13.078 Message portant approbation d'une nouvelle prolongation de l'engagement de l'armée en service d'appui à l'étranger pour la protection de l'ambassade de Suisse à Tripoli du 20 septembre 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 70, al. 2, de la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire, nous soumettons à votre approbation un projet d'arrêté fédéral portant approbation d'une nouvelle prolongation de l'engagement de l'armée en service d'appui à l'étranger pour la protection de l'ambassade de Suisse à Tripoli (période allant de février 2014 à janvier 2016).

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

20 septembre 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2013-2009

6525

Condensé Contexte L'Assemblée fédérale a approuvé, par arrêté fédéral du 3 décembre 2012, la proposition du Conseil fédéral de renouveler le mandat de protection de l'ambassade de Suisse à Tripoli, attribué aux forces spéciales de l'armée (approbation pour une période de six mois, renouvelables par le Conseil fédéral ; période globale: de février 2013 à janvier 2014). La proposition du Conseil fédéral au Parlement reposait sur l'existence de risques réels auxquels le personnel de l'ambassade était confronté et de l'impossibilité pour l'Etat libyen d'assurer une protection aux ambassades étrangères à Tripoli.

Depuis la fin de la guerre civile, la Libye a réalisé un certain nombre de progrès sur le chemin de la transition et de la mise en place d'institutions démocratiques.

L'élection d'un parlement et d'un gouvernement provisoires ont été un pas important sur ce chemin. Il s'agit, pour les autorités libyennes, de composer avec de nombreux intérêts divergents; le processus de transition évolue donc lentement et avec quelques difficultés. La promulgation de la loi d'isolement politique, qui prévoit l'exclusion pendant dix ans de toute charge publique pour les personnes ayant été impliquées dans le régime précédent, a monopolisé le dialogue pendant des mois; sa mise en vigueur aura certainement des répercussions durables sur la vie politique du pays.

Pour progresser sur le chemin de la transition, la Libye a besoin du soutien de la communauté internationale. Compte tenu du rôle de ce pays et de sa fonction de pont entre Europe, Afrique du Nord et Afrique subsaharienne, la Suisse a intérêt à participer activement au processus de stabilisation de la Libye, en développant des relations sur les plans diplomatique et économique et en mettant en place un programme de coopération efficace sur un certain nombre d'aspects institutionnels.

La situation en matière de sécurité en Libye reste globalement tendue. La nature et l'intensité des menaces varient selon les régions. L'assassinat de l'ambassadeur américain à Benghazi en septembre 2012, l'attentat à l'explosif contre l'ambassade de France ainsi qu'un certain nombre d'autres agressions récentes contre des représentations étrangères et des organisations internationales montrent que les capacités de planifier et de mettre en oeuvre des actes de violence
ciblés de la part de certains milieux sont toujours puissantes. Une criminalité croissante et une violence touchant de plus en plus les femmes représentent d'autres formes de menaces courantes, en augmentation dans la capitale et dans le reste du pays. Les représentants de pays étrangers doivent donc toujours faire face à des menaces réelles.

Le défi majeur pour les autorités libyennes consiste à assurer aussi rapidement que possible un monopole réel de la gestion de la sécurité dans le pays. Il n'existe pas encore de véritable intégration des différentes forces de sécurité sous un seul commandement. Les représentations étrangères doivent pour l'heure compter surtout sur leurs propres moyens de protection.

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Le personnel de l'ambassade de Suisse à Tripoli n'a pas connu d'incidents de sécurité jusqu'ici. Les détachements de protection ont toutefois dû procéder à des évacuations d'urgence pour éviter une mise en danger du personnel.

Le Conseil fédéral juge très positive l'expérience relative à l'engagement des forces spéciales pendant les 18 premiers mois. Le dispositif de protection mis en place correspond aux exigences et est constamment adapté à l'évolution de la situation. Il ne devrait pas connaître de modifications importantes dans les prochains mois.

Les coûts de personnel des détachements de protection sont à la charge du DDPS.

