours couronné de succès: dans près de 5 % des biopsies, les cellules dissociées sont détruites et ne peuvent plus être analysées génétiquement (cf. annexe 2, tableau 1).

Par conséquent, l'embryon concerné n'est plus utilisé pour la procréation parce qu'on ne peut pas détecter s'il est porteur du défaut génétique ou non. Dans des cas rares, l'embryon meurt suite à la biopsie.

Plus récemment, on trouve des indices selon lesquels la dissociation de cellules pourrait éventuellement diminuer l'aptitude de l'embryon à être implanté21. La question de savoir si la dissociation peut entraîner d'autres effets négatifs sur le développement ultérieur de l'embryon ou de l'enfant n'est encore pas résolue. Selon des expériences récentes, le DPI ne semble pas avoir d'influence sur le risque de malformations graves chez le nouveau-né22. En outre, le DPI n'aurait à tout le moins pas d'effets négatifs sur le développement mental et psychomoteur des enfants au cours des deux premières années de leur vie23.

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22

23

Cf. A. R. Thornhill, Christian Ottolini, A. H. Handyside, Human embryo biopsy procedures, in: D. K. Gardner, A. Weissmann, C. M. Howles, Z. Shoham (éd.), Textbook of Assisted Reproductive Techniques, Volume 1: Laboratory Perspectives, Londres 2012, p. 197 à 211; Bruce Goldman, The First Cut, in: Nature, 2007, 445, p. 479 à 480; L. K. Shahine et al., Preimplantation genetic diagnosis does not increase pregnancy rates in patients at risk for aneuploidy, in: Fertility and Sterility, 2006, 85, p. 51 à 56.

I. Libaers et al., Report on a consecutive series of 581 children born after blastomere biopsy for preimplantation genetic diagnosis, in: Human Reproduction, 2010, 25, p. 275 à 282; J. L. Simpson, Children born after preimplantation genetic diagnosis show no increase in congenital anomalies, in: Human Reproduction, 2010, 25, p. 6 à 8.

J. Nekkebroeck et al., Mental and psychomotor development of 2-year-old children born after preimplantation genetic diagnosis/screening, in: Human reproduction, 2008, p. 1 à 7.

Egalement: I. Barnejee et al., Health of children conceived after preimplantation genetic diagnosis: a preliminary outcome study, in: Reproductive BioMedicine Online, 2008, 16, p. 376 à 381 ainsi que A. Sutcliffe et al., Health of children conceived after preimplantation genetic diagnosis: a preliminary outcome study, in: Reproductive Biomedicine Online, 2008, 16, p. 376 à 381. Sceptique à ce sujet: V. Touliatou et al., Multidisciplinary medical evaluation of children younger than 7.5 years born after preimplantation genetic diagnosis for monogenetic diseases, in: Pediatrics, 2008, 121, p. 102.

5265

1.2.3.4

Diagnostic génétique

L'analyse du patrimoine génétique des cellules dissociées en vue de déceler d'éventuelles mutations génétiques ou aberrations chromosomiques est effectuée, en fonction de la problématique (cf. ch. 1.2.4), à l'aide de procédés diagnostiques différents24 et dure jusqu'à trois jours. Pour que cette analyse soit possible, il faut au préalable reproduire le patrimoine des millions de fois à l'aide de techniques complexes. Des procédés récemment mis au point, comme l'analyse dite «single nucleotide polymorphism arrays» (SNP arrays) permettent de plus en plus souvent de détecter simultanément une multitude de mutations génétiques et des aberrations chromosomiques sur la ou les cellules dissociées25. Le degré de probabilité de voir l'analyse du génome d'une cellule isolée conduire à un résultat pouvant être interprété est d'environ 90 à 95 % (cf. annexe 2, tableau 1). Dans 5 à 10 % des cas, on n'obtient pas de résultat à cause de problèmes techniques26.

1.2.3.5

Transfert d'embryons et cryoconservation

En fonction de l'âge de la femme concernée et d'autres facteurs, un ou plusieurs embryons sélectionnés sont en général transférés par cycle27. Le transfert d'embryon est effectué en règle générale le quatrième ou le cinquième jour après la fécondation.

La nidation dans l'utérus de la mère d'un embryon ayant subi une biopsie a une probabilité de réussite d'environ 15 % (cf. annexe 2, tableau 1; lors de la procréation naturelle, cette probabilité est de 25 à 30 % environ).

De plus en plus, afin d'éviter les grossesses multiples à risque, la pratique de ne développer qu'un seul embryon par cycle se répand depuis quelques années28.

Habituellement appelée transfert électif d'un seul embryon (en anglais: eSET pour elective single embryo transfer), ce procédé est notamment appliqué dans les pays scandinaves et en Belgique. Lors d'un eSET, les embryons font notamment l'objet, au cours des différentes phases de leur développement, d'une évaluation morphologique au moyen d'un microscope optique concernant leur développement régulier et dans les temps. Il s'agit d'identifier et de transférer l'embryon qui, selon les prévisions, présente le plus grand potentiel de développement. Jusqu'ici, la pratique a mis en évidence que l'eSET permettait de réduire sensiblement le nombre de grossesses multiples, sans pour autant avoir une influence considérable sur les taux de réussite des FIV29.

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28

29

Y. Yaron et al., Genetic analysis of the embryo, in: D. K. Gardner, A. Weissmann, C. M. Howles, Z. Shoham (éd..), Textbook of Assisted Reproductive Techniques, Volume 1: Laboratory Perspectives, Londres 2012, p. 354 à 365.

Cf. pour l'ensemble J. C. Harper, S. B. SenGupta, Preimplantation genetic diagnosis: State of the art 2011, in: Human Genetics, 2012, 131, p.175 à 186.

J. Murken, F. Kainer, Pränatale Diagnostik, in: J. Murken, T. Grimm, E. Holinski-Feder, K. Zerres, Humangenetik, Stuttgart 2011, p. 397 ss, 408.

Cf. pour l'ensemble D. A. Lawlor, S. M. Nelson, Effect of age on decisions about the numbers of embryos to transfer in assisted conception: a prospective study, in: Lancet, 2012, 379, p. 521 à 527.

Cf. à ce sujet P. O. Karlström, C. Bergh, Reducing the number of embryos transferred in Sweden ­ impact on delivery and multiple birth rates, in: Human Reproduction, 2007, 22, p. 2202 à 2207.

P. Fehr et al., Effekt unterschiedlicher Strategien beim Embryotransfer auf die Ergebnisse der assistierten Reproduktion, in: Therapeutische Umschau, 2009, 66, p. 825 à 829.

5266

Les embryons restants ayant fait l'objet d'une biopsie et ne présentant pas de défauts génétiques sont généralement cryoconservés en vue d'un éventuel transfert. On distingue deux techniques de cryoconservation: ­

La congélation lente est une opération de routine depuis le milieu des années 80. Il s'agit toujours de la méthode standard. Cette technique consiste à refroidir progressivement les embryons à ­30 °C et à les conserver ensuite dans de l'azote liquide à ­196 °C. On utilise des agents cryoprotecteurs pour éviter que des cristaux de glace nocifs ne se forment à l'intérieur des cellules30.

­

Lors de la vitrification ­ un procédé introduit à la fin des années 90 ­ les embryons sont immédiatement plongés dans de l'azote liquide. Ils se transforment ainsi en une matière amorphe, évoquant l'aspect du verre (vitrifiée) et ce, sans formation de cristaux de glace31.

Il est actuellement impossible de donner une réponse exhaustive à la question de savoir quelle technique de conservation endommage le moins les embryons. Selon des rapports récents, la manière dont les embryons sont cryoconservés n'a aucune influence sur les taux de grossesse32. En outre, la durée de conservation ne semble pas influer négativement sur le potentiel de développement des embryons33. On obtient, toutefois, des taux de grossesse bien plus bas avec des embryons décongelés qu'avec des embryons «frais». Le taux de survie des embryons après décongélation est d'environ 80 %.

1.2.4

Champ d'application du DPI

Indépendamment de la nouvelle réglementation proposée dans le cadre du présent projet, ce chapitre fait un tour d'horizon complet des buts dans lesquels le DPI est réalisé à l'heure actuelle à l'étranger.

1.2.4.1

Dépistage de maladies d'origine génétique

Le dépistage de maladies d'origine génétique qui surviennent fréquemment dans la famille constitue une application centrale du DPI. Moins souvent, le DPI est aussi utilisé avec une visée préventive, telle que la détection de mutations nouvelles spontanées dans une famille non porteuse de maladies génétiques jusque-là. En principe, on distingue trois formes de maladies génétiques: les maladies héréditaires

30

31

32

33

N. Zaninovic et al., The human embryo: Slow freezing, in: D. K. Gardner, A. Weissmann, C. M. Howles, Z. Shoham (éd.), Textbook of Assisted Reproductive Techniques, Volume 1: Laboratory Perspectives, Londres 2012, p. 293 à 306.

Z. P. Nagy et al., The human embryo: vitrification, in: D. K. Gardner, A. Weissmann, C. M. Howles, Z. Shoham (éd.), Textbook of Assisted Reproductive Techniques, Volume 1: Laboratory Perspectives, Londres 2012, p. 307 à 323.

E. M. Kolibianakis et al., Cryoconservation of human embryos by vitrification or slow freezing: which one is better?, in: Current Opinion in Obstetrics and Gynecology, 2009, 21, p. 270 à 274.

R. Riggs et al., Does storage time influence postthaw survival and pregnancy outcome?

An analysis of 11768 cryopreserved embryos, in: Fertility and sterility, 2010, 93, p. 109 à 115.

5267

monogéniques, les maladies d'origine multifactorielle, et les aberrations chromosomiques.

Maladies héréditaires monogéniques Les maladies héréditaires monogéniques sont transmises selon les principes de Mendel et peuvent présenter une transmission héréditaire autosomique dominante (1), autosomique récessive (2) ou liée au sexe (3)34. Les maladies monogéniques peuvent aussi survenir à cause d'une nouvelle mutation spontanée dans une famille non atteinte jusque-là35. Certaines maladies monogéniques peuvent en outre être transmises selon les lois de l'hérédité dite maternelle, c.-à-d. que les anomalies génétiques ne sont transmises que par la mère (l'encéphalopathie mitochondriale p. ex., une maladie cérébrale résultant d'une mutation dans le patrimoine mitochondrial)36.

­

(1) En général, les maladies héréditaires autosomiques dominantes se manifestent chez chaque porteur hétérozygote d'une mutation déterminée. Lorsqu'un parent est malade et l'autre en bonne santé, le risque de tomber malade est de 50 % pour l'enfant (à supposer que le parent malade soit hétérozygote). Les maladies héréditaires autosomiques dominantes se manifestent typiquement de façon variable, c'est-à-dire que les porteurs d'une mutation peuvent être atteints par la maladie à un degré différent, même au sein d'une même famille. Par ailleurs, les maladies héréditaires autosomiques dominantes présentent parfois un degré de pénétration incomplet. Par pénétration, on entend généralement la probabilité avec laquelle un gène se manifeste dans le phénotype. On parle de pénétration complète lorsqu'un gène provoque sans exception la manifestation de la caractéristique pour la prédisposition de laquelle il est porteur de l'information (pénétration à 100 %).

Par contre, il y a pénétration incomplète lorsqu'un gène se manifeste à moins de 100 % dans le phénotype. Cela signifie qu'il y a des porteurs d'une mutation dominante qui ne présentent aucun symptôme clinique et on n'en connaît en général pas les raisons. De plus, pour certaines maladies héréditaires, la pénétration peut dépendre de l'âge. Ainsi, la probabilité pour les porteurs du gène de la maladie de Huntington (cf. premier lemme ci-après) de tomber malades augmente fortement avec l'âge et atteint environ 50 % à 50 ans. La pénétration incomplète représente en général le plus grand facteur d'incertitude lors du conseil génétique. La fréquence totale des maladies héréditaires autosomiques dominantes est estimée à environ 7:1000, c'est-àdire qu'elles touchent sept nouveau-nés sur 1000.

Parmi les maladies héréditaires autosomiques les plus répandues, diagnostiquées au moyen d'un DPI, on trouve notamment la maladie de Huntington et la dystrophie myotonique:

34 35 36

Cf. pour l'ensemble T. Grimm, Mendel-Erbgänge, in: J. Murken, T. Grimm, E. HolinskiFelder, K. Zerres (éd.), Humangenetik, Stuttgart 2011, p. 241 à 279.

J. Geraedts, G. de Wert, Preimplantation genetic diagnosis, in: Clinical Genetics, 2009, 76, p. 315 à 325.

Cf. à ce sujet A. Abicht, T. Grimm, Mitochondriale Vererbung, in: J. Murken, T. Grimm, E. Holinski-Felder, K. Zerres (éd.), Humangenetik, Stuttgart 2011, p. 307 à 313.

5268

­

­

­

La maladie de Huntington (Chorée de Huntington) est une maladie neurodégénérative présentant une fréquence de 1:15 000 environ37. L'âge moyen auquel elle se manifeste se situe vers 40 ans. La maladie se manifeste chez les personnes de moins de 20 ans dans environ 10 % des cas. L'espérance de vie moyenne est d'environ 15 ans après la manifestation de la maladie. Il n'existe pas de traitement.

La dystrophie myotonique est une maladie dégénérative des muscles qui se manifeste typiquement lors de la naissance ou entre 10 et 40 ans.

La fréquence de la maladie est d'environ 1:8000. De nombreux organes sont atteints en plus de la musculature, mais la manifestation de la maladie est très variable.

(2) Les maladies héréditaires autosomiques récessives ne se manifestent que chez des porteurs homozygotes du gène muté et non chez les porteurs hétérozygotes. La probabilité que deux parents hétérozygotes, mais sains, aient un enfant homozygote malade est de 25 %. Généralement, on ne détecte les porteurs hétérozygotes que lorsqu'un enfant naît malade. La fréquence totale des maladies héréditaires autosomiques récessives est estimée à environ 2,5:1000.

La fibrose kystique et l'amyotrophie spinale sont des exemples importants: ­ Avec une fréquence de 1:2500, la fibrose kystique appartient aux maladies congénitales du métabolisme les plus fréquentes. En Europe du Nord, presqu'un être humain sur 20 est porteur hétérozygote d'une mutation du gène CFTR (Cystic fibrosis transmembrane conductance regulator gene). On connaît plus de 1000 mutations du gène CFTR, et la maladie peut présenter un cours tout à fait différent en fonction de la mutation. Même si les possibilités de traitement sont nettement meilleures depuis quelques années, l'espérance de vie ne dépasse pas 30 ans actuellement.

­ Sur les plans clinique et génétique, les amyotrophies spinales englobent un groupe hétérogène de maladies neuromusculaires héréditaires. Avec une fréquence de 1:10 000, l'amyotrophie spinale est la deuxième maladie héréditaire autosomique récessive en Europe; elle ne peut pas être traitée. L'espérance de vie est très variable selon le type de maladie.

­

37

(3) Maladies héréditaires liées au chromosome X: certaines maladies héréditaires sont dues à des mutations génétiques sur le chromosome sexuel X.

Alors que, chez les hommes, les mutations génétiques récessives sur le chromosome X se manifestent toujours (il n'y a qu'un chromosome X chez les hommes), elles ne se manifestent chez les femmes que si les deux chromosomes X sont atteints. Par contre, pour une caractéristique dominante du chromosome X, les femmes en situation hétérozygote peuvent aussi être atteintes, comme les hommes. La probabilité qu'un enfant soit atteint d'une maladie héréditaire liée au chromosome X et tombe malade est dépendante de son sexe, de la prédisposition génétique des parents et du type de transmission (transmission X-chromosomique récessive ou transmission X-chroCf. à ce sujet M. C. Van Rij et al., Preimplantation genetic diagnosis (PGD) for Huntington's disease: the experience of three European centres, in: European Journal of Human Genetics, 2012, 20, p. 368 à 375.

5269

mosomique dominante). Par exemple, pour une maladie X-chromosomique récessive, si la mère est hétérozygote et que le père est sain, le risque de tomber malade est de 50 % pour les garçons et de 0 % pour les filles. La fréquence totale de toutes les maladies récessives liées au chromosome X est estimée à 0,8:1000 pour les enfants nés vivants de sexe masculin.

A titre d'exemple de maladie héréditaire récessive liée au chromosome X, on peut citer la dystrophie musculaire de Duchenne. Il s'agit du type de dystrophie musculaire progressive le plus fréquent (1:3000), mais cette maladie n'atteint que les descendants de sexe masculin. La faiblesse musculaire se manifeste dès les premières années de vie et conduit à la perte de la faculté de marcher à l'âge de 10 à 12 ans. L'espérance de vie est de 20 à 25 ans environ. Il n'y a pas de traitement pour cette maladie.

Maladies héréditaires d'origine multifactorielle Les maladies héréditaires d'origine multifactorielle ­ appelées aussi pathologies complexes ­ trouvent leur origine dans des interactions complexes entre des facteurs génétiques et non-génétiques38. A titre d'exemple de maladies héréditaires d'origine multifactorielle, on peut citer la maladie d'Alzheimer, les anomalies neurotubulaires, la schizophrénie ou certaines addictions. Par rapport aux maladies monogéniques, les maladies héréditaires d'origine multifactorielle sont nettement plus fréquentes et occupent une place plus importante dans la pratique médicale quotidienne.

Jusqu'à présent, on ne connaît que peu de gènes qui participent au développement de maladies d'origine multifactorielle et qui peuvent être détectés à l'aide du DPI. Le gène BRCA1 en est un; dans sa forme mutée, il participe au développement du carcinome mammaire (cancer du sein) héréditaire et sa transmission est autosomique dominante. La probabilité de développer un carcinome mammaire au cours de leur vie est de 60 à 80 % pour les femmes porteuses d'un gène BRCA1 muté. Par contre, seules 5 % des femmes atteintes d'un carcinome mammaire sont porteuses d'un gène BRCA1 muté (cf. le commentaire de l'art. 5a, al. 2, let. b).

Aberrations chromosomiques Les aberrations chromosomiques sont généralement subdivisées en aberrations numériques (1) et structurales (2)39: ­

(1) Les aberrations chromosomiques numériques sont dues à un défaut dans le nombre soit de chromosomes (aneuploïdie) soit de la séquence chromosomique (polyploïdie). En général, les aberrations chromosomiques ne sont pas héréditaires, mais elles surviennent spontanément au cours de la maturation des gamètes.

Les aneuploïdies sont subdivisées notamment en monosomies et trisomies selon que certains chromosomes sont présents à un exemplaire (monosomie) ou en trois (trisomie). En règle générale, la fréquence des aneuploïdies, comme la trisomie 21, est en corrélation avec l'âge de la mère. Ainsi, la probabilité qu'une femme de 25 ans mette au monde un enfant atteint d'une tri-

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Cf. pour l'ensemble G. Utermann, Multifaktorielle Merkmale und Erkrankungen, in: J. Murken, T. Grimm, E. Holinski-Felder, Klau Zerres (éd.), Humangenetik, Stuttgart 2011, p. 314 à 337.

Cf. pour l'ensemble M. Speicher, Chromosomenaberrationen, in: J. Murken, T. Grimm, E. Holinski-Felder, Klau Zerres (éd.), Humangenetik, Stuttgart 2011, p.180 à 200.

5270

somie 21 est de moins de 0,1 %, alors qu'elle est d'1 % à l'âge de 40 ans.

Toutes les monosomies autosomiques et la plupart des trisomies conduisent à la mort de l'embryon ou du foetus. C'est pourquoi on estime que les aneuploïdies sont souvent la cause d'avortements spontanés à répétition ou de la stérilité (cf. ch. 1.2.4 DPI pour des couples stériles ou des couples fertiles d'un âge avancé)40. Les foetus atteints de trisomie 13, 18 ou 21 ont en revanche un taux de survie de respectivement 57 %, 32 % et 70 %41. Les aneuploïdies des chromosomes sexuels qui se traduisent, par exemple, par le syndrome de Turner (les fillettes naissant avec un seul chromosome X) ou de Klinefelter (les garçons naissant avec un chromosome Y et deux chromosomes X) provoquent des anomalies du phénotype mineures voire insignifiantes.

Les polyploïdies sont subdivisées en triploïdies (multiplication par trois de la séquence chromosomique haploïde) et en tétraploïdies (multiplication par quatre de la séquence chromosomique haploïde), en fonction du nombre de séquences chromosomiques. Toutes conduisent à la mort de l'embryon ou du foetus.

­

(2) Par aberrations chromosomiques structurales, on entend la modification de la «construction» à l'intérieur d'un chromosome ou entre plusieurs chromosomes. Ce type d'anomalie peut être équilibré ou non équilibré. Pour une aberration chromosomique structurale équilibrée, le matériel génétique est réparti autrement, mais il n'est ni augmenté ni diminué. De ce fait, la plupart de ces aberrations n'entraînent aucune conséquence pour le porteur luimême. Par contre, dans les aberrations chromosomiques structurales non équilibrées, certaines parties des séquences chromosomiques sont doublées ou inexistantes, ce qui conduit, la plupart du temps, à des malformations ou des anomalies graves. Les aberrations chromosomiques structurales se développent spontanément ou sont héréditaires. Pour les descendants d'un parent porteur d'une aberration chromosomique équilibrée, le risque d'être porteurs d'une aberration chromosomique structurale non équilibrée et de tomber malade est de 10 à 50 %, en fonction de la nature de l'aberration.

1.2.4.2

DPI pour les couples stériles ou pour les couples fertiles d'un certain âge

Depuis le milieu des années 90, le DPI est appliqué de plus en plus souvent chez des couples stériles d'un certain âge qui ont déjà subi entre autres plusieurs avortements spontanés ou plusieurs cycles-FIV infructueux42. L'objectif déclaré est d'écarter les embryons présentant des aberrations chromosomiques numériques qui sont considérées comme étant la cause de ces problèmes, afin d'améliorer le taux de réussite de 40

41 42

Cf. A. Schinzel, Klinische Beispiele von Chromosomenaberrationen, in: J. Murken, T. Grimm, E. Holinski-Felder, Klau Zerres (éd.), Humangenetik, Stuttgart 2011, p. 201 à 237.

J. Murken, F. Kainer, Pränatale Diagnostik, in: J. Murken, T. Grimm, E. Holinski-Felder, Klau Zerres (éd.), Humangenetik, Stuttgart 2011, p. 397 à 423.

Y. Verlinsky et al., Pregnancies following pre-conception diagnosis of common aneuploidies by fluorescent in-situ hybridization, in: Human Reproduction, 1995, 10, p. 1923 à 1927.

5271

la FIV43. En 2008, le dépistage des aneuploïdies constituait l'indication la plus fréquente pour un DPI44. Depuis, des études randomisées contrôlées ont toutefois montré que le dépistage des aneuploïdies effectué au moyen des procédés habituels n'augmentait pas le taux de réussite de la FIV, mais contribuait plutôt à sa diminution45. Aussi des sociétés spécialisées renommées ­ la European Society of Human Reproduction and Embryology (ESHRE) notamment ­ déconseillent-elles désormais d'effectuer un dépistage des aneuploïdies46. Quant aux origines de ce phénomène, elles font actuellement l'objet de vifs débats: outre les difficultés techniques (les tests effectués jusqu'à présent pouvaient uniquement dépister un nombre restreint d'aneuploïdies sur la cellule dissociée), le mosaïcisme pourrait également jouer un rôle fondamental à cet égard (cf. ch. 1.2.5)47. Des critiques sont par ailleurs formulées quant au fait que l'analyse de l'information héréditaire de chaque cellule ne permet pas de faire des déductions sur la capacité de l'embryon à se développer48.

Les nouveaux tests, qui permettent d'analyser simultanément le nombre de tous les chromosomes d'une cellule, peuvent en revanche laisser espérer que le dépistage des aneuploïdies augmente tout de même le taux de succès des FIV49.

D'un autre côté, le PGS est souvent proposé à des femmes fertiles de plus de 35 ans.

Pour cette catégorie de personnes, le risque de mettre au monde un enfant avec une anomalie chromosomique comme par exemple la trisomie 21, est plus élevé du fait

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47

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49

Cf. pour l'ensemble D. Wells, E. Fragouli, Preimplantation genetic diagnosis for infertility, in: D. K. Gardner, A. Weissmann, C. M. Howles, Z. Shoham (éd.), Textbook of Assisted Reproductive Techniques, Volume 1: Laboratory Perspectives, Londres 2012, p. 293 à 306.

Cf. à ce sujet V. Goossens et al., ESHRE PGD Consortium data collection XI: cycles from January to December 2008 with pregnancy follow-up to October 2009, in: Human Reproduction, 2012, 27, p. 1887 à 1911.

S. Mastenbroeck et al., Preimplantation Genetic Screening: a systematic review and metaanalysis of RCTs, in: Human Reproduction Update, 2011, 17, p. 454 à 466; L. K. Shahine et al., Preimplantation genetic diagnosis does not increase pregnancy rates in patients at risk for aneuploidy, in: Fertility and Sterility, 2006, 85, p 51 à 56; W. B. Schoolkraft et al., Preimplantation aneuploidy testing for infertile patients of advanced maternal age: a randomized prospective trial, in: Fertility and Sterility, 2009, 92, p. 157 à 162.

Cf. à ce sujet J. Harper et al., What next for preimplantation genetic screening (PGS)? A position statement from ESHRE PDG Consortium steering committee, in: Human Reproduction, 2010, 25, p. 821 à 823; ACOG (American College of Obstetricians and Gynecologists) Committee Opinion, Preimplantation Genetic Screening for Aneuploidy, in: Obstetrics & Gynecology, 2009, 430, p. 766 à 767.

Sur les causes potentielles de l'incapacité du PGS realisé selon les procédés traditionnels à augmenter le taux de réussite des FIV, cf. L. Gianaroli et al., Best practices of ASRM and ESHRE: a journey through reproductive medicine, in: Human Reproduction, 27, p. 3365 à 3379.

R. Hernandez, What next for preimplantation genetic screening? Beyond aneuploidy, in: Human Reproduction, 2009, 24, p. 1538 ss; E. Vanneste et al., What next for preimplantation genetic screening? High mitotic chromosome instability rate provides the biological basis for the low success rate, in: Human Reproduction, 2009, 24, p. 2679 à 2682.

E. J. Forman et al., Single embryo transfer with comprehensive chromosome screening results in improved ongoing pregnancy rates and decreased miscarriage rates, in: Human Reproduction, 2012, 27, p. 1217 à 1222; E. Fragouli et al., Cytogenetic analysis of human blastocysts with the use of FISH, CGH and aCGH: scientific data and technical evaluation, in: Human Reproduction, 2011, 26, p. 480 à 490.

5272

de leur âge50. Le PGS doit permettre de trier les embryons qui présentent une séquence chromosomique anormale.

1.2.4.3

DPI dans le but de sélectionner les embryons immunocompatibles

Depuis 2001, le DPI est aussi effectué dans le but de sélectionner un embryon immunocompatible avec une soeur ou un frère atteint d'une maladie grave51. On parle alors de DPI avec typage HLA (HLA pour le terme anglais Human Lymphocyte Antigen) ou de conception d'un bébé «sauveur» ou «designer baby». Le scénario suivant est représentatif de ce cas de figure: les parents ont un enfant atteint d'une maladie héréditaire qui entrave gravement la formation du sang (p. ex., anémie de Franconi, anémie de Blackfan-Diamond, -Thalassémie) ou les défenses immunitaires. Un don de cellules souches hématopoïétiques peut aider cet enfant malade. En principe, les donneurs immunocompatibles se trouvent le plus facilement chez les frères et soeurs. Toutefois, la probabilité qu'une soeur ou un frère conçus naturellement soient immunocompatibles se situe à seulement 25 %. La probabilité de trouver un donneur compatible peut être améliorée de manière significative grâce à la FIV et au DPI. Parmi les embryons conçus in vitro, on sélectionne alors, sur la base de critères immunogénétiques, l'embryon qui est compatible avec la soeur ou le frère malade. Par le même DPI, on peut en même temps exclure que le bébé «sauveur» soit porteur de la même maladie.

Le DPI effectué dans le but de sélectionner un embryon immunocompatible peut, parfois, également être effectué lorsque la soeur ou le frère à guérir est atteint d'une maladie non héréditaire, comme par exemple la leucémie. Dans ce cas, le DPI est effectué uniquement dans l'intérêt de l'enfant malade.

1.2.4.4

DPI dans le but de choisir le sexe, sans lien avec une maladie

Le DPI est effectué de plus en plus souvent dans le seul but de choisir le sexe de l'embryon. Cette indication est en général appelée «social sexing» ou «family balancing». Aux Etats-Unis et en Europe, il s'agit avant tout de permettre aux familles d'avoir un rapport filles/garçons équilibré. On ne constate aucune préférence sexuelle pour un des deux sexes. Par contre, dans d'autres pays, le désir de mettre au monde un descendant masculin est la principale motivation de la sélection du sexe52.

50

51

52

B. C. Heng, Advanced maternal age as an indication for preimplantation genetic diagnosis (PGD) ­ the need for more judicious application in clinically assisted reproduction, in: Prenatal Diagnosis, 2006, 26, p. 1051 à 1053.

Y. Verlinsky et al., Preimplantation genetic diagnosis for Fanconi anemia combined with HLA matching, in: JAMA, 2001, 285, p. 3130 ss.; M. Bellavia et al., Preimplantation genetic diagnosis (PGD) for HLA typing: bases for setting up an open international collaboration when PGD is not available, in: Fertility and Sterility, 2010, 94, p. 1129 ss.

A. Malpani, et al., Preimplantation sex selection for family balancing in India, in: Human Reproduction, 2002, 17, p. 517 à 523.

5273

En Europe, le DPI est tout de même effectué dans 2 % des cas dans le but de choisir le sexe, sans lien avec une maladie53.

1.2.4.5

DPI dans le but d'une sélection positive d'une anomalie d'origine génétique

Aux Etats-Unis, le DPI est également proposé, sporadiquement, à des couples atteints d'une certaine anomalie d'origine génétique et qui souhaitent avoir un enfant atteint de la même anomalie. A titre d'exemple, on peut citer la surdité héréditaire qui peut être détectée grâce au DPI.

1.2.5

Erreurs de diagnostic

Le DPI est un procédé difficile, notamment parce que seules deux cellules peuvent, habituellement, être utilisées pour l'analyse et que le procédé ne peut donc pas être répété. Par conséquent, le risque d'une erreur de diagnostic ne doit pas être minimisé. La probabilité que le résultat d'un test soit correct est d'environ 90 à 95 %54.

Pour vérifier l'exactitude du résultat, on conseille un DPN pendant la grossesse aux couples concernés.

Les résultats «faux négatifs» des analyses à cause d'une contamination avec un ADN tiers ou à cause de l'«Allelic drop-out», c'est-à-dire l'analyse d'un seul allèle à la place des deux, constituent le problème le plus fréquent55. En cas de résultats «faux négatifs» des analyses, l'embryon est porteur du défaut génétique, alors que le diagnostic ne le détecte pas.

Le mosaïcisme constitue un autre problème; par mosaïque on entend un embryon constitué de cellules génétiques différentes. Il peut arriver que les cellules analysées se rapportent à un autre génome que les cellules restantes, ce qui peut induire une erreur de diagnostic56. Le mosaïcisme est relativement fréquent et il est dû à des défauts dans la division des cellules57. Selon les estimations, jusqu'à 80 % des embryons au stade de dix cellules sont des mosaïques58.

53

54 55

56

57 58

V. Goossens et al., ESHRE PGD Consortium data collection XI: cycles from January to December 2008 with pregnancy follow-up to October 2009, in: Human Reproduction, 2012, 27, p. 1887 à 1911.

J. Murken, F. Kainer, Pränatale Diagnostik, in: J. Murken, T. Grimm, E. Holinski-Felder (éd.), Humangenetik, Stuttgart 2011, p. 397 ss, 408.

Cf. à ce sujet Y. Yaron et al,, Genetic analysis of the embryo, in: D. K. Gardner, A. Weissmann, C. M. Howles, Z. Shoham (éd.), Textbook of Assisted Reproductive Techniques, Volume 1: Laboratory Perspectives, London 2012, p. 354 à 365.

S. Ziebe et al., Fish analysis for chromosomes 13, 16, 18, 22, X and Y in all blastomeres of IVF pre-embryos from 144 randomly selected donated human ovocytes and impact on pre-embryo morphology, in: Human Reproduction, 2003, 18, p. 2575 à 2581.

Cf. à ce sujet E. Vanneste et al., Chromosome instability is common in human cleavagestage embryos, in: Nature Medicine, 2009, 15, p. 577 à 583.

A. R. Thornhill, Christian Ottolini, A. H. Handyside, Human embryo biopsy procedures, in: D. K. Gardner, A. Weissmann, C. M. Howles, Z. Shoham (éd.), Textbook of Assisted Reproductive Techniques, Volume 1: Laboratory Perspectives, Londres 2012, p. 197 à 211, p. 204.

5274

1.3

Eléments éthiques

La réflexion éthique a pour but de déterminer les valeurs et les arguments invoqués au sujet du DPI et de les confronter. Ce faisant, ces valeurs sont en lien étroit avec des questions fondamentales relatives à notre image de l'être humain. Les considérations suivantes présentent une revue des arguments et des points de vue essentiels dans la discussion.

1.3.1

Arguments pour et contre le DPI en général

Un des premiers éléments essentiels réside dans la question de savoir si l'on approuve ou rejette le DPI dès le départ, à toutes les conditions et sans tenir compte des objectifs.

1.3.1.1

Arguments contre le DPI en général

Alors que, à l'échelle internationale également, très peu de personnes approuvent totalement le DPI59, l'Eglise catholique60, les groupes critiques envers la technique génétique61 et certaines organisations féminines entre autres le rejettent de manière générale62. Outre certains philosophes et spécialistes de l'éthique63 une minorité des membres de la Commission nationale d'éthique dans le domaine de la médecine humaine (NEK-CNE) souhaiterait également que le DPI continue d'être totalement interdit (cf. ch. 1.3.4). Les arguments avancés dans le cadre de ce débat abstrait concernent, d'une part, le procédé en lui-même et, d'autre part, ses conséquences immédiates:

59 60

61 62

63

­

Le fait d'influer sur le processus de la procréation humaine, au moyen d'une technique quelconque ­ en pratiquant une fertilisation in vitro ou un DPI ­, est considéré comme n'étant pas naturel ou comme étant contraire aux commandements religieux. L'être humain n'a pas, d'une manière particulière, d'emprise sur le commencement et la fin de la vie humaine, et il doit en rester ainsi.

­

L'intervention dans la procréation, également au moyen d'une FIV ou d'un DPI, implique la disponibilité technique du corps de la femme et va de pair avec un avilissement de celle-ci.

Cf., p. ex., http://hplusmagazine.com/issues/hplusmagazine-2009-summer.pdf, p. 24 à 29 (consulté le 21 janvier 2013).

Cf. l'encyclique Evangelium vitae Joannes Paulus II. du 25 mars 1995 à l'adresse www.vatican.va > Souverains pontifes > Jean-Paul II > Encycliques > Evangelium Vitae (25 mars 1995) (consulté le 21 janvier 2013), toujours confirmée depuis.

www.baslerappell.ch > Publikationen > Broschüren > check und weg (consulté le 21 janvier 2013) «Du point de vue féministe, le prix à payer pour combler, au moyen d'un DPI, le désir d'enfant d'une femme ou d'un couple, est trop élevé.» www.geburtskanal.de/Wissen/PID/Positionspapier.php (consulté le 21 janvier 2013) Comme Jürgen Habermas: Die Zukunft der menschlichen Natur. Auf dem Weg zu einer liberalen Eugenik? Francfort/Main: suhrkamp, 4e éd., 2002.

5275

­

Entraver, pour quelque raison que ce soit, le développement des embryons est répréhensible. Les embryons sont des êtres humains comme les personnes déjà nées. C'est pourquoi ils ont le droit d'être protégés et reconnus.

Sélectionner des embryons n'est en tous cas pas compatible avec l'hypothèse selon laquelle ils bénéficieraient de la protection illimitée de la dignité humaine.

­

A plus forte raison, il est répréhensible de faire dépendre la reconnaissance des enfants et l'amour qu'on leur porte de caractéristiques génétiques contrôlées, et donc d'assujettir leurs chances de développement, c'est-à-dire les chances de développement d'êtres humains, à une sorte de «test de qualité». D'autant que, selon les partisans de cette thèse, cela fausse, de manière préjudiciable, les structures familiales naturelles.

­

Sélectionner les embryons et, partant, les enfants, en fonction de caractéristiques équivaut à nier leur valeur propre et à les soumettre à l'idéal des parents, de façon plus fondamentale et substantielle que ne pourrait le faire toute intervention éducative. Ils sont instrumentalisés pour des motifs relevant exclusivement de la réalisation d'objectifs prédéterminés.

