13.082 Message concernant l'approbation de la convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l'aviation civile internationale et du protocole additionnel à la convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs du 9 octobre 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet d'arrêté fédéral portant approbation de la convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l'aviation civile internationale et du protocole additionnel à la convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

9 octobre 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2013-2291

7653

Condensé La convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l'aviation civile internationale et le protocole additionnel à la convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, adoptés à Pékin le 10 septembre 2010, visent à adapter le régime pénal international régissant la sûreté de l'aviation civile, notamment dans le domaine de la prévention du terrorisme, afin de faire face aux menaces nouvelles.

Outre l'introduction de nouvelles dispositions pénales et de définitions remaniées, qui découlent principalement des instruments de droit pénal international récemment adoptés dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, les modifications apportées aux instruments concernent essentiellement deux questions jugées centrales dans le contexte international actuel mais qui sont controversées, soit l'exclusion des activités militaires du champ d'application de ces deux textes et la punissabilité du transport illicite par l'aviation civile de certaines marchandises dangereuses et de fugitifs terroristes.

Compatibles avec la législation suisse, les deux instruments n'entraînent pas de modification des lois en vigueur et ne nécessitent aucune ressource supplémentaire.

7654

Message 1

Présentation des deux instruments

1.1

Contexte

La Convention du 10 septembre 2010 sur la répression des actes illicites dirigés contre l'aviation civile internationale et le Protocole additionnel du 10 septembre 2010 à la Convention du 16 décembre 1970 pour la répression de la capture illicite d'aéronefs1 s'inscrivent dans l'ensemble des instruments juridiques multilatéraux de l'Organisation internationale de l'aviation civile (OACI), dont la Suisse est membre.

Le transport aérien est un mode de transport important pour les personnes et les marchandises. Il appartenait ainsi aux Etats parties de l'OACI d'entreprendre les travaux nécessaires afin d'assurer, autant que possible, que l'aviation civile internationale soit utilisée à des fins pacifiques et que son utilisation abusive ne devienne pas une menace pour la sûreté générale en facilitant les actes de terrorisme et la prolifération d'armes de destruction massive.

Dans sa résolution A33-1 de 2001 prise en réaction à l'attaque terroriste du 11 septembre 2001, l'Assemblée générale de l'OACI a chargé le Conseil et le Secrétaire général d'agir pour s'attaquer aux menaces nouvelles contre l'aviation civile et, en particulier, d'examiner si les conventions existantes en matière de sûreté de l'aviation sont suffisantes. L'étude effectuée par le Secrétariat de l'OACI pour donner suite à cette résolution a conclu que les Etats reconnaissaient que les conventions existantes sur la sûreté de l'aviation étaient des instruments juridiques utiles pour lutter contre l'intervention illicite dirigée contre l'aviation civile, mais que certains de leurs éléments devaient être mis à jour pour faire face à des menaces nouvelles, telles que l'utilisation des aéronefs comme armes et les attaques par des moyens chimiques, biologiques ou radioactifs. Elle relevait au surplus que les instruments en vigueur mettaient l'accent sur les personnes qui commettent effectivement des actes passibles d'une peine, surtout à bord d'un aéronef ou à un aéroport, mais qu'ils ne contenaient aucune disposition concernant expressément celles qui les organisent et qui les dirigent.

En 2004, un questionnaire a été envoyé aux Etats parties de l'OACI pour établir s'il était nécessaire de revoir et d'amender les conventions existantes. La plupart des Etats ont estimé qu'il serait bon d'amender les instruments de droit aérien international
existants ou d'adopter un nouvel instrument qui traiterait des menaces nouvelles et émergentes contre l'aviation civile.

Un premier groupe d'étude a été mis sur pied par le Conseil afin d'aider le Secrétariat de l'OACI à préparer un instrument juridique international traitant de telles menaces. Se fondant sur les recommandations du groupe, le Conseil a établi un souscomité spécial du Comité juridique de l'OACI chargé d'élaborer un ou plusieurs projets. Le sous-comité spécial, dont la Suisse faisait partie, s'est réuni deux fois et a élaboré deux projets d'instruments. Ces projets ont été soumis au Comité juridique de l'OACI en 2009, qui les a jugés suffisamment mûrs pour faire l'objet d'une conférence diplomatique.

