13.017 Message concernant la loi fédérale sur les prestations de sécurité privées fournies à l'étranger du 23 janvier 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet de loi sur les prestations de sécurité privées fournies à l'étranger et vous proposons de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2011 M 10.3639

Système d'autorisation et de contrôle pour les entreprises de sécurité qui opèrent dans des régions en crise ou en guerre (E 23.9.2010, CPS-E; N 2.3.2011)

2011 M 10.3808

Interdire les armées privées en Suisse (N 17.12.2010, Lang; S 7.6.2011)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

23 janvier 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2012-2466

1573

Condensé Le projet de loi qui fait l'objet du présent message régit la fourniture de prestations de sécurité privées depuis la Suisse à l'étranger. La loi doit contribuer à préserver la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse, à mettre en oeuvre les objectifs de sa politique extérieure, à préserver la neutralité suisse et à garantir le respect du droit international. A cette fin, un régime d'interdictions assorti d'une procédure de déclaration préalable doit être instauré. Le projet de loi règle en outre l'engagement d'entreprises de sécurité par des autorités fédérales pour l'exécution de tâches de protection à l'étranger.

Les développements internationaux de ces dernières années témoignent de l'importance en forte hausse des prestations privées dans les domaines militaire et sécuritaire. De nos jours, il s'agit d'un potentiel de marché important qui représente l'engagement de plusieurs centaines de milliers de personnes à l'échelle mondiale.

Pour les dix prochaines années, le marché mondial de la sécurité privée en zones de guerre serait estimé à 100 milliards de dollars.

Sur le plan national, on constate que la problématique des entreprises de sécurité opérant depuis la Suisse à l'étranger a pris de l'ampleur ces dernières années. A la fin de l'année 2010, on a pu établir qu'environ 20 entreprises de sécurité privées opérant ou susceptibles d'opérer dans des zones de crise ou de conflit sont établies dans huit cantons. Il y a tout lieu de considérer que ce marché de la sécurité privée va encore évoluer à l'avenir.

Aujourd'hui, la législation applicable aux entreprises fournissant des prestations de sécurité privées est lacunaire. Elle relève essentiellement du droit cantonal mais ne s'applique pas aux entreprises de sécurité opérant à l'étranger. Celles-ci exercent par conséquent leurs activités sans être soumises à un système de contrôle. Le présent projet a pour objectif de combler ce vide sans toutefois vouloir légitimer ou promouvoir le recours à des entreprises de sécurité privées ou au contraire les interdire complètement. Il constitue en outre un développement des initiatives prises notamment par la Suisse concernant l'adoption du Document de Montreux du 17 septembre 2008 et l'élaboration du Code de conduite international des entreprises de sécurité privées du 9 novembre 2010. En
sa qualité d'initiateur et de promoteur du processus d'adhésion à ces instruments, la Suisse joue un rôle de précurseur pour les autres Etats en légiférant dans ce domaine.

La loi s'appliquera aux personnes et aux entreprises qui fourniront, depuis la Suisse, des prestations de sécurité privées à l'étranger ou qui fourniront en Suisse des prestations en rapport avec une prestation de sécurité fournie à l'étranger. Le projet de loi vise également les sociétés établies en Suisse qui contrôlent des entreprises de sécurité actives à l'étranger. Il prévoit d'interdire ex lege certaines activités en relation avec une participation directe à des hostilités ou avec de graves violations des droits de l'homme et d'instaurer un régime d'interdictions que l'autorité compétente sera habilitée à prononcer dans des cas concrets. Pour contrôler les activités qui doivent être exercées à l'étranger, le projet prévoit une

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obligation pour l'entreprise de les déclarer à l'autorité. Celle-ci interdira les activités qui sont contraires aux buts de la loi. Le Conseil fédéral pourra toutefois accorder une autorisation dans des cas exceptionnels. Les entreprises pourront en revanche fournir des prestations à l'étranger lorsque celles-ci ne sont pas problématiques. Des sanctions seront prononcées en cas de violation de la loi.

Le projet de loi s'applique en outre aux autorités fédérales qui engagent une entreprise de sécurité pour l'exécution de certaines tâches de protection à l'étranger. Il fixe les conditions d'engagement. L'autorité fédérale contractante devra notamment s'assurer que l'entreprise de sécurité remplit certaines exigences et que le personnel a reçu une formation adéquate pour l'exécution de la tâche de protection. Ce personnel n'est en principe pas armé, sauf pour réagir dans une situation de légitime défense ou d'état de nécessité. Il n'est pas non plus autorisé à faire usage de la contrainte, sous réserve d'une autorisation exceptionnelle du Conseil fédéral.

La loi s'appliquera aux activités en cours d'exécution au moment de son entrée en vigueur.

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Table des matières Condensé

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1 Présentation du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Situation actuelle concernant les entreprises de sécurité opérant à l'étranger 1.1.2 Travaux préparatoires 1.2 Législations fédérales applicables aux entreprises de sécurité 1.2.1 Législation sur le matériel de guerre 1.2.2 Législation sur le contrôle des biens 1.2.3 Législation sur les armes 1.2.4 Législation sur les embargos 1.2.5 Législation instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure 1.2.6 Droit pénal 1.2.7 Droit pénal militaire 1.2.8 Législation fédérale en matière de responsabilité 1.3 Situation légale en droit cantonal 1.4 Dispositif proposé 1.5 Appréciation de la solution retenue 1.5.1 Solutions examinées 1.5.2 Résultats de la procédure de consultation externe 1.5.3 Principales modifications par rapport à l'avant-projet 1.6 Adéquation des moyens requis 1.7 Comparaison avec le droit étranger 1.7.1 Allemagne 1.7.2 Autriche 1.7.3 France 1.7.4 Grande-Bretagne 1.7.5 Italie 1.7.6 Luxembourg 1.7.7 Suède 1.7.8 Afrique du Sud 1.7.9 Etats-Unis 1.8 Droit international public 1.8.1 Règles de droit international public concernant le mercenariat 1.8.2 Applicabilité du droit international humanitaire et des droits de l'homme aux entreprises de sécurité 1.9 Développements sur le plan international 1.9.1 Document de Montreux 1.9.2 Code de conduite international du 9 novembre 2010 1.9.3 Projet de convention des Nations Unies 1.9.4 Développements au niveau de l'Union européenne 1.10 Mise en oeuvre 1.11 Classement des interventions parlementaires

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1578 1579 1581 1581 1581 1581 1582 1582 1583 1584 1585 1585 1586 1587 1587 1588 1589 1591 1592 1592 1592 1593 1593 1594 1595 1595 1596 1597 1598 1598 1600 1601 1601 1604 1606 1606 1607 1607

2 Commentaire des dispositions du projet de loi 2.1 Dispositions générales 2.2 Interdictions 2.3 Procédure 2.4 Contrôle 2.5 Sanctions 2.6 Entraide administrative 2.7 Engagement d'entreprises de sécurité par des autorités fédérales 2.8 Information 2.9 Dispositions finales

1607 1607 1619 1624 1632 1633 1637 1638 1643 1643

3 Conséquences 3.1 Conséquences financières et en personnel pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes 3.3 Conséquences économiques 3.4 Conséquences sanitaires et sociales 3.5 Conséquences environnementales 3.6 Autres conséquences

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4 Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

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5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et conformité aux lois 5.1.1 Constitutionnalité 5.1.2 Conformité aux lois 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 5.2.1 Instruments de l'Union européenne 5.2.2 Autres instruments internationaux 5.3 Forme de l'acte à adopter 5.4 Frein aux dépenses 5.5 Conformité à la loi sur les subventions 5.6 Délégation de compétences législatives 5.7 Conformité à la législation sur la protection des données

1646 1646 1646 1648 1648 1648 1648 1649 1649 1649 1649 1649

Loi fédérale sur les prestations de sécurité privées fournies à l'étranger (Projet)

1651

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Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Situation actuelle concernant les entreprises de sécurité opérant à l'étranger

Les développements internationaux de ces dernières années témoignent de l'importance en forte hausse des prestations de service dans les domaines militaire et sécuritaire. De nos jours, il s'agit d'un potentiel de marché important qui représente l'engagement de plusieurs centaines de milliers de personnes à l'échelle mondiale.

Le cas de l'Irak fournit un exemple particulièrement éclatant de cette évolution. Pour les dix prochaines années, le marché mondial de la sécurité privée en zones de crise ou de conflit serait estimé à 100 milliards de dollars.

Les entreprises privées qui opèrent sur la scène internationale dans les domaines militaire et sécuritaire ne se bornent pas à procurer un appui logistique, en personnel et en infrastructure à leurs mandants. Il arrive qu'elles mettent à leur disposition du matériel de guerre lourd, par exemple des avions de combat, des blindés et de l'artillerie. L'importance accrue des services privés militaires et sécuritaires sur la scène internationale est essentiellement liée à la fin de la Guerre froide: des vides de pouvoir sont survenus dans diverses régions, qui ont favorisé la ruine complète ou partielle d'Etats politiquement instables. Par ailleurs, nul ne conteste que les représentations étatiques et les collaborateurs exposés des organisations supranationales internationales et non gouvernementales (ONG) requièrent une protection particulière lorsqu'ils opèrent dans des régions dépourvues de structures d'ordre étatique ou qui disposent d'une structure qui ne fonctionne pas de manière satisfaisante. Des entreprises de sécurité proposent une telle protection1.

Sur le plan national, le rapport de l'Office fédéral de la justice du 30 décembre 2010 concernant une éventuelle réglementation sur les entreprises de sécurité privées opérant depuis la Suisse dans des zones de crise ou de conflit2 (ci-après rapport de l'OFJ du 30 décembre 2010) a montré que la problématique a pris de l'ampleur dans notre pays, ces dernières années. L'inscription de la société AEGIS Group Holdings SA au Registre du commerce du canton de Bâle-Ville en 2010 a en effet montré que des entreprises de sécurité étrangères, y compris des très grandes sociétés internationales, peuvent être intéressées à avoir une filiale ou une holding en Suisse, au motif que notre pays présente des avantages
considérables du point de vue de sa stabilité, de ses infrastructures et de sa place financière. Bien qu'il ne soit pas possible d'avoir une vue d'ensemble complète du marché, le rapport a établi qu'à la fin de l'année 2010 environ 20 entreprises de sécurité privées opérant ou susceptibles d'opérer dans des zones de crise ou de conflit sont établies dans les cantons de Bâle-Campagne, de Bâle-Ville, de Genève, de Lucerne, de Schaffhouse, du Tessin, du Valais et de Zoug.

1

2

Voir le rapport du Conseil fédéral sur les entreprises de sécurité et les entreprises militaires privées (donnant suite au postulat Stähelin 04.3267 du 1er juin 2004. Entreprises privées chargées de tâches de sécurité) du 2 décembre 2005, FF 2006 631, ch. 3.2.

www.ofj.admin.ch > Thèmes > Sécurité > Législation > Entreprises de sécurité privées

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Les entreprises de sécurité privées opérant depuis la Suisse à l'étranger sont une réalité et cette problématique évoluera encore à l'avenir. De plus, la législation qui s'applique aujourd'hui aux entreprises fournissant des prestations de sécurité privées est lacunaire. Elle relève essentiellement du droit cantonal mais elle ne s'applique pas aux entreprises de sécurité opérant à l'étranger (voir ci-après ch. 1.3). Celles-ci exercent leurs activités sans être soumises à un système de contrôle. Le présent projet de loi a donc pour objectif de combler ce vide, sans toutefois vouloir légitimer ou promouvoir le recours à des entreprises de sécurité privées ou au contraire les interdire complètement. Il constitue en outre un développement des initiatives prises notamment par la Suisse concernant l'adoption du Document de Montreux du 17 septembre 20083 et l'élaboration du Code de conduite international des entreprises de sécurité privées du 9 novembre 20104 (voir ci-après ch. 1.9.1 et 1.9.2). En sa qualité d'initiateur et de promoteur du processus d'adhésion à ces instruments, la Suisse joue un rôle de précurseur pour les autres Etats en légiférant dans ce domaine.

1.1.2

Travaux préparatoires

Le 2 décembre 2005, le Conseil fédéral a adopté un premier rapport sur les entreprises de sécurité et les entreprises militaires privées, qui donnait suite au postulat Stähelin du 1er juin 20045. Sur la base des conclusions de ce rapport, le Conseil fédéral avait notamment chargé le Département fédéral de justice et police (DFJP) d'examiner l'opportunité de soumettre à une obligation d'autorisation ou d'enregistrement les fournisseurs de prestations militaires ou de sécurité opérant dans des zones de crise ou de conflit depuis la Suisse.

Pour donner suite au mandat du Conseil fédéral, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a publié, le 21 mai 2008, un rapport sur l'examen d'un système d'enregistrement obligatoire des entreprises de sécurité privées actives dans des zones de crise ou de conflit6. Sur la base des conclusions de ce rapport, le Conseil fédéral a décidé, le 21 mai 2008, de renoncer provisoirement à une réglementation. Il a justifié sa décision par le faible attrait de la Suisse, en tant que marché, et par la disproportion des contrôles à mettre en place, compte tenu du caractère marginal du phénomène. Le Conseil fédéral souhaitait par ailleurs observer l'évolution du droit international et des législations d'autres pays.

Au printemps 2010, la question est revenue sur la table suite à l'inscription de la société AEGIS Group Holdings SA au Registre du commerce du canton de Bâle-Ville. Ainsi, plusieurs interventions parlementaires ont été déposées montrant l'existence d'une volonté politique d'adopter une législation fédérale dans ce

3 4 5 6

www.dfae.admin.ch > Thèmes > Droit international public > Droit international humanitaire > Entreprises militaires et de sécurité privées > Le Document de Montreux www.icoc-psp.org FF 2006 631 www.ofj.admin.ch > Thèmes > Sécurité > Législation > Entreprises de sécurité privées

1579

domaine7. Le 6 septembre 2010, la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (CPS-E) a déposé la motion «Système d'autorisation et de contrôle pour les entreprises de sécurité qui opèrent dans des régions en crise ou en guerre» (ci-après motion CPS-E 10.3639), qui a été adoptée par les Chambres fédérales les 23 septembre 2010 et 2 mars 2011. Cette intervention demande au gouvernement de créer les bases légales visant à instaurer un système d'autorisation et de contrôle pour les entreprises de sécurité qui organisent, depuis la Suisse, des opérations dans des régions en crise ou en guerre. Selon la motion, il s'agit en particulier de définir les activités autorisées et d'interdire celles qui sont contraires aux intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure, de sécurité et de neutralité. Sont notamment visées les sociétés qui ont leur siège en Suisse (holding ou société opérationnelle), qui organisent leurs activités depuis la Suisse ou qui exercent certaines de leurs activités en Suisse (recrutement, formation, etc.). Le 1er octobre 2010, le Conseiller national Josef Lang a déposé la motion «Interdire les armées privées en Suisse» (ci-après motion Lang 10.3808), qui a été adoptée par les Chambres fédérales les 17 décembre 2010 et 7 juin 2011. Cette intervention charge le Conseil fédéral de présenter au Parlement des dispositions légales soumettant les entreprises de sécurité privées à un régime d'autorisation et d'enregistrement et interdisant le stationnement en Suisse des armées privées qui déploient des activités dans les zones de crise ou de conflit.

Le 25 août 2010, le Conseil fédéral a chargé le DFJP d'examiner l'opportunité d'édicter une réglementation.

Le 16 février 2011, le Conseil fédéral a pris connaissance des conclusions du rapport de l'OFJ du 30 décembre 2010 et a décidé de charger le DFJP d'élaborer un avantprojet de loi, en collaboration avec le Département fédéral de l'économie (DFE), le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) et avec les cantons.

Le 30 mars 2011, le Conseil fédéral a décidé de suspendre le projet de loi sur les tâches de police de la Confédération. Dans le cadre de cette décision, il a chargé le DFJP d'examiner la possibilité de
reprendre certaines dispositions de l'ordonnance du 31 octobre 2007 sur l'engagement d'entreprises de sécurité privées (OESS)8 dans le projet pour une réglementation sur les entreprises de sécurité suisses qui opèrent dans des zones de crise ou de conflit.

La procédure de consultation externe concernant l'avant-projet de loi s'est déroulée du 12 octobre 2011 au 31 janvier 2012.

Le 29 août 2012, le Conseil fédéral a pris connaissance des résultats de la consultation externe et a conféré au DFJP le mandat d'élaborer un projet de loi.

7

8

Le 22 décembre 2011, le Conseil des Etats a rejeté les motions suivantes de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national du 22 février 2011: motion 11.3008 «pas d'armées privées sur le territoire suisse», motion 11.3009 «Réglementation des entreprises de sécurité privées établies sur le territoire suisse», motion 11.3010 «Entreprises de sécurité et entreprises militaires privées ayant leur siège en Suisse. Système d'autorisation», motion 11.3011 «Contrôle systématique des entreprises militaires privées ayant leur siège en Suisse», motion 11.3012 «Armées privées en Suisse».

RS 124

1580

1.2

Législations fédérales applicables aux entreprises de sécurité

1.2.1

Législation sur le matériel de guerre

La loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre (LFMG)9 régit la fabrication et le transfert de matériel de guerre et de la technologie y relative. Elle prévoit un système de double autorisation, à savoir d'une part une autorisation initiale pour toute personne qui a l'intention de fabriquer ou de faire du commerce de matériel de guerre et d'autre part une autorisation spécifique pour certaines activités telles que courtage, importation, exportation, transit, transfert de biens immatériels et commerce. L'autorité compétente pour délivrer les autorisations est le SECO.

1.2.2

Législation sur le contrôle des biens

La loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires et des biens militaires spécifiques (LCB)10 vise à instaurer un système de contrôle de ceux de ces biens qui font l'objet d'accords internationaux.

Elle prévoit que le Conseil fédéral peut instaurer un régime de permis, prévoir une obligation de déclarer et ordonner des mesures de surveillance en application des accords internationaux. L'art. 4 de l'ordonnance du 25 juin 1997 sur le contrôle des biens11 prescrit que l'exportateur déclare l'exportation des biens non soumis au régime du permis lorsque ceux-ci peuvent être liés au développement d'armes nucléaires, biologiques ou chimiques (al. 1). Le SECO interdit l'exportation lorsqu'il a des raisons de penser ou qu'il sait que les biens destinés à l'exportation sont destinés au développement, à la production ou à l'utilisation de telles armes (al. 3). Il prend sa décision dans un délai maximal de 14 jours à compter de la déclaration de l'exportation. Ce délai peut être prolongé si nécessaire. L'exportation est interdite jusqu'à la décision du SECO (al. 4). Toute violation de l'obligation de déclarer ou de l'interdiction d'exporter selon les al. 3 ou 4 est sanctionnée.

1.2.3

Législation sur les armes

La loi fédérale du 20 juin 1997 sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions12 régit notamment l'acquisition, l'exportation, le port, la fabrication et le commerce d'armes. Elle prévoit en outre que l'exportation, le transit, le courtage pour des destinataires à l'étranger et le commerce à l'étranger à partir du territoire suisse d'armes, d'accessoires d'armes ou de munitions sont réglés soit par la législation sur le matériel de guerre, si les biens sont aussi soumis à cette dernière, soit par la législation sur le contrôle des biens, si les biens ne sont pas soumis à la législation sur le matériel de guerre. Les autorisations d'acquisition ou de commerce d'armes sont délivrées par l'autorité cantonale compétente. Toute personne qui envisage d'expor-

9 10 11 12

RS 514.51 RS 946.202 RS 946.202.1 RS 514.54

1581

ter des armes vers un Etat Schengen est tenue d'en informer l'Office central des armes.

1.2.4

Législation sur les embargos

La loi fédérale du 22 mars 2002 sur les embargos (LEmb)13 prévoit que la Confédération peut édicter des mesures de coercition pour appliquer les sanctions visant à faire respecter le droit international public et en particulier les droits de l'homme.

Ces mesures peuvent par exemple restreindre le trafic de marchandises et des services ou prendre la forme d'interdictions, d'obligations de demander des autorisations ou d'obligations d'annonce. Le Conseil fédéral est compétent pour édicter ces mesures sous forme d'ordonnances. Par exemple, l'ordonnance du 30 mars 2011 instituant des mesures à l'encontre de la Libye14 interdit de fournir et d'acquérir des biens d'équipement militaire et des biens utilisés à des fins de répression interne, y compris de mettre à disposition des mercenaires armés. Le SECO est l'organe de contrôle compétent pour surveiller l'exécution des mesures d'interdiction de fournir des biens d'équipement militaire et de matériel connexe.

1.2.5

Législation instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure

La législation instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure contient un certain nombre de dispositions applicables à l'engagement d'une entreprise de sécurité par une autorité fédérale pour l'exécution d'une tâche de protection.

L'art. 22, al. 2, de la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI)15 autorise l'autorité fédérale à déléguer à des services privés la tâche de droit public consistant à assurer la protection des autorités, des personnes et des bâtiments de la Confédération.

L'ordonnance du 27 juin 2001 sur la sécurité relevant de la compétence fédérale (OSF)16 règle les tâches des organes chargés de la protection des personnes et des bâtiments en vertu des art. 22 à 24 LMSI (art. 1 OSF). Selon l'art. 3 de cette ordonnance, les services fédéraux compétents peuvent confier à des services privés la surveillance des bâtiments de la Confédération dans lesquels le personnel affecté à cette tâche doit être renforcé ainsi que la protection de manifestations de la Confédération en vue d'épauler la police (al. 1 et 2 OSF).

L'OESS fixe les conditions minimales applicables à l'engagement d'entreprises de sécurité lorsque la loi autorise la Confédération à leur confier des tâches de protection. Elle s'applique à toute autorité fédérale qui délègue à une entreprise de sécurité l'exécution d'une tâche de protection en Suisse ou à l'étranger. Elle fixe notamment les conditions d'engagement d'une entreprise et certaines exigences concernant la formation du personnel de sécurité. Elle prévoit en outre certaines dispositions

13 14 15 16

RS 946.231 RS 946.231.149.82 RS 120 RS 120.72

1582

concernant l'engagement d'une entreprise de sécurité pour l'exécution d'une tâche de protection à l'étranger.

1.2.6

Droit pénal

Le code pénal (CP)17 réprime certaines infractions qui peuvent concerner la problématique des entreprises de sécurité:

17 18

­

Art. 264 et ss CP (génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre): ces dispositions punissent d'une peine privative de liberté pouvant aller jusqu'à la perpétuité toute personne suisse ou étrangère qui commet un crime contre l'humanité ou un crime de guerre dans le cadre d'un conflit armé.

­

Art. 271, ch. 1, CP (actes exécutés sans droit pour un Etat étranger): cette disposition punit d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire toute personne suisse ou étrangère qui, sans y être autorisée, aura procédé sur le territoire suisse pour un Etat étranger à des actes qui relèvent des pouvoirs publics ou qui aura procédé à de tels actes pour un parti étranger ou une organisation de l'étranger.

­

Art. 299 CP (violation de la souveraineté territoriale étrangère): le ch. 1 punit d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire toute personne qui aura violé la souveraineté territoriale d'un Etat étranger, notamment en procédant indûment à des actes officiels sur le territoire de cet Etat ou qui aura pénétré sur le territoire d'un Etat étranger contrairement au droit des gens. Le ch. 2 punit de la même manière toute personne qui, du territoire suisse, aura tenté de troubler par la violence l'ordre politique d'un Etat étranger. Ces infractions ne sont poursuivies que sur décision du Conseil fédéral (art. 302, al. 1, CP).

­

Art. 300 CP (actes d'hostilités contre un belligérant ou des troupes étrangères): cette disposition punit d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de 20 ans au plus ou d'une peine pécuniaire toute personne suisse ou étrangère qui, du territoire neutre de la Suisse, aura entrepris ou favorisé des actes d'hostilité contre un belligérant. Cette disposition vise à protéger la neutralité helvétique. Elle s'applique, en temps de paix, aux civils qui ne sont pas assujettis au droit pénal militaire. Elle est le pendant de l'art. 92 du code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM)18. Pour que l'infraction soit réalisée, l'auteur doit entreprendre ou favoriser un acte d'hostilité contre un belligérant à partir du territoire neutre de la Suisse. Cette infraction n'est poursuivie que sur décision du Conseil fédéral (art. 302, al. 1, CP).

­

Art. 301 CP (espionnage militaire au préjudice d'un Etat étranger): cette disposition punit d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire toute personne suisse ou étrangère qui, sur le territoire suisse, aura recueilli les renseignements militaires pour un Etat étranger au préjudice d'un autre Etat étranger, aura organisé un tel service ou aura engagé autrui dans un tel service ou favorisé de tels agissements. Elle vise à protéger la neutralité helvétique. Elle est le pendant de l'art. 93 CPM. Cette RS 311.0 RS 321.0

1583

infraction n'est poursuivie que sur décision du Conseil fédéral (art. 302, al. 1, CP).

Lorsque le personnel d'une entreprise de sécurité commet une infraction à l'étranger, le CP lui est applicable dans les hypothèses suivantes: ­

Art. 6 CP: l'auteur commet à l'étranger un crime ou un délit que la Suisse s'est engagée à poursuivre en vertu d'un accord international si l'acte est aussi réprimé dans l'Etat où il a été commis ou que le lieu de commission de l'acte ne relève d'aucune juridiction pénale et si l'auteur se trouve en Suisse et qu'il n'est pas extradé.

­

Art. 7, al. 1, CP: le Suisse qui commet une infraction à l'étranger est en principe soumis au CP si l'infraction est également punissable au lieu où elle a été commise (principe de la double punissabilité). Si l'auteur est étranger, le droit suisse s'applique à condition que l'auteur de l'infraction se trouve en Suisse et qu'une extradition n'est pas possible, par exemple en raison d'un risque de tortures, ou si l'auteur a commis une infraction particulièrement grave qui est punie par le droit international.

Au niveau international, l'art. 1 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 199819 prévoit que la Cour pénale internationale est complémentaire des juridictions pénales nationales. Sa compétence est limitée aux crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale, à savoir le crime de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression (art. 5). L'art. 264m CP prévoit un for pénal en faveur des autorités de poursuite pénale suisses lorsque l'auteur a commis un génocide, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité à l'étranger, qu'il se trouve en Suisse et qu'il n'est pas extradé ni remis à un tribunal pénal international dont la compétence est reconnue par la Suisse.

En vertu de l'art. 102 CP, un crime ou un délit qui est commis au sein d'une entreprise dans l'exercice d'activités commerciales conformes à ses buts est imputé à l'entreprise s'il ne peut être imputé à aucune personne physique déterminée en raison du manque d'organisation de l'entreprise. Dans ce cas, l'entreprise est punie d'une amende de cinq millions de francs au plus. L'infraction doit avoir été commise dans l'exercice d'une activité commerciale, soit dans la conduite d'activités présentant un rapport, même indirect, avec la vente de biens ou la fourniture de services à des fins lucratives.

1.2.7

Droit pénal militaire

Certaines dispositions du CPM peuvent s'appliquer au personnel d'une entreprise de sécurité privée, pour autant que certaines conditions personnelles soient remplies (art. 4, 5 et 7). Le cas échéant, le CPM est applicable tant aux infractions commises en Suisse qu'à celles commises à l'étranger (art. 10, al. 1). Il s'applique également aux civils qui se rendent coupables de génocide, de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre s'ils se trouvent en Suisse, à moins qu'ils soient extradés ou remis à un Tribunal pénal international reconnu par la Suisse (art. 10, al. 1bis).