­

Selon les conditions-cadre concrètes du procédé (cf. ch. 1.3.3), un plus grand nombre d'embryons surnuméraires sont produits que lors d'une fécondation artificielle sans DPI. Comptent notamment parmi ces embryons surnuméraires ceux qui sont triés car porteurs de la prédisposition mais aussi, dans des cas isolés, des embryons qui pourraient être transférés. Cette production surnuméraire devrait néanmoins être empêchée dans toute la mesure du possible.

­

Le procédé du DPI implique de produire des embryons et de tous les soumettre au risque de la dissociation de cellules ce qui diminue, dans une mesure qui reste à établir, leur aptitude à être implantés, voire, dans des cas rares, entraîne leur mort. La question de savoir si la dissociation peut entraîner d'autres effets négatifs sur le développement de l'embryon ou de l'enfant n'est pas encore résolue.

En outre, les arguments portent sur les répercussions à long terme que l'établissement et la diffusion du procédé font craindre. Ces effets peuvent se référer à la société actuelle indirectement concernée mais surtout à la situation sociétale à venir:

64

­

le DPI est une procédure eugénique au moyen de laquelle on décide à la légère si une vie humaine a ou non de la valeur.

­

Parallèlement, cette technique porte atteinte à la reconnaissance des personnes malades et de celles souffrant d'un handicap. En effet, leur situation semble pouvoir être évitée à l'aide d'un DPI64.

­

Le DPI menace de décrédibiliser le principe fondamental élémentaire de l'égalité entre tous les êtres humains, qui, dans une très large mesure, implique aussi implicitement de ne pas tenir compte de la constitution géné-

«insieme», par exemple, partage cette opinion. En effet, cette organisation estime que le DPI fait, dans une très large mesure, naître le risque de stigmatisation des personnes handicapées, en encourageant le mythe selon lequel il est possible de concevoir un enfant sur mesure. www.insieme.ch > Engagement politique > Le dépistage précoce > Diagnostic préimplantatoire > Principes éthiques relatifs à la biomédecine (21 janvier 2013).

5276

tique, et d'instaurer ainsi une société comprenant deux classes, à savoir les personnes testées et les individus non testés.

En somme, les auteurs critiques catégoriques voient dans le DPI une attaque contre les fondements de la société humaine, dans le sillage de ses progrès techniques et de la dénaturation. Ils soulignent que le DPI est synonyme d'atteinte grave à l'image de l'être humain et que ses répercussions à venir sont encore plus alarmantes, atteinte que l'on ne saurait tolérer, même si beaucoup d'autres pays ne partagent pas l'essentiel de ces craintes, comme en témoignent les législations qu'ils ont adoptées (cf. ch. 1.8.1). Ils précisent que le DPI méprise la dignité des personnes les plus faibles, ayant le plus besoin d'être protégées et qu'il contribue ainsi à dégrader, de manière générale, la dignité humaine; une dégradation qui finira par toucher tout le monde.

1.3.1.2

Arguments en faveur du DPI en général

En revanche, quiconque est favorable au DPI et entend rendre accessible la pesée des intérêts s'agissant d'objectifs déterminés, doute de la pertinence de ces critiques et met en exergue l'utilité de ce procédé. Les partisans du DPI rejettent les réserves fondées sur la religion car elles ne peuvent pas revendiquer un caractère contraignant général dans la société libérale. Ce constat s'applique également aux arguments séculaires complémentaires relatifs à une notion de la nature déterminée et supposée. Ils avancent que personne ne possède des connaissances privilégiées sur ce qu'est la nature de l'être humain ou, concrètement, sur ce qu'est une procréation naturelle et conforme à l'être humain. De plus, ils soulignent que même si on savait en quoi consiste la nature de l'être humain, rien ne nous oblige à la préserver et que l'être humain s'oppose déjà à des phénomènes naturels, tels que le froid et la maladie ou son incapacité à voler. Ils affirment que l'on sait encore moins clairement si cette nature humaine est figée, immuable et indisponible ou si elle n'existe pas plutôt dans la «perfectibilité» de l'homme, c'est-à-dire dans sa capacité et dans sa volonté de changer, de se perfectionner et de se libérer de ses liens avec la nature65.

Les personnes s'exprimant en faveur du DPI ne pensent pas que le DPI fasse planer une grande menace sur la société. Concrètement et en se référant aux plus de 20 ans d'expériences engrangées dans ce domaine dans différents pays, elles nient l'existence de signes effectivement identifiables d'une telle menace (p. ex., désolidarisation envers les personnes handicapées). Elles estiment qu'il convient, dans tous les cas, de ne pas perdre de vue le fait que les tendances redoutées, telles qu'elles pourraient se concrétiser réellement, peuvent être rectifiées et que, si besoin était, on pourrait toujours faire marche arrière. Elles considèrent toutefois qu'une interdiction générale n'est ni nécessaire ni justifiable, ce d'autant que le DPI est courant dans presque tous les pays, sauf en Suisse: l'autoriser permettrait dès lors d'ôter toute légitimation au «tourisme du DPI» et d'offrir aux couples suisses concernés la possibilité d'être traités sur sol helvétique. S'il devait en outre y avoir des effets secondaires positifs pour la société en général, particulièrement pour la science, la recherche, la médecine et l'économie, ceux-ci devraient être pris en compte dans l'appréciation générale de la question.

65

Kurt Bayertz: Die Idee der Menschenwürde: Probleme und Paradoxien, in: Archiv für Rechts- und Sozialphilosophie, Vol. 81 (1995), p. 465 à 481.

5277

Enfin, le fait de se demander ce qu'est un embryon ­ in vivo ou in vitro ­ et ce qu'on est droit de faire avec lui reste la question fondamentale du DPI. Les défenseurs du DPI ne considèrent pas qu'un embryon est un être humain à part entière mais son étape préalable. Ils précisent que l'embryon doit certes être traité d'une certaine manière ­ avec respect66 ­ mais qu'il ne bénéficie pas de l'intangibilité de la dignité humaine. On constate que l'approbation du DPI n'est certainement pas compatible avec l'hypothèse selon laquelle les embryons jouissent de façon illimitée de la dignité humaine.

1.3.1.3

DPI et diagnostic prénatal

Dans ce contexte, il convient d'aborder dans le détail l'argument fréquemment avancé ­ par la NEK-CNE également ­ selon lequel la possibilité d'avorter et la pratique de l'interruption volontaire de grossesse ainsi que le diagnostic prénatal permettent de prendre des décisions à l'égard desquelles une interdiction du DPI représenterait une inégalité de traitement (cf. ch. 1.6.1 Alignement de la réglementation des indications du DPI sur celle du DPN)67. En d'autres termes, cela signifie que l'admission du DPN réfute effectivement l'intangibilité de l'embryon in vivo et qu'il est injuste de vouloir accorder à l'embryon in vitro une protection disproportionnée, voire absolue. Le fait que l'acceptation de l'interruption volontaire de la grossesse soit maintenant bien établie dans la société constitue un argument en faveur de l'admission du DPI68. Paradoxalement, on donnerait plus de poids à l'intérêt à la vie d'un embryon ne comportant que quelques cellules qu'à celui de l'enfant bientôt capable de vivre mais pas encore né. Dans cette perspective, l'admission du DPI serait quasiment rendue nécessaire sur le plan éthique puisqu'il permettrait de préserver les femmes et les couples d'une «grossesse à l'essai».

La solution des délais a indubitablement créé un précédent car elle relativise le droit de l'embryon à la protection face aux intérêts d'autres individus. Toutefois, transposer cette relativisation telle quelle au DPI signifie que l'on se concentre uniquement sur l'objet en question, soit l'embryon dans les deux cas. Eu égard cependant à celui-ci, l'évaluation des actions possibles doit également tenir compte du fait que les conditions ­ in vivo et in vitro ­ sont fondamentalement différentes. Aussi les opposants contestent-ils fondamentalement la comparaison des deux situations parce que, dans le cas du DPI, la situation conflictuelle serait provoquée, à l'inverse de la 66

67

68

Giovanni Maio: Welchen Respekt schulden wir dem Embryo? Die embryonale Stammzellenforschung in medizinethischer Perspektive. Deutsche Medizinische Wochenschrift 2002; 127 (4), p. 160 à 163. Cf. entre-temps: Ders.: Warum der Embryo Würdeschutz und nicht nur Respekt braucht. Das Beispiel der Reproduktionsmedizin. Zeitschrift für Medizinische Ethik (2009) 55; 1, p. 90 à 95.

Cf. Peter Schaber, Wie soll die PID geregelt werden? Eine ethische Perspektive, expertise rédigée à la demande de l'Office fédéral de la santé publique. Zurich 2013. Disponible sur www.bag.admin.ch > Thèmes > Maladies et médecine > Procréation médicalement assistée > Prises de position et rapports (8 juin 2013) «Le principal argument éthique justifiant la remise en question du régime actuel d'interdiction est la contradiction qui en résulte pour les couples présentant un risque génétique connu. En effet, alors qu'il leur est actuellement possible de commencer une grossesse <à l'essai>, quitte à l'interrompre éventuellement à la suite d'un diagnostic prénatal (DPN), il leur est en revanche interdit de faire examiner un embryon avant son transfert dans l'utérus.», NEK-CNE, Diagnostic préimplantatoire, prise de position no 10/2005, p. 4. (voir ch. 1.3.4)

5278

situation de détresse involontaire due à la grossesse naturelle69. Certes, le DPN pose la question de l'éventuel avortement d'un embryon; cependant, il peut également être associé à des pistes thérapeutiques, dès le stade de la grossesse, visant les atteintes à la santé dont on craint que l'enfant soit affecté et au fait que si l'on sait que l'enfant à naître est porteur d'une maladie ou d'un handicap, on peut sensiblement mieux se préparer à la situation qui prévaudra après sa venue au monde.

En revanche, dans le cadre du DPI, en opérant une sélection entre un certain nombre d'embryons, on ne peut faire qu'un seul choix: accepter ou refuser. Il s'agit donc, d'une part, de la relation unique entre la femme enceinte et son enfant à naître et, d'autre part, d'objets microscopiques ­ êtres humains ou amas de cellules ­ dans une boîte en verre, qui ont un rapport techniquement complexe avec les géniteurs. Tout comme les options d'action ne sont pas les mêmes dans les deux cas, les critères moraux ne peuvent pas facilement être transposés les uns aux autres. Par analogie, des situations exceptionnelles (p. ex., une guerre) peuvent impliquer que l'on relativise la protection de la vie humaine. Néanmoins, il n'en résulte aucun affaiblissement du droit à la protection dont la vie humaine jouit au quotidien.

1.3.1.4

Autonomie en matière de procréation

Comme lors de la procréation traditionnelle et lorsque l'on veut devenir parents ­ un des objectifs essentiels de la planification de la vie et de l'épanouissement personnel pour de nombreuses personnes ­, il faut, selon les partisans du DPI, laisser aux individus et au couple le pouvoir de décider s'ils souhaitent ou non bénéficier d'une mesure de cette nature. Un des axiomes majeurs dans le débat éthique relatif au DPI est celui de l'«autonomie en matière de procréation»70 de l'individu et du couple, autrement dit de la liberté de procréer; un principe qu'aucune réglementation ne devrait limiter. En rapport avec la question de la marge de manoeuvre des parents, il faut constater par ailleurs que la parentalité ne peut pas seulement être définie en termes de décision autonome. Le rôle de parents implique la responsabilité, l'entretien et le respect de la personnalité grandissante de l'enfant. Depuis toujours, ces devoirs sont protégés par la société en cas de conflit. De plus, l'autonomie en matière de procréation des parents, et donc la décision qu'ils prennent, repose sur les conditions de vie dans la société et se répercute sur elles. La procréation n'est pas que l'affaire d'individus isolés. Bien au contraire, c'est toute la société qui est concernée. C'est pourquoi celle-ci ne peut rester indifférente aux conséquences des méthodes de procréation71. Finalement, lorsqu'elle est prise sur la base des moyens techniques proposés par la communauté, la science et l'industrie, une décision pour

69

70

71

Cf. H. Haker, Ethik der genetischen Frühdiagnostik. Paderborn: mentis 2002, en part.

p. 224 ss.

Cf. aussi Markus Zimmermann-Acklin, Sollte die Präimplantationsdiagnostik (PID) unter den gleichen Voraussetzungen zulässig sein wie die Pränataldiagnostik (PND)?, expertise rédigée à la demande de l'Office fédéral de la santé publique. Fribourg 2013. Disponible sur www.bag.admin.ch > Thèmes > Maladies et médecine > Procréation médicalement assistée > Prises de position et rapports (8 juin 2013).

H. Haker, Ethik der genetischen Frühdiagnostik. Paderborn: mentis 2002, p. 186 ss., ainsi que, fondamentalement: J. Robertson, Children of choice: freedom and the new reproductive technologies. Princeton: Princeton University Press, 1994.

H. Haker, Ethik der genetischen Frühdiagnostik. Paderborn: mentis 2002, part. p. 61 à 100 et 245 à 302.

5279

ou contre un enfant ne se résume pas uniquement à une affaire privée et elle implique forcément d'autres domaines de la société.

1.3.1.5

DPI et eugénisme

Un des arguments de poids invoqué contre le DPI repose sur le reproche suivant: il s'agit là d'une pratique eugéniste, si bien qu'en l'autorisant, on se rendrait coupable d'une forme d'eugénisme. Dès lors, cet acte est à bannir sans même approfondir l'analyse.

A cet égard, les opposants au DPI font souvent référence à la politique eugéniste mise en oeuvre par le régime nazi, et plus particulièrement aux mesures prises par le pouvoir d'alors pour marginaliser, stériliser de force, voire éliminer les personnes souffrant d'une maladie héréditaire, en vue de favoriser la santé de «la race» allemande.

Toutefois, ce raisonnement se limite à une seule des contextualisations possibles de ce terme, alors même que son histoire est très ancienne ­ comme son étymologie grecque72 suffit à le rappeler ­ et qu'il a été utilisé jusqu'à aujourd'hui dans des contextes extrêmement variés, avec des nuances non moins significatives73. Si l'on entend se prononcer sur le caractère eugéniste du DPI et, au besoin, sur les conséquences à en tirer, il est donc indispensable dans un premier temps de définir clairement l'eugénisme.

Dans ce contexte, la première caractéristique qui semble être constitutive de ce terme est la dimension de sélection, qui veut que l'on choisisse certains éléments d'un groupe pour une raison qui leur est propre74. Notons que, dans l'essentiel des cas, cette sélection a pour but d'éradiquer une caractéristique génétique pour les générations suivantes («eugénisme négatif»), ou, plus rarement, d'en favoriser une («eugénisme positif»).

Dès lors qu'on ambitionne d'apprécier le caractère éthique de ce procédé, décrit à ce stade sans jugement de valeur, il convient de tenir compte notamment des aspects suivants: ­

72 73

74

Objet: qui ou que sélectionne-t-on? L'eugénisme nazi touchait presque exclusivement des enfants et des adultes, parce qu'ils étaient porteurs d'une caractéristique jugée inférieure ou indésirable. Dans d'autres cas, l'eugénisme visait le foetus, dans le cadre d'avortements forcés par exemple.

S'agissant des embryons, et en particulier des embryons in vitro, ils ne peuvent faire l'objet d'eugénisme que depuis que le progrès scientifique les a rendus visibles et accessibles.

«Eugénisme» se compose du préfixe eu, bien, et du substantif genos, lequel signifie ­ entre beaucoup d'autres choses ­ genre.

Cf. l'expertise rédigée par Daniela Demko et Kurt Seelmann à la demande de l'Office fédéral de la santé publique, Präimplantationsdiagnostik (PID) und Eugenik, Bâle 2013.

Disponible à l'adresse www.bag.admin.ch > Thèmes > Maladies et médecine > Procréation médicalement assistée > Prises de position et rapports (8 juin 2013).

Cf. également l'expertise rédigée par Daniela Demko et Kurt Seelmann à la demande de l'Office fédéral de la santé publique, Präimplantationsdiagnostik (PID) und Eugenik, Bâle 2013. Disponible à l'adresse www.bag.admin.ch > Thèmes > Maladies et médecine > Procréation médicalement assistée > Prises de position et rapports (8 juin 2013).

5280

­

Mesures: que fait-on de cette sélection? La barbarie de l'eugénisme nazi provient essentiellement du fait que les êtres sélectionnés étaient soumis à des mesures médicales coercitives massives, voire éliminés; certaines mesures eugéniques ont cependant pris ­ et prennent aujourd'hui encore ­ la forme de prestations ou de mesures de soutien d'ordre médical ou social. On pourrait ainsi imaginer faciliter l'accès à l'adoption pour les couples présentant une prédisposition génétique défavorable ou valoriser fiscalement leur décision de renoncer à donner naissance à des enfants. De nombreux degrés intermédiaires sont imaginables: des mesures d'information et de conseil (plus ou moins directives) à la pression propagandiste ou aux interdictions et commandements, en passant par des interventions médicales volontaires ou forcées.

­

Motif/but: pourquoi opère-t-on cette sélection? Un certain nombre d'aspects se fondent dans cette question, à commencer par celle-ci: à qui ou à quoi doivent profiter ces mesures eugéniques? Chez les nazis, c'était la «race», qui, de surcroît, était considérée comme étant supérieure à d'autres. Figuraient en outre sur la liste des bénéficiaires l'humanité toute entière, la nation, la société, la classe ou la couche sociale, l'économie, mais également la famille ou la lignée/le lignage (au sens de la dynastie) et, enfin, des individus. A noter que, selon ce raisonnement, la mesure peut viser concrètement le groupe ou l'individu, mais il peut également porter soit sur le patrimoine génétique en ce qu'il représente un potentiel pour l'avenir, l'objectif de la mesure pouvant se réaliser aujourd'hui ou demain. Dans la première hypothèse, cela peut aboutir à l'euthanasie humaine, comme ce fut le cas dans l'Allemagne nazie, dans la dernière, au conseil génétique aux personnes et couples présentant des prédispositions défavorables. Cette question va de pair avec une autre: qu'est-ce qui sous-tend l'eugénisme? Une visée thérapeutique, soit le souhait d'éviter un processus dégénératif, ou l'amélioration de l'existant?

­

Acteurs: qui (personne ou entité) fait de l'eugénisme? Comment cela se passe-t-il? La décision de sélection peut être prise ou favorisée par des individus (eugénisme «doux») ou par des institutions dirigeantes (autorités publiques p. ex., eugénisme «interventionniste»). De plus, les décisions individuelles prises en apparence librement peuvent, en raison de facteurs déterminants (contingentés ou placés à dessein)75, s'inscrire dans un modèle à un niveau collectif. Interrogation qui en appelle une autre: à quel point la sélection estelle intentionnelle?

On pourrait naturellement trouver ou imaginer un exemple pour la combinaison de chacun de ces aspects. En revanche, du point de vue éthique, une autre réflexion semble s'imposer: examiner si absolument toutes les formes concevables d'eugénisme doivent être condamnées ou si certaines pratiques eugénistes peuvent se justifier sous certaines conditions. Or, la balance penche vers ce deuxième postulat: aujourd'hui déjà, certaines des pratiques exercées tombent sous pareille acception large du terme d'eugénisme tout en obéissant au cadre légal. Ainsi, l'interruption volontaire de grossesse n'est pas punissable et rencontre la compréhension lorsque la 75

On entend ici parler de «dispositif» au sens où l'entend Michel Foucault. Cf. Ute Kalender: Körper von Wert. Eine kritische Analyse der bioethischen Diskurse über die Stammzellforschung. Bielefeld: transcript 2012 (en allemand).

5281

femme enceinte invoque, par exemple, l'état de détresse profonde dans lequel elle se trouve en raison d'une malformation génétique ou autre constatée chez l'enfant à naître. Cet acte est encore moins contesté dans le cas où la poursuite de la grossesse peut entraîner de graves dommages physiques pour la mère.

Dès lors, quelles sont les pratiques eugénistes qui ne peuvent se justifier? Sans aucun doute celles: ­

qui méprisent le droit à l'autodétermination de la personne concernée;

­

qui reposent sur des motifs illicites et criminels, sachant que lorsque les mesures prétéritent un individu, on ne saurait tolérer des motifs subordonnant entièrement les intérêts vitaux d'individus à ceux de la collectivité.

On ne peut pour autant donner son blanc-seing aux pratiques eugénistes ne répondant pas à ces critères: elles doivent être examinées au cas par cas et peuvent éventuellement être justifiées au terme d'une pesée d'intérêts.

Dans ce contexte, le DPI tombe indubitablement dans la catégorie de l'eugénisme, puisqu'il s'agit de sélectionner des embryons in vitro dans le but d'éviter de transmettre certaines caractéristiques génétiques. Toutefois, cela ne veut pas encore dire grand-chose: reste en effet à préciser une série de caractéristiques et de circonstances de la pratique concrète. Le droit à l'autodétermination des sujets concernés est-il préservé? Les motifs sous-tendant la sélection représentent-ils des biens que la sélection d'embryons peut contrebalancer? Des efforts défendables sont-ils déployés pour prévenir des tendances non désirées? Ces questions visent à examiner si la réglementation concrète du DPI est assimilable à des formes condamnables et indésirables de l'eugénisme.

1.3.1.6

Synthèse

Pour la question de savoir si le DPI est admissible, des éléments essentiels de l'éthique individuelle et sociale interagissent. Des décisions fondamentales sur notre conception du monde sont en jeu, comme par exemple: à quel moment l'humain commence à exister. De telles questions religieuses et philosophiques ne peuvent être résolues par une décision scientifique objective parce qu'elles font appel à des valeurs fondamentales. C'est pourquoi il n'y a pas de consensus large dans notre société plurielle «post-traditionnelle», comme le montrent les débats contradictoires dans le public et au Parlement, en Suisse comme à l'étranger, indépendamment de la couleur politique ou idéologique.

1.3.2

Arguments pour et contre les objectifs poursuivis par le DPI

Si on approuve l'«instrument» DPI, on se demande à quelles fins et de quelle manière il doit être appliqué. Du point de vue éthique, il convient de distinguer les objectifs suivants76:

76

Vu l'angle différent sous lequel ces aspects sont abordés, cet ordre ne doit pas coïncider avec celui valable du point de vue des sciences naturelles et du droit.

5282

1.

DPI pour dépister des maladies héréditaires;

2.

DPI pour des couples stériles ou des femmes d'un âge avancé;

3.

DPI pour sélectionner les embryons immunocompatibles («bébé sauveur»);

4.

DPI pour sélectionner des caractéristiques génétiques quelconques, sans lien avec une maladie;

5.

DPI pour la sélection positive d'une anomalie génétique.

Il résulte de toutes ces possibilités d'application différentes questions sur le plan éthique. C'est pourquoi elles sont prises en considération individuellement dans ce qui suit.

1.3.2.1

DPI pour dépister des maladies héréditaires

Le cas dans lequel le couple concerné sait que l'un d'entre eux est porteur ou que les deux sont porteurs d'une prédisposition à une maladie déterminée d'origine génétique, est caractéristique d'un DPI. Les intéressés ont connaissance de leur état parce que des tests génétiques ciblés ont été réalisés, parce que cette maladie est déjà apparue dans leur famille que le couple a déjà un enfant chez qui la maladie a été diagnostiquée. S'ils souhaitent (de nouveau) mettre au monde un enfant, il faut s'attendre à ce que ce dernier ait (également) cette prédisposition et tombe malade ­ une situation que les parents peuvent percevoir comme accablante et comme un dilemme77. Dans cette situation, le DPI offre la possibilité de développer des embryons in vitro et d'examiner s'ils présentent la caractéristique de la maladie avant la grossesse. La question éthique relative au DPI est alors de déterminer si l'intérêt du couple concerné de mettre au monde un enfant qui ne soit pas porteur de la caractéristique génétique concernée du point de vue sanitaire est plus grand que les risques et inconvénients liés au DPI.

Inconvénients et risques Outre les inconvénients et les risques invoqués à titre général contre le DPI (ch. 1.3.1), il faut également considérer les suivants lorsqu'il s'agit de dépister des maladies héréditaires:

77

78

­

On craint que l'admission du DPI soit utilisée comme un moyen de pression psychologique sur les futurs parents, afin qu'ils fassent contrôler la procréation par des médecins. L'autorisation des procédés de sélection conduirait à un «eugénisme doux» volontaire, au sens d'une discrimination des personnes handicapées mais aussi des couples qui ont sciemment décidé de garder l'enfant handicapé (cf. ch. 1.3.1 DPI et eugénisme)78.

­

On craint que la distance physique et émotionnelle entre les embryons et la mère potentielle, respectivement les parents potentiels, inhérente à la FIV, ainsi que la technicisation du procédé puissent conduire à un automatisme Les auteurs critiques remettent en question ce conflit intérieur et montrent des alternatives qu'ils estiment de même valeur, notamment le fait de renoncer à avoir son propre enfant et l'adoption. Cf. H. Haker, Ethik der genetischen Frühdiagnostik. Sozialethische Reflexionen zur Verantwortung am Beginn menschlichen Lebens. Paderborn: mentis 2002, en particulier p. 242 s.

Cf. NEK-CNE, Diagnostic préimplantatoire, prise de position no 10/2005, p. 28.

5283

dans la décision de sélection, au détriment de l'enfant malade ou handicapé79.

Il convient de faire une distinction entre les risques et les inconvénients qui découlent nécessairement du procédé ­ blessures causées aux embryons ou leur rejet ­ et ceux qui peuvent probablement apparaître et que des mesures appropriées permettent de contrer. La question de l'intégration dans la société et de la non-discrimination des personnes handicapées ne dépend certainement pas uniquement de l'autorisation ou de l'interdiction du DPI. En outre, la plupart des cas de maladie ou de handicap dans la société ne sont pas d'origine purement génétique et ne pourraient donc pas être dépistés au moyen d'un DPI. L'influence du DPI sur la perception des personnes concernées s'en trouverait peut-être amoindrie.

Avantages Pour ce qui est des avantages, il importe de prendre en considération ce qui suit:

79 80

81

­

Les parents peuvent satisfaire leur désir de mettre au monde un enfant sans avoir à craindre d'être dépassés si l'enfant souffre d'une maladie génétique80. Vu sous cet angle, les parents sont également les principaux bénéficiaires de ce procédé. Celui-ci ne doit pas être appliqué pour épargner à l'enfant une vie intolérable; ceci impliquerait d'émettre un jugement problématique sur la valeur ou la non-valeur de cette vie. A fortiori, le DPI ne doit pas être réalisé dans l'intérêt de tiers81.

­

Le procédé préserve le couple concerné et particulièrement la femme d'une «grossesse à l'essai» pour ainsi dire et leur évite d'avoir à prendre, après un diagnostic prénatal, la très douloureuse décision d'interrompre la grossesse.

­

Enfin, on avance entre autres l'argument selon lequel les DPI permettent de prévenir les handicaps et les maladies, ce qui représente un avantage souhaitable. Cependant, il convient de souligner que cette technique ne peut prévenir ni les maladies ni les handicaps. Elle permet seulement d'empêcher la naissance d'individus atteints d'une maladie ou d'un handicap. Le choix se fonde sur une décision: vaut-il mieux vivre avec un handicap ou une maladie, ou ne pas vivre du tout?

Cf. NEK-CNE, Diagnostic préimplantatoire, prise de position no 10/2005, p. 41.

C'est en ce sens que l'«Initiative Désir d'Enfant», qui est une organisation de patients composée de et pour des couples atteints de troubles de la fertilité, se prononce en faveur de l'admission du DPI dans les cas de maladies graves et incurables; www.kinderwunsch.ch/wir/index.html (16.09.2010).

Les auteurs critiques contestent ceci: «Die Frage ist jedoch, ob die Präimplantationsdiagnostik tatsächlich als Antwort auf ein artikuliertes Bedürfnis entwickelt wurde, oder ob es sich bei dem Verfahren um eine Art von spin off der modernen Reproduktionsmedizin und Genetik handelt, das sich seine Klienten erst suchen und seinen Anwendungsbereich erst schaffen muss. Obwohl zahlreiche Paare, für deren Kinder ein Erbkrankheitsrisiko besteht, das neue Untersuchungsverfahren begrüssen, stützen verschiedene Beobachtungen die zuletzt genannte Vermutung.» R. Kollek, Präimplantationsdiagnostik.

Embryonenselektion, weibliche Autonomie und Recht. Tübingen, Bâle: Francke 2000, not. p. 145.

5284

Autres critères de décision Cependant, la confrontation abstraite des risques et des avantages ne suffit pas à évaluer, de manière exhaustive et d'un point de vue éthique, le DPI réalisé dans le but de dépister des maladies génétiques. De plus, il importe d'intégrer dans la réflexion des paramètres déterminés, qui influencent le procédé dans le cas concret: ­

Avec quelle précision doit-on prouver la disposition génétique pour une maladie héréditaire chez le couple concerné?

­

Quel doit être le risque que la disposition soit effectivement transmise?

­

Quel doit être le risque que la disposition génétique héritée conduise réellement à la déclaration de la maladie? Le fait que le risque soit faible ou inconnu suffit-il? Dans ce contexte, on doit en outre décider si le simple statut de porteur, qui pourrait, au plus, transmettre la maladie à une génération ultérieure, légitime la réalisation de DPI.

­

Par ailleurs, il importe de tenir compte de l'âge présumé auquel la maladie se déclarera. Même si les parents savent déjà que leur enfant aura une disposition à une maladie héréditaire et que cela peut être lourd pour eux, il existe une différence entre le fait de souffrir pendant sa vie uniquement parce que l'on sait que la maladie peut se déclarer ultérieurement et celui d'être déjà confrontés aux conséquences pratiques de la maladie.

­

Il faut également examiner si des thérapies sont disponibles pour cette maladie, et si oui, lesquelles exactement.

­

Dans ce contexte et en fonction de l'évolution de la maladie, il est important de savoir dans quelle mesure les parents peuvent recourir à l'aide du réseau social.

Eu égard à tous ces paramètres, il faut prendre position sur le cas concret lors de la prise de décision pour ou contre un DPI. En effet, prendre une décision se révèle facile dans les cas extrêmes: s'il n'existe pratiquement aucun risque de transmission ni de déclaration de la maladie et que celle-ci est, de surcroît, curable, il n'y a pas lieu de se soumettre à un DPI et de subir les tracas et les inconvénients qui lui sont inhérents. Dans d'autres cas, la pesée des intérêts est bien plus difficile. Par conséquent, il incombe nécessairement à l'évaluation éthique de définir les valeurs-seuil valables pour tous les paramètres de ce procédé.

1.3.2.2

DPI pour des couples stériles ou des couples fertiles d'un âge avancé

A première vue, on retrouve ici certains des risques et des bénéfices possibles que présente le DPI servant à dépister des maladies génétiques: d'un côté la mise en danger des embryons par la dissociation des cellules et leur sélection, la production démultipliée d'embryons surnuméraires et le risque de céder à un automatisme de la destruction; de l'autre côté, la possibilité offerte aux parents de réaliser leur désir de mettre au monde un enfant en bonne santé en s'épargnant une «grossesse à l'essai» et d'éviter la naissance d'enfants porteurs de handicaps donnés, ce qui les préserve d'une charge qu'ils ne se sentiraient pas de taille à assumer.

5285

En regardant de plus près, on constate cependant en particulier les différences suivantes: ­

L'objectif de l'examen n'est pas de vérifier s'il existe une mutation unique au niveau de l'ADN, ayant pour conséquence une maladie déterminée. Bien au contraire, il s'agit de dépister des aneuploïdies au niveau des chromosomes. C'est pourquoi ce procédé porte le nom de «dépistage des aneuploïdies» (PGS, voir ch. 1.2.4 DPI pour des couples stériles ou des couples fertiles d'un âge avancé).

­

Le procédé ne vise pas à aider les parents fertiles à mettre au monde un enfant sans transmettre une maladie héréditaire. Dans les trois domaines d'application (femmes d'un âge avancé, femmes ayant fait de nombreuses fausses couches ou chez lesquelles la nidation a échoué à plusieurs reprises), l'objectif consiste, bien au contraire, à éviter les aneuploïdies. Ce procédé sert tant à atteindre l'objectif de mettre un enfant au monde, dans la mesure où le tri des embryons endommagés augmente les chances de réussite du procédé de procréation médicalement assistée, qu'à prévenir la naissance d'un enfant handicapé en raison d'une aberration chromosomique (p. ex., trisomie 21).

Une série de chromosomes sélectionnés (13, 15, 16, 17, 18, 21, 22, X, Y; cf. fin du ch. 1.2.4 Dépistage de maladies d'origine génétique) sont tout d'abord examinés dans le cadre du diagnostic chromosomique. Ensuite, tous les embryons présentant une divergence quelconque sont en principe rejetés. Toutefois, il convient de souligner que, s'agissant de ces chromosomes, les conséquences d'une aneuploïdie peuvent être très différentes tant pour les chances de réussite d'une grossesse que pour la santé de l'enfant. En ce qui concerne l'évaluation éthique, la question d'une délimitation entre les résultats graves et les résultats insignifiants, se pose donc.

Nombre de trisomies entraînent ainsi une fausse couche ou la mise au monde d'un enfant mort-né; retirer ces embryons en amont vise précisément à éviter ces épreuves, ce qui est d'ailleurs un des objectifs principaux de cette intervention. En revanche, les polysomies des chromosomes sexuels X et Y n'ont pas d'influence sur l'espérance de vie. Bien souvent des personnes atteintes du syndrome de Klinefelter ou du triple X, par exemple, ne sont même pas reconnues comme telles. Si l'on prenait en compte la charge considérable pour les parents, les résultats chromosomiques devraient être évalués selon les mêmes critères que ceux devant s'appliquer aux maladies monogéniques. Il serait néanmoins quasiment impossible, en pratique, d'exiger pareille différenciation. Par ailleurs, il semble que la question de savoir dans quelle mesure le statut chromosomique à ce stade précoce est éloquent pour le développement ultérieur, n'est pas clarifiée de manière exhaustive sur le plan médical. Mise à part le mosaïcisme, existe-t-il, éventuellement, des «mécanismes de réparation» susceptibles de corriger des anomalies déterminées au cours du développement ultérieur?

Si le PGS doit, en premier lieu, être réalisé afin d'améliorer les chances de succès de la procréation médicalement assistée ­ ce que l'état actuel des connaissances ne permet pas de mettre en évidence de façon probante ­, les résultats devraient être différenciés quant à la vitalité des embryons présentant un défaut génétique. S'il devait, un jour, être possible d'améliorer ces chances de succès, il faudrait, de nouveau, définir des valeurs-seuil: quels taux de réussite peuvent justifier le tri d'embryons porteurs d'un défaut chromosomique, et quel doit être le défaut?

5286

Toutefois, un renversement hautement significatif sur le plan éthique (par rapport au DPI pour dépister des maladies génétiques) se produit ici: on passe de l'exclusion d'embryons déterminés en raison d'une prédisposition déterminée et unique à une maladie à une exclusion forfaitaire de tous les embryons ne correspondant pas entièrement à une norme définie, même s'il existe parmi eux des divergences dont le statut est du moins douteux, comme dans le cas d'aberrations portant sur les chromosomes sexuels cité plus haut82. Pris sous cet angle, le PGS fait craindre que, s'agissant des constitutions génétiques possibles, le champ des pathologies ne soit considérablement élargi de manière implicite et cachée. La NEK-CNE s'exprime en faveur des DPI «pour les couples qui ont recours à la FIV pour cause de stérilité», sans autres explications ni justifications83.

1.3.2.3

DPI dans le but de sélectionner des embryons immunocompatibles («bébé sauveur»)

Avantages L'objectif d'un DPI dans le but de sélectionner les embryons immunocompatibles est tout d'abord de sauver la vie d'un être humain déjà né ou, du moins, d'améliorer sa qualité de vie (cf. ch. 1.2.4 DPI dans le but de sélectionner les embryons immunocompatibles), ce qui améliore également celle des parents et, partant, de toute la famille. Les parents obtiennent, parallèlement, un deuxième enfant. C'est pourquoi on emploie aussi l'expression «bébé double espoir».

Inconvénients et risques S'agissant des risques et des inconvénients, il convient tout d'abord, d'un point de vue éthique, de mentionner une éventuelle instrumentalisation de l'enfant donneur.

Dans ce cas, la possibilité d'un don ultérieur fait, sans nul doute, déjà partie intégrante des raisons et des motivations liées au désir de mettre au monde un enfant. Ce faisant, il semble, d'emblée, totalement aberrant et irréaliste de partir de l'hypothèse que cette possibilité puisse être l'unique motif de mettre au monde l'enfant et qu'après le don, celui-ci perde toute raison d'être pour ses parents. En outre, le fait que toute une série de motivations peuvent, sciemment ou non, entrer en ligne de compte dans la décision d'avoir un enfant, devrait être une expérience quotidienne.