1

RS 0.748.710.2

7655

La nouvelle convention est appelée à remplacer pour les Etats qui en sont parties la Convention du 23 septembre 1971 pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile2, entrée en vigueur en Suisse le 16 février 1978, et le Protocole du 24 février 1988 pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l'aviation civile internationale, complémentaire à la Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, faite à Montréal le 23 septembre 19713, entré en vigueur en Suisse le 8 novembre 1990.

Quant au protocole, il porte amendement de la Convention du 16 décembre 1970 pour la répression de la capture illicite d'aéronefs4, entrée en vigueur en Suisse le 14 octobre 1971.

La convention et le protocole ont été ouverts à la signature le 10 septembre 2010 à Pékin, à l'issue de la conférence diplomatique.

A ce jour, la convention a été signée par 28 Etats et le protocole par 30 Etats. La Chine, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni notamment ont signé les deux instruments. Pour l'instant, huit Etats ont ratifié la convention ou y ont adhéré contre sept pour le protocole. La Suisse n'a signé ni la convention ni le protocole. Par le présent message, le Conseil fédéral propose d'y adhérer directement.

La convention et le protocole entreront chacun en vigueur après ratification ou adhésion de 22 Etats (art. 22, par. 1, de la convention et XXIII, par. 1, du protocole).

1.2

Résultats de la procédure préliminaire

Les projets de convention et de protocole qui ont été soumis à la conférence diplomatique ont été élaborés sous l'égide de l'OACI. Ils ont d'abord fait l'objet d'un premier examen au sein d'un groupe de travail spécial, composé d'experts et dont la Suisse faisait partie, puis ont été soumis au Comité juridique de l'OACI. Ce dernier a adopté en septembre 2009 la version définitive des textes destinés à la conférence diplomatique.

En Suisse, les milieux intéressés de l'industrie aéronautique ont été informés des intentions de la Suisse d'approuver les modifications introduites par les nouveaux instruments. Etant donné que l'adhésion à ces deux traités n'implique aucune adaptation du droit national, qui répond déjà aux exigences requises, aucune procédure de consultation n'a été menée.

1.3

Importance de la convention et du protocole pour la Suisse

La lutte contre le terrorisme et contre ses causes est un devoir commun à tous les Etats. La Suisse est ainsi très active dans le domaine du droit pénal international, en particulier en matière de lutte contre le terrorisme et de coopération entre Etats.

Notre pays a ratifié seize conventions et protocoles universels des Nations Unies 2 3 4

RS 0.748.710.3 RS 0.748.710.31 RS 0.748.710.2

7656

contre le terrorisme. La Suisse soutient également la stratégie antiterroriste mondiale adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 8 septembre 20065, à la suite de laquelle plusieurs processus régionaux ou multilatéraux ont été lancés afin d'améliorer la coopération internationale. Des conventions bilatérales en matière d'entraide et d'extradition et des accords de collaboration entre polices complètent la liste des instruments existant dans la lutte contre le terrorisme. La lutte contre le terrorisme doit cependant aussi être circonscrite. C'est pourquoi la Suisse souligne l'importance de l'état de droit, du droit international et des droits de l'homme et insiste sur l'observation et le respect de ces principes.

La Suisse a joué un rôle décisif dans les négociations consacrées aux deux instruments, notamment lors des travaux préparatoires préalables à la Conférence diplomatique de Pékin, agissant en tant que médiatrice entre les blocs de différentes opinions et encourageant les compromis. Ce rôle s'est confirmé lors de la conférence diplomatique, durant laquelle la Suisse a déployé d'importants efforts afin d'obtenir un consensus pour l'adoption définitive des textes, principalement en ce qui concerne la clause d'exclusion des activités militaires du champ d'application: la délégation suisse a ainsi proposé l'introduction d'une disposition fondée sur l'art. 4, par. 3, de la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, conclue à New-York le 14 septembre 20056. La proposition suisse, reconnue comme meilleur compromis possible, a été adoptée par une large majorité des Etats présents à la conférence.

Une large ratification des textes adoptés par la conférence diplomatique est évidemment dans l'intérêt de l'aviation civile. Le fait que les nouveaux instruments ont été adoptés par une large majorité démontre clairement la signification qui leur est donnée par les Etats présents à la conférence et conforte la position de la Suisse dans l'importance qu'elle accorde à la convention et au protocole. Enfin, le fait que les modifications prévues par les nouveaux instruments s'avéraient entièrement compatibles avec le droit pénal suisse n'a fait que renforcer la conviction de leur opportunité et de la nécessité de les reprendre dans les meilleurs délais.