Le DFAE met à disposition les moyens spécifiquement liés à l'engagement. Il finance les moyens de transport (aérien et sur place), s'occupe de la mise à disposition du logement pour les détachements de protection et prend en charge les dépenses de nourriture et de communication ainsi que les coûts dérivant des indemnités de sécurité.

Contenu du projet Le Conseil fédéral considère que les risques auxquels le personnel de l'ambassade est confronté sont toujours présents et qu'il est donc nécessaire de renouveler le mandat des forces spéciales de l'armée pour une période de deux ans (de février 2014 à janvier 2016). Cette nouvelle prolongation nécessite l'accord de l'Assemblée fédérale. La demande du Conseil fédéral fait l'objet du présent message. Les moyens spécifiquement liés à l'engagement pour la période allant de février 2014 à janvier 2016 seront pris sur le budget ordinaire du DFAE.

Une approbation par l'Assemblée fédérale pour une période de deux ans se justifie compte tenu du temps que prendra la stabilisation du pays du point de vue politique et sécuritaire; elle permettra au Conseil fédéral et au Parlement de traiter ce dossier à intervalles réguliers mieux agencés dans le temps. Le DFAE et le DDPS, qui suivent l'évolution de la situation en Libye, proposeront au Conseil fédéral l'interruption ou la suspension définitive de l'engagement des forces spéciales avant l'échéance de ce délai, si la situation le permet.

6527

Message 1

Contexte

L'Assemblée fédérale a approuvé, par arrêté fédéral du 15 mars 20121, la proposition du Conseil fédéral de mandater des détachements de l'armée pour la protection de l'ambassade de Suisse à Tripoli. Selon l'art. 1, al. 2, de l'arrêté, le déploiement de l'armée était limité à une période de six mois, le Conseil fédéral étant cependant autorisé à prolonger le mandat de six autres mois si la situation sur place l'exigeait.

Aux termes de l'art. 2 de l'arrêté, le Conseil fédéral pouvait décider en tout temps d'interrompre le mandat ou d'y mettre fin s'il le jugeait nécessaire. La prolongation de la période par le Conseil fédéral a été décidée le 4 juillet 2012.

L'Assemblée fédérale a approuvé, par arrêté fédéral du 3 décembre 20122, le renouvellement de l'engagement des forces spéciales, sur la même base (six mois, de février 2013 à juillet 2013, renouvelables par le Conseil fédéral). La prolongation de la période jusqu'à janvier 2014 a été décidée par le Conseil fédéral le 26 juin 2013.

Le personnel composant ces détachements de protection provient du Commandement des forces spéciales de l'armée, en l'occurrence surtout du Détachement de reconnaissance de l'armée 10 et du Détachement spécial de la police militaire.

Le Conseil fédéral est d'avis qu'il existe toujours des risques sensibles et réels auxquels le personnel de l'ambassade est et sera confronté dans un avenir à moyen terme. Il constate également que les autorités libyennes ne sont toujours pas en mesure d'assurer la protection des représentations étrangères à Tripoli et dans le reste du pays.

Le Conseil fédéral considère qu'il est donc nécessaire de renouveler le mandat des forces spéciales de l'armée pour une période de deux ans. Une approbation par l'Assemblée fédérale pour une période de deux ans se justifie compte tenu du temps que prendra la stabilisation du pays du point de vue politique et sécuritaire; elle permettra au Conseil fédéral et au Parlement de traiter ce dossier à intervalles réguliers mieux agencés dans le temps. Le DFAE et le DDPS suivent l'évolution de la situation en Libye. Si, dans le courant de cette période, le Conseil fédéral constate que l'engagement n'est plus nécessaire, il l'interrompra ou y mettra fin.

Par ce message, le Conseil fédéral demande une nouvelle autorisation à l'Assemblée fédérale.

1.1

La nouvelle Libye sur le chemin de la démocratie (évolution et défis)

Le renversement du régime à la mi-2011 a été suivi, dès juillet 2012, d'élections pour désigner un parlement de transition, l'actuel Congrès national; ces élections se sont déroulées avec succès. Depuis novembre 2012, le pays est doté d'un gouvernement provisoire qui s'efforce d'étendre la souveraineté de l'Etat à l'ensemble du territoire et de faire progresser le processus de transition.

