13.095 Message relatif à l'initiative populaire «Remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l'énergie» du 20 novembre 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre l'initiative populaire «Remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l'énergie» au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

20 novembre 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2013-1154

8089

Condensé Le Conseil fédéral propose au Parlement de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire «Remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l'énergie». Il approuve la ligne de l'initiative d'utiliser des taxes sur l'énergie pour atteindre les buts de sa politique climatique et énergétique, mais il rejette la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée et considère qu'il n'est pas indiqué que le montant de la taxe sur l'énergie proposée dépende des recettes de TVA ou des besoins de financement de l'Etat.

Teneur de l'initiative L'initiative populaire «Remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l'énergie» a été déposée le 17 décembre 2012 par le Parti vert'libéral munie de 108 018 signatures valables. Elle demande l'introduction d'une taxe sur les énergies non renouvelables (comme le pétrole, le gaz naturel, le charbon et l'uranium) et préconise de compenser la charge fiscale supplémentaire grevant la consommation d'énergie par la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée.

Les auteurs de l'initiative veulent élever l'efficience énergétique, promouvoir les énergies renouvelables et réduire les émissions de CO2. L'initiative doit contribuer à la sortie du nucléaire tout en ménageant le climat et l'économie.

Avantages et lacunes de l'initiative Le Conseil fédéral approuve la ligne directrice de l'initiative, fondée sur la politique en matière énergétique et climatique: en mai 2011, il a décidé de sortir progressivement du nucléaire, de continuer à poursuivre ses objectifs climatiques actuels et de maintenir une grande sécurité de l'approvisionnement en électricité. Il partage également l'avis des auteurs de l'initiative d'après lequel la réduction visée des émissions de CO2 et des gaz à effet de serre ainsi que de la consommation de l'énergie à plus long terme doit être atteinte principalement en agissant sur les prix.

C'est pourquoi l'administration examine actuellement, dans le cadre des travaux relatifs à la deuxième étape de la Stratégie énergétique 2050, les moyens de remplacer progressivement les systèmes d'encouragement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique ­ notamment le programme Bâtiments ­ après 2021 en introduisant des taxes sur l'énergie.

Toutefois, en proposant la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée,
l'initiative populaire propose une voie indésirable économiquement et financièrement. Pour garantir les finances publiques, les taux de la taxe sur l'énergie devraient être très élevés, dans une mesure qui dépasse de beaucoup le niveau justifiable en matière de politique énergétique et climatique. Afin que les recettes fiscales de la Confédération soient suffisantes, ces taux devraient d'ailleurs être augmentés au fur et à mesure que l'effet incitatif déploierait ses effets et que les ménages et les entreprises consommeraient moins d'énergies non renouvelables. La taxe sur la valeur ajoutée constitue la principale source de recettes de la Confédération et elle gagne de plus en plus en importance pour le financement des assurances sociales. De plus, en

8090

complément à l'impôt sur le revenu, elle répond de manière avantageuse à des impératifs comme la clarté et l'efficacité économique. En cas de remplacement de la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l'énergie, les entreprises seraient plus lourdement grevées qu'aujourd'hui. Contrairement à la taxe sur la valeur ajoutée, qui est largement neutre pour le commerce extérieur, une taxe sur l'énergie désavantagerait les entreprises nationales par rapport à leurs concurrentes étrangères.

De plus, l'initiative aurait des effets négatifs sur la répartition puisqu'elle alourdirait plus que proportionnellement la charge des ménages à faible revenu. C'est pourquoi un remplacement de la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l'énergie n'est pas recommandable.

Proposition du Conseil fédéral Pour ces raisons, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire «Remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l'énergie».

8091

Table des matières Condensé

8090

1

Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte de l'initiative 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité

8094 8094 8095 8096

2

Genèse de l'initiative 2.1 Environnement politique 2.2 Droit en vigueur 2.3 Politique énergétique de la Confédération 2.3.1 Stratégie énergétique 2007 2.3.2 Stratégie énergétique 2050 2.3.3 Plans du Conseil fédéral: passage d'un système d'encouragement à un système d'incitation 2.4 Principes fiscaux de la Confédération 2.5 Importance de la TVA 2.5.1 Evolution des recettes et des recettes affectées de la TVA 2.5.2 Charge de la TVA sur les entreprises 2.5.3 Charge de la TVA sur les ménages 2.5.4 Neutralité de la TVA pour le commerce extérieur

8096 8096 8097 8099 8099 8099

3

Buts et contenu de l'initiative 3.1 Buts de l'initiative 3.2 Dispositif proposé 3.3 Commentaire et interprétation du texte de l'initiative 3.3.1 Perception d'une taxe sur l'énergie 3.3.2 Mesures d'allégement 3.3.3 Suppression de la TVA