Cependant, on redoute que, sur le plan psychologique, des charges et des atteintes puissent se développer lorsque le deuxième enfant a clairement été conçu pour aider un autre enfant.

Par ailleurs, il convient de mentionner que des embryons entièrement sains et viables sont rejetés dans le cadre d'un procédé de cette nature et ce, uniquement parce qu'ils possèdent les «mauvaises» caractéristiques tissulaires.

Enfin, une série de paramètres devraient être pris en considération dans ce cas: ­

82

83

où la limite des maladies devant être traitées par thérapie se situe-t-elle (maladie mortelle, chronique, grave, etc.)?

Cf. dans ce contexte également la prise de position de la NEK-CNE «Attitude à adopter face aux variations du développement sexuel. Questions éthiques sur l'intersexualité» (prise de position 20/2012).

C. prise de position de la NEK-CNE 10/2005, p. 51.

5287

­

quelles cellules et quels tissus transmissibles doivent être prélevés (cellules souches hématopoïétiques, organes pairs, etc.)?

Des voix critiques craignent des tendances à l'extension dans ces domaines également. Cependant, les partisans de ce procédé rétorquent qu'on peut prendre une décision sur ces questions et les régler de manière sûre de sorte à contrer efficacement les conséquences non souhaitées (cf. aussi la position de la NEK-CNE, ch. 1.3.4). La loi du 8 octobre 2004 sur la transplantation (RS 810.21) règle de manière exhaustive quels organes, tissus et cellules peuvent être transplantés.

1.3.2.4

DPI dans le but de choisir des caractéristiques quelconques, sans lien avec une maladie

Avantages L'avantage de sélectionner des embryons selon une caractéristique définie, sans lien avec une maladie, réside presque uniquement dans la concrétisation des souhaits individuels des parents en la matière. La question de savoir si l'enfant ainsi déterminé a aussi un avantage à satisfaire, de manière particulière, les souhaits de ses parents, suscite des controverses.

Inconvénients et risques D'une part, il convient là aussi de souligner que ce procédé implique le rejet d'embryons sains. D'autre part, on redoute que le fait de lier l'amour parental à des caractéristiques déterminées puisse avoir des conséquences considérables, non seulement psychologiques, sur l'enfant mais aussi des répercussions graves sur la famille en tant qu'institution. Au sujet du débat sur l'eugénisme (cf. ch. 1.3.1 DPI et eugénisme), relevons que réaliser un DPI dans le but de choisir des caractéristiques quelconques, sans lien avec la maladie, ne satisfait pas à l'exigence imposant d'avancer des motifs valables et qu'il s'agit clairement d'une forme d'eugénisme indésirable.

1.3.2.5

DPI dans le but de choisir de manière ciblée une caractéristique habituellement qualifiée de pathologique

Avantages On considère que ce procédé présente principalement l'avantage de permettre au couple concerné marqué par une situation de vie déterminée, liée à un handicap physique (p. ex., la surdité, cf. ch. 1.2.4 DPI dans le but d'une sélection positive d'une anomalie d'origine génétique), d'avoir un enfant qui pourra vivre dans les mêmes conditions qu'eux, tout comme des groupes culturels précis ont le droit de transmettre leurs traditions à leurs enfants. En revanche, rejeter une telle possibilité impliquerait de stigmatiser ces conditions de vie en les présentant comme un déficit et de priver les personnes concernées de la pleine égalité.

Inconvénients et risques Des embryons sains sont également rejetés dans le cadre de ce procédé. De plus, des questions relatives à ce qui est humainement «normal», au «handicap» et à la protection des droits des minorités, sur lesquelles il est très difficile de prendre une déci5288

sion, se mêlent à cette discussion. Les critiques portent principalement sur le fait que la limite du pouvoir décisionnaire des parents sur le destin de leurs enfants est franchie de manière inacceptable.

1.3.3

Conditions-cadre posées à la réalisation d'un DPI

Après la présentation des différents objectifs du DPI, il convient maintenant de se pencher sur les conditions accompagnatrices, liées à la technique, sur lesquelles la réglementation DPI met en plus l'accent, à savoir la question de la limitation du nombre d'embryons produits dans le cadre d'un DPI ainsi que celle ayant trait à une éventuelle cryoconservation.

Le DPI vise à sélectionner des embryons en fonction d'une caractéristique génétique déterminée. Tant les lois de la nature que les expériences réalisées à l'étranger révèlent que la concrétisation de cet objectif nécessite le plus grand nombre d'embryons possible. Toutefois, cette forme d'application du DPI, c'est-à-dire la fécondation simultanée de tous les ovules disponibles, implique qu'il reste, isolément, des embryons sains, susceptibles d'être transférés. Ils peuvent également être congelés pour tenter ultérieurement d'induire une grossesse (cf. ch. 1.2.3 Transfert d'embryons et cryoconservation). Outre ceux-ci, il faut prendre en considération les embryons porteurs de la caractéristique génétique indésirable et qui ne peuvent donc pas être transférés.

Sous l'angle éthique, il importe tout d'abord de souligner que la légitimité d'un objectif devant être atteint dépend toujours de la légitimité des moyens nécessaires pour le concrétiser. Aussi la question est-elle la suivante: Comment les modifications des conditions-cadre influencent-elles le bilan utilité-risques? Dans ce contexte, il serait également possible que ces modifications détériorent ce bilan de telle sorte que le procédé ne puisse plus être appliqué de manière légitime. D'un point de vue éthique, on ne peut pas obliger quelqu'un qui s'est décidé pour un procédé, à recourir ensuite à tous les moyens à disposition. La NEK-CNE ne partage pas cette opinion. Elle plaide en faveur d'une «solution cohérente, permettant de traiter dans de bonnes conditions»84.

Renoncer à une limite supérieure (basse) du nombre d'embryons produits implique les avantages ci-dessous: ­

la probabilité que le procédé aboutisse à la conception de l'enfant désiré, augmente fortement.

­

La probabilité que le premier cycle de traitement réussisse et que, par conséquent, les charges médicales, psychiques et financières que la femme ou le couple doit supporter en moyenne, diminuent, augmente également.

En revanche, les inconvénients sont les suivants: ­

84

Le nombre d'embryons qu'il reste, au moins provisoirement, lors du processus de procréation médicalement assistée, enregistre une hausse. De plus, il convient de dégager de ce phénomène une différence qualitative, à savoir que ces embryons «surnuméraires» ne se développent plus dans des cas exceptionnels uniquement (p. ex. lors d'un renoncement à la procréation Diagnostic préimplantatoire II, prise de position no 14/2007, p. 15.

5289

médicalement assistée) mais qu'on s'en accommode conformément au plan.

Il en résulte inéluctablement une augmentation du nombre d'embryons qui ne peuvent plus être utilisés et qui doivent faire l'objet d'une décision quant à leur sort; une tendance qui peut être considérée comme douteuse et non souhaitée d'un point de vue éthique et qui se renforce actuellement.

­

On peut également craindre là aussi que ce procédé et l'augmentation du nombre d'embryons conservés qui en découle fassent reculer les blocages et que l'on estime normal d'utiliser les embryons humains comme de la «matière première» servant à atteindre des objectifs déterminés et, peut-être même, répréhensibles. Ce constat conduit notamment à la question de savoir si une inversion de la tendance au moyen d'une réglementation offre des possibilités et, si tel est le cas, lesquelles.

Dans ce contexte, il importe d'aborder le thème de la cryoconservation, qui est, du point de vue de la logique du processus, étroitement lié à la question du nombre d'ovules à féconder. La cryoconservation permet, d'une part, de maintenir en vie des embryons qu'on aurait sinon dû laisser mourir85. Bien qu'il existe, en théorie, la possibilité de faire don de ces embryons surnuméraires à d'autres femmes, il n'en est pas question ici puisque le droit en vigueur interdit ce type de dons et que la présente révision n'apportera aucune modification en ce sens. Cependant, la cryoconservation peut, d'autre part, renforcer les craintes de voir les embryons humains réduits à du matériel que l'on stocke, que l'on utilise éventuellement pour un commerce ultérieur et dont on fait, finalement, une utilisation abusive à des fins répréhensibles. De surcroît, il convient de ne pas perdre de vue dans quelle mesure la cryoconservation va de pair avec un endommagement de l'embryon. Des questions afférentes entre autres à la durée de conservation, aux conditions concrètes de stockage, à la transmission à des tiers y sont associées. La majorité des membres de la NEK-CNE estiment qu'il n'existe aucune raison éthique pouvant justifier une interdiction de la cryoconservation 86.

Pour résumer, il importe de mentionner que, d'un côté, on redoute que l'accroissement du nombre d'embryons produits pour la sélection et la possibilité de les cryoconserver ouvrent la voie à une technicisation et à une dénaturation de la procréation médicalement assistée et encouragent les futurs parents à se détacher de leurs enfants à une phase très précoce de leur développement. D'un autre côté, il faut préciser que les perspectives de réussite des DPI s'améliorent considérablement, diminuant d'autant la charge pour les parents concernés.

1.3.4

La position de la NEK-CNE

La Commission nationale d'éthique pour la médecine humaine a la compétence particulière de prendre position sur des questions délicates et controversées dans le domaine de l'éthique médicale. Elle a pris position pour la première fois sur la problématique du DPI, de manière détaillée, dans le rapport no 10/2005 «Diagnostic préimplantatoire», après d'intenses délibérations. Dans ce cadre, une minorité préconisait le maintien de l'interdiction, notamment parce que la sélection effectuée 85 86

La NEK-CNE souligne également ce fait; Diagnostic préimplantatoire II, prise de position no 14/2007, p. 16.

Diagnostic préimplantatoire II, prise de position no 14/2007, p. 16.

5290

après un DPI représente une instrumentalisation choquante de l'embryon et porte de ce fait atteinte à la dignité humaine. De plus, elle craint des effets imprévisibles dans le domaine de la procréation médicalement assistée et de la recherche sur les embryons, particulièrement parce que les limites nécessaires entre les utilisations légitimes et abusives de la technique semblent impossibles à tracer. Finalement, la minorité de la commission craint des effets secondaires discriminatoires pour les personnes malades ou handicapées.

Par contre, la majorité, tout en reconnaissant ces risques, ne les estime pas suffisamment graves et incontrôlables pour justifier une interdiction. A la place d'une interdiction, elle préconise «une réglementation différenciée qui fait dépendre la possibilité du DPI de certaines indications et qui en interdit la pratique en dehors de ces indications. Celles-ci doivent, dans un sens restrictif, viser l'évitement de maladies ou de handicaps graves et menaçants, au bénéfice de l'être en devenir luimême»87. Outre celles-ci, le DPI doit également être proposé aux «couples qui ont recours à la FIV pour cause de stérilité». Par contre, l'interdiction du DPI doit être maintenue pour la prévention du simple statut de porteur, c'est-à-dire pour les cas dans lesquels la prédisposition génétique ne conduira pas à la manifestation de la maladie. Elle doit aussi être maintenue pour la détection de caractéristiques sans lien avec une maladie et pour le choix d'embryons immunocompatibles. Par ailleurs, la commission préconise d'offrir un conseil complet aux couples concernés afin de protéger leur droit à l'autodétermination et de leur présenter des alternatives. Finalement, elle préconise une évaluation scientifique du DPI dans le but d'analyser ses effets à long terme sur les enfants conçus de cette manière et sur la société.

La NEK-CNE a précisé et parfois modifié son point de vue dans une deuxième prise de position88. Il y a toujours une minorité qui refuse le DPI en totalité et une majorité qui plaide son admission dans les buts de prévenir une maladie grave et de traiter la stérilité. La NEK-CNE préconise d'abolir la fameuse règle des trois (cf. ch. 1.4.2 Procédure de consultation, 1.6.2 et commentaire concernant l'art. 17) l'interdiction de la congélation des embryons. Dans sa
deuxième prise de position, la commission est divisée sur la question de la sélection d'embryons immunocompatibles; environ la moitié des membres est pour cette indication, l'autre est contre. Alors que l'argument selon lequel une telle sélection porte atteinte à la dignité humaine parce que l'embryon est produit dans un but d'utilité dominait la discussion dans la première prise de position, la commission accorde plus de poids au sauvetage de la soeur ou du frère malade dans sa deuxième prise de position. Elle considère que les risques éthiques et le danger d'abus sont maîtrisables par des dispositions légales strictes en la matière.

1.3.5

La discussion sur le plan international

Force est de constater que les controverses sur le thème du DPI sont similaires dans tous les pays et que les questions centrales ou les arguments ne varient guère. On ne trouve de recettes-miracles nulle part. Le Conseil national d'éthique allemand qui conseille le gouvernement fédéral depuis 2003 a par exemple recommandé l'admis87 88

NEK-CNE, Diagnostic préimplantatoire, prise de position no 10/2005, p. 51 ss.

NEK-CNE, Diagnostic préimplantatoire (DPI) II, Questions spécifiques sur la réglementation légale et le typage HLA, no 14/2007.

5291

sion du DPI (moyennant conditions), alors qu'auparavant, la Commission d'enquête «Droit et éthique de la médecine moderne» du Bundestag allemand avait préconisé le maintien de l'interdiction. Dans les deux commissions, des minorités fortes ont toutefois préconisé le contraire89. Entre-temps, le Conseil d'éthique s'est à nouveau penché sur le sujet et a rappelé et précisé son point de vue dans une nouvelle prise de position90. Dans sa prise de position de 200491, la Commission autrichienne de bioéthique du Bundeskanzleramt s'est exprimée en faveur d'une admission restreinte du DPI, avant de renforcer sa position en 2012 et d'exiger que le DPI avec typage HLA soit également autorisé. A l'inverse, le Comité Consultatif National français d'Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé s'est abstenu de faire une recommandation explicite92. En 2009, celui-ci s'est à nouveau saisi de cette problématique et estimé qu'il n'était pas nécessaire de réviser le droit français93. En 2006, le Conseil de santé néerlandais a préconisé une large admission du DPI, y compris, dans certains cas, dans le but d'un typage HLA («bébé sauveur»)94. Le Conseil national d'éthique médicale suédois arrive aussi à la conclusion: «that the use of the PGD technique should be allowed on a somewhat larger scale than what is permitted in the current guidelines»95.

Il faut relever que des pays comme la Belgique ou la Finlande accordent moins d'importance sur le plan éthique à la thématique que des pays comme l'Allemagne ou la France. Aux Etats-Unis, il y a un grand contraste entre une pratique très libérale et un débat éthico-scientifique principalement préoccupé par la limitation de l'autonomie de la personne dans le domaine de la procréation, avec une position très critique des milieux chrétiens conservateurs. On observe les mêmes divergences d'opinion entre les partisans et les opposants dans le monde musulman. Dans certains pays, ceci conduit à des recommandations religieuses très différentes de la réglementation étatique. La même constatation peut être faite en Asie orientale. Le

89

90 91 92

93

94 95

www.ethikrat.org > Archiv > Nationaler Ethikrat > Stellungnahmen > Genetische Diagnostik vor und während der Schwangerschaft (consulté le 10 janvier 2013), p. 75.

Rapport de la Commission d'enquête sous: www.ethikrat.org > Archiv > EnqueteKommissionen > Berichte > Schlussbericht der Enquete-Kommission «Recht und Ethik der modernen Medizin» (consulté le 10 janvier 2013).

www.ethikrat.org > Publikationen > Stellungnahmen > Präimplantationsdiagnostik (consulté le 10 janvier 2013).

www.bka.gv.at > Fachinhalte > Bioethik > Empfehlungen > Präimplantationsdiagnostik (PID) ­ Bericht der Bioethikkommission (consulté le 10 janvier 2013), p. 47 à 48.

«Il n'est pas dans les intentions du CCNE d'ériger dans ce domaine une doctrine censurante ou permissive qui pourrait toujours être remise en question par les données scientifiques nouvelles, mais plutôt de faire prendre conscience de la gravité des enjeux majeurs (...)». Réflexions sur l'extension du diagnostic préimplantatoire, Avis No 72 ­ 4 juillet 2002, p. 13. Accessible sur www.ccne-ethique.fr > Publications > Les avis > No 72 (consulté le 10 janvier 2013).

«Le CCNE estime que la loi relative à la bioéthique concernant le diagnostic prénatal (DPN) et le diagnostic préimplantatoire (DPI) fournit un cadre juridique globalement satisfaisant et n'appelle pas de remise en cause majeure.» Avis No 107 ­ 15 octobre 2009, p. 26. Disponible à l'adresse http://www.ccne-ethique.fr > Publications > Les avis > No 107 Avis sur les problèmes éthiques liés aux diagnostic anténatals: le diagnostic prénatal (DNP) et le diagnostic préimplantatoire (DPI) (consulté le 10 janvier 2013).

www.gezondheidsraad.nl/sites/default/files/sammary%20PGDS.pdf (consulté le 10 janvier 2013).

www.smer.se/wp-content/uploads/2012/04/Statement-of-opinion-on-pre-implantationgenetic-diagnosis.pdf (consulté le 10 janvier 2013).

5292

judaïsme et Israël sont moins opposés aux possibilités offertes par la procréation médicalement assistée, même si des débats contradictoires y sont aussi menés96.

1.4

La procédure liminaire

1.4.1

Mandat du Parlement

En 2005, les deux Chambres ont adopté une motion de la CCSEC-N qui chargeait le Conseil fédéral d'élaborer une réglementation légale visant à admettre le DPI (cf.

ch. 1.1). Un groupe de travail interne à l'administration a rédigé, par la suite, un premier avant-projet (avant-projet 2009)97.

1.4.2

Avant-projet 2009

1.4.2.1

Teneur

L'avant-projet 2009 autorisait ­ en préservant les conditions-cadre constitutionnelles restrictives de l'art. 119 Cst. ­ la réalisation des DPI à des conditions strictes. Les principes de la réglementation étaient les suivants: ­

Réglementation stricte des indications: un DPI ne peut être appliqué que si le danger concret que l'enfant souhaité soit porteur de la prédisposition génétique à une maladie grave, dépistée chez le couple concerné, ne peut pas être écarté d'une autre manière. La maladie doit se manifester avec une forte probabilité avant l'âge de 50 ans et il n'existe pas de thérapie efficace et appropriée. De plus, le couple concerné doit faire valoir auprès du médecin que la naissance d'un enfant souffrant d'une telle atteinte le placerait dans une situation intolérable.

Toutes les autres applications du DPI demeurent interdites sous peine de sanction: le DPI ne doit pas être réalisé pour dépister des aneuploïdies en cas de stérilité ou d'âge avancé de la mère; son utilisation dans le but de déterminer le type des tissus («bébé sauveur»), le sexe ou encore toute autre caractéristique génétique, sans lien avec une maladie grave, est interdite.

96 97

­

Conseils génétiques complets: les médecins prenant en charge le couple concerné sont tenus de lui dispenser des informations et des conseils génétiques circonstanciés au sujet de la maladie en question et de toutes les étapes du procédé de DPI ainsi que des alternatives.

­

Surveillance administrative stricte: le personnel médical et les institutions concernées sont soumis à une autorisation et à une obligation de déclaration, dans l'intérêt de la qualité et de la garantie d'une pratique conforme à la loi.

Les médecins souhaitant proposer le DPI doivent être au bénéfice d'une autorisation de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). En outre, les détenteurs de l'autorisation doivent déclarer à l'OFSP tous les procédés de DPI immédiatement après avoir reçu le consentement du couple concerné Cf. pour cette question NEK-CNE, Recherche sur les cellules souches embryonnaires, prise de position no 3/2002, p. 39 ss.

Motion 04.3439 Admission du diagnostic préimplantatoire.

5293

mais avant sa réalisation. Ils doivent mentionner l'indication. L'OFSP peut interdire la réalisation du DPI dans les 60 jours s'il ne satisfait pas aux conditions légales. Les tâches d'exécution qui incombaient jusqu'à présent aux cantons en matière de médecine de la procréation ne sont pas affectées par la révision de la loi.

­

Evaluation et recherche: la réglementation doit être évaluée en fonction des effets qu'elle peut avoir. Par ailleurs, la possibilité est donnée de soutenir des projets de recherche relatifs aux effets du DPI, par le biais de fonds publics de la Confédération.

­

Conditions-cadre restrictives: toutes les autres conditions-cadre, que la LPMA prévoit pour les procédés FIV, demeurent intactes. La règle des trois embryons et l'interdiction de la cryoconservation d'embryons, qui se fondent directement sur l'art. 119 Cst., sont maintenues.

1.4.2.2

Procédure de consultation

L'avant-projet 2009 a été envoyé aux milieux intéressés pour consultation. La procédure de consultation a duré du 19 février 2009 au 18 mai 200998.

Environ 80 % des 92 participants à la consultation ont approuvé le principe de l'autorisation du DPI. Près de 20 % des participants l'ont rejeté dans son ensemble.

Parmi les participants favorables à l'autorisation du DPI, 15 % approuvent le projet sans réserve. Le reste des partisans du DPI critiquent notamment le maintien de la règle des trois embryons et l'interdiction de la cryoconservation d'embryons.

Les résultats principaux étaient les suivants: Règle des trois embryons Près de la moitié des participants à la consultation ont souligné qu'un maintien de la règle des trois embryons rendait impossible la réalisation d'un DPI judicieux et correspondant aux standards actuels de la médecine, et ont donc exigé sa suppression. Les participants ont mentionné que le «tourisme» des candidats au DPI vers des pays plus libéraux en la matière ne disparaîtra pas tant que la législation maintiendra la règle des trois.

Cryoconservation des embryons Plus d'un tiers des participants à la consultation se sont exprimés en faveur de la suppression de l'interdiction de la cryoconservation d'embryons dans le cadre de procédés FIV avec DPI. Les embryons qui ne sont pas transférés immédiatement, devraient donc pouvoir être cryoconservés à des fins de procréation médicalement assistée. Dans ce contexte, les participants renvoient de nouveau aux standards actuels de la médecine et notamment aux eSET fréquemment réalisés à l'étranger (cf. ch. 1.2.3 Transfert d'embryons et cryoconservation). En outre, afin de réduire le nombre de grossesses multiples, des participants spécialistes ont exigé que l'eSET

98

Le rapport de consultation est disponible sur le site Internet des autorités fédérales sous www.admin.ch > Documentation > Législation > La procédure de consultations > Procédures de consultation et d'audition terminées > 2009 Département fédéral de l'intérieur.

5294

et/ou la cryoconservation d'embryons soient admis non seulement dans le cadre d'un DPI mais aussi dans celui d'une FIV sans DPI.

Surveillance administrative Près de la moitié des participants à la consultation ont exprimé une opinion critique quant à l'exécution de la réglementation du DPI. Une grande majorité d'entre eux s'opposent à ce que la déclaration soit rendue obligatoire pour chaque procédé de DPI en réservant à l'OFSP la possibilité d'interdire l'intervention au cas par cas dans les 60 jours suivant la réception de ladite déclaration. Ils estiment qu'une réglementation de cette nature est disproportionnée et inefficace et qu'elle implique une certaine défiance à l'encontre du corps médical. En outre, ils indiquent que l'OFSP n'est pas l'instance appropriée pour décider, au cas par cas, de la réalisation d'un DPI.

Indications Environ la moitié des participants à la consultation considèrent que les conditions d'autorisation du DPI sont trop restrictives. Certains demandent l'alignement de la réglementation relative au DPI sur celle du DPN. La réglementation du DPN interdit uniquement les examens prénataux qui ne concernent pas directement la santé de l'embryon. D'autres sont favorables à une extension modérée du champ d'application du DPI. Ils réclament notamment l'autorisation du DPI pour les couples stériles, l'autorisation du dépistage de l'aneuploïdie (p. ex., trisomie 21) chez les couples d'un certain âge ou l'autorisation du DPI dans le but de sélectionner des embryons immunocompatibles («bébé sauveur»).

1.4.3

Remaniement de l'avant-projet 2009

Le Conseil fédéral a pris acte des résultats de la consultation le 26 mai 2010. En se fondant sur ces résultats, il a décidé de procéder aux adaptations suivantes: ­

Adaptation de la règle des trois embryons: pour les procédés avec DPI, il peut être dérogé à la règle selon laquelle trois embryons au plus peuvent être développés par cycle (cf. les commentaires concernant l'art. 119, al. 2, let. c, Cst. et l'art. 17).

­

Suppression de l'interdiction de la cryoconservation des embryons: l'interdiction de la cryoconservation des embryons est abrogée pour tous les procédés FIV (cf. les commentaires concernant l'art. 119, al. 2, let. c, Cst. et l'art. 16).

­

Surveillance administrative stricte: les modalités proposées en matière de surveillance administrative seront examinées et adaptées si besoin est.

Les modifications du projet concernant la dérogation à la règle des trois embryons et la suppression de l'interdiction de la cryoconservation d'embryons nécessitaient une adaptation de l'art. 119, al. 2, let. c, Cst. (cf. les commentaires concernant l'art. 119, al. 2, let. c, Cst., et les paragraphes du ch. 5.1.1 portant sur les indications admises et les conditions-cadre). Un deuxième avant-projet (avant-projet 2011) a donc été élaboré et une nouvelle procédure de consultation organisée.

5295

1.4.4

Avant-projet 2011

1.4.4.1

Teneur

Art. 119 Cst.

Le dernier segment de la phrase de l'art. 119, al. 2, Cst. indique que ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu'au stade d'embryon que le nombre d'ovules humains pouvant être immédiatement implantés. Ce segment de phrase doit être modifié afin d'augmenter ce nombre pour le DPI et d'améliorer les conditions initiales pour le procédé (cf. les commentaires concernant l'art. 119, al. 2, let. c, Cst., et les paragraphes du ch. 5.1.1 portant sur les indications admises et les conditionscadre). L'avant-projet 2011 prévoyait de reformuler ce segment comme suit: «ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu'au stade d'embryon que le nombre d'ovules humains nécessaire à l'application de la méthode de procréation assistée». Cette reformulation abrogeait ainsi également l'interdiction de la cryoconservation d'embryons in vitro, que l'on pouvait déduire, jusqu'ici, de la teneur de l'art. 119, al. 2, Cst. L'objectif de la disposition, à savoir prévenir, dans la mesure du possible, le développement d'embryons surnuméraires, était maintenu dans le principe. En même temps, il en ressortait une amélioration sur le plan médical des conditions du DPI.

Cette modification avait également des conséquences pour le procédé FIV sans DPI.

En effet, dans ce cas également, seul un des trois embryons potentiellement développés (en vertu de l'art. 17, al. 1, LPMA) pouvait alors être sélectionné et les deux embryons restants conservés pour des essais ultérieurs de procréation médicalement assistée. La réglementation allait donc dans le sens des dernières avancées dans le domaine de la procréation médicalement assistée, à savoir ne transférer qu'un seul embryon et, ainsi, limiter dans la mesure du possible le risque de grossesses multiples.

LPMA Eu égard à la direction choisie par le Conseil fédéral le 26 mai 2010, les modifications suivantes ont été apportées à la loi en plus de l'avant-projet 2009: ­

suppression de l'interdiction de cryoconserver des embryons humains conformément à l'art. 17, al. 3, LPMA;

­

restriction de la règle des trois embryons (cf. art. 17, al. 1, LPMA) aux procédés FIV sans DPI; pour les procédés FIV avec DPI, une nouvelle limite supérieure a été établie, fixant à huit au plus le nombre d'embryons pouvant être développés simultanément;

­

abrogation de l'obligation faite au corps médical d'attendre, après la déclaration du DPI, pendant 60 jours une décision de l'OFSP, qui peut interdire l'application du DPI dans le cas concret (cf. art. 11a LPMA).

Cet assouplissement des prescriptions légales garantissait que le DPI pouvait être réalisé avec plus de succès sur le plan médical. S'agissant du nombre d'embryons à développer, la fixation d'une limite supérieure permettait de poursuivre l'objectif fondamental (prévenir dans la mesure du possible le développement d'embryons surnuméraires).

5296

Par souci d'économie, l'avant-projet ne mentionnait plus la possibilité que la Confédération soutienne financièrement des projets de recherche traitant des effets de l'admission du DPI sur les enfants nés dans ce contexte et la société.

1.4.4.2

Procédure de consultation

Entre le 29 juin 2011 et le 30 septembre 2011, les milieux intéressés ont été invités à se prononcer sur l'avant-projet 201199.

Sur les 87 prises de position renvoyées à l'OFSP, 80 % environ approuvaient le principe de l'autorisation du DPI (dont 22 cantons et l'UDC, le PLR, le PS et les Femmes PDC), tandis que les 20 % restants rejetaient globalement le projet (dont le PDC, l'UDF, le PEV et le PCC ainsi que différentes institutions confessionnelles et organisations d'handicapés). Quelques rares voix se sont au contraire élevées pour exiger une réglementation plus stricte, peu ou prou dans l'esprit du projet de 2009.

Contrairement au projet soumis en 2009, toutes les parties favorables au DPI le considéraient comme médicalement réalisable dans les conditions proposées.

Cependant, 70 % des partisans du DPI étaient favorables à un assouplissement du texte proposé (dont sept cantons, le PLR, le PS et nombre d'associations professionnelles médicales et d'institutions). Comme lors de la consultation de 2009, l'essentiel des critiques portait sur les indications admissibles, jugées trop restrictives, et en particulier l'interdiction d'examiner les embryons pour repérer des aberrations chromosomiques se développant spontanément, à l'instar de la trisomie 21 (dépistage des aneuploïdies). Quelques-uns des participants ont maintenu leur souhait de voir le DPI soumis aux mêmes conditions que le DPN (cf. ch. 1.6.1.1).

Bien que le nombre maximal d'embryons pouvant être développés par cycle de traitement ait été porté de trois à huit pour les FIV avec DPI, la suppression de ce plafond reste une des revendications exprimées, cette exigence ayant été posée cette fois encore pour les FIV sans DPI (levée de la règle des trois) au motif que dans les deux cas, cela permettrait d'augmenter la probabilité de trouver un embryon transférable.

Si la suppression du délai de 60 jours réservé à l'OFSP à compter de la réception de la déclaration des conditions d'admission au DPI a été bien accueillie, un grand nombre de participants a maintenu qu'ils jugeaient le contrôle administratif trop contraignant dans l'ensemble et que sa bipartition entre la Confédération et les cantons était une mauvaise solution.

1.4.5

Remaniement de l'avant-projet 2011

Le Conseil fédéral a pris acte des résultats de la consultation en juin 2012 et arrêté la suite de la procédure. Bien qu'environ trois quarts des partisans du DPI aient appelé de leurs voeux un assouplissement plus marqué encore du projet, il a décidé de ne pas apporter de modification majeure à l'avant-projet 2011. Après avoir pondéré les 99

Le rapport de consultation est disponible sur le site Internet des autorités fédérales sous www.admin.ch > Documentation > Législation > La procédure de consultations > Procédures de consultation et d'audition terminées > 2011 > Département fédéral de l'intérieur.

5297

différents biens juridiques à protéger (cf. ch. 1.3), il a en particulier fait valoir qu'il n'y avait lieu ni d'ajouter de nouvelles indications pour le DPI, ni d'augmenter le nombre d'embryons susceptibles d'être développés, ni de transiger sur la sévérité du contrôle administratif.

Compte tenu de la persistance avec laquelle la libéralisation du projet a été demandée, il semblait néanmoins utile d'inclure dans le présent message la présentation de conditions-cadre et d'indications moins strictes, de même que les implications que celles-ci auraient aux niveaux juridique, éthique, pratique et financier (cf. 1.6).

1.5

La nouvelle réglementation proposée

Vu le contexte présenté au ch. 1.4, la réglementation proposée par le Conseil fédéral comprend une modification tant de l'art. 119 Cst. que de la LPMA, modification qui se caractérise pour l'essentiel par les idées phare suivantes: ­

Protection des embryons: l'objectif constitutionnel visant à protéger les embryons, tel qu'il ressortait déjà du dernier segment de la phrase de l'art. 119, al. 2, let. c, Cst., doit être maintenu, tout en aménageant des conditions plus favorables au DPI du point de vue médical. C'est dans ce but que la formulation «ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu'au stade d'embryon que le nombre d'ovules humains pouvant être immédiatement implantés» est remplacée par «nécessaire à la procréation médicalement assistée». Cette solution permet en outre de lever l'interdiction de la cryoconservation des embryons in vitro qui était implicite dans le libellé de l'art. 119, al. 2, Cst.

­

Réglementation stricte des indications: un DPI ne peut être appliqué que si le danger concret que l'enfant souhaité soit porteur de la prédisposition génétique à une maladie grave, dépistée chez le couple concerné, ne peut pas être écarté d'une autre manière. La maladie doit se manifester avec une forte probabilité avant l'âge de 50 ans et il ne doit pas exister de thérapie efficace et appropriée. De plus, le couple concerné doit invoquer auprès du médecin le fait que la naissance d'un enfant souffrant d'une telle atteinte le placerait dans une situation intolérable.

Toutes les autres applications demeurent interdites sous peine de sanction: le DPI ne doit pas être réalisé sous forme de «screening» en cas de stérilité ou d'âge avancé de la mère; son utilisation dans le but de déterminer le type des tissus («bébé sauveur»), le sexe ou encore toute autre caractéristique génétique, sans lien avec une maladie grave, est interdite.

­

Conseils génétiques complets: les médecins qui pratiqueront le DPI sont tenus de dispenser au couple concerné des informations et des conseils génétiques circonstanciés au sujet de la maladie en question et de toutes les étapes du procédé de DPI ainsi que des alternatives.

­

Surveillance administrative stricte: le personnel médical est soumis à une autorisation et à une obligation de déclaration, dans l'intérêt de la qualité et de la garantie d'une pratique conforme à la loi. Les médecins souhaitant proposer le DPI doivent être au bénéfice d'une autorisation de l'OFSP. En outre, ils doivent déclarer à l'OFSP tout DPI immédiatement après avoir

5298

reçu le consentement du couple concerné mais avant sa réalisation, en mentionnant l'indication.

­

Levée de l'interdiction de la cryoconservation d'embryons humains conformément à l'art. 17, al. 3, LPMA.

­

Restriction de la règle des trois et des huit: la règle des trois (art. 17, al. 1, LPMA) est appliquée uniquement aux FIV sans DPI. Pour les FIV avec DPI, le nombre maximal d'embryons pouvant être développés simultanément est désormais fixé à huit.

1.6

Solutions examinées

Même si le Conseil fédéral estime que la nouvelle réglementation proposée constitue un compromis viable entre les systèmes de valeur fondamentalement opposés qui se confrontent dans le cas du DPI, il ne faut pas perdre de vue que plus de la moitié des participants à la procédure de consultation souhaitaient pousser encore plus loin la libéralisation. Aussi le Conseil fédéral a-t-il examiné dans le détail si pareille revendication pouvait être satisfaite, notamment s'agissant de l'extension de la réglementation des indications (ch. 1.6.1) ­ problématique centrale pour l'ensemble du projet.

Il faut encore aborder l'éventuel assouplissement des conditions-cadre (cf. 1.6.2) et de la réglementation d'exécution (cf. 1.6.3).

1.6.1

Extension de la réglementation des indications

L'élément-clé autour duquel s'articule une libéralisation plus poussée de la réglementation du DPI est l'extension des indications jugées admissibles pour une telle intervention. Ici encore, les exigences résultent de deux approches radicalement différentes: d'une part, l'alignement de la réglementation du DPI sur celle du DPN, de l'autre, l'autorisation du DPI dans le but de traiter la stérilité. Enfin, il y a lieu de se pencher sur le cas particulier du DPI réalisé dans le but d'effectuer un typage HLA («bébé sauveur») ainsi que sur les possibilités d'assouplir la réglementation des indications pour différents éléments de la version proposée de l'art. 5a, al. 2.

1.6.1.1

Alignement de la réglementation des indications du DPI sur celle du DPN

Détail de l'option de réglementation Une des options évoquées dans le cadre de la consultation pour libéraliser davantage le cadre réglementaire applicable au DPI était d'élaborer la réglementation des indications sur le modèle de celle arrêtée pour l'examen prénatal des enfants à naître dans le ventre de la mère. La loi fédérale du 8 octobre 2004 sur l'analyse génétique humaine (LAGH)100 prévoit à cet égard qu'il est interdit d'effectuer des analyses prénatales visant à rechercher des caractéristiques de l'embryon ou du foetus qui n'influencent pas directement sa santé ou à déterminer le sexe dans un but autre 100

RS 810.12

5299

qu'un diagnostic (art. 11 LAGH). Il faut par ailleurs tenir compte de l'art. 119 du code pénal (CP)101, qui porte sur l'interruption de grossesse.