19

RS 0.312.1

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Le CPM réprime notamment les infractions suivantes: les actes d'hostilité contre un belligérant ou des troupes étrangères (art. 92), l'espionnage militaire au préjudice d'un Etat étranger (art. 93), le service militaire étranger (art. 94), le génocide (art. 108), les crimes contre l'humanité (art. 109) et les crimes de guerre (art. 110 à 114).

A l'instar de l'art. 102 CP, l'art. 59a CPM régit la responsabilité pénale de l'entreprise.

1.2.8

Législation fédérale en matière de responsabilité

Le droit suisse et en particulier le code des obligations (CO)20 régissent la responsabilité civile de l'entreprise de sécurité et de son personnel pour les dommages causés par un comportement illicite à l'étranger, pour autant que les conditions prévues par la loi fédérale du 18 novembre 1987 sur le droit international privé (LDIP)21 soient remplies.

Dans l'hypothèse où une entreprise de sécurité engagée par la Confédération commet un acte illicite, sa responsabilité est régie par la loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité22. L'art. 1, al. 1, let. f, prévoit en effet que cette loi s'applique également à toute autre personne chargée directement de tâches de droit public par la Confédération.

1.3

Situation légale en droit cantonal

Les réglementations cantonales sur les entreprises de sécurité sont très disparates et ne s'appliquent pas aux activités de sécurité exercées à l'étranger. Certains cantons alémaniques et le canton du Tessin ont adopté une législation sur les entreprises de sécurité qui soumet toute activité dans ce domaine à l'obligation d'obtenir une autorisation; d'autres cantons (par exemple le canton de Berne) ne prévoient aucune obligation d'obtenir une autorisation. Tous les cantons romands ont adhéré au concordat du 18 octobre 1996 sur les entreprises de sécurité (ci-après «concordat romand»). Ce concordat fixe les règles communes régissant l'activité des entreprises de sécurité et prévoit que toute activité doit faire l'objet d'une autorisation.

Pour donner suite aux souhaits des milieux concernés d'harmoniser cette situation, la Conférence cantonale des directrices et des directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) a élaboré un projet de concordat national. Suite aux résultats de la procédure de consultation et à la volonté exprimée par les cantons romands de maintenir leur concordat, la CCDJP a dû modifier son projet. Le 12 novembre 2010, elle a adopté le concordat sur les prestations de sécurité effectuées par des personnes privées en vue de sa ratification par les cantons. Elle a également émis une recommandation à l'intention de ceux-ci en les invitant à adhérer à l'un des deux concordats dans un délai de deux ans. Le concordat du 12 novembre 2010 régit la fourniture de prestations de sécurité privées par des personnes ou des entreprises privées. A l'instar du concordat romand, il prévoit un 20 21 22

RS 220 RS 291 RS 170.32

1585

système d'autorisation. Il ne règle pas non plus les activités exercées à l'étranger. Au 29 octobre 2012, six cantons23 ont adhéré à ce concordat tandis que huit cantons24 ont décidé de ne pas y adhérer, dont cinq cantons romands parties au concordat romand.

1.4

Dispositif proposé

Le présent projet de loi doit contribuer à préserver la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse, à mettre en oeuvre les objectifs de la politique étrangère de la Suisse, à préserver la neutralité suisse et à garantir le respect du droit international lorsque des prestations de sécurité privées sont fournies depuis la Suisse à l'étranger ou lorsque des activités en rapport avec de telles prestations sont exercées dans notre pays.

Le projet de loi s'applique aux personnes physiques, aux personnes morales et aux sociétés de personnes (entreprises) qui fourniront, depuis la Suisse, des prestations de sécurité privées à l'étranger ou qui fourniront, en Suisse, certaines prestations en rapport avec des prestations de sécurité privées exécutées à l'étranger. Il s'applique également aux sociétés établies en Suisse et qui détiennent des participations financières dans des entreprises opérant à l'étranger.

Le projet de loi interdit certaines activités en relation avec une participation directe à des hostilités à l'étranger. Il interdit également aux membres du personnel des entreprises de sécurité, qui ont leur domicile ou leur résidence habituelle en Suisse, de participer directement à des hostilités à l'étranger (interdiction du «mercenariat»). Il interdit en outre aux entreprises de fournir, en Suisse ou depuis la Suisse, des prestations dont il faut présumer que le destinataire les utilisera dans la commission de graves violations des droits de l'homme.

Toute entreprise qui envisage d'exercer une des activités régies par la loi, doit le déclarer à l'autorité. Celle-ci ouvre une procédure d'examen notamment si des indices laissent penser que l'activité pourrait être contraire aux buts de la loi et prononce le cas échéant une décision d'interdiction. Le Conseil fédéral pourra toutefois accorder une autorisation dans certains cas exceptionnels. Les entreprises pourront sans autre exercer à l'étranger les activités qui ne sont pas contraires aux buts de la loi. Pour garantir une mise en oeuvre efficace, le projet de loi prévoit des mesures de contrôle. Des sanctions seront prononcées en cas de violation de la loi.

La loi s'appliquera aux activités en cours d'exécution au moment de son entrée en vigueur.

Le projet de loi s'applique en outre aux autorités fédérales qui délèguent à une entreprise
de sécurité l'exécution de tâches de protection à l'étranger ou qui recourent aux services d'une telle entreprise. Il fixe les conditions d'engagement. L'autorité fédérale contractante devra notamment s'assurer que l'entreprise de sécurité remplit certaines exigences et que le personnel de sécurité a reçu une formation pour l'exécution de la tâche de protection. Le personnel n'est en principe pas armé, sauf pour réagir dans une situation de légitime défense ou d'état de nécessité. Il n'est pas non plus autorisé à faire usage de la contrainte, sous réserve d'une autorisation exceptionnelle du Conseil fédéral.

23 24

AI, AR, BS, SG, SO, UR FR, GE, JU, OW, SZ, VD, VS, ZG

1586

1.5

Appréciation de la solution retenue

1.5.1

Solutions examinées

Dans le cadre des travaux concernant l'élaboration du projet de loi, les solutions suivantes ont été examinées25:

25

­

Obligation de notifier a posteriori: cette solution consisterait à instaurer une obligation pour les entreprises de notifier a posteriori à l'autorité compétente les prestations de sécurité privées fournies dans des zones de crise ou de conflit. Cette solution présenterait l'avantage d'être très peu interventionniste mais ne permettrait pas de remplir efficacement les buts visés par la loi.

­

Obligation de s'enregistrer et/ou d'obtenir une autorisation préalable: il s'agirait d'instaurer une obligation pour les entreprises de sécurité de s'enregistrer et/ou de soumettre certaines de leurs activités à autorisation. A la différence de la notification a posteriori, cette solution permettrait d'atteindre les principaux buts visés par la loi. Un tel système aurait toutefois pour inconvénient qu'il impliquerait un processus bureaucratique important et des coûts élevés. L'autorité devrait procéder à des vérifications concernant notamment la réputation de l'entreprise de sécurité et celle de son personnel. Elle devrait en outre effectuer des contrôles complexes au lieu d'exécution du contrat pour déterminer si l'autorisation est respectée.

Enfin, l'octroi d'une autorisation pourrait être perçu à l'étranger comme un cautionnement des autorités suisses. De nouvelles entreprises de sécurité étrangères pourraient ainsi être intéressées à s'établir dans notre pays, alors que celui-ci présente déjà pour elles un certain attrait en raison de sa réputation, de sa neutralité et de sa stabilité. De plus, la perception que pourraient avoir les Etats étrangers que la Suisse cautionne certaines entreprises de sécurité pourrait s'avérer particulièrement problématique au cas où celles-ci commettraient des violations dans le cadre de leurs activités.

­

Interdiction de participer à des combats ou à la préparation des combats: il s'agirait de prévoir une interdiction absolue pour les entreprises de sécurité de participer à des opérations de combat ou aux actes préparatoires en vue de telles opérations. Une telle interdiction pourrait être instaurée de manière isolée ou en combinaison avec d'autres mesures, notamment avec l'obligation d'obtenir une autorisation et/ou de s'enregistrer. Cette solution aurait pour avantage de désigner clairement les activités à prohiber pour cause d'incompatibilité avec certains intérêts de la Suisse. L'un des inconvénients d'une interdiction pure et simple réside dans la difficulté qu'il y a à définir de manière abstraite les notions d'opération de combat et d'actes préparatoires.

Voir rapport de l'OFJ du 30 décembre 2010.

1587

1.5.2

Résultats de la procédure de consultation externe

Le 12 octobre 2011, le Conseil fédéral a décidé d'envoyer en consultation externe un avant-projet de loi sur les prestations de sécurité privées fournies à l'étranger. La consultation s'est achevée le 31 janvier 2012. Sur 57 autorités et organisations consultées, 44 ont exprimé un avis. En outre, 13 participants ont pris position de leur propre initiative26.

44 participants ont approuvé la volonté de légiférer sur la problématique des prestations de sécurité privées. 22 participants ont approuvé l'avant-projet de manière générale. Un parti politique, une association faîtière de l'économie, une association qui oeuvre dans le domaine de la sécurité et deux organisations se sont prononcés contre le projet de loi, au motif que le système proposé serait inapproprié et inefficace.

25 cantons ont approuvé expressément la volonté de légiférer. 17 cantons ont approuvé de manière générale l'avant-projet de loi. Cinq cantons sont d'accord avec l'avant-projet mais font part de leur préférence pour un système d'autorisation comme le prévoit le concordat romand. Sept cantons souhaitent que l'on souligne davantage le lien avec l'étranger des entreprises de sécurité concernées et des prestations de sécurité privées. Six cantons demandent que le droit cantonal soit expressément réservé. Un canton considère comme problématique la délégation de tâches de sécurité par la Confédération au secteur privé. Un autre canton estime que l'avantprojet de loi est un peu compliqué. Un canton approuve la volonté d'adopter une réglementation mais pose la question de savoir si une nouvelle loi est nécessaire.

Un certain nombre de participants souhaiteraient l'adoption d'une législation fédérale sur les prestations de sécurité privées fournies en Suisse et à l'étranger ainsi que l'introduction d'un système d'autorisation. Un participant demande que le projet de loi prévoie uniquement un régime d'interdictions. D'autres considèrent que le projet de loi va trop loin et que son champ d'application devrait se limiter aux prestations de sécurité privées fournies dans des zones de crise ou de conflit. Certains participants souhaitent en outre exclure du champ d'application de la loi les activités ordinaires fournies par les entreprises de sécurité et de protection contre les incendies, ainsi que les activités des sociétés ayant uniquement
une participation financière dans une entreprise de sécurité privée active à l'étranger.

Les interdictions de participer directement aux hostilités et d'exercer une activité liée à de graves violations des droits de l'homme sont saluées. Certains participants demandent toutefois que le projet de loi prévoie une définition exhaustive de la notion de «participation directe aux hostilités» et que le lien avec la Suisse soit précisé. La notion de «graves violations des droits de l'homme» devrait également être précisée. Pour un certain nombre de participants, les sanctions pénales en cas de violation des interdictions légales sont insuffisantes.

Certains participants estiment que le personnel de sécurité chargé d'exécuter une tâche de protection pour une autorité fédérale ne devrait pas être autorisé à faire usage de la contrainte, de mesures policières ou d'armes.

Certains participants demandent que le projet de loi détermine l'autorité fédérale qui sera chargée d'exécuter la loi.

26

La synthèse des résultats de la consultation externe est publiée à l'adresse suivante: www.dfjp.admin.ch > Thèmes > Sécurité > Législation > Entreprises de sécurité privées

1588

1.5.3

Principales modifications par rapport à l'avant-projet

A la suite de la procédure de consultation, le projet de loi a été modifié sur les points suivants: ­

Le champ d'application a été précisé à l'art. 2, notamment pour ce qui est des critères territoriaux et des critères de rattachement des entreprises (p. ex.

existence d'un lien entre les prestations fournies et l'étranger).

­

L'énumération des prestations de sécurité privées à l'art. 4, let. a, a été resserrée. Elle n'est pas exhaustive, mais a valeur de liste de référence par rapport à la nature des prestations couvertes par la loi. Des prestations comme la protection des données et de leur traitement et l'exploitation de centrales d'alarme, d'intervention et de sécurité en ont été écartées. La loi se concentre désormais davantage sur les prestations potentiellement problématiques pour les intérêts de la Suisse. C'était là son objectif initial.

­

La définition de la notion de «zone de crise ou de conflit» a été supprimée au motif que ce terme n'est employé qu'à l'art. 14 du projet de loi. Il suffit d'expliquer cette notion au commentaire de cette disposition.

­

La sous-traitance est à présent également réglementée, à l'art. 6. Lorsqu'une entreprise sous-traite une prestation de sécurité, elle doit s'assurer que le sous-traitant respecte les limites qu'elle doit elle-même respecter.

­

L'art. 7 instaure une obligation non seulement d'observer le Code de conduite international des entreprises de sécurité privées, mais aussi d'y adhérer. Y sont également soumises les entreprises établies à l'étranger qui travaillent pour la Confédération.

­

L'interdiction légale de participer directement à des hostilités à l'étranger a été remaniée et reformulée plus précisément à l'art. 8. Conformément à l'orientation générale de la loi, l'accent est mis désormais sur l'entreprise, et non plus sur l'individu. La loi interdit de recruter, de former et de mettre à disposition, directement ou indirectement, du personnel appelé à participer directement à des hostilités (al. 1, let. a et b), de même que de constituer, d'établir, d'exploiter, de diriger et de contrôler des entreprises qui pratiquent ces activités (al. 1, let. c et d). A l'al. 2, ce n'est plus la nationalité suisse de l'individu qui est déterminante, mais le fait qu'il ait son domicile ou sa résidence habituelle en Suisse. Cette définition permet d'éviter certains problèmes de délimitation. Par ailleurs, à la différence de l'avant-projet, l'interdiction ne concerne que les personnes qui sont au service d'une entreprise qui fournit des prestations de sécurité. La punissabilité des individus est donc déterminée par un double critère de rattachement à la Suisse (domicile ou résidence habituelle en Suisse et exercice d'une activité en faveur d'une entreprise établie en Suisse ou gérée ou contrôlée à partir de la Suisse). Ces définitions reposent sur l'idée que la loi doit couvrir uniquement les activités qui présentent un lien suffisamment fort avec la Suisse pour être susceptibles de porter sérieusement atteinte à ses intérêts.

1589

­

Par rapport à l'avant-projet, l'art. 9 précise le critère de rattachement entre l'activité et la violation grave des droits de l'homme: sont interdites les prestations de sécurité dont il faut présumer que les destinataires les utiliseront dans le cadre de la commission de graves violations des droits de l'homme.

­

L'art. 10 précise à son al. 2 que les sociétés holdings, à savoir les entreprises qui n'exercent pas d'activités en Suisse mais qui contrôlent une entreprise de sécurité depuis la Suisse sont tenues de déclarer, outre les activités qu'elles mènent en Suisse, celles de l'entreprise dans lesquelles elles ont des participations. Les entreprises assujetties doivent également annoncer sans délai à l'autorité si les circonstances se sont notablement modifiées depuis la première déclaration (al. 3).

­

L'art. 14 (interdiction par l'autorité compétente), al. 1, a été précisé de telle sorte que l'autorité est tenue de prononcer une interdiction lorsqu'une activité contrevient aux buts de l'art. 1. La marge d'appréciation de l'autorité se limite donc à déterminer s'il y a ou non contradiction avec ces buts. L'article énumère aux let. a à f des situations qui ne doivent pas forcément entraîner une interdiction ex lege, mais qui sont très délicates du point de vue des intérêts de la Suisse, de sorte que l'autorité fédérale compétente doit les examiner avec soin. Cette liste n'est pas exhaustive. L'al. 2 cite aux let. a à c trois cas dans lesquels l'autorité prononcera d'office une interdiction, sans avoir à s'appuyer sur les buts de la loi. L'al. 3 dispose l'interdiction de sous-traiter une activité à une entreprise qui ne se conformerait pas aux limites fixées.

­

A l'art. 15, on a précisé que le Conseil fédéral peut exceptionnellement autoriser, au nom de l'intérêt supérieur de l'Etat, une activité interdite en vertu de l'art. 14.

­

L'art. 17 confère au Conseil fédéral la compétence de régler la perception d'émoluments pour un certain nombre d'actes, conformément au principe de la couverture des coûts.

­

Au vu des modifications apportées aux interdictions légales prévues aux art. 8 (participation directe aux hostilités) et 9 (grave violation des droits de l'homme), la teneur de l'art. 21 qui prévoit une sanction pénale en cas de violation de ces interdictions, a été modifiée en conséquence. En revanche, la peine comminatoire reste identique à celle prévue par l'avant-projet.

­

Une nouvelle disposition pénale a été introduite à l'art. 25, al. 2, qui permet, en cas de contraventions à la loi et à certaines conditions, de condamner une entreprise au paiement d'une amende jusqu'à 20 000 francs.

­

Le projet de loi contient une nouvelle disposition à l'art. 27 qui prévoit que les autorités chargées d'exécuter la future loi seront tenues de dénoncer au Ministère public de la Confédération les infractions dont elles ont eu connaissance dans l'exercice de leurs fonctions.

­

L'art. 30 limite les prestations de sécurité privées qui peuvent être confiées par une autorité fédérale à une entreprise de sécurité aux tâches suivantes: la protection de personnes, la garde et la surveillance de biens et d'immeubles.

Le projet de loi ne prévoit plus la protection de valeurs matérielles et immatérielles et de leur transfert ainsi que la protection des données et de leur traitement à l'instar de l'art. 4, let. a.

1590

­

Comme l'avant-projet, le projet de loi prévoit que lorsqu'une autorité fédérale engagera une entreprise de sécurité pour l'exécution d'une tâche de protection, elle devra notamment s'assurer que l'entreprise de sécurité a conclu une assurance responsabilité civile. Par contre, l'art. 31, al. 2, du projet de loi prévoit des conditions plus restrictives pour délier l'autorité de cette obligation. Celle-ci pourra exceptionnellement engager une entreprise qui n'a pas conclu d'assurance responsabilité civile si d'une part la conclusion d'une telle assurance implique des coûts disproportionnés pour l'entreprise et si d'autre part le risque pour la Confédération d'engager sa responsabilité et le montant d'éventuels dommages-intérêts à verser sont considérés comme faibles.

­

Par rapport à l'avant-projet, l'art. 32 du projet de loi précise que la formation du personnel d'une entreprise de sécurité engagée par la Confédération devra également porter sur l'usage de la force physique et d'armes dans une situation de légitime défense ou d'état de nécessité.

­

Le projet de loi prévoit une nouvelle disposition à l'art. 33 selon laquelle le personnel d'une entreprise de sécurité engagée par la Confédération devra être identifiable dans l'exercice de sa fonction.

­

Par rapport à l'avant-projet, le projet de loi réglemente de manière plus restrictive le port d'armes par le personnel d'une entreprise de sécurité engagée par la Confédération. L'art. 34 du projet de loi prévoit en effet que le personnel ne sera en principe pas armé, à moins que la situation à l'étranger exige le port d'une arme pour réagir dans une situation de légitime défense ou d'état de nécessité.

­

Alors que l'avant-projet prescrit que le personnel d'une entreprise de sécurité engagée par la Confédération est autorisé à faire usage de la contrainte et de mesures policières à certaines conditions, le projet de loi prévoit à l'art. 35 qu'il relèvera de la compétence du Conseil fédéral d'autoriser exceptionnellement l'usage de telles mesures lorsque la tâche de protection ne pourra pas être exécutée autrement.

­

Le projet de loi prévoit une nouvelle disposition à l'art. 36 selon laquelle les entreprises de sécurité auront l'interdiction de sous-traiter la tâche de protection qui leur a été confiée par une autorité fédérale, sans l'accord préalable de celle-ci.

­

Le projet de loi précise que l'autorité compétente garantira l'information du Conseil fédéral et du public en établissant un rapport annuel sur son activité (art. 37).

1.6

Adéquation des moyens requis

Le projet de loi correspond à la volonté politique exprimée par le parlement d'adopter une législation fédérale sur les entreprises de sécurité privées qui exercent, en Suisse ou depuis la Suisse, des activités de sécurité privée à l'étranger.

Conformément à ses décisions des 16 février 2012 et 29 août 2012, le Conseil fédéral a opté pour un régime d'interdictions assorti d'une procédure de déclaration préalable. Cette réglementation permet de contrôler de manière aussi complète que 1591

possible et sans bureaucratie inutile les activités donnant matière à problèmes, d'examiner rapidement la situation et d'imposer avec l'efficacité voulue les interdictions et autres restrictions découlant de cet examen. Ce système permet à la Confédération de contrôler le marché des prestations de sécurité fournies depuis la Suisse à l'étranger en prononçant le cas échéant certaines interdictions, mais sans pour autant cautionner la fourniture de prestations de sécurité privées qui ne sont pas problématiques. Le droit fédéral connaît déjà aujourd'hui un système de procédure de déclaration qui peut aboutir à une interdiction de l'autorité dans le domaine du contrôle des biens (voir ch. 1.2.2).

Grâce à ce système de contrôle qui se concentre sur les activités problématiques, les moyens requis pour mettre en oeuvre le projet de loi seront limités (voir ch. 3.1). Un système d'autorisation et/ou d'enregistrement serait considérablement plus cher, vu qu'il nécessiterait des ressources administratives et en personnel beaucoup plus importantes.

1.7

Comparaison avec le droit étranger

1.7.1

Allemagne

L'Allemagne n'a pas adopté de dispositions réglementant spécifiquement l'activité des entreprises militaires et de sécurité privées et ne semble pas vouloir le faire pour l'heure. Le gouvernement fédéral juge qu'une telle réglementation risquerait de créer un appel d'air et de favoriser l'activité de telles entreprises, chose qu'il veut éviter, compte tenu des résistances de la société allemande. L'Allemagne n'offre pas pour autant un no man's land juridique aux entreprises militaires et de sécurité privées. Ces dernières doivent respecter les normes pénales nationales et internationales, le droit sur les armes et la législation en matière de commerce extérieur. Les sanctions prises par les Nations Unies ou l'Union européenne à l'encontre d'Etats étrangers doivent être observées. Enfin, le code du commerce allemand oblige toute entreprise qui fournit des services de protection de personnes ou de biens à obtenir une autorisation à cet effet. Cette obligation vaut également pour les activités à l'étranger des entreprises allemandes. L'Etat allemand engage des entreprises de sécurité privées à l'étranger uniquement pour des missions de surveillance et de logistique, la constitution lui interdisant d'intervenir militairement ailleurs que sur son sol.

1.7.2

Autriche

Le droit autrichien ne comporte pas non plus de norme spécifique régissant les activités des entreprises militaires et de sécurité privées, ni pour celles menées à l'étranger, ni pour celles réalisées sur mandat de l'Etat autrichien. Bien que le gouvernement de coalition ait inscrit ce thème au programme de la 24e législature, il ne l'a pas encore abordé pour l'heure. Comme en Allemagne, les entreprises de sécurité privées sont soumises à des normes de droit général. Outre la loi sur les armes, citons le code du commerce, qui prévoit l'obligation d'avoir une autorisation pour se livrer à des activités de surveillance. Deux dispositions du code pénal autrichien sont particulièrement importantes: l'une punit le recrutement illégal de personnes armées ou qui sont destinées à l'être, leur formation et le commandement des troupes ainsi 1592

levées. L'autre punit diverses prestations de soutien militaire fournies ou organisées depuis l'Autriche pour le compte des parties à un conflit armé ou à une guerre en cours ou qui menacent d'éclater.

1.7.3

France

La loi no 83-629 du 12 juillet 1983 régit uniquement les activités exercées par des entreprises de sécurité privées sur le territoire national français. La législation française n'a pas d'effets extraterritoriaux de sorte que les activités des entreprises de sécurité françaises à l'étranger ne tombent pas sous le coup de la législation nationale.

Le législateur n'a pas adopté, à ce jour, de législation sur les sociétés holdings détenant des participations financières dans des entreprises de sécurité privées actives à l'étranger.

Le doit pénal français réprime la participation à une activité de mercenaire par une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Il réprime en outre «le fait de diriger ou d'organiser un groupement ayant pour objet le recrutement, l'emploi, la rémunération, l'équipement ou l'instruction militaire d'une personne» par une peine de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende.

Le gouvernement français a à plusieurs reprises examiné la question de savoir si cette disposition s'applique également aux entreprises militaires privées actives à l'étranger, sans toutefois trancher sur la légalité de telles sociétés. En ce qui concerne les personnes morales, le droit pénal français prévoit notamment les peines suivantes: la dissolution, l'interdiction d'exercer une activité à titre définitif ou pour une certaine durée, la fermeture définitive ou pour une certaine durée de l'établissement de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés, la peine de confiscation.

En vertu du droit français, le personnel d'une entreprise militaire privée peut être poursuivi devant les juridictions françaises pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et crimes de génocide. La peine prévue est la réclusion criminelle comprise entre 15 ans et la perpétuité.

En France, la force armée est un monopole de l'Etat et ne peut être déléguée au secteur privé.

Depuis 1990, des «sociétés militaires de sécurité privée» se sont développées en France et sont spécialisées notamment dans les domaines suivants: activités de prévention de crise, activités d'assistance pendant une crise et activités de sortie de crise.

1.7.4

Grande-Bretagne

La Grande-Bretagne ne connaît aucune législation dans le domaine des entreprises de sécurité privées, même si elle participe activement à l'identification des normes internationales pertinentes et au développement de règles internationales visant à encadrer leur activité. Elle ne dispose même pas d'un inventaire des mandats confiés par son gouvernement à des entreprises actives dans le domaine de la sécurité. Le gouvernement s'est contenté d'évoquer une régulation de ce secteur dans un docu1593

ment de 2002 («green paper»), sans développer cette idée plus avant. Il existe bien un organe de contrôle étatique (la «Security Industry Authority», qui se base sur le «Private Security Industry Act» de 2001), mais ses compétences se limitent aux activités de sécurité privées menées sur sol britannique. Les activités de sécurité privées à l'étranger échappent par ailleurs au champ d'application des lois sur l'exportation des armes et armements. La Grande-Bretagne mise avant tout sur l'autorégulation de l'industrie et soutient les mesures prises à cet égard au niveau international27. La British Association of Private Security Companies (BAPSC), l'association qui chapeaute ce domaine, encourage le développement de normes de qualité. Le gouvernement n'engage que des entreprises de sécurité qui respectent des normes internationales reconnues.

1.7.5

Italie

L'Italie n'a adopté aucune législation régissant les entreprises de sécurité qui opèrent à l'étranger, sous réserve des dispositions pénales qui répriment le mercenariat.

Le droit italien règle par contre l'engagement de gardes privés par des entités publiques ou par des privés pour la surveillance et la garde de biens mobiliers ou immobiliers sur le territoire italien. La protection de l'intégrité physique des personnes et le maintien de l'ordre public relèvent en principe des tâches de l'autorité compétente en matière de sécurité publique et des forces de police, sous réserve de certaines exceptions. Pour lutter contre les actes de piraterie, le droit italien autorise en outre le recours à des entreprises de sécurité privées sur des bateaux commerciaux battant pavillon italien et naviguant dans les eaux internationales. Il prévoit un système d'enregistrement et d'autorisation pour exercer une activité de sécurité privée sur territoire italien. Le port d'une arme est soumis à autorisation.

Le droit italien ne prévoit pas de dispositions concernant les sociétés détenant des participations financières dans des entreprises de sécurité. Il fixe uniquement les conditions de licence pour fonder et diriger une entreprise de sécurité.

L'Italie a ratifié les Conventions de Genève du 12 août 1949, les protocoles additionnels y relatifs, ainsi que la Convention des Nations-Unies du 4 décembre 1989 contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction des mercenaires.