1 2

FF 2012 3607 FF 2013 229

6528

Le traitement du passé est l'un des objectifs que s'est fixé le Congrès national, qui a notamment pour préoccupation majeure de tenir à l'écart des fonctions publiques les hauts responsables du régime déchu. Dans cette optique, il a adopté le 5 mai 2013 une loi d'isolement politique. Cette décision a été précédée de discussions et de polémiques qui se sont étalées sur plusieurs mois. La définition des personnes ayant participé au régime Kadhafi était au centre des débats.

La solution retenue s'applique à toutes les personnes qui ont exercé de hautes responsabilités dans l'administration entre 1969 et 2011, sans tenir compte du fait qu'elles soient passées à l'opposition dès les débuts de l'ancien régime ou qu'elles aient joué un rôle clé au moment du renversement de 2011. Dès lors, les personnes concernées devraient abandonner les fonctions dirigeantes qu'elles exercent aujourd'hui. Sont également concernés les responsables politiques qui ont remporté les élections de l'été 2012 et qui, grâce à leur expérience en matière de conduite, ont donné au pays une certaine stabilité tout au long de l'actuelle et délicate phase de transition. Ces personnes devraient attendre l'été 2023 pour occuper à nouveau des postes à responsabilité. Sur le plan formel, la loi est d'ores et déjà entrée en vigueur au mois de juin. Cependant, sa mise en oeuvre intégrale tarde à devenir effective, ce qui laisse présumer que cet acte législatif pourrait être assoupli.

Il est difficile pour l'instant de prédire les conséquences précises de ce règlement de comptes avec le passé, d'autant que l'adoption de la loi a été précédée d'un déploiement de milices armées dans Tripoli. Cette manoeuvre tient au fait que le gouvernement commence à agir peu à peu pour éloigner de la capitale les forces armées irrégulières. Les autorités libyennes misent sur le dialogue pour inciter les milices à se retirer. Il est encourageant de constater que les villes et quartiers concernés s'opposent aux milices, même s'ils le font souvent en ayant recours à des contre-milices plutôt qu'en renforçant les forces de sécurité officielles.

La transition révolutionnaire s'inscrit dans une continuité relativement fragile; sachant que, d'après les statistiques, chaque citoyen libyen ­ homme ou femme, quel que soit son âge ­ possède plus de trois armes,
le recours à la violence reste malgré tout modéré. Un puissant contrôle social interne continue de s'exercer sur la population, malgré ­ ou précisément à cause de ­ la vulnérabilité des pouvoirs publics. Il est à noter par ailleurs que le parti islamiste libyen se montre pour l'instant plutôt modéré ­ en comparaison avec la Tunisie ou l'Egypte ­ d'autant plus qu'il a obtenu aux élections de juillet 2012 des résultats bien moins bons que prévu et que certains de ses dirigeants sont eux-mêmes visés par la loi d'isolement politique. L'organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQIM) exerce dans le nord du pays une présence purement ponctuelle. Par ailleurs, il est quasiment impossible de contrôler les milliers de kilomètres qui s'étirent le long de la frontière libyenne. C'est la raison pour laquelle le franchissement illégal de la frontière, la contrebande, le trafic d'armes et l'arrivée en masse de migrants qui visent l'Europe comme destination sont devenus monnaie courante, surtout dans le sud du pays. Les interventions armées des islamistes dans la région du Sahel rendent cette situation particulièrement explosive.

Le principal problème politique de la Libye tient au fait que la transformation de l'Etat et de la société, de même que la mise en place d'institutions viables, prennent du temps. Cette lenteur peut notamment s'expliquer par la faible marge de manoeuvre dont dispose une classe dirigeante fragile pour aborder simultanément la multitude de questions en suspens, absorbée qu'elle est par des tractations internes. Le rétablissement de la pleine autorité étatique et la stabilisation de Benghazi et de la 6529

province de Cyrénaïque font partie des questions en suspens. Tout comme les solutions pour combler le vide sécuritaire dans les régions frontalières avec l'Algérie, le Niger et le Tchad, le renforcement de la société civile et du secteur privé ainsi que la poursuite des nombreux projets d'infrastructure délaissés depuis la révolution.