Le principal argument invoqué pour appuyer cette requête ­ «DPI égal DPN» ­ est que rien ne justifie de protéger davantage les embryons in vitro que les embryons et les foetus in vivo. Les partisans de ce raisonnement vont même plus loin: l'enfant à naître, largement plus avancé dans son développement qu'un embryon in vitro de quelques jours à peine mériterait davantage de protection. Dès lors, les associations professionnelles médicales et l'Ethikzentrum de l'Université de Zurich102 notamment plaident en faveur d'un alignement du cadre légal régissant le DPI sur celui fixé pour les analyses prénatales et pour l'interruption de grossesse.

Conséquences Du point de vue constitutionnel, cet alignement impliquerait une réorientation radicale et profonde des valeurs jusqu'alors portées par l'art. 119 (cf. ch. 5.1.1 au sujet de l'art. 119 Cst.). Il entraînerait en particulier l'abandon du principe selon lequel le recours à une méthode de procréation médicalement assistée n'est qu'une solution de dernier recours, visant soit à écarter le risque de transmettre une maladie grave soit à remédier à un problème de stérilité. Par analogie à la LAGH, la disposition devrait être formulée de manière à autoriser les procédés de procréation médicalement assistée ­ outre comme remède à la stérilité ­ lorsqu'il s'agit de repérer chez les descendants les caractéristiques qui influencent directement la santé et de les écarter. Le degré de gravité de l'atteinte à la santé ne serait plus déterminant; de plus, la protection des embryons, objectif constitutionnel, deviendrait largement secondaire.

Pareille libéralisation entraînerait par ailleurs une augmentation nette tant du nombre de DPI réalisés que des embryons surnuméraires et donc voués à la destruction.

Cette tendance provoquerait à son tour une explosion du nombre des centres proposant ce service et partant le chiffre d'affaires des entreprises et institutions associées.

De plus, si cette option était adoptée, il n'y aurait pour ainsi dire plus de raisons de se rendre à l'étranger pour suivre ce traitement. En effet, la Suisse, actuellement un des pays dont le cadre réglementaire est le plus strict, offrirait des
conditions nettement plus souples que la France et l'Allemagne pour le DPI et rejoindrait les pays les plus libéraux (cf. ch. 1.8.1). Enfin, la protection des embryons étant sensiblement édulcorée, on pourrait renoncer à imposer dans toute la Suisse une application étroite de la réglementation des indications, si bien qu'il ne serait plus nécessaire que la Confédération se charge de l'exécution de la législation.

Evaluation Si l'on entend exiger que le DPI soit mis sur un pied d'égalité avec le DPN, il conviendrait tout d'abord de préciser quels éléments réglant le DPN et l'interruption de grossesse inscrits dans la LAGH et le CP doivent être déterminants pour le DPI.

En effet, le CP prévoit différentes conditions pour l'interruption de grossesse non punissable avant et après la douzième semaine, une césure qui n'est pas pertinente 101 102

RS 311.0 Cf. l'expertise rédigée par Peter Schaber à la demande de l'Office fédéral de la santé publique, Wie soll die PID geregelt werden? Eine ethische Perspektive, Zurich 2013.

Disponible à l'adresse /www.bag.admin.ch > Thèmes > Maladies et médecine > Procréation médicalement assistée > Prises de position et rapports (8 juin 2013).

5300

pour le DPI. En outre, les prescriptions applicables aux analyses prénatales et à l'interruption de grossesse sont réparties sur deux lois différentes, ce qui met en évidence qu'il est indispensable de prendre une décision cruciale entre le diagnostic et l'interruption.

En revanche, dans la réglementation encadrant le DPI, ces deux étapes sont confondues, c'est-à-dire que seules les conditions applicables à l'examen sont édictées, le rejet ultérieur des embryons présentant un défaut génétique étant implicite. Un point qui soulève immédiatement une critique sérieuse du point de vue éthique.

S'ajoute à cela une série de différences fondamentales entre la situation des embryons ­ ou foetus ­ in vivo et in vitro.

Fait essentiel dans le cas d'une grossesse: la décision concernant l'enfant à naître appartient toujours, en dernier ressort, uniquement à la femme qui le porte. A cela s'ajoute le fait que toutes les actions visant l'enfant sont autant d'interventions ­ plus ou moins agressives ­ sur le corps de la mère. Ces éléments influent sur certains aspects liés à la prise de décision, aux délais, aux possibilités de conseil et au rôle des personnes impliquées. De plus, cette décision intervient dans une situation d'urgence et porte sur un seul enfant déterminé. Enfin, le nombre d'options thérapeutiques offertes aux couples dans la phase prénatale ne cesse d'augmenter (cf. ch. 1.3.1 DPI et diagnostic prénatal).

Dans le cas du DPI en revanche, il s'agit de plusieurs embryons dans une boîte en verre, sur lesquels un médecin opère une sélection dans un laboratoire; aucun rapport charnel n'a été tissé avec la mère et les critères présidant au tri dépendent uniquement de la capacité des embryons à se développer. Par conséquent, le risque que les critères de sélection, et donc les indications, soient multipliés selon des logiques indésirables est considérablement plus élevé.

Synthèse Au vu de ce qui précède, le Conseil fédéral juge qu'il n'y a pas de base suffisante pour aligner la réglementation du DPI sur celle du DPN. Il estime au contraire que le cadre strict régissant la phase in vitro se justifie compte tenu du pouvoir de décision sensiblement plus élevé dont disposent les acteurs sur ces embryons, alors que la gestion de la grossesse doit rester avant tout sous la responsabilité de la femme concernée.

1.6.1.2

DPI dans le but de traiter la stérilité

Détail de l'option de réglementation Il arrive souvent que l'échec des tentatives de procréation ­ naturelles ou médicalement assistées ­ résulte du fait que les embryons produits présentent une anomalie chromosomique qui fait obstacle à la nidation ou entraîne leur mort prématurée (cf. ch. 1.2.4 DPI pour des couples stériles ou des couples fertiles d'un âge avancé).

Dans cette option, le DPI devrait donc être autorisé si l'on peut espérer écarter, avant le transfert, les embryons très probablement incapables de se développer et, partant, augmenter les chances de succès du traitement de la stérilité. On pourrait ainsi imaginer compléter la disposition prévue par le présent projet en autorisant l'examen et la sélection d'embryons également lorsque les probabilités sont élevées que le couple génère des embryons risquant de provoquer une fausse couche voire la mise 5301

au monde d'un enfant mort-né. A noter que c'est le souhait exprimé à plusieurs reprises par les professionnels de la médecine reproductive, arguant que c'est un moyen fiable de faire progresser le taux de succès des traitements de la stérilité.

Conséquences L'indication de la stérilité est, sans définition plus précise, nommée explicitement dans l'art. 119 Cst. comme condition permettant de recourir aux méthodes de procréation médicalement assistée. Dès lors, la réglementation discutée ici s'inscrirait dans la même ligne (cf. les paragraphes du ch. 5.1.1 portant sur les indications admises et les conditions-cadre). Il convient par ailleurs de signaler que cette application prévaut dans presque tous les pays qui n'interdisent pas le DPI.

Enfin, les couples souffrant d'infertilité étant sensiblement plus nombreux que ceux risquant de transmettre une maladie génétique, on observerait inéluctablement une multiplication du nombre de DPI pratiqués, entraînant l'ouverture de nouveaux centres spécialisés.

D'un point de vue économique, les entreprises et institutions associées verraient leur chiffre d'affaires grimper.

Dans le même temps, les couples seraient moins tentés de se rendre à l'étranger pour suivre leur traitement.

Evaluation Pour commencer, une telle réglementation poserait toute une série de questions complexes concernant la délimitation. Il faudrait notamment pouvoir déterminer précisément pour quelles femmes et pour quels couples, la stérilité est très probablement due à des aberrations chromosomiques. Sinon, le procédé impliquerait d'examiner et de mettre en danger des embryons sains, sans pour autant que cette opération ait une utilité.

Ensuite, d'un point de vue éthique, l'impossibilité de mettre en évidence l'objectif précis de cette indication est décisive. Plusieurs intentions se confondent en effet: celle de repérer en tant que tels des embryons incapables de se développer dans le but de satisfaire le désir d'enfant d'un couple, et celle de détruire les embryons atteints génétiquement afin de mettre au monde un enfant en bonne santé. Dans le premier cas, il s'agit en quelque sorte de détruire en amont les embryons incapables de se développer afin d'éviter une grossesse vouée à l'échec, dans le deuxième, d'étendre aux mutations spontanées l'indication de la maladie grave s'appliquant
aux cas dans lesquels un risque génétique a au préalable été diagnostiqué chez les parents. Or, de toute évidence, ces deux objectifs s'inscrivent dans des systèmes de valeur très différents. Ajoutons que l'évaluation est d'autant plus difficile que du point de vue de la logique de l'intervention, il est quasiment impossible de séparer ces deux visées, puisque l'analyse dévoilera forcément la totalité du statut chromosomique des embryons, que leur développement soit voué à l'échec ou qu'ils présentent une altération insignifiante ou majeure. Or, que l'examen vise à identifier une caractéristique isolée, incontestablement à l'origine d'une maladie, ou tende vers un «test de normalité» global, la perspective éthique est radicalement différente. Dès lors, la légitimité du DPI et de ses risques et inconvénients, qui se base sur la charge insupportable d'avoir un enfant victime d'une maladie grave, serait balayée.

5302

Illustrons ce dilemme à l'aide des exemples suivants: Les trisomies ­ soit le triplement anormal des chromosomes 11 ou 21, par exemple, ou la présence d'un chromosome sexuel X supplémentaire (triple X pour les femmes, syndrome de Klinefelter pour les hommes) ­ sont relativement fréquentes.

Alors que les embryons atteints de trisomie 11 sont voués à une mort prématurée certaine, ceux porteurs de trisomie 21 ne connaissent le même sort que dans 30 % des cas. Les 70 % restants viennent, eux, au monde avec un handicap d'une sévérité variable, certains étant légèrement affectés, d'autres porteurs de lourds déficits sanitaires, cognitifs et moteurs. En revanche, le syndrome du triple X ou le syndrome de Klinefelter provoquent des divergences tellement minimes que la plupart des personnes qui en sont atteintes ne sont pas détectées. Or, indépendamment de ces différences fondamentales, dans ces trois cas, la tendance consiste à préférer les embryons «normaux» à ceux présentant la moindre divergence.

Dans ce contexte, force est de constater qu'à divers égards, la protection des embryons pâtirait énormément de l'autorisation du DPI pour le traitement de la stérilité.

L'explosion du nombre de cas peut en outre faire craindre que le procédé se banalise au point que les couples fassent l'objet de pressions sociales. Autoriser le DPI dans le but de traiter la stérilité serait donc lourd de conséquences ­ qu'il s'agisse de la protection des embryons ou de protéger la société contre des tendances eugéniques indésirables; or, l'utilité visée ne saurait les contrebalancer.

Les dommages potentiellement infligés aux embryons se justifient d'autant moins que les scientifiques n'ont pas encore apporté la preuve qu'en définitive, ce procédé augmente les chances de succès dudit traitement de l'infertilité (cf. ch. 1.2.4 DPI pour des couples stériles ou des couples fertiles d'un âge avancé).

Synthèse Au final, le Conseil fédéral renonce à autoriser le DPI dans le but de traiter l'infertilité: d'abord, il estime que les données scientifiques disponibles à ce jour ne sont pas suffisamment probantes pour justifier les atteintes considérables à la protection des embryons. Ensuite, d'un point de vue éthique, il juge qu'au regard de la hausse substantielle des cas ­ et des risques inhérents pour la protection des embryons
et de la société ­ les intérêts individuels ne sont pas suffisamment forts et dignes d'être défendus. Enfin, pour des raisons propres à la procédure, il ne pourrait plus être garanti que seuls les embryons porteurs de maladies graves seraient écartés si cette indication était admise pour le DPI, ce qui obligerait à franchir une limite que le Conseil fédéral souhaiterait voir préservée.

1.6.1.3

Typage HLA

Dans le cadre de la consultation, plusieurs universités et associations professionnelles médicales ont exigé l'autorisation du typage HLA en vue de sélectionner un embryon immunocompatible avec un frère ou une soeur souffrant d'une maladie grave («bébé sauveur»), faisant valoir que ce tri en fonction du type de tissus ne représentait pas nécessairement une instrumentalisation, mais devait faire l'objet d'une évaluation au cas par cas. La moitié environ de la NEK-CNE est également d'avis qu'il convient d'admettre cette indication pour le DPI.

5303

Le Conseil fédéral maintient son rejet à cet égard, jugeant qu'en intégrant un tiers à la constellation ­ le frère ou la soeur malade auquel le tissu est destiné ­ la portée éthique n'est plus du tout la même et devient très complexe (cf. ch.1.3.2 DPI dans le but de sélectionner les embryons immunocompatibles), sans compter que des embryons sains et vitaux sont rejetés. Enfin, les conséquences psychologiques sur les enfants et les familles concernés n'ont pas été étudiées d'assez près. Les risques de pareille option ne pouvant être évalués assez finement, le Conseil fédéral est d'avis que les conditions lui permettant d'accéder à cette requête ne sont pas réunies.

1.6.1.4

Assouplissement de certains éléments de la réglementation des indications proposée (art. 5a)

Tout en respectant les décisions de fond qui façonnent le présent projet, une certaine latitude demeure, laquelle permet d'imaginer certains assouplissements de la réglementation des indications.

On pourrait ainsi d'une part exploiter la marge d'interprétation inhérente au terme de «maladie grave» inscrit dans la Constitution, de manière à élargir le cercle des personnes susceptibles de profiter du DPI, d'autant qu'on ne peut déduire ni de la pratique ni de la littérature scientifique ce qu'il recouvre précisément. S'aventurer sur ce terrain est cependant contraire à l'intention du constituant, qui entendait précisément, avec cette formulation, restreindre le recours aux méthodes de procréation médicalement assistée.

Il serait également envisageable de renoncer à l'exigence selon laquelle la maladie héréditaire doit se déclarer avant l'âge de 50 ans (art. 5a, let. b), et fixer d'autres limites d'âge. Supprimer toute mention de l'âge reviendrait à autoriser le DPI pour des constellations génétiques ne présentant pas de différence évidente par rapport au nombre d'années de vie en bonne santé attendu selon les statistiques (cf. le commentaire concernant l'art. 5a, al. 2, let. b). Cette réglementation serait néanmoins incompatible avec la présence impérative d'une «maladie grave».

1.6.2

Assouplissement des conditions-cadre

Une des conditions-cadre arrêtées pour le DPI est la limitation du nombre d'embryons pouvant être développés par cycle. La réglementation proposée conserve la règle de trois embryons par procédé de procréation médicalement assistée sans DPI et les limite à huit par procédé de procréation médicalement assistée avec DPI.

Ces restrictions visent à protéger les embryons et éviter les embryons dits surnuméraires; elles se fondent sur l'art. 119 Cst., qui garantit une protection minimale aux embryons humains.

Si le présent projet devait être abandonné au profit d'un texte prévoyant une protection nettement moins rigoureuse des embryons (qui autoriserait, par exemple, le DPI dans le but de traiter la stérilité), il faudrait, par souci de cohérence, assouplir ces limitations, voire les supprimer.

5304

1.6.3

Modalités du contrôle administratif sur le DPI

Pour la surveillance de l'utilisation du DPI, plusieurs possibilités reliant différentes autorisations et obligations de déclaration étaient envisageables: ­

Une réglementation plus sévère: afin d'assurer un contrôle complet dans le but de la meilleure protection possible de l'embryon, il serait imaginable d'introduire l'exigence d'une autorisation pour chaque DPI individuel, en plus de l'autorisation générale requise pour les médecins. L'objectif serait de contrôler préalablement la conformité de l'indication invoquée dans le cas d'espèce avec les exigences de la loi. Pour des raisons pratiques et de proportionnalité, un tel contrôle au cas par cas constitue toutefois une intervention disproportionnée dans le procédé. La protection des embryons et la sécurité du procédé peuvent également être assurées par l'exigence de l'autorisation générale ainsi que la procédure de déclaration proposée.

­

Une réglementation moins sévère: il fallait également examiner la possibilité d'introduire simplement l'exigence de fournir un rapport annuel, sans qu'une autorisation soit nécessaire pour l'application d'un DPI. Vu l'importance des questions éthiques et le danger d'abus, une telle solution n'offre toutefois pas les garanties nécessaires au respect des conditions d'application et à un contrôle efficace de celles-ci. La question sensible relative à l'indication admissible d'un DPI ne se pose pas seulement lors de l'analyse génétique par un laboratoire, mais déjà au début du procédé de procréation médicalement assistée. C'est pourquoi le contrôle étatique doit intervenir à ce moment déjà. La seule obligation de fournir un rapport annuel ou, par analogie à d'autres analyses génétiques, aucune exigence relative au contrôle de l'indication du DPI, ne représentent pas des mesures suffisantes dans ce domaine.

Par ailleurs, le moment de la déclaration pourrait être choisi, par exemple avant le début du procédé ou une fois par année. La réglementation proposée (l'autorisation générale requise pour les médecins pratiquant le DPI, couplée avec l'obligation de déclarer l'application d'un DPI au moment du consentement donné par le couple concerné) semble être une voie médiane raisonnable et praticable entre l'autorisation individuelle de chaque DPI et le rapport annuel.

L'OFSP est l'autorité chargée de délivrer les autorisations. Si les autorisations étaient délivrées par les cantons, ces derniers devraient également être chargés de la surveillance et deviendraient les destinataires des déclarations relatives à chaque application d'un DPI. L'application uniforme dans tout le pays de la réglementation relative aux indications, exigeante aussi sur le plan éthique, ne pourrait pas être garantie de cette manière.

1.6.4

Réglementation du DPI dans la LAGH plutôt que dans la LPMA

La question de savoir si la réglementation relative au DPI devait être incluse dans la LAGH plutôt que dans la LPMA a été également examinée puisqu'il s'agit d'une analyse génétique. Etant donné que le DPI n'est utilisé que dans le cadre de la procréation médicalement assistée, il a semblé raisonnable et plus avantageux pour le 5305

corps médical d'inclure la réglementation du DPI dans la LPMA, en tenant compte toutefois des aspects relatifs au domaine de la génétique (conseil, exigences professionnelles fixées pour les médecins qui le prescrivent). Le fait que la LAGH a pour but essentiel de protéger l'autodétermination informationnelle (cf. art. 119, al. 2, let. f, Cst.), alors que la protection de l'embryon est primordiale dans la LPMA, constitue un argument important pour régler le DPI dans la LPMA, précisément parce que cette protection est l'un des objectifs principaux de la réglementation relative au DPI.

Cette intégration claire et matérielle du DPI dans la systématique législative relative à la procréation médicalement assistée souligne une fois encore les différences entre le DPI conçu comme méthode de procréation médicalement assistée et les analyses génétiques réalisées dans le cadre de diagnostics prénataux. (cf. ch. 1.6.1).

1.6.5

Synthèse

Compte tenu des inconvénients et risques mis en évidence dans ce chapitre, le Conseil fédéral a maintenu les grandes lignes de l'avant-projet de 2011, qui n'autorise le DPI que dans le respect le plus large possible de la protection des embryons prévue par la Constitution. De plus, cette réglementation tient compte des craintes que soulève le spectre d'évolutions indésirables pour la société ­ notamment au sujet du statut des handicapés ­, en se limitant à une interprétation stricte du terme de maladie grave, ce qui lui permet d'écarter autant que faire se peut les zones grises de l'application susceptibles de nourrir des tendances à la multiplication des indications. Grâce à cette réglementation, les couples ayant un besoin impérieux de recourir au DPI compte tenu de leurs prédispositions génétiques sont assurés d'y accéder dans le respect du but prévu.

1.7

Coordination entre les tâches et les finances

Le coût de l'exécution se monte à 360 000 francs par année (cf. ch. 3.1). Il comprend les dépenses pour la surveillance et l'évaluation. Un contrôle strict et une évaluation complète sont indispensables pour garantir la protection des embryons et empêcher une extension insidieuse des indications admises (cf. les commentaires concernant les art. 8 et 11 à 12). Dans le même ordre d'idées, l'ordonnance du 28 juin 2000 sur l'organisation du Département fédéral de l'intérieur103 prévoit également que l'OFSP doit examiner les effets que des mesures prévues par la loi pourraient avoir sur la santé. Vu l'importance et la portée de la thématique, le montant de 360 000 francs semble approprié.

103

RS 172.212.1

5306

1.8

Comparaison et rapport avec le droit européen

1.8.1

Situation juridique dans d'autres pays

La réglementation du DPI dans les différents pays reflète les controverses sur son évaluation éthique. Il y a des différences importantes notamment par rapport aux indications admises, à la procédure (d'autorisation) et à l'implication des autorités.

Ce chapitre évoque la situation juridique en Italie, en Autriche, en Irlande, au Luxembourg, en Belgique, au Danemark, en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Norvège, au Portugal, en Suède, en Espagne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

Dans la plupart des pays européens, le DPI est autorisé et clairement réglé au niveau légal. Seules l'Italie et l'Autriche partent du principe que le DPI est implicitement interdit. Le DPI n'est pas réalisé en Irlande et au Luxembourg pour d'autres raisons.

Aucun pays inclus dans la comparaison ne connaît une interdiction expresse du DPI telle que celle prévue par l'art. 5, al. 3, LPMA. La vue d'ensemble ci-dessous indique, au cas par cas, les pays dans lesquels le DPI est interdit, ne fait pas l'objet d'une réglementation légale ou est autorisé par la loi.

Pays dont la législation permet de déduire que le DPI est interdit ­

Italie: avant l'entrée en vigueur, en 2004, de la loi sur la procréation médicalement assistée, le DPI était admis et pratiqué en Italie, en tous cas dans les cliniques privées. Il est aujourd'hui interdit en vertu du but de la loi précitée.

Celui-ci n'admet les méthodes de la procréation médicalement assistée que pour remédier à la stérilité du couple104. Conformément à d'autres dispositions, toute intervention visant la sélection ou d'autres techniques destinées à déterminer des caractéristiques génétiques par avance est interdite par ailleurs, de même que la cryoconservation et la destruction d'embryons.

Indépendamment de la question du DPI, seuls trois embryons peuvent être développés par cycle de procréation, comme en Suisse. Un arrêt de la Cour constitutionnelle italienne datant de 2009 a indiqué que cette limite supérieure fixe était, cependant, contraire à la Constitution. La Cour constitutionnelle a précisé que la fixation du nombre d'embryons à produire devait être laissée à l'appréciation du médecin traitant. Elle a souligné que ce médecin devait tenir compte de circonstances concrètes et avoir pour objectif de disposer d'un nombre d'embryons suffisants par cycle pour le transfert105. Comme elle l'explique, il doit être possible de déroger à l'interdiction de cryoconserver les embryons106.

­

Autriche: selon la loi de 1992 sur la procréation médicalement assistée, les méthodes de procréation médicalement assistée ne sont admises que s'il n'y a pas d'autre possibilité d'induire la grossesse ou si la provocation d'une grossesse sans avoir recours à la procréation médicalement assistée comporte le danger de transmission d'une maladie infectieuse grave, mais non dans le but de prévenir la transmission d'une maladie génétique. Ceci exclut

104

Avis de la Cour européenne des droits de l'homme au sujet de l'interdiction du DPI par l'Italie, cf. ch. 1.8.2.

105 Sentenza 151/2009, disponible sur le site Internet www.cortecostituzionale.it (consulté le 21 janvier 2013).

106 Cf. confirmation dans un arrêt récent: Sentenza 97/2010, disponible sur le site Internet www.cortecostituzionale.it (consulté le 21 janvier 2013).

5307

l'application du DPI. L'interdiction du DPI découle aussi de la loi qui prévoit que le traitement et l'analyse de «cellules aptes à se développer» (les ovules imprégnés et les cellules développées sur leur base en font partie) ne sont admis que si cela est nécessaire à la provocation d'une grossesse.

Pays sans réglementation légale du DPI ­

Irlande: en Irlande, il n'y a ni réglementation du DPI, ni réglementation de la procréation médicalement assistée. Les établissements publics de soins ne proposent ni l'un ni l'autre. Il y a quelques cliniques-FIV privées, mais elles ne pratiquent pas le DPI, notamment parce que la question de l'extension de la protection constitutionnelle des enfants non nés aux embryons in vitro n'a été résolue qu'en décembre 2009, lorsque la Cour suprême a décidé que la protection des enfants non nés au sens de la Constitution irlandaise ne s'appliquait pas aux embryons in vitro107. Le Ministère de la santé a prévu de présenter prochainement une proposition de réglementation légale de la procréation médicalement assistée (y c. du DPI).

­

Luxembourg: au Luxembourg, le DPI n'est pas réglé dans la loi. Il n'y a qu'un seul centre médical pour la procréation médicalement assistée. Dans son autorisation d'exploitation, il est précisé que le DPI ne constitue pas une activité autorisée. Le DPI ne peut donc pas être pratiqué au Luxembourg.

Pays dans lesquels la loi règle et autorise le DPI ­

Belgique: la loi belge de 2007 sur la procréation médicalement assistée laisse les centres libres de décider pour quelles indications pathologiquement pertinentes ils souhaitent proposer un DPI (dépistage des aneuploïdies, typage HLA, etc.). Les méthodes de procréation effectuées pour des motifs eugéniques demeurent interdites en Belgique; ces motifs sont définis comme étant axés «sur la sélection ou l'amplification de caractéristiques génétiques non pathologiques». En outre, la loi interdit la sélection du sexe, sauf dans le but de prévenir une maladie liée à celui-ci.

Les centres qui proposent des procédés de FIV sont soumis à autorisation et doivent remplir certaines conditions relatives aux installations ainsi qu'à la qualification de la direction et du personnel. Ils doivent faire régulièrement rapport sur leurs activités. Actuellement, le DPI est proposé dans sept centres.

­

107

Danemark: la loi de 1997 sur la procréation médicalement assistée permet le DPI lorsqu'il y a un risque connu et sensiblement accru d'une maladie héréditaire grave pour l'enfant. Le DPI est également admis dans le cadre d'une FIV ayant pour indication la stérilité, lorsqu'une anomalie chromosomique grave peut être détectée ou exclue par ce moyen. Suite à la modification de la loi en 2004, le «National Board of Health» peut autoriser le typage HLA dans des cas d'espèce, si celui-ci permet le traitement d'une soeur ou d'un frère atteint d'une maladie mettant sa vie en danger.

Arrêt du 15.12.2009 de la Cour suprême, Roche -v- Roche & ors, [2009] IESC 82, disponible sur le site Internet www.supremecourt.ie (consulté le 21 janvier 2013).

5308

­

Allemagne: pendant longtemps, on tirait l'interdiction du DPI de différentes dispositions de la loi du 13 décembre 1990 sur la protection des embryons.

A l'été 2010, la Cour fédérale de justice a néanmoins décidé que la réalisation envisagée d'un DPI au moyen d'une biopsie blastocystaire après une fécondation extracorporelle et l'examen s'ensuivant des cellules trophoblastes quant à la présence de défauts génétiques graves n'étaient pas punissables selon la loi sur la protection des embryons, ce qui équivalait toujours à une interdiction du DPI au stade de blastomère (cf. ch. 1.2.3 Biopsie embryonnaire). Suite à ce jugement, le Parlement a décidé de modifier la loi sur la protection des embryons en juin 2011, autorisant le DPI, d'une part, si un ou les deux parents sont porteurs d'une prédisposition génétique défavorable impliquant un risque élevé de transmettre une maladie héréditaire grave et, d'autre part, pour constater que l'embryon est atteint au point d'hypothéquer la viabilité de la grossesse (probabilité de fausse couche ou de mise au monde d'un enfant mort-né). La loi ne précisant pas dans quels cas le dépistage des aneuploïdies est autorisé, cette question sera tranchée par les commissions d'éthique compétentes que les différents Länder devront faire intervenir. Le Conseil d'éthique allemand recommande à cet égard de limiter le nombre de commissions d'éthique afin de garantir la qualité et une application uniforme du droit en précisant qu'il pourrait être inférieur au nombre de centres de DPI108. Le droit d'application correspondant à cette modification de la loi, qui a notamment pour vocation de régler l'intervention des commissions d'éthique et les exigences auxquelles seront soumis les centres de DPI, sera en principe adopté fin 2013.

Dans le cadre de l'autorisation du DPI, le législateur allemand n'a pas modifié la disposition prévoyant ­ dans le même esprit que la règle des trois en Suisse ­ de limiter le nombre d'ovules fécondables à celui devant être transférés au cours d'un cycle, le nombre d'embryons transférables étant plafonné à trois. Dans la doctrine, cette problématique a été reconnue; on y trouve également une proposition d'interprétation de la modification de la loi, selon laquelle le non-respect de la règle des trois lors des procédés DPI n'est pas punissable109.

­

France: en France, la réglementation concernant le DPI se trouve dans le Code de la santé publique, dans la partie relative à la protection de l'enfant.

Les dispositions relatives au DPI ont été introduites en 1994.

Selon la loi, un DPI ne peut être appliqué que si un médecin remplissant les conditions posées par la loi atteste que le couple concerné, du fait de sa situation familiale, a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d'une maladie génétique d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. Un médecin d'un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) doit confirmer que les conditions sont remplies. Le législateur ne définit pas plus précisément ce qu'il faut entendre par une telle maladie. Il appartient donc aux centres de concrétiser cette indication. De plus, la loi autorise les couples ayant connaissance

108

Cf. communiqué de presse du Conseil d'éthique allemand du 23 novembre 2012.

(http://www.ethikrat.org > Presse > Pressemitteilungen > Pressemitteilungen 2012 (consulté le 21 janvier 2013) 109 Cf. Frister/Lehmann, Die gesetzliche Regelung der Präimplantationsdiagnostik, JZ 13/2012, p. 659 ss, ch. III.3.

5309

d'antécédents familiaux de maladies génétiques transmissibles qui ne se manifesteront que plus tard dans la vie, à bénéficier d'un DPI sans devoir apprendre s'ils sont eux-mêmes porteurs de l'anomalie.

En outre, la loi autorise également le DPI effectué dans le but de disposer ultérieurement de cellules souches hématopoïétiques servant au traitement de la maladie d'une soeur ou d'un frère déjà nés, sous réserve d'une autorisation individuelle accordée par l'autorité nationale compétente (Agence de la biomédecine). Par contre, le screening génétique de l'embryon à transférer, dans le but de détecter des aneuploïdies spontanées, par exemple lorsque les femmes sont âgées de plus de 35 ans, est interdit.

En France, le DPI est pratiqué dans trois centres. En vertu de la loi, ce ne sont pas seulement les centres qui doivent bénéficier d'une autorisation et remplir les exigences requises, mais également les médecins concernés. En outre, les centres ont l'obligation de fournir un rapport annuel aux autorités compétentes.

­

Pays-Bas: la loi de 1997 sur les activités médicales spéciales, assortie des décisions de planification et réglementations départementales (notamment la «Regeling preïmplantatie genetische diagnostiek» de 2009) se fondant sur cette loi, constitue la base principale de la réglementation néerlandaise en matière de DPI. Selon cette réglementation, le DPI n'est indiqué que si le couple présente un risque accru de mettre au monde un descendant avec une maladie héréditaire grave. Elle décrit également d'autres indications justifiant le recours au DPI, notamment (après examen d'autres facteurs au cas par cas) pour d'autres maladies présentant une pénétrance presque totale (p. ex., la prédisposition génétique au cancer du sein ou de l'ovaire, BRCA 1 et 2). Le DPI aux fins de typage HLA en relation avec une soeur ou un frère malade est autorisé, s'il ne s'agit pas uniquement de la compatibilité des tissus avec la soeur ou le frère, mais aussi d'éviter de transmettre la prédisposition à une maladie grave à l'embryon à transférer.

Outre les décisions et réglementations citées, la loi de 2002 sur les embryons revêt aussi une importance fondamentale. Elle interdit aussi la sélection d'embryons en fonction de leur sexe, sauf si la transmission d'une maladie héréditaire grave et dépendante du sexe peut être évitée.

Par la loi sur les activités médicales spéciales, l'Etat a la compétence de n'autoriser ces dernières que dans un nombre limité de centres. Selon le droit d'exécution, le volet génétique du traitement est réalisé uniquement au centre de Maastricht; en revanche, les autres étapes (conseil, préparation, fécondation et transfert d'embryon après l'analyse génétique) peuvent avoir lieu dans d'autres centres.

­

5310

Norvège: la loi norvégienne sur l'application de la biotechnologie est entrée en vigueur en 2004. Elle autorisait le DPI uniquement dans les cas de maladies liées au sexe. Depuis 2008, certaines dispositions ont été modifiées et prévoient que le DPI est également admis pour les maladies héréditaires monogéniques ou chromosomiques, si un partenaire ou les deux sont atteints ou porteurs de la maladie et qu'il y a un risque élevé de transmission de la maladie à l'enfant. Le DPI est aussi admis aux fins du typage HLA, dans le but de sélectionner un embryon immunocompatible. Par ailleurs, la Norvège a institué une autorité qui évalue chaque cas individuel et décide de l'appli-

cation ou non du DPI. Si une analyse autorisée par l'autorité ne peut être effectuée en Norvège, l'autorité oriente le couple concerné vers un établissement d'un autre pays. Cet établissement effectuera l'analyse et les frais sont remboursés au couple. Avant la modification de la loi, il était usuel d'aller à l'étranger pour un DPI, notamment pour des raisons d'économie de la santé: selon l'autorité étatique de la santé, il n'est pas nécessaire de «mettre en place une offre en moyens diagnostiques de haute technologie aussi coûteuse»110.

­

Portugal: la loi de 2006 sur la procréation médicalement assistée règle aussi le DPI. Elle interdit le DPI dans le but de choisir le sexe (à moins que ce ne soit dans le but de prévenir une maladie génétique liée au sexe) ainsi que le DPI en cas de maladies multifactorielles pour lesquelles la valeur prédictive du test est très faible. Sinon, le DPI est admis, pour autant qu'il ne vise pas l'amélioration de caractéristiques non médicales de l'embryon. Cela signifie que le DPI est admis pour les maladies génétiques transmissibles graves et pour le dépistage des aneuploïdies (pour augmenter les chances de succès des FIV). La loi prévoit que le risque de transmission sur les descendants doit être élevé et que la maladie en question doit être qualifiée de grave par le Conseil national de la procréation médicalement assistée. Par ailleurs, le DPI avec typage HLA est expressément autorisé. Au printemps 2009, la Cour constitutionnelle portugaise a confirmé que la réglementation en matière de FIV et de DPI était conforme à la Constitution111.

­

Suède: la loi de 2006 sur l'intégrité génétique («genetisk integritet») contient aussi la réglementation sur le DPI. Celui-ci est admis lorsqu'un homme ou une femme sont porteurs d'une maladie héréditaire monogénique ou chromosomique grave qui entraîne, pour l'enfant, un risque élevé d'être atteint d'une maladie ou d'une anomalie génétiques. Le DPI avec typage HLA dans le but d'un don futur de cellules souches hématopoïétiques à une soeur ou un frère gravement malade, doit être spécialement motivé et une autorisation individuelle de l'autorité sanitaire est nécessaire.

­

Espagne: la loi de 2006 sur la procréation médicalement assistée admet le DPI, premièrement dans le but de détecter des maladies génétiques graves qui se manifestent de manière précoce et qui ne peuvent être traitées après la naissance selon les connaissances scientifiques actuelles. Deuxièmement, le DPI peut aussi être effectué dans le but de détecter d'autres atteintes pouvant influencer la viabilité des embryons, catégorie dans laquelle tombent les aberrations chromosomiques, en particulier les aneuploïdies. Le centre compétent est soumis à autorisation et doit annoncer les DPI effectués à l'autorité compétente. Il appartient aux centres de décider, pour chaque cas, s'il y a une indication pour le DPI. Par contre, le DPI avec typage HLA dans un but thérapeutique servant des tiers, également admis, est soumis à une autorisation individuelle délivrée par l'autorité; un avis positif de la Commission nationale pour la procréation assistée est également requis. Seul un établissement public (Sistema Nacional de Salud) propose le DPI; il se

110

Cité dans le rapport sur le diagnostic préimplantatoire de la commission pour l'éducation, la recherche et l'évaluation des effets de la technique, n° 15/3500 du Bundestag allemand, p. 53.

111 Acórdão do Tribunal Constitucional n° 101/2009, disponible sur le site Internet www.tribunalconstitucional.pt (consulté le 21 janvier 2013).

5311

trouve à Séville. Les nombreuses autres cliniques qui proposent la FIV avec DPI sont privées. Le DPI est pratiqué depuis de nombreuses années en Espagne et beaucoup de couples provenant d'autres pays y vont uniquement dans ce but.