Conformément aux exigences de la Convention des Nations-Unies, le droit italien réprime l'activité de mercenariat par une peine de réclusion de deux à sept ans ainsi que la participation à une action portant atteinte à l'ordre constitutionnel d'un Etat étranger ou violant son territoire par une peine de réclusion de trois à huit ans, à condition toutefois que les faits ne constituent pas une infraction plus grave selon le code pénal italien. Le droit italien punit également par une peine de quatre à quatorze ans quiconque recrute, forme ou finance des personnes pour commettre une des infractions précitées. Ces dispositions pénales s'appliquent aux citoyens italiens qui commettent ces infractions à l'étranger, sauf s'ils peuvent être extradés. Ces normes s'appliquent également aux étrangers qui se trouvent sur le territoire italien et qui ne peuvent pas être extradés. Ces infractions ne sont pas punissables si le Gouverne-

27

La Grande-Bretagne participe avec la Suisse, les Etats-Unis, l'Australie, des ONG et des représentants de la branche à l'élaboration d'un mécanisme de contrôle visant à garantir que les entreprises de sécurité privées respectent le code de conduite international.

1594

ment italien a donné son accord conformément aux obligations découlant des traités internationaux.

Le code pénal italien réprime les actes hostiles contre un Etat étranger qui exposent l'Italie à un danger de guerre. Il punit en outre toute personne qui, sur le territoire italien, enrôle ou arme des citoyens en faveur d'un Etat étranger sans l'accord du Gouvernement italien, par une peine de réclusion de quatre à quinze ans. Un tribunal italien a considéré qu'une entreprise qui employait des agents de sécurité et qui tentait de développer des activités dans des zones d'instabilité politique (en l'espèce en Irak une fois la guerre terminée) et qui offrait des services d'escorte personnelle à des fonctionnaires et à des hommes d'affaires, ne pouvait pas être considérée comme une entreprise spécialisée dans le recrutement de mercenaires au sens du code pénal italien.

L'Etat italien engage des entreprises de sécurité privées étrangères pour exécuter des missions militaires à l'étranger en dehors d'un conflit armé et en particulier pour garantir la sécurité des agents italiens dans le cadre de programmes de maintien de la paix. Ces entreprises de sécurité agissent conformément aux directives de l'autorité italienne compétente et conformément au droit applicable au lieu d'exécution de la mission.

1.7.6

Luxembourg

La loi du 12 novembre 2002 relative aux activités privées de gardiennage et de surveillance régit notamment la surveillance de biens mobiliers et immobiliers, la gestion de centres d'alarmes, le transport de fonds ou de valeurs et la protection des personnes. L'art. 1 prévoit que nul ne peut exercer au Grand-Duché de Luxembourg une activité de gardiennage ou de surveillance pour le compte de tiers sans l'autorisation écrite du ministre de la justice. Le droit luxembourgeois ne règle pas en revanche la problématique des prestations de sécurité privées fournies à l'étranger. La loi de 2002 ne s'applique donc pas aux entreprises de sécurité privées actives à l'étranger.

La loi luxembourgeoise concernant les sociétés holdings n'inclut pas les activités de surveillance et de gardiennage dans les activités interdites aux holdings. Ces dernières ont en outre la possibilité de détenir des parts dans d'autres sociétés de capitaux, qu'elles soient luxembourgeoises ou étrangères.

Le Luxembourg ne dispose pas de législation applicable au mercenariat.

Il n'existe aucune législation régissant l'emploi de forces de sécurité privées par l'Etat luxembourgeois.

1.7.7

Suède

La loi suédoise de 1974 sur les entreprises de sécurité régit la fourniture de prestations de sécurité privées, telles que la protection de biens, de personnes ou de valeurs. La question de savoir si cette loi s'applique également aux prestations de sécurité fournies à l'étranger reste ouverte. Il n'est toutefois pas exclu que cette loi puisse avoir une certaine portée extraterritoriale. La loi prévoit que les entreprises doivent obtenir une autorisation de l'autorité compétente du lieu où elles ont leur 1595

siège. Les autorisations ne sont pas délivrées de manière générale, mais pour des activités spécifiques. Les entreprises qui bénéficient d'une autorisation sont tenues de rendre compte chaque année de leurs activités aux autorités compétentes. La violation d'une condition fixée dans une autorisation est passible d'une amende ou d'une peine n'excédant pas six mois d'emprisonnement.

Le droit suédois ne régit pas expressément la fourniture de services de sécurité dans des zones de crise ou de conflit. Toutefois, d'autres législations peuvent s'appliquer, par exemple la législation sur l'exportation d'armes et le droit pénal. Le nombre d'entreprises de sécurité privées établies en Suède et actives dans des zones de crise ou de conflit est très restreint.

Le droit suédois ne prévoit pas de dispositions applicables aux sociétés détenant des participations financières dans des entreprises de sécurité actives dans des zones de crise ou de conflit.

La loi sur l'équipement militaire prévoit que l'entraînement de ressortissants étrangers à des fins militaires sur le territoire suédois nécessite un permis. Les autorités suédoises, les personnes et les sociétés établies en Suède doivent également obtenir un permis si elles proposent un tel entraînement à l'étranger. En revanche, l'entraînement militaire de citoyens suédois en Suède et dans un contexte non gouvernemental peut être considéré comme une activité militaire illégale selon le droit pénal.

Le droit suédois n'interdit pas expressément l'activité de mercenariat. Toutefois, certaines dispositions pénales peuvent s'appliquer. Le code pénal suédois réprime en effet par une amende ou une peine n'excédant pas deux ans d'emprisonnement l'entraînement militaire organisé en dehors des forces armées suédoises à des fins de combat ou pour d'autres buts analogues. De plus, il est interdit de recruter ou d'inciter des personnes à s'engager dans un service militaire étranger sans l'autorisation du gouvernement. En cas de violation, la peine prévue en temps de paix est l'amende ou une peine d'emprisonnement de six mois au plus.

La loi suédoise ne règle pas spécifiquement l'engagement d'une entreprise de sécurité par l'Etat pour l'exécution d'une tâche de protection à l'étranger. Dans une affaire de 2010, le Ministère des affaires étrangères de l'époque a déclaré
qu'il a engagé une entreprise de sécurité pour renforcer la protection du personnel de l'Ambassade de Suède à Kaboul. Le personnel de l'entreprise de sécurité travaillait aux mêmes conditions que les diplomates. Celui-ci faisait l'objet d'une sélection et était tenu, conformément au code de conduite de l'entreprise de sécurité, de respecter le droit suédois, le droit afghan et le droit international. L'usage de la force n'était autorisé qu'en cas de légitime défense.

1.7.8

Afrique du Sud

Deux lois régissent le domaine des entreprises de sécurité en Afrique du Sud. La plus ancienne, qui date de 1998, est toujours d'actualité. Elle interdit la fourniture de prestations militaires à l'étranger dans les régions frappées par un conflit armé. La définition du terme «armed conflict» n'est pas identique à celle utilisée par les conventions de Genève, mais elle s'en rapproche. Sont également considérés comme des prestations militaires les mandats classiques de protection et de surveillance des personnes participant à un conflit, mais pas les prestations humanitaires. Les personnes et les entreprises qui souhaitent fournir, dans les zones de conflits armés, des 1596

prestations militaires visées par la loi, doivent obtenir une autorisation du ministre de la défense, qui prend sa décision en s'appuyant sur les recommandations d'un comité (National Conventional Arms Control Committee). Aucune autorisation n'est délivrée lorsqu'une activité viole le droit international ou contrevient aux intérêts de l'Afrique du Sud, lorsqu'elle viole des droits de l'homme dans le pays visé, qu'elle y menace la paix ou qu'elle modifie les rapports de forces régionaux. La loi de 1998 interdit en outre le mercenariat, soit la participation à un conflit armé à des fins de lucre, de même que le recrutement, la formation et le financement de telles activités en Afrique du Sud. On peut toutefois s'étonner que ce pays n'ait pas encore adhéré ni à la convention de 1989 des Nations Unies contre le mercenariat, ni à la convention de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) sur l'élimination du mercenariat en Afrique.

En 2007, le président Mbeki a signé un nouveau projet de loi élaboré l'année précédente. En raison de l'absence de dispositions d'exécution, il n'a cependant pas pu la mettre en vigueur. Le projet de loi de 2006 devait combler plusieurs lacunes du texte de 1998. Ainsi, la portée du terme de conflit armé est élargie. Il revient dès lors au National Conventional Arms Control Committee de communiquer au président le nom des pays dans lesquels un conflit a éclaté ou est imminent. Le président peut ensuite placer les pays en question («regulated countries») sous le coup de la loi. La nouvelle loi prévoit d'étendre ce processus aux prestations de sécurité ayant une visée humanitaire. Par ailleurs, les prestations de sécurité qui doivent être fournies dans un pays où se déroule un conflit armé ou que le président a classé parmi les «regulated countries» doivent obtenir l'aval du comité.

1.7.9

Etats-Unis

Aux Etats-Unis, la situation juridique des prestations des entreprises de sécurité privées est complexe. Cette complexité tient au fait que l'ordre juridique américain n'est pas comparable aux ordres juridiques européens. Les Etats-Unis ne disposent pas de normes légales élaborées spécifiquement pour un domaine. C'est plutôt la jurisprudence qui fixe les règles de droit. Celles qui régissent le domaine des entreprises de sécurité privées manquent de cohérence et visent principalement à répondre aux intérêts des Etats-Unis. Les normes régissant l'activité des entreprises de sécurité à l'étranger sont nombreuses; on en trouve à tous les niveaux avec, au sommet de la hiérarchie, les lois votées par le Congrès et les ordonnances d'application et directives du Ministère de la défense. Les contrats conclus avec les fournisseurs privés, revêtent également une très grande importance, étant donné qu'ils définissent dans les moindres détails les conditions et les limites à respecter lors des engagements, en particulier en ce qui concerne la formation, l'utilisation des armes et la répartition des responsabilités.

Parmi les textes de loi importants, on trouve le «Arms Export Control Act (AECA)» et ses dispositions d'exécution (International Traffic in Arms Regulations 2011).

Cette loi assimile les prestations de type militaire fournies à l'étranger, comme les services de conseil ou l'entraînement du personnel, à des exportations d'armes soumises à une autorisation. Les tâches de pure surveillance échappent toutefois à son champ d'application. Les entreprises qui veulent fournir ou exporter de telles prestations doivent se faire enregistrer par le gouvernement américain et obtenir

1597

pour chaque contrat une autorisation («license») du Ministère des affaires étrangères. Le non-respect de ces règles est punissable.

Le 12 septembre 2011, le Ministère de la défense a mis en vigueur une disposition fixant dans le détail les conditions à satisfaire pour pouvoir fournir des prestations de sécurité privées dans des situations de conflit armé à l'étranger. Ces conditions portent notamment sur le choix des fournisseurs, sur leur formation, leur équipement, leur comportement et leur responsabilité. L'usage de la force est également réglementé. Il est autorisé en tant que moyen de défense contre des actes hostiles ou des intentions manifestement hostiles («acting in a defensive manner in response to hostile acts or demonstrated hostile intent»). L'usage licite de la force va donc au-delà de la seule légitime défense et de l'état de nécessité. La «Defense Federal Aquisition Regulation» élaborée par plusieurs secteurs de l'administration et publiée le 15 juin 2012 autorise les privés à recourir à la violence létale en cas de légitime défense ou si celle-ci apparaît raisonnablement nécessaire pour pouvoir remplir la mission de protection de personnes et de biens («are only authorized to use deadly force in self-defense or when the use of such force reasonably appears necessary to execute their security mission to protect assets and/or persons»). Même à l'étranger, les entreprises de sécurité privées doivent respecter le droit américain, le droit du pays hôte et les conventions et accords internationaux.

Les employés d'entreprises de sécurité privées présentes dans des régions où opèrent les forces armées américaines, voire qui agissent directement au service de ces dernières, ne sont pas directement soumis au commandement militaire. S'ils travaillent pour le compte des forces armées, ils le font en tant que civils et sont placés sous la supervision d'un contrôleur (Army Procurement Contracting Officer).

L'«Alien Tort Statute» (ATS) permet aux étrangers qui ont subi des préjudices du fait de l'action d'une entreprise de sécurité ou, le cas échéant, à leurs proches de déposer plainte contre elle aux Etats-Unis. La plainte n'est cependant recevable que s'ils peuvent faire valoir une violation d'un traité international ou du droit international coutumier. D'autres bases légales permettent de
fonder une plainte civile, mais le plaignant doit surmonter de nombreux obstacles pour la faire aboutir. Enfin, le «War Crimes Act» de 1996 punit les atteintes graves aux conventions de Genève, comme les crimes de guerre, de sanctions qui vont de l'amende à la peine de mort pour les cas les plus graves.

1.8

Droit international public

1.8.1

Règles de droit international public concernant le mercenariat

La Suisse est partie à la Convention du 18 octobre 1907 concernant les droits et les devoirs des puissances neutres en cas de guerre sur terre28. Les art. 4 et 5 de la Convention de la Haye prévoient que les puissances neutres ne doivent pas tolérer que des corps de combattants soient formés ou que des bureaux d'enrôlements soient ouverts sur leur territoire au profit de belligérants. Le droit international interdit donc à la Suisse, en tant qu'Etat neutre, de tolérer que des combattants appelés à participer directement à un conflit armé international soient recrutés sur son terri28

RS 0.515.21

1598

toire ou par des entreprises suisses. Selon l'art. 6, la responsabilité d'une puissance neutre n'est toutefois pas engagée par le fait que des individus passent isolément la frontière pour se mettre au service de l'un des belligérants. Une puissance neutre n'est pas non plus tenue d'empêcher l'exportation ou le transit, pour le compte de l'un ou de l'autre belligérant, d'armes, de munitions, et, en général, de tout ce qui peut être utile à une armée ou à une flotte (art. 7). Lorsqu'un Etat neutre restreint le commerce de tels biens, il doit appliquer ces restrictions de manière uniforme aux deux belligérants (art. 9). Selon l'art. 18 de cette même convention, les services rendus en matière de police ou d'administration civile ne sont pas considérés comme actes commis en faveur d'un belligérant.

L'art. 47 du Protocole additionnel du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (protocole I)29 n'interdit pas le mercenariat mais prévoit qu'il est possible de refuser aux mercenaires le statut privilégié de combattants ou de prisonniers de guerre. La notion de «mercenaire» est définie à l'art. 47, par. 2, qui fixe six conditions cumulatives30. Cette disposition perd toutefois de l'importance en pratique car elle est trop restrictive. En règle générale, il n'est pas possible de prouver que les six conditions sont réalisées dans un cas d'espèce, de sorte que les employés d'une entreprise qui fournit des prestations de sécurité privées à l'étranger, ne sont guère concernés.

La Convention des Nations-Unies du 4 décembre 1989 contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction des mercenaires définit ceux-ci de manière très similaire à l'art. 47 du protocole I et rencontre par conséquent les mêmes difficultés d'application. Cette convention a été ratifiée par un nombre restreint d'Etats car son efficacité est contestée. A ce jour, la Suisse ne l'a pas ratifiée. Le 16 mars 2011, la Conseillère nationale Fässler-Osterwalder a déposé la motion 11.3128 «Adhésion de la Suisse à la Convention de l'ONU contre le mercenariat». Elle demande au Conseil fédéral d'entreprendre les démarches nécessaires en vue de l'adhésion de la Suisse à ladite convention. Dans sa réponse du 11 mai 2011, le Conseil fédéral propose de
rejeter la motion au motif que la définition de la notion de «mercenaire» est trop restrictive pour s'appliquer en pratique. Il rappelle que seuls 32 Etats ont ratifié cette convention et qu'elle n'est donc pas universellement acceptée par la communauté internationale. Son caractère controversé est également illustré par le fait qu'elle n'est entrée en vigueur que douze ans après son adoption.

29 30

RS 0.518.521 Cette disposition prévoit ce qui suit: Le terme «mercenaire» s'entend de toute personne: a) qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l'étranger pour combattre dans un conflit armé; b) qui en fait prend une part directe aux hostilités; c) qui prend part aux hostilités essentiellement en vue d'obtenir un avantage personnel et à laquelle est effectivement promise, par une Partie au conflit ou en son nom, une rémunération matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou payée à des combattants ayant un rang et une fonction analogues dans les forces armées de cette Partie; d) qui n'est ni ressortissant d'une Partie au conflit, ni résident du territoire contrôlé par une Partie au conflit; e) qui n'est pas membre des forces armées d'une Partie au conflit; et f) qui n'a pas été envoyée par un Etat autre qu'une Partie au conflit en mission officielle en tant que membre des forces armées dudit Etat.

1599

1.8.2

Applicabilité du droit international humanitaire et des droits de l'homme aux entreprises de sécurité

L'art. 1 commun aux quatre Conventions de Genève de 194931 prévoit que les Etats parties sont tenus de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire.

Comme le rappelle le Conseil fédéral dans son rapport du 2 décembre 2005 sur les entreprises de sécurité et les entreprises militaires privées32, les Etats ne peuvent pas se soustraire à leurs obligations afférentes au droit international humanitaire en transférant certaines tâches à des entreprises de sécurité. Bien plus, ils sont tenus de veiller à ce que les entreprises de sécurité respectent le droit international humanitaire lorsqu'ils les engagent dans une situation de conflit, ou si elles ont leur siège sur leur territoire, ou encore si elles opèrent sur leur territoire. Le Document de Montreux (voir ci-après ch. 1.9.1) souligne également l'importance de l'art. 1 commun aux conventions précitées. Il rappelle aux Etats non seulement de ne pas commettre de violations du droit international humanitaire mais aussi de prendre toutes les mesures nécessaires qui sont en leur pouvoir pour que les entreprises de sécurité, en tant qu'entités indépendantes des Etats, respectent le droit international.

Les entreprises de sécurité en tant que telles ne sont pas tenues par l'obligation de respecter le droit international humanitaire puisqu'il ne lie que les Etats parties à un conflit armé et les individus, et non les personnes morales33. L'individu doit, quant à lui, respecter le droit international humanitaire lorsqu'il exerce une activité liée à un conflit armé. Les membres du personnel d'une entreprise de sécurité ne font pas exception. Comme il ressort du rapport du Conseil fédéral susmentionné34, tous les individus qui participent directement à des conflits armés, qu'ils soient les membres des forces armées ou les employés d'une entreprise de sécurité, sont tenus, indépendamment de leur nationalité, de respecter le droit international humanitaire. S'ils commettent des violations graves du droit international humanitaire (par exemple des attaques contre des civils ou des mauvais traitements infligés à des détenus), celles-ci sont considérées comme des crimes de guerre et doivent donner lieu à des poursuites pénales.

Quant aux droits de l'homme, ils n'obligent traditionnellement que les Etats envers leurs citoyens ou les autres
personnes. A l'instar de ce qui prévaut pour le droit international humanitaire, les Etats ne sauraient se défaire de leurs obligations en matière de droits de l'homme en confiant certaines tâches au secteur privé. Il leur incombe par conséquent de veiller à ce que les acteurs qui opèrent pour eux respectent les droits de l'homme35.

Par contre, la question de savoir si les droits de l'homme s'appliquent aux relations entre les employés d'une entreprise de sécurité et d'autres personnes privées, c'està-dire lorsque les entreprises de sécurité sont mandatées par une personne privée et non par un Etat, est controversée36.

Le personnel d'une entreprise de sécurité peut engager sa responsabilité en application directe du droit pénal international, lorsqu'il commet de graves violations de certains droits de l'homme. Ce point est confirmé par le Statut de Rome de la Cour 31 32 33 34 35 36

RS 0.518.12, 0.518.23, 0.518.42 et 0.518.51 FF 2006 631, ch. 5.3.3 FF 2006 631, ch. 5.3.1 FF 2006 631, ch. 5.3.2 FF 2006 631, ch. 5.4.1 FF 2006 631, ch. 5.4.2

1600

pénale internationale du 17 juillet 199837. Selon l'art. 7 de cette convention, les privés sont également passibles de poursuites pénales pour crimes contre l'humanité.

Le droit international humanitaire et le droit international relatif aux droits de l'homme protègent également les employés d'une entreprise de sécurité. La protection à laquelle ils ont droit varie en fonction du type d'activités auxquelles ils prennent part. La plupart d'entre eux ne sont pas engagés pour combattre, mais plutôt pour assumer des fonctions d'appui (maintenance de l'équipement, services logistiques, surveillance de missions diplomatiques ou d'autres sites civils, services de restauration etc.). Ils sont alors considérés comme des civils et sont protégés contre toute attaque par le droit international humanitaire. Ils perdent par contre cette protection s'ils participent directement aux hostilités et pendant la durée de cette participation. Dans des cas plus rares, les employés des entreprises de sécurité sont incorporés aux forces armées d'un Etat ou sont membres de groupes ou d'unités placés sous un commandement relevant d'une partie à un conflit armé. En tant que tels, ils ne jouissent pas de la protection accordée aux civils38.

1.9

Développements sur le plan international

1.9.1

Document de Montreux

Le Document de Montreux du 17 septembre 2008 sur les obligations juridiques pertinentes et les bonnes pratiques pour les Etats en ce qui concerne les opérations des entreprises militaires et de sécurité privées opérant pendant les conflits armés («Document de Montreux») est le fruit d'une initiative conjointe lancée début 2006 par la Suisse et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Il veut être une contribution pratique et réaliste, dont le seul but est la promotion du respect du droit international humanitaire et des droits de l'homme. Dans la préface, tous les Etats et les organisations internationales sont invités à faire part de leur soutien au DFAE.

Aujourd'hui, 43 Etats (entre autres l'Afghanistan, l'Afrique du Sud, l'Allemagne, la Chine, les Etats-Unis, la France, l'Irak, le Royaume-Uni et l'Italie) et une organisation internationale (l'Union européenne) soutiennent le Document de Montreux39.

La Suisse s'emploie à y rallier de nouveaux soutiens. Les 12 et 13 mai 2011 a eu lieu au Chili la première rencontre régionale visant à mieux faire connaître le Document de Montreux. Une deuxième rencontre régionale a eu lieu en Mongolie les 12 et 13 octobre 2011, entre les pays d'Asie centrale et du Nord-Est40. Les Etats du Pacifique se sont quant à eux rencontrés les 8 et 9 mai 2012 en Australie. Le 12 juin 2012, la Suisse a présenté le Document de Montreux et le Code de conduite international du 9 novembre 2010 des entreprises de sécurité privées (voir ci-après ch. 1.9.2) lors d'une réunion des ambassadeurs du Conseil de partenariat euroatlantique de l'OTAN. Le 8 septembre 2012, une conférence internationale concernant le thème des entreprises de sécurité et militaires privées s'est tenue auprès de 37 38 39

40

RS 0.312.1 Document de Montreux, pages 40 et 41.

Voir: www.dfae.admin.ch > Thèmes > Droit international public > Droit international humanitaire > Entreprises militaires et de sécurité privées > Etats participant au Document de Montreux Les rapports de ces rencontres peuvent être consultés à l'adresse suivante: www.dcaf.ch > What we do > Private Security Governance > Raising Awareness of the Montreux Document on PMSCs (dernier accès: le 19.07.2012).

1601

l'Institut international de droit humanitaire à San Remo. A cette occasion, la Suisse a fait savoir qu'elle organisera, en collaboration avec le CICR, une conférence concernant le Document de Montreux à la fin de l'année 2013. Le but est d'une part de tirer un bilan cinq ans après l'adoption de ce document et d'autre part de présenter les futurs défis soulevés par la problématique des entreprises de sécurité privées.

Le Document de Montreux, qui n'a pas de portée juridique contraignante, décrit dans la première partie le droit international applicable aux entreprises de sécurité respectivement aux activités exercées par celles-ci dans un conflit armé. Dans la deuxième partie, il énumère les bonnes pratiques qui peuvent aider les Etats à prendre les mesures nationales utiles pour s'acquitter de leurs obligations au regard du droit international. On rappellera ici les principales obligations internationales concernant d'une part les Etats qui envisagent d'engager une entreprise de sécurité («Etats contractants») et d'autre part les Etats dans lesquels l'entreprise de sécurité est établie ou a son siège («Etats d'origine»). On énumérera ensuite les bonnes pratiques établies à leur intention.

Obligations juridiques internationales pertinentes en relation avec les entreprises militaires et de sécurité privées (première partie du Document de Montreux) Le Document de Montreux rappelle aux Etats, sous forme de déclarations, les obligations juridiques internationales suivantes: ­

Les Etats contractants restent liés par leurs obligations de droit international même s'ils mandatent des entreprises de sécurité pour certaines activités (déclaration 1). Ils sont tenus de ne pas mandater des entreprises de sécurité pour exercer des activités que le droit international humanitaire assigne explicitement à un agent ou à une autorité étatiques (déclaration 2).

­

Les Etats contractants et les Etats d'origine sont tenus, dans les limites de leurs pouvoirs, de faire respecter le droit international humanitaire par les entreprises de sécurité qu'ils mandatent ou qui sont établies sur leur territoire (déclarations 3 et 14).

­

Les Etats contractants et les Etats d'origine sont responsables de la mise en oeuvre de leurs obligations au regard des droits de l'homme et sont tenus à cette fin de prendre les mesures appropriées pour prévenir la mauvaise conduite des entreprises de sécurité (déclarations 4 et 15).

­

Les Etats contractants et les Etats d'origine sont tenus de garantir la poursuite pénale des infractions graves aux Conventions de Genève ou d'autres crimes au regard du droit international (déclarations 5, 6, 16 et 17).

­

Bien que le fait de nouer des relations contractuelles avec des entreprises de sécurité n'engage pas la responsabilité des Etats contractants, ceux-ci sont responsables des violations du droit international humanitaire, des droits de l'homme ou d'autres règles de droit international commises par les entreprises de sécurité ou leur personnel lorsque ces violations sont imputables à l'Etat contractant conformément au droit international coutumier, en particulier si les entreprises de sécurité sont incorporées par l'Etat dans ses forces armées régulières ou agissent sous les instructions de l'Etat contractant (déclaration 7).

1602

­

Les Etats contractants sont tenus d'accorder des réparations pour les violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme causées par la conduite illicite des membres du personnel de l'entreprise de sécurité lorsqu'une telle conduite est imputable à l'Etat contractant en vertu du droit international coutumier relatif à la responsabilité de l'Etat (déclaration 8).

Le Document de Montreux rappelle également aux entreprises de sécurité et aux membres de leur personnel leurs obligations juridiques internationales: ­

Les entreprises de sécurité et leur personnel doivent respecter les règles de droit international humanitaire et des droits de l'homme qui leur sont imposées par le droit national applicable, de même qu'elles doivent respecter toute législation nationale applicable (déclarations 22, 23 et 26, let. a).

­

Le statut des membres du personnel des entreprises de sécurité est déterminé par le droit international humanitaire, au cas par cas, en particulier selon la nature et les circonstances des fonctions dans lesquelles ils sont impliqués (déclarations 24, 25, 26, let. b, et 26, let. c).

­

Ils doivent respecter, dans la mesure où ils exercent des prérogatives de puissance publique, les obligations de l'Etat au regard des droits de l'homme (déclaration 26, let. d).

­

Ils sont passibles de poursuites s'ils commettent des actes reconnus comme des crimes par le droit national applicable ou le droit international (déclaration 26, let. e).

­

Les supérieurs hiérarchiques des membres du personnel des entreprises de sécurité peuvent être tenus pour responsables des crimes de droit international commis par ces derniers sous leur autorité et contrôle effectifs, lorsqu'ils n'ont pas exercé sur eux le contrôle qui convenait (déclaration 27).