Malgré ces obstacles, la production de pétrole et de gaz ­ clé de voûte de l'économie libyenne ­ a retrouvé dès la fin 2012 le niveau approximatif qui était le sien avant la révolution, ce qui a entraîné une augmentation de 100 % du PIB par rapport à l'année précédant la révolution. Or, depuis le début 2013, des groupes d'intérêts internes particuliers ont découvert qu'ils pouvaient utiliser la production de pétrole, vitale pour le pays, comme moyen de pression sur l'Etat et sur les entreprises nationales et internationales concernées. Il s'agit par exemple des milices chargées de la protection des installations, des conducteurs de poids lourds, de certaines minorités et d'employés locaux. La production a en conséquence chuté, jusqu'à 40 %, même si elle a pu se rétablir depuis l'été 2013. Elle demeure néanmoins inférieure à ses capacités, ce qui affaiblit d'autant la vigueur économique du pays.

Les préparatifs pour l'élection d'une instance de 60 membres chargée d'élaborer un projet de constitution battent leur plein. Dès que le projet sera prêt, le peuple libyen sera appelé à se prononcer lors d'un référendum qui sera suivi par de nouvelles élections pour désigner un parlement conforme à la constitution. Cette nouvelle représentation populaire devra à son tour nommer le premier gouvernement régulier depuis 1969. Etant donné que l'héritage institutionnel, culturel et psychologique résultant de quatre décennies de dictature ne peut pas être surmonté en quelques mois, le temps nécessaire pour mener à bien toute cette évolution politique devrait s'étendre jusqu'à la fin 2015.

1.2

La présence active de la Suisse

Avec son accès direct au Bassin méditerranéen, son énorme superficie, conjuguée à une population restreinte, et la présence des plus grandes réserves pétrolières d'Afrique, la Libye joue un rôle délicat de trait d'union ­ avec l'Europe et les pays au sud du Sahara, mais aussi au sein de l'Afrique du Nord. La Suisse entretient des liens étroits et multiples avec la Libye, de manière directe et indirecte, et a donc un intérêt particulier à voir sa situation fragile se stabiliser. La crise qui avait éclaté entre les deux pays lors de la phase finale du régime Kadhafi semble surmontée, et notre pays bénéficie d'une bonne réputation. Il reste encore toutefois à formaliser cette évolution positive par le biais de rencontres entre les deux gouvernements.

Le développement des nos relations profite sans nul doute de l'engagement «pionnier» de l'aide humanitaire durant la révolution ainsi que du travail subséquent effectué par la Division sécurité humaine (DSH) ainsi que par la Direction du développement et de la coopération du DFAE (DDC). Les besoins sont néanmoins encore immenses, tout étant à refaire en Libye.

La communauté internationale a un rôle important à jouer dans cette phase de transformation de la Libye et dans son processus de transition vers un Etat de droit. A cet égard, la Suisse participe à l'effort commun, piloté par la mission coordinatrice des Nations Unies en Libye (UNSMIL).

Les lignes d'action de la Suisse en Afrique du Nord sont fixées dans la stratégie adoptée le 11 mars 2011 par le Conseil fédéral. Celle-ci s'applique également à la 6530

Libye. Les activités de la DSH dans ce pays se concentrent sur les domaines 1 (transition vers la démocratie et droits de l'homme) et 3 (migration et protection des personnes, groupes et minorités vulnérables). Elles se résument aux domaines suivants: promotion des droits de l'homme, traitement du passé (soutien particulièrement sollicité par les autorités libyennes), assistance électorale et réforme du processus constitutionnel, gestion de restes de guerre non explosés (déminage), soutien de la société civile, réforme du secteur sécuritaire. Les contacts noués par la DSH avec le gouvernement libyen devront permettre d'identifier de nouveaux axes de coopération, en particulier des projets étatiques dont le financement pourrait à terme être repris et assuré par le gouvernement libyen.