­

Royaume-Uni: la loi anglaise («Human Fertilisation and Embryology Act, HFE-Act», 1990) a fait l'objet d'une révision en 2008. Depuis lors, elle contient aussi des dispositions relatives à l'admission du DPI. Elle règle notamment dans quel cadre l'autorité nationale compétente (HFEA-Authority) peut délivrer une autorisation. Cette autorité délivre d'abord une autorisation générale aux centres. Ensuite, elle délivre une autorisation limitée à chaque nouvelle indication. Si elle a autorisé, dans un cas concret, un centre à réaliser un DPI dans le but de dépister une caractéristique génétique déterminée, les autres centres peuvent appliquer le DPI pour le dépistage de cette caractéristique. Le Royaume-Uni possède, en ce sens, une liste des indications admises. Cette liste et celle des demandes pendantes pour de nouvelles caractéristiques sont publiées sur le site Internet de cette autorité112. Celle-ci formule des directives en la matière, en surveille l'application et conseille le gouvernement. La loi autorise le dépistage des aneuploïdie et le DPI en vue de sélectionner des embryons immunocompatibles. En revanche, elle interdit le DPI pour sélectionner le sexe sans lien avec une maladie («social sexing»). Au Royaume-Uni, le DPI est pratiqué dans neuf centres.

­

Etats-Unis: aux Etats-Unis, il n'y a pas de règles en matière de DPI sur le plan fédéral. Quelques rares Etats interdisent le DPI. Dans les autres, la pratique est très libérale. Une enquête auprès des cliniques-FIV américaines113 a montré qu'à peine trois quarts des cliniques-FIV proposent également le DPI. Le «social sexing» est admis aux Etats-Unis et actuellement, 10 % environ des DPI sont effectués dans ce but.

1.8.2

Rapport avec le droit européen

Conseil de l'Europe En règle générale, les garanties accordées par la Convention européenne du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)114 ne s'étendent pas au-delà des droits fondamentaux de la Constitution.

Selon la Cour européenne des droits de l'homme, les Etats parties à la CEDH ont une marge d'appréciation étendue dans le domaine de la procréation médicalement assistée, en particulier en ce qui concerne les aspects controversés du point de vue éthique, qui font l'objet de réglementations différentes dans les Etats parties. A noter que les récents arrêts de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de

112

www.hfea.gov.uk > Patients > Treatment & storage options > Treatment > Genetic testing > Pre-Implantation genetic diagnosis (PGD) > Conditions licensed by the HFEA (consulté le 21 janvier 2013).

113 Référencé entre autres dans S. Baruch et al., Preimplantation genetic diagnosis and parental preferences: Beyond deadly disease, in: Houston Journal of Health Law & Policy, 2008, p. 245 à 270.

114 RS 0.101

5312

l'homme confirment cette pratique115. Comme les dispositions du projet de loi proposé sont conformes aux droits fondamentaux protégés par la Constitution (cf.

ch. 5.1.1), elles satisfont aussi aux exigences de la CEDH.

La Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine du Conseil de l'Europe116 est le premier instrument international à prévoir des règles contraignantes pour les applications de la médecine et de la recherche biomédicale. Elle est entrée en vigueur en Suisse le 1er novembre 2008117. Le chapitre IV concerne le génome humain: l'art. 11 interdit toute forme de discrimination à l'encontre d'une personne en raison de son patrimoine génétique. Cette interdiction s'appliquait en Suisse, en vertu de l'art. 8, al. 2, Cst., avant l'adhésion à la convention. En effet, l'énumération de l'art. 8, al. 2, Cst. n'est pas exhaustive et comprend également les discriminations du fait du patrimoine génétique (cf. les considérations concernant la protection des droits fondamentaux de l'embryon in vitro et la protection de la société au ch. 5.1.1). L'art. 14 interdit l'utilisation des techniques d'assistance médicale à la procréation pour choisir le sexe de l'enfant à naître, sauf en vue d'éviter une maladie héréditaire grave liée au sexe. L'interdiction du DPI valable jusqu'ici est donc plus stricte que les exigences de la convention118. De plus, selon l'art. 12 de la convention, les tests prédictifs de maladies génétiques ne peuvent être effectués qu'à des fins médicales ou de recherche médicale et sous réserve d'un conseil génétique approprié. Là aussi, les propositions de modification de la LPMA satisfont aux exigences de la convention. On ne peut pas tirer de la convention d'autres restrictions en lien avec les indications ou la procédure.

Le 7 mai 2008, le comité des ministres a adopté un protocole additionnel à la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine relatif aux tests génétiques à des fins médicales119. Il exclut les analyses génétiques sur les embryons de son champ d'application.

Le guide du Conseil de l'Europe en matière de sécurité et de garantie de la qualité des organes, des tissus et des cellules ne concerne que les activités en lien avec la transplantation et n'est pas applicable à la procréation médicalement assistée.

115

116 117 118 119

Cf. Evans c. United Kingkom, requête no 6339/05, arrêt de la Grande Chambre du 10 avril 2010; Affaire S.H. et autres c. Autriche, Requête no 57813/00, arrêt de la Grande Chambre du 3 novembre 2011. Dans ce contexte, il convient cependant également de mentionner un arrêt actuel de la Cour européenne des droits de l'homme (Deuxième Section, Affaire Costa et Pavan c. Italie, Requête no 54270/10, du 28 août 2012) selon lequel, s'agissant d'un couple dont l'homme et la femme sont porteurs de la mutation responsable de la fibrose kystique, l'interdiction d'un DPI par la loi italienne viole l'art. 8 CEDH, d'autant que, dans ce pays, ce tableau clinique habilite à pratiquer un DPN et une interruption volontaire de grossesse. La Cour juge donc pareille situation juridique incohérente et estime qu'elle constitue une violation indue du droit au respect de la vie privée et familiale. L'arrêt peut faire l'objet d'un recours devant la Grande Chambre de la Cour européenne et n'a donc pas encore acquis l'autorité de la force jugée. Disponible sur le site Internet www.echr.coe.int (consulté le 21 janvier 2013).

Convention du 4 avril 1997 sur les Droits de l'Homme et la biomédecine (RS 0.810.2).

FF 2008 2125 Message relatif à la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine, FF 2002 271, ch. 3.5.4.

http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/203.htm (consulté le 15 janvier 2013).

5313

Union européenne L'utilisation des gamètes et des embryons, ainsi que l'utilisation des tissus et des cellules sont réglées de manière détaillée au niveau de l'UE. La directive 2004/23/CE120 règle le don, l'obtention, le contrôle, la transformation, la conservation, le stockage et la distribution des tissus et cellules d'origine humaine destinés à un usage sur l'être humain ainsi que des produits fabriqués à partir de ces tissus et cellules. Elle fixe des normes de qualité et de sécurité, afin de garantir un niveau de protection de la santé élevé. Les exigences techniques se trouvent dans les directives 2006/17/CE121 et 2006/86/CE122. Même si ces normes sont surtout orientées sur la médecine de la transplantation, leur champ d'application s'étend aussi à l'utilisation des gamètes; selon la définition de l'art. 1, let. a, de la directive 2006/17/CE (cellules reproductrices), il s'agit de «tous les tissus et cellules destinés à être utilisés à des fins de procréation assistée». Les dispositions d'exécution prévoient notamment un système d'autorisation pour les établissements de tissus (banques de tissus et autres organismes qui obtiennent les tissus et les cellules, les transforment, les analysent, les conservent, etc.) et des modes opératoires normalisés en rapport avec le prélèvement, l'emballage, le marquage et l'envoi des cellules.

Les directives mentionnées ne concernent pas un domaine réglementé par les accords sectoriels existant entre la Suisse et l'UE. Il n'est donc pas nécessaire d'adapter la législation suisse à ces directives. De plus, la transposition de ces normes ne concerne pas seulement le DPI, mais l'ensemble du procédé de procréation; elle dépasserait donc les travaux de révision nécessaires à l'admission du DPI.

1.8.3

Organisation des Nations Unies (ONU)

Le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II ONU)123 garantit les droits de l'homme traditionnels. Les droits et libertés qui y sont garantis correspondent en grande partie à ceux de la CEDH et sont, comme ceux-ci, directement applicables selon la jurisprudence du Tribunal fédéral. Les dispositions du présent projet concordent avec les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution et dans la CEDH (cf. ch. 1.8.2). Elles satisfont donc également aux exigences du pacte.

120

Directive 2004/23/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à l'établissement de normes de qualité et de sécurité pour le don, l'obtention, le contrôle, la transformation, la conservation, le stockage et la distribution des tissus et cellules humains, JO L 102 du 7.4.2004, p. 48.

121 Directive 2006/17/CE de la Commission du 8 février 2006 portant application de la directive 2004/23/CE du Parlement européen et du Conseil concernant certaines exigences techniques relatives au don, à l'obtention et au contrôle de tissus et de cellules d'origine humaine, JO L 38 du 9.2.2006, p. 40.

122 Directive 2006/86/CE de la Commission du 24 octobre 2006 portant application de la directive 2004/23/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences de traçabilité, la notification des réactions et incidents indésirables graves, ainsi que certaines exigences techniques relatives à la codification, à la transformation, à la conservation, au stockage et à la distribution des tissus et cellules d'origine humaine, JO L 294 du 25.10.2006, p. 32.

123 RS 0.103.2

5314

La Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant124 est entrée en vigueur en Suisse le 26 mars 1997. Elle laisse aux Etats parties le soin de décider s'ils veulent accorder une protection à l'enfant non né. Elle ne garantit pas de droit à la vie avant la naissance ni ne prescrit une interdiction de l'interruption de grossesse125. Elle ne permet donc pas de déduire quoi que ce soit en ce qui concerne la réglementation en matière de DPI.

1.9

Mise en oeuvre

1.9.1

Mise en oeuvre prévue

Compétences Afin de garantir une application uniforme dans tout le pays de la question délicate des indications du DPI, la compétence pour l'application de la nouvelle réglementation revient à l'OFSP. Celui-ci est tant l'autorité d'autorisation que le destinataire des déclarations afférentes à chaque procédé FIV. Conformément à la LAGH, l'OFSP est déjà responsable des autorisations accordées aux laboratoires qui effectuent des analyses génétiques humaines; il convient désormais d'étendre ce régime aux laboratoires réalisant des analyses génétiques sur des embryons in vitro.

L'admission du DPI n'entraîne aucune modification des compétences pour les tâches étatiques existantes (autorités cantonales pour l'autorisation de la pratique de la procréation médicalement assistée sans DPI, rôle de l'Office fédéral de la statistique dans l'évaluation et la publication des données et de l'Office fédéral de l'état civil pour la transmission des données en cas de don de sperme).

Ordonnances Le Conseil fédéral réglera dans l'ordonnance du 14 février 2007 sur l'analyse génétique humaine (OAGH)126 les exigences particulières fixées pour les laboratoires qui effectuent des analyses génétiques dans le cadre du DPI, sur la base de l'art. 8, al. 2, LAGH. Le Conseil fédéral insérera les autres dispositions d'exécution dans l'ordonnance du 4 décembre 2000 sur la procréation médicalement assistée (OPMA)127.

Inspections Il faut partir de l'idée que l'Institut suisse des produits thérapeutiques (Swissmedic) sera mandaté pour l'inspection des cinq à dix cliniques de procréation médicalement assistée qui prescrivent le DPI.

L'inspection des laboratoires qui effectuent les analyses génétiques dans le cadre du DPI n'engendrera pas de dépenses supplémentaires pour l'administration fédérale ou pour Swissmedic, puisque ces laboratoires entrent dans le champ d'application de la LAGH et que leur contrôle est déjà réglementé. Ceci dit, il ne faut pas oublier que peu de laboratoires proposeront d'effectuer ces analyses génétiques exigeantes et que la majorité de ces laboratoires sont au bénéfice d'une accréditation du Service

124 125

RS 0.107 Message du 29 juin 1994 sur l'adhésion de la Suisse à la Convention de 1989 relative aux droits de l'enfant, FF 1994 V 1, ch. 212 et 33.

126 RS 810.122.1 127 RS 810.112.2

5315

d'accréditation suisse (SAS). Les contrôles SAS se substituent dans le domaine accrédité aux inspections périodiques par Swissmedic.

1.9.2

Possibilités de mise en oeuvre examinées au stade préliminaire de la procédure législative

Au stade préliminaire de la procédure législative, les objections se concentraient sur deux points du règlement d'exécution: d'une part, sur le délai de 60 jours consécutif à la déclaration, auprès de l'OFSP, de la réalisation prévue du DPI (indications relatives au respect des conditions d'autorisation comprise); d'autre part, sur la bipartition, entre la Confédération et les cantons, du régime d'autorisation (cf.

ch. 1.4.2 et 1.4.4 au sujet de la procédure de consultation). Si la première a été prise en compte ­ le délai ne figurait déjà plus dans le deuxième projet envoyé en consultation ­, le Conseil fédéral a maintenu sa proposition au sujet du régime d'autorisation. L'exécution de la LPMA par les cantons n'ayant pas posé de problème majeur au cours des dernières années, le système ne doit pas changer. En revanche, pour garantir la protection des embryons et éviter que la liste des indications admissibles ne s'allonge indument, il est préférable que l'exécution du DPI soit la même dans toute la Suisse. La délivrance de l'autorisation du DPI doit donc rester du seul ressort de l'OFSP, et non des cantons (cf. le commentaire concernant l'art. 8).

1.9.3

Evaluation de l'exécution

L'art. 14a prévoit l'évaluation des effets de la réglementation du DPI. A cet effet, un renvoi est fait au commentaire relatif à l'art. 14 (évaluation) et aux considérations du chap. 3.1 (effets sur la Confédération).

1.10

Traitement des interventions parlementaires

Par la réglementation de la LPMA, la motion 04.3439 du 2 septembre 2004 de la Commission pour la science, l'éducation et la culture pour l'admission du diagnostic préimplantatoire peut être classée.

2

Commentaires article par article

2.1

Modification de la Constitution

L'actuel art. 119, al. 2, let. c, Cst. précise que ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu'au stade d'embryon que le nombre d'ovules humains pouvant être immédiatement implantés (al. 2, let. c, dernier segment de la phrase). Il en résulte d'abord une limitation stricte du nombre d'embryons pouvant être développés dans le cadre d'un cycle de traitement. En outre, on peut en déduire qu'il est interdit de sélectionner un embryon parmi les embryons transférables et de ne transférer que cet embryon. Enfin, il ressort de ce segment de phrase qu'il est prohibé de prévoir d'emblée la cryoconservation d'embryons dans le but d'éviter des grossesses 5316

multiples (cf. les paragraphes relatifs aux indications admises et aux conditionscadre au ch. 5.1.1). Ces prescriptions ne sont pas compatibles avec la réussite d'un DPI du point de vue médical. En outre, elles compliquent aussi les procédés FIV sans DPI (cf. les explications sur l'eSET, ch. 1.2.3 Transfert d'embryons et cryoconservation). Il convient donc d'adapter le troisième segment de la let. c. Toutefois, il faut conserver l'exigence de prévenir, dans la mesure du possible, le développement d'embryons surnuméraires. C'est en ce sens que le troisième segment de la phrase exige désormais que ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu'au stade d'embryon que le nombre d'ovules humains nécessaire à la procréation médicalement assistée. Cette modification entraîne les conséquences suivantes au cas par cas: ­

Flexibilisation du nombre d'embryons à développer: conformément à la nouvelle réglementation, le nombre maximal d'embryons à développer ne dépend plus du nombre d'embryons pouvant être immédiatement implantés, mais des impératifs de la méthode concrète de procréation médicalement assistée. Comme avant, il est interdit de développer, par cycle de traitement, autant d'embryons que l'on souhaite. Au niveau constitutionnel, la nouvelle formulation indique donc également que les embryons in vitro sont dignes de protection128. Parallèlement, il demeure du ressort du législateur de décider si une limite supérieure doit être fixée et, si tel est le cas, de déterminer combien d'embryons au maximum peuvent être développés par cycle de traitement dans chaque domaine d'application des méthodes de la procréation médicalement assistée. Dans le cadre de la fixation de la limite supérieure, il importera de tenir compte du fait que tous les couples à traiter doivent avoir les mêmes chances de disposer d'un embryon apte au transfert, que le procédé de procréation médicalement assistée contienne ou non un DPI.

­

Suppression de l'obligation de principe d'implanter immédiatement tous les embryons transférables: afin notamment de contrer les risques d'une grossesse multiple, il doit être possible, lorsqu'il existe plus d'un embryon transférable, de sélectionner un seul embryon et de ne transférer que celui-ci (cf.

ch. 1.2.3 Transfert d'embryons et cryoconservation). La nouvelle teneur du troisième segment de la phrase ne s'oppose donc plus à cette pratique.

­

Admission de la cryoconservation d'embryons: conformément à la nouvelle formulation, il est admis de conserver, pour un transfert ultérieur, les embryons qui, à la suite d'un eSET, ne sont pas immédiatement transférés.

Cette mesure sert à protéger, d'une part, la femme concernée contre des prélèvements d'ovules inutiles et contraignants et, d'autre part, l'embryon: l'embryon conservé peut ­ si aucune grossesse n'est induite ou si l'embryon ne se développe pas en un enfant à naître dès le premier cycle, ou si le couple souhaite un autre enfant ­ être transféré lors d'une autre tentative. On prévient ainsi les grossesses multiples à risque ou le rejet d'embryons.

La modification ne concerne pas les autres dispositions de l'art. 119 Cst. Les indications pour lesquelles l'application de procédés de procréation médicalement assistée (et donc le DPI) est admise, doivent rester intactes. Ainsi, la Constitution n'admet le DPI que s'il peut écarter l'infertilité ou prévenir la transmission d'une maladie 128

Au niveau légal, cf. art. 3 et 4 de la loi du 19 décembre 2003 relative à la recherche sur les cellules souches, RS 810.31

5317

grave. Il incombe toujours au législateur de définir ce qu'il convient d'entendre par «maladie grave». Les autres indications demeurent interdites. Il est notamment expressément prohibé de développer chez l'enfant certaines qualités (p. ex., sélectionner le sexe de l'enfant sans lien avec une maladie génétique grave et dépendante du sexe). La sélection d'embryons immunocompatibles pour un don de cellules ultérieur à une soeur ou à un frère déjà né mais malade reste elle aussi interdite.

2.2

Modification de la LPMA

Préambule Le préambule à la LPMA renvoie encore à des dispositions relevant de la Constitution du 29 mai 1874; les dispositions constitutionnelles correspondantes en vigueur aujourd'hui sont simplement mentionnées dans la note de bas de page 1 de la LPMA. Le présent projet remédie à cet état de fait de sorte que le préambule contient désormais un renvoi aux dispositions constitutionnelles actuelles. Il s'agit des art. 119 (procréation médicalement assistée et génie génétique dans le domaine humain) et 122 (droit civil). L'art. 123 Cst. (droit pénal) ne doit pas figurer dans le préambule étant donné que la compétence de la Confédération pour édicter le droit pénal accessoire s'appuie sur la règle de fond (119 Cst.).

Art. 3, al. 4

Bien de l'enfant

Conformément au nouveau droit, non seulement les gamètes et les ovules imprégnés mais aussi les embryons pourront être conservés à certaines conditions (cf. le commentaire concernant l'art. 16). C'est pourquoi l'admission de la conservation d'embryons nécessite que l'al. 4, qui interdit l'utilisation de gamètes et d'ovules imprégnés après le décès d'un des parents, soit complété par la mention «ou d'embryons in vitro». Si l'un des parents meurt, tous les embryons in vitro existants doivent donc être détruits. Le don d'embryons demeure interdit (cf. art. 119, al. 2, let. d, Cst. et 4 LPMA).

Art. 5

Conditions d'application de la procréation médicalement assistée

Cette disposition énumère les conditions auxquelles l'application de la procréation médicalement assistée est admise. Eu égard à l'admission du DPI et dans un souci de clarté, l'art. 5 actuel a été scindé en deux: art. 5 (admissibilité de principe des procédés de procréation médicalement assistée) et 5a (analyse du patrimoine génétique dans le cadre de procédés de procréation médicalement assistée); les intitulés ont également été modifiés.

En accord avec l'art. 119, al. 2, let. c, Cst., l'art. 5 retient, comme jusqu'à présent, les deux buts pour lesquels la procréation médicale est admise. Selon la let. a, il s'agit de remédier à la stérilité d'un couple; selon la let. b, il s'agit d'écarter le risque de transmission d'une maladie grave. Sur le plan du contenu, il n'y a qu'une seule modification: la nouvelle réglementation n'exige pas que la maladie génétique soit «incurable». De toute manière, la cause des maladies génétiques n'est quasiment jamais curable au sens strict. C'est pourquoi, l'incurabilité n'est pas déterminante en l'espèce et ne peut servir de critère de distinction entre les indications admises et celles qui ne le sont pas. De plus, les indications justifiées doivent également 5318

s'appliquer aux maladies qui sont en principe curables ou qui peuvent être traitées, mais dont le traitement n'est pas approprié parce qu'il représente une charge intolérable129. La suppression du terme ne change rien à la conformité de la disposition avec l'art. 119, al. 2, let. c, Cst., car cette dernière ne mentionne que la maladie «grave» et non la maladie «incurable».

Art. 5a

Analyse du patrimoine génétique de gamètes ou d'embryons in vitro et sélection des gamètes ou des embryons

Comme l'actuel art. 5, al. 2, LPMA, l'al. 1 prévoit les conditions auxquelles l'analyse du patrimoine génétique des gamètes et leur sélection sont admissibles.

Pour des raisons de systématique, la formulation actuelle est adaptée, afin de correspondre à celle de l'al. 2. Cette nouvelle formulation n'a aucune conséquence sur le fond. En outre, deux modifications sont apportées sur le plan du contenu: d'une part, la suppression de la condition de l'incurabilité de la maladie, par analogie à l'art. 5; d'autre part, la précision selon laquelle le danger doit résider dans la transmission d'une prédisposition à une maladie grave. Cette formulation est plus correcte. En effet, les analyses génétiques qui sont concernées par la réglementation de cet alinéa et de l'al. 2 ne peuvent servir au diagnostic des maladies qui se sont déjà déclarées; ni les gamètes ni les embryons in vitro ne sont malades. Le résultat de l'analyse ne peut qu'amener à la détection ou non d'une prédisposition génétique déterminée qui pourrait conduire à une maladie dans le futur, avec une certaine probabilité.

En lieu et place de l'interdiction actuelle, l'al. 2 définit les conditions auxquelles le DPI est admis; il constitue de ce fait le coeur de la nouvelle réglementation.

Let. a: la let. a contient le principe selon lequel le DPI n'est admis que si le risque concret de nidation d'un embryon présentant une prédisposition héréditaire à une maladie grave dans l'utérus de la mère ne peut être écarté d'une autre manière. Par la nidation de l'embryon et donc la naissance future d'un enfant porteur de la prédisposition à une maladie grave, le couple concerné risquerait de se trouver dans une situation intolérable. Il ne faut pas seulement penser au poids psychologique, mais aussi aux entraves et au surmenage que les parents doivent affronter en grande partie seuls, surtout pendant les premières années de vie de l'enfant. Le désir des parents d'éviter dans la mesure du possible de se trouver dans une telle situation est considéré comme une justification du DPI et comme une acceptation des risques et des inconvénients qui lui sont liés.

La loi s'inspire jusqu'à un certain point de l'art. 119 CP, qui prévoit que l'interruption de grossesse n'est pas punissable si la femme concernée risque de se trouver dans un état de détresse profonde
du fait de la grossesse. Les deux dispositions prennent en compte un statut comparable de l'embryon et du foetus en considérant que la dignité humaine leur est applicable et qu'ils sont donc protégés contre un pouvoir de disposition discrétionnaire (cf. les paragraphes portant sur la protection des droits fondamentaux de l'embryon in vitro au ch. 5.1.1). En même temps, dans des situations de dilemme, ils peuvent toutefois faire l'objet d'une pesée d'intérêts, en concurrence avec des intérêts vitaux. De ce fait, l'orientation de la réglementation sur celle concernant l'interruption de la grossesse, et donc sur les intérêts des

129

Cf. l'avis de la NEK-CNE par rapport à l'hémophilie, NEK-CNE, Diagnostic préimplantatoire, prise de position n° 10/2005, p. 50 et 52.

5319

parents, permet d'éviter tout jugement sur la qualité de vie de l'enfant à naître et par conséquent tout jugement sur la valeur de sa vie.

«Danger»: la réglementation prévoit que le danger contre lequel le couple doit être protégé consiste en la nidation dans l'utérus de la mère d'un embryon présentant une prédisposition héréditaire à une maladie grave. De cette manière, on exprime très exactement le but du DPI dans le cas concret, c'est-à-dire que l'intervention dans le processus de procréation, en vue d'éviter le développement futur d'un embryon atteint, soit effectuée après la fécondation de l'ovule (création de l'embryon), mais avant le début de la grossesse; ceci à la différence des méthodes d'analyse du patrimoine génétique des gamètes par lesquelles on veut éviter l'existence-même d'un embryon atteint. En outre, par cette qualification du danger comme étant «le risque de nidation d'un embryon présentant une prédisposition héréditaire à une maladie grave», on exprime et on reconnaît que la possibilité d'une «grossesse à l'essai», c'est-à-dire d'une procréation naturelle suivie d'un diagnostic prénatal et, le cas échéant, d'une interruption de grossesse, ne représente pas une alternative tolérable.

D'ailleurs, comme pour la procréation médicalement assistée dans le but de remédier à la stérilité, le renoncement à mettre au monde son enfant n'est pas considéré comme une alternative tolérable.

Il y a danger au sens de la présente disposition uniquement lorsque l'embryon présente avec une certaine vraisemblance une constitution génétique pouvant produire une maladie génétique (cf. à ce sujet le paragraphe relatif à la let. b).

«Maladie»: la let. a implique de plus que la situation intolérable dans laquelle le couple se retrouverait soit provoquée par une maladie dont l'embryon en phase de nidation présente la prédisposition. Cette condition implique en premier lieu que l'application du DPI doit être liée à la prévention d'une maladie. Par conséquent, toute application qui ne serait pas liée à une maladie génétique de l'enfant qui sera conçu est interdite, particulièrement celle qui serait effectuée dans le but de sélectionner un futur donneur de tissus pour un frère ou une soeur malade, celle servant au choix du sexe de l'enfant sans lien avec une maladie ou celle qui serait effectuée en vue
de la sélection positive d'une anomalie (cf. ch. 1.2.4).

«Maladie grave»: par ailleurs, la let. a précise que la maladie appréhendée doit être grave. De légères atteintes à la santé ne peuvent pas être la cause d'une situation intolérable pour les parents et ne peuvent donc pas justifier la mise en danger et la sélection d'embryons dans le cadre d'un DPI.

Bien entendu, il n'est pas facile d'évaluer le degré de gravité d'une maladie. La maladie d'un enfant peut être ressentie et évaluée d'une manière différente selon les parents. Afin que ce critère puisse remplir sa fonction dans la réglementation, c'està-dire d'arriver à une reconnaissance de l'évaluation de la charge représentée pour le couple, il s'agit de définir certains paramètres concrets servant à la définition matérielle des termes «maladie grave». Ces paramètres visent à concrétiser, sur la base de l'expérience médico-scientifique correspondante, la charge intolérable que représente une maladie grave de l'enfant pour les parents, par exemple, sur les plans émotionnel, somatique ou du temps passé à prendre soin de l'enfant. En font partie: ­

les douleurs résistantes aux traitements et qui nuisent considérablement à la vie quotidienne;

­

les sévères limitations de la motricité par des paralysies généralisées; des paralysies isolées ne suffisent toutefois pas;

5320

­

la dépendance qui persiste au-delà de l'enfance et qui nécessite un soutien pour tous les besoins quotidiens, ou tous ceux qui sont importants (manger, s'habiller, hygiène, etc.);

­

les sévères limitations cognitives, à l'instar d'une intelligence considérablement diminuée (QI inférieur à 60) ou d'une maladie psychique grave qui nécessitent des soins permanents;

­

les sévères limitations au niveau de l'émotionnalité et de la régulation affective, qui empêchent de développer des relations émotionnelles réciproques ou affectent gravement l'élaboration de la relation;

­

la limitation de la liberté générale de mouvement, par exemple par la nécessité d'être branché de manière permanente à un appareil à oxygène ou à d'autres appareils importants; la simple dépendance d'un produit thérapeutique ne suffit toutefois pas.

Ce faisant, tous ces symptômes doivent subsister une très grande partie de la vie ou la maladie doit faire diminuer substantiellement l'espérance de vie statistique. On constatera souvent la présence de plusieurs de ces paramètres, mais chaque paramètre en tant que tel représente déjà une atteinte grave et peut justifier l'application du DPI. La réglementation exige que les parents soient soumis, du fait de la maladie de l'enfant, à une charge qui dépasse la limite du tolérable. La disposition vise le danger concret que cette charge provoque chez les parents des atteintes importantes d'ordre psychologique, des atteintes à la santé ou d'autres atteintes.

Let. b: toujours afin de garantir qu'il n'y ait pas de motifs éthiques irrecevables à la base de la décision, la let. b fixe une autre condition: il doit être probable que la maladie grave se déclare avant l'âge de 50 ans. Cela implique une triple probabilité: que la prédisposition à la maladie génétique grave soit effectivement héritée, que ladite maladie se manifeste réellement et que cette manifestation intervienne avant l'âge de 50 ans: ­

L'exigence de la probabilité que la maladie se déclare implique d'abord que l'embryon présente avec une certaine vraisemblance une constitution génétique pouvant produire une maladie génétique. La condition nécessaire est que les deux parents (en cas de transmission récessive) ou l'un d'entre eux (en cas de transmission dominante) soient porteurs de la prédisposition à la mutation à détecter; celle-ci doit pouvoir être prouvée. En cas de maladie héréditaire monogène ­ le cas-type ­ la probabilité que l'embryon présente l'anomalie génétique est de 0 %, 25 % ou un multiple de ce pourcentage, selon les règles de Mendel. Il en ressort que 25 % peut être pris comme une valeur minimale, car ni 0 % ni 50 % ou plus ne peuvent être considérés comme des valeurs raisonnables. Une valeur minimale fixée à 50 % entraînerait des conséquences importantes, particulièrement en relation avec la détection de maladies autosomiques récessives graves puisque cela signifierait que l'application du DPI serait interdite aux couples concernés (cf.

ch. 1.2.4 Dépistage de maladies d'origine génétique [2]). La valeur de 25 % doit donc être retenue, aussi pour les maladies qui ne sont pas transmises de façon monogène. Exposer l'embryon à un procédé diagnostique lourd ne respecterait pas le principe de proportionnalité si la probabilité que l'embryon présente une constitution génétique pouvant produire une maladie génétique était trop faible.

5321

Le but du DPI doit être d'éviter une maladie précise dont la transmission héréditaire est prévisible; il ne doit pas être appliqué en vue de prévenir des mutations spontanées, comme la trisomie 21. Le dépistage des aneuploïdies, c'est-à-dire l'analyse visant la détection d'éventuelles répartitions chromosomiques défectueuses, par exemple chez les femmes connaissant des avortements spontanés à répétition, est également interdit (cf. ch. 1.2.4 DPI pour des couples stériles ou des couples fertiles d'un âge avancé).

­

L'exigence, selon la let. b, de la probabilité que la maladie se déclare implique, pour l'état de santé concret et prévisible de l'enfant, que la mutation conduira effectivement, avec une certaine vraisemblance, à une maladie.

Toute mutation ne se manifeste pas à 100 % dans le phénotype, ce qui signifie que de nombreux porteurs de la mutation ne présentent pas de symptômes de la maladie (cf. ch. 1.2.4 Dépistage de maladies d'origine génétique).

Selon la let. b, seules les mutations qui se déclarent avec une certaine vraisemblance sur le plan clinique doivent être détectées. 25 % semble à nouveau une valeur appropriée. La détection de mutations pour lesquelles la corrélation entre la mutation et la déclaration de la maladie est faible n'est pas admise. C'est généralement le cas pour des maladies héréditaires multifactorielles, mais pas pour des maladies héréditaires autosomiques récessives ou autosomiques dominantes. L'utilisation du DPI en vue d'exclure le simple statut de porteur est également interdite, le but de la loi n'étant pas d'éradiquer les informations génétiques pour certaines maladies dans la population.

Le rejet d'embryons, dans le cadre d'un DPI, qui ne présentent qu'un risque minime ou pas de risque du tout de maladie n'est pas défendable du point de vue éthique.

­

Finalement, en vertu de la let. b il doit être probable que la maladie se déclare «avant l'âge de 50 ans»; il est interdit de détecter des maladies qui ne se manifestent qu'à un âge avancé. La raison suivante est notamment invoquée pour justifier la limitation du délai pendant lequel la maladie doit se manifester avec une certaine vraisemblance: ici encore, il serait disproportionné de mettre en danger un embryon ou même de le détruire si le risque de maladie ou de décès qu'il présente ne se distinguait pas de manière évidente de celui d'une personne non atteinte.

Let. c: la let. c pose l'exigence selon laquelle il ne doit pas y avoir de traitement efficace et approprié pour la maladie grave justifiant le DPI. Par efficace, on entend que le traitement doit effectivement conduire au résultat escompté qui est d'amener une amélioration significative. En outre, un traitement est approprié lorsque ce but est atteint en respectant une proportion raisonnable entre le résultat et l'investissement ou entre les effets et les effets secondaires.

Il est difficile d'évaluer quel traitement respecte une proportion raisonnable entre effets néfastes et utilité et cette décision est certainement perçue de manière très différente en fonction de l'individu. Afin d'objectiver cela, il faut avoir recours aux indices cités à la let. a, qui permettent d'évaluer si une maladie est grave ou non, comme par exemple des douleurs insoutenables, des limitations sévères au niveau de la motricité, de la cognition ou de l'émotionnalité. On ne peut certainement pas parler de traitement efficace et approprié lorsqu'il ne change pas grand-chose à ces atteintes ou qu'il produit des effets secondaires d'intensité équivalente, même si la maladie qui est à l'origine peut être atténuée de manière significative. Cette évalua-

5322

tion dépend toutefois des seuls critères médicaux; d'autres critères, économiques par exemple, ne doivent jouer aucun rôle.

Quand bien même le couple remplirait par ailleurs les conditions figurant aux let. a à c pour un DPI, il n'aurait pas pour autant toute latitude pour faire dépister d'autres caractéristiques de l'embryon. Autoriser un couple à pratiquer un DPI lorsqu'il satisfait aux exigences ne revient donc pas à lui donner carte blanche pour faire effectuer d'autres tests génétiques.

Let. d: le DPI est appliqué dans l'intérêt des parents potentiels (cf. ch. 1.3.2.1); ce sont donc eux qui doivent invoquer auprès du médecin le fait que leur désir de devenir parents pourrait conduire à une charge intolérable dans la situation donnée, avant tout à cause de leur prédisposition génétique mais aussi à cause de leurs conditions générales de vie. Cette disposition a pour but que le couple prenne une décision réfléchie et responsable, suite à un conseil détaillé, et qu'elle l'atteste par écrit auprès du médecin.

Dans l'ensemble, la réglementation proposée n'admet le DPI qu'à des conditions strictement définies. Celles-ci ont pour but d'éviter dans la mesure du possible une zone grise d'indications imprécises. Ce faisant, elle s'axe sur la réglementation concernant l'interruption de grossesse, qui représente une pratique acceptée par la société, et applique les principes qu'elle contient à la manière de traiter les embryons in vitro, sans toutefois ignorer les différences entre les deux situations (cf. ch. 1.3.1 DPI et diagnostic prénatal). Elle vise simultanément à protéger autant que possible les embryons, les individus et la société contre des évolutions indésirables.

Art. 5b

Consentement du couple

L'art. 5b prévoit qu'une méthode de procréation médicalement assistée ne peut être appliquée qu'avec le consentement du couple et qu'après trois cycles de traitement sans résultat, le couple doit renouveler son consentement par écrit s'il entend poursuivre le procédé. Pour des raisons de systématique, cette règlementation se trouve maintenant à cet emplacement, avant les dispositions relatives à l'information et au conseil, en lieu et place de l'art. 7 LPMA, abrogé. Par conséquent, le terme «nouveau» relatif au délai de réflexion peut être supprimé à l'al. 1. Par contre, il n'est pas nécessaire d'indiquer à cet emplacement (comme jusqu'ici à l'art. 7) la durée du délai de réflexion. Contrairement au délai de réflexion entre le premier entretien de conseil et le début du traitement (art. 6, al. 3), le délai en cas de consentement à la poursuite de la méthode de procréation peut également être inférieur à quatre semaines, d'autant plus que le couple concerné sait, par expérience directe, dans quoi il s'engage.

La nouvelle réglementation précise que le couple concerné ne peut consentir qu'après avoir été informé et conseillé «de manière circonstanciée», ce qui signifie que toutes les informations nécessaires à un consentement actif soient mises à disposition du couple concerné. Par ce complément, la réglementation en matière de procréation médicalement assistée est adaptée à celle en matière d'analyses génétiques (art. 5 et 18 LAGH). Par ailleurs, l'al. 1 reprend également la terminologie employée dans d'autres actes récents du droit de la santé (loi du 19 décembre 2003

5323

relative à la recherche sur les cellules souches, LRCS130, loi du 30 septembre 2011 relative à la recherche sur l'être humain, LRH131).

