13.079 Message concernant l'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» du 20 septembre 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message nous vous proposons de soumettre l'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2011

P

11.3276

Caisse unique dans l'assurance-maladie (N 17.6.11, Stahl)

2013

M 12.4123

Initiative populaire «pour une caisse publique d'assurancemaladie». Organiser rapidement la votation populaire sans contre-projet (N 20.3.13, de Courten; E 5.6.13)

2013

M 12.4157

Initiative populaire «pour une caisse publique d'assurancemaladie». Organiser rapidement la votation populaire sans contre-projet (N 20.3.13, Humbel; E 5.6.13)

2013

M 12.4164

Initiative populaire «pour une caisse publique d'assurancemaladie». Organiser rapidement la votation populaire sans contre-projet (N 20.3.13, Cassis; E 5.6.13)

2013

M 12.4207

Initiative populaire «pour une caisse publique d'assurancemaladie». Organiser rapidement la votation populaire sans contre-projet (N 20.3.13, Hess; E 5.6.13)

2013

M 12.4277

Initiative populaire «pour une caisse publique d'assurancemaladie». Organiser rapidement la votation populaire sans contre-projet (E 18.3.13, Schwaller; N 13.6.13)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

20 septembre 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2013-1597

7113

Condensé L'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» veut instituer une caisse unique publique de la Confédération qui doit remplacer les 61 caisses-maladie pratiquant actuellement l'assurance obligatoire des soins. Cela constituerait un changement de cap complet passant d'un système de concurrence à une situation de monopole et une rupture avec une tradition qui a fait ses preuves. Le Conseil fédéral rejette l'initiative populaire et ne propose pas de lui opposer de contre-projet direct ou indirect.

Contenu de l'initiative L'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» a été lancée par les milieux de gauche et les milieux écologistes avec le soutien des organisations suisses de défense des consommateurs. Elle est centrée sur une seule exigence: l'institution par la Confédération d'une caisse publique pour l'assurance obligatoire des soins en lieu et place des 61 caisses-maladie qui la pratiquent aujourd'hui.

A cette fin, l'initiative populaire appelle une modification de l'actuel art. 117 de la Constitution (al. 3 et 4) et l'ajout de dispositions transitoires correspondantes (art. 197, ch. 8).

Avantages et inconvénients de l'initiative Par leur revendication, les auteurs de l'initiative populaire visent un complet changement de cap de l'assurance obligatoire des soins. De l'avis du Conseil fédéral, un changement aussi radical ne s'impose pas. Le Conseil fédéral considère au contraire qu'un système composé d'une pluralité d'assureurs dans l'assurance-maladie sociale présente des avantages évidents par rapport à une situation de monopole avec une seule caisse-maladie. La pratique de l'assurance-maladie par plusieurs assureurs a une longue tradition dans notre pays, et elle a également fait ses preuves sous le régime de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal). Les expériences faites depuis l'instauration de la LAMal ont cependant montré que certaines adaptations sont nécessaires pour que le système fonctionne de manière optimale.

Avec le libre passage intégral, la population suisse dispose d'une liberté totale dans le choix de son assureur. Les assurés peuvent décider de continuer à s'assurer pour l'assurance obligatoire des soins auprès du même assureur ou de changer d'assureur. Le système actuel comporte des éléments de
concurrence non négligeables qui incitent les assureurs à prendre des mesures de maîtrise des coûts. Le Conseil fédéral souhaite favoriser ces éléments afin de rendre l'assurance-maladie sociale plus efficiente.

Une institution nationale unique dont les organes seraient composés de représentants de la Confédération, des cantons, des assurés et des fournisseurs de prestations serait soumise, en raison de la diversité des intérêts, à des influences politiques fortement divergentes. Le Conseil fédéral redoute que la diversité des intérêts

7114

représentés au niveau de la gestion ne conduise à des discussions fastidieuses qui feraient perdre de vue les efforts à fournir en vue de maîtriser les coûts ou d'améliorer le rapport coûts/prestations dans l'assurance-maladie. L'affaiblissement de l'élément de concurrence dans le système de l'assurance-maladie en lien avec l'initiative populaire devrait en conséquence conduire même tendanciellement à une augmentation des primes dans l'assurance obligatoire des soins.

La réglementation transitoire de l'initiative populaire fixe un délai de trois ans seulement pour la mise en oeuvre du nouveau système. Dans ce délai, de nombreuses questions soulevées ne pourront sans doute pas être résolues. Font notamment défaut des pistes de solution pour la reprise des actifs et des passifs des caissesmaladie existantes par la caisse publique.

Même si l'on ne sait pas encore comment l'initiative serait mise en oeuvre concrètement, le Conseil fédéral est convaincu qu'elle n'aurait aucun effet modérateur sur les coûts. Pour cela, un contrôle périodique des prestations ainsi que des adaptations de prix sont toutefois nécessaires. C'est l'approche qui a été adoptée et qui se traduit par une série de mesures ciblées dont plusieurs produisent déjà des effets, devra être élargie et approfondie par étapes-clés dans les années qui viennent.

Le Conseil fédéral considère qu'il faut poursuivre les objectifs fixés lors de l'instauration de la LAMal en s'attachant d'abord à consolider le système. Ainsi, le système actuel misant sur la concurrence doit être maintenu avec les correctifs déjà amorcés. Une concurrence mieux surveillée permettra aux assureurs de continuer à développer des idées et des modèles tenant compte avec souplesse des besoins des assurés. Ces idées et ces modèles constituent aussi une impulsion importante pour une amélioration de la qualité, notamment en ce qui concerne le contrôle des factures des fournisseurs de prestations. La concurrence ainsi comprise contribue également à lutter contre la hausse des coûts, car les assureurs ont intérêt à maintenir les primes à un niveau bas. Les correctifs nécessaires ont déjà été mis en route dans le cadre de la loi sur la surveillance de l'assurance-maladie lancée par le Conseil fédéral ainsi que dans le cadre des réformes de la LAMal.

Proposition du Conseil
fédéral Pour les raisons citées, le Conseil fédéral propose de soumettre l'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter. Simultanément, le Conseil fédéral propose de ne pas opposer à l'initiative de contre-projet direct ou indirect.

7115

Message 1

Aspects formels et valididé de l'initiative

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» a la teneur suivante: I La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 117, al. 3 et 4 (nouveaux) L'assurance-maladie sociale est mise en oeuvre par une institution nationale unique de droit public. Les organes de l'institution sont composés notamment de représentants de la Confédération, des cantons, des assurés et des fournisseurs de prestations.