En outre, les
deux textes appartiennent aux normes universelles des conventions récemment adoptées par les Nations Unies luttant contre le terrorisme: ils se rangent à côté des seize conventions auxquelles la Suisse est déjà liée. La convention et le protocole reprennent par ailleurs plusieurs dispositions des conventions existantes.

La Suisse a ainsi intérêt à continuer de soutenir la mise en place d'un système juridique cohérent.

Compte tenu du rapport entre le contenu des deux instruments, notamment les définitions, et du nouveau régime d'infractions qu'ils créent, il est judicieux d'y adhérer simultanément. Une adhésion isolée à la convention sans le protocole, ou l'inverse, ne serait pas justifiée. En effet, des situations quasiment identiques, relevant toutes deux du transport aérien, seraient alors traitées de manière différente. En outre, un même acte pourrait être qualifié ou défini différemment selon qu'il relève de la convention ou du protocole.

L'adhésion à la convention et au protocole renforcera la protection des personnes, des biens et de l'environnement à bord et hors d'un aéronef en service.

5 6

A/RES/60/288 RS 0.353.23, entrée en vigueur pour la Suisse le 14 novembre 2008.

7657

2

Commentaires des dispositions de la convention et du protocole

2.1

Convention

On ne trouvera ci-après que les articles de la convention qui sont nouveaux ou qui ont été modifiés par rapport à la Convention du 23 septembre 1971 pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile7 et au Protocole du 24 février 1988 pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l'aviation civile internationale, complémentaire à la Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, faite à Montréal le 23 septembre 19718.

Art. 1 Par rapport à la convention de Montréal et à son protocole, l'art. 1, par. 1, let. f à i, étoffe la liste des infractions qui, conformément à l'art. 3 de la convention, sont à réprimer par des peines sévères. Les infractions se fondent essentiellement sur l'art. 3bis du Protocole du 14 octobre 2005 relatif à la Convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime9, qui est entré en vigueur pour la Suisse le 28 juillet 2010. Ces dispositions destinées à protéger la navigation maritime et à prévenir l'utilisation indue de bateaux ont été largement transposées au domaine de l'aviation civile et des aéronefs. On renverra à ce propos au message du 7 décembre 200710, qui conserve toute sa pertinence.

Est notamment punissable quiconque utilise un aéronef dans le but de provoquer la mort ou de causer des dommages corporels graves ou des dégâts graves à des biens ou à l'environnement. On songe ici au cas d'un avion utilisé comme bombe volante ou pour répandre des substances dangereuses depuis le ciel.

Sont déclarés également punissables: ­

les actes dirigés contre un aéronef11, qu'ils soient dirigés depuis son bord ou de l'extérieur, par exemple depuis le sol ou depuis un autre aéronef,

­

le transport d'armes ou de matières dangereuses en vue de commettre une infraction grave.

Les normes pénales suisses en vigueur satisfont aux exigences de la convention. Les dispositions du code pénal (CP)12 portant sur les infractions contre l'intégrité corporelle ou à la vie, le patrimoine, la liberté, les communications publiques, l'Etat ou la sûreté nationale, de même que les crimes créant un danger collectif13 s'appliquent aux infractions énumérées par la convention. Entrent par ailleurs en ligne de compte les dispositions pénales de la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre14, la loi du 25 mars 1977 sur les explosifs15, la loi du 22 mars 1991 sur la 7 8 9 10 11 12 13 14 15

RS 0.748.710.3, FF 1976 III 1292 RS 0.748.710.31, FF 1989 III 418 RS 0.747.712 FF 2008 1041 ss Art. 1, par. 1, let. f à h RS 311.0 Art. 111 ss, 137 ss, 180 ss, 237 ss et 265 ss CP RS 514.51, art. 34 RS 941.41, art. 37 et 38

7658

radioprotection16, la loi du 21 mars 2003 sur l'énergie nucléaire17 et la loi du 21 décembre 1948 sur l'aviation (LA)18.

La menace crédible de commettre une infraction pénale mentionnée dans la convention (art. 1, par. 3) est punie conformément à l'art 180 CP. Quiconque se rend coupable de tentative, de complicité ou d'instigation conformément au par. 4 est passible des peines prévues aux art. 22 ss et 260bis CP. Le par. 4, let. d, est assimilé à l'entrave à l'action pénale19.