Par ailleurs, la disposition est complétée par un ajout à l'al. 2, qui réglait jusqu'à présent le consentement du couple pour la décongélation des ovules imprégnés.

Etant donné qu'il sera désormais possible de conserver non seulement des ovules imprégnés, mais également des embryons, il y a lieu de citer également ces derniers.

Art. 6, al. 1 Selon une terminologie unifiée, la version allemande de la disposition prévoit également que l'information soit donnée de manière circonstanciée (hinreichend). Le médecin est bien sûr libre de mentionner encore d'autres éléments que ceux qui sont inscrits dans la loi.

Art. 6a

Information et conseil en cas de procréation médicalement assistée dans le but de prévenir la transmission d'une maladie grave

En complément à l'art. 6 LPMA, cette disposition décrit les obligations particulières en matière de conseil génétique et d'information qui doivent être respectées dans le cadre du DPI. Elles sont également valables pour d'autres méthodes de procréation médicalement assistée lorsque celles-ci visent à prévenir la transmission de la prédisposition à une maladie grave. Par conséquent, l'art. 6a peut, à certaines conditions, s'appliquer aussi aux procédés avec don de sperme hétérologue ou à la sélection des spermatozoïdes. Jusqu'à présent, l'art. 9, al. 3, réglait les obligations correspondantes en matière de conseil.

Selon l'a. 1, le principe est que chaque médecin traitant doit mettre à disposition du couple toutes les informations nécessaires à une prise de décision juridiquement valable. Toute tentative d'influencer la décision est interdite. En se fondant étroitement sur la réglementation en matière de conseil inscrite à l'art. 14 LAGH, l'al. 1 énumère les points suivants: Let. a: le type de la maladie qui doit être diagnostiquée constitue le contenu central du conseil. Celui-ci comprend des informations sur la fréquence de la maladie et donc aussi sur l'état des connaissances médicales; en général, ces dernières sont plutôt faibles pour les maladies rares. Le conseil porte aussi et surtout sur les informations relatives aux signes cliniques concrets et prévisibles de la maladie. Dans de nombreux cas, on ne peut conclure que de manière imprécise quels sont les effets qu'une anomalie génétique déterminée aura sur le phénotype (cf. ch. 1.2.4 Dépistage de maladies d'origine génétique). Les prévisions relatives à la réalité de vie future d'une personne présentant la prédisposition en question, et basées sur les résultats des analyses génétiques, ne peuvent être effectuées qu'avec un certain degré de probabilité, mais jamais avec certitude.

Let. b: le couple doit aussi être informé des mesures prophylactiques ou thérapeutiques que la médecine peut proposer. Même si une des conditions d'application du DPI est qu'il n'existe aucun traitement efficace et approprié au moment de l'analyse (cf. art. 5a, al. 2, let. c), il est toutefois possible que des mesures de soutien et de soulagement soient à disposition. De plus, le médecin peut donner des informations 130 131

RS 810.31 FF 2011 6823

5324

sur les résultats de la recherche et les possibilités de traitement prévisibles, particulièrement pour les maladies qui ne se déclareront qu'à un âge plus avancé.

Let. c: en se basant sur l'état de santé prévisible de l'enfant (cf. let. a), le médecin doit présenter de manière concrète les effets possibles de la maladie. Font partie de ces effets: une mobilité personnelle et une liberté de mouvement réduites, des dépenses supplémentaires par exemple pour les besoins en matière d'alimentation, d'habillement ou de soins, ainsi que les possibilités d'atténuer ces effets et d'obtenir de l'aide, mais aussi de les vivre comme un défi et un enrichissement.

La let. d exige que la valeur probante et le risque d'erreur de l'analyse génétique soient précisés. Chaque diagnostic, et plus encore le DPI (cf. ch. 1.2.5), comporte un risque de fournir de faux résultats. Le couple doit donc être rendu attentif au fait que, quelle que soit sa décision au sujet de leur futur enfant, celle-ci peut être fondée sur une erreur.

Let. e: il faut aussi souligner que le procédé diagnostique lui-même n'est pas exempt d'effets dommageables pour l'embryon, respectivement pour l'enfant qui naîtra.

D'un côté il peut y avoir une diminution des chances de réussite de la méthode de procréation et de l'autre, il n'y a pas encore de certitude sur le fait qu'aucun effet durable sur le développement de l'enfant n'est à craindre (cf. ch. 1.2.3 Biopsie embryonnaire).

Let. f: finalement, le médecin doit indiquer au couple concerné d'autres instances privées ou publiques qui peuvent offrir des informations, la possibilité d'échanger des expériences et une aide.

L'al. 2 souligne que le conseil doit porter uniquement sur la situation du couple concerné. Les intérêts de la société, qu'ils soient de nature économique, politique ou autre ne font pas partie du conseil et ne doivent jouer aucun rôle dans la prise de décision. Par ailleurs, il convient également de respecter le temps de réflexion prévu par l'art. 6, al. 3, lorsqu'un couple recourt à la procréation médicalement assistée pour éviter de transmettre une maladie grave.

L'al. 3 dispose que le médecin peut choisir l'embryon ou les embryons à transférer uniquement après un entretien supplémentaire. Cette règle vise à impliquer le couple avant le moment, crucial du point de vue éthique,
de la sélection d'embryon. Cette décision doit donc être discutée lors de l'entretien, ce qui évite que la sélection ne tourne à l'automatisme. Cette disposition s'inscrit également dans la ligne de l'art. 5, al. 2, let. d, qui prévoit qu'il appartient au couple de faire valoir auprès du médecin le fait que porter et mettre au monde un enfant présentant la caractéristique génétique en question représenterait pour eux une charge intolérable.

Finalement, l'al. 4 prévoit que les entretiens et l'essentiel de leur contenu et de leurs résultats doivent être consignés par le médecin.

Art. 6b

Protection et communication des données génétiques

En ce qui concerne la protection des données et la communication des données génétiques, les règles applicables au DPI doivent être les mêmes que pour les autres analyses génétiques. C'est pourquoi, l'art. 6b renvoie aux dispositions de la LAGH en la matière.

5325

Art. 7

Consentement du couple

Le consentement du couple est requalifié de manière systématique. L'art. 5b règle désormais ce principe. L'art. 7 peut donc être abrogé.

Exécution (art. 8 à 14a) Sur arrière-fond des risques et dangers liés au DPI (cf. notamment ch. 1.3.1 et 1.3.2), la réglementation proposée prévoit une procédure d'autorisation et de déclaration spéciale. Les médecins qui souhaitent proposer le DPI doivent être au bénéfice d'une autorisation délivrée par l'OFSP et chaque application d'un DPI doit être annoncée à l'OFSP au préalable.

Différentes mesures de surveillance doivent garantir que les applications du DPI ne sont effectuées que si elles satisfont aux dispositions inscrites dans la loi. D'une part, les spécialistes impliqués doivent, dans le cadre de la délivrance de l'autorisation, attester de connaissances et de capacités suffisantes. D'autre part, les conditions d'application, qui revêtent un caractère fondamental sur le plan éthique, sont soumises à une surveillance étatique, sans toutefois intervenir de manière démesurée dans le procédé. Finalement, des responsabilités claires sont déterminées pour l'ensemble du procédé, particulièrement pour le cas où les différentes étapes seraient effectuées par plusieurs établissements indépendants les uns des autres (cliniques spécialisées dans la procréation médicalement assistée, laboratoires génétiques, etc.).

Le système d'autorisation et de déclaration prévu assure donc qu'aucun embryon humain ne sera soumis à un procédé dommageable ou ne sera rejeté d'une manière injustifiée. Par ailleurs, il garantit qu'une éventuelle extension des indications sera reconnue à temps et qu'il sera donc possible d'empêcher des applications abusives.

Art. 8

Principes

Conformément à l'actuel al. 1, let. b, doit être en possession d'une autorisation cantonale toute personne qui conserve des gamètes ou des ovules imprégnés ou qui pratique la cession de sperme provenant de dons sans mettre elle-même en oeuvre les méthodes de procréation médicalement assistée. Etant donné qu'en vertu de l'art. 16 révisé, des embryons in vitro pourront dorénavant également être conservés et que cet acte nécessite aussi une autorisation cantonale, l'al. 1, let. b, doit être complété en conséquence.

L'al. 2 prévoit que toute personne qui souhaite prescrire un DPI dans le cadre de la procréation médicalement assistée, au sens de l'art. 5a, al. 2, doit en outre être titulaire d'une autorisation délivrée par l'OFSP. L'introduction de cette exigence supplémentaire est nécessaire dans la mesure où seul le personnel médical dûment qualifié peut effectuer un DPI, ce que cette disposition vise précisément à garantir (cf. art. 10a).

Les autorisations dont doivent disposer les médecins proposant des DPI doivent être délivrées non par les cantons mais par l'OFSP, seul à même d'assurer, en tant qu'organe fédéral, une pratique en matière d'autorisations et une mise en oeuvre uniformes dans toute la Suisse. D'ailleurs, l'OFSP est déjà compétent en matière d'autorisations dans des domaines apparentés (analyses génétiques, recherche sur les cellules souches, transplantations) et il dispose des connaissances techniques nécessaires à la mise en oeuvre et des contacts avec des experts qui peuvent être mandatés le cas échéant.

5326

L'al. 3 impose, lui, aux laboratoires qui effectuent des analyses du patrimoine génétique dans le cadre de procédés de procréation médicalement assistée au sens de l'art. 5a, al. 1 et 2, l'obligation d'être titulaire d'une autorisation selon l'art. 8 LAGH. Sans ce renvoi, les dispositions de la LAGH ne s'appliqueraient pas aux analyses génétiques sur les embryons in vitro, ouvrant par là-même une faille au niveau de la garantie de la qualité.

L'al. 4 correspond à l'al. 2 actuel.

Art. 9

Application de méthodes de procréation médicalement assistée

En considération du nouvel assujettissement à autorisation pour la méthode de procréation médicalement assistée avec analyse du patrimoine génétique d'embryons in vitro, il est indispensable, pour des raisons relevant de la rédaction et de la systématique législatives, de préciser à l'al. 1 que les exigences fixées à l'art. 9 ne concernent que l'autorisation pour la méthode de procréation médicalement assistée selon l'art. 8, al. 1, let. a.

Le conseil génétique est maintenant réglé de manière détaillée à l'art. 6a; l'al. 3 est donc abrogé.

Art. 10

Conservation et cession de gamètes, d'ovules imprégnés et d'embryons in vitro

L'art. 10 fixe les conditions d'octroi d'une autorisation pour la conservation de gamètes et d'ovules imprégnés ou pour la cession de sperme. Pour des raisons de rédaction et de systématique de la loi, l'activité soumise à autorisation n'est plus (par analogie à l'art. 9, al. 1) décrite à cet endroit mais précisée via un renvoi à l'art. 8, al. 1, let. b.

Désormais, les conditions de conservation s'appliquent également à la conservation d'embryons in vitro. Aussi le terme «embryons in vitro» complète-t-il le titre ainsi que l'al. 1 et l'al. 2, let. b.

Art. 10a

Droit de prescrire l'analyse du patrimoine génétique d'embryons in vitro

Cette disposition fixe les conditions d'octroi d'une autorisation pour prescrire une analyse des caractéristiques du patrimoine génétique d'embryons in vitro au sens de l'art. 8, al. 2.

Conformément à la let. a, la personne qui souhaite proposer le DPI doit d'abord être titulaire d'une autorisation pour la pratique de la procréation médicalement assistée au sens de l'art. 9. Seules les titulaires de cette autorisation peuvent garantir que le couple concerné sera informé et traité selon les règles de l'art pour ce qui est de la procréation.

De plus, par analogie avec les dispositions de la LAGH concernant la prescription d'analyses génétiques prénatales, la personne qui prescrit un DPI doit obéir à des exigences supplémentaires. Ainsi, conformément à la let. b, celle-ci doit également pouvoir justifier de connaissances suffisantes dans le domaine de la génétique médicale, qu'elle aura acquises dans le cadre d'une formation postgrade dans ce domaine ou d'une pratique professionnelle exercée en Suisse ou à l'étranger. En revanche, une formation postgrade de médecin spécialiste en génétique médicale au sens de 5327

l'annexe 1, ch. 3 de l'ordonnance du 27 juin 2007 sur les professions médicales132 n'est pas exigée.

Selon la let. c, cette personne doit aussi garantir que la méthode et la collaboration avec les laboratoires concernés correspondent à l'état des connaissances scientifiques et de la pratique. Par laboratoires concernés on entend d'une part le laboratoire qui effectue la biopsie embryonnaire et d'autre part celui qui effectue l'analyse génétique de la cellule. Ces laboratoires peuvent être des établissements indépendants de la clinique proposant la procréation médicalement assistée. Il est important que toutes les étapes du procédé qui dépassent la méthode de procréation médicalement assistée proprement dite soient coordonnées par le titulaire de l'autorisation.

Dans ce but, les différents processus doivent être consignés, y compris les interfaces entre les établissements concernés133.

Art. 11

Rapport d'activité

Selon l'art. 11, tout titulaire d'une autorisation visée à l'art. 8, al. 1, doit régulièrement présenter, depuis l'entrée en vigueur de la LPMA, un rapport d'activité.

L'art. 11 définit le contenu du rapport.

La précision «visée à l'art. 8, al. 1», insérée à l'al. 1 pour des raisons relevant de la rédaction et de la systématique législatives, met clairement en lumière que l'obligation de rédiger un rapport d'activité ne concerne pas les titulaires d'une autorisation selon l'art. 8, al. 3, (laboratoires). L'ajout de l'adjectif «cantonal» explicite en outre qu'il n'y pas lieu de présenter de rapport à l'OFSP.

Compte tenu de l'autorisation du DPI, l'al. 2, let. e, ajoute que le rapport d'activité devra dorénavant fournir également des informations sur la cryoconservation et l'utilisation d'embryons in vitro. Par informations, on entend ici notamment des données concernant le nombre d'embryons et les caractéristiques de la maladie testés, ainsi que le nombre d'embryons détruits, transférés et conservés après la procédure. Enfin, ces informations permettent de procéder à l'évaluation prévue à l'art. 14a, al. 2, let. b. Pour le reste, le contenu du rapport demeure inchangé.

L'al. 4 précise qu'il n'incombe qu'aux autorités cantonales chargées de délivrer les autorisations de transmettre les données à l'Office fédéral de la statistique (OFS) pour interprétation et publication. En effet, comme il n'y a pas lieu de faire rapport à l'OFSP, celui-ci ne peut livrer à l'OFS les données nécessaires à l'établissement des statistiques.

Art. 11a

Obligation de déclarer

Selon l'al. 1, les médecins doivent déclarer à l'OFSP les éléments relatifs au respect de chacune des conditions d'application; la déclaration doit être effectuée immédiatement après que le couple a donné son consentement à l'application du DPI prévu.

Sur la base de celle-ci, l'OFSP et, au besoin, la Commission d'experts pour l'analyse génétique humaine (CEAGH), doivent pouvoir estimer dans quelle mesure le couple satisfait aux conditions d'application du DPI (cf. ch. 2.3). La déclaration doit donc 132 133

RS 811.112.0 Cf. ESHRE PGD Consortium «Best practice guidelines for preimplantation genetic diagnosis (PGD) and preimplantation genetic screening (PGS)», A.R. Thornhill et.al., Human Reproduction 2005 vol. 20, no 1, p. 35 ss, not. p. 46 conc. «Satellite PGD/PGS».

5328

mettre en évidence le risque de nidation d'un embryon présentant la prédisposition concernée dans l'utérus de la mère et indiquer la maladie héréditaire dont il s'agit, son degré de gravité et l'âge probable vers lequel celle-ci se manifestera. Elle fera enfin état des éventuelles pistes thérapeutiques et fournira des indications sur la charge intolérable pour les parents. Le Conseil fédéral peut régler les modalités de l'obligation de déclarer dans une ordonnance.

Sur la base de cette déclaration, l'OFSP peut contrôler le respect des conditions fixées à l'art. 5a, al. 2, intervenir le cas échéant et accéder à des données relatives aux DPI qui permettront notamment de procéder à l'évaluation.

Comme pour les rapports destinés aux cantons, conformément à l'art. 11, les données contenues dans les déclarations adressées à l'OFSP doivent être anonymes (al. 2).

Art. 12

Surveillance

Cette disposition règle la surveillance de l'autorité qui délivre les autorisations sur le respect des conditions et des obligations nécessaires à l'obtention de l'autorisation ainsi que des charges éventuelles. L'autorité peut notamment procéder à des inspections et, dans les cas de grave infraction à la loi, elle peut retirer l'autorisation.

Comme une surveillance fédérale sera mise en place pour le DPI, cette disposition ne s'applique pas seulement aux autorités cantonales qui délivrent les autorisations, mais aussi à l'OFSP.

L'al. 1 règle l'activité de contrôle de l'autorité qui délivre les autorisations. La nouvelle let. b prévoit que celle-ci doit dès à présent surveiller également le respect des «obligations» dans le cadre de ses tâches de surveillance. Ceci concerne en premier lieu la nouvelle obligation de déclarer les applications de DPI consacrée par l'art. 11a, al. 1, mais n'exclut pas d'autres obligations.

Dans l'al. 2 on a supprimé les termes «non annoncés» parce que les autorités doivent pouvoir réaliser des inspections tant annoncées que spontanées. Par analogie avec la réglementation relative aux laboratoires génétiques (art. 12 LAGH), l'al. 2 octroie, en outre, des compétences supplémentaires aux autorités délivrant les autorisations.

Elles ont entre autres le droit de pénétrer dans la propriété, les entreprises et les locaux sans permis de perquisitionner. Cette mesure est particulièrement importante lorsqu'une déclaration d'un procédé de DPI éveille un soupçon fondé de non-respect des conditions d'application et que l'autorité veut rapidement obtenir des renseignements complémentaires ou intervenir. De plus, le titulaire de l'autorisation a l'obligation de donner les renseignements nécessaires et, plus généralement, d'apporter son aide à l'autorité qui effectue l'inspection. Dans certains cas, la mise à disposition du dossier médical anonymisé sera nécessaire. Certaines de ces compétences de l'autorité de surveillance étaient réglées jusqu'à présent dans une ordonnance (art. 10, en part. al. 2 et 3, OPMA). Vu l'atteinte aux droits fondamentaux, un ancrage dans la loi est indiqué.

Si le titulaire d'une autorisation selon l'art. 8 LPMA viole l'une des obligations ou conditions inscrites dans l'autorisation, l'autorité chargée de la délivrance des autorisations peut recourir
à différentes mesures (cf. art. 65 de la loi sur la transplantation, art. 21 de la loi relative à la recherche sur les cellules souches). L'al. 3 ne les énumère pas de manière exhaustive. L'intensité des mesures doit être proportionnée.

L'autorité de contrôle doit donc opter pour une procédure apte à atteindre l'objectif 5329

visé. La mesure doit être nécessaire et il doit exister un rapport raisonnable entre le but visé et l'intervention. Un intérêt public primant l'intérêt privé doit la justifier. Si la santé publique ou celle des embryons est grandement menacée, l'autorité chargée de la délivrance des autorisations peut notamment interdire l'utilisation de certains locaux ou installations, fermer des entreprises et suspendre ou retirer des autorisations.

Dans le cadre de l'exécution de la loi, les autorités compétentes ont à tout moment la possibilité de faire appel à des experts externes (cf. art. 12, al. 3, OAGH concernant l'inspection des laboratoires effectuant des analyses génétiques). Comme pour la réglementation de la loi sur la transplantation et du contrôle des laboratoires microbiologiques et sérologiques134, le Conseil fédéral peut, au niveau de l'ordonnance, déléguer certaines tâches relevant de la surveillance (p. ex., le contrôle du respect des conditions d'application, des obligations et des exigences) à des tiers, comme par exemple Swissmedic (al. 4).

Art. 14a

Evaluation

L'al. 1 concerne l'évaluation de la réglementation relative au DPI. Par le contrôle de l'efficacité et l'évaluation, il s'agit de déterminer de manière scientifique si, et dans quelle mesure, les mesures prises correspondent effectivement aux attentes et contribuent à atteindre les buts définis. Il s'agit de nommer les forces et les faiblesses de la réglementation, d'évaluer ses effets et d'émettre des recommandations pour une optimisation de celle-ci. Ces prestations d'évaluation peuvent être confiées à la section de l'OFSP chargée de l'exécution, à un service interne spécialisé ou à des tiers.

L'al. 2 mentionne les éléments principaux qui doivent absolument faire l'objet de l'évaluation, mais n'exclut pas la prise en compte d'autres aspects.

Let. a: un des principaux buts de la réglementation consiste à empêcher une sélection d'embryons in vitro qui serait effectuée sur la base de critères illégaux. Mis à part les infractions manifestes, on craint surtout une extension lente et insidieuse des indications (art. 5a, al. 2). L'évaluation doit donc révéler si l'on observe une telle tendance à l'extension ou si la réglementation choisie permet de la contrer. Il s'agit en même temps de vérifier si les conditions d'application permettent effectivement à tous les couples qui auraient autrement risqué de se retrouver dans une situation intolérable de se soumettre à un DPI.

La let. b exige un monitoring général de la pratique effective en matière de DPI dans les centres et les laboratoires. En font partie: le relevé du nombre de couples traités et de procédés effectués, les résultats de ceux-ci ainsi que d'éventuels problèmes ou difficultés. De cette manière, la réglementation assure que les informations de base nécessaires sont disponibles pour les étapes suivantes de l'évaluation.

La let. c concerne l'évaluation des processus d'exécution et de surveillance dans l'administration. Le but est de vérifier l'efficience et l'efficacité de la réglementation d'exécution proposée et d'élaborer d'éventuelles propositions d'optimisation.

Enfin, la let. d prévoit l'évaluation des effets de la réglementation sur la société. Ces effets concernent surtout la situation des personnes atteintes d'une maladie ou d'un handicap pour lesquelles on craint un effet discriminatoire causé par la possible 134

Art. 9 de l'ordonnance du 14 février 2007 sur l'analyse génétique humaine, RS 818.123.1.

5330

prévention, réelle ou imaginée, de leur affection par le biais du DPI. De plus, on craint également qu'à cause de l'existence du DPI, les couples concernés puissent faire l'objet de pressions qui restreindraient leur liberté de décision relative à un enfant souffrant d'un handicap. Pour cette raison, la NEK-CNE préconise de procéder à un examen scientifique des effets sociétaux et psychologiques que l'admission du DPI peut avoir135. Ces craintes doivent être prises au sérieux et la loi doit donc être évaluée en relation avec ces effets indirects.

L'al. 3 accorde le droit à l'organe d'évaluation d'exiger des titulaires d'autorisation qu'ils lui fournissent, sous une forme anonymisée, les données nécessaires à l'évaluation. Il n'est pas nécessaire de pouvoir remonter jusqu'à une personne déterminée dans le cadre de l'évaluation; la mise à disposition des données anonymisées est donc suffisante.

Al. 4: afin d'assurer la coordination au niveau du Conseil fédéral, il est nécessaire que le département responsable présente un rapport relatif à l'évaluation au Conseil fédéral. Celui-ci peut alors remplir ses obligations relatives à l'évaluation de l'efficacité envers le pouvoir législatif. Le premier rapport doit être présenté au Conseil fédéral cinq ans après l'entrée en vigueur du projet (voir le commentaire concernant la disposition transitoire relative à l'art. 14a).

Art. 15

Conservation des gamètes

Conformément au droit en vigueur, les gamètes peuvent être conservés pendant cinq ans au maximum (al. 1). Le nouveau droit prévoit la possibilité de prolonger, sur demande de la personne à laquelle ils appartiennent, la durée de conservation des gamètes de cinq années supplémentaires. Cette mesure résulte de l'adaptation aux nouveaux délais de conservation des ovules imprégnés et des embryons selon l'art.

16. Comme jusqu'à présent, il demeure possible de convenir, aux conditions visées à l'al. 2, d'un délai encore plus long pour les gamètes.

Art. 16

Conservation des ovules imprégnés et des embryons in vitro

En vertu du droit en vigueur, les embryons ne doivent pas être conservés à des fins de procréation médicalement assistée (art. 17, al. 3). La conservation n'est admise que si, contre toute attente, un transfert d'embryons ne peut être réalisé parce que la femme est victime d'un accident ou tombe malade et qu'il doit donc être effectué à une date ultérieure136. Par contre, le nouveau droit admet la conservation des embryons aux mêmes conditions que celles valables pour les ovules imprégnés. L'al. 1 précise que la conservation d'embryons est admise lorsque le couple concerné a donné son consentement par écrit et que le seul but poursuivi est la procréation. Ce principe s'applique tant aux procédés avec DPI qu'à ceux sans DPI. En outre, le terme «le couple à traiter» est remplacé, dans l'al. 1, par «le couple concerné» et ce, par souci d'uniformisation terminologique.

La suppression de l'interdiction de cryoconserver sert, d'une part, à la protection des embryons: à l'avenir, les embryons transférables et aptes à se développer, qui, dans le cadre d'un eSET par exemple, ne sont pas immédiatement transférés, ne devront pas être détruits. D'autre part, elle profite à la femme concernée en particulier, étant 135 136

NEK-CNE, Diagnostic préimplantatoire, prise de position no 10/2005, p. 52.

Message relatif à la loi sur la procréation médicalement assistée, FF 1996 III 220 et 260.

5331

donné qu'on pourra, à certaines conditions, renoncer à effectuer un autre prélèvement d'ovules, contraignant pour elle. Afin d'éviter les abus, l'interdiction de la conservation à des fins autres que la procréation médicalement assistée est maintenue (art. 37, let. f). Enfin, il convient de présenter à l'autorité délivrant les autorisations un rapport annuel renseignant sur la conservation et l'utilisation des ovules imprégnés et des embryons (art. 11, al. 2, let. e).

Conformément au droit en vigueur, la durée de conservation d'ovules imprégnés est limitée à cinq ans. Selon le nouveau droit, cette durée de conservation doit s'appliquer aux embryons également (al. 2). De plus, le nouveau droit donne au couple concerné la possibilité de demander que la durée de conservation tant des ovules imprégnés que des embryons soit prolongée de cinq années supplémentaires, pour autant qu'il souhaite toujours recourir à la procréation médicalement assistée. Dans la pratique, la durée de conservation de cinq ans s'est avérée souvent trop courte, chez les couples jeunes notamment. Des ovules imprégnés ou des embryons devaient donc être détruits en dépit du fait que le désir de procréation médicalement assistée du couple était intact. Aussi l'octroi d'une prolongation du délai de conservation se justifie-t-il, à certaines conditions, dans l'intérêt de la protection de l'embryon notamment.

Selon l'al. 3, chacun des deux partenaires peut, sur la base de son droit à l'autodétermination, révoquer, en tout temps, par écrit son consentement à la conservation et à l'utilisation d'ovules imprégnés et d'embryons. En cas de révocation du consentement ou à l'échéance de la période de conservation de cinq ou de dix ans, les ovules imprégnés et les embryons doivent être immédiatement détruits (al. 4; les dispositions de la loi relative à la recherche sur les cellules souches demeurent réservées). Le don d'embryons reste interdit (art. 119, al. 2, let. d, Cst. et 4 LPMA).

Art. 17

Développement des embryons

Conformément au nouveau droit, le développement d'un nombre plus grand d'embryons que ceux pouvant être implantés immédiatement doit être admis. En d'autres termes, tous les embryons ne doivent plus être immédiatement transférés.

Cette mesure diminuera le risque d'une grossesse multiple et augmentera, simultanément, la probabilité d'obtenir un embryon transférable. La règle selon laquelle on ne peut développer que le nombre d'embryons nécessaires à induire une grossesse au cours d'un cycle, est donc abrogée. Cependant, afin de prévenir, dans la mesure du possible, le développement d'embryons surnuméraires, l'al. 1 prescrit, comme jusqu'à présent, le nombre maximal d'embryons pouvant être développés au cours d'un cycle de traitement, en fonction de la méthode appliquée.

Conformément à la let. a, trois embryons au plus doivent être développés par cycle dans le cadre de l'application d'une méthode de procréation médicalement assistée sans analyse du patrimoine génétique de l'embryon. La règle des trois embryons continue donc de s'appliquer aux méthodes sans DPI. Toutefois, conformément au nouveau droit, tous les embryons développés ne doivent plus être immédiatement transférés, c'est-à-dire au cours du même cycle. Par conséquent, le fait de ne sélectionner pour le transfert qu'un seul embryon approprié sur les trois pouvant être développés et de conserver les deux autres à des fins de procréation médicalement assistée (cf. ci-dessus le commentaire concernant l'art. 16) est admis. A l'étranger, ce procédé (eSET) contribue, dans une très large mesure, à réduire le nombre de grossesses multiples à risque, sans pour autant nuire considérablement aux perspec5332

tives de réussite de la méthode (cf. ch. 1.2.3 Transfert d'embryons et cryoconservation). Il convient cependant de garder à l'esprit que rares sont les pays étrangers à limiter le nombre d'embryons pouvant être développés par cycle.

Conformément à la let. b, on peut, en revanche, développer huit embryons au plus par cycle dans le cadre de l'application d'une méthode avec analyse du patrimoine génétique («règle des huit embryons»). En d'autres termes, la let. b prévoit, dans le cadre de l'application d'une méthode avec analyse de l'embryon, une dérogation à la règle des trois embryons pour la raison suivante: la probabilité d'obtenir un embryon transférable est relativement faible dans le cadre de l'application d'une méthode incluant l'analyse du patrimoine génétique de l'embryon, car un pourcentage élevé des embryons développés présente généralement un défaut génétique (jusqu'à 50 %, en fonction de la maladie génétique concernée et de la constitution génétique des parents; cf. annexe 2, tableau 1). Par ailleurs, les biopsies embryonnaires ne se déroulent pas toujours bien tant et si bien que l'embryon ne peut plus être utilisé à des fins de procréation médicalement assistée. Si, lors d'une procréation médicalement assistée avec DPI, le développement de huit embryons au plus par cycle est admis, la probabilité d'obtenir au moins un embryon transférable est quasiment aussi élevée qu'en cas de procréation médicalement assistée sans analyse du patrimoine génétique de l'embryon, dans le cadre de la règle des trois embryons en vigueur.

Cette probabilité se monte à 80 % (cf. annexe 2, tableaux 2 et 3). A ces conditions, tous les couples souhaitant recourir à la procréation médicalement assistée ont les mêmes chances d'obtenir un embryon transférable, indépendamment de la méthode utilisée. Parallèlement, en appliquant cet échelonnement des nombres maximums, le texte de la loi s'accorde avec l'exigence de la Constitution de ne pas développer plus d'embryons que le nombre nécessaire à la méthode concrète de procréation médicalement assistée.

Si plusieurs embryons transférables sont disponibles, on peut, par analogie avec les méthodes sans DPI, transférer un seul embryon et conserver les deux embryons restants pour un cycle ultérieur. L'interdiction de cryoconserver des embryons inscrite à l'al. 3 est donc
abrogée (cf. ci-dessus le commentaire concernant l'art. 16).

Dispositions pénales Dans l'ensemble des dispositions pénales, les peines encourues sont adaptées aux nouvelles dispositions de la partie générale du CP. Des modifications de fond sont effectuées uniquement dans les art. 33, 34 et 37.

Art. 33

Analyse du patrimoine génétique et sélection de gamètes ou d'embryons in vitro

L'art. 33 sanctionne désormais les infractions à l'art. 5a. Il punit d'abord la réalisation d'une analyse du patrimoine génétique de gamètes ou à leur sélection, hors du cadre des indications admises (art. 5a, al. 1). Cet acte est déjà punissable selon le droit en vigueur. La nouvelle formulation de l'art. 33 n'apporte donc aucune modification en la matière.

L'art. 33 prévoit désormais de sanctionner également l'analyse d'embryons in vitro (DPI), admise selon le nouveau droit mais effectuée dans un but autre que celui d'écarter le risque de transmission de la prédisposition à une maladie grave aux descendants.

5333

Les infractions à cette disposition sont considérées comme des délits et sont punies d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Art. 34

Défaut de consentement ou d'autorisation

L'al. 1 est adapté conformément à la terminologie uniformisée dans l'ensemble du texte de loi («couple concerné» au lieu de «couple à traiter», cf. le commentaire concernant l'art. 16).

L'al. 2 règle les conséquences pénales possibles pour les activités effectuées sans l'autorisation requise par la loi. Eu égard à l'introduction de nouvelles obligations en matière d'autorisation, cet alinéa doit être complété dans deux domaines. Sera désormais passible de sanction également, quiconque: ­

conserve des embryons in vitro sans autorisation, ou si cette dernière est obtenue sur la base de fausses déclarations, ou

­

prescrit l'analyse du patrimoine génétique d'embryons in vitro sans autorisation, ou si cette dernière est obtenue sur la base de fausses déclarations.

Art. 37

Contraventions

La sanction pénale relative à l'interdiction du DPI, qui figurait jusqu'alors à l'art. 37, let. e, est supprimée: conformément au nouveau libellé, une atteinte à l'obligation de déclarer fixée à l'art. 11a, al. 1. constitue une contravention.

L'application d'un DPI sans déclaration à l'OFSP, ou avec une déclaration tardive, est donc punissable. De cette façon, le respect des conditions fixées par l'art. 5a, al. 2, devrait être garanti, la transparence de la procédure devrait être assurée et l'extension des indications admises devrait être empêchée.

Art. 43a

Disposition transitoire relative à la modification du ...

Au vu des rapides développements dans le domaine de la biomédecine, il apparaît justifié que le DFI établisse, cinq ans après l'entrée en vigueur de l'admission du DPI, un premier rapport d'évaluation à l'intention du Conseil fédéral et élabore des propositions pour les étapes suivantes.

2.3

Modification de la LAGH

Art. 35 En plus de la révision de la LPMA, la réglementation proposée contient aussi des compléments de la LAGH. L'art. 35, al. 2, détermine quelles sont les tâches de la Commission d'experts pour l'analyse génétique humaine (CEAGH); il est maintenant complété par la let. k. Dorénavant, l'OFSP pourra demander à la commission de se prononcer sur les déclarations individuelles relatives aux conditions d'application du DPI (cf. art. 11a, al. 1, LPMA).

5334

Même si la réglementation proposée doit servir à éviter dans la mesure du possible les doutes quant à l'application légitime ou non du DPI, il faut compter avec des cas dans lesquels il est préférable de demander un deuxième avis pour l'évaluation médicale de la maladie devant être diagnostiquée. La CEAGH regroupe les compétences techniques nécessaires et lui confier cette tâche constitue donc la solution la plus simple et la plus directe.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

L'admission du DPI implique de nouvelles tâches d'exécution pour la Confédération. Ce sont des tâches à long terme qui incombent à l'administration fédérale et qui seront exécutées par l'OFSP. Certains de leurs éléments peuvent être délégués à des tiers.

L'ampleur des conséquences financières et des effets sur l'état du personnel de la Confédération est dépendante du nombre de DPI effectués et du nombre d'établissements qui pratiquent le DPI. Par conséquent, seule une estimation est actuellement possible. Les considérations formulées ci-dessous reposent sur les hypothèses suivantes: 50 à 100 cycles DPI par an, 5 à 10 centres-FIV qui pratiquent le DPI et à peu près autant de laboratoires impliqués. Pour les tâches d'exécution, les besoins en personnel et en matériel nécessaire sont répartis de la manière suivante: Contrôle des applications du DPI L'OFSP délivrera des autorisations soumises à émolument aux centres-FIV (art. 8, al. 2); il enregistrera les déclarations relatives aux conditions d'application fixées par l'art. 5a, al. 2, et vérifiera leur conformité à la loi (art. 11, al. 1). En cas d'infraction, il ordonnera les mesures correspondantes (sommation, inspection, retrait de l'autorisation en cas de récidive). Il faut prévoir à cet effet un poste à 100 % pour la gestion. Des moyens devront être mis à disposition en 2015 déjà afin d'assurer l'exécution dès l'entrée en vigueur de la loi (vraisemblablement en 2016). De ce fait, il faudra occuper le poste à 100 % consacré à la gestion dès le 1er janvier 2015 et il faudra aussi prévoir 180 000 francs dans le poste relatif au matériel pour la mise en place et la préparation du monitoring.

Pour les inspections qui doivent être effectuées dans les centres-FIV et les laboratoires DPI (art. 12), il faut compter avec des coûts annuels d'env. 20 000 francs, qui seront toutefois intégralement facturés aux centres-FIV et aux laboratoires DPI.