3

L'institution nationale crée des agences cantonales ou intercantonales. Elles sont chargées notamment de la fixation des primes, de leur encaissement et du paiement des prestations. Les primes sont fixées par canton et calculées sur la base des coûts de l'assurance-maladie sociale.

4

II Les dispositions transitoires de la Constitution sont modifiées comme suit: Art. 197, ch. 8 (nouveau)2 8. Dispositions transitoires ad art. 117, al. 3 et 4 (Caisse-maladie nationale de droit public) Dès l'adoption de l'art. 117, al. 3 et 4, par le peuple et les cantons, l'Assemblée fédérale édicte les bases légales nécessaires au transfert des réserves, des provisions et de la fortune de l'assurance-maladie sociale à l'institution visée à l'art. 117, al. 3 et 4.

1

Si l'Assemblée fédérale n'édicte pas la législation correspondante dans les trois ans suivant l'acceptation de l'art. 117, al. 3 et 4, les cantons peuvent créer sur leur territoire une institution publique unique d'assurance-maladie sociale.

2

1 2

RS 101 L'initiative populaire ne vise pas à se substituer à une disposition transitoire existante de la Constitution fédérale: c'est pourquoi le chiffre de la disposition transitoire relative au présent article ne sera fixé qu'après le scrutin, en fonction de l'ordre chronologique dans lequel les différentes modifications constitutionnelles auront été acceptées. La Chancellerie fédérale procédera aux adaptations nécessaires avant publication au Recueil officiel du droit fédéral (RO).

7116

1.2

Aboutissement et délais de traitement

Aboutissement L'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 18 janvier 20113, et elle a été déposée le 23 mai 2012 avec le nombre requis de signatures. Par décision du 19 juin 20124, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative populaire avait recueilli 115 841 signatures valables et qu'elle avait donc abouti sur le plan formel.

Délais de traitement L'initiative populaire est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)5, le Conseil fédéral avait jusqu'au 23 mai 2013, soit au plus un an après le dépôt de l'initiative pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Si le Conseil fédéral soumet un contre-projet direct ou indirect à l'initiative, le délai pour l'élaboration de ce projet est porté à 18 mois (art. 97, al. 2, LParl). Le Conseil fédéral a tout d'abord décidé de proposer un contre-projet indirect et a mis celui-ci en consultation. Sur la base des prises de position reçues et des cinq motions transmises en relation avec le contre-projet, le Conseil fédéral a cependant décidé d'y renoncer (voir ch. 3). Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale décide dans un délai de 30 mois après le dépôt de l'initiative, soit en l'occurrence jusqu'au 23 novembre 2014, si elle recommande au peuple et aux cantons d'accepter l'initiative ou de la rejeter. Cela sous réserve de la possibilité qu'elle a de proroger le délai d'un an si l'un des conseils au moins a pris une décision sur un contre-projet direct ou sur un projet d'acte qui a un rapport étroit avec l'initiative populaire en question (contre-projet indirect) (art. 105, al. 1, LParl).

1.3

Validité

En vertu des art. 139, al. 2 et 3, et 194, al. 3, de la Constitution (Cst.)6, toute initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution ne peut revêtir que la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet rédigé; les formes mixtes ne sont pas admises. L'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» revêt exclusivement, dans toute ses parties, la forme d'un projet rédigé. Le principe de l'unité de la forme est donc respecté.

Aux termes des art. 139, al. 3, et 194, al. 2, Cst., toute initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution doit respecter le principe de l'unité de la matière et ne peut donc porter que sur un seul objet. Le principe de l'unité de la matière est réputé respecté lorsqu'il existe un lien objectif entre les diverses parties de l'initiative. L'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» se réfère uniquement à l'assurance-maladie et il y a un rapport direct entre les différentes mesures proposées. Le principe de l'unité de la matière est par conséquent respecté.

3 4 5 6

FF 2011 1257 FF 2012 6157 RS 171.10 RS 101

7117

Conformément aux art. 139, al. 3, et 194, al. 2, Cst., une initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution ne doit pas violer les règles impératives du droit international. L'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurancemaladie» ne viole aucune de ces règles.

L'impossibilité manifeste d'appliquer une initiative dans les faits constitue le seul obstacle matériel à une révision de la Constitution qui ne soit pas inscrit dans la loi.

Selon une pratique constante, une initiative populaire qu'il est indéniablement impossible d'appliquer dans les faits ne doit pas être soumise au vote du peuple. Les exigences formulées par l'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» peuvent objectivement être concrétisées.

L'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» ne présente ainsi aucun motif d'invalidité; elle est valable.

2

Contexte

2.1

Rapports

Le rapport d'experts sur les avantages d'une caisse unique7 rédigé en 2001 en réponse à un postulat de la CSSS-N (99.3009) arrive à la conclusion que la loi fédérale sur l'assurance-maladie en vigueur a atteint les objectifs visés par le législateur. Selon l'auteur, une caisse unique n'aurait guère d'effets positifs sur l'évolution des coûts et des primes. A cet égard, cet instrument doit être qualifié d'inefficace. En effet, pour un même coût, une utilisation plus ciblée des ressources, notamment par les fournisseurs de prestations, permettrait d'obtenir des effets plus marquants sur l'évolution des coûts et des primes. Cela vaut aussi bien pour des mesures plutôt étatiques que pour des mesures plutôt axées sur la concurrence.

2.2

Interventions parlementaires

L'instauration d'une caisse publique d'assurance-maladie a fait à plusieurs reprises, ces dernières années, l'objet d'interventions parlementaires. L'une des dernières en date (11.3276 po. Stahl, Caisse unique dans l'assurance-maladie) demande l'élaboration d'un rapport. Ce rapport doit indiquer si l'instauration d'une caisse publique unique influerait sur les coûts de l'assurance obligatoire des soins et évaluer le volume des coûts qui seraient générés par la mise en place d'une telle institution (achat des bâtiments nécessaires, mise en place d'un système informatique unique, etc.). Le Conseil fédéral a proposé d'accepter le postulat et y répond par le présent message. Il propose donc le classement du postulat.

Dans sa réponse à un autre postulat (09.4221 Fehr Jacqueline, Incidences de la concurrence entre les caisses-maladie), le Conseil fédéral a confirmé sa position favorable au système actuel de concurrence régulée entre les assureurs-maladie et a proposé de rejeter la demande d'établissement d'un rapport. Dans le même esprit et pour les mêmes raisons, il a rejeté la demande d'établissement d'un rapport sur les avantages que présenterait la création de caisses-maladie cantonales (09.4019 po.