Le par. 5 s'appuie largement sur l'art. 5 de la Convention des Nations Unies du 15 novembre 2000 contre la criminalité transnationale organisée (convention de Palerme20) et sur le protocole du 14 octobre 2005, déjà cité, relatif à la Convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime21. Il oblige les Etats parties à punir la participation à un groupe criminel organisé. Les Etats sont tenus de conférer le caractère d'infraction pénale à l'un ou l'autre des actes suivants ou aux deux: ­

l'entente avec une ou plusieurs personnes en vue de commettre une infraction spécifique au sens de la convention et, lorsque le droit interne l'exige, impliquant un acte commis par un des participants en vertu de cette entente,

­

la participation active d'une personne aux activités criminelles au sens de la convention d'un groupe criminel, en ayant connaissance soit du but et de l'activité criminelle générale organisée soit de son intention de commettre les infractions en question.

Cette alternative a été inscrite à l'initiative de la Suisse. Son premier terme traduit l'idée que le complot (conspiracy) est punissable, ce qui n'est pas le cas en Suisse, ni dans les nombreux Etats qui partagent sa conception du droit. La formulation de la convention n'exige cependant pas que le complot soit pénalement répréhensible.

La Suisse se reconnaît pleinement dans le second terme de l'alternative et son application suffit à satisfaire aux exigences de la convention.

S'agissant du second terme de l'alternative posée par la Convention, le principe de la punissabilité des personnes qui commettent l'infraction ou y participent (instigation et complicité) est régi par les dispositions de la partie générale du code pénal22.

Le code pénal connaît en outre la notion d'actes préparatoires délictueux (art. 260bis CP). Pour qu'il y ait complicité (aide ou conseils favorisant la commission d'une infraction grave selon la convention) au sens du droit suisse, il doit exister un lien de causalité entre la contribution du complice et l'aboutissement de l'infraction. Si ce lien fait défaut, ce sont les dispositions de l'art. 260ter CP qui s'appliquent. Celui-ci vise en effet le soutien ou la participation à une organisation criminelle sans exiger l'existence d'un lien de causalité. L'art. 260ter CP est donc applicable dans tous les cas où l'on ne sera pas parvenu à apporter la preuve d'infractions plus graves (participation, tentative ou actes préparatoires punissables en rapport avec un crime commis par une organisation criminelle). Ces dispositions viennent ainsi élargir le champ des actes punissables, qui ne se limite plus à la participation à une infraction 16 17 18 19 20 21 22

RS 814.50, art. 43 ss RS 732.1, art. 88 ss RS 748.0, art. 88 ss, en particulier art. 90 Art. 305 CP RS 0.311.54, entré en vigueur pour la Suisse le 26 novembre 2006.

Art. 3quater, let. e En particulier art. 24 ss CP, voir supra.

7659

spécifique, mais qui englobe désormais la participation et le soutien aux activités criminelles d'une organisation.

Art. 2 Par rapport à la convention de Montréal et à son protocole, l'art. 2, let. c à j, introduit de nouveaux termes et de nouvelles définitions. Ceux-ci sont parfaitement compatibles avec le droit suisse en vigueur et correspondent aux définitions de la législation aérienne, du protocole de 2005 relatif à la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et de la convention internationale du 13 avril 2005 pour la répression des actes de terrorisme nucléaire23, laquelle est entrée en vigueur pour la Suisse le 14 novembre 2008.

Art. 4 L'art. 4 de la convention permet aux Etats parties de prendre les mesures nécessaires pour que la responsabilité d'une personne morale soit engagée lorsqu'une personne responsable de la direction ou du contrôle de cette personne morale a commis une infraction visée par la convention. Cette responsabilité peut être pénale, civile ou administrative et est engagée indépendamment de la responsabilité pénale des personnes physiques qui ont commis l'infraction.

De nombreux traités récents de droit pénal international prévoient des règles, parfois identiques, concernant la responsabilité des entreprises. Cependant, contrairement à la disposition dont il est question ici, elles ont souvent un caractère impératif.

L'art. 4 vise uniquement pour sa part à ce que les Etats parties s'assurent que les personnes morales sont aussi soumises à des sanctions ou à des mesures appropriées, y compris des sanctions pécuniaires.

La responsabilité pénale de l'entreprise a été introduite dans le droit suisse le 1er octobre 200324. Les nouvelles dispositions prévoient une responsabilité primaire de l'entreprise pour certaines infractions lorsqu'on peut lui reprocher de n'avoir pas pris toutes les mesures d'organisation raisonnables et nécessaires pour empêcher l'infraction. Cependant, les actes pénalisés par la convention n'en font que partiellement partie.