Les émoluments perçus pour les autorisations et les déclarations généreront annuellement (vraisemblablement à partir de 2016) près de 60 000 francs de recettes (Fipos. E1300.0001).

Evaluation L'OFSP est chargé d'évaluer les effets de la réglementation concernant le DPI (art. 14a). Cette évaluation doit être effectuée par étapes et, en règle générale, des experts externes seront chargés de chaque étape. Dans un ordre chronologique, on peut énumérer les étapes suivantes:

5335

­

Le monitoring commence avant l'entrée en vigueur du projet. Il a pour objet la récolte des données de base nécessaires aux étapes suivantes de l'évaluation, par exemple par rapport à la pratique en matière de DPI et aux effets de la réglementation sur la société.

­

L'évaluation formatrice est effectuée environ une année après l'entrée en vigueur; elle porte sur les aspects relatifs à une optimisation de l'exécution.

Cette étape est particulièrement importante pour la conformité des indications déclarées avec les conditions fixées par l'art. 5a, al. 2 (art. 14a, al. 2, let. a).

­

L'évaluation globale contient une évaluation systématique finale des effets de la nouvelle réglementation et les conclusions relatives à d'éventuelles modifications de la loi. Elle est effectuée environ quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi.

Pour l'évaluation, il faut compter avec un coût annuel de 160 000 francs.

Préparation de l'exécution Dès l'entrée en vigueur de la loi, les coûts globaux annuels se monteront ainsi à 360 000 francs.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

La répartition actuelle des compétences entre la Confédération et les cantons ne subit aucune modification. Comme auparavant, les cantons ne sont compétents, hormis le régime actuel d'autorisation pour la procréation médicalement assistée et les obligations de surveillance qui en découlent, que pour la poursuite et le jugement des infractions. Il ne devrait donc pas y avoir de conséquences financières ou d'effets sur l'état du personnel méritant d'être relevés.

Les communes, les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne ne sont pas touchés par cette loi.

3.3

Conséquences sur l'économie

L'interdiction actuelle du DPI est supprimée et remplacée par une autorisation s'inscrivant dans un cadre légal restrictif. Comme les maladies génétiques qui constituent une indication pour le DPI sont rares, seuls peu de couples pourront prétendre à un DPI conformément aux conditions requises. La réglementation n'aura donc que des effets minimes sur l'économie suisse. Il faut compter avec environ 50 à 100 DPI par année dont chacun occasionne des coûts d'environ 10 000 à 20 000 francs, ce qui représente un montant total situé entre 500 000 et deux millions de francs par année pour le DPI. Pour le domaine très spécialisé de la procréation médicalement assistée dans le secteur privé, il s'agit néanmoins d'un marché intéressant. Il faut encore relever qu'en raison de l'interdiction actuelle du DPI, une partie de ces

5336

chiffres d'affaires ont été générés à l'étranger et qu'ils pourront dorénavant l'être en Suisse.

3.4

Conséquences sociales

3.4.1

Conséquences pour les personnes atteintes d'un handicap

Les opposants craignent que l'admission du DPI ne conduise à une péjoration de la situation des handicapés. La possibilité de prévenir la transmission de maladies génétiques renforcerait la discrimination des malades ou des handicapés, parce que leur situation semblerait évitable (cf. ch. 1.3.2).

Il faut tenir compte de ces craintes, même si le DPI ne permet d'éviter qu'une toute petite partie de toutes les formes de handicap et de maladie. C'est pourquoi le projet prévoit que les effets que l'utilisation des méthodes ont sur la société devront être évalués (cf. le commentaire concernant l'art. 14a). Ce qui permettra d'en constater les effets indésirables et de prendre, le cas échéant, les mesures correctrices qui s'imposent. Il faut toutefois souligner que la situation des handicapés n'est pas déterminée par la seule admission du DPI, mais par une multitude de facteurs. On ne peut pas pallier les risques de discrimination et les attitudes négatives envers les handicapés uniquement avec des mesures spécifiques au domaine en question. Il faut bien plus agir dans le cadre d'une politique globale d'égalité de traitement, ce qui est déjà exigé actuellement par le droit à l'égalité de traitement des handicapés (notamment l'art. 8, al. 2, Cst. et la loi du 13 décembre 2002 sur l'égalité pour les handicapés137).

3.4.2

Conséquences pour l'égalité entre femmes et hommes

Certains milieux craignent que l'admission du DPI ne soit pas dictée par l'intérêt à la prévention de situations intolérables, mais par la volonté de disposer du corps de la femme. La production d'ovules à des fins de recherche constituerait l'intérêt principal et le consentement des couples concernés serait le résultat d'une pression explicite ou intériorisée de la société (cf. ch. 1.3.2 DPI pour dépister des maladies héréditaires).

La réglementation actuelle assure en revanche aux personnes concernées l'exercice illimité de leur droit à l'autodétermination. Le DPI n'est justifié que par la souffrance épargnée aux parents potentiels; les intérêts de tiers ne jouent aucun rôle (cf. le commentaire concernant l'art. 5a).

137

RS 151.3

5337

3.5

Autres conséquences

3.5.1

Conséquences pour l'assurance-maladie sociale

Les coûts de la FIV avec transfert d'embryons ne font pas partie aujourd'hui des prestations prises en charge par l'assurance-maladie obligatoire138. Une fois la modification de la loi acceptée, la Commission fédérale des prestations générales et des principes (CFPP) examinera l'opportunité d'intégrer la FIV voire le DPI au catalogue des prestations de l'assurance obligatoire et proposera, le cas échéant, au DFI de modifier en conséquence l'ordonnance du département compétent.

3.5.2

Conséquences pour la liberté économique

La réglementation proposée touche la liberté économique (art. 27 Cst.) en ce sens qu'elle n'autorise les DPI qu'à des conditions restrictives se traduisant en particulier par l'obligation d'être titulaire d'une autorisation pour pratiquer un DPI et réaliser des analyses génétiques en laboratoire, autorisation subordonnée au respect de certaines conditions (notamment les qualifications des médecins qui veulent prescrire un DPI) et impliquant des devoirs (notamment l'obligation de déclarer). Cette atteinte à la liberté économique est proportionnée (cf. ch. 1.6.3).

Conformément à l'art. 8, al. 2, les laboratoires qui effectuent les analyses sur les embryons seront dorénavant soumis à l'autorisation prévue par l'art. 8, al. 1, LAGH.

La question de savoir s'il faudra élever les exigences relatives à l'infrastructure ainsi qu'aux qualifications du chef de laboratoire et du personnel n'est pas encore résolue, d'autant plus que les conditions d'octroi de l'autorisation prévues par l'art. 8, al. 2, LAGH doivent être fixées dans une ordonnance. Les éventuelles exigences supplémentaires obéiront cependant au principe de la proportionnalité et ne seront pas fondamentalement différentes de celles auxquelles les laboratoires sont déjà soumis.

3.5.3

Conséquences dans le secteur informatique

Le soutien informatique dont l'OFSP dispose actuellement suffit à répondre aux exigences relatives à l'exécution de la loi.

4

Rapport avec le programme de la législature

Le projet est annoncé dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 2015139, de même que dans l'arrêté fédéral du 15 juin 2012 sur le programme de la législature 2011 à 2015140.

138

Cf. annexe 1, ch. 3, de l'ordonnance du DFI du 29 septembre 1995 sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie (ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins, OPAS) RS 832.112.31.

139 FF 2012 349 435 482 140 FF 2012 6667 6674

5338

5

Aspects juridiques

5.1

La situation juridique en Suisse

L'art. 5, al. 3, LPMA interdit le DPI. Pour situer la levée de cette interdiction, il convient d'abord d'exposer le cadre constitutionnel sur lequel repose le DPI, en articulant la réflexion autour de deux questions: d'une part, la Constitution admetelle la réalisation de DPI? D'autre part, des dispositions matérielles s'en dégagentelles, par exemple, concernant les indications admises, le nombre d'embryons à développer et la conservation des embryons (ch. 5.1.1)? Dans un deuxième temps, il y a lieu de d'examiner de plus près les dispositions légales se rapportant à la levée de l'interdiction du DPI (ch. 5.1.2).

5.1.1

Constitution

Lorsque l'on s'intéresse au DPI sous l'angle constitutionnel, il convient d'examiner d'abord l'art. 119. Outre la délégation à la Confédération de la compétence de légiférer, il contient des exigences concrètes à prendre en compte pour régler le DPI au niveau de la loi.

Il faut ensuite examiner les autres normes constitutionnelles afin de déterminer si elles contiennent des exigences pertinentes en matière d'autorisation du DPI, d'indications admissibles et de conditions-cadre.

5.1.1.1

Procréation médicalement assistée et génie génétique dans le domaine humain (art. 119 Cst.)

Généralités L'art. 119, al. 1, Cst.141, protège l'être humain contre les abus en matière de procréation médicalement assistée et de génie génétique. Les principes énumérés à l'art. 119, al. 2, Cst. revêtent un caractère primordial pour déterminer si et comment la protection exigée peut être garantie en cas d'admission du DPI. L'art. 119, al. 2, Cst. contient plusieurs interdictions et exigences expresses, qui doivent être prises en compte dans le cadre de la législation d'application. Sont ainsi proscrits, notamment, toute intervention dans le patrimoine génétique de gamètes et d'embryons humains (let. a), le don d'embryons et toutes les formes de maternité de substitution (let. d) ainsi que le commerce du matériel germinal humain et des produits résultant d'embryons (let. e). L'enfant a accès aux données relatives à son ascendance (let. g).

Cette disposition est importante pour les méthodes relatives au don de sperme (techniques hétérologues). Dans le contexte de la réglementation du DPI, il faut étudier en particulier la let. c, qui fixe les conditions applicables à l'utilisation des méthodes de procréation médicalement assistée et qui prévoit que: le recours aux méthodes de procréation médicalement assistée n'est autorisé que lorsque la stérilité ou le danger de transmission d'une grave maladie ne peuvent être écartés d'une autre manière, et non pour développer chez l'enfant certaines qualités ou pour faire de la recherche; la fécondation d'ovules humains hors du 141

Initialement art. 24novies Cst.; accepté en votation populaire le 17 mai 1992.

5339

corps de la femme n'est autorisée qu'aux conditions prévues par la loi; ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu'au stade d'embryon que le nombre d'ovules humains pouvant être immédiatement implantés.

En outre, il convient de tenir compte de la let. f selon laquelle le patrimoine génétique d'une personne ne peut être analysé, enregistré et communiqué qu'avec le consentement de celle-ci ou en vertu d'une loi.

Question de l'autorisation de principe du DPI selon l'art. 119 Cst.

Il convient de répondre à la question de savoir si et comment l'art. 119 Cst.

s'exprime sur l'autorisation du DPI à l'aide des méthodes d'interprétation juridique usuelles142.

De l'interprétation littérale se dégage le tableau suivant: l'art. 119 Cst. ne mentionne pas explicitement le DPI. Celui-ci ne figure pas non plus sous les techniques ou les procédés que l'art. 119, al. 2, interdit expressément. Le texte seul de la disposition ne permet donc pas de conclure que le DPI est interdit.

L'interprétation historique, systématique143 et contemporaine ne livre pas d'indications décisives sur l'autorisation du DPI. Eu égard à l'interprétation historique, il convient de préciser que lors des délibérations parlementaires relatives à l'art. 119 Cst. (à l'époque l'art. 24novies), le DPI n'a été mentionné qu'une fois, et seulement de manière accessoire144. Ceci est compréhensible dans la mesure où les délibérations ont eu lieu à une époque (en 1990/1991) où le DPI n'était quasiment pas pratiqué dans le cadre de la procréation médicalement assistée. Il importe de souligner qu'à l'origine, le Parlement voulait admettre les méthodes de procréation médicalement assistée uniquement pour écarter la stérilité. Par la suite, il a approuvé l'extension de l'indication à la prévention de la transmission d'une maladie grave. Toutefois, on ne peut pas en déduire qu'il entendait également admettre le DPI, car on peut prévenir, dans des situations déterminées, la transmission d'une maladie grave sans DPI, en recourant notamment au don de sperme hétérologue, à l'analyse des globules polaires ou (en cas de maladies génétiques sexospécifiques) en sélectionnant les spermatozoïdes avec un chromosome X. Dans d'autres constellations, ces méthodes ne peuvent pas être utilisées et seul un DPI peut prévenir la transmission de la maladie.
Il faut aussi noter que la question de la constitutionnalité du DPI n'a pas été abordée en tant que telle lors des délibérations parlementaires relatives à l'art. 5, al. 3, LPMA145. Relevons tout de même que le constituant d'alors voulait proscrire ­ de manière ponctuelle et ciblée ­ uniquement les applications dont l'interdiction faisait 142

L'interprétation littérale, systématique, historique, contemporaine et téléologique; cf.

Ulrich Häfelin/Walter Haller/Helen Keller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 8e éd., Zurich 2012, ch. 90 ss.

143 Pour l'interaction entre l'art. 119 Cst. et les autres dispositions de la Constitution sur les droits fondamentaux, nous renvoyons aux explications concernant les autres droits constitutionnels et fondamentaux pertinents au DPI.

144 BO 1991 N 590, discours Baerlocher.

145 Certaines exceptions figurent dans: BO 1998 N 1311, discours Müller-Hemmi; BO 1998 N 1408, discours Weber; autre avis BO 1998 N 1407, discours Egerszegi; plus détaillé (interdiction du DPI contraire à la Constitution): BO 1998 N 1409, discours Gadient; BO 1998 N 2955, discours Randegger. Pour résumer, il convient de partir du principe que les Chambres estiment qu'il appartient au législateur de décider de l'admission ou de l'interdiction du DPI (dans un cadre strict). Cependant, on ne peut pas se référer aux discours réalisés dans le cadre de la consultation sur la LPMA pour l'interprétation historique de l'art. 119 Cst.

5340

alors l'unanimité146, ce qui invite à faire preuve de retenue lors de la subsomption de nouvelles interdictions. Il est toutefois impossible de déduire des travaux préparatoires quelle aurait été la décision du Parlement si le DPI avait été d'actualité à l'époque.

Enfin, l'interprétation téléologique tient compte de la finalité de la norme. Les Chambres fédérales ont adopté le dernier segment de l'art. 119, al. 2, let. c, dans le but de prévenir, dans la mesure du possible, le développement d'embryons surnuméraires, leur utilisation à d'autres fins ou le risque d'utilisation abusive147. Dans le cadre du DPI, on produit des embryons qui, pour autant que leur analyse génétique prouve qu'ils sont porteurs de la prédisposition non souhaitée, ne sont pas transférés dans l'utérus. Ils deviennent donc surnuméraires. C'est en ce sens que le DPI est contraire au but du dernier segment de l'art. 119, al. 2, let. c.

Cependant, l'art. 119, al. 2, let. c, Cst. autorise expressément le recours aux méthodes de procréation médicalement assistée, lorsqu'elles visent à écarter l'infertilité ou à prévenir la transmission d'une maladie grave, deux des indications sur lesquelles, en pratique, les DPI reposent souvent. C'est la raison pour laquelle on peut également admettre la conclusion selon laquelle les DPI fondés sur l'une de ces indications concordent avec le but de cette norme constitutionnelle et, partant, sont autorisés du point de vue téléologique, sans compter que les DPI sont de toute façon pratiqués uniquement dans le cadre de méthodes de procréation médicalement assistée.

Ces considérations mettent en évidence que les méthodes d'interprétation traditionnelles fournissent dans l'ensemble une image hétérogène ne permettant pas de déterminer clairement si l'art. 119 autorise ou non la réalisation de DPI. Après examen de différentes expertises et publications juridiques, le Conseil fédéral estime au final qu'on ne peut pas déduire de l'art. 119 Cst. que le DPI est interdit148.

146 147

Cf. le discours du conseiller fédéral Arnold Koller, BO 1990 E 491.

Message du 20 novembre 2002 sur la loi fédérale relative à la recherche sur les embryons surnuméraires et sur les cellules souches embryonnaires, FF 2003 1065 1094, ch. 1.4.2.2.3; Ruth Reusser/Rainer J. Schweizer, Kommentar zu Artikel 119 BV, 2e éd., Zurich/Saint-Gall 2008, ch. 27.

148 Cf. les deux expertises pertinentes de l'Office fédéral de la justice: JAAC 60.67 (ch. 4.1 in fine et ch. 6.3) et JAAC 2008.14 (p. 201 ss). Cf. également Ruth Reusser/Rainer J.

Schweizer, Kommentar zu Artikel 119 BV, 2e éd., Zurich/Saint-Gall 2008, ch. 30; Patrick Sutter, Wissenschaft und Ethik in der Rechtsetzung, Eine Untersuchung über die Legitimation nicht-juristischer Expertise im Rechtsetzungsverfahren am Beispiel der PID, Berne 2006, p. 264; Mathias Kuhn, Recht auf Kinder, Der verfassungsrechtliche Schutz des Kinderwunsches, Berne 2008, p. 376 ss; Dominique Manaï, L'embryon face au droit: une entité polymorphe à géométrie variable, in: Jusletter 19. Januar 2009, ch. 54.

L'expertise du 18 décembre 2003 de Felix Uhlmann à l'attention de l'«Initiative Désir d'Enfant» va encore plus loin et considère que l'interdiction légale du DPI est douteuse d'un point de vue constitutionnel. Autre avis et déduction que l'art. 119 Cst. interdit le DPI: Hermann Schmid, Aspekte des Reproduktions- und Kontrazeptionsrechts, in: Festschrift Heinrich Koller, Bâle/Genève/Munich 2006, p. 87 ss.

5341

Indications admises au sens de l'art. 119 Cst. et conditions-cadre de l'exécution du DPI Indications autorisées Il résulte de l'interprétation de l'art. 119, al. 2, let. c, que les DPI sont autorisés lorsque la stérilité ou le danger de transmission d'une grave maladie ne peuvent être écartés d'une autre manière. Pour les différents champs d'application du DPI (cf.

ch. 1.2.4), cela signifie dans le détail: ­

DPI dans le but d'écarter l'infertilité: Si le recours au DPI devait permettre d'augmenter les chances de succès d'un traitement de l'infertilité chez des couples stériles, il serait alors autorisé (cf. ch. 1.2.4 DPI pour des couples stériles ou des couples fertiles d'un âge avancé). Dans ce même cas de figure, il serait également permis de recourir au DPI pour dépister des aneuploïdies, notamment chez les couples ayant à plusieurs reprises déjà subi des fausses couches ou la naissance d'un enfant mort-né.

­

DPI dans le but de prévenir la transmission d'une maladie grave: S'agissant du recours au DPI dans le but de prévenir la transmission d'une maladie grave, on retiendra que la Constitution ne précise pas ce qu'il faut entendre par maladie grave. Il appartient donc au législateur ou, au cas par cas, à la pratique, d'interpréter cette notion149. Il doit néanmoins s'agir d'une maladie transmissible, c.-à-d., suivant les maladies, que l'un ou les deux parents doivent être porteurs de la prédisposition génétique en question.

Lorsque le DPI est réalisé dans le but de prévenir la transmission d'une maladie grave, l'art. 119 Cst. autorise donc également le dépistage des aneuploïdies et la destruction des embryons dont les analyses suggèrent qu'ils provoqueront une fausse couche ou la mise au monde d'un enfant mort-né.

Notons qu'il est déjà autorisé, aujourd'hui, de procéder à des analyses morphologiques, tant il semble absurde de transférer, dans le cadre d'un procédé de procréation médicalement assistée, des embryons voués à une mort certaine150.

­

Champs d'application non autorisés: En revanche, sur la base de l'art. 119 Cst., on ne saurait tolérer le recours au DPI visant, par exemple, à repérer une trisomie 21, sous forme de «screening» réalisé sur des femmes fertiles d'un certain âge, les trisomies n'étant généralement pas transmises, puisqu'il s'agit, la plupart du temps, d'aberrations chromosomiques numériques se développant spontanément. Réaliser un DPI dans ce but ne tombe donc sous aucune des deux indications admises (lutter contre la stérilité ou prévenir la transmission d'une maladie grave).

De même, l'art. 119 Cst. interdit donc également le recours au DPI lorsqu'il vise à sélectionner le sexe sans lien avec une maladie, à choisir d'autres

149

Cf. Ruth Reusser/Rainer J. Schweizer, Kommentar zu Artikel 119 BV, 2e éd., Zurich/ St-Gall 2008, ch. 30.

150 Cf. OFJ, Vereinbarkeit genetischer und morphologischer Untersuchungen von Embryonen in vitro mit Art. 119 Abs. 2 Bst. c BV, expertises du 15 octobre 2007 et du 22 janvier 2008, JAAC 2008.14, p. 219 (ch. 53 ss.).

5342

caractéristiques génétiques sans lien avec la maladie ou à sélectionner un «bébé sauveur».

Conditions-cadre ­

Nombre d'embryons à développer Le dernier segment de la version actuelle de l'art. 119, al. 2, let. c, Cst. indique que ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu'au stade d'embryon que le nombre d'ovules humains pouvant être immédiatement implantés. Avec cette règle, la Constitution vise à prévenir le développement d'embryons surnuméraires et leur utilisation à d'autres fins151. Il en ressort que la pratique FIV médicale est dans une très large mesure restreinte en Suisse. Ce constat vaut pour les procédés de procréation médicalement assistée tant avec DPI que sans: si une femme veut se faire implanter un ou deux embryons uniquement, seulement un ou deux embryons peuvent être développés par cycle en vertu de l'art. 119, al. 2, let. c. Toutefois, il en résulte que la probabilité d'obtenir un embryon transférable par cycle est très faible, notamment en cas de procédé FIV avec DPI (cf. annexe 2, tableaux 1 et 2).

La production de trois embryons in vitro n'est donc conforme à la Constitution que dans les cas où une femme a donné, dès le départ, son accord (si les trois ovules fécondés se développent en embryons implantables) à une implantation des trois embryons152.

­

Cryoconservation des embryons Le dernier segment de l'art. 119, al. 2, let. c limite le nombre d'embryons pouvant être produits. En revanche, il ne mentionne pas ce qu'il convient de faire avec les embryons déjà développés. On doit tout de même déduire de cette règle que la cryoconservation des embryons in vitro est interdite si elle a pour objectif de prévenir une grossesse multiple à risque153. Le but de prévenir le développement d'embryons surnuméraires et leur utilisation à d'autres fins apparaît là encore. Tous les embryons développés doivent immédiatement être implantés. Bien que, conformément à l'art. 7, al. 3, LPMA, le couple a, au préalable, accepté la naissance de plusieurs enfants, en connaissant les risques qui en découlent, le transfert de plusieurs embryons ne peut toutefois être effectué contre la volonté de la femme concernée. La cryoconservation n'est admise que si les embryons ont été produits certes conformément au droit dans le cadre d'un procédé de procréation médicalement assistée, mais que, contrairement au plan initial, ils

151

Ruth Reusser/Rainer J. Schweizer, Kommentar zu Artikel 119 BV, 2e éd., Zurich/SaintGall 2008, ch. 27.

152 Cf. OFJ, Vereinbarkeit genetischer und morphologischer Untersuchungen von Embryonen in vitro mit Art. 119 Abs. 2 Bst. c BV, expertises du 15 octobre 2007 et du 22 janvier 2008, JAAC 2008.14, p. 201 ss.

153 OFJ, Vereinbarkeit genetischer und morphologischer Untersuchungen von Embryonen in vitro mit Art. 119 Abs. 2 Bst. c BV, expertise du 15 octobre 2007 et du 22 janvier 2008, JAAC 2008.14, p. 201 ss, p. 212; ATF 119 Ia 460, consid. 11b; message du 20 novembre 2002 sur la loi fédérale relative à la recherche sur les embryons surnuméraires et sur les cellules souches embryonnaires (LRE), FF 2003 1065, ch. 1.4.2.1.1; Ruth Reusser/Rainer J. Schweizer, Kommentar zu Artikel 119 BV, 2e éd., Zurich/Saint-Gall 2008, ch. 33. Par conséquent, la LPMA interdit la conservation d'embryons (cf. art. 17, al. 3).

5343

n'ont pas pu être transférés parce que la femme est tombée malade, par exemple.

Synthèse Pour résumer, on retiendra au sujet des indications admises par l'art. 119 Cst. en vigueur que le recours au DPI est autorisé lorsqu'il vise à dépister sur l'embryon une prédisposition génétique à une maladie grave et à lutter contre la stérilité. En revanche, il ne saurait être pratiqué pour dépister des aneuploïdies, sous la forme d'un «screening», chez des femmes fertiles d'un certain âge, pour sélectionner le sexe du bébé sans lien avec la maladie, pour choisir d'autres caractéristiques sans lien avec la maladie ou pour sélectionner un «bébé sauveur». S'agissant des conditions-cadre dans lequel le DPI peut être effectué, il convient de garder à l'esprit que l'art. 119 Cst. restreint dans une très large mesure le nombre d'embryons pouvant être développés par cycle de procréation. Quant à la cryoconservation des embryons, elle est autorisée uniquement dans des cas exceptionnels.

5.1.1.2

Autres droits constitutionnels et fondamentaux pertinents au regard du DPI

Généralités La phrase introductive de l'art. 119, al. 2, Cst. cite expressément trois biens juridiques dont la protection occupe une place centrale dans les domaines de la procréation médicalement assistée et des examens génétiques: la dignité humaine, la personnalité et la famille. Ces trois biens font aujourd'hui partie intégrante des droits fondamentaux inscrits dans la Cst. (cf. art. 7, 10, 13 et 14 Cst.). Au moment de l'élaboration de l'art. 119 Cst. (auparavant art. 24novies), ces trois biens juridiques n'étaient pas encore expressément inscrits dans la Cst. en tant que droits fondamentaux (la protection de la famille ressortait cependant tant de l'art. 34quinquiesa Cst. au sens d'un objectif de l'Etat que de l'art. 54a Cst. au sens du droit au mariage). Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, ils étaient considérés comme un droit constitutionnel non écrit. A l'occasion de la révision de la Constitution en 1999, le catalogue des droits fondamentaux a été établi selon la pratique du Tribunal fédéral. Depuis lors, les biens juridiques à protéger en vertu de l'art. 119 Cst. y sont mentionnés. La réflexion relative au DPI dans la littérature spécialisée intègre cependant d'autres droits fondamentaux, à savoir l'interdiction de discriminer, particulièrement les handicapés (art. 8, al. 2, Cst.), et la protection des enfants (art. 11 Cst.). De plus, le DPI ne touche pas seulement des droits fondamentaux mais aussi d'autres dispositions constitutionnelles, à l'instar de la protection de la famille en tant qu'objectif de l'Etat (voir art. 41, al. 1, let. c, et 116, al. 1, Cst.). En associant la présentation de ces différents droits à la personne ou à l'entité qu'ils concernent, on obtient le tableau suivant: ­

S'agissant de l'embryon, il y a lieu de déterminer dans quelle mesure il est protégé par des droits constitutionnels. Pour l'embryon, ces droits peuvent découler de la dignité humaine en tant que droit fondamental, du droit à la vie, de l'interdiction de discriminer et de la protection des enfants.

­

S'agissant du couple concerné, il y a lieu de déterminer dans quelle mesure il peut s'appuyer sur le droit fondamental de la liberté personnelle et sur le droit à la famille dans son désir d'avoir un enfant et de ne pas lui transmettre une maladie génétique déterminée.

5344

­

S'agissant de la protection de la société dans son ensemble, il convient notamment de tenir compte d'une possible protection contre des tendances eugéniques non souhaitées. On se fondera à cet égard tout d'abord sur les éventuelles exigences résultant de la dignité humaine en tant que principe constitutionnel et de l'interdiction de discriminer, mais également de la protection de la famille.

Protection des droits fondamentaux de l'embryon in vitro La question de savoir si la protection des droits fondamentaux s'applique déjà à l'embryon in vitro fait toujours l'objet de controverses en Suisse, notamment eu égard à la garantie de la dignité humaine et de la liberté personnelle ainsi qu'au droit à la vie. Dans ce contexte, d'aucuns défendent le fait que les droits fondamentaux protègent l'embryon dans la même mesure qu'un être humain né et d'autres pensent exactement le contraire, à savoir que l'embryon in vitro en tant qu'«amas de cellules» n'est pas encore protégé par les droits fondamentaux. Le débat constitutionnel mené jusqu'à présent en Suisse adopte majoritairement une position intermédiaire: certes, la protection des droits fondamentaux s'applique à l'embryon in vitro, puisqu'il ne s'agit pas simplement d'une chose. A compter de la fécondation, de la fusion des noyaux masculins et féminins, le patrimoine génétique de l'être susceptible de se développer à partir de l'embryon est constitué, si bien qu'on ne peut manipuler un embryon in vitro à sa guise. Il n'en reste pas moins que la Constitution ne permet pas de déduire que les embryons in vitro sont réellement titulaires des droits fondamentaux, si bien que la protection des droits fondamentaux s'applique à l'embryon in vitro, mais pas dans la même mesure que pour un être humain né154.

Ce constat vaut pour tous les droits fondamentaux dont la portée en matière de protection des embryons est présentée ci-dessous.

a. Portée de la dignité humaine (art. 7 Cst.)

La teneur normative de la dignité humaine ne peut pas être déterminée explicitement et exhaustivement. Le Tribunal fédéral souligne à ce sujet qu'il s'agit de la spécificité intangible de l'homme et des êtres humains et que, ce faisant, la reconnaissance de l'individu dans sa valeur intrinsèque et dans ses différences individuelles uniques et éventuelles revêt une importance primordiale155.

La protection de la dignité humaine s'applique dans une certaine mesure à l'embryon in vitro, qui ne saurait donc être traité comme une simple chose. Tout au long de la grossesse, son étendue grandit jusqu'à être totale lorsque l'enfant voit le jour. Quelle est-elle au moment où les noyaux fusionnent et où fixer les limites autres que celles expressément prévues par l'art. 119 Cst. dans le domaine de la

154

Cf. Regina Kiener/Walter Kälin, Grundrechte, Berne 2007, p. 52 s.; sous l'angle de la protection de la personnalité relevant du droit civil cf. Dominique Manaï, L'embryon face au droit: une entité polymorphe à géométrie variable, in: Jusletter 19. Januar 2009, ch. 62; message du 20 novembre 2002 sur la loi fédérale relative à la recherche sur les embryons surnuméraires et sur les cellules souches embryonnaires (LRE), FF 2003 1065, ch. 1.4.2.1.1 155 ATF 132 I 49, consid. 5.1.

5345

procréation médicalement assistée? Seule une pesée des intérêts permet de le déterminer156.

Eu égard à l'autorisation de principe du DPI, aux indications justifiant son recours et aux conditions-cadre dans lesquelles le pratiquer, on retiendra les éléments suivants: ­

Autorisation de principe du DPI: Dans le cadre de la pesée d'intérêts évoquée plus haut, la part de dignité humaine dont jouit l'embryon à son stade de développement initial est subordonnée au droit de la femme enceinte à disposer de son corps en vertu du principe de la liberté personnelle. Si tel n'était pas le cas, l'interruption volontaire de grossesse notamment ne serait pas autorisée en Suisse. Par souci de cohérence, il y a donc lieu d'appliquer la même hiérarchie au DPI, la part de dignité humaine de l'embryon ne pouvant justifier une interdiction de principe du DPI (cf. les considérations relatives à l'interprétation de l'art. 119 Cst., notamment en matière d'autorisation de principe du DPI).

­

Indications admises: Face à la situation conflictuelle entre la liberté personnelle du couple concerné et le droit de l'embryon in vitro à la protection découlant de la dignité humaine, l'art. 119 Cst. prévoit expressément les indications autorisées pour la réalisation d'un procédé de procréation médicalement assistée (écarter la stérilité et prévenir la transmission d'une maladie grave). Cette disposition constitutionnelle met ainsi en lumière que le recours à une méthode de procréation médicalement assistée dans le cadre de ces indications satisfait au droit de protection de l'embryon. Il en résulte qu'en présence des mêmes indications, la réalisation d'un DPI doit être autorisée en tenant compte de la dignité humaine en tant que droit fondamental et principe constitutionnel. Il serait sinon ressorti de l'interprétation de l'art. 119 Cst. que celui-ci interdit le DPI indépendamment de l'indication retenue.

S'agissant des autres indications envisageables pour des DPI (éviter les aneuploïdies, produire un «bébé sauveur», sélectionner le sexe sans lien avec la maladie, voire d'autres tris non pertinents du point de vue de la santé), nulle réponse concrète au sujet de leur admissibilité ne peut être extrapolée à partir de la doctrine selon laquelle l'embryon jouit d'une part de dignité humaine. La notion de dignité humaine n'étant pas délimitée avec précision, la part de dignité humaine à accorder à l'embryon in vitro ne peut pas l'être non plus157. La décision d'autoriser des indications demeure ainsi la tâche du législateur, ou, dans le cadre d'une révision de la Constitution, du constituant. Ceux-ci doivent (le cas échant en adaptant l'art. 119 Cst.) procéder à la pesée des intérêts nécessaire et préciser les conséquences de la dignité humaine dans le domaine de la procréation médicalement assistée158.

156

Message du 20 novembre 2002 sur la loi fédérale relative à la recherche sur les embryons surnuméraires et sur les cellules souches embryonnaires (LRE), FF 2003 1065, ch. 1.4.2.1.1, et références.

157 Cf. Bernhard Rütsche, Rechte von Ungeborenen auf Leben und Integrität, Zurich/SaintGall 2009, p. 338 s.

158 Cf. OFJ, Fortpflanzungsmedizin. Verfassungsrechtlicher Status von Embryonen, expertise du 17 novembre 1995, JAAC 60.67, ch. 3.1.a in fine.

5346

­

Conditions-cadre: Dans le cadre de la manipulation des embryons in vitro, il faut tenir compte du fait que la dignité humaine s'applique à eux et qu'ils sont, sans aucun doute, dignes de protection. C'est au titre de cette part de dignité humaine que les embryons ne doivent pas être développés en nombre inutile ou exposés à un risque sans raison prépondérante. Dans les cas où le DPI est autorisé, ils doivent être traités avec le plus de ménagement possible et il convient de garantir qu'ils ne feront pas l'objet d'une utilisation abusive à d'autres fins non autorisées.

Des embryons ne doivent être produits que pour exaucer le souhait de procréation. Tous les autres objectifs de production sont contraires à l'application de la dignité humaine aux embryons. En outre, la cryoconservation des embryons doit d'abord servir à induire une grossesse ultérieure. Si le couple concerné ne souhaite plus une procréation médicalement assistée, il convient d'instaurer des règles légales claires, tant du point de vue du contenu que de la procédure, déterminant ce qu'il faut faire avec l'embryon.

b. Portée du droit à la vie (art. 10, al. 1, Cst.)

Le droit fondamental à la vie protège, en tant que noyau de la liberté personnelle, la vie de chaque être humain. Néanmoins, les questions de savoir à partir de quel moment du développement de la vie humaine il est applicable et, s'il s'applique à la vie humaine dans un stade prénatal précoce, quel doit être son contenu, ne sont pas résolues dans la Constitution159. Le fait que l'art. 119, al. 2, let. d, Cst. exclut expressément et de manière absolue le don d'embryons, et donc aussi d'embryons surnuméraires (sains), est un exemple qui démontre que la protection de la vie des embryons in vitro n'est pas garantie de la même manière que pour les personnes nées160. En outre, il faut tenir compte de l'autorisation des interruptions de grossesse, dont il ressort que même en ce qui concerne les embryons in vivo (bien plus développés que les embryons in vitro), le droit à la vie admet des exceptions. Aussi celui-ci ne permet-il de déduire des éléments ni sur la question de l'autorisation du DPI ni sur celle de la teneur des indications et des conditions-cadre. Ceci n'est toutefois valable qu'à condition que le DPI ne menace pas la vie de l'enfant né. Si la réalisation d'un DPI avait pour conséquence que l'enfant né souffre d'une maladie ou d'un handicap menaçant sa vie, il faudrait l'interdire en vertu de l'art. 10, al. 1, Cst161.

c. Portée de l'interdiction de discriminer, de la liberté personnelle et de la protection des enfants (art. 8, al. 2, 10, al. 2, et 11 Cst.)

L'art. 8, al. 2, Cst. interdit les traitements inégaux en raison de certaines caractéristiques, notamment du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique. La liberté personnelle au sens de l'art. 10, al. 2, Cst. comprend également le droit à 159

Cf. Jörg Paul Müller/Markus Schefer, Grundrechte in der Schweiz, 4e éd., Berne 2008, p. 46; Bernhard Rütsche, Rechte von Ungeborenen auf Leben und Integrität, Zurich/ Saint-Gall 2009, p. 242 s., et les références, et p. 265.