7

Willy Oggier: Avantages d'une caisse-maladie unique, Rapport final élaboré sur mandat de l'Office fédéral des assurances sociales, Zurich, décembre 2001.

7118

Wehrli, Création de caisses-maladie cantonales). Il estime qu'une cantonalisation du système de l'assurance-maladie irait à l'encontre des efforts entrepris en vue d'une meilleure coordination au niveau national.

Le 9 décembre 2010, le Conseil national a décidé de ne pas donner suite à une initiative parlementaire qui demandait de procéder aux modifications constitutionnelles nécessaires à la création d'une caisse nationale publique unique d'assurancemaladie (09.504 iv. pa. du groupe socialiste, Caisse nationale publique d'assurancemaladie). Le 15 septembre 2010, le Conseil national avait également décidé de ne pas donner suite à une initiative parlementaire qui voulait modifier la LAMal afin de permettre une dérogation lorsqu'un canton souhaite instaurer une caisse unique cantonale pour l'assurance de base (09.457 iv. pa. Zisyadis. Libre choix cantonal.

Caisse unique ou concurrence pour l'assurance-maladie de base).

2.3

Initiatives populaires

Deux initiatives populaires qui visaient une réforme en profondeur du système et du financement de l'assurance-maladie sociale ont été soumises ces dernières années au peuple et aux cantons:

3

­

L'initiative populaire «La santé à un prix abordable (initiative-santé)», qui demandait que l'assurance obligatoire en cas de maladie soit appliquée par des établissements d'assurance d'utilité publique et qu'elle soit financée notamment par des recettes supplémentaires provenant de la TVA et par des cotisations payées par les assurés, fixées en fonction du revenu et de la fortune réelle, a été rejetée le 18 mai 2003 à une forte majorité par le peuple et les cantons (FF 2003 4668, 2006 725).

­

L'initiative populaire «Pour une caisse maladie unique et sociale», qui visait l'institution d'une caisse unique pour l'assurance obligatoire des soins et une réforme de son financement moyennant des primes fixées en fonction de la capacité économique des assurés, a également été rejetée par le peuple et les cantons le 11 mars 2007 à une forte majorité par le peuple et les cantons (FF 2007 3043, 2003 3541).

La question d'un contre-projet

Le système actuel de l'assurance-maladie sociale montre en particulier qu'il existe une marge d'amélioration en ce qui concerne la sélection des risques et la transparence. Le Conseil fédéral est pourtant d'avis qu'un système orienté vers la concurrence, tel qu'il existe depuis l'entrée en vigueur de la loi en 1996, a fait ses preuves et qu'il doit être maintenu. Afin de remédier de manière ciblée aux lacunes existantes, le Conseil fédéral a décidé le 10 octobre 2012 de mettre en consultation un contre-projet indirect à l'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurancemaladie». Il a élaboré un projet correspondant et a mené une consultation du 27 février au 3 juin 2013.

7119

3.1

Contenu du contre-projet indirect

Le contre-projet indirect comprenait deux éléments. D'une part, il devait limiter l'incitation à la sélection des risques pour les assureurs grâce à l'introduction d'une réassurance pour les très hauts coûts et à un affinement de la compensation des risques. D'autre part, l'assurance de base et les assurances complémentaires ne devaient désormais plus pouvoir être pratiquées dans la même société, ceci afin de garantir une plus grande transparence et de limiter la sélection des risques. Des obstacles à la transmission de l'information devaient empêcher au sein de groupes de sociétés l'échange de données et d'informations de l'assurance de base vers les assurances complémentaires.

3.2

Résultats de la consultation

Les gouvernements cantonaux, les conférences des directrices et directeurs cantonaux de la santé, des finances et des affaires sociales ainsi que la Conférence des gouvernements cantonaux ont été invités à participer à la consultation. Les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale, les associations faîtières des communes, des villes et des régions de montagne qui oeuvrent au niveau national, les associations faîtières et les organisations de l'économie qui oeuvrent au niveau national, ainsi que diverses organisations de la santé qui représentent entre autres les fournisseurs de prestations, les assureurs et les patients, ont également pu participer à la consultation. La consultation a été adressée en tout à 197 autorités et organisations intéressées.

Au total, 111 prises de position ont été adressées à l'administration. Tous les cantons ont participé à la procédure de consultation. Sept partis politiques nationaux ont répondu. Parmi les fournisseurs de prestations et les organisations de la santé, 43 avis ont été donnés. Six assureurs et leurs fédérations se sont exprimés. 23 autres fédérations ont pris position.

Sur les 111 prises de position, 28 soutenaient le contre-projet, dont la moitié émanant des fournisseurs de prestations et des organisations de la santé. Les autres ne soutenaient pas le contre-projet ou le rejetaient, tout en reconnaissant un besoin fondamental de remédier aux incitations négatives du système, en particulier dans le domaine de la sélection des risques.

La réassurance pour les très hauts coûts, premier élément du contre-projet, a été rejetée par toutes les organisations qui ne se sont pas expressément exprimées en faveur du contre-projet. L'amélioration de la compensation des risques a été considérée comme nécessaire et, quant au contenu, a reçu un accueil favorable de presque tous les participants. Cependant, de l'avis de la majorité, elle doit être introduite dans le cadre de la procédure législative ordinaire et non liée à un contre-projet et à la discussion sur la caisse unique. Selon ces prises de position, les travaux parlementaires en cours (iv. pa. Compensation des risques [11.473n; groupe S] et iv. pa.

Introduction rapide d'un système efficace de compensation des risques [12.446n; groupe LR]) ne doivent pas être reportés, voire compromis, pour cette
raison. La moitié environ des participants qui se sont exprimés à ce sujet ont approuvé la séparation proposée de l'assurance de base des assurances complémentaires.

7120

Les éléments qui ont reçu majoritairement un accueil favorable lors de la consultation sont repris dans un rapport séparé et indépendant8.

3.3

Motions parlementaires

En décembre 2012, cinq motions parlementaires de teneur identique, intitulées Initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie». Organiser rapidement la votation populaire sans contre-projet, ont été déposées: 12.4123 motion de Courten Thomas du 12 décembre 2012, 12.4157 motion Humbel Ruth et 12.4164 motion Cassis Ignazio du 13 décembre 2012, 12.4277 motion Schwaller Urs et 12.4207 motion Hess Lorenz du 14 décembre 2012. La motion 12.4277 Schwaller a été déposée au Conseil des Etats, les autres au Conseil national.