La Suisse a en même temps instauré une responsabilité pénale subsidiaire générale de la personne morale pour le cas où une infraction ne peut être imputée à aucune personne physique déterminée en raison du manque d'organisation de l'entreprise.

La peine prévue est une amende
pouvant aller jusqu'à cinq millions de francs. Cette responsabilité pénale s'étend à tous les crimes et délits sanctionnés par le droit suisse, alors que le texte de la convention se limite aux infractions commises pour le compte de l'entreprise par un membre de sa direction. Le code pénal punit tous les crimes et délits commis dans l'exercice d'activités commerciales conformes aux buts de l'entreprise. L'obligation de prouver des manques dans l'organisation de l'entreprise subsiste.

La responsabilité subsidiaire des personnes morales en droit suisse n'exclut pas de punir la personne physique. Dans le cas où la personne physique impliquée et ses agissements sont découverts après la condamnation de l'entreprise et que c'est 23 24

RS 0.353.23 Art. 102 CP

7660

l'organisation de l'entreprise qui avait dans un premier temps empêché de déterminer les responsabilités, rien ne s'oppose, en principe, à ce que tant la personne physique que la personne morale soient punies25. Par conséquent, l'art. 102, al. 1, CP n'est nullement en contradiction avec l'art. 4, par. 2, de la convention.

Outre la responsabilité pénale de l'entreprise, la responsabilité de droit administratif permet dans le droit suisse de prendre des sanctions pour éviter des dommages futurs, par exemple en retirant une autorisation ou en refusant d'autoriser une entreprise à exercer ses activités dans un domaine particulier. Les sociétés et les établissements qui ont un but illicite ou contraire aux moeurs ne peuvent acquérir de personnalité juridique. Ils doivent donc être dissouts et leur fortune est dévolue à la collectivité26. Si l'organisation d'une société présente des carences et que la situation légale n'est pas rétablie dans les délais fixés, le tribunal peut prononcer sa dissolution27. Pour le droit civil, les personnes qui dirigent ou contrôlent une personne morale sont en principe considérées comme ses organes au sens de l'art. 55 CC. Une personne morale répond également des actes illicites commis par ses organes, dans la mesure où l'acte en question découle des compétences de l'organe (cf.

art. 55, al. 2, CC).

On peut considérer que le droit suisse répond aux exigences (formulées de manière non contraignantes) de l'art. 4 de la convention.

Art. 6 L'art. 6, par. 2, exclut du champ d'application de la convention les activités des forces armées en période de conflit armé, puisque cette situation est régie par le droit international humanitaire. La convention ne s'applique pas non plus aux activités accomplies par les forces armées d'un Etat dans l'exercice de leurs fonctions officielles en dehors de période de conflit dans la mesure où ces activités sont régies par d'autres règles du droit international.

Cette disposition politiquement controversée que l'on retrouve dans de nombreux autres traités internationaux28 a constitué la principale pierre d'achoppement sur laquelle ont buté les parties pour parvenir à un consensus, la majorité des pays non alignés et des pays arabes plaidant pour sa suppression tandis qu'une quantité non négligeable de pays, dont au premier chef les Etats-Unis,
souhaitaient vivement l'exclusion des forces armées du champ d'application de la convention.

Notre pays est convaincu que les forces armées d'un Etat ne devraient pas disposer d'un blanc-seing leur permettant de justifier l'utilisation d'aéronefs civils pour perpétrer des infractions à l'encontre des populations civiles. Il y a lieu de combattre une telle impunité. Au cours des différentes étapes du processus de négociation, des groupes de travail présidés par la Suisse ont été institués afin d'aplanir les divergences et d'aboutir à une solution. La grande majorité des Etats a fini par adopter lors 25 26 27

28

Voir le message du 18 juin 2010 relatif à l'approbation et à la mise en oeuvre de la convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité, FF 2010 4291.

Art. 52 et 57 du code civil (CC), RS 210.

Art. 941a du code des obligations (CO), RS 220; art. 731b et 764, al. 2, CO en relation avec l'art. 731b CO, art. 819 CO en relation avec l'art. 731b CO, art. 908 CO en relation avec les art. 731b et 941a CO; art. 69c et 83d CC; art. 154 de l'ordonnance du 17 octobre 2007 sur le registre du commerce, RS 221.411.