Les activités de la DDC, complémentaires, se concentrent sur les secteurs suivants: soutien de la société civile et du secteur sécuritaire ainsi qu'aux médias, renforcement des structures étatiques et promotion de la confiance de la population envers les services publics (en matière de réhabilitation médicale par exemple), protection des personnes vulnérables (internally displaced persons [IDPs]).

La Suisse met à la disposition de l'UNSMIL un expert de police dans le cadre de la promotion de la paix civile. Une participation à la Integrated Border Management Assistance Mission de l'UE (EUBAM) est planifiée. Le DCAF (Centre pour le contrôle démocratique des forces armées, basé à Genève) joue un rôle important dans la réforme des forces de sécurité.

Sur le plan économique, le volume des échanges entre la Libye et la Suisse s'est développé très positivement depuis 2011. L'effort des divers acteurs suisses ­ comme Switzerland Global Enterprise, l'ambassade et le SECO ­ se concentrent actuellement sur une amélioration des conditions d'accueil pour les entreprises privées, notamment pour les PME. Après la crise bilatérale de l'époque, le régime libyen renversé avait retiré d'importantes valeurs patrimoniales de Suisse. C'est pourquoi notre pays a été relativement peu concerné par le blocage d'avoirs libyens. Une centaine de millions de francs suisses sont encore bloqués à ce jour. La Suisse a proposé un soutien actif à la Libye en prévision d'une éventuelle procédure de restitution.

2

La protection de l'ambassade de Suisse à Tripoli

2.1

La situation en matière de sécurité en Libye

La situation en matière de sécurité en Libye reste globalement tendue. La nature et l'intensité des menaces varient toutefois selon les régions. Il est souvent difficile d'avoir des informations fiables sur la nature des incidents de sécurité et sur les responsabilités. Les informations doivent donc toujours être vérifiées plusieurs fois avant d'être considérées comme fiables.

La situation à Benghazi est fortement instable. Elle est depuis longtemps caractérisée par de nombreux attentats contre des cibles occidentales comme le CICR et des représentations étrangères. La ville et sa région ont connu ces derniers mois de nombreuses attaques contre les forces de sécurité de l'Etat: agressions contre des postes de police, des casernes ou des postes de contrôle. La partie méridionale du pays connaît des violences dues aux anciennes rivalités entre les tribus ou provoquées par les activités liées à la contrebande et au commerce d'armes et de drogue.

Des villes comme Syrte ou Bani Walid sont toujours le théâtre de frictions entre 6531

factions rivales (révolutionnaires, loyalistes). Dans la capitale, la situation est, depuis les premiers mois de l'année 2013, fortement influencée par le déroulement de l'Opération Tripoli, mise en place par le Congrès national et le gouvernement et visant le désarmement, la dissolution ou l'éloignement des milices illégales échappant au contrôle de l'Etat. Cette opération de nettoyage a provoqué de nombreux conflits, parfois armés, entre les forces de sécurité de l'Etat (environ 3000 hommes) et les milices concernées.

L'assassinat de l'ambassadeur américain à Benghazi en septembre 2012, l'attentat à l'explosif contre l'ambassade de France et la tentative d'attentat contre l'office du British Council à Tripoli en avril 2013 ainsi qu'un certain nombre d'autres agressions récentes contre des représentations étrangères et des organisations internationales (voiture piégée de l'ambassade d'Italie, attaques contre les infrastructures de l'ONU) montrent que les capacités de planifier et de mettre en oeuvre des actes de violence ciblés de la part de certains milieux sont toujours puissantes. Les forces de sécurité saisissent régulièrement des quantités d'armes et d'explosifs impressionnantes. Une criminalité croissante et une violence touchant de plus en plus les femmes représentent d'autres formes de menaces courantes, en augmentation dans la capitale et dans le reste du pays. Les braquages de voitures (car jacking) sont devenus un phénomène relativement fréquent en Libye. Les représentants de pays étrangers doivent donc toujours faire face à des menaces réelles.