Ces cinq motions chargent le Conseil fédéral de soumettre rapidement l'initiative populaire fédérale «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» au vote du Parlement et au vote du peuple, sans lui opposer de contre-projet. Elles se fondent sur la considération qu'au vu des affaires pendantes au Parlement en relation avec l'amélioration de la compensation des risques, il n'y a aucune raison de soumettre simultanément un contre-projet aux Chambres fédérales et au peuple. Le peuple ayant déjà rejeté à plusieurs reprises l'idée d'une caisse unique, la votation populaire sur cette nouvelle initiative devrait avoir lieu le plus rapidement possible afin de liquider une nouvelle fois ce dossier.

Le présent message répond aux cinq motions, aussi le Conseil fédéral propose-t-il de classer celles-ci.

3.4

Conclusion

En raison des résultats de la procédure de consultation et en considération des motions parlementaires, le Conseil fédéral a décidé de renoncer à un contre-projet indirect en relation avec l'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie».

4

But et contenu de l'initiative populaire

4.1

Buts visés

L'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» a pour objectif l'institution par la Confédération d'une caisse publique unique pour l'assurance obligatoire des soins.

8

Le rapport sur les résultats de la procédure de consultation peut être trouvé en suivant le lien www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2013 > DFI

7121

4.2

Dispositif proposé

A cette fin, l'initiative populaire réclame l'ajout dans la Constitution d'un nouvel art. 117, al. 3 et 4, et des dispositions transitoires correspondantes (art. 197, ch. 8), qui opéreraient un changement fondamental dans le système de l'assurance-maladie sociale suisse et reposeraient sur les éléments suivants: 1.

la pratique de l'assurance obligatoire des soins incombe à une institution nationale unique de droit public: la «caisse publique d'assurance-maladie».

2.

les organes de cette institution sont composés notamment de représentants de la Confédération, des cantons, des assurés et des fournisseurs de prestations.

3.

l'institution nationale crée des agences cantonales ou intercantonales; cellesci sont chargées notamment de la fixation des primes, de leur encaissement et du paiement des prestations; les primes sont fixées par canton et calculées sur la base des coûts de l'assurance-maladie sociale.

4.

dès l'acceptation de l'initiative populaire, l'Assemblée fédérale édicte les bases légales nécessaires au transfert des réserves, des provisions et de la fortune de l'assurance-maladie sociale à la nouvelle caisse unique nationale.

5.

si l'Assemblée fédérale n'édicte pas la législation correspondante dans les trois ans suivant l'acceptation de l'initiative populaire, les cantons peuvent créer sur leur territoire une institution publique unique d'assurance-maladie sociale.

Selon l'argumentaire établi par les auteurs de l'initiative populaire9, celle-ci produirait les effets suivants: ­

l'assurance maladie serait plus simple, plus efficace, plus transparente et surtout moins chère;

­

la concurrence entre les caisses-maladie, qui conduit à la sélection des risques et aux salaires abusifs des managers, serait éliminée;

­

les réserves de l'assurance-maladie pourraient à la rigueur être réduites.

5

Appréciation de l'initiative

5.1

Appréciation de la modification proposée de la Constitution

5.1.1

Organisation et forme juridique de la caisse unique

L'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» demande que la Confédération crée une institution nationale unique de droit public pour gérer l'assurance obligatoire des soins, mais ne dit pas quelle forme juridique cette institution devrait revêtir, si bien qu'il reste une certaine marge d'interprétation à cet égard.

En revanche, le texte de l'initiative prévoit impérativement que les organes de l'institution sont formés notamment de représentants de la Confédération, des can-

9

www.caissepublique.ch

7122

tons, des assurés et des fournisseurs de prestations. Il prévoit également que l'institution nationale crée des agences cantonales ou intercantonales.

En l'absence d'une définition précise de la forme juridique de la caisse-maladie publique dans le texte de l'initiative, une des formes actuelles d'organisation des caisses-maladie (fondation, association, société coopérative, personne morale de droit public cantonal ou société anonyme à but non lucratif) pourrait entrer en ligne de compte, celle qui s'y prête le mieux étant vraisemblablement la personne morale de droit public.

5.1.2

Gestion de la caisse unique

La mise en oeuvre de l'assurance obligatoire des soins incombe à une institution nationale unique de droit public, qui crée à cette fin des agences cantonales ou intercantonales. Celles-ci sont chargées notamment de fixer les primes, de les encaisser et de payer les prestations. Les organes de cette institution (il s'agit habituellement de la direction et du conseil d'administration) sont composés, selon le texte de l'initiative, de représentants de la Confédération, des cantons, des assurés et des fournisseurs de prestations. Les tâches et les compétences de ces organes ne sont pas précisées. La composition prévue risque de provoquer des conflits d'intérêts.

Bien que ce modèle paraisse à première vue comparable à celui de la SUVA, il présente, à y regarder de plus près, des différences considérables. A la SUVA, les membres du conseil d'administration sont des représentants des employeurs, des salariés et de la Confédération. Les représentants des employeurs et ceux des salariés ont les mêmes intérêts. Ils représentent les payeurs de primes, et leurs soucis en matière de prévention et de traitement en cas d'accidents sont les mêmes. Dans la caisse publique, les fournisseurs de prestations seraient eux aussi représentés, de même que les cantons. Ces derniers sont également propriétaires des hôpitaux publics, lesquels, en tant que fournisseurs de prestations, ont d'autres intérêts financiers que les assureurs. A l'intérieur des organes tels qu'ils sont prévus dans le texte proposé par les auteurs de l'initiative populaire, les conflits seraient inévitables, notamment lors de la négociation des tarifs: ­

Les fournisseurs de prestations ont intérêt à ce que les tarifs qui les concernent soient élevés.

­

Les assurés ont intérêt à ce que le catalogue de prestations soit aussi large que possible et à ce que les primes soient basses.

5.1.3

Organisation décentralisée de la caisse publique

L'initiative populaire prévoit une organisation relativement décentralisée de la caisse publique nationale d'assurance-maladie. La création d'agences cantonales ou intercantonales ­ comparables aux caisses de chômage ­ est censée apporter aux assurés un service de proximité. Mais cela rend les assurés largement dépendants de leur encadrement régional, situation qui serait comparable à la situation actuelle, à cette différence près ­ mais elle est de taille ­ qu'ils ne pourraient pas adhérer à une autre caisse-maladie s'ils étaient mécontents de la qualité du service ou si des incompatibilités devaient naître entre l'assuré et la personne chargée de l'encadrement.