Voir par ex. art. 19 de la Convention internationale du 15 décembre 1997 pour la répression des attentats terroristes à l'explosif, RS 0.353.21.

7661

du dernier cycle de négociations de la conférence diplomatique de Pékin en septembre 2010 un paragraphe supplémentaire, solution de compromis portée par la Suisse et qui avait déjà servi avec succès lors des négociations sur la Convention internationale du 13 avril 2005 pour la répression des actes de terrorisme nucléaire29.

Le nouveau par. 3 a énonce que la non-application de la convention aux forces armées ne s'interprète pas comme excusant ou rendant licites des actes par ailleurs illicites, ni comme excluant l'exercice de poursuites sous l'empire d'autres lois.

Concrètement, cela signifie que même des membres des forces armées ou des civils au service des forces armées (par ex. des collaborateurs de services secrets militaires) sont susceptibles d'être poursuivis hors des périodes de conflit armé et ne restent pas impunis lorsqu'ils enfreignent des règles de droit. Les dispositions de la convention n'impliquent donc aucune impunité.

Art. 7 Cette disposition, qui a été révisée par rapport à la convention de Montréal et à son protocole en vigueur et qui figure déjà dans le Protocole du 14 octobre 2005 relatif à la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime30, prévoit que la convention ne porte pas atteinte aux droits, obligations et responsabilités établis par le droit international, à savoir notamment le traité de nonprolifération des armes nucléaires et la convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction.

Art. 8 En vertu de l'art. 8, par. 1, let. e, la compétence juridictionnelle appartiendra désormais à l'Etat dont l'auteur de l'infraction possède la nationalité. Conformément à l'art. 7, al. 1, CP, un citoyen suisse qui commet un crime ou un délit à l'étranger est jugé selon les lois suisses si l'auteur se trouve en Suisse ou qu'il est remis à la Suisse en raison de cet acte, si l'acte est aussi réprimé dans l'Etat où il a été commis ou si le lieu de commission de l'acte ne relève d'aucune juridiction pénale. Cette réglementation est propre à satisfaire aux exigences de la convention.

Le par. 3 consacre le principe bien établi au niveau international aut dedere, aut iudicare. Il impose à l'Etat requis d'engager soit une procédure
d'extradition, soit des poursuites pénales. Cette obligation n'est pas une nouveauté pour la Suisse. En vertu des art. 6 et 7 CP, des traités applicables et de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP)31, la Suisse peut en effet engager des poursuites pénales et, si les conditions sont réalisées, accéder à une demande de délégation de poursuite pénale32 ou répondre favorablement à une demande d'extradition33.

29 30 31 32 33

RS 0.353.23, voir supra.

Art. 2bis, RS 0.747.712, voir supra.

RS 351.1 Art. 85 ss EIMP Art. 32 ss EIMP

7662

Art. 9 L'art. 9, par. 4, révisé de la convention prévoit, par analogie à la Convention internationale du 13 avril 2005 pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, que tout Etat partie est tenu d'enquêter et d'informer notamment les Etats ayant établi leur compétence si l'auteur présumé d'une infraction visée par la convention se trouve sur son territoire. La Suisse se conforme d'ores et déjà à cette disposition. On renverra ici aux commentaires pertinents du message du 7 décembre 200734.

Art. 11 L'art. 11 oblige les Etats parties à accorder, en considération des garanties applicables, un traitement équitable à toute personne faisant l'objet de mesures de contrainte ou de poursuites en raison de l'une des infractions visées par la convention.

Entrent en ligne de compte non seulement les droits garantis par le droit interne, mais aussi les dispositions du droit international relatives à la protection des droits de l'homme. La Suisse satisfait aux exigences de cette disposition35.

Art. 12 L'art. 12 règle les principes de l'extradition. Il ne contient pas de modifications particulières36 par rapport aux accords susmentionnés mis en oeuvre par la Suisse37.

Compte tenu de leur définition légale et des peines encourues, les nouvelles infractions introduites par les deux instruments, qui sont déjà couvertes par le droit suisse comme indiqué plus haut38, satisfont aux conditions de l'art. 35, al. 1, EIMP39 et doivent donc être considérées comme des infractions donnant lieu à extradition au sens de la dite loi.