Bonnes pratiques relatives aux entreprises militaires et de sécurité privées (deuxième partie du Document de Montreux) Le Document de Montreux propose les bonnes pratiques suivantes: ­

Les Etats contractants et les Etats d'origine déterminent les prestations de service qui peuvent ou ne peuvent pas être sous-traitées à des entreprises de sécurité (bonnes pratiques 1 et 53).

­

Les Etats d'origine envisagent l'établissement d'un système d'autorisation, telle que l'exigence d'une licence d'exploitation d'entreprise valable pour une période limitée et renouvelable ou pour des services spécifiques ou d'autres formes d'autorisation (bonne pratique 54).

­

Les Etats contractants et les Etats d'origine assurent la transparence, par exemple en publiant des rapports annuels à l'intention des organes parlementaires (bonnes pratiques 4 et 59).

­

Les Etats contractants et les Etats d'origine prennent en compte, pour l'octroi d'un mandat ou pour l'octroi d'une autorisation, les critères suivants: conduite passée, détention des autorisations requises, capacité financière, formation du personnel, acquisition et utilisation licites d'armes, politiques internes appropriées (bonnes pratiques 6 à 8, 10 à 12, 60, 61 et 63 à 66). Ils évaluent en outre la capacité de l'entreprise de sécurité à conduire ses acti1603

vités conformément au droit national et au droit international (bonnes pratiques 2 et 57).

­

Les Etats contractants prévoient des clauses contractuelles concernant notamment l'obligation de respecter le droit international humanitaire, les armes requises pour exécuter le contrat, la sous-traitance à une autre entreprise de sécurité, l'obligation pour le personnel de sécurité de s'identifier (bonnes pratiques 14 à 16). Les Etats d'origine fixent dans l'autorisation des clauses assurant que la conduite de l'entreprise de sécurité et des membres de son personnel respecte le droit international et le droit national pertinent (bonne pratique 67).

­

Les Etats contractants exigent le respect par l'entreprise de sécurité et par les membres de son personnel des règles relatives à l'usage de la force et des armes à feu, notamment en faisant usage de ceux-ci uniquement pour se défendre ou pour défendre des tiers et, le cas échéant, en faisant immédiatement rapport aux autorités compétentes (bonne pratique 18).

­

Les Etats contractants et les Etats d'origine assurent la poursuite pénale des crimes au regard du droit international et national commis par l'entreprise de sécurité et les membres de son personnel en prévoyant le cas échéant une compétence juridictionnelle dans le droit national (bonnes pratiques 19 et 71). Les Etats d'origine imposent en outre des sanctions aux entreprises de sécurité qui opèrent sans autorisation ou en violation de l'autorisation octroyée tels que retrait ou suspension de l'autorisation, interdiction de solliciter une nouvelle autorisation, amendes civiles et pénales (bonne pratique 69).

­

Les Etats contractants et les Etats d'origine prévoient des mécanismes de contrôle, de responsabilité civile et de sanctions (bonnes pratiques 20, 21, 68 et 72).

­

Les Etats d'origine assurent une coopération avec les autorités des Etats territoriaux (bonne pratique 73).

Le Conseil fédéral s'écarte des recommandations du Document de Montreux, en proposant non pas un régime d'autorisation, mais un système combinant des interdictions légales, des interdictions sous forme de décisions et une obligation générale de déclarer. Ce système permettra d'empêcher les entreprises de sécurité d'exercer toute activité contraire aux intérêts de la Suisse. De l'avis du gouvernement, il produira les mêmes effets qu'un régime d'autorisation, mais sans les désavantages d'un tel régime (coût administratif et financier, difficultés de contrôler sur place l'exécution du mandat, risque que l'autorisation ne soit interprétée comme une garantie de qualité de l'Etat, cf. ch. 1.5.1).

1.9.2

Code de conduite international du 9 novembre 2010

Le Code de conduite international du 9 novembre 2010 des entreprises de sécurité privées (ci-après «code de conduite») a vu le jour à l'initiative de la Suisse et de plusieurs associations représentant la branche. Toute entreprise de sécurité privée peut y adhérer quelle que soit sa forme juridique. Au 1er octobre 2012, on compte

1604

511 adhésions41. Les entreprises signataires s'engagent à respecter les droits de l'homme lorsqu'elles fournissent leurs services de sécurité dans des régions où l'Etat de droit a été fragilisé. Elles s'engagent en outre à respecter toutes les législations en vigueur, y compris les lois locales, régionales et/ou nationales. Elles s'engagent également à ne pas nouer de rapports contractuels avec des Etats ou autres entités si cela enfreint des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Les entreprises exigeront de leur personnel qu'il prenne toutes les mesures raisonnablement possibles pour éviter le recours à la force et, le cas échéant, qu'il respecte le droit applicable ainsi que le principe de proportionnalité. Les entreprises exigeront en outre de celui-ci qu'il n'utilise pas d'armes à feu contre des personnes sauf en cas de légitime défense ou pour défendre d'autres personnes contre une menace imminente de mort ou de mesures graves, ou pour prévenir un acte criminel particulièrement grave associé à un réel danger de mort. Dans la mesure où le personnel de l'entreprise signataire est habilité à assister les forces de l'ordre public, l'entreprise exigera de lui qu'il ne recoure à la force qu'en conformité aux normes nationales et internationales.

Le code de conduite contient des dispositions importantes sur l'interdiction de certaines activités, notamment la torture, la discrimination et la traite des êtres humains. Il établit aussi des principes de gestion qui doivent permettre de garantir que le personnel des entreprises signataires respecte le code, qui exigent la mise en place de bonnes pratiques en matière de recrutement et de formation du personnel et qui impliquent l'instauration de rapports et de systèmes de surveillance internes.

Le code doit aussi servir de base au développement d'un mécanisme indépendant de gouvernance et de contrôle reposant sur des normes mesurables et une certification.

Ces critères permettront de vérifier que les entreprises mettent correctement en oeuvre les principes du code de conduite. Un comité de pilotage temporaire a été mis en place afin d'élaborer une charte définissant les fonctions et la structure de ce mécanisme de gouvernance et de contrôle. Le 16 janvier 2012, le comité a publié un premier projet de charte. Au cours de la procédure de
consultation, plus de 40 participants (gouvernements, organisations, entreprises etc.) ont pris position. Le projet de charte prévoit la mise en place d'un processus de certification qui déterminera si les entreprises de sécurité respectent les principes du code de conduite. Il prévoit également la mise en place d'un mécanisme pour surveiller les activités des entreprises de sécurité et assurer le traitement efficace des plaintes de violation du code de conduite. La charte devrait être adoptée en 2013.

Le code de conduite définit également des critères de sélection du personnel de sécurité et de sous-traitants. Les entreprises signataires veilleront à ce que le personnel de sécurité reçoive la formation nécessaire. Elles devront disposer des autorisations requises pour la détention et l'utilisation d'armes. Elles s'engagent également à annoncer tout incident aux autorités compétentes si la législation nationale l'exige.

Enfin, elles feront en sorte d'être à tout moment en mesure de faire face à leur responsabilité en cas de dommages causés à un tiers.

Le code de conduite est devenu le document de référence dans le domaine de la sécurité privée. Il est utilisé par un grand nombre d'organisations et de gouvernements dans la mise en place de standards nationaux et internationaux. Les entités qui

41

www.icoc-psp.org

1605

recourent aux services d'entreprises de sécurité exigent souvent de celles-ci qu'elles adhèrent au code de conduite et qu'elles le respectent.

1.9.3

Projet de convention des Nations Unies

Un groupe de travail des Nations Unies discute actuellement sur les différentes options de réglementation internationale, notamment sur la possibilité d'élaborer un nouveau traité, juridiquement contraignant, qui réglementerait les obligations des Etats relatives aux activités des entreprises militaires et de sécurité privées. On ne saurait préjuger des résultats de ces travaux, compte tenu des réserves émises par plusieurs pays abritant le siège de grandes entreprises militaires et de sécurité privées et qui en sont également les principaux clients. La Suisse suit le développement de ces travaux.

1.9.4

Développements au niveau de l'Union européenne

Le 27 juillet 2012, l'Union européenne a déclaré son soutien au document de Montreux, s'engageant à en respecter les règles lors de tout recours à une entreprise militaire ou de sécurité privée.

Priv-War est un projet de recherche financé par l'Union européenne et coordonné par l'European University Institute (EUI). Avec sept autres universités européennes, l'EUI a étudié les conséquences d'un engagement accru d'entreprises militaires et de sécurité privées dans les zones où règnent des conflits armés. Le projet Priv-War part d'une analyse du cadre politique existant et tient compte notamment du Document de Montreux et du code de conduite. Il a servi de base à plusieurs publications scientifiques42 et débouché en mars 2011 sur un projet de recommandations à l'intention de l'UE, contenant plusieurs variantes de mesures régulatoires, certaines juridiquement contraignantes, d'autres non. L'Union européenne examine actuellement ces recommandations.

Il convient également de signaler que, dans le cadre de sa résolution du 11 mai 2011 sur le développement de la politique de sécurité et de défense commune après l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le Parlement européen fait savoir que l'adoption de mesures réglementaires européennes, y compris un système complet pour la création, l'enregistrement, l'agrément, le contrôle et la communication des violations du droit applicable pour les entreprises militaires privées et les entreprises de sécurité privées est nécessaire. Il demande à la Commission et au Conseil d'élaborer un projet de directive visant à harmoniser les mesures nationales réglementant cette problématique ainsi qu'un projet de décision réglementant l'exportation des prestations de service de ces entreprises dans les pays tiers.

42

Voir notamment l'ouvrage intitulé «War by Contract: Human Rights, Humanitarian Law and Private Contractors», F. Francioni und N. Ronzitti (édit.), Oxford University Press, 2011.

1606

1.10

Mise en oeuvre

La future loi impliquera l'adoption de dispositions d'exécution comme le prévoit l'art. 38 du projet de loi. Il y aura également lieu de modifier l'OESS43.

Dans sa décision du 29 août 2012, le Conseil fédéral a opté pour un régime d'interdictions assorti d'une procédure de déclaration préalable, après avoir examiné d'autres solutions à savoir un système de notification a posteriori, un système d'enregistrement ou d'autorisation et une interdiction générale de participer à certaines activités de combat. Il est arrivé à la conclusion que cette réglementation permet de contrôler de manière aussi complète que possible et sans bureaucratie inutile les activités donnant matière à problèmes, d'examiner rapidement la situation et d'imposer avec l'efficacité voulue les interdictions et autres restrictions découlant de cet examen.

Si le projet de loi ne prévoit pas expressément une évaluation de sa mise en oeuvre, l'efficacité de ses mesures sera évaluée conformément à l'art. 170 de la Constitution (Cst.)44. De plus, le projet de loi prescrit que l'autorité compétente devra établir chaque année un rapport d'activité à l'intention du Conseil fédéral. Les informations contenues dans ce rapport permettront d'avoir une vue d'ensemble de la mise en oeuvre des mesures de la loi et des éventuelles difficultés rencontrées par l'autorité compétente.

1.11

Classement des interventions parlementaires

La motion CPS-E 10.3639 peut être classée. En effet, le présent projet tient compte de cette motion, dans la mesure où il interdit les activités contraires aux intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure, de sécurité et de neutralité et s'applique aux sociétés visées par l'intervention parlementaire. Le projet s'écarte en revanche de la proposition de la motion d'instaurer un système d'autorisation pour les motifs qui sont exposés sous ch. 1.5.1 et 1.6. Ceux-ci correspondent aux conclusions du rapport de l'OFJ du 30 décembre 2010. Lorsque le Conseil fédéral avait proposé d'accepter la motion en date du 17 septembre 2010, il n'avait pas encore pris connaissance de ce rapport.

La motion Lang 10.3808 peut être classée pour les mêmes motifs.

2

Commentaire des dispositions du projet de loi

2.1

Dispositions générales

Art. 1

Buts

La loi doit contribuer à protéger certains intérêts de la Suisse. Ceux-ci sont définis à l'art. 1, sans toutefois être énumérés par ordre d'importance. Les buts énumérés à l'art. 1 font plus que donner l'orientation générale de la loi, comme c'est habituellement le cas; ils servent de base aux interdictions que l'autorité compétente peut 43 44

RS 124 RS 101

1607

prononcer en vertu de l'art. 14. Selon l'al. 1 de ce dernier, l'autorité compétente interdit tout ou partie d'une activité si et dans la mesure où elle est contraire aux buts de l'art. 1. La violation de l'interdiction est punie pénalement (art. 22).

En vertu de la let. a, le projet de loi doit contribuer à protéger la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse. La sécurité intérieure consiste essentiellement en ce que l'ancienne Constitution nommait «le maintien de la tranquillité et de l'ordre», tandis que la sécurité extérieure s'oppose aux menaces venues du dehors, par exemple aux agressions lancées par un Etat étranger contre la Suisse, au terrorisme, aux pressions politiques et au crime organisé45. Les notions de sécurité intérieure et de sécurité extérieure sont toutefois étroitement liées. La LMSI46 prévoit par exemple des mesures préventives contre les dangers liés au terrorisme, au service de renseignements prohibé ou à l'extrémisme violent.

En vertu de l'art. 1, let. b, le projet de loi doit contribuer à mettre en oeuvre les objectifs de la politique étrangère de la Suisse qui sont fixés à l'art. 54 Cst. Cette disposition confère une compétence globale à la Confédération, qui inclut toutes les facettes des «affaires étrangères», telles que la conclusion de traités, la reconnaissance d'Etats étrangers et les relations diplomatiques. L'art. 54, al. 2, Cst. dresse une liste, non exhaustive, des objectifs principaux vers lesquels doit tendre la politique étrangère de la Confédération, notamment l'indépendance et la prospérité du pays, le respect des droits de l'homme, la démocratie et la coexistence pacifique des peuples.

L'art. 1, let. c prévoit de préserver le principe de neutralité de la Suisse. La neutralité est un instrument de la politique étrangère de notre pays (art. 173 et 185 Cst.). Elle sert à garantir l'indépendance du pays et l'inviolabilité de son territoire. En contrepartie, la Suisse s'engage à ne pas participer à une guerre opposant d'autres Etats.

On fait la distinction entre le droit et la politique en matière de neutralité. Le droit en matière de neutralité est fixé dans les Conventions de la Haye de 190747 et dans le droit international coutumier (voir ch. 1.8.1). Ces règles s'appliquent aux Etats qui déclarent leur neutralité lors d'un conflit opposant d'autres
Etats. La Suisse a choisi d'adopter le statut particulier de la neutralité permanente. Aujourd'hui, la neutralité suisse est respectée et connue. De ce statut et du principe de confiance du droit international résultent également certaines obligations juridiques qui s'appliquent déjà en temps de paix. Il découle en outre du statut de neutralité permanente la nécessité de mener une politique extérieure crédible. La politique en matière de neutralité comprend toutes les mesures qu'un Etat neutre juge bon de prendre en sus de ses obligations internationales pour assurer la crédibilité de sa neutralité. La mise en oeuvre concrète de la politique de neutralité doit tenir compte des intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure et de politique de sécurité.

Le principe de neutralité au sens de la let. c couvre aussi bien le droit que la politique en matière de neutralité. Il y aura donc lieu d'examiner si les activités visées par le projet de loi sont compatibles avec les obligations de la Suisse en tant qu'Etat neutre permanent ainsi qu'avec la crédibilité et l'efficacité de la neutralité suisse. En principe, il n'y a pas d'incompatibilité avec la neutralité, lorsque les activités d'une 45 46 47

Jean-François Aubert et Pascal Mahon, Petit Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, art. 57, p. 481, Zurich 2003.

RS 120 Convention du 18 octobre 1907 concernant les droits et les devoirs des puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre (RS 0.515.21; 5e Convention de la Haye) et Convention du 18 octobre 1907 concernant les droits et les devoirs des puissances neutres en cas de guerre maritime (RS 0.515.22; 13e Convention de la Haye).

1608

entreprise servent à soutenir la mise en oeuvre de mesures de contraintes militaires votées en application du chapitre VII de la Charte des Nations Unies48 en dehors d'une participation directe à des hostilités. Les Etats qui exécutent le mandat des Nations Unies fournissent une contribution à la préservation ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Les missions des Nations Unies qui découlent de ce chapitre sont conformes à la politique de la Suisse en matière de paix et la mise en oeuvre de celles-ci est en principe compatible avec la neutralité.

Enfin, selon l'art. 1, let. d, le projet de loi doit contribuer à garantir le respect du droit international, et en particulier des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Le droit international règle les relations entre les Etats et autres sujets de droit international. Il comprend différents domaines, par exemple l'interdiction de recourir à la force pour régler un différend entre Etats, ainsi que la lutte contre le terrorisme et d'autres crimes graves. Le projet de loi contribue en outre à garantir le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Les engagements internationaux d'un Etat peuvent résulter de différentes sources. Les traités internationaux constituent la plus importante de ces sources du point de vue quantitatif. Certaines obligations internationales fondamentales résultent cependant du droit international coutumier ou des principes généraux du droit. La let. d vise donc l'ensemble des obligations internationales que la Suisse est tenue de respecter. La Suisse a vocation, sur les plans tant intérieur qu'extérieur, à observer scrupuleusement le droit international public, en particulier les droits de l'homme et le droit international humanitaire. En tant que dépositaire des Conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels49, elle a tout intérêt à se tenir à l'écart des situations de conflits, sans quoi elle risquerait de voir se ternir l'excellente réputation dont elle jouit dans le domaine humanitaire.

Art. 2

Champ d'application

Phrase introductive de l'al. 1 La phrase introductive de l'al. 1 prévoit que le projet de loi s'applique aux personnes physiques, aux personnes morales et aux sociétés de personnes («entreprises») qui exercent une des activités énumérées sous let. a à d. Il peut s'agir notamment d'une société anonyme, d'une société à responsabilité limitée, d'une société en nom collectif, d'une fondation, d'une entreprise individuelle ou d'un individu. Les entreprises assujetties au projet de loi peuvent poursuivre un but économique ou d'autres buts qui ne sont pas de nature économique.

L'al. 1 énumère les activités qui sont régies par le projet de loi de manière exhaustive. Il prévoit un double critère de rattachement: l'activité doit avoir un lien avec la Suisse et avec l'étranger. La loi ne couvre pas les activités exercées et exécutées de bout en bout soit en Suisse, soit à l'étranger. Ces dernières sont soumises soit au droit cantonal (prestations de sécurité fournies en Suisse), soit au droit étranger.

Al. 1, let. a Le projet de loi s'applique aux entreprises qui fournissent, depuis la Suisse, des prestations de sécurité privées à l'étranger. La notion de «prestation de sécurité privée» est définie à l'art. 4, let. a.

48 49

RS 0.120 RS 0.518.12, 0.518.23, 0.518.42, 0.518.51 et 0.518.521­523

1609

La prestation est fournie depuis la Suisse non seulement lorsque l'entreprise a son domicile, son siège ou son établissement dans notre pays mais aussi lorsqu'une entreprise étrangère organise depuis la Suisse, par exemple par l'intermédiaire d'une société située dans notre pays, l'exécution d'une prestation de sécurité privée qui sera fournie à l'étranger.

La notion «à l'étranger» vise le territoire national d'un pays autre que celui de la Suisse. L'art. 3 restreint toutefois la portée de cette notion en prévoyant des exceptions au champ d'application de la loi lorsque l'entreprise exerce, depuis la Suisse, certaines activités sur le territoire soumis au champ d'application de l'Accord du 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes50 (ci-après «ALCP») ou de la Convention du 4 janvier 1960 instituant l'association européenne de libre-échange51 (ci-après Convention AELE, voir plus loin art. 3).

Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 3, la notion «à l'étranger» au sens du projet de loi inclut aussi les eaux territoriales d'un Etat riverain étranger, la haute mer et l'espace aérien international. En effet, le marché de la sécurité s'est récemment développé dans la fourniture de prestations de sécurité privées à des armateurs en mer pour les protéger contre des actes de piraterie52. Il y a dès lors lieu d'interpréter la notion «à l'étranger» en tenant compte de cette évolution.

La loi fédérale du 23 septembre 1953 sur la navigation maritime sous pavillon suisse (LNM)53 prévoit que sont des navires suisses les navires de mer enregistrés dans le registre des navires suisses (art. 2 LNM). L'art. 4 LNM prescrit en outre que le droit fédéral s'applique à bord des navires suisses en haute mer sans partage; dans les eaux territoriales, le droit suisse s'applique dans la mesure où l'Etat riverain n'a pas déclaré sa loi impérative. Selon la doctrine et la jurisprudence, la haute mer a valeur de territoire étranger (les eaux territoriales appartiennent à un Etat tiers et sont bien entendu à considérer comme territoire étranger). Un navire battant pavillon suisse ne représente pas un «bout de territoire» suisse54. Cependant, selon le «principe du pavillon», le droit suisse s'applique en haute mer sur tout bateau battant pavillon suisse. Une prestation de sécurité fournie en haute mer et à bord
d'un navire battant pavillon suisse est considérée comme l'étant à l'étranger et est donc régie par le projet de loi.

Un armateur suisse qui gère une flotte battant pavillon suisse ne dispose normalement pas de son propre personnel armé pour défendre ses bateaux contre les pirates.

Il mandatera à cet effet une entreprise spécialisée, généralement étrangère, pour assurer la protection de ses navires dans les zones à risque. Si la société a son siège ou son établissement en Suisse ou si elle opère depuis la Suisse, elle sera soumise au projet de loi.

L'art. 1 de la convention du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale55 dispose que chaque Etat a la souveraineté sur l'espace aérien au-dessus de son territoire. Selon l'art. 17 de la convention, les aéronefs privés ont la nationalité de 50 51 52 53 54

55

RS 0.142.112.681 RS 0.632.31 Rapport de l'OFJ du 30 décembre 2010, ch. 4.2.1.1.

RS 747.30 Message du 7 décembre 2007 relatif à la ratification d'une convention et à l'amendement d'une convention ainsi qu'à l'adhésion à deux protocoles de révision de l'ONU visant à combattre les actes terroristes contre la sécurité nucléaire et maritime, FF 2008 1041.

RS 0.748.0 (entré en vigueur pour la Suisse le 4 avril 1947).

1610

l'Etat dans lequel ils sont immatriculés. Comme pour la navigation maritime, le droit du pays d'immatriculation prévaut à bord des appareils; l'Etat survolé peut toutefois faire valoir le sien dans les cas prévus par le droit international. Les aéronefs privés n'en sont pas pour autant considérés comme «une partie volante du territoire national» du pays d'immatriculation56, pas plus que les navires n'en sont une partie «navigante». La loi s'appliquera donc aux prestations de sécurité privées qu'une entreprise établie ou active en Suisse fournira à bord d'un aéronef privé immatriculé en Suisse en déplacement à l'étranger, puisque c'est le droit suisse qui y prévaut, tandis que les prestations sont fournies à l'étranger.

Al. 1, let. b Le projet de loi s'applique également aux entreprises qui fournissent, en Suisse, des prestations en rapport avec une prestation de sécurité privée fournie à l'étranger, à savoir le recrutement ou la formation de personnel de sécurité pour des prestations de sécurité privées à l'étranger ainsi que la mise à disposition de personnel de sécurité en faveur d'une entreprise qui offre des prestations de sécurité privées à l'étranger (voir la définition de l'art. 4, let. b).

Le lien avec la Suisse est réalisé si la prestation en rapport avec une prestation de sécurité est exercée dans notre pays. Il n'est pas nécessaire que le pays de destination des futures prestations de sécurité privées que le personnel de sécurité sera amené à fournir soit déjà déterminé.

Le recrutement aura lieu en Suisse à partir du moment où une partie essentielle de cette activité est exercée dans notre pays, par exemple si l'entreprise y organise les entretiens d'embauche ou conclut le contrat d'engagement. L'entreprise doit avoir pour but de recruter ou de former spécialement du personnel de sécurité pour l'exécution de prestations de sécurité privées à l'étranger. Le recrutement et la formation de personnel de sécurité pour l'exécution de prestations de sécurité privées en Suisse ne sont pas visés. Ces dernières sont soumises au droit cantonal.

La formation doit être effectuée en Suisse, par exemple auprès d'un centre de formation ou dans un camp d'entraînement. Elle peut par exemple porter sur des techniques d'attaque ou de défense dans le cadre d'un conflit armé, sur les techniques de légitime
défense et de survie, sur le maniement des armes, sur la planification des engagements, sur le soutien logistique ainsi que sur certaines connaissances en matière de droit international et en matière de lutte contre la corruption.

Le projet de loi s'applique également aux entreprises qui mettent à disposition, à titre d'intermédiaire ou directement, du personnel de sécurité en faveur d'une entreprise qui fournit des prestations de sécurité privées à l'étranger. Cette disposition vise par exemple le cas où une entreprise met à disposition du personnel de sécurité en Suisse, qui pourra être engagé par une entreprise opérant à l'étranger.

Al. 1, let. c Le projet de loi s'applique aux entreprises qui constituent, établissent, exploitent ou dirigent en Suisse une entreprise qui fournit des prestations de sécurité privées à l'étranger ou qui fournit en Suisse ou à l'étranger des prestations en rapport avec celles-ci à l'étranger.

56

Cf. Message du Conseil fédéral du 28 septembre 1962 sur la modification de la loi sur le transport aérien, FF 1962 II 713.

1611

Le lien avec la Suisse est réalisé à partir du moment où ces activités sont exercées dans notre pays. Il peut par exemple s'agir d'une entreprise établie en Suisse et qui dirige depuis notre pays une entreprise constituée à l'étranger afin qu'elle y offre des prestations de sécurité privées. La loi ne couvre donc pas seulement les activités «opérationnelles», à savoir la fourniture à partir de la Suisse de prestations de sécurité privées à l'étranger. Même si cette catégorie est la plus visible, il en existe d'autres qui ont des implications pour la sécurité et la réputation de la Suisse, et que des critères de rattachement permettent également de couvrir.

Al. 1, let. d En vertu de cette disposition, le projet de loi s'applique aux entreprises qui contrôlent, depuis la Suisse, une entreprise qui fournit des prestations de sécurité privées ou des prestations en rapport avec celles-ci au sens de l'art. 4, let. b. Même si de telles entreprises exercent des activités purement financières, elles doivent être assujetties au projet de loi. En effet, leur réputation et les activités des entreprises de sécurité qu'elles contrôlent peuvent porter atteinte aux intérêts de la Suisse.

Cette disposition couvre toutes les formes de participations permettant d'exercer un contrôle sur une entreprise de sécurité privée active à l'étranger. Le terme générique utilisé dans ce cas est celui de sociétés holding. L'art. 5 définit les conditions du contrôle d'une entreprise. Le lien avec la Suisse est réalisé à partir du moment où l'entreprise, qui exerce le contrôle, a son siège ou son établissement dans notre pays.

L'entreprise contrôlée peut être établie en Suisse ou à l'étranger.

Al. 2 Le projet de loi s'applique également aux personnes qui sont au service des entreprises assujetties. Cette disposition est importante du point de vue des interdictions et des sanctions prévues au niveau individuel (p. ex. l'interdiction de participer directement à des hostilités à l'étranger, inscrite à l'art. 8, al. 2). La formule «au service» ne couvre pas seulement les employés de l'entreprise à proprement parler, mais toutes les personnes qui exécutent pour son compte des directives ou des mandats de quelle que nature que ce soit, dans le cadre d'une relation commerciale ou personnelle. La nature juridique de cette relation n'a
aucune importance.

Al. 3 Le projet de loi s'applique enfin aux autorités fédérales qui engagent une entreprise de sécurité pour l'exécution de certaines tâches de protection à l'étranger. La notion d'«engagement» vise non seulement le cas où l'autorité fédérale délègue une tâche de protection mais aussi lorsqu'elle recourt aux services d'une entreprise de sécurité dans le cadre d'un mandat (voir ci-après ch. 2.7).