160 Cf. message sur la LRE, FF 2003 1065, ch. 1.4.2.1.2.

161 Cf. Bernhard Rütsche, Rechte von Ungeborenen auf Leben und Integrität, Zurich/SaintGall 2009, p. 280 s., 516 s.; Patrick Sutter, Wissenschaft und Ethik in der Rechtsetzung, Eine Untersuchung über die Legitimation nicht-juristischer Expertise im Rechtsetzungsverfahren am Beipiel der PID, Berne 2006, p. 235.

5347

l'intégrité corporelle applicable à l'embryon in vitro. L'art. 11 Cst. vient renforcer ce droit en disposant que les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à l'encouragement de leur développement. Cependant, les premières considérations exposées au sujet de la protection des droits fondamentaux de l'embryon ­ l'embryon in vitro ne faisant pas partie des titulaires des droits fondamentaux, aucun droit ne s'en dégage pour lui ­ sont valables ici aussi162. Seul l'effet anticipé que déploie le droit à la vie a ici aussi une certaine pertinence: le droit à l'intégrité physique de l'enfant issu d'un procédé DPI a pour conséquence qu'il faudrait interdire le DPI si celui-ci venait par la suite à nuire à la santé de l'enfant.

Synthèse Pour résumer, on retiendra qu'aucune interdiction du DPI ne se dégage des différents droits fondamentaux pouvant être invoqués au sujet de la protection de l'embryon. On ne peut pas davantage en déduire des exigences concrètes au regard des indications autorisées et des conditions-cadre. On gardera néanmoins à l'esprit qu'il n'est pas autorisé de développer un nombre illimité d'embryons dans le cadre de DPI (pas plus d'ailleurs que dans celui des FIV sans DPI), mais uniquement le nombre nécessaire au procédé DPI.

Protection des droits fondamentaux du couple concerné a. Portée de la liberté personnelle (art. 10, al. 2, Cst.)

Le droit fondamental de la liberté personnelle protège, conformément à la teneur de l'art. 10, al. 2, Cst., l'intégrité physique et psychique ainsi que la liberté de mouvement. La jurisprudence du Tribunal fédéral définit plus précisément l'étendue de la liberté personnelle. Celui-ci a fixé le principe selon lequel il faut comprendre par «liberté personnelle» tous les aspects élémentaires de l'épanouissement de la personnalité163. Au sens de la protection de l'autodétermination individuelle, il convient d'entendre aussi par-là la liberté de disposer de son corps et d'aménager sa vie comme bon nous semble. Ce principe s'applique également aux questions de la procréation médicalement assistée164. En vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, le souhait de mettre au monde des enfants et l'accès aux méthodes de la procréation médicalement assistée sont dès lors aussi protégés dans le cadre de la liberté
personnelle165.

S'agissant du désir de mettre au monde un enfant qui n'est pas porteur d'une caractéristique génétique déterminée, central en matière de DPI, il convient de mentionner ce qui suit:

162

Autrement, l'art. 119 CP devrait lui aussi être considéré comme discriminatoire, dans la mesure où il est possible d'effectuer une interruption de grossesse après un DPN en raison d'une malformation de l'embryon.

163 ATF 130 I 16, consid. 5.2.

164 Rainer J. Schweizer, Kommentar zu Artikel 10 BV, 2e éd., Zurich/Saint-Gall 2008, ch. 25 ss.

165 ATF 119 Ia 460 et 115 Ia 234, dans lesquels le Tribunal fédéral précisait déjà avant l'entrée en vigueur de l'art. 119 Cst. qu'une interdiction générale de l'insémination hétérologue et de la FIV n'était pas compatible avec la liberté personnelle. En détail à ce sujet le message LPMA, FF 1996 III 197, ch. 22.03.

5348

La liberté personnelle ne concerne pas tous les aspects de l'épanouissement de la personnalité mais seulement les aspects élémentaires. Lorsqu'un ou les deux parents sont porteurs d'une prédisposition génétique à une maladie grave, le désir de prévenir sa transmission à leur enfant entre à n'en pas douter dans la catégorie de ces aspects élémentaires. Il en va de même du DPI pratiqué pour dépister des aneuploïdies ou pour choisir un «bébé sauveur». En revanche, dans le cas d'un DPI ayant pour but de sélectionner une caractéristique génétique sans importance du point de vue de la santé, la question se pose de savoir s'il s'agit encore d'un aspect élémentaire de l'épanouissement de la personnalité du couple concerné. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, la liberté personnelle n'équivaut pas à une liberté générale d'action, raison pour laquelle l'individu ne peut pas s'y référer pour dénoncer tout acte étatique se répercutant sur l'aménagement personnel de la vie. En outre, la liberté personnelle ne protège pas contre tout malaise physique ou psychique166.

In fine, il appartient au législateur de décider, dans le cas concret, de l'étendue de la protection de la liberté personnelle au regard du désir des parents de concevoir un enfant doté de certaines caractéristiques génétiques.

Les prétentions du couple concerné issues du droit fondamental à la liberté personnelle concernent néanmoins également les aspects de la réalisation pratique du DPI.

Le droit de recourir à un procédé qui affecte le moins possible la femme découle du principe de la protection de l'intégrité physique et psychique. Il importe, par exemple, d'empêcher les prolongations du procédé, contraires à la norme médicale ainsi que les stimulations hormonales supplémentaires, ce qui, en cas de DPI, parle en faveur du développement de plus de trois embryons par cycle et de l'autorisation de leur cryoconservation167. Par ailleurs, il résulte de la protection de l'autodétermination individuelle que le couple concerné doit être informé de toutes les étapes du procédé portant atteinte, d'une quelconque manière, à ses droits, et donner son consentement.

b. Portée des droits fondamentaux concernant la famille (art. 13, al. 1, et 14 Cst.)

L'art. 14 Cst. protège le droit d'un couple marié à fonder une famille168. Dans le cadre
de cet article, les conjoints peuvent en principe, en corrélation avec les droits issus de l'art. 10, al. 2, Cst., faire valoir un droit à l'utilisation des méthodes de la procréation médicalement assistée et donc au DPI.

La notion de famille au sens de l'art. 13, al. 1, Cst. comprend également les formes de relation, telles que les familles monoparentales, les familles nombreuses, les enfants nés hors mariage et le concubinage. En revanche, elle n'inclut pas les couples de même sexe169. Elle va plus loin que la notion de famille contenue dans les art. 14 et 119 Cst., qui comprend uniquement les familles de couples (mariés). Les couples hétérosexuels non mariés peuvent donc s'appuyer sur l'art. 13, al. 1, Cst. en

166

Giovanni Biaggini, Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Zurich 2007, commentaire ad. art. 10, ch. 22; ATF 130 I 369, consid. 2.

167 En rédigeant le dernier segment de l'art. 119, al. 2, let. c, Cst., le constituant a, là aussi, fixé une limite et restreint la liberté personnelle.

168 Cf. Regina Kiener/Walter Kälin, Grundrechte, Berne 2007, p. 168.

169 Stephan Breitenmoser, Kommentar zu Artikel 13 BV, 2e éd., Zurich/Saint-Gall 2008, ch. 24; Giovanni Biaggini, Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Kommentar zu Artikel 13, ch. 6 et 8.

5349

corrélation avec l'art. 10, al. 2, Cst. pour faire valoir leur droit à fonder une famille et à utiliser des méthodes de la procréation médicalement assistée170.

c. Synthèse Selon les normes pertinentes pour la protection des droits fondamentaux du couple concerné, le droit de recourir au DPI se justifie, en tous cas lorsque ce dernier est réalisé pour des motifs relevant de la santé. Déterminer, au final, l'étendue de ce droit, suppose une pesée des intérêts avec les dispositions protégeant l'embryon et la société. Relevons encore qu'il y a lieu de fixer les conditions-cadre des procédés de manière à ce qu'ils soient le moins lourds possible pour le couple concerné.

Protection de la société a. Portée de la dignité humaine en tant que principe constitutionnel (art. 7 Cst.)

La dignité humaine n'a pas qu'un seul composant relevant des droits fondamentaux mais elle a aussi une fonction essentielle comme principe fondamental valable pour tout l'ordre constitutionnel. A cet égard, la dignité humaine a, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le caractère d'un principe directeur pour toute action de l'Etat et sert de base aux libertés fondamentales, à leur interprétation et à leur concrétisation171. Dans ce cadre, la Confédération entend sauvegarder une forme de société au sein de laquelle les hommes cohabitent dans la dignité172. La dignité humaine n'en reste pas moins une valeur abstraite difficile à mettre en mots de manière positive.

Ce n'est en effet que par la négation que ses contours se dessinent: elle s'arrête là où l'humain est nié173. Un Etat excluant les personnes porteuses d'un handicap ou d'une maladie génétique serait incompatible avec la dignité humaine en tant que principe constitutionnel. S'agissant des différentes formes d'eugénisme (cf. ch. 1.3.1 DPI et eugénisme), tracer la frontière est cependant très délicat. Dans la mesure où il s'agit d'apprécier des souhaits individuels ­ comme c'est le cas du DPI souhaité par les parents dont il est question ici ­ et non de mesures imposées par les autorités, restreindre les désirs des parents en se fondant sur la dignité humaine en tant que principe constitutionnel n'est cependant pas défendable174.

b. Portée de l'interdiction de discriminer (art. 8, al. 2, Cst.)

L'art. 8, al. 2, Cst. interdit les traitements inégaux en raison de
certaines caractéristiques. En ce qui concerne les caractéristiques relevant de la santé, prioritaires en cas de DPI, il importe, dans le cadre de l'évaluation quant à une éventuelle discrimination, de prendre en compte le risque de stigmatisation et d'exclusion de la société des personnes vivant déjà avec ces caractéristiques175.

170

171 172 173 174 175

Jusqu'à présent, le Tribunal fédéral n'a traité la question de l'accès aux méthodes de la procréation médicalement assistée que sous l'angle de la liberté personnelle, cf. ATF 115 Ia 234, 119 Ia 460. S'agissant de la portée de l'art. 8 de la Convention européenne du 4 novembre 1950 des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH, RS 0.101), cf. ch. 1.8.2.

ATF 132 I 49, consid. 5.1.

Philippe Mastronardi, Kommentar zu Artikel 7 BV, 2e éd., Zurich/Saint-Gall 2008, ch.

39.

Philippe Mastronardi, Menschenwürde als materielle «Grundnorm» des Rechtsstaates?, in: Verfassungsrecht der Schweiz, Thürer/Aubert/Müller (éd.), Zurich 2001, ch. 22.

Bernhard Rütsche, Eugenik und Verfassung, Regulierung eugenischer Wünsche von Eltern im freiheitlichen Rechtsstaat, ZBl 6/2010, p. 297 ss, 317.

Cf. ATF 130 I 352, consid. 6.1.2.

5350

On serait en présence d'une discrimination si la société concluait de l'autorisation du DPI qu'il fallait prévenir, de manière générale, la naissance de personnes ayant les caractéristiques génétiques correspondantes. Cela conduirait à une stigmatisation de ces personnes et ouvrirait la voie à une exclusion discriminatoire de prestations de soutien déterminées. Lors de l'autorisation du DPI, il importe donc de prendre en considération les aspects suivants, sous l'angle de l'interdiction de discriminer: ­

La décision de réaliser un DPI ne doit jamais être prescrite par une loi. Si la loi prescrivait la réalisation d'un DPI en présence de constellations génétiques déterminées, il faudrait considérer (outre l'atteinte aux droits de la personnalité du couple concerné) cette prescription comme étant une stigmatisation des personnes qui vivent déjà avec cette caractéristique génétique. Si (lorsque certaines conditions sont remplies) un DPI est effectué, sa réalisation doit donc rester la décision individuelle et libre du couple concerné afin de garantir la liberté personnelle mais également du point de vue de l'interdiction de discriminer.

­

Dans le cadre de l'autorisation du DPI, il convient de veiller à ce que les personnes qui vivent déjà avec les caractéristiques génétiques relevant de la santé qui pourront à l'avenir justifier le recours au DPI continuent d'obtenir le soutien de la société auquel elles ont droit de par la loi. En outre, cette exigence correspond (pour autant qu'il s'agisse d'un handicap) également au mandat découlant de l'art. 8, al. 4, Cst., selon lequel il faut prévoir au niveau de la loi des mesures en vue d'éliminer les inégalités qui frappent les handicapés176.

c. Portée des normes visant la protection de la famille (art. 41, al. 1, et 116, al. 1, Cst.)

La phrase introductive de l'art. 119, al. 2, Cst. évoque la protection de la famille comme étant l'un des éléments dont le législateur doit tenir en compte en particulier dans le domaine de la procréation médicalement assistée. Ce faisant, l'accent n'est pas tant mis sur l'aspect relevant du droit fondamental au sens du droit à la famille mais de la protection de la famille en tant qu'institution de la société. La famille en tant que telle est également au centre de l'art. 41, al. 1, Cst. (protection et encouragement des familles en tant que communautés d'adultes et d'enfants) et de l'art. 116, al. 1, Cst. (prise en considération par la Confédération, dans l'accomplissement de ses tâches, des besoins de la famille).

Les raisons avancées à l'art. 119 Cst. pour la protection de la famille s'appliquent dans la même mesure à toutes les FIV, qu'elles s'accompagnent ou non d'un DPI: la famille en tant que forme initiale de la vie sociétale commune doit être préservée, dans sa composition, contre les différents dangers de la procréation médicalement assistée (notamment séparation des parents, admission de la procréation médicalement assistée aux couples de même sexe, procréation après le décès de l'un des parents)177. Le droit de l'enfant issu d'un traitement FIV à avoir un père et une mère et à grandir dans une famille comme les enfants conçus naturellement, doit aussi être 176

Cf. Patrick Sutter, Wissenschaft und Ethik in der Rechtsetzung, Eine Untersuchung über die Legitimation nicht-juristischer Expertise im Rechtsetzungsverfahren am Beispiel der PID, Berne 2006, p. 243 ss et 321 ss.

177 Ruth Reusser/Rainer J. Schweizer, Kommentar zu Artikel 119 BV, 2e éd., Zurich/SaintGall 2008, ch. 17.

5351

garanti. La protection et l'encouragement de la famille sont, selon l'art. 41, al. 1, let.

c, Cst., du ressort de la Confédération et des cantons. Ce faisant, la famille est, au sens de cet art., une notion ouverte. Elle inclut également les familles monoparentales et les couples vivant maritalement (homosexuels également) qui, conformément à la volonté du législateur constitutionnel, ne doivent pas avoir accès à la procréation médicalement assistée. Une FIV avec DPI ne porte pas plus atteinte à ces points qu'une FIV sans DPI. De plus, le fait que le DPI aide les parents présentant des risques sur le plan génétique à mettre au monde leur propre enfant, sert également à la protection de la famille au sens de l'art. 119 Cst. La protection de la famille en tant que forme initiale de la vie sociétale commune ne permet de déduire aucun élément contre l'admission du DPI. En outre, aucune affirmation relative aux indications admises et aux conditions-cadre ne transparaît.

Synthèse Retenons en guise de conclusion que les normes constitutionnelles dont le but est de protéger la société et la famille n'interdisent pas le recours au DPI. Il s'en dégage cependant que ce recours ne saurait être prescrit par l'Etat et que les personnes vivant avec des caractéristiques génétiques visées par les DPI doivent continuer à recevoir l'intégralité du soutien que leur accordent les pouvoirs publics.

5.1.1.3

Résultat de l'examen sous l'angle constitutionnel

Il ressort tout d'abord de l'examen du DPI sous l'angle constitutionnel que selon l'interprétation qui a cours actuellement, la protection de la dignité humaine s'applique aux embryons in vitro, si bien que ceux-ci ne sauraient être traités comme de simples choses.

Il résulte de l'art. 119 Cst. notamment quel DPI est autorisé pour prévenir la transmission d'une maladie grave ou pour lutter contre la stérilité. Dans le cadre de cette disposition, toutes les autres indications sont interdites. De plus, celle-ci fixe une limite stricte en ce qui concerne le nombre d'embryons pouvant être développés par cycle de traitement et autorise la conservation d'embryons dans des situations exceptionnelles uniquement.

Il convient en outre de souligner que la décision de recourir au DPI doit toujours appartenir au couple concerné et que les parents porteurs d'une certaine constellation génétique ne peuvent en aucun cas être tenus de s'y soumettre. Enfin, l'Etat doit continuer à soutenir les personnes vivant avec les caractéristiques génétiques relevant de la santé qui pourront à l'avenir justifier le recours au DPI et prévoir des mesures permettant de lever les éventuelles discriminations.

Modifier l'art. 119 Cst. dans le but d'ajouter de nouvelles indications implique que le constituant soupèse quelles indications s'accordent avec la protection de la dignité humaine s'appliquant à l'embryon et avec la dignité humaine en tant que principe constitutionnel.

5352

5.1.2

Législation fédérale

Loi sur la procréation médicalement assistée Les dispositions de la LPMA pertinentes au regard de l'admission du DPI et les modifications qui s'imposent sont citées et expliquées au ch. 2.

Loi sur l'analyse génétique humaine Le DPI est certes réalisé dans le cadre d'une méthode de procréation, mais il comprend en particulier une analyse génétique d'embryons. Il s'agit dès lors d'apprécier si la LAGH s'applique.

La LAGH est entrée en vigueur plus de six ans après la LPMA et dans son message la concernant, le Conseil fédéral a précisé que, pour la question du DPI, il fallait appréhender la LPMA comme une loi spéciale et que celui-ci n'était pas discuté dans le cadre de la LAGH178. Cette dernière se limite donc aux analyses génétiques effectuées sur les personnes nées ou sur les foetus pendant la grossesse (DPN) et ne traite pas des analyses effectuées sur des embryons hors du corps humain avant la grossesse.

Si l'on entendait admettre le DPI en révisant la LPMA, il serait nécessaire de démêler ce noeud, qui a un impact en particulier sur la question de savoir si les analyses génétiques d'embryons in vitro peuvent ­ comme toutes les autres analyses génétiques humaines ­ être effectuées uniquement dans des laboratoires titulaires d'une autorisation délivrée à cet effet par l'OFSP (cf. les considérations relatives aux art. 6a, al. 1, let. f, 6b et 8, al. 3).

5.1.3

Interventions parlementaires au niveau fédéral

L'interdiction du DPI et les conditions-cadre fixées pour les procédés de FIV, particulièrement la limitation au développement de trois embryons au maximum par cycle et l'interdiction de la cryoconservation, ont régulièrement provoqué des interventions et d'intenses discussions au Parlement:

178 179 180 181 182

­

Avant l'entrée en vigueur de la LPMA, le 28 novembre 2000, la conseillère nationale Barbara Polla a déposé l'initiative parlementaire «Autorisation du diagnostic préimplantatoire lors de risque grave»179. La commission chargée de l'examen préalable proposa de ne pas y donner suite et transmit une motion de même teneur180. Les deux furent rejetées par le Conseil national, mais, pour la motion, le résultat fut serré, avec 74 voix contre 83181.

­

Avec une motion du 20 juin 2002182, le conseiller national Felix Gutzwiller a demandé la modification de l'art. 42, al. 2, LPMA et l'abrogation de l'art. 5, al. 3, LPMA. Concernant ce dernier point, le Conseil fédéral renvoya, dans son avis, à la délibération de l'initiative parlementaire Polla et à son rejet et proposa de transformer la motion en postulat. La motion fut classée le 18 juin 2004 car elle était en suspens depuis plus de deux ans.

FF 2002 6841, ch. 2.1.3 (conc. la let. f) et fin du ch. 2.3.3.

Initiative parlementaire 00.455 Motion 01.3647 BO 2002 N 345 ss.

Motion 02.3335

5353

183 184 185 186 187 188 189 190

­

Le 2 octobre 2002, la conseillère aux Etats Christiane Langenberger a déposé une interpellation «Recherche sur les cellules souches et diagnostic préimplantatoire. Flou juridico-politique?»183. Dans sa réponse, le Conseil fédéral a exposé qu'il ne voulait pas se soustraire à la longue à ce débat.

­

Le 19 mars 2004 le conseiller national Felix Gutzwiller a déposé une initiative parlementaire «Diagnostic préimplantatoire. Autorisation»184. La commission chargée de l'examen préalable proposa de ne pas donner suite à l'initiative et déposa la motion «Admission du diagnostic préimplantatoire»185 que le Conseil national a acceptée en juin 2005 par 92 voix contre 63186; le Conseil des Etats l'a également acceptée en décembre 2005 par 24 voix contre 18187. La motion charge le Conseil fédéral d'élaborer une réglementation qui permette le DPI et qui en fixe les conditions-cadre.

­

Se référant à cette motion, la conseillère nationale Pia Hollenstein a déposé une interpellation «Questions en suspens concernant le diagnostic préimplantatoire»188 le 24 mars 2006. Dans sa réponse du 24 mai 2006 le Conseil fédéral a indiqué que, vu les travaux préparatoires en cours pour la nouvelle législation, aucune réponse ne pouvait être donnée à des questions de détail.

­

Avec la motion «Réduire le nombre de grossesses multiples in utero et in vitro»189 du 6 octobre 2006, le Conseiller national Felix Gutzwiller a demandé l'abrogation des dispositions de la Constitution et de la LPMA qui prévoient que seul le nombre d'ovules nécessaires à l'implantation pendant un même cycle peut être développé en embryons in vitro. Le but de la motion était d'éviter les grossesses multiples par le biais d'une sélection.

Dans son avis du 29 novembre 2006, le Conseil fédéral a proposé le rejet de la motion, parce qu'il n'était pas prêt à accepter un mandat contraignant en vue de l'aborgation de l'art. 119, al. 2, let. c, Cst., in fine (à savoir, l'interdiction de développer hors du corps de la femme jusqu'au stade d'embryon plus d'ovules que le nombre pouvant être immédiatement implanté).

L'intervention a été classée le 6 décembre 2007 parce que son auteur avait quitté le conseil.

­

Avec l'interpellation «Autorisation du diagnostic préimplantatoire. Etat d'avancement des travaux»190 du 19 décembre 2008, le conseiller aux Etats Felix Gutzwiller a demandé au Conseil fédéral quand la consultation sur le projet de modification de la LPMA serait lancée et quelles étaient les raisons du retard. Dans sa réponse du 18 février 2009, le Conseil fédéral a indiqué qu'il avait autorisé la procédure de consultation et que l'ouverture de celle-ci avait légèrement été repoussée car le projet touchait à des problématiques complexes et sensibles sur le plan éthique.

Interpellation 02.3550 Initiative parlementaire 04.423 Motion 04.3439 BO 2004 N 908 ss.

BO 2005 S 1122 ss.

Interpellation 06.3141.

Motion 06.3585.

Interpellation 08.4042.

5354

5.1.4

Législation cantonale

L'art. 119 Cst concernant la procréation médicalement assistée et le génie génétique dans le domaine humain constitue une compétence fédérale avec force dérogatoire a posteriori. La réglementation fédérale concernant la procréation médicalement assistée, les analyses génétiques sur l'être humain et la recherche sur les cellules souches embryonnaires édictée sur cette base, sans compter les tâches d'exécution qui en découlent, ne laissent aucune place à des dispositions cantonales complémentaires dans le domaine du DPI.

5.2

Compatibilité avec les obligations de la Suisse sur le plan international

Pour ce qui concerne la compatibilité avec le droit européen et les conventions du Conseil de l'Europe, renvoi est fait aux explications données sous le ch. 1.8.2.

Ni l'ONU191 ni l'UNESCO192 ni encore l'OMS ne connaissent dans leurs pactes des déclarations, des résolutions ou des dispositions qui vont au-delà du droit constitutionnel suisse applicable en la matière ou qui n'autoriseraient pas le DPI tel qu'il est réglé dans le présent projet, avec les conditions-cadre et les indications y relatives.

5.3

Soumission au frein aux dépenses et compatibilité avec la loi sur les subventions

Le projet ne prévoit aucune dépense unique ni périodique pour un montant qui serait concerné par l'art. 159, al. 3, let. b, Cst., pas plus qu'elle ne comporte d'aides financières ou d'indemnités au sens de la loi du 5 octobre 1990 sur les subventions193.

5.4

Délégation de compétence législatives

Le projet ne prévoit aucune délégation de compétence au Conseil fédéral lui permettant d'édicter des dispositions de substitution. Celui-ci se contentera d'édicter, dans des ordonnances, des dispositions d'exécution relatives aux nouveaux articles ou aux dispositions modifiées, notamment pour préciser la nouvelle obligation de déclarer inscrite à l'art. 11a et l'évaluation prévue à l'art. 14a.

191

Notamment le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II ONU); les droits et libertés qui y sont garantis correspondent en grande partie à ceux de la CEDH; le projet ne porte pas atteinte à cette dernière (cf. ch. 1.7.2 Conseil de l'Europe). La convention de 1989 relative aux droits de l'enfant (RS 0.107) n'a pas non plus d'influence sur l'utilisation d'embryons in vitro. En effet, elle laisse aux Etats parties le soin de décider s'ils veulent accorder une protection à l'enfant non né (cf.

le message à ce sujet, FF 1994 V 1, ch. 212 et 33).

192 Notamment la Déclaration universelle sur le génome humain adoptée le 11 novembre 1997 et la Déclaration internationale du 16 octobre 2003 sur les données génétiques humaines; ces deux textes ne contiennent ni des prescriptions spécifiques au DPI ni des règles générales auxquelles ce projet ou le droit suisse en vigueur contreviendrait (cf.

message LAGH, FF 2002 6841, ch. 6.3).

193 RS 616.1

5355

Annexe 1

Glossaire des termes scientifiques Allèle

Terme relatif aux différentes formes (copies) d'un gène au même emplacement génétique de chromosomes homologues (identiques). A cause de sa séquence chromosomique double, l'être humain ne possède que deux allèles d'un gène. Si ces deux allèles sont identiques, le porteur est homozygote par rapport à ce gène; s'ils sont différents, il est hétérozygote.

Analyse du globule polaire

Analyse d'un globule polaire pour détecter une mutation génétique ou une aberration chromosomique.

Aneuploïdie

Altération du nombre normal de chromosomes.

Aberrations chromosomiques

On distingue les aberrations chromosomiques numériques (1) des aberrations structurelles (2): (1) Les aberrations numériques sont dues à une répartition défectueuse des chromosomes sur les cellules-filles. La modification concerne soit le nombre de chromosomes individuels, soit celui de la séquence chromosomique complète.

(2) Les aberrations chromosomiques structurelles sont causées soit par la duplication, soit par l'échange de matériel chromosomique à l'intérieur d'un chromosome ou entre plusieurs chromosomes.

Autosomes

Terme pour tous les chromosomes, qui ne sont pas des chromosomes sexuels; l'être humain possède 22 paires d'autosomes et deux chromosomes sexuels (XX ou XY).

Bébé sauveur

Embryon sélectionné suite à un DPI dans le cadre d'une FIV en sa qualité de donneur compatible dans le but de soigner un frère ou une soeur malade.

Biopsie blastocystaire

Prélèvement de plusieurs cellules sur la couche cellulaire externe (trophoblaste) d'un blastocyste.

Biopsie embryonnaire

Prélèvement d'une ou plusieurs cellules sur un embryon in vitro.

Blastocyste

Embryon du 4e au 7e jour du développement environ. Le blastocyste est constitué d'une couche cellulaire externe dont est issu le placenta (trophoblaste), et d'une masse cellulaire interne de laquelle se développe l'embryon (embryoblaste).

Blastomères

Premières cellules, encore indifférenciées, d'un embryon, jusqu'à trois jours environ après la fécondation.

5356

Cellules souches hématopoïétiques

Cellules souches à partir desquelles se développent les globules sanguins. Les cellules souches hématopoïétiques sont transplantées pour traiter la leucémie.

Choriocentèse

Examen prénatal consistant à diagnostiquer des maladies génétiques ou des troubles métaboliques.

Chromosomes

Macromolécules constituées d'ADN (acide désoxyribonucléique; substance porteuse de l'information héréditaire) et de protéines, qui contiennent l'information héréditaire et qui sont transmises aux cellules filles à chaque division cellulaire. Le nombre et la forme des chromosomes est spécifique d'espèce. Les cellules somatiques humaines contiennent des chromosomes doubles (diploïde; 23 paires de chromosomes); les ovules et les spermatozoïdes contiennent des chromosomes simples (haploïde; 23 chromosomes).

Chromosomes sexuels

Chromosomes qui déterminent le sexe; les femmes possèdent deux chromosomes X, les hommes possèdent un chromosome X et un chromosome Y beaucoup plus court (cf. autosomes).

Dépistage des aneuploïdies

Analyse de l'embryon in vitro en vue de la détection d'éventuelles aneuploïdies.

Designer baby

voir «Bébé sauveur»

Diagnostic préimplantatoire (DPI)

Prélèvement et analyse génétique d'une cellule d'un embryon produit par fécondation in vitro avant son transfert dans l'utérus.

Diploïde

Contenant une séquence chromosomique double.

Dominant

Caractéristique qu'a une donnée génétique déterminée de pouvoir s'imposer face à d'autres caractéristiques.

Embryoblaste

Masse cellulaire interne du blastocyste, à partir de laquelle se développe l'embryon.

Elective single embryo transfer (eSET)

Transfert électif d'un seul embryon. Ce procédé consiste à sélectionner parmi des embryons uniquement celui qui est le plus approprié et à le transférer dans l'utérus de la femme. Les autres embryons sont conservés pour un éventuel transfert ultérieur.

Embryon surnuméraire

Tout embryon issu d'une fécondation in vitro qui ne peut pas être utilisé pour induire une grossesse et qui n'a par conséquent aucune chance de survie (définition inscrite dans la loi, cf. art. 2, let. b, LRCS, RS 810.31).

Fécondation in vitro (FIV)

Fécondation artificielle, hors du corps de la femme.

Follicule

Vésicule contenant l'ovule; enveloppe de l'ovule en maturation à l'intérieur de l'ovaire.

Gamètes

Spermatozoïdes et ovules 5357

Gène

Partie d'ADN qui contient les données génétiques relatives à la structure ou une fonction du corps.

Génotype

La totalité des prédispositions héréditaires d'un organisme qui déterminent le phénotype.

Globule polaire

Une cellule résultant de la maturation d'un ovocyte et qui se dégénère peu de temps après.

Haploïde

Contenant une séquence chromosomique simple.

Hétérozygote

Un être vivant est hétérozygote concernant un gène spécifique, lorsqu'il possède deux allèles différents en la localisation génétique pertinente.

Homozygote

Un être vivant est homozygote concernant un gène spécifique, lorsqu'il possède deux allèles identiques en la localisation génétique pertinente.

In vitro

Dans l'éprouvette; hors du corps (par opposition à in vivo).

Injection intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI)

Procédé de la fécondation in vitro par lequel un spermatozoïde est injecté directement dans le cytoplasme de l'ovule à l'aide d'une micropipette.

Maladie héréditaire autosomique dominante

Maladie héréditaire causée par la modification d'un allèle sur un autosome.

Maladie héréditaire autosomique récessive

Maladie héréditaire causée par la modification des deux allèles sur un autosome.

Maladie héréditaire monogénique

Maladie héréditaire causée par la mutation d'un seul gène.

Maladie héréditaire multifactorielle

Maladie causée à la fois par des facteurs génétiques et des facteurs dus à l'environnement.

Maladie héréditaires liées au chromosome X

Maladie héréditaire causée par une mutation génétique sur le chromosome sexuel X.

Mosaïque

Individu composé de plusieurs cellules génétiquement différentes, mais qui sont toutes originaires d'un même zygote.

Mitochondrie

Organite à double membrane à l'intérieur d'une cellule générant de l'énergie. Les mitochondries ont un patrimoine génétique propre.

Mutation

La mutation désigne une modification de l'information génétique. On distingue trois types de mutation: (1) la mutation génomique (modification du nombre total de chromosomes), (2) la mutation chromosomique (modifications majeures de la structure d'un chromosome) et (3) la mutation génique (petites modifications au sein d'un gène).

5358

Nidation

Implantation du blastocyste dans la muqueuse intrautérine entre le 5e et le 6e jour de son développement; la nidation est terminée entre le 11e et le 12e jour du développement.

Ovule imprégné

L'ovule pénétré par un spermatozoïde avant la fusion des noyaux.

Phénotype

Présentation externe du génotype.

Placenta

A pour fonction de nourrir le foetus et de produire différentes hormones. Constitué principalement de cellules foetales et, pour une moindre part, de cellules maternelles.

Polyploïdie

La présence de trois (triploïdie), quatre (tétraploïdie) ou plusieurs séquences chromosomiques dans une cellule, à la place de deux séquences (diploïdie).

Ponction folliculaire

Prélèvement d'un ovule se trouvant dans un follicule à l'aide d'une aiguille.

Récessif

Caractéristique qu'a une donnée génétique déterminée de ne pas pouvoir s'imposer face à d'autres caractéristiques (par opposition à «dominant»).

Trophoblaste

Couche cellulaire externe du blastocyste, dont sont issus les éléments embryonnaires du placenta qui apparaîtront à un stade ultérieur du développement.

Typage HLA

Détermination du type de certaines structures à la surface de la plupart des cellules. Ces structures de surface jouent un rôle essentiel dans les réactions immunitaires. Un typage HLA est réalisé chez le donneur et le receveur avant chaque transplantation, afin que le greffon puisse être transplanté sur un receveur immunocompatible.

Zygote

Ovule fécondé, après la fusion du noyau de l'ovule et du noyau du spermatozoïde.

5359

Annexe 2

Tableaux Tableau 1: Taux de succès des différentes étapes de la FIV/DPI (Hypothèses: cycle frais, l'un des parents souffre d'une maladie héréditaire autosomique dominante [hétérozygote]) 1 2

Ovule Ovule apte à être inséminé 3 Ovule imprégné 4 Embryon au stade de 4 cellules 5 Embryon au stade de 8 cellules 6 Biopsie réussie 7 Diagnostic réussi 8 Embryon apte à être transféré (sans défaut génétique) 9 Embryon après implantation réussie 10 Naissance

1 0.8194 1 0.56 0.3

0.7 0.38

1 0.55

1

0.22

0.28

0.4

0.72

1

0.2 0.18 0.09

0.27 0.25 0.13

0.38 0.34 0.17

0.68 0.61 0.31

0.95 0.86 0.43

1 0.9195 1 0.45 0.5196 1

0.02

0.02

0.03

0.05

0.06

0.07

0.08

0.15

1

0.01

0.02

0.03

0.04

0.05

0.06

0.07

0.13

0.85

Exemple de lecture (cf. zone en gris): la probabilité qu'un ovule imprégné de bonne qualité évolue en un embryon apte à être transféré est de 17 % (= 0.55 [Probabilité qu'un ovule imprégné évolue en un embryon au stade de quatre cellules] × 0.72 [Probabilité qu'un embryon au stade de 4 cellules évolue en un embryon au stade de 8 cellules] × 0.95 [Probabilité que la biopsie embryonnaire soit réussie] × 0.9 [Probabilité que l'analyse de la cellule dissociée conduise à un résultat] × 0.5 [Probabilité que l'embryon ne soit pas hétérozygote pour l'allèle défectueux]).

194

A moins d'une indication spéciale, les données figurant dans ce tableau proviennent d'une enquête effectuée ces dernières années en Suisse auprès de plusieurs spécialistes de la procréation médicalement assistée.

195 J. Murken,F. Kainer, Pränatale Diagnostik, in: J. Murken, T. Grimm, E. Holinski-Felder, Klaus Zerres (Hg.), Humangenetik, Stuttgart 2011, p. 397 ss et 408.

196 Lors d'une transmission héréditaire autosomique-dominante, la probabilité qu'un enfant est porteur hétérozygote de l'allèle defectueux est de 50 % (prémisse: un parent est malade [hétérozygote]).

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Tableau 2: Probabilité (P) qu'on obtienne, en cas de FIV avec DPI, au moins un embryon apte à être transféré à partir d'ovules imprégnés (n) de bonne qualité, basée sur les données du tableau 1.

n P197

1 0.17

2 0.31

3 0.42

4 0.52

5 0.61

6 0.67

7 0.73

8 0.78

9 0.81

10 0.84

Exemple de lecture (cf. zone en gris): la probabilité que huit ovules imprégnés de bonne qualité évoluent en au moins un embryon apte à être transféré est de 78 %.

Tableau 3: Probabilité (P) qu'en cas de FIV sans DPI et en application de la règle des trois embryons, on obtienne au moins un embryon apte à être transféré (embryon au stade de huit cellules) à partir d'ovules imprégnés (n) de bonne qualité, basée sur les données du tableau 1.

n

1

2

3

P198

0.4

0.64

0.78

197

P = 1 ­ bn; a = 0.17 (correspond à la probabilité qu'un ovule imprégné de bonne qualité évolue en un embryon apte à être transféré); b = 1-a (probabilité contraire).

198 P = 1 ­ bn; a = 0.4 (correspond à la probabilité qu'un ovule imprégné de bonne qualité évolue en un embryon apte à être transféré); b = 1-a (probabilité contraire).

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