Art. 13 et 14 Les art. 13 et 14 de la convention, qui ont été révisés, sont des clauses de «dépolitisation» et de non-discrimination que l'on retrouve sous une forme plus ou moins identique dans de nombreux traités internationaux. Aux termes de ces clauses, nul Etat partie ne peut invoquer le caractère politique d'une infraction pour se soustraire à son devoir d'entraide judiciaire établi par la convention (art. 13). Par contre, l'extradition ou l'entraide judiciaire peuvent être refusées (art. 14) si les demandes à cet effet ont été présentées en réalité aux fins de poursuivre une personne pour des 34 35 36 37

38

39

FF 2008 1041, 1063 Voir FF 2008 1041, 1064, en particulier note 24.

Voir l'art. 8 de la Convention du 23 septembre 1971 pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile.

Convention du 23 septembre 1971 pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile et Protocole du 24 février 1988 pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l'aviation civile internationale, complémentaire à la Convention du 23 septembre 1971 pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile.

Couvertes par les peines prévues pour les infractions contre la vie, l'intégrité corporelle, le patrimoine, la liberté, la circulation publique, l'Etat et la sûreté nationale, et pour les crimes ou délits créant un danger collectif ainsi que par les dispositions pénales de la loi sur le matériel de guerre, de la loi sur les explosifs, de la loi sur la radioprotection, de la loi sur l'énergie nucléaire et de la loi sur l'aviation; voir supra commentaires relatifs à l'art. 1 de la convention.

Let. a: peine privative de liberté d'un maximum d'au moins un an.

7663

raisons de race, de religion, de nationalité, d'origine ethnique ou d'opinions politiques ou en raison de son sexe. La législation suisse satisfait à ces exigences de la convention40.

Art. 21 à 25 Ces dispositions finales à caractère formel règlent la signature, l'entrée en vigueur, l'adhésion et la dénonciation de la convention.

La convention entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date du dépôt du 22e instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion.

Tout Etat partie peut dénoncer la convention par notification écrite adressée au dépositaire. La dénonciation prend effet un an à compter de la date à laquelle le dépositaire a reçu la notification.

2.2

Protocole

On trouvera ci-après les principaux articles de la Convention du 16 décembre 1970 pour la répression de la capture illicite d'aéronefs41 qui sont nouveaux ou sont modifiés par le protocole, ainsi que des clauses finales de ce dernier.

Art. 1 (modifié par l'art. II du protocole) L'art. 1, par. 2, du protocole rend punissable, en complément à la Convention de La Haye, la menace de commettre une infraction au sens du protocole, à savoir un détournement d'avion. En droit suisse, ce comportement constitue une infraction au sens de l'art. 180 CP et, sous certaines conditions, des art. 181, 237 et 258 CP42 ou de l'art. 90 LA43. Le par. 3, let. d, recouvre l'entrave à l'action pénale44.

Enfin, en vertu du par. 4, les Etats parties sont tenus de conférer le caractère d'infraction pénale à la participation à un groupe criminel organisé. La législation suisse satisfait d'ores et déjà cette exigence. Pour de plus amples informations, on se référera aux commentaires de l'art. 1, par. 5, de la convention, qui contient une disposition analogue.

Art. 2bis (ajouté par l'art. IV du protocole) Cet article offre la possibilité aux Etats parties45 de prévoir que la responsabilité des entreprises soit engagée pour les infractions visée par le protocole. La Suisse satisfait cette partie du protocole. Pour de plus amples informations, on se référera aux commentaires de l'art. 4 de la convention, qui contient une disposition analogue.

40 41 42 43 44 45

Voir FF 2008 1041, 1065 s. (ch. 2.2.12) pour de plus amples commentaires.

RS 0.748.710.2 Contrainte, entrave à la circulation publique, menace alarmant la population.

Mise en danger par l'aviation, voir supra commentaire relatif à l'art. 1 de la convention.

Art. 305 CP Cette disposition du protocole n'est donc pas impérative.

7664

Art. 3 (modifié par l'art. V du protocole) L'art. 3, al. 1, redéfinit la notion d'aéronef en service. La définition correspond aux réglementations internationales en vigueur et est en accord avec la législation aérienne suisse.

Art. 3bis (ajouté par l'art. VI du protocole) L'art. 3bis exclut les forces armées en période de conflit armé du champ d'application du protocole. Pour les considérations relatives à la genèse et à la teneur de la réglementation ainsi qu'à son pendant dans la législation suisse, on se référera aux commentaires de l'art. 6 de la convention, qui contient une disposition analogue.