La population libyenne manifeste une attitude de plus en plus critique envers les responsables connus ou présumés de l'insécurité ambiante, qui mettent à mal la stabilité du pays (qu'il s'agisse de milices ou de milieux intégristes). Les protestations de la population peuvent donner lieu à des situations dramatiques, comme au début du mois de juin, lorsque des miliciens à Benghazi ont ouvert le feu contre des manifestants, tuant une trentaine de personnes. La population condamne également ouvertement les représentants d'un Etat jugé incapable d'assurer la protection de ses citoyens. Le défi majeur pour les autorités libyennes consiste donc à assurer aussi rapidement que possible un monopole réel de la gestion de la sécurité dans le pays.
Ce défi est loin d'être banal: d'une part, les autorités libyennes sont tributaires de l'appui des milices pour garantir la sécurité de l'Etat; d'autre part, elles doivent oeuvrer en vue de la dissolution de ces milices et de leur intégration dans la police ou l'armée.

L'action de désarmement, de mise sous tutelle, voire de dissolution des milices, se poursuit depuis des mois. Elle a déjà apporté un certain nombre de résultats positifs, notamment pour ce qui est des mécanismes de coordination des différents acteurs (police, armée, milices), qui ont été mis en place sous l'autorité de l'Etat. Ce phénomène de consolidation du contrôle par l'Etat peut conduire à une certaine déstabilisation des milices et les rendre méfiantes. Les milices n'entendent pas se dessaisir trop rapidement de leurs armes tant que leurs acquis n'ont pas été préservés et qu'elles n'ont pas obtenu des garanties suffisantes sur le plan institutionnel. Elles recherchent des moyens pour maintenir une visibilité et garder une influence sur le processus de transition. Il n'existe donc pas encore de véritable intégration des différentes forces de sécurité sous un seul commandement.

La création d'une police diplomatique, chargée de la protection des représentations étrangères, est un phénomène très récent. Ce corps se trouve en phase initiale de constitution, et ses tâches et son organisation ne sont pas encore connues. Les premières expériences de collaboration avec la police diplomatique ont eu lieu après l'attentat contre l'ambassade de France. L'Etat libyen a placé un certain nombre de 6532

patrouilles de cette nouvelle police auprès de certaines ambassades, dont l'ambassade de Suisse. Les premières impressions quant à la discipline et au degré de formation des membres de cette nouvelle police ont été plutôt encourageantes. Il est cependant encore trop tôt pour tirer des conclusions sur la capacité des autorités d'assurer la sécurité des représentations étrangères à court et et à moyen termes. Les représentations étrangères doivent donc pour l'heure compter surtout sur leurs propres moyens.

2.2

Le mandat des détachements de protection

2.2.1

Le bilan des 18 premiers mois de l'engagement

Les risques concrets auxquels le personnel de l'ambassade est confronté sont en gros les mêmes depuis la fin de la guerre civile, avec des nuances et des accents variant selon la situation: manifestations violentes, attaques contre des représentations étrangères, escarmouches ou combats dans lesquels le personnel de l'ambassade et des détachements de protection pourrait être involontairement impliqué, risques liés au banditisme et à la criminalité. Le personnel de l'ambassade n'a pas connu d'incidents de sécurité jusqu'ici. Les détachements de protection ont toutefois dû procéder à des évacuations d'urgence pour éviter une mise en danger du personnel. Le dispositif de sécurité est régulièrement modifié selon la situation. Suite à l'attentat contre l'ambassade de France, les mesures de sécurité ont été une nouvelle fois adaptées: renforcement du périmètre de l'ambassade, intensification des contrôles des véhicules, vérification systématique des sacs et bagages, appoint de la police libyenne pour la surveillance de l'ambassade.

Selon le mandat actuel, les détachements de protection ont la tâche de protéger le personnel et l'infrastructure du DFAE (chancellerie, résidence, bureaux de la DDC et de la DSH). Ils doivent protéger le personnel de l'ambassade pendant ses déplacements, selon le degré de danger du parcours choisi. Leur mission consiste en outre à conseiller le chef de mission et les services de sécurité du DFAE dans l'optimisation du dispositif de protection, en temps normal et en situation de crise. Le suivi de la situation et l'analyse permanente des risques, mais aussi le maintien des contacts avec des forces homologues, font également partie de leurs tâches.