7123

5.1.4

Situation de monopole de la caisse publique et ses conséquences

L'institution d'une caisse publique nationale pour l'assurance obligatoire des soins conduit inévitablement à une situation de monopole du côté de l'assureur, avec les conséquences suivantes: ­

les assurés (comme on vient de le voir) n'auraient plus la possibilité, comme actuellement, de changer d'assureur s'ils n'étaient pas satisfaits du traitement des prestations ou de la qualité du service;

­

faute de concurrence, la caisse publique d'assurance-maladie serait moins portée à économiser sur les coûts. L'existence de plusieurs caisses-maladie et la situation de concurrence dans laquelle elles se trouvent incitent davantage ces dernières à faire preuve d'efficience et d'innovation;

­

les comparaisons avec l'étranger montrent qu'une situation de monopole dans l'assurance de base influe sur la répartition du financement entre l'assurance de base et les assurances complémentaires. Le besoin de formes d'approvisionnement et d'assurance en dehors de l'assurance de base tend à augmenter dans de tels systèmes, alors que les structures basées sur la concurrence apportent une qualité des prestations et un accès à celles-ci qui permettent de mieux répondre aux préférences des assurés.

5.1.5

La caisse publique, instrument de maîtrise des coûts?

L'initiative populaire a pour objectif principal l'institution par la Confédération d'une caisse publique nationale pour l'assurance obligatoire des soins. Elle ne vise donc pas prioritairement la maîtrise des coûts. Elle ne contient d'ailleurs aucune obligation explicite relative à des mesures de maîtrise des coûts.

Selon les arguments des auteurs de l'initiative, la caisse publique pourra réduire les frais administratifs. Sont notamment mentionnés les frais de publicité et les frais dus aux changements d'assureur. Il est vrai qu'une caisse publique unique permettrait de supprimer ou de réduire certains frais administratifs. On doit cependant compter avec des coûts de restructuration considérables, qui influenceront les comptes pendant des années. Il n'est en outre pas garanti que la mise sur pied d'une institution d'assurance en situation de monopole permette à celle-ci de travailler de manière plus efficiente et de mieux contrôler les coûts des prestations que les caisses-maladie existantes. D'ailleurs, le nombre des caisses-maladie qui pratiquent l'assurance obligatoire des soins sous l'empire de la LAMal s'est réduit de 145 en 1996 à 61 en 2013. En ce qui concerne les frais administratifs, on constate d'abord une diminution, ceux-ci passant de 133 francs par assuré (en 1996) à 118 (en 1999), puis une augmentation qui les porte à 160 francs par assuré (en 2011). Sur l'ensemble de la période considérée, le taux de croissance annuel des frais administratifs, qui se chiffre à 1,2 %, est ainsi légèrement inférieur à celui des salaires, selon l'indice des salaires de l'Office fédéral de la statistique (1,3 %), bien qu'il soit légèrement supérieur depuis 1999.

7124

Les frais administratifs et les frais de gestion absorbent 5,6 % des dépenses de l'assurance obligatoire des soins10. Pour d'autres assurances sociales, cette valeur est parfois nettement supérieure, notamment pour l'assurance-accidents (11,3 %), l'assurance-chômage (9,2 %) ou l'assurance-invalidité (6,5 %). La proportion n'est plus basse que pour les assurances sociales dont les dépenses sont constituées presque exclusivement par des paiements de rentes, c`est-à-dire pour l'AVS (0,4 %), les APG (0,1 %) et les allocations familiales (2,8 %). Etant donné que la tâche de l'assurance obligatoire des soins n'est pas de verser des rentes, mais de contrôler et de régler les factures des fournisseurs des prestations, ce qui nécessite bien davantage de personnel, il ne faut pas s'attendre à ce que la caisse publique puisse réduire les coûts administratifs de façon significative.

5.1.6

Conséquences sur la concurrence dans le domaine des tarifs

Dans un système de caisse publique, les règles de la concurrence ne sont plus les mêmes en ce qui concerne les tarifs: une multiplicité de fournisseurs de prestations font face à un seul assureur. L'assureur se trouve ainsi en situation de monopole. On pourrait dès lors s'attendre à ce que l'assureur dispose d'une position plus forte dans le cadre des négociations tarifaires que ce n'est le cas lorsqu'il y a multiplicité d'assureurs. Cela étant, le fait que les fournisseurs de prestations siègent dans les organes de la caisse publique et se trouvent ainsi pris dans des conflits d'intérêts relativise l'éventuelle position de force de l'assureur dans les négociations.

Les assureurs ont mené, jusqu'à la mise en place du nouveau système de financement des hôpitaux, des négociations communes avec les fournisseurs de prestations.

Mais la «position de force sur le marché» qui était la leur s'est affaiblie depuis.

Désormais, plusieurs communautés tarifaires, par exemple, Tarifsuisse SA ou le groupe Helsana/Sanitas/CPT, négocient avec les fournisseurs de prestations. Les conséquences des négociations des communautés tarifaires particulières au lieu de négociations communes ne peuvent pas encore être évaluées. La concurrence est toutefois limitée en raison de l'obligation de contracter.

5.1.7

Conséquences sur les primes

La Confédération craint que l'affaiblissement de l'élément de concurrence dans le système de l'assurance-maladie en lien avec l'initiative populaire conduise tendanciellement à une augmentation des primes dans l'assurance obligatoire des soins.

L'initiative populaire mise, comme le droit en vigueur, sur les primes des assurés comme principale source de financement de l'assurance obligatoire des soins.

Concrètement, elle prévoit que les agences cantonales ou intercantonales créées par la caisse publique fixent et perçoivent les primes, et paient les prestations. Une prime unique, calculée sur la base des coûts de l'assurance-maladie sociale, serait fixée pour chaque canton. L'initiative populaire ne donne pas d'autres indications sur la mise en oeuvre du financement de l'assurance-maladie sociale. Elle n'aborde 10

Office fédéral des assurances sociales, Statistique des assurances sociales 2012. Toutes les indications données se réfèrent à l'année 2010.