Art. 4 (modifié par l'art. VII du protocole) L'art. 4 introduit des adaptations mineures concernant la compétence juridictionnelle et consacre le principe aut dedere, aut iudicare. La législation suisse satisfait en tous points ces exigences. Pour de plus amples informations, on se référera aux commentaires de l'art. 8 de la convention, qui contient une disposition analogue.

Art. 6 (modifié par l'art. IX du protocole) L'art. 6 du protocole redéfinit certains devoirs d'enquête et de coopération qui incombent aux Etats parties. Le droit et la pratique juridique suisses les connaissent déjà. Pour de plus amples informations, on se référera aux commentaires de l'art. 9 de la convention, qui contient une disposition analogue.

Art. 7bis (ajouté par l'art. X du protocole) En ce qui concerne les garanties de procédure et la protection des droits de l'homme, on se référera aux commentaires de l'art. 11 de la convention.

Art. 8bis et 8ter (ajoutés par les art. XII et XIII du protocole) Les nouveaux art. 8bis et 8ter du protocole sont des clauses de «dépolitisation» et de non-discrimination, que l'on retrouve sous une forme identique dans la convention.

Pour de plus amples informations, on se référera aux commentaires des art. 13 et 14 de la convention, qui contiennent une disposition analogue. Ces dispositions n'ont pas besoin d'être transposées formellement dans le droit suisse.

Art. 10bis (ajouté par l'art. XVI du protocole) Les mesures visées à l'art. 10bis ont pour objet la prévention d'infractions au sens du protocole. Tout Etat qui est informé qu'une infraction va être commise est tenu de transmettre les renseignements à ce sujet aux pays visés par l'infraction. A cet égard, le droit suisse prévoit
notamment la possibilité de transmettre spontanément des informations et moyens de preuve à d'autres pays46 ou d'ordonner des mesures provisoires en vue de protéger des intérêts menacés ou de préserver des moyens de preuve47. La législation suisse n'a donc pas besoin d'être adaptée.

46 47

Art. 67a EIMP Art. 18 EIMP

7665

Art. XX à XXV du protocole Ces dispositions finales à caractère formel règlent la signature, l'entrée en vigueur, l'adhésion et la dénonciation du protocole.

Le protocole entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date du dépôt du 22e instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion.

Tout Etat partie peut dénoncer le protocole par notification écrite adressée au dépositaire. La dénonciation prend effet un an à compter de la date à laquelle le dépositaire a reçu la notification.

3

Conséquences

L'adhésion de la Suisse à la convention et au protocole n'aura de conséquences ni sur les finances ni sur le personnel de la Confédération, des cantons et des communes. Aucune autre conséquence particulière n'est à prévoir.

4

Programme de la législature

Le projet n'est mentionné ni dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201548 ni dans l'arrêté fédéral du 25 juin 2012 qui s'y rapporte49. Il correspond cependant entièrement à l'objectif 14 du programme de la législature (lutte efficace contre la criminalité, le terrorisme et les attaques informatiques50). Il s'inscrit en outre dans le rôle actif de la Suisse dans la lutte contre le terrorisme et dans la protection de l'aviation civile. La convention et le protocole sont d'une grande importance pour la Suisse, qui a donc intérêt à ce que les deux instruments entrent en vigueur au plus vite.

5

Constitutionnalité

En vertu de l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)51, les affaires extérieures relèvent de la Confédération. La compétence de l'Assemblée fédérale d'approuver des traités internationaux découle de l'art. 166, al. 2, Cst. Font exception les traités dont la conclusion relève de la compétence du Conseil fédéral en vertu de la loi ou d'un traité international. Dans le cas présent, le Conseil fédéral ne dispose pas d'une telle compétence.

D'après l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum facultatif s'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonciables, s'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale ou s'ils contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales.

48 49 50 51

FF 2012 349 FF 2012 6667 FF 2012 349, 426; FF 2012 6667, 6672 RS 101

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La convention et le protocole peuvent être dénoncés. Ils ne prévoient pas l'adhésion à une organisation internationale. S'ils n'exigent pas l'adoption de nouvelles dispositions ou l'adaptation de dispositions législatives existantes, ils contiennent toutefois des dispositions importantes fixant des règles de droit au sens de l'art. 164, al. 1, Cst. L'arrêté fédéral d'approbation de la convention et du protocole est dès lors sujet au référendum en matière de traités internationaux en vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

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