L'engagement d'une entreprise de sécurité pour l'exécution d'une tâche de protection en Suisse n'entre pas dans le champ d'application du projet de loi. Il est soumis à l'OESS57. Le projet de loi ne s'applique pas non plus lorsque l'autorité fédérale recourt à des particuliers en qualité d'auxiliaires qui agissent en qualité de simples exécutants de l'autorité sans disposer d'une autonomie et d'un pouvoir de décision58.

57 58

RS 124 Guide pour l'élaboration de la législation fédérale de l'OFJ, p. 346.

1612

Art. 3

Exceptions au champ d'application

L'art. 3 introduit des exceptions à l'application de la loi s'agissant de certaines prestations de sécurité privées qui sont fournies, depuis la Suisse, sur les autres territoires relevant de l'ALCP59 ou de la Convention AELE60. Les territoires visés sont les territoires des vingt-sept Etats membres de l'Union européenne, y compris les départements français d'outre-mer, les Açores, Madère, les îles Canaries, Ceuta et Mellila, Gibraltar et les îles Åland, ainsi que les territoires des Etats membres de l'AELE, à savoir de l'Islande, du Liechtenstein et de la Norvège (cf. art. 58 AELE).

Ces exceptions visent à préserver la libre prestation de services telle que prévue par l'ALCP et la Convention AELE. Selon ces accords, tout prestataire de services (y compris les sociétés) bénéficie du droit de fournir un service sur le territoire de l'autre partie contractante pour une prestation qui ne dépasse pas 90 jours de travail effectif par année civile (art. 5, par. 1, ALCP). Ces accords interdisent toute restriction à ces prestations de services transfrontalières (art. 17, let. a, Annexe I ALCP), sous réserve notamment des dispositions législatives de chaque partie contractante qui sont justifiées par des raisons impérieuses liées à un intérêt général (art. 22, par.

4, Annexe I ALCP). La circonstance qu'un prestataire de services est de nationalité suisse (ou qu'une société est constituée selon le droit suisse) ne saurait l'empêcher d'invoquer les règles de l'ALCP et de la Convention AELE relatives à la libre prestation de services à l'encontre des autorités suisses, dès lors que ce prestataire a fait usage d'un droit de libre circulation reconnu par l'accord61.

Le projet de loi contribue à préserver la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse, à mettre en oeuvre les objectifs de la politique extérieure de la Suisse, à préserver la neutralité suisse et à garantir le respect du droit international. Ces buts constituent des raisons impérieuses d'intérêt général pouvant justifier des restrictions à la libre prestation de services. Toutefois, pour être justifiées au sens de l'ALCP et de la Convention AELE, les mesures législatives retenues par la Suisse doivent être objectivement proportionnées aux objectifs qu'elles poursuivent62. Or, en l'occurrence, il apparaît que l'obligation de déclarer toutes
les activités de sécurité ainsi que l'obligation de s'abstenir d'exercer de telles activités au moins pendant les 14 jours qui suivent une telle déclaration ou jusqu'à une décision de l'autorité compétente constitueraient des restrictions à la libre prestation de services qui ne seraient pas proportionnées aux objectifs poursuivis s'agissant des prestations de sécurité qui sont visées à l'art. 4, let. a, ch. 1 à 3, du projet de loi. En effet, en raison du faible risque d'atteintes à la sécurité et à la neutralité de la Suisse pouvant être causées par ces prestations, ainsi qu'en raison de l'absence de réel risque d'hostilités et de graves violations des droits de l'homme sur le territoire des Etats de l'UE/AELE, de telles restrictions à la libre prestation de services iraient au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les objectifs du projet de loi.

Afin de respecter le principe de proportionnalité, le projet de loi introduit donc des exceptions à son application, s'agissant des prestations de sécurité suivantes: protection de personnes, garde et surveillance de biens et d'immeubles ainsi que services d'ordre lors d'événements, telles que définies par l'art. 4, let. a, ch. 1 à 3. Le personnel chargé de fournir ces prestations de sécurité privées peut être armé ou non armé, 59 60 61 62

RS 0.142.112.681 RS 0.632.31 ATF 136 II 241 Voir, par exemple, ATF 131 V 390 et 131 V 209

1613

sous réserve de la législation sur les armes applicable au lieu d'exécution de la prestation.

Pour les mêmes raisons, ces exceptions ont été étendues aux entreprises ou personnes fournissant, en Suisse, des prestations en rapport avec la fourniture d'une prestation de sécurité privée au sens de l'art. 3, al. 1, sur le territoire relevant du champ d'application des accords susmentionnés, ainsi qu'aux entreprises qui constituent, établissent, exploitent, dirigent ou contrôlent une entreprise qui fournit des prestations au sens de l'art. 3, al. 1, ou de l'al. 2, let. a.

En revanche, lorsque la prestation de sécurité privée à fournir sur le territoire des Etats de l'UE/AELE correspond à une autre prestation que celles définies à l'art. 4, let. a, ch. 1 à 3, l'art. 3 ne prévoit pas d'exceptions au champ d'application de la loi.

En effet, des prestations telles que des mesures de contrainte, la garde de prisonniers, le soutien opérationnel ou logistique à des forces armées, l'exploitation de systèmes d'armements ou des activités d'espionnage peuvent comporter un risque d'atteinte aux intérêts de la Suisse, notamment en ce qui concerne la neutralité suisse. Une restriction à la libre prestation de services est donc justifiée.

Art. 4

Définitions

Art. 4, let. a: «prestation de sécurité privée» L'art. 4 vise les activités fournies par les entreprises privées. Celles des entreprises publiques en sont donc exclues. L'art. 4, let. a, contient une énumération non exhaustive. Ses chiffres 1 à 9 livrent toutefois des éléments concrets sur la nature et l'intensité des prestations de sécurité concernées. Les services de conciergerie ou d'accueil ne sont pas visés, pas plus que la planification, l'installation et la maintenance des systèmes d'alarme destinés à assurer la sécurité d'un immeuble, à moins que ne viennent s'y greffer d'autres mesures pouvant déboucher sur un recours à la contrainte ou sur l'utilisation d'armes.

La prestation de sécurité privée au sens de l'art. 4, let. a, peut être armée ou non armée. Cette notion vise notamment les activités suivantes:

63

­

La protection de personnes (p. ex. protection de personnalités officielles ou escorte de convois d'aide humanitaire).

­

La garde de biens et d'immeubles, par exemple la garde armée d'un bâtiment (ambassades) ou d'un terrain, ou leur surveillance (service de ronde).

­

Les services d'ordre lors d'événements, par exemple lors d'un concert ou d'un événement sportif.

­

Les mesures prises à l'encontre de personnes, à savoir le contrôle, la rétention ou la fouille d'individus, ainsi que la fouille de locaux ou de contenants tels que des véhicules (voir art. 6 de la loi du 20 mars 2008 sur l'usage de la contrainte, LUsC63).

­

La garde, la prise en charge et le transport de prisonniers, l'exploitation de prisons, ainsi que l'assistance à des camps de prisonniers de guerre ou d'internement de civils.

RS 364

1614

­

Le soutien opérationnel ou logistique à des forces armées ou de sécurité, dans la mesure où il n'est pas fourni dans le cadre d'une participation directe à des hostilités selon l'art. 8. La disposition exclut le soutien opérationnel ou logistique fourni dans le cadre d'une participation directe à des hostilités au motif que cette activité n'est pas traitée, selon la systématique du projet de loi, comme une prestation de sécurité. Ce soutien constitue une activité strictement interdite (voir l'art. 8). Les forces de sécurité au sens de l'art. 4, let. a, ch. 6, peuvent être les forces de police d'un Etat. Le soutien peut être fourni lors de troubles intérieurs, d'émeutes ou d'actes isolés et sporadiques de violence ou autres actes analogues (voir art. 1, par. 2, du Protocole additionnel II du 8 juin 1977 aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux [protocole II]64). La prestation doit avoir un lien avec les tâches qui relèvent de la compétence des forces armées ou de sécurité. Par soutien opérationnel, on entend par exemple la mise à disposition de personnel de sécurité armé à un Etat étranger qui doit faire face à des manifestations de la population ou à d'autres troubles intérieurs. La notion de «soutien logistique» vise par exemple la mise sur pied ou l'exploitation d'une infrastructure lors d'une situation d'urgence (arrivée d'un nombre important de réfugiés dans un Etat étranger), l'entretien du matériel de guerre d'un Etat, l'exploitation de son système de communication en dehors d'un conflit armé ou la formation des membres des forces armées ou de sécurité. La gestion de la blanchisserie des forces armées ne constitue pas en revanche un soutien logistique au sens du projet de loi, au motif qu'elle ne présente pas un lien suffisant avec les tâches de celles-ci.

­

L'exploitation et l'entretien de systèmes d'armement (par exemple un système de défense contre des attaques aériennes).

­

Le conseil ou la formation du personnel des forces armées ou de sécurité.

­

Les activités de renseignements, d'espionnage ou de contre-espionnage.

Art. 4, let. b: «prestation en rapport avec une prestation de sécurité privée» La notion de «prestation en rapport avec une prestation de sécurité» vise le recrutement ou la formation de personnel de sécurité pour fournir des prestations de sécurité privées à l'étranger (ch. 1) ainsi que la mise à disposition, à titre d'intermédiaire ou directement, de personnel de sécurité en faveur ou d'une entreprise qui offre des prestations de sécurité à l'étranger (ch. 2). Cette définition est exhaustive. Comme indiqué au commentaire de l'art. 2, al. 1, let. b, le personnel de sécurité doit être recruté ou formé spécialement pour des prestations de sécurité privées à l'étranger.

En revanche, cette disposition ne vise pas le recrutement de personnel pour exécuter en Suisse des tâches exclusivement administratives pour le compte d'une entreprise assujettie à la loi.

Art. 4, let. c: «participation directe à des hostilités» On entend par «participation directe à des hostilités» une participation directe à des hostilités qui se déroulent dans le cadre d'un conflit armé à l'étranger au sens des Conventions de Genève65 et des protocoles I et II. Le projet de loi propose d'inter64 65

RS 0.518.522 RS 0.518.12, 0.518.23, 0.518.42 et 0.518.51

1615

préter cette notion au regard de ces instruments. Il renonce à prévoir une définition plus précise au motif que cette notion est largement connue en droit international et qu'elle fait l'objet d'une jurisprudence détaillée dans ce domaine.

Au sens des Conventions de Genève et des protocoles I et II, la notion de «participation directe» à des hostilités se réfère à l'implication individuelle d'une personne dans ces hostilités. Cette notion vise des actes spécifiques commis par une personne dans le cadre de la conduite des hostilités entre les parties à un conflit armé. Elle a fait l'objet d'un guide interprétatif du CICR66, dans le but de répondre à la question de savoir quand il y a lieu de considérer qu'une personne participe directement à des hostilités et qu'elle perd par conséquent la protection conférée par le droit international humanitaire contre les attaques directes. Pour être qualifié de «participation directe à des hostilités», un acte doit, selon le CICR, remplir les conditions cumulatives suivantes: a.

L'acte doit être susceptible de nuire aux opérations militaires ou à la capacité militaire d'une partie au conflit, ou être de nature à causer des pertes en vies humaines, des blessures et des destructions à des personnes ou à des biens protégés contre les attaques directes (seuil de nuisance).

b.

Il faut un rapport de causalité directe entre l'acte et les effets nuisibles de cet acte ou d'une opération militaire coordonnée dont cet acte fait partie intégrante (causalité directe).

c.

L'acte doit spécifiquement être destiné à causer directement des effets nuisibles atteignant le seuil de nuisance requis, à l'avantage d'une partie au conflit et au détriment d'une autre (lien de belligérance).

Le Conseil fédéral propose de ne pas recourir au terme de «mercenariat». En effet, cette terminologie renvoie au protocole I et à la Convention des Nations Unies du 4 décembre 1989 contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction des mercenaires qui, comme exposé sous ch. 1.8.1, ne s'appliquent guère aux employés d'une entreprise qui fournit des prestations de sécurité privées à l'étranger.

Reprendre la terminologie de cette convention de l'ONU, que seul un petit nombre de pays peu impliqués dans l'offre ou le recours à des prestations de sécurité privées ont ratifiée jusqu'ici, n'amènerait aucun avantage pratique mais créerait des incertitudes, chose à éviter au nom de la sécurité du droit.

Art. 5

Contrôle d'une entreprise

L'art. 5 définit les conditions du contrôle d'une entreprise. Il s'agit de conditions alternatives. La notion de «contrôle» doit être comprise dans un sens large: il peut également s'agir d'une filiale qui est contrôlée par une entreprise elle-même contrôlée par la société-mère.

La règle définie à l'art. 5, let. a à c, se fonde sur l'art. 963 de la modification du 23 décembre 2011 du code des obligations67.

66

67

Voir le Guide interprétatif du CICR sur la notion de participation directe aux hostilités en droit international humanitaire: www.cicr.org > Ressources > Recherche > «Guide interprétatif sur la notion de participation directe» Message du 21 décembre 2007 concernant la révision du code des obligations (FF 2008 1407; commentaire relatif à l'art. 963 p-CO: FF 2008 1542 ss); FF 2012 59.

1616

Cette disposition, liée à l'obligation d'établir des comptes consolidés, définit les conditions auxquelles une personne morale est réputée contrôler une entreprise tierce au sens de la loi. En ce qui concerne l'obligation de consolidation, la règle appliquée à l'art. 663e CO en vigueur se fonde sur le principe du «contrôle effectif de l'entreprise». Etant donné qu'il n'est pratiquement pas possible de prouver l'exercice d'un tel contrôle, on a remplacé ce critère, dans le nouvel art. 963 nouveau CO, par celui plus large du «principe du contrôle», qui désigne la «possibilité de contrôler l'entreprise». Ce principe de contrôle a été repris dans le présent projet de loi, qui entend régler tous les aspects de la fourniture de prestations de sécurité, et dont le champ d'application est très large. Il suffira donc qu'une société qui fournit des prestations de sécurité à l'étranger ait la possibilité de contrôler une entreprise pour qu'elle tombe sous le coup du projet de loi. Par ailleurs, il a fallu étendre la portée du nouvel art. 963 CO, trop limitée, puisque ce dernier ne concerne que les personnes morales (corporations et institutions de droit public ou privé). On a donc ajouté, à l'art. 5 du projet de loi, les personnes physiques et les entreprises au sens de l'art. 2. L'art. 2 couvre également les sociétés de personnes (sociétés simples, sociétés en commandite, sociétés en nom collectif), qui peuvent elles aussi contrôler des entreprises fournissant des services de sécurité à l'étranger.

L'entreprise est réputée contrôlée notamment lorsqu'une personne physique ou morale ou une société de personnes dispose directement ou indirectement de la majorité des voix au sein de l'organe suprême (assemblée générale dans une société anonyme). Il y a également contrôle lorsqu'une personne physique ou une entreprise dispose directement ou indirectement du droit de désigner ou de révoquer la majorité des membres de l'organe supérieur de direction ou d'administration (conseil d'administration dans une société anonyme), ou si une influence dominante peut être exercée en vertu des statuts, de l'acte de fondation, d'un contrat (convention d'actionnaires, société de personnes, etc.) ou d'autres instruments comparables.

L'art. 5, al. 2, let. a à c, du projet de loi, est calqué sur l'art. 6, al. 3, let. a à c, de la
loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger68. Il règle le contrôle des sociétés de personnes qui fournissent des prestations de sécurité à l'étranger. Dans les sociétés de personnes sans personnalité juridique, l'actif social est la propriété de l'ensemble des associés, qui peuvent tous prétendre à en disposer. Dans les sociétés qui fournissent des prestations de sécurité, cet actif est constitué des moyens d'exploitation nécessaires à l'exercice de l'activité (véhicules, armes, locaux de formation, etc.). L'entreprise de sécurité qui dispose de ces moyens d'exploitation à l'étranger est également soumise au projet de loi. On présume qu'une société en nom collectif est contrôlée lorsqu'une personne ou plusieurs personnes (physiques) sont des associés indéfiniment responsables (art. 5, al. 2, let. a). Ont qualité d'associé indéfiniment responsable tous les membres de la société en nom collectif (cf. art. 552, al. 1, CO) de même que, dans les sociétés en commandite, tous les associés solidairement responsables (art. 594, al. 1 et 2, CO).

Dans ces deux cas, il y a responsabilité personnelle et illimitée à l'égard des dettes de la société.

La règle définie à l'art. 5, al. 2, let. b, du projet de loi étend son application aux commanditaires (personnes physiques ou morales ou sociétés commerciales), qui assument une responsabilité limitée, mais qui n'en sont pas moins propriétaires en main commune du patrimoine de la société.

68

RS 211.412.41

1617

Est réputé contrôler la société en commandite, le commanditaire qui met à sa disposition des moyens supérieurs au tiers de ses fonds propres.

L'art. 5, al. 2, let. c, du projet de loi règle les cas où un tiers met à disposition des fonds remboursables (sous la forme de prêts p. ex.) à une société de personnes fournissant des services de sécurité ou à des associés ayant une responsabilité illimitée. Pour qu'il y ait contrôle de la société, il faut que ces fonds représentent plus de la moitié de la différence entre l'ensemble des actifs de la société et l'ensemble des dettes contractées (fonds étrangers) par celle-ci auprès de tiers qui ne fournissent pas de services de sécurité.

Art. 6

Sous-traitance

L'art. 6, al. 1, du projet de loi vise à garantir que les dispositions légales soient respectées non seulement par les entreprises qui se sont engagées vis-à-vis du mandant à fournir des prestations de sécurité ou d'autres services en lien avec ces dernières, mais aussi, et de manière égale, par celles à qui de tels mandats sont sous-traités.

S'agissant de la responsabilité de l'entreprise en cas de dommage causé par le soustraitant, l'art. 6, al. 2, du projet renvoie aux dispositions du CO. Cette solution a l'avantage de permettre l'application des dispositions sur la responsabilité et des clauses exonératoires prévues pour les différents types de contrat.

La violation de l'art. 6 sera sanctionnée. En vertu de l'art. 14, al. 3, du projet de loi, l'autorité interdira à une entreprise de sous-traiter une activité lorsque le soustraitant ne respecte pas les limites fixées à l'art. 6.

Art. 7

Adhésion au Code de conduite international des entreprises de sécurité privées

L'al. 1 prévoit une obligation pour les entreprises d'adhérer au Code de conduite international des entreprises de sécurité privées dans sa teneur du 9 novembre 2010 (code de conduite). Cette obligation s'applique non seulement aux entreprises qui exercent des activités en Suisse ou depuis la Suisse (art. 2, al. 1), mais aussi à celles qui assument des tâches de protection pour la Confédération (art. 2, al. 3, et 31, al. 1, let. b). Les fournisseurs de prestations de sécurité établis et actifs à l'étranger sont donc également tenus d'y adhérer lorsqu'ils travaillent pour le compte d'une autorité fédérale. L'adhésion implique bien entendu également l'obligation de respecter intégralement les dispositions du code de conduite.

Toute violation de l'obligation prévue à l'art. 7 fera l'objet d'une sanction administrative de l'autorité compétente, sous la forme d'une interdiction (art. 14, al. 2, let. c).

L'al. 2 prévoit une norme de délégation en faveur du département auquel l'autorité compétente est subordonnée. En vertu de cette disposition, celui-ci pourra décider qu'une modification du code de conduite est applicable aux faits régis par le projet de loi s'il s'agit d'une modification qui ne contrevient pas au projet de loi.

1618

2.2 Art. 8

Interdictions Participation directe à des hostilités

L'art. 8 est un élément central du projet. Il décrit les activités interdites dans le cadre d'une participation directe à des hostilités à l'étranger. L'interdiction est absolue.

Ces activités couvrent les différents aspects du «mercenariat», dont l'interdiction a été unanimement voulue par les chambres. La disposition s'appuie toutefois sur un autre terme que celui de mercenariat, dont la définition par le droit international est très restrictive (cf. ch. 1.8.1). L'interdiction absolue d'exercer les activités visées permettra à la Suisse de ne pas se trouver indirectement impliquée dans un conflit armé à l'étranger.

Conformément à la définition de l'art. 4, let. c, l'interdiction légale inscrite à l'art. 8 s'applique à la participation directe à des hostilités dans le cadre d'un conflit armé à l'étranger au sens des Conventions de Genève et des protocoles I et II.

Art. 8, al. 1 L'art. 8, al. 1, interdit diverses activités d'entreprises débouchant sur une participation directe à des hostilités à l'étranger. L'accent n'est pas mis sur les individus qui participent à un conflit armé mais sur les entreprises qui organisent ou qui préparent depuis la Suisse la participation d'individus à un conflit. La participation même des individus à des hostilités est régie par l'al. 2.

L'al. 1, let. a, interdit de recruter ou de former en Suisse du personnel pour une participation directe à des hostilités à l'étranger. Est considéré ici le recrutement de personnel sur territoire suisse, qui peut également s'effectuer sous une forme virtuelle, par exemple au moyen d'une plateforme Internet dont l'exploitant a son domicile en Suisse. Les formations couvertes par le projet de loi incluent les camps d'entraînement au combat, les exercices de maniement d'armes, mais aussi les cours de stratégie et de tactique et d'autres formations dans les domaines de la logistique, des transmissions, de la collecte d'informations ou du contre-espionnage. Le seul fait de recruter ou de former de futurs combattants pour qu'ils puissent, de manière générale, être engagés à l'étranger remplit déjà la condition prévue à l'al. 1, let. a; leur préparation ne doit pas forcément viser une participation à un conflit précis.

L'al. 1, let. b, interdit de mettre à disposition depuis la Suisse, à titre d'intermédiaire ou directement, du
personnel pour une participation directe à des hostilités à l'étranger. Le personnel en question ne doit pas forcément se trouver ni le recrutement s'effectuer en Suisse. Toutefois, l'activité exercée en Suisse par une entreprise et tombant sous le coup de l'interdiction permettra au bénéficiaire de cette activité de se mettre en contact avec des fournisseurs de «services de mercenariat».

L'al. 1, let. c, interdit de constituer, d'établir, d'exploiter ou de diriger en Suisse une entreprise qui recrute ou forme du personnel ou qui, à titre d'intermédiaire ou directement, met à disposition du personnel pour une participation directe à des hostilités à l'étranger. Contrairement à la let. b, le critère déterminant est le lien de l'entreprise avec la Suisse, alors que les activités concernées par l'interdiction sont exercées à l'étranger. Il en va de même de la «clause holding» visée à la let. d.

1619

Art. 8, al. 2 L'art. 8, al. 2, qui interdit le mercenariat individuel, vise les personnes qui participent directement à des hostilités. Les critères justifiant une interdiction sont cumulatifs: l'individu doit à la fois être domicilié ou avoir sa résidence habituelle en Suisse et être au service de personnes ou d'une entreprise assujetties à la loi. L'interdiction ne s'applique pas si une seule de ces conditions est remplie.

La punissabilité des individus découle donc d'un double lien avec la Suisse. Outre le fait qu'ils soient domiciliés ou qu'ils aient leur résidence habituelle en Suisse, il faut que l'entreprise pour laquelle ils travaillent soit domicilié ou active en Suisse ou contrôlée depuis notre pays. Le projet de loi ne punit que les activités qui présentent un lien suffisamment solide avec la Suisse et qui l'exposent donc de manière sensible. Les têtes brûlées pourront continuer d'aller se frotter aux dangers sans s'exposer à des sanctions, à moins qu'ils ne commettent des actes illégaux. Les actions sporadiques de citoyens suisses à l'étranger n'engagent pas la Suisse en tant qu'Etat. Le projet de loi vise à interdire l'organisation d'activités de mercenariat par des entreprises pouvant être reliées à notre pays. Si l'on entendait renforcer les interdictions concernant les individus, il faudrait le faire dans un cadre autre que le présent projet de loi, axé sur les entreprises de sécurité, et profiter d'une révision des dispositions du CP et du CPM69 portant sur la protection de l'Etat et la défense nationale.

Les réflexions suivantes ont été déterminantes pour le projet: la Suisse ne peut pas interdire de manière universelle l'activité de mercenariat au niveau individuel. Pour que la loi soit applicable et efficace, il faut qu'elle se limite aux infractions qui présentent un lien clair avec la Suisse, à savoir aux cas qui risquent le plus d'impliquer notre pays dans un conflit armé. Le projet de loi vise avant tout à écarter ce risque.

Le critère du domicile ou de la résidence habituelle est repris de la formulation retenue à l'art. 20, al. 1, let. a et b, LDIP70. Il couvre les Suisses et les étrangers qui ne séjournent pas temporairement en Suisse; il exclut donc les personnes qui sont en transit ou en vacances en Suisse. Peu importe que la prise de contact avec l'entreprise
participant à des hostilités se fasse en Suisse ou à l'étranger, du moment que la personne a son domicile ou sa résidence habituelle en Suisse. La nationalité suisse n'est en revanche pas un critère: les ressortissants suisses établis à l'étranger ne sont donc pas visés par l'art. 8, al. 2. Le choix des critères tient compte de considérations pratiques et s'inspire du but de la loi. Sanctionner des personnes résidant dans un pays lointain et participant à un conflit dans ce pays ou un pays tiers nécessiterait des efforts disproportionnés. Sans compter que c'est avant tout au pays de domicile d'agir pour empêcher ses résidents de participer à des hostilités. Pour le reste, une telle participation présenterait pour les intérêts de la Suisse un risque nettement moins marqué que si elle était le fait de personnes domiciliées en Suisse.

Pour ce qui est de la définition sur le fond de la participation directe à des hostilités, on peut se référer à la pratique élaborée dans le sillage de l'application des conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels (cf. art. 4, let. c). Selon le guide interprétatif du CICR, les actes suivants peuvent être considérés comme une participation directe aux hostilités:

69 70

Voir les ch. 1.2.6 et 1.2.7 RS 291

1620

­

Le fait d'assumer une fonction de combat pour les forces armées d'un Etat partie à un conflit armé. En revanche, la fonction de personnel sanitaire et religieux au sein des forces armées d'un Etat impliqué dans un conflit ne constitue pas une participation directe aux hostilités.

­

Le fait d'assumer une fonction de combat pour un groupe armé organisé appartenant à une partie non étatique impliquée dans un conflit armé non international.

­

La défense du personnel militaire et d'autres objectifs militaires contre des attaques ennemies. En revanche, la protection du personnel militaire et d'objectifs militaires exclusivement contre des actes criminels ou contre des actes de violence sans rapport avec des hostilités relève du maintien de l'ordre ou de la légitime défense.

­

Le transport de munitions par du personnel de sécurité jusqu'à une zone de tir sur la ligne de front. En revanche, le fait de transporter des munitions de l'usine au port où elles sont ensuite embarquées pour rejoindre un entrepôt dans une zone de crise ou de conflit ne présente pas un lien suffisamment étroit avec les opérations militaires en cours pour être considéré comme étant une participation «directe» aux hostilités.

Certaines formes de soutien logistique indispensables aux opérations de combat, comme le ravitaillement sur les lignes de front, seront également assimilables à une «participation directe» aux hostilités. Il en ira autrement de l'exploitation d'une laverie ou d'une cantine à l'arrière. Dans certaines circonstances, une activité menée en Suisse pourra également être assimilée à une participation directe à des hostilités à l'étranger. Tel sera le cas si la personne concernée y exécute des actes spécifiques dans le cadre de la conduite des hostilités, par exemple en piratant, depuis notre pays, le système informatique ou de communication militaire d'une partie au conflit afin de soutenir directement les opérations de combat d'une autre partie belligérante.