7125

nullement la question de la constitution de réserves et de provisions, ni celle de la lacune de financement pouvant résulter d'une sous-estimation des coûts lors de la fixation des primes, ou d'une soudaine hausse inattendue des coûts à la charge de l'assurance-maladie.

Etant donné que les primes ne seraient plus différenciées avec une caisse unique, les personnes aujourd'hui assurées auprès d'une caisse appliquant des primes hautes pourraient certes payer des primes moins élevées. En revanche, dans le même temps, les personnes aujourd'hui assurées auprès d'une caisse appliquant des primes basses devraient payer des primes plus élevées. Il pourrait en résulter une augmentation du pourcentage d'assurés bénéficiaires des subsides de réduction individuelle des primes. Par conséquent, les dépenses au titre de la réduction des primes augmenteraient aussi.

5.1.8

Conséquences sur les réserves

Comme avantage supplémentaire de la caisse publique, les auteurs de l'initiative populaire avancent la possibilité d'une réduction des réserves. Il est certes exact qu'une caisse-maladie comptant près de 8 millions d'assurés peut mieux diversifier les risques que les caisses-maladie actuelles, et qu'elle pourrait de ce fait devoir répondre à des exigences moins élevées en matière de réserves. Mais les coûts ne seraient pas maîtrisés pour autant, car une réduction des réserves ­ pour autant que les réserves légales lors du début de l'activité de la caisse publique soient totalement disponibles ­ n'aurait de toute façon un effet d'allégement sur les primes que durant les premières années. Par ailleurs, il convient de garder à l'esprit qu'une caisse publique a aussi besoin de réserves suffisantes pour couvrir les risques auxquels elle s'expose par son activité. A ce propos, se pose également la question de savoir ce qui se passe lorsque les réserves ne suffisent pas pour couvrir les coûts imprévus.

5.1.9

Effets sur la compensation des risques

La compensation des risques n'aurait plus aucun sens dans un système où une caisse jouit d'une situation de monopole, et serait donc supprimée. Cela n'aurait toutefois pas de conséquences notables sur le niveau des primes, car les frais administratifs par assuré occasionnés aux assureurs et à l'institution commune en relation avec la compensation des risques sont minimes.

5.1.10

Reprise des actifs et passifs

En relation avec la reprise par la caisse publique des actifs et des passifs des institutions existantes pratiquant l'assurance obligatoire des soins, des problèmes juridiques délicats pourraient en outre se poser. Surtout, la question de savoir si les caisses-maladie reçoivent une contrepartie pour la reprise de leurs actifs et passifs ne ressort pas du texte de l'initiative. Comme aucune réglementation explicite concernant une éventuelle indemnisation n'est prévue dans l'initiative, il appartient au législateur de régler cette question.

7126

Certes, il est déjà prévu dans le droit en vigueur qu'en cas de dissolution d'une caisse-maladie, l'excédent de fortune éventuel constaté dans les caisses organisées selon le droit privé revient au fonds de l'institution commune couvrant les cas d'insolvabilité si la fortune et l'effectif ne sont pas transférés par convention à un autre assureur (art. 13, al. 4, LAMal); un assureur doit également céder une part de ses réserves lorsque l'autorisation de pratiquer l'assurance-maladie sociale ne lui est retirée que pour certaines parties du rayon d'activité territorial. Il faudrait examiner dans le cadre de l'élaboration de la législation d'exécution si une réglementation analogue se justifierait dans le cas du transfert de tous les actifs et passifs de l'assurance obligatoire des soins à la caisse publique d'assurance-maladie. La reprise des actifs et des passifs pouvant s'avérer complexe, la situation financière de la caisse publique ne serait pas entièrement clarifiée au moment où celle-ci entamerait son activité.

5.1.11

Compatibilité du projet avec les obligations internationales de la Suisse vis-à-vis de l'Union européenne

L'initiative populaire «Pour une caisse publique d'assurance-maladie» est compatible avec le droit européen. En particulier, elle ne viole pas l'accord sur la libre circulation des personnes11 conclu entre la Suisse et la CE et ses Etats membres.

5.2

Appréciation des dispositions transitoires

5.2.1

Adoption de la base légale nécessaire pour le transfert

Selon les dispositions transitoires de l'initiative populaire, l'Assemblée fédérale doit édicter, dès l'acceptation de celle-ci par le peuple et les cantons, les bases légales nécessaires au transfert des réserves, des provisions et de la fortune de l'assurancemaladie sociale à la caisse nationale publique d'assurance-maladie. Si l'Assemblée fédérale n'édicte pas la législation correspondante dans les trois ans suivant l'acceptation de l'initiative populaire, les cantons peuvent créer sur leur territoire une institution publique unique d'assurance-maladie sociale. Cette disposition succincte au niveau de la Constitution et l'absence d'autres points de repère concernant d'importants aspects accessoires laissent une grande marge s'agissant des conséquences juridiques et financières de l'initiative populaire pour les assureurs actuels et pour la caisse publique à mettre en place. De l'avis du Conseil fédéral, le délai prévu de trois ans est court pour ce changement fondamental dans le système de l'assurance obligatoire des soins. Durant ce laps de temps, il faudrait modifier de nombreuses dispositions de la loi sur l'assurance-maladie en vigueur, voire en créer de nouvelles.

11

Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, RS 0.142.112.681

7127

5.2.2

Institutions publiques cantonales en cas de retard de la législation fédérale

Comme on vient de le voir, les dispositions transitoires prévoient que les cantons peuvent créer sur leur territoire une institution publique unique d'assurance-maladie sociale si l'Assemblée fédérale n'édicte pas les bases légales nécessaires dans les trois ans suivant l'acceptation de l'initiative populaire. Par conséquent, dans une telle hypothèse, une caisse publique pourrait être instituée au niveau des cantons, si bien que deux systèmes d'assurance complètement différents coexisteraient alors en Suisse, ce qui risquerait d'entraîner de nombreux problèmes d'application et de coordination.