Grâce à la présence de gardiens locaux et à l'optimisation constante du dispositif de protection, le personnel militaire n'a jamais atteint le plafond quantitatif opérationnel fixé par le Conseil fédéral.

Le Conseil fédéral juge très positive l'expérience des 18 premiers mois. Le dispositif mis en place correspond aux exigences et est constamment adapté à l'évolution de la situation.

2.2.2

Le mandat pour la période allant de février 2014 à janvier 2016

La mission prévue pour cette période se situe dans un cadre qui devrait être similaire à celui qui régit les opérations en cours. Les contenus de l'ordre d'opération initial restent en général valables. Un ordre partiel de l'Etat-major de conduite de l'armée couvrira les points spécifiques liés au prolongement de la mission.

6533

A l'avenir aussi, le dispositif tactique et le volume des détachements de protection seront constamment adaptés en fonction de l'évolution de la situation et par rapport à deux facteurs essentiels: la nature des menaces et l'intensité de la protection, d'une part; le nombre de collaborateurs à protéger, d'autre part.

D'autres ambassades étrangères en Libye bénéficient d'une protection par les forces de sécurité de leur pays. Les pays présentant des conditions d'exposition semblables à la Suisse sont protégés par des unités dont la taille correspond en gros à celle des détachements de protection suisses.

3

Conséquences en matière de finances et de personnel

Comme c'était le cas jusqu'ici, le financement des coûts de personnel des détachements de protection est pris en charge par le DDPS (Défense, crédit de budget A2100.0001). Le DFAE prend en charge le financement des moyens spécifiquement liés à l'engagement. Il finance les moyens de transport (aérien et sur place), s'occupe de la mise à disposition du logement pour les détachements de protection et prend en charge les dépenses de nourriture et de communication ainsi que les coûts découlant des indemnités de sécurité (crédit de budget A2119.0001).

Pour la nouvelle période de 24 mois, en admettant que le nombre de personnes engagées reste constant, le montant prévu correspond à une somme de 1 935 000 francs (voir tableau ci-dessous).

Coûts budgétisés pour les trois périodes d'engagement en CHF

Coûts planifiés pour la période allant de février 2012 à janvier 2013

Coûts planifiés pour la période allant de février 2013 à janvier 2014 (planification remise à jour en mai 2013)

Transport

250 000

150 000

350 000

Nourriture et petites dépenses

210 000

180 000

360 000

Indemnités de sécurité

200 000

170 000

425 000

Personnel local

330 000

400 000

800 000

Total

990 000

900 000

1 935 000

6534

Coûts planifiés pour la période allant de février 2014 à janvier 2016

Dépenses réelles pour la première période d'engagement en CHF

Dépenses pour la période allant de février 2012 à janvier 2013

Transport

197 000

Nourriture et petites dépenses

208 000

Indemnités de sécurité

180 000

Personnel local

335 000

Total

920 000

Tous les coûts résultant de l'engagement de l'armée pour la protection de l'ambassade de Suisse à Tripoli sont financés dans le cadre du budget et du plan financier du DFAE et du DDPS.

4

Aspects juridiques

4.1

Bases légales

L'engagement se fonde sur l'art. 69, al. 2, de la loi du 3 février 1995 sur l'armée (LAAM)3. Selon l'art. 70, al. 1, LAAM, le Conseil fédéral est compétent pour la mise sur pied d'un tel engagement. Etant donné que la durée de l'engagement dépasse trois semaines, l'approbation de l'Assemblée fédérale est requise en vertu de l'art. 70, al. 2, LAAM.

4.2

Forme de l'acte à adopter

L'arrêté fédéral joint au présent message prend la forme d'un arrêté fédéral simple, car il ne contient pas de règles de droit, et n'est donc pas sujet au référendum (art. 163, al. 2, Cst.4 et art. 29, al. 1, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement5.

3 4 5

RS 510.10 RS 101 RS 171.10

6535

6536