Un individu a l'interdiction de participer directement à des hostilités seulement s'il est au service de personnes ou d'entreprises qui sont assujetties au projet de loi.

Cette règle est conforme à l'orientation du projet, dirigé en premier lieu contre les entreprises de mercenariat. Les intérêts de la Suisse sont menacés non par les actes isolés ­ aussi réprouvables soient-ils ­ d'amateurs de sensations fortes, mais par les activités organisées des entreprises. Le fait d'utiliser l'entreprise comme critère de rattachement permet en outre d'éviter les difficultés liées à une pesée des intérêts étatiques et privés et résout des questions délicates d'interprétation du droit international public, ce qui présente des avantages notamment dans le cas des conflits armés internes. Il ne serait en effet pas possible d'interdire à un étranger résidant en Suisse de participer à un conflit armé interne à son pays, pour le compte de son gouvernement, s'il ne le fait pas depuis le territoire suisse. Une telle interdiction ne serait pas compatible avec l'obligation de non-intervention dans les affaires intérieures d'un Etat, telle que la définissent l'art. 2, par. 7, de la Charte des Nations Unies71 et le droit coutumier international. Ce sont des raisons identiques, en plus de considérations découlant de la politique de neutralité, qui interdisent à la Suisse de soutenir une participation directe à une rébellion. Selon le droit en vigueur, la participation armée d'étrangers à un conflit qui frappe leur pays, en faveur du gouvernement

71

RS 0.120

1621

ou des rebelles, n'est pas punissable du moment qu'elle ne se fait pas depuis la Suisse et qu'elle n'est pas interdite par le droit international public72.

Le rattachement de l'interdiction à l'activité d'une personne ou d'une entreprise assujettie au projet de loi permet d'éviter des discussions infructueuses concernant la question des motivations des participants. Le but idéal ou financier d'une participation à un conflit importe peu du moment que l'individu est au service d'un groupe de personnes ou d'une entreprise. Il n'est pas indispensable qu'un contrat règle les rapports de travail, même si ce sera le cas la plupart du temps. Le choix d'une formulation ouverte permet d'inclure également, par exemple, la participation non rémunérée à des hostilités. Il se justifie par le fait que les définitions utilisées au niveau international pour le mercenariat sont trop restrictives (elles supposent entre autres que le participant a un intérêt financier personnel) et qu'elles sont donc inapplicables ici. Une participation à des hostilités pour des motifs essentiellement politiques ou idéologiques peut tout aussi bien menacer les intérêts de la Suisse.

Les interdictions mentionnées à l'art. 8 servent de base à la sanction pénale définie à l'art. 21. Toute violation sera sanctionnée par une peine privative de liberté de trois ans au plus.

Les personnes qui prennent part à un conflit armé répondent par ailleurs de toutes les infractions au CP73 qu'elles commettraient dans le cadre de cette participation (voir le ch. 1.2.6).

L'art. 8 met en oeuvre les bonnes pratiques 1 et 53 du Document de Montreux.

Art. 9

Grave violation des droits de l'homme

L'interdiction prévue à l'art. 9 ne concerne pas la violation même des droits de l'homme, mais les entreprises de sécurité et les prestations de sécurité, ainsi que toutes les autres activités liées à ces dernières qui peuvent manifestement contribuer à la commission d'une grave violation des droits de l'homme («dont il faut présumer que le destinataire ou les destinataires l'utiliseront dans le cadre de la commission de graves violations des droits de l'homme»). La Suisse a tout intérêt à empêcher l'exercice, depuis son territoire, d'activités favorisant de telles violations. L'interdiction visée à l'art. 9 ne concerne que les violations graves des droits de l'homme qui seraient réprimées comme crimes ou délits, si elles étaient commises en Suisse (voir art. 21, al. 2). Comme alternative, l'autorité compétente pourra le cas échéant interdire des prestations de sécurité pouvant conduire à d'autres violations des droits de l'homme en vertu de l'art 14, al. 1, let. b (voir le commentaire correspondant).

72

73

Selon l'art. 300 CP (actes d'hostilité contre un belligérant ou des troupes étrangères), est punissable «celui qui, du territoire neutre de la Suisse, aura entrepris ou favorisé des actes d'hostilité contre un belligérant». Le caractère punissable de l'acte se limite ici aux activités menées depuis la Suisse dans le cadre de conflits internationaux. Le ch. 1, al. 2, de l'art. 299 (violation de la souveraineté territoriale étrangère) est défini de manière un peu plus large, étant donné qu'il sanctionne le fait de pénétrer contrairement au droit des gens sur le territoire de l'Etat étranger. Le retour d'un ressortissant étranger dans son pays dans le but de rejoindre une rébellion ne devrait pas tomber sous le coup de cette disposition, du moins s'il y entre désarmé. Le ch. 2 de la disposition ne sanctionne le fait de troubler par la violence l'ordre politique d'un Etat étranger que si l'acte part du territoire suisse.

Enfin, l'atteinte à la puissance défensive du pays visée à l'art. 94 CPM (RS 321.0) ne s'applique qu'aux citoyens suisses.

RS 311.0

1622

La let. a porte sur les prestations de sécurité et les autres prestations en rapport avec celles-ci. Le deuxième groupe comprend le recrutement, la formation et la mise à disposition (à titre d'intermédiaire ou directement) de personnel pour des prestations de sécurité à l'étranger (art. 4, let. b). Pour être soumises à l'interdiction, ces activités doivent avoir lieu depuis la Suisse et favoriser la commission, par leur destinataire, de violations graves des droits de l'homme à l'étranger.

Parmi les violations graves des droits de l'homme, on trouve les homicides arbitraires, la torture, les traitements et les peines cruels, inhumains et dégradants, l'enlèvement, la détention abusive et la répression systématique de la liberté d'opinion. La liste n'est pas exhaustive. Le CP74 contient des définitions semblables, par exemple à l'art. 264c, qui vise des infractions graves aux conventions de Genève. Le fait de limiter le projet de loi aux violations graves des droits de l'homme se justifie du fait que l'art. 9, al. 1, let. a, ne porte pas sur les violations des droits de l'homme en elles-mêmes, qui sont de toute manière punissables. C'est le destinataire des prestations de sécurité qui se rend coupable de ces violations, et non leur fournisseur.

L'al. 1, let. a, vise les activités qui, dans un cas concret, contribuent à de graves violations des droits de l'homme, mais qui, en tant que telles, ne présentent pas de problème. A titre d'exemple, on peut citera gestion et le contrôle d'une prison par une entreprise de sécurité privée. Cette activité est tout à fait légitime lorsqu'elle a lieu dans un Etat de droit, dans lequel règne la démocratie. Il en va tout autrement lorsque la prison se situe dans un Etat totalitaire dont il est notoire qu'il pratique la torture. Dans un tel cas, l'entreprise de sécurité privée qui gère ou contrôle la prison apporte une contribution considérable à ce que le destinataire puisse commettre de graves violations des droits de l'homme. Le terme «considérable» montre bien que la contribution doit atteindre une «certaine intensité». Le projet de loi prévoit d'interdire uniquement les prestations de sécurité privées dont «il faut présumer que le destinataire ou les destinataires [les] utiliseront dans le cadre de la commission de graves violations des droits de l'homme». Outre
le fait que la contribution doive être d'une certaine intensité, il faut donc que le lien entre la fourniture du service et la violation grave des droits de l'homme soit reconnaissable pour l'entreprise fournissant la prestation de sécurité privée. C'est le cas lorsque toute personne saine d'esprit doit réaliser que la prestation fournie est essentielle à la commission des crimes en question.

Les let. b et c couvrent la constitution, l'établissement, l'exploitation, la direction (let. b) et le contrôle (let. c) des entreprises qui fournissent des prestations de sécurité privées ou des prestations en rapport avec ces dernières au sens de la let. a. Du point de vue des buts poursuivis par le projet de loi, on ne saurait tolérer la présence en Suisse d'entreprises de sécurité ou de sociétés holding qui contrôlent des entreprises de sécurité lorsqu'il doit être évident pour elles que les prestations qu'elles fournissent ou les entreprises qu'elles contrôlent contribuent à la commission de graves violations des droits de l'homme.

La violation de l'art. 9 sera sanctionnée par une peine privative de liberté de trois ans au plus (art. 21, al. 2).

Cette disposition met en oeuvre les bonnes pratiques 1 et 53 du Document de Montreux.

74

RS 311.0

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2.3 Art. 10

Procédure Obligation de déclarer

L'al. 1 pose le principe que toute entreprise qui envisage d'exercer une des activités visées à l'art. 2, al. 1, est tenue de le déclarer préalablement à l'autorité compétente et de lui fournir un certain nombre d'informations notamment sur l'activité envisagée, sur le fournisseur (également en cas de sous-traitance), sur le personnel qui exécutera la prestation, sur sa formation et sur l'ensemble des activités de l'entreprise. Celle-ci doit également lui communiquer l'identité des responsables. Elle doit en outre fournir une attestation de son adhésion au code de conduite.

L'al. 2 précise que toute entreprise qui contrôle une entreprise de sécurité (art. 2, al. 1, let. d, et art. 5 du projet de loi) doit non seulement déclarer son activité de contrôle mais aussi les prestations de sécurité fournies par l'entreprise contrôlée à l'étranger en fournissant les informations prévues à l'al. 1. Une société holding établie en Suisse ne pourra donc pas prétendre n'être en mesure de fournir des renseignements que sur ses propres activités, limitées, mais pas sur les activités opérationnelles fournies par l'entreprise qu'elle contrôle à l'étranger. Cette «clause holding» contribue à la protection des intérêts de la Suisse, que le projet de loi vise à assurer. Un lien avec la Suisse ne saurait être établi uniquement avec des entreprises qui agissent à l'étranger à partir de notre pays mais aussi avec des sociétés qui contrôlent depuis la Suisse des entreprises opérant à l'étranger.

La procédure de déclaration doit être simple. La déclaration pourra être effectuée par écrit ou par voie électronique. L'obligation de déclarer est conçue comme une «dette portable» de l'entreprise concernée. Il incombe à celle-ci de fournir les informations nécessaires à l'autorité compétente. Le cas échéant, l'autorité compétente pourra exiger des informations complémentaires. L'entreprise sera tenue de collaborer.

L'al. 3 garantit que l'entreprise de sécurité ne se limitera pas à renseigner l'autorité, à l'avance, sur les prestations ou autres activités visées par le projet de loi; l'autorité devra être immédiatement informée si les circonstances se modifient ou se sont considérablement modifiées depuis la déclaration. Par modification notable, on entend non pas les éventuelles modifications apportées au contrat ou nouvelles
prestations fournies, dont le cas est déjà réglé à l'al. 1, mais des facteurs externes, sur lesquels l'entreprise ne peut pas influer, mais qui pourraient rendre nécessaire un réexamen de la conformité de certaines prestations aux buts visés à l'art. 1. A titre d'exemple, une région jugée sûre dans un premier temps pourrait se trouver transformée, après l'éclatement d'un conflit interne, en zone de crise ou de conflit. Dans un tel cas, l'autorité doit pouvoir revoir son appréciation de la situation, ce qui implique que l'entreprise lui fournisse les informations requises. L'autorité doit d'autre part informer immédiatement l'entreprise si l'activité peut être poursuivie ou non. Selon les cas, il est possible qu'un contrat en cours d'exécution ne puisse pas être interrompu sans avoir des conséquences négatives pour le fournisseur de la prestation ou pour les personnes qu'il doit protéger. Par exemple, lorsqu'une entreprise assure la protection de personnes et qu'un conflit armé éclate au lieu d'exécution de la prestation, il peut s'avérer nécessaire, selon les circonstances, de maintenir l'exécution du contrat au moins jusqu'à ce que les personnes à protéger soient en sécurité. L'autorité devra tenir compte de ces aspects.

La violation de l'obligation de déclarer sera sanctionnée (art. 23).

1624

Une disposition transitoire règle l'obligation de déclarer les activités en cours d'exécution au moment de l'entrée en vigueur de la loi (art. 39, al. 1).

Les art. 10 et suivants mettent en oeuvre les bonnes pratiques 57 à 67 du Document de Montreux.

Art. 11

Obligation de s'abstenir

En vertu de cette obligation, l'entreprise est tenue de s'abstenir d'exercer l'activité déclarée jusqu'à la communication ou la décision de l'autorité compétente selon les art. 12 à 14.

L'al. 2 prévoit que l'autorité peut exceptionnellement autoriser une entreprise à exercer son activité pour la durée de la procédure, si un intérêt public ou privé prépondérant prévaut. Il peut y avoir un intérêt privé prépondérant, par exemple, lorsqu'il n'existe aucune interdiction légale, qu'il est très peu probable qu'une autorité prononce une interdiction et qu'une certaine prestation de sécurité doit être fournie sans délai, dans un temps donné (p. ex. protection d'un transport du lieu A à B le jour X).

La violation de l'obligation de s'abstenir sera sanctionnée (art. 23).

Art. 12

Communication de l'autorité

Cette disposition règle la procédure applicable une fois que l'autorité a été informée.

Dans un délai de 14 jours à compter de la date de réception de la déclaration, l'autorité doit communiquer à l'entreprise si, en l'état, l'activité déclarée nécessite ou non l'ouverture d'une procédure d'examen.

Dans l'hypothèse où l'autorité constate, qu'aucun des motifs prévus à l'art. 13 ne s'applique au cas d'espèce, elle communique à l'entreprise qu'il n'y a pas lieu d'ouvrir une procédure d'examen et celle-ci pourra exercer l'activité déclarée. Cette communication ne constitue toutefois pas une décision au sens de l'art. 5 de la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)75. Il ne s'agit donc pas d'une autorisation de l'autorité compétente accordée à l'entreprise concernée de fournir une prestation de sécurité privée à l'étranger. Dans sa communication, l'autorité compétente indique qu'elle renonce «en l'état» à ouvrir une procédure d'examen, en ce sens qu'elle pourra le faire ultérieurement si les circonstances relatives à l'activité déclarée se sont notablement modifiées (art. 13, al. 1, let. b).

Si l'autorité compétente arrive à la conclusion qu'une procédure d'examen doit être ouverte pour un des motifs prévus à l'art. 13, elle le communique à l'entreprise concernée.

Art. 13

Procédure d'examen

Comme il ressort de l'art. 13, al. 1, let. a, l'autorité compétente ouvre une procédure d'examen si des indices font penser que l'activité déclarée pourrait être contraire aux buts de l'art. 1. De tels indices peuvent notamment résulter de la nature de la prestation (par exemple la prise en charge de prisonniers et l'exploitation d'une prison), du lieu d'exécution de l'activité (une zone où se déroule un conflit armé), de l'identité du destinataire de la prestation (une partie à un conflit armé ou un dictateur), ou de 75

RS 172.021

1625

la nature des tâches que le personnel de sécurité devra assumer (un soutien aux forces armées ou de sécurité).

L'al. 1, let. b, prévoit que l'autorité compétente ouvre également une procédure d'examen si les circonstances relatives à une activité déclarée se modifient notablement ou se sont notablement modifiées depuis la communication au sens de l'art. 12.

Tel est le cas par exemple lorsque l'autorité compétente a connaissance de nouveaux faits ou si la situation dans le pays du lieu d'exécution de la prestation s'est fondamentalement modifiée après qu'un conflit armé a éclaté.

Selon l'al. 1, let. c, une procédure d'examen est en outre ouverte si l'autorité prend connaissance d'une activité qui n'a pas été déclarée. Dans ce cas, elle informe l'entreprise et l'invite à prendre position dans un délai de dix jours (al. 2). Le cas échéant, elle peut exiger que l'entreprise collabore et peut effectuer des contrôles à certaines conditions (art. 18 et 19). L'obligation de s'abstenir prévue à l'art. 11, al. 1, s'applique par analogie.

Quant à l'al. 1, let. d, il prévoit que l'autorité compétente ouvre également une procédure d'examen si elle a connaissance d'une violation du droit suisse (notamment de l'obligation de respecter le code de conduite) ou du droit international. Elle dénoncera toute infraction (par exemple une violation des art. 8 ou 9) au Ministère public de la Confédération (art. 27).

En vertu de l'al. 3, l'autorité compétente consultera les autorités concernées, y compris les autorités cantonales (offices cantonaux du registre du commerce, offices des poursuites, éventuellement organes de sécurité cantonaux, etc.).

L'autorité compétente communique à l'entreprise l'issue de la procédure d'examen, dans un délai de 30 jours (al. 4). Il s'agit d'un délai d'ordre. Ce délai peut toutefois être prolongé si nécessaire, par exemple lorsqu'il s'agit de cas complexes ou d'une activité qui n'a pas été déclarée. Les règles en matière de déni de justice formel sont pour le surplus applicables. En fonction de ses conclusions, elle communiquera à l'entreprise que la procédure d'examen est en l'état terminée, qu'elle a dénoncé les faits au Ministère public de la Confédération (violation des art. 8 ou 9), ou lui notifiera une décision d'interdiction (art. 14).

L'autorité compétente percevra un émolument
pour la procédure d'examen conformément à l'art. 17, al. 1, let. a, du projet de loi. Cette décision relative aux émoluments ­ contrairement à la procédure d'examen elle-même ­ sera susceptible de recours.

Art. 14

Interdiction par l'autorité compétente

Certaines activités ne tomberont pas sous le coup des interdictions légales prévues aux art. 8 à 9 mais peuvent être contraires, selon le cas d'espèce, aux buts de l'art. 1.

L'art. 14, al. 1, oblige dès lors l'autorité compétente à interdire tout ou partie d'une activité si elle est contraire à la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (art. 1, let. a), à la mise en oeuvre des objectifs de la politique extérieure de celle-ci (art. 1, let. b), à la neutralité suisse (art. 1, let. c) ou au respect du droit international, notamment au respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire (art. 1, let. d). Le cas échéant, l'autorité interdira seulement une partie de l'activité déclarée.

1626

Contrairement aux art. 8 et 9, l'art. 14 ne prévoit pas d'interdiction ex lege mais une interdiction au cas par cas, prononcée par l'autorité compétente. Cette règle se justifie par le fait qu'il peut être difficile pour les entreprises assujetties au projet de loi de déterminer dans quelle mesure les intérêts de la Suisse énoncés de manière générale à l'art. 1 sont touchés dans le cas concret. Etant donné qu'une infraction à cette disposition est passible d'une sanction pénale (art. 22 du projet de loi), le comportement visé doit être précisé. Les let. a à c (et la let. d dans une moindre mesure) accordent à l'autorité compétente une marge d'appréciation relativement large pour déterminer si une activité contrevient à tout ou partie des buts de l'art. 1.

Si c'est le cas, elle devra impérativement prononcer une interdiction, entière ou partielle.

Les lettres a à f citent de manière exemplaire (donc non exhaustive) des situations dans lesquelles des prestations de sécurité privées peuvent entrer facilement en conflit avec les intérêts protégés par l'art. 1. L'autorité compétente devra y prêter une attention particulière. Si elle constate une incompatibilité, elle devra prononcer une interdiction. Le projet de loi mentionne les cas suivants: ­

76 77 78

Let. a: la prestation de sécurité privée est fournie à une personne, à une société ou à un organe étranger dans une zone de crise ou de conflit. On entend par «zone de crise ou de conflit» une région ou un Etat où se déroule un conflit armé. Cette notion vise uniquement les régions ou les Etats qui sont le théâtre d'un conflit. Si un conflit oppose deux Etats mais qu'il se déroule uniquement dans un pays, seul celui-ci est considéré comme une zone de crise ou de conflit au sens de cette disposition. La notion de «zone de crise ou de conflit» vise également une zone de tensions internes ou de troubles intérieurs qui ne constituent pas des conflits armés (voir art. 1, par. 2, du protocole II76). Il peut s'agir d'une région ou d'un pays où des mouvements séparatistes sont actifs ou d'un Etat dépourvu de structures étatiques opérationnelles ou disposant de structures étatiques fortement affaiblies, par exemple lorsque les principales institutions étatiques ou des forces armées ou de sécurité y sont inexistantes ou quasi inexistantes. Enfin, la notion de «zone de crise ou de conflit» peut viser une région ou un Etat où les droits de l'homme sont systématiquement et gravement violés. Cette double qualification d'un point de vue quantitatif et qualitatif doit garantir que des prestations de sécurité puissent être fournies dans un environnement difficile, aussi longtemps que les prestations ne sont pas elles-mêmes problématiques.

Une violation est systématique, par exemple lorsqu'un Etat applique régulièrement la torture et des traitements inhumains et dégradants aux personnes se trouvant sur son territoire (art. 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales77 et art. 7 du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques78) ou lorsqu'il a pour pratique de prononcer la peine capitale pour des délits mineurs. Quelques cas isolés de violations des droits de l'homme dans un pays ne suffisent donc pas pour que celui-ci soit considéré comme une zone de crise ou de conflit. En vertu de la let. a, l'autorité compétente interdira par exemple la fourniture d'une prestation de sécurité privée à un Etat, une personne ou une entité si cela enfreint à des sanctions du Conseil de RS 0.518.522 RS 0.101 RS 0.103.2

1627

sécurité des Nations Unies. Par contre, on ne vise pas ici la fourniture de prestations de sécurité privées en faveur du CICR ou à des organismes suisses, tels que des ambassades suisses ou des bureaux de la Direction du développement et de la coopération (DDC).

­

Let. b: la fourniture d'une prestation de sécurité privée à des organes ou des personnes peut servir à la commission de violations des droits de l'homme.

L'art. 14, al. 1, let. b, complète l'interdiction visée à l'art. 9. Ce dernier prévoit une interdiction absolue ex lege de toute prestation de sécurité si le fournisseur doit présumer que son destinataire en tire profit pour commettre de graves violations des droits de l'homme. L'autorité compétente peut s'appuyer sur l'art. 14, al. 1, let. b, pour interdire en sus la fourniture de prestations, si elle parvient à la conclusion, au terme de son examen, que le destinataire de ces prestations pourrait les utiliser pour violer des droits de l'homme. Le champ d'application de l'art. 14 couvre l'ensemble des droits de l'homme. Comme à l'art. 9, le destinataire des prestations est l'auteur de la violation des droits de l'homme, et non leur fournisseur. L'autorité peut cependant conclure à la nécessité d'interdire une prestation de sécurité en soi tout à fait légitime, au motif qu'elle favorise la violation des droits de l'homme. A la différence de l'interdiction ex lege de l'art. 9, qui concerne des violations graves, dont le fournisseur de prestations doit savoir d'emblée qu'il risque d'en favoriser la commission, l'art. 14, al. 1, let. b, prévoit une interdiction soumise à la décision de l'autorité. Dans ces cas, la situation pour le fournisseur n'est pas toujours claire au départ. L'appréciation des buts de l'art. 1 par l'autorité compétente pourra l'amener à des conclusions différentes selon les circonstances concrètes. Alors que la gestion ou la surveillance d'une prison étrangère dans laquelle la torture est notoire tombera indubitablement sous le coup de l'art. 9, la même prestation doit être examinée par l'autorité compétente conformément à l'art. 14, al. 1, let. b, lorsqu'elle est fournie dans une prison où la liberté de pratiquer sa religion ou la protection de la sphère privée sont violées. Cette autorité devra toutefois faire preuve d'une certaine retenue dans son appréciation. L'art. 14, al. 1, let. b, permettra d'examiner les cas qui dépassent le cadre limité de l'art. 9, lorsque les intérêts de la Suisse sont touchés. L'autorité ne pourra pas s'en prévaloir pour mettre en évidence les lacunes juridiques d'autres Etats ou pour empêcher
des privés de fournir des prestations qui n'affectent en rien les intérêts de l'Etat suisse. Un exemple qui montre l'importance d'une pesée de tous les intérêts en cause selon les buts fixés à l'art. 1 est donné par la surveillance privée d'une école dans laquelle les filles sont victimes d'une discrimination parce qu'elles suivent un programme moins élaboré que les garçons. Il est probable que cette prestation devrait être tolérée dans une large majorité des cas, même si elle concerne une école qui est loin de satisfaire nos standards d'enseignement, sans quoi il serait quasiment impossible de mettre sur pied des écoles en garantissant leur sécurité dans les zones de guerre dominées par des structures patriarcales et archaïques.

­

Let. c: la prestation de sécurité privée consiste en un soutien opérationnel ou logistique à des forces armées ou de sécurité étrangères. Par soutien opérationnel, on entend par exemple la mise à disposition de personnel de sécurité armé à des forces de sécurité étrangères qui doivent faire face à des manifestations de la population ou à des troubles intérieurs. La notion de «soutien

1628

logistique» vise par exemple un soutien pour la mise sur pied d'une infrastructure lors d'une situation d'urgence (arrivée d'un nombre important de réfugiés dans un Etat étranger) ou l'entretien du matériel de guerre des forces armées étrangères en dehors d'un conflit armé. Si la prestation constitue une participation directe à des hostilités, elle tombera sous le coup de l'interdiction légale prévue à l'art. 8.

­

Let. d: cette disposition vise la fourniture d'une prestation en rapport avec des prestations de sécurité dans le domaine du savoir militaire. L'entreprise concernée offre par exemple une formation militaire ou paramilitaire ou met à disposition du personnel spécialisé constitué de membres ayant appartenu dans le passé à des forces armées étatiques. Il n'est pas nécessaire que le pays de destination des futures prestations que le personnel spécialisé sera amené à fournir soit déjà déterminé.

­

Let. e: la prestation de sécurité privée ou la prestation en rapport avec une prestation de sécurité peut servir à des groupes terroristes ou à une organisation criminelle79. Dans ce cas, un simple risque suffit.

­

Let. f: une entreprise veut constituer, établir, diriger ou contrôler une entreprise qui offre des prestations au sens des let. a à e.

L'al. 2 prévoit trois cas dans lesquels l'autorité est tenue de prononcer une interdiction, indépendamment de la question de savoir si l'activité est contraire aux buts de l'art. 1. Ces trois cas concernent des comportements que le législateur considère d'emblée comme inadmissibles et incompatibles avec les buts du projet de loi.

­

Let. a: une entreprise a commis dans le passé de graves violations des droits de l'homme et n'a pas pris de mesures suffisantes pour garantir que de telles violations ne se reproduiront pas. Les antécédents des entreprises de sécurité en matière de droits de l'homme seront déterminants: l'entreprise qui aura fait preuve d'un comportement dénué de scrupules ne devra plus pouvoir exercer son activité, à moins qu'elle puisse démontrer de manière crédible que les violations commises ne se reproduiront plus.

­

Let. b: une entreprise engage du personnel qui n'a pas reçu la formation nécessaire pour l'activité envisagée.

­

Let. c: une entreprise ne respecte pas les dispositions du code de conduite (voir art. 7). En tant qu'initiatrice du code de conduite, la Suisse a un intérêt particulier à interdire des activités susceptibles d'affaiblir cet instrument.

Al. 3: l'autorité compétente interdit à une entreprise de sous-traiter une prestation de sécurité privée ou une prestation en rapport avec une prestation de sécurité lorsque le sous-traitant ne respecte pas les limites fixées à l'art. 6. Dans ce cas, l'autorité doit partir du principe que la sélection de l'entreprise sous-traitante ne s'est pas faite avec tout le soin requis.

L'interdiction prononcée par l'autorité compétente en vertu de l'art. 14 devra être motivée de manière précise. L'entreprise concernée doit être en mesure de déterminer exactement les activités qui lui sont interdites sous peine d'encourir une sanction pénale en vertu de l'art. 22. La décision sera susceptible de recours conformément aux dispositions générales sur la procédure fédérale.