5.3

Conséquences en cas d'acceptation de l'initiative populaire

5.3.1

Conséquences financières pour la Confédération, les cantons et les communes

Les subsides versés par les pouvoirs publics à l'assurance-maladie dans le cadre de la réduction des primes ont augmenté au cours des dernières années. En 2011, le montant des subsides de la Confédération s'élevait à 2,1 milliards de francs, celui des subsides cantonaux à 2,0 milliards12. S'y ajoutent, pour les cantons, les subventions en faveur des fournisseurs de prestations, en particulier des hôpitaux. Ces subventions avoisinaient les 9,4 milliards de francs en 201013. Le montant total couvert dans le cadre de l'assurance obligatoire des soins a atteint environ 34,8 milliards de francs, dont quelque 38,6 % ont été pris en charge par les pouvoirs publics. Dans la mesure où, en cas d'acceptation de l'initiative populaire, il n'y aurait plus de concurrence entre les assureurs puisque il n'y aurait plus qu'un seul assureur, une augmentation des primes dans l'assurance obligatoire des soins serait à prévoir. En raison de la prime unique résultant du monopole, il en résulterait probablement une augmentation des primes basses actuelles. Ainsi, les subsides accordés par les pouvoirs publics pour la réduction des primes devraient tendanciellement augmenter avec l'initiative populaire.

5.3.2

Conséquences pour les assureurs

En cas d'acceptation de l'initiative populaire, l'assurance-maladie sociale ne ferait plus partie de l'activité des assureurs-maladie existants, mais ceux-ci pourraient continuer de proposer des assurances complémentaires. Les 61 caisses-maladie actuellement actives dans le domaine de l'assurance obligatoire des soins seraient toutefois déchargées de leur principale activité. En particulier, les assureurs qui ne pratiquent aucune branche d'assurance complémentaire seraient obligés de se dissoudre, à moins de viser un autre but et d'entreprendre une activité dans un nouveau domaine. On doit partir du principe que de nombreuses institutions existantes seraient contraintes de cesser leur activité. L'institution d'une caisse publique aurait 12 13

OFSP, Statistique de l'assurance-maladie obligatoire 2011.

OFS, Financement du système de santé selon le régime de financement.

7128

pour conséquence une réorganisation fondamentale des structures organisationnelles et des processus administratifs, avec des répercussions sur une bonne partie des 12 52714 employés des caisses-maladie actifs dans les domaines de l'assurance obligatoire et des assurances complémentaires. En ce qui concerne les coûts auxquels les assureurs, la Confédération et les cantons devraient vraisemblablement faire face en cas d'acceptation de l'initiative, il faut distinguer entre les coûts du changement de système et les coûts de fonctionnement ultérieurs. Les uns et les autres dépendent de la mise en oeuvre concrète de l'initiative populaire et ne peuvent pour l'heure pas être chiffrés.

Les assureurs privés d'assurance-maladie complémentaire seraient également touchés en cas d'acceptation de l'initiative populaire. Selon le volume des primes, le domaine de l'assurance obligatoire des soins représente un taux trois fois plus important que celui de l'assurance-maladie complémentaire. Si, en cas d'acceptation de l'initiative, les groupes d'assurance-maladie devaient complètement transférer l'assurance obligatoire des soins à la caisse publique, les coûts globaux pour l'infrastructure, la vente et l'administration devraient être supportés par les seules assurances complémentaires privées, ce qui pourrait conduire à un assainissement du marché.

Si certains assureurs-maladie sont contraints de renoncer à leur entreprise, la garantie doit être donnée, du point de vue de la protection des assurés, que les contrats d'assurance pourront être prolongés. Sur ce point, il convient de relever que la plupart des contrats dans l'assurance-maladie complémentaire ne peuvent pas être résiliés par l'assureur. En cas d'assainissement important du marché, on ne peut pas garantir qu'en particulier les contrats d'assurance dignes de protection trouvent un preneur, dans la mesure où il n'existe à ce sujet pas d'obligation d'admission auprès des assureurs privés. Ainsi, une intervention de l'Etat devrait être prévue lors de l'attribution de tels portefeuilles en tant que mesure complémentaire.

5.3.3

Conséquences économiques

L'acceptation de l'initiative occasionnerait un changement de cap important dans l'assurance-maladie sociale et une restructuration d'un secteur économique. Les 61 caisses-maladie existantes seraient transférées dans une caisse publique unique, ce qui aurait des conséquences sur le marché du travail. Du point de vue de la politique économique, l'effet le plus important porterait sur les coûts du domaine de la santé.

Il convient de prendre en considération que les prestations de l'assurance obligatoire des soins se montent à 4,3 % du produit intérieur brut; en prenant en compte les subventions hospitalières cantonales, les prestations se chiffrent même à 5,7 %. Une caisse-maladie publique qui n'est pas en situation de concurrence est moins incitée à contrôler effectivement les coûts. Le problème n'en sera que plus aigu puisque, selon le texte de l'initiative, les fournisseurs de prestations doivent disposer d'un siège dans les organes de la caisse-maladie publique, ce qui affaiblit notamment le rôle de la caisse-maladie dans le cadre des négociations tarifaires avec les fournisseurs de prestations. Une institution qui agit dans un régime non concurrentiel est en outre moins encline à utiliser les primes de manière efficiente car elle peut augmen-

14

OFSP, Statistique de l'assurance-maladie obligatoire 2011.

7129

ter celles-ci sans devoir craindre que ses assurés la quittent. Des primes élevées se répercutent sur le pouvoir d'achat de la population.

Dans une situation de monopole, une caisse-maladie publique présente une autre structure des coûts que les assureurs qui se trouvent en concurrence. Etant donné que l'on ne constate aucun lien entre la taille des assureurs et les frais administratifs par assuré, on peut en déduire qu'une caisse publique ne permettrait pas d'économies d'échelle notables. Des économies seront en revanche réalisées dans le domaine du marketing et de la publicité, avec certaines conséquences sur le marché de la publicité, sur les courtiers d'assurance et sur les sites Internet de comparaison des primes.

Les conséquences économiques sur le marché de la publicité devraient être de l'ordre de 1 % de l'ensemble de ce marché.

6

Comparaison internationale

Les pays industrialisés connaissent pour l'essentiel, si l'on fait abstraction des EtatsUnis, deux types de système de santé: le service national de santé, principalement financé par les recettes fiscales (appelé «modèle Beveridge») et le système de l'assurance sociale, également appelé «modèle Bismarck». Les systèmes de santé de l'Allemagne, de la France, des pays du Benelux, de l'Autriche, de nombreux pays d'Europe de l'Est ainsi que du Japon et de la Corée du Sud sont financés selon le modèle de l'assurance sociale. Mais ces systèmes diffèrent considérablement les uns des autres. Dans la plupart des pays, il existe plusieurs assureurs, ceux-ci ne pouvant toutefois pas toujours être librement choisis: souvent, l'assureur est imposé en fonction de l'employeur, du statut professionnel ou du domicile. Le libre choix de l'assureur, comme en Suisse, existe en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Israël, en République tchèque et en Slovaquie (c'est ce que l'on appelle le «modèle du marché régulé»). Un système avec un assureur-maladie public unique est appliqué en Corée du Sud et dans quelques pays d'Europe de l'Est qui sont passés d'un système de santé étatique à un système d'assurance sociale.

Contrairement au système d'assurance-maladie de la plupart des autres pays, le système suisse n'est pas fondé principalement sur les cotisations des employeurs et des salariés, mais sur des primes individuelles, pour lesquelles des réductions individuelles sont accordées aux personnes de condition modeste.

Il est relativement difficile de se prononcer clairement sur le rapport entre le système de santé et les coûts de la santé en se fondant sur les statistiques internationales disponibles de l'OCDE. Les pays appliquant un système national de santé ont un niveau de coûts plus bas que la Suisse (tant en chiffres absolus que par rapport au produit intérieur brut), mais les coûts de la santé y ont augmenté bien plus fortement au cours de la dernière décennie. En revanche, les pays plus ou moins comparables à la Suisse sur le plan du développement économique et de la qualité des soins médicaux (p. ex., l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique ou la France) ne diffèrent guère, ni sous l'angle des coûts ni sous celui de l'accroissement des coûts, même si l'assurance-maladie y est financée d'une toute autre manière.

7130

7

Relation avec le droit européen

7.1

Droit de l'Union européenne

Aux termes de l'art. 3, par. 3, al. 2, du Traité sur l'Union européenne15, l'Union a pour mission de promouvoir la justice et la protection sociales. La libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union est fixée à l'art. 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)16. Le principe de la libre circulation requiert une coordination des régimes nationaux de sécurité sociale, ce que prévoit l'art. 48 TFUE. Le droit européen ne prévoit pas l'harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale, les Etats membres conservant la faculté de déterminer la conception, le champ d'application personnel, les modalités de financement et l'organisation de leur système de sécurité sociale. La coordination des régimes nationaux de sécurité sociale est mise en oeuvre par le règlement (CE) no 883/200417 et par le règlement d'application no 987/200918. Depuis le 1er juin 2002, date de l'entrée en vigueur de l'accord sur la libre circulation des personnes19 qu'elle a conclu avec l'UE et ses Etats membres, la Suisse participe à ce système multilatéral de coordination.

7.2

Instruments du Conseil de l'Europe

Le Code européen de sécurité sociale du 16 avril 1964 (CESS)20 règle, dans sa partie II, les soins médicaux. Tout Etat qui entend accepter les obligations découlant de la partie II du code doit notamment garantir l'attribution de prestations médicales aux personnes protégées en cas de maladie, quelle qu'en soit la cause, et en cas de maternité. Le bénéficiaire peut être tenu de participer aux frais des soins médicaux reçus en cas de maladie, et la durée des prestations servies peut être limitée à 26 semaines par cas. Lors de la ratification du CESS, la Suisse a déclaré ne pas reprendre les obligations découlant de la partie II. S'agissant de l'organisation des systèmes de sécurité sociale, le CESS prévoit que lorsque l'administration n'est pas assurée par un département gouvernemental responsable devant un parlement, des représentants des personnes protégées doivent participer à l'administration ou y être associés avec pouvoir consultatif dans des conditions prescrites; la législation nationale peut aussi prévoir la participation de représentants des employeurs et des autorités publiques (art. 71).

Le Code européen de sécurité sociale (révisé) du 6 novembre 1990 étend le champ d'application personnel et matériel du CESS. Il entrera en vigueur dès que deux membres au moins du Conseil de l'Europe l'auront ratifié. A ce jour, seuls les PaysBas l'ont ratifié (22.12.2009) et treize autres Etats l'ont signé.

15 16 17 18

19 20

JO C 326 du 26.10.2012, p. 13 JO C 326 du 26.10.2012, p. 47 Règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, (RS 0.831.109.268.1).

Règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.11).

RS 0.142.112.681 RS 0.831.104

7131

La Charte sociale européenne du 18 octobre 1961 et la Charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996 inscrivent à leur art. 12 le droit à la sécurité sociale. La Suisse n'a ratifié ni l'une ni l'autre.

8

Conclusions

De l'avis du Conseil fédéral, le changement de cap fondamental qui consisterait à confier l'assurance obligatoire des soins à une caisse publique plutôt qu'à une multiplicité de caisses ne s'impose pas. Le Conseil fédéral estime au contraire qu'un système composé d'une pluralité d'assureurs dans l'assurance-maladie sociale présente d'évidents avantages par rapport à une situation de monopole avec une seule caisse-maladie. La pratique de l'assurance-maladie obligatoire par plusieurs assureurs-maladie a une longue tradition dans notre pays. Les expériences faites depuis l'entrée en vigueur de la LAMal ont cependant montré que certaines adaptations sont nécessaires pour que le système fonctionne de manière optimale. Le Conseil fédéral est néanmoins convaincu que les incitations négatives actuellement constatées, comme la sélection des risques, peuvent être corrigées sans opérer un changement fondamental du système.

Avec le libre passage intégral, la population suisse dispose d'une liberté totale dans le choix de son assureur. Les assurés peuvent décider de continuer à s'assurer pour l'assurance obligatoire des soins auprès de la même caisse ou de changer d'assureur.

Le système actuel comporte des éléments de concurrence non négligeables qui incitent à prendre des mesures de maîtrise des coûts. Le Conseil fédéral souhaite le maintenir et entend conserver la concurrence afin de garantir un système d'assurance-maladie de qualité.

Le Conseil fédéral est convaincu que l'objectif de modération des coûts avec des incitatifs économiques pour tous les acteurs impliqués peut être mieux atteint qu'avec un système qui ne comprend qu'un seul assureur.

Mais le Conseil fédéral est également conscient que le système actuel doit encore être optimisé. Il a pour cette raison déjà transmis au Parlement la loi sur la surveillance de l'assurance-maladie. D'autres améliorations, en particulier dans le domaine de la sélection des risques et de la transparence, sont nécessaires.

Même s'il ne tient pas forcément au maintien d'une structure reposant sur une pluralité d'assureurs-maladie, le Conseil fédéral ne pense pas qu'un changement de système abrupt au profit de la mise en place d'une caisse unique constitue une solution aux problèmes prioritaires de l'assurance obligatoire des soins.

Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral s'oppose à l'institution d'une caissemaladie publique.

7132