79

Voir art. 6, al. 1bis, LCB.

1629

L'art. 32, al. 1, let. a, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF)80 prévoit que le recours est irrecevable contre les décisions concernant la sûreté intérieure ou extérieure du pays, la neutralité, la protection diplomatique et les autres affaires relevant des relations extérieures. Cette disposition a son pendant à l'art. 83, let. a, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF)81. Selon le Tribunal fédéral, ces exceptions doivent être interprétées de manière restrictive82.

Elles ne visent que les «actes de gouvernement classiques», c'est-à-dire les actes ayant un caractère politique prépondérant. S'il est vrai que les décisions prises en vertu de l'art. 14 touchent notamment aux intérêts de sécurité ou de politique extérieure de la Suisse, elles ne présentent pas un caractère politique prépondérant mais plutôt un caractère juridique puisqu'elles ont pour objet principal d'interdire à une entreprise le droit d'exercer tout ou partie d'une activité. Les art. 32, al. 1, let. a, LTAF et 83, let. a, LTF ne sont donc pas applicables.

La violation de l'interdiction prononcée par l'autorité sera sanctionnée (art. 22).

Art. 15

Autorisation à titre exceptionnel

A titre exceptionnel, le Conseil fédéral peut, en vertu de l'art. 15, al. 1, autoriser une activité qui ne tombe pas sous le coup des art. 8 ou 9 mais qui devrait en principe être interdite par l'art. 14. Il peut envisager une telle autorisation pour préserver un intérêt supérieur de l'Etat. Encore faut-il que cet intérêt prévale manifestement sur celui d'appliquer l'art. 14. Le Conseil fédéral ne saurait appliquer l'exception prévue à l'art. 15 sans faire preuve d'une certaine retenue. Dans aucun cas, une dérogation aux interdictions visées aux art. 8 (participation directe aux hostilités) et 9 (grave violation des droits de l'homme) n'est possible.

En raison de la portée politique de cette exception, la compétence décisionnelle est conférée au Conseil fédéral (art. 47 de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [LOGA]83). L'art. 15 porte sur les activités que l'autorité compétente doit interdire en application de l'art. 14, parce qu'elles contreviennent aux buts de l'art. 1 du projet de loi et qu'elles vont donc à l'encontre des intérêts de la Suisse. L'autorité compétente s'appuie sur des critères juridiques dans son appréciation. Certains cas peuvent toutefois présenter une portée politique au plus haut niveau, raison pour laquelle le projet de loi accorde au Conseil fédéral une certaine marge de manoeuvre lui permettant d'autoriser exceptionnellement certaines activités que l'autorité compétente devrait interdire en vertu de l'art. 14.

Les exceptions ne doivent pas forcément concerner des situations graves. A titre d'exemple, il pourra être indiqué, dans un cas particulier, d'autoriser exceptionnellement, pour des raisons politiques, une prestation de sécurité urgente dans un endroit reculé, même si le personnel privé mandaté ne dispose pas (encore) de la formation nécessaire au sens de l'art. 14, al. 2, let. b. Le Conseil fédéral pourrait également envisager une autorisation exceptionnelle, lorsqu'un Etat entretenant de bonnes relations avec la Suisse entend engager une entreprise assujettie au projet de loi pour participer à une opération de libération d'otages à l'étranger, participation

80 81 82 83

RS 173.32 RS 173.110 ATF 137 I 371 RS 172.010

1630

qui pourrait éventuellement compromettre légèrement la sécurité de la Suisse ou celle d'intérêts suisses à l'étranger.

Le Conseil fédéral pourra également considérer que l'intérêt supérieur de l'Etat justifie qu'il déroge à l'art. 14 et autoriser exceptionnellement une entreprise assujettie au projet de loi à agir dans le cadre d'une opération de maintien de la paix au sens du chapitre VII de la charte des Nations Unies et sur mandat de cette dernière ou d'une autre organisation supranationale ou internationale.

En vertu de l'al. 2, seule l'autorité compétente est habilitée à communiquer au Conseil fédéral les cas à trancher. Par contre, les entreprises de sécurité ne sont pas en droit de saisir le Conseil fédéral pour qu'il leur accorde une autorisation exceptionnelle au sens de l'art. 15.

L'autorisation à titre exceptionnel est délivrée sous la forme d'une décision contre laquelle aucun recours n'est possible. L'intérêt supérieur de l'Etat, au nom duquel le Conseil fédéral la donne, est déterminé par une décision politique concernant la sûreté intérieure ou extérieure du pays qui ne peut pas être jugée par un tribunal, en vertu de l'art. 32, al. 1, let. a, LTAF84, et de l'art. 83, let. a, LTF85.

Dans l'hypothèse où le Conseil fédéral arrive à la conclusion que dans le cas d'espèce il n'existe pas d'intérêt supérieur de l'Etat qui justifierait une autorisation exceptionnelle au sens de l'art. 15, il retournera l'affaire à l'autorité compétente.

Celle-ci prononcera une décision d'interdiction au sens de l'art. 14, qui sera susceptible de recours.

Le Conseil fédéral fixera les modalités de contrôle nécessaires dans chaque cas d'espèce (al. 3).

Art. 16

Coordination

LFMG86,

La la LCB87 et la LEmb88 prévoient respectivement un système de double autorisation, un régime de permis ou des mesures de coercition, qui peuvent s'appliquer, dans certains cas, parallèlement au système prévu par le projet de loi.

En effet, dans le marché de la sécurité, certaines entreprises ne fournissent pas exclusivement des prestations de sécurité privées mais exportent également du matériel de guerre. Selon les cas, l'une ou l'autre des activités sera prépondérante.

Par exemple, la prestation de sécurité privée sera prépondérante si le contrat porte sur la garde et la surveillance d'installations militaires avec une mise à disposition de matériel de guerre pour l'exécution de cette tâche de protection. En revanche, l'exportation de matériel de guerre aura un caractère prépondérant si le contrat porte principalement sur cette prestation et seulement accessoirement sur la surveillance du matériel exporté. Dans d'autres cas, la prestation de sécurité privée et l'exportation du matériel de guerre peuvent être des prestations à part entière, par exemple lorsque le contrat porte sur l'exportation du matériel de guerre et sur la formation du personnel des forces armées pour l'utilisation du matériel exporté.

84 85 86 87 88

RS 173.32 RS 173.110 RS 514.51 RS 946.202 RS 946.231

1631

Pour tenir compte de cette problématique, l'al. 1 prévoit que les autorités concernées doivent déterminer l'autorité chargée de coordonner ces procédures. En cas de conflit, l'autorité de surveillance commune ou, à défaut, le Conseil fédéral tranchera.

L'autorité chargée d'assurer la coordination veille à ce que les procédures se déroulent si possible de manière simple. Celle-ci sera l'autorité de contact pour l'entreprise concernée. Elle prendra les mesures nécessaires afin que l'entreprise soit fixée sur tous ses droits et obligations dans les délais prévus par les législations applicables au cas d'espèce. Le cas échéant, l'autorité de coordination déterminera s'il est possible de joindre les procédures et de rendre une seule décision.

Art. 17

Emoluments

Cette disposition prévoit que l'autorité compétente prélèvera des émoluments pour la procédure d'examen selon l'art. 13, pour les interdictions prononcées en vertu de l'art. 14 et pour les contrôles effectués selon l'art. 19. Conformément à l'art. 38, al. 1, let. b, le Conseil fédéral fixera le tarif des émoluments. L'ordonnance générale du 8 septembre 2004 sur les émoluments89 s'appliquera pour le surplus.

La réglementation des émoluments par le Conseil fédéral se fonde sur l'art. 46a LOGA90. L'al. 1 prévoit deux exigences. Le Conseil fédéral doit d'une part prévoir des émoluments uniquement pour les actes énumérés à l'al. 1; il doit d'autre part fixer le montant des émoluments de telle manière qu'ils couvrent les coûts découlant de ces actes. Il n'est donc pas prévu de financer l'ensemble de l'activité de l'autorité par la perception d'émoluments mais uniquement de couvrir l'ensemble des frais engendrés par les actes mentionnés à l'al. 1.

2.4

Contrôle

Art. 18

Obligation de collaborer

Les entreprises visées à l'art. 2, al. 1 à 3, seront tenues de fournir à l'autorité compétente tous les renseignements et documents qui sont nécessaires pour examiner les activités soumises au projet de loi. Cette obligation de collaborer est conforme au principe de proportionnalité puisque seules les informations portant sur les activités examinées devront être fournies à l'autorité.

La violation de l'obligation de collaborer sera sanctionnée (art. 24).

Art. 19

Compétences de contrôle de l'autorité

L'al. 1 fixe certaines conditions à l'exercice des compétences de contrôle de l'autorité afin que l'atteinte à la liberté économique des entreprises assujetties au projet de loi soit conforme au principe de proportionnalité. Si l'entreprise cherche à influencer l'autorité compétente ou si elle ne respecte pas son obligation de collaborer et que toutes les tentatives faites par l'autorité compétente pour obtenir les renseignements et les documents nécessaires sont restées vaines, l'autorité compétente peut, dans les cas prévus à l'art. 13, effectuer des contrôles.

89 90

RS 172.041.1 RS 172.010

1632

L'al. 1, let. a à c, prévoit trois mesures de contrôle. L'autorité aura le droit d'inspecter sans préavis préalable les locaux de l'entreprise contrôlée (let. a), elle pourra consulter tout document utile, à savoir les documents qui lui sont nécessaires pour examiner les activités soumises au projet de loi (let. b), ainsi que séquestrer du matériel (let. c).

L'al. 2 prévoit que l'autorité pourra également faire appel à d'autres autorités ainsi qu'aux organes de police des cantons et des communes.

De telles mesures se justifient dans les domaines nécessitant un système de contrôle renforcé, comme c'est déjà le cas dans la législation sur l'exportation du matériel de guerre ou dans celle sur le contrôle des biens. L'autorité compétente sera dans tous les cas tenue au secret de fonction.

Cette disposition met en oeuvre la bonne pratique 68 du Document de Montreux.

Art. 20

Traitement de données personnelles

L'autorité compétente sera habilitée à traiter, pour l'accomplissement de ses tâches légales, des données personnelles et des données sensibles relatives à des poursuites et à des sanctions pénales ou administratives conformément à la loi du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)91.

En vertu de l'art. 57h LOGA92, elle pourra également exploiter un système de traitement automatisé de données pour la gestion de ses dossiers. Seuls les collaborateurs de l'autorité compétente auront accès aux données personnelles, dans la mesure où ces données personnelles seront nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches. Les principes généraux de protection des données seront applicables. Le Conseil fédéral édictera des dispositions d'exécution concernant notamment les catégories des données personnelles traitées et leur durée de conservation.

2.5

Sanctions

Art. 21

Infractions aux interdictions légales

L'art. 21 érige en infraction la violation des interdictions définies aux art. 8 et 9 et fixe les sanctions applicables. Ces infractions sont des délits au sens de l'art. 10, al. 3, CP, passibles d'une peine privative de liberté de six mois à trois ans au plus.

La peine peut être assortie d'une peine pécuniaire pouvant s'élever jusqu'à 1 080 000 francs (art. 34, al. 1 et 2, CP), et peut être prononcée notamment lorsque l'infraction a été commise pour des raisons essentiellement lucratives ou dans l'exercice d'une activité commerciale. La gravité de ces infractions est comparable aux infractions réprimées aux art. 271, ch. 1, CP (actes exécutés sans droit pour un Etat étranger), 299 CP (violation de la souveraineté étrangère) et 301 CP (espionnage militaire au préjudice d'un Etat étranger) ainsi qu'à l'art. 94 CPM (service militaire étranger). Ces dispositions prévoient une peine comminatoire de trois ans au plus. L'art. 264i CP (rupture d'un armistice ou de la paix) et l'art. 264j CP (autres infractions au droit international humanitaire) prévoient le même type de sanction. Il

91 92

RS 235 RS 172.010

1633

se justifie par conséquent de prévoir à l'art. 21 du projet de loi la même peine comminatoire.

L'infraction prévue à l'art. 21, al. 1, ne peut être commise qu'intentionnellement, comme c'est le cas par exemple pour les crimes de génocide ou pour les crimes contre l'humanité (art. 264 et 264a CP). En vertu de l'art. 12, al. 2, CP, un auteur agit intentionnellement lorsqu'il commet un crime ou un délit avec conscience et volonté ou lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait. En revanche, le projet de loi ne réprime pas la participation directe aux hostilités par négligence.

Les éléments constitutifs de l'infraction réprimée à l'art. 21, al. 1, sont commentés aux art. 4, let. c, et 8.

L'auteur peut être non seulement l'individu qui participe directement à des hostilités mais aussi le chef d'entreprise et tout responsable qui exerce une des activités mentionnées à l'art. 8, al. 1, à savoir toute personne qui par exemple constitue, dirige ou exploite une entreprise qui met à disposition du personnel pour une participation directe à des hostilités.

L'auteur de l'infraction pourra être poursuivi en Suisse si les critères de rattachement prévus à l'art. 8 du projet de loi sont réalisés et s'il existe un for pénal en faveur des autorités judiciaires suisses conformément aux art. 6 et 7 CP. Tel sera le cas, lorsque, par exemple, les activités de recrutement par le biais d'Internet ou d'autres techniques de communication sont organisées principalement à partir de la Suisse, c'est-à-dire que les annonces sont mises en ligne depuis la Suisse ou qu'elles s'adressent (également) à des personnes domiciliées en Suisse. En l'absence de réaction, on pourra à tout le moins admettre la tentative punissable.

L'al. 2 punit toute personne qui exerce une activité dont il faut présumer que le destinataire l'utilisera dans le cadre de la commission de graves violations des droits de l'homme (voir le commentaire de l'art. 9). L'infraction prévue à l'al. 2 est commise intentionnellement. Ici aussi, l'infraction peut être commise par le chef d'entreprise ou par tout responsable de l'entreprise qui fournit une prestation de sécurité dont il faut présumer que le destinataire l'utilisera dans le cadre de la commission de graves violations des droits de l'homme.
L'al. 3 porte sur la relation entre l'art. 21 et les infractions au CP et au CPM. Il précise que l'auteur peut être poursuivi, en sus de l'art. 21, en vertu de ces codes, lorsque ses agissements tombent sous le coup de ces deux lois et lorsque leur degré d'illicéité n'est pas couvert par l'art. 21. L'al. 3 règle ainsi le problème du concours qui pourrait se poser entre ces législations et l'art. 21.

Cette disposition met en oeuvre la bonne pratique 69 du Document de Montreux.

Art. 22

Infraction à une interdiction de l'autorité

L'art. 22 rend la violation de l'art. 14 passible d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire. Comme indiqué au commentaire de l'art. 14, l'interdiction prononcée par l'autorité devra être motivée, de telle manière que les personnes concernées (par exemple le responsable de l'entreprise) puissent être en mesure de déterminer précisément les activités qui leur sont interdites sous peine d'encourir une sanction pénale en vertu de l'art. 22. Il ne s'agit pas pour l'autorité de poursuite pénale de statuer si l'auteur a commis un acte contrairement aux buts fixés à l'art. 1, mais de juger si celui-ci a violé l'interdiction prononcée par l'autorité 1634

compétente, c'est-à-dire s'il a exercé toute ou partie des activités qui lui on été interdites. Une motivation aussi complète que possible de la décision d'interdiction est donc primordiale afin que l'autorité de poursuite pénale puisse appliquer l'art. 22.

Cette disposition met en oeuvre la bonne pratique 69 du Document de Montreux.

Art. 23

Infractions à l'obligation de déclarer ou à l'obligation de s'abstenir

L'art. 23 rend la violation des art. 10, 11 ou 39, al. 2, passible d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire. Si l'infraction résulte d'une négligence, seule une peine pécuniaire pourra être prononcée.

Cette disposition met en oeuvre la bonne pratique 69 du Document de Montreux.

Art. 24

Contravention à l'obligation de collaborer

L'art. 24 prévoit que sera puni d'une amende de 100 000 francs au plus toute personne qui refuse de fournir les renseignements, les documents ou l'accès aux locaux prévus par les art. 18 et 19, al. 1, ou qui donne de fausses indications. Si l'auteur agit par négligence, l'amende sera de 40 000 francs au plus. Cette disposition correspond au type de sanction prévu à l'art. 36, al. 1, let. a, LFMG93.

Cette disposition met en oeuvre la bonne pratique 69 du Document de Montreux.

Art. 25

Infractions dans les entreprises

A l'instar de la législation sur l'exportation de matériel de guerre, l'art. 25, al. 1, prévoit que l'art. 6 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA)94 est applicable aux infractions commises dans les entreprises. En vertu de cette disposition, lorsqu'une infraction est commise dans la gestion d'une entreprise avec ou sans personnalité juridique ou de quelque autre manière dans l'exercice d'une activité pour un tiers, les dispositions pénales s'appliquent aux personnes physiques qui ont commis l'acte (al. 1). De plus, le chef d'entreprise, l'employeur, le mandant ou le représenté qui, intentionnellement ou par négligence et en violation d'une obligation juridique, omet de prévenir une infraction commise par le subordonné, le mandataire ou le représentant ou d'en supprimer les effets, tombe sous le coup des dispositions pénales applicables à l'auteur ayant agi intentionnellement ou par négligence (al. 2). Lorsque le chef d'entreprise, l'employeur, le mandant ou le représenté est une entreprise avec ou sans personnalité juridique, l'al. 2 s'applique aux organes et à leurs membres, aux associés gérants, dirigeants effectifs ou liquidateurs fautifs (al. 3).

L'al. 2 s'inspire de l'art. 49 de la loi du 22 juin 2007 sur la surveillance des marchés financiers95 et constitue une disposition spéciale par rapport à l'art. 7 DPA. Selon l'art. 7 DPA (infractions commises dans une entreprise), une entreprise peut être punie lorsque l'amende entrant en considération ne dépasse pas 5000 francs et lorsque la recherche des personnes punissables (art. 6 DPA) nécessiterait des mesures d'instruction hors de proportion avec la peine encourue. Vu les sanctions prévues 93 94 95

RS 514.51 RS 313.0 RS 956.1

1635

par le présent projet de loi, il se justifie d'élever le seuil de l'amende pour les infractions commises dans une entreprise au sens de l'art. 7 DPA, 20 000 francs.

En vertu de l'al. 2, l'autorité pénale compétente doit prendre des mesures d'instruction pour rechercher les personnes ou organes punissables. Ce n'est que si ceux-ci ne peuvent être découverts sans mettre en oeuvre un arsenal de mesures longues et fastidieuses que les poursuites à leur égard pourront être abandonnées et que l'entreprise sera condamnée au paiement de l'amende. En outre, l'application de l'art. 25, al. 2 n'est envisageable que pour les contraventions prévues par le projet de loi, soit pour la contravention à l'obligation de collaborer (art. 24). Le montant de l'amende ne doit pas dépasser 20 000 francs.

L'art. 25, al. 2, ne doit pas être confondu avec la responsabilité de l'entreprise au sens de l'art. 102 CP. Le but de l'art. 25, al. 2, n'est en effet pas de punir l'entreprise pour un manque d'organisation, mais bien d'agir dans un souci supplémentaire d'économie de procédure. De plus, l'art. 102 CP est applicable uniquement pour les délits et crimes, tandis que l'art. 25, al. 2, l'est exclusivement pour les contraventions.

L'autorité compétente pour prononcer des amendes en vertu de l'art. 25, al. 2, est la juridiction fédérale prévue à l'art. 27.

Art. 26

Dissolution et liquidation

En vertu de l'al. 1, l'autorité compétente pourra ordonner, conformément à la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)96, la dissolution et la liquidation d'une personne morale, d'une société en nom collectif ou d'une société en commandite qui exerce une activité en violation d'une interdiction légale ou d'une décision d'interdiction. Il ne s'agit pas d'une obligation. L'autorité dispose donc d'un certain pouvoir d'appréciation. Elle devra examiner dans chaque cas d'espèce si cette mesure se justifie et si elle respecte notamment le principe de proportionnalité. Avant d'ordonner la dissolution et la liquidation d'une entreprise, elle devra examiner si d'autres sanctions sont envisageables. La procédure de mise en faillite sera régie par la LP.

En vertu de l'al. 2, l'autorité compétente pourra également ordonner, dans les cas prévus à l'al. 1, la liquidation de la fortune commerciale d'une entreprise individuelle et, le cas échéant, sa radiation. L'al. 3 prévoit en outre qu'elle peut encaisser l'excédent de la liquidation.

Cette disposition met en oeuvre la bonne pratique 69 du Document de Montreux.

Art. 27

Juridiction et obligation de dénoncer

Alors que la législation en matière de droit pénal et de procédure pénale relève de la Confédération, l'administration de la justice est du ressort des cantons, sauf disposition contraire de la loi97. Les infractions en question s'inscrivent dans un contexte international et peuvent s'avérer de nature très complexe. Sur la base du droit en vigueur, il paraît donc justifié d'en soumette la poursuite pénale et le jugement à la

96 97

RS 281.1 A propos de la juridiction fédérale, voir les art. 23 et 24 du code de procédure pénale (RS 312.0) et, par exemple, l'art. 40 LFMG (RS 514.51).

1636

juridiction fédérale. Le fait que l'autorité compétente chargée d'appliquer le projet de loi est une autorité fédérale plaide en faveur de cette solution.

L'al. 2 prévoit une obligation pour les autorités chargées d'exécuter le projet de loi de dénoncer au Ministère public de la Confédération les infractions dont elles ont eu connaissance dans l'exercice de leurs fonctions. Par exemple, lorsque l'autorité compétente constate que l'activité déclarée par une entreprise pourrait constituer une infraction au sens de l'art. 21, elle dénoncera le cas au Ministère public de la Confédération.

Cette disposition met en oeuvre les bonnes pratiques 19 et 71 du Document de Montreux.

2.6

Entraide administrative

Art. 28

Entraide administrative en Suisse

Cette disposition règle l'entraide administrative entre l'autorité compétente et les autorités fédérales et cantonales. En vertu de l'al. 1, celles-ci sont tenues de communiquer à l'autorité compétente les informations et les données personnelles nécessaires à l'exécution de la loi.

L'al. 2 prévoit que l'autorité compétente communique aux autorités suivantes les informations et les données personnelles nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches légales: les autorités fédérales et cantonales chargées d'exécuter le projet de loi (par exemple le registre du commerce ou l'office des poursuites et faillites), les autorités chargées d'exécuter la LFMG98, la LCB99 et la LEmb100, les autorités pénales lorsqu'il s'agit de poursuivre des crimes ou des délits, les autorités fédérales et les autorités cantonales compétentes dans le domaine de la sécurité intérieure, les autorités fédérales compétentes dans les domaines des affaires étrangères et de la sécurité extérieure ainsi que les autorités cantonales compétentes en matière d'autorisation et de contrôle des prestations de sécurité privées.

Les communications visées aux al. 1 et 2 pourront être effectuées spontanément ou sur demande.

Art. 29

Entraide administrative entre autorités suisses et autorités étrangères

L'art. 29, al. 1, prévoit que l'autorité compétente peut requérir l'entraide administrative des autorités étrangères. Il peut s'agir par exemple des autorités du lieu d'exécution de la prestation de sécurité privée ou du siège de l'entreprise étrangère qui sera amenée à fournir des prestations de sécurité privées à l'étranger. Afin d'obtenir l'entraide administrative, l'autorité compétente peut communiquer à l'autorité étrangère certaines informations qui correspondent aux renseignements fournis par l'entreprise concernée dans le cadre de sa déclaration (art. 10).

98 99 100

RS 514.51 RS 946.202 RS 946.231

1637

L'art. 29, al. 2, règle l'entraide administrative accordée par la Suisse à une autorité étrangère. Le principe de réciprocité doit être garanti entre la Suisse et l'Etat étranger. L'échange de données dans le cadre d'une procédure d'entraide administrative internationale s'effectuera au cas par cas, en principe rapidement et sans formalité.

L'autorité compétente ne pourra accorder l'entraide administrative à une autorité étrangère que si celle-ci traite les informations transmises pour des finalités conformes au projet de loi et que si les conditions de l'art. 6 LPD101 sont respectées.

L'autorité étrangère ne pourra pas utiliser les données transmises par l'autorité suisse compétente à des fins fiscales ou pénales. Si les données transmises doivent être utilisées ultérieurement dans le cadre d'une procédure pénale, les dispositions sur l'entraide judiciaire internationale en matière pénale seront applicables. La transmission d'informations peut être effectuée spontanément ou sur demande de l'Etat étranger.

La transmission d'informations doit faire l'objet d'une décision susceptible de recours (art. 5 ou 25a PA102).

Cette disposition met en oeuvre la bonne pratique 73 du Document de Montreux.

2.7 Art. 30

Engagement d'entreprises de sécurité par des autorités fédérales Tâches de protection

En règle générale, la protection des représentations suisses et des résidences du personnel à l'étranger est assumée par les autorités du pays hôte103. Dans certains cas exceptionnels, la Confédération engage des entreprises de sécurité pour exécuter certaines tâches de protection104 mais elle peut aussi engager des troupes pour assurer la protection de personnes ou d'objets particulièrement dignes de protection à l'étranger lorsque la sauvegarde d'intérêts suisses l'exige (voir l'art. 69, al. 2, de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée105 et l'ordonnance du 3 mai 2006 concernant l'engagement de la troupe pour la protection de personnes et de biens à l'étranger106).

L'art. 30, al. 1, pose le principe que la Confédération peut engager une entreprise de sécurité pour exécuter, à l'étranger, les tâches de protection énumérées aux let. a et b, à savoir la protection de personnes ainsi que la garde et la surveillance de biens et d'immeubles. Comme indiqué au commentaire de l'art. 2, al. 3, la notion d'«engagement» vise non seulement le cas où l'autorité fédérale délègue une tâche de protection mais aussi lorsqu'elle recourt aux services d'une entreprise de sécurité dans le cadre d'un mandat (par exemple pour un transport sécurisé de documents à éliminer).

101 102 103

RS 235 RS 172.021 Voir le rapport du Conseil fédéral du 2 décembre 2005 sur les entreprises de sécurité et les entreprises militaires privées, FF 2006 631, ch. 3.4.2.

104 Voir la réponse du Conseil fédéral du 22 février 2012 à l'interpellation Allemann 11.4172 du 23 décembre 2011 «Services de sécurité privés sur mandat de la Confédération».

105 RS 510.10 106 RS 513.76

1638

L'art. 30 constitue la base légale formelle pour déléguer une tâche de protection relevant de la compétence des autorités fédérales (par exemple la protection des bâtiments de la Confédération conformément aux art. 22 et ss LMSI107). La délégation de tâches étatiques de sécurité aux entreprises de sécurité est conforme à la Constitution fédérale. L'art. 178, al. 3, Cst. prévoit en effet que la loi peut confier des tâches de l'administration à des organismes et à des personnes de droit public ou de droit privé qui sont extérieurs à l'administration fédérale. La délégation de tâches de droit public n'est autorisée que si les conditions suivantes, prévues à l'art. 5, al. 1 et 2, Cst. pour toute action de l'Etat et à l'art. 36, al. 1 à 3, Cst. pour toute restriction des droits fondamentaux, sont respectées: elle doit se fonder sur une base légale suffisante, elle doit répondre à un intérêt public et doit respecter le principe de proportionnalité108.

L'énumération des tâches de protection à l'al. 1 est exhaustive. Celles-ci correspondent aux prestations de sécurité privées définies à l'art. 4, let. a, ch. 1 à 2.

L'autorité fédérale qui engage une entreprise est désignée par le terme d'«autorité contractante». L'al. 2 prévoit que l'autorité contractante est tenue de consulter l'autorité compétente notamment par rapport à la fiabilité de l'entreprise de sécurité qu'elle entend engager. Elle doit également consulter le DDPS afin de déterminer si des membres de l'armée peuvent le cas échéant être engagés pour assurer la protection de personnes ou de biens à l'étranger.

L'art. 30 met en oeuvre la bonne pratique 1 du Document de Montreux.

Art. 31

Exigences concernant l'entreprise

Avant d'engager une entreprise, l'autorité contractante s'assure que celle-ci remplit certaines exigences. Cette disposition vise non seulement les entreprises qui ont leur siège en Suisse mais aussi les sociétés étrangères qui ne sont pas assujetties au projet de loi, par exemple des entreprises de sécurité locales.

Les conditions prévues à l'art. 31 sont de nature cumulative. Un recrutement plus aisé ou à moindre coût ne doit pas se faire au préjudice du respect des exigences définies à l'art. 31.

La let. a prévoit que l'entreprise doit fournir les garanties nécessaires concernant le recrutement, la formation et la surveillance du personnel mis à disposition de l'autorité contractante. Elle doit en particulier être en mesure de garantir que le personnel de sécurité a été ou est recruté avec tout le soin et la diligence nécessaires, en ce qui concerne notamment son âge, sa réputation ainsi que sa capacité physique et mentale d'exercer les tâches qui lui seront confiées. L'autorité contractante doit notamment exiger de l'entreprise qu'elle vérifie que le personnel qu'elle entend recruter n'a pas d'antécédents judiciaires, de manière à éviter qu'elle n'embauche des personnes qui ont été impliquées dans des affaires de criminalité ou qui ont participé à des violations des droits de l'homme. L'entreprise de sécurité doit également fournir un certain nombre de garanties concernant la formation et la surveillance du personnel mis à disposition de l'autorité contractante.

107 108

RS 120 FF 2006 631, ch. 4.4

1639

La let. b prévoit que l'autorité contractante doit s'assurer de la réputation de l'entreprise et de sa conduite irréprochable des affaires. Celle-ci doit notamment avoir adhéré au code de conduite et respecté ses dispositions (ch. 1). Son expérience sur le terrain, des références ou son affiliation à une association professionnelle crédible (notamment par rapport à l'exigence et à la surveillance de standards) peuvent en outre constituer des indices concernant la réputation et le sérieux d'une entreprise (ch. 2 à 4). Si des références concernant la clientèle de l'entreprise sont disponibles, elles peuvent également constituer des indications utiles pour l'autorité contractante qui envisage de recourir aux services d'une entreprise étrangère. Si cette dernière compte parmi ses clients des Etats européens, d'autres pays démocratiques ou des organisations internationales, il peut s'agir d'une indication supplémentaire concernant la fiabilité de l'entreprise.

Selon la let. c, l'autorité contractante doit s'assurer que l'entreprise est solvable. A cette fin, l'autorité peut lui demander de fournir des indications permettant d'évaluer sa situation financière, telles qu'un extrait des poursuites ou des extraits bancaires relatifs à l'état de ses avoirs.

La let. d prévoit que l'entreprise doit disposer d'un mécanisme de contrôle interne adéquat qui garantit que son personnel respecte les normes de comportement qui sont de mise et est sanctionné par des mesures disciplinaires en cas de manquement.

Dans les entreprises d'une certaine importance, ce contrôle incombe souvent à une unité dite de «compliance».

En vertu de la let. e, l'entreprise doit être autorisée à exercer une activité dans le domaine de la sécurité privée selon la législation applicable. Dans certains cas, la législation applicable se borne à exiger que l'entreprise ou son personnel affecté à des tâches de sécurité soit enregistré. Lorsque l'autorité contractante s'assure de la réalisation de cette condition, elle doit le faire de manière pragmatique, par exemple, en exigeant la production de copies des autorisations requises, d'autres documents attestant de leur existence ou une déclaration écrite par laquelle l'entreprise certifie qu'elle dispose de toutes les autorisations requises par la législation. Il y a lieu de respecter en
particulier la législation applicable dans l'Etat où le contrat sera exécuté. Si la législation étrangère exige des autorisations concernant la fourniture de prestations de sécurités privées, celles-ci doivent être produites.

En vertu de la let. f, l'entreprise doit conclure une assurance responsabilité civile. Le montant de couverture doit correspondre au risque encouru. La question de savoir si cette condition est remplie, dépend des circonstances du cas d'espèce. Cette disposition laisse donc une certaine marge d'appréciation à l'autorité contractante.

L'al. 2 prévoit une exception à l'exigence fixée à l'al. 1, let. f. L'autorité contractante pourra exceptionnellement engager une entreprise de sécurité qui n'a pas conclu d'assurance responsabilité civile si la conclusion d'une telle assurance implique des frais disproportionnés pour l'entreprise et si le risque pour la Confédération d'engager sa responsabilité et le montant d'éventuels dommages-intérêts à verser sont considérés comme faibles. L'autorité contractante ne peut appliquer cette disposition qu'à titre exceptionnel. Cette exception tient compte du fait que dans certains pays la protection des personnes ou la garde d'immeubles ne peut parfois se faire que par des entreprises de sécurité locales qui n'ont ni les moyens ni la possibilité de conclure une assurance responsabilité civile et qu'il n'existe pas d'autre solution en conformité avec l'al. 1, let. f, pour l'exécution de la tâche de protection.

1640

Cette disposition met en oeuvre les bonnes pratiques 2, 5 à 8 et 12 du Document de Montreux.

Art. 32

Formation du personnel

La formation du personnel est une condition essentielle pour garantir une bonne exécution de la tâche de protection confiée par l'autorité à une entreprise de sécurité.

L'art. 32 prévoit par conséquent que le personnel de sécurité doit recevoir une formation adéquate compte tenu de la nature des tâches de protection qu'il doit accomplir, du droit international et du droit national applicable et portant sur un certain nombre de points qui sont énumérés à l'al. 2.

La formation doit porter sur les droits fondamentaux, la protection de la personnalité et le droit de procédure (al. 2, let. a). Pour réagir dans une situation de légitime défense ou d'état de nécessité, le personnel de sécurité doit recevoir une formation sur l'usage de la force physique et d'armes (al. 2, let. b). Celui-ci doit en outre recevoir une formation portant sur le comportement à adopter avec des personnes opposant de la résistance, l'évaluation des atteintes à la santé et les premiers secours (al. 2, let. c à e). Sa formation portera enfin sur la lutte contre la corruption (al. 2, let. f).

La liste de l'al. 2 n'est pas exhaustive. Dans chaque cas d'espèce, il incombe à l'autorité contractante de déterminer si la formation du personnel de sécurité doit être complétée en fonction des circonstances du cas d'espèce, de la tâche de protection à exécuter et de la situation prévalant au lieu d'exécution.

L'art. 32, al. 1 et 2, confère un certain pouvoir d'appréciation à l'autorité contractante pour s'assurer que le personnel de sécurité a reçu une formation adéquate. En règle générale, cette solution permettra à l'autorité d'engager à l'étranger des entreprises qui remplissent les exigences de l'art. 32. Toutefois, il n'est pas exclu que dans une situation extraordinaire aucune entreprise ne remplisse ces conditions, par exemple en cas de monopole du marché de la sécurité par une entreprise locale.

L'al. 3 prévoit dès lors une exception en vertu de laquelle l'autorité peut engager une entreprise qui ne remplit pas complètement les exigences des al. 1 et 2 lorsqu'aucune société remplissant ces exigences n'est disponible au lieu d'exécution du contrat et que la tâche de protection ne peut être exécutée autrement. Dans ce cas, la durée du contrat sera de six mois au plus (al. 4, 1re phrase). L'autorité devra toutefois s'employer à
remédier à cette situation. Elle doit prendre des mesures pour s'assurer que l'entreprise remplit les exigences des al. 1 et 2 dans les meilleurs délais (al. 4, 2ème phrase). Ces mesures seront définies dans le contrat. En tant que partie contractante, l'entreprise de sécurité s'engagera à mettre en oeuvre les mesures exigées par l'autorité.

Cette disposition correspond à la bonne pratique 10 du Document de Montreux.

Art. 33

Identification du personnel

Le personnel doit être identifiable dans l'exercice de sa fonction et doit donc pouvoir justifier pour le compte de quelle autorité il agit. L'identification du personnel implique notamment que celui-ci soit vêtu de manière à ce que cela ne prête pas confusion avec le personnel d'une autorité, de forces armées ou de sécurité. Le personnel de sécurité peut toutefois exécuter les tâches de protection en «civil» si les circonstances du cas d'espèce l'exigent.

Cette disposition met en oeuvre la bonne pratique 16 du Document de Montreux.

1641

Art. 34

Equipement du personnel

Lorsque le personnel d'une entreprise de sécurité exécute une des tâches de protection prévues à l'art. 30 pour le compte de la Confédération à l'étranger, il n'est en principe pas armé.

Toutefois, si la situation à l'étranger exige que le personnel soit muni d'une arme pour réagir dans une situation de légitime défense ou d'état de nécessité, l'autorité le prévoit dans le contrat (al. 2). Par «armes» on entend des armes à feu ou des armes telles que des matraques, des bâtons de défense ou des substances irritantes. La légitime défense et l'état de nécessité tels qu'ils sont définis par les art. 15 et 17 CP visent une situation individuelle dans laquelle une personne est attaquée ou est menacée d'une attaque imminente. Il s'agit ici de permettre au personnel de sécurité d'assurer sa propre défense ou celle d'autrui en cas d'agression.

Le personnel doit disposer des autorisations nécessaires selon la législation applicable (al. 3). De plus, les prescriptions en matière d'armes applicables au lieu d'exécution de la tâche de protection doivent être respectées.

Cette disposition met en oeuvre les bonnes pratiques 11 et 18 du Document de Montreux.

Art. 35

Usage de la contrainte et de mesures policières

En principe, le personnel d'une entreprise de sécurité engagée par la Confédération ne sera pas autorisé à faire usage de la contrainte ou de mesures policières au sens de la LUSC109. Par contrainte policière, on entend l'usage de la force physique, de moyens auxiliaires (tels que menottes, autres liens et chiens de service) et d'armes.

Quant aux mesures policières, elles visent la rétention de personnes pour une courte durée, la fouille de personnes, de locaux et de véhicules ainsi que le séquestre de biens. Toutefois, lorsque la tâche de protection ne peut pas être exécutée autrement, le Conseil fédéral peut accorder une autorisation exceptionnelle, même en dehors d'une situation de légitime défense ou d'état de nécessité.

L'application de cette disposition doit respecter le principe de subsidiarité. Cette exception peut être envisagée lorsque les autorités du pays hôte ne peuvent pas assumer la tâche de protection, ainsi que dans une situation d'urgence. Des situations imprévues peuvent tout à coup se présenter par rapport aux représentations suisses ou aux bureaux de la DDC, dans lesquelles une crise au départ mineure s'aggrave au point de mettre en danger l'ensemble du personnel et de l'infrastructure (suite par exemple à l'arrestation en Suisse d'un haut dirigeant d'une organisation terroriste, qui crée un risque d'attentat contre une ambassade suisse). L'adoption rapide de mesures préventives de protection peut s'avérer nécessaire pour, par exemple, garantir une évacuation ordonnée du personnel, sans avoir à attendre que des personnes fassent l'objet d'une menace immédiate ce qui constituerait une situation de légitime défense ou d'état de nécessité.

Pour accorder cette autorisation, le Conseil fédéral devra s'assurer que le personnel a reçu la formation nécessaire (al. 2). Il devra également tenir compte de la législation applicable au lieu d'exécution de la tâche de protection (al. 3). Les exigences de l'art. 31 et l'obligation d'adhérer au code de conduite (art. 7) s'appliquent pour le surplus.

109

RS 364

1642

Art. 36

Sous-traitance

En vertu de cette disposition, il est interdit aux entreprises de sécurité engagées par la Confédération de sous-traiter une tâche de protection, sans l'accord écrit préalable de l'autorité contractante. Cette disposition garantit que la tâche de protection ne sera pas exécutée par un tiers qui ne remplit pas les exigences du projet de loi.

Cette disposition met en oeuvre la bonne pratique 15 du Document de Montreux.

2.8

Information

Art. 37 L'autorité compétente établit chaque année un rapport sur son activité à l'intention du Conseil fédéral. L'ordonnance pourra le cas échéant préciser le contenu de l'information qui portera par exemple sur les activités des personnes et des entreprises assujetties au projet de loi, sur les violations des interdictions légales, sur les interdictions prononcées par l'autorité compétente, sur les mesures de contrôle effectuées, ainsi que sur l'engagement d'entreprises par la Confédération pour l'exécution de tâches de protection à l'étranger.

L'autorité compétente est tenue de publier son rapport d'activité, par exemple sur son site Internet. L'information du public est ainsi garantie.

Cette disposition met en oeuvre les bonnes pratiques 4 et 59 du Document de Montreux.

2.9

Dispositions finales

Art. 38

Dispositions d'exécution

En vertu de l'al. 1, le Conseil fédéral édictera les dispositions d'exécution. Il règlera notamment les modalités de la procédure de déclaration (let. a), le catalogue des données sensibles et les catégories des données personnelles traitées, ainsi que leur durée de conservation (let. b). Il devra également définir les clauses contractuelles pour l'engagement d'une entreprise par une autorité fédérale (let. c). Certains aspects des bonnes pratiques du Document de Montreux pourront en outre être précisés dans la future ordonnance110.

L'art. 38, al. 2, prévoit que le Conseil fédéral désignera l'autorité compétente.

Conformément à sa décision du 29 août 2012, il s'agira d'une unité au sein du DFAE.

Art. 39

Disposition transitoire

L'al. 1 prévoit que toute activité à annoncer conformément au présent projet de loi et en cours d'exécution au moment de l'entrée en vigueur de la loi devra être déclarée à l'autorité compétente dans un délai de trois mois à compter de cette date. L'autorité

110

Voir par exemple la bonne pratique 14 du Document de Montreux.

1643

compétente procédera à la communication prévue à l'art. 12 et ouvrira, le cas échéant une procédure d'examen.

Si l'autorité compétente arrive à la conclusion qu'une procédure d'examen doit être ouverte, elle communique également à l'entreprise si celle-ci doit provisoirement s'abstenir d'exercer tout ou partie de l'activité déclarée (al. 2).

Lorsque l'autorité envisage d'interdire une activité exercée au moment de l'entrée en vigueur de la loi et que l'entreprise entend poursuivre, elle peut accorder à l'entreprise un délai approprié pour respecter les prescriptions du projet de loi (al. 3).

Les interdictions légales prévues aux art. 8 et 9 s'appliquent dès l'entrée en vigueur de la loi, et donc également aux activités en cours d'exécution qui tomberaient sous le coup de ces interdictions. Il incombera aux entreprises concernées de déterminer si leurs activités sont illicites et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires pour se conformer au projet de loi. A défaut, les dispositions pénales seront applicables.

3

Conséquences

3.1

Conséquences financières et en personnel pour la Confédération

La mise en oeuvre du projet de loi ne nécessite pas la constitution d'une nouvelle autorité. Une unité du DFAE pourra assumer les nouvelles tâches. Le projet de loi aura toutefois des conséquences sur le personnel de la Confédération.

En l'état, la charge de travail est estimée d'une part à un besoin limité dans le temps de deux postes et demi supplémentaires pour la mise sur pied du service et d'autre part à la création de cinq à sept postes supplémentaires pour l'exploitation ordinaire du service, ce qui correspond environ à un coût annuel en personnel de 1 000 000 de francs. A ces frais, il faut ajouter les moyens matériels (mobiliers, locaux, moyens informatiques) et les dépenses résultant des ressources générales. Il faut en outre prévoir des coûts pour la formation du nouveau personnel pour un montant d'environ 50 000 francs.

Il y a lieu en outre de planifier des investissements uniques et périodiques pour la mise sur pied et l'exploitation du service, en particulier par rapport à l'infrastructure informatique. En l'état, on estime nécessaire un investissement unique d'environ 350 000 francs. Les coûts d'exploitation annuels devraient s'élever à environ 100 000 francs, tandis que les coûts d'investissements périodiques devraient être de 100 000 francs tous les cinq à six ans. Pour une mise en oeuvre dans les délais, une partie des coûts devrait être prévue avant l'entrée en vigueur de la loi. En effet, l'autorité compétente devra être opérationnelle immédiatement puisque l'art. 39, al.

1, du projet de loi prévoit une obligation pour les entreprises de déclarer toute activité en cours d'exécution au moment de l'entrée en vigueur de la loi. Celle-ci n'entrera probablement pas en vigueur avant 2015.

Les nouveaux postes au sein du DFAE devront couvrir les tâches suivantes: direction du service concerné, activités scientifiques pour développer une nouvelle pratique, information et communication, déroulement de la procédure administrative (enregistrement des déclarations, communication aux entreprises concernées, décisions d'interdictions et exécution de mesures de contrôle), transmission des cas 1644

pénaux aux organes de la juridiction fédérale, suivi et participation aux développements internationaux et activités administratives auxiliaires.

En vertu de l'art. 17, l'autorité compétente percevra des émoluments conformément au principe de la couverture des coûts pour certains actes concernant l'examen et le contrôle des activités des entreprises. Toutefois, les émoluments perçus ne permettront de financer qu'une partie des coûts engendrés par les nouvelles tâches légales.

Ainsi, les activités d'examen et de contrôle exercées dans un cas d'espèce seront financées par le biais d'émoluments. La régulation des entreprises qui fournissent des prestations de sécurité privées à l'étranger a toutefois également une dimension fondamentale de politique extérieure. Sur le plan mondial, la Suisse se positionnera en première ligne pour le renforcement du droit international ainsi que pour le développement et la mise en oeuvre de réglementations et de bonnes pratiques concernant les entreprises militaires et de sécurité privées. Les personnes qui seront engagées exerceront une partie de ces activités. Ces tâches ne peuvent toutefois pas être financées par des émoluments. Elles sont du reste assumées en partie aujourd'hui par le DFAE.

La poursuite des infractions au projet de loi relèvera de la compétence de la juridiction fédérale. Même si on ne doit pas s'attendre à de nombreux cas, ce nouvel élargissement de la juridiction fédérale constitue une nouvelle tâche pour les autorités de poursuite pénale de la Confédération. Si le besoin en ressources de ces autorités devait considérablement augmenter, il y aurait lieu de demander des moyens supplémentaires au parlement en temps voulu.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Les autorités cantonales seront amenées à exécuter certaines dispositions du projet de loi (par exemple radiation au registre du commerce ou mise en faillite d'une entreprise). Par rapport aux communes, le projet de loi prévoit que l'autorité compétente pourra faire appel aux organes de police communaux pour l'exécution de ses mesures de contrôle.

3.3

Conséquences économiques

Les conséquences économiques seront limitées puisque le nombre d'entreprises qui seront concernées par la loi n'est à ce jour pas très élevé. Vu la réglementation restrictive prévue par le projet de loi, il n'est toutefois pas exclu que le marché des prestations de sécurité privées fournies depuis la Suisse à l'étranger diminue avec l'introduction de la loi et que certaines sociétés internationales quittent notre pays.

3.4

Conséquences sanitaires et sociales

Aucune conséquence sanitaire ou sociale directe n'est à signaler en Suisse.

A l'étranger, le projet de loi pourrait, dans une certaine mesure, avoir des conséquences sanitaires et sociales positives sur la population locale. En effet, l'interdiction pour les entreprises de sécurité concernées d'exercer certaines activités 1645

contraires aux intérêts de la Suisse, par exemple la participation directe à des hostilités à l'étranger, aura pour conséquence de contribuer au respect des droits de l'homme de la population locale.

3.5

Conséquences environnementales

Le projet de loi n'aura pas de conséquences environnementales directes en Suisse.

3.6

Autres conséquences

Comme il résulte des buts fixés à l'art. 1, le projet de loi aura des conséquences positives pour la crédibilité de la politique extérieure de la Suisse.

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

Le projet de loi figure dans le message du Conseil fédéral du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 2015 et dans l'arrêté fédéral y relatif du 15 juin 2012111.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et conformité aux lois

5.1.1

Constitutionnalité

Base constitutionnelle La Cst. contient des dispositions qui habilitent la Confédération à légiférer sur les prestations de sécurité privées fournies à l'étranger.

L'art. 95, al. 1, Cst. prévoit que la Confédération peut légiférer sur l'exercice des activités économiques lucratives privées en édictant des mesures de police économique. Ces mesures doivent toutefois respecter la liberté économique garantie à l'art. 27 Cst. et les principes de l'ordre économique fixés à l'art. 94, al. 1, Cst. La compétence législative de la Confédération est une compétence concurrente à celle des cantons. A ce jour, les cantons n'ont pas fait usage de leur compétence pour légiférer sur cette problématique.

L'art. 54, al. 1, Cst. consacre une compétence globale de la Confédération en matière d'affaires étrangères. En exécution de cette disposition, celle-ci peut notamment édicter des actes normatifs sur le plan intérieur s'ils sont en relation avec des «affaires étrangères». La notion d'«affaires étrangères» désigne la politique extérieure d'un Etat, c'est-à-dire sa politique à l'égard de la communauté internationale et des

111

FF 2012 349 et 6667

1646

autres Etats, voire de leur population112. Dans le cadre du projet de loi, le lien entre la problématique des prestations de sécurité privées fournies depuis la Suisse à l'étranger et la politique extérieure de notre pays est donc fondamental.

Les dispositions sur l'engagement d'une entreprise de sécurité par une autorité fédérale se fondent sur l'art. 173, al. 2, Cst., qui prévoit que l'Assemblée fédérale traite tous les objets qui relèvent de la compétence de la Confédération et qui ne ressortissent pas à une autre autorité fédérale. Dans leurs domaines, les autorités fédérales sont compétentes pour s'organiser et pour choisir les formes qui leur permettent d'exécuter au mieux leurs tâches légales.

Compatibilité avec les droits fondamentaux L'art. 27 Cst. garantit la liberté économique qui comprend notamment le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice. Le libre accès à une activité économique lucrative protège les particuliers contre les mesures étatiques qui restreignent l'accès à une activité privée déterminée, comme l'exigence d'une autorisation. La liberté économique n'est pas absolue. Elle peut être restreinte aux conditions de l'art. 36 Cst.

Le régime instauré par le projet de loi limitera la liberté économique des entreprises et d'autres personnes assujetties au projet de loi. Les exigences de l'art. 36 Cst. sont respectées.

a)

Base légale Le projet de loi constitue la base légale permettant de restreindre la liberté économique des entreprises et d'autres personnes concernées.

b)

Intérêt public Le système de contrôle instauré par le projet de loi est justifié par un intérêt public, à savoir préserver la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse, contribuer à la mise en oeuvre des objectifs de la politique extérieure de la Suisse, préserver la neutralité suisse et garantir le respect du droit international.

c)

Proportionnalité Le projet de loi respecte l'exigence de l'art. 36, al. 3, Cst. qui prévoit que toute restriction d'un droit fondamental doit être proportionnée au but visé.

Le système d'interdiction de certaines activités assorti d'une obligation de déclaration préalable constitue une mesure appropriée car il permet à la Confédération d'exercer un contrôle sur les prestations et les activités visées.

De plus, un tel régime constitue une réglementation moins interventionniste de la part de l'Etat qu'un système basé sur une obligation d'enregistrement et/ou d'autorisation. Il n'instaure pas un régime d'interdiction absolue mais interdit uniquement certaines prestations et activités. Enfin, il ne prive pas les acteurs concernés d'exercer les activités qui ne sont pas problématiques.

112

Jean-François Aubert et Pascal Mahon, Petit Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, art. 54, p. 459, Zurich 2003.

1647

d)

Egalité de traitement entre concurrents directs Selon la jurisprudence, toute restriction à la liberté économique doit également respecter l'égalité entre concurrents économiques. Un traitement différent entre deux concurrents directs ne saurait être justifié que par des motifs sérieux et particulièrement importants. Sont concurrents directs les acteurs économiques qui appartiennent à la même branche et qui s'adressent au même public, avec les mêmes offres, pour satisfaire les mêmes besoins.

Le projet de loi ne s'applique pas aux entreprises de sécurité qui fournissent des prestations de sécurité privées uniquement sur le territoire suisse; cellesci restent soumises au droit cantonal et intercantonal. Il n'entraîne toutefois pas une inégalité de traitement par rapport aux entreprises de sécurité opérant depuis la Suisse à l'étranger qui seront elles soumises au projet de loi.

En effet, ces dernières ne sont pas des concurrents directs puisqu'elles n'offrent pas les mêmes prestations, qu'elles n'ont pas la même clientèle et qu'elles ne répondent pas aux mêmes besoins de sécurité. Il n'en demeure pas moins qu'une entreprise de sécurité active en Suisse qui envisagerait d'étendre ses activités à l'étranger devrait également respecter les exigences du projet de loi.

5.1.2

Conformité aux lois

Le projet de loi n'entraîne pas la modification d'autres lois fédérales.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

5.2.1

Instruments de l'Union européenne

Le projet de loi est conforme aux accords sur la libre circulation des personnes conclus avec l'Union européenne et ses Etats membres, ainsi qu'avec les Etats de l'AELE. Le projet respecte notamment la libre prestation de services reconnue dans ces accords (voir l'art. 3 et le commentaire y relatif).

5.2.2

Autres instruments internationaux

Le projet de loi est compatible avec l'art. 4 de la Convention du 18 octobre 1907 concernant les droits et les devoirs des puissances neutres en cas de guerre sur terre113 ainsi qu'avec l'art. 47 du protocole I114.

Pour le surplus, la Suisse n'a conclu aucun traité international applicable à la fourniture de prestations de sécurité privées à l'étranger.

113 114

RS 0.515.21 RS 0.518.521

1648

5.3

Forme de l'acte à adopter

L'art. 164, al. 1, Cst. prévoit que toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit et notamment celles qui ont trait à des droits constitutionnels, doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Le projet de loi prévoit des restrictions à la liberté économique ainsi que des dispositions pénales. Il y a donc lieu d'adopter une loi formelle. Il convient de prévoir un acte indépendant. En effet, le projet de loi prévoit un système de contrôle qui s'écarte considérablement des autres réglementations notamment dans le domaine de l'exportation du matériel de guerre avec son système de doubles autorisations.

5.4

Frein aux dépenses

Le projet de loi n'implique pas de dépenses qui seraient assujetties au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

5.5

Conformité à la loi sur les subventions

Le projet de loi ne prévoit pas d'aides financières ni de subventions.

5.6

Délégation de compétences législatives

Le projet de loi prévoit une délégation de compétence législative en faveur du département auquel est subordonnée l'autorité compétente. Celui-ci pourra décider qu'une modification du code de conduite est applicable aux faits régis par la loi s'il s'agit d'une modification qui ne contrevient pas à la loi (art. 7, al. 2).

5.7

Conformité à la législation sur la protection des données

Le projet de loi est conforme aux exigences de la législation sur la protection des données. L'art. 20 constitue une base légale formelle au sens de l'art. 17, al. 1 et 2, LPD qui permet à l'autorité compétente de traiter les données personnelles nécessaires à l'accomplissement de ses tâches. Celle-ci exploitera son système de gestion en vertu de l'art. 57h LOGA.

Les art. 28 et 29 constituent les bases légales formelles pour la communication de données personnelles conformément aux exigences de l'art. 19 LPD. Elles permettent de déterminer le maître de fichier, la finalité de la communication et les destinaires et, à l'art. 29, les données communiquées.

Le Conseil fédéral définira dans une ordonnance les catégories de données qui seront traitées en vertu des art. 20 et 28, ainsi que la durée de conservation des données.

1649

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