8108 8108 8108 8109 8109 8110 8110

4

Appréciation de l'initiative 4.1 Conformité aux principes et valeurs de la Suisse 4.2 Conséquences en cas d'acceptation 4.2.1 Fixation du taux de la taxe et conséquences énergétiques 4.2.2 Conséquences pour l'économie dans son ensemble 4.2.3 Conséquences pour la Confédération 4.2.4 Conséquences pour les assurances sociales 4.2.5 Conséquences pour les cantons et les communes 4.2.6 Mise en oeuvre de l'initiative 4.3 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 4.3.1 Compatibilité avec les obligations à l'égard de l'UE 4.3.2 Accords avec la Principauté de Liechtenstein et avec l'Allemagne 4.3.3 Compatibilité avec le droit commercial international (OMC) 4.4 Examen d'un contre-projet direct

8111 8111 8112 8112 8113 8118 8119 8120 8121 8123 8123

8092

8101 8102 8103 8104 8105 8106 8107

8123 8124 8125

5

Conclusions

8126

Liste des abréviations

8127

Bibliographie

8128

Arrêté fédéral relatif à l'initiative populaire «Remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l'énergie» (Projet)

8131

8093

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire «Remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l'énergie» a la teneur suivante: I La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 130a (nouveau)

Taxe sur l'énergie

La Confédération peut prélever une taxe sur les énergies non renouvelables importées et les énergies non renouvelables produites en Suisse. Si l'énergie est exportée, la taxe est remboursée. La taxe est calculée par kilowattheure (kWh) d'énergie primaire.

1

Aux fins de prévenir de graves distorsions de concurrence, la loi peut prévoir une taxe sur l'énergie grise.

2

3 Le taux de la taxe est fixé de sorte que son produit corresponde à un pourcentage déterminé du produit intérieur brut.

Chaque agent énergétique peut être assujetti à un taux différent en fonction de son bilan écologique global.

4

Aux fins de prévenir des distorsions de concurrence graves et de simplifier la perception de la taxe, la loi peut prévoir des exceptions au prélèvement de la totalité de la taxe.

5

Si, par suite de l'évolution de la pyramide des âges, le financement de l'assurancevieillesse, survivants et invalidité n'est plus assuré, 13,1 % au plus du produit de la taxe sur l'énergie peuvent y être affectés.

6

5 % du produit non affecté de la taxe sont employés à la réduction des primes de l'assurance-maladie en faveur des classes de revenus inférieurs, à moins que la loi n'attribue ce montant à une autre utilisation en faveur de ces classes.

7

II Les dispositions transitoires de la Constitution sont modifiées comme suit: Art. 196, ch. 3, al. 2, let. ebis (nouvelle) 3. Disposition transitoire ad art. 87 (transports) 2

Pour financer les grands projets ferroviaires, le Conseil fédéral peut: ebis. utiliser 1,5 % du produit de la taxe sur l'énergie visée à l'art. 130a;

1

RS 101

8094

Art. 197, ch. 92 (nouveau) 9. Disposition transitoire ad art. 130a (taxe sur l'énergie) Dès l'entrée en vigueur de la législation relative à l'art. 130a, mais au plus tard le 31 décembre de la cinquième année qui suit l'acceptation de celui-ci: 1

a.

les art. 130, 196, ch. 3, al. 2, let. e et 196, ch. 14 sont abrogés;

b.

l'art. 134 est modifié comme suit:

Art. 134

Exclusion d'impôts cantonaux et communaux

Les objets que la législation fédérale soumet à des impôts à la consommation spéciaux, au droit de timbre ou à l'impôt anticipé ou qu'elle déclare exonérés ne peuvent être soumis par les cantons et les communes à un impôt du même genre.

1

Le pourcentage déterminé du produit intérieur brut selon l'art. 130a, al. 3 est fixé de sorte que le produit de la taxe sur l'énergie corresponde au produit moyen de la taxe sur la valeur ajoutée des cinq années qui ont immédiatement précédé sa suppression.

2

Si la législation relative à l'art. 130a n'entre pas en vigueur au plus tard le 1er janvier de la sixième année qui suit l'acceptation de celui-ci, le Conseil fédéral règle les modalités.

3

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «Remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l'énergie» a fait l'objet d'un examen préliminaire de la Chancellerie fédérale le 1er juin 20113 et a été déposée le 17 décembre 2012 avec le nombre de signatures requises.

Par décision du 16 janvier 20134, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative a abouti avec 108 018 signatures valables.

Elle revêt la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose aucun contre-projet, ni direct ni indirect. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)5, le Conseil fédéral dispose d'un an depuis le dépôt de l'initiative, c'est-à-dire jusqu'au 17 décembre 2013, pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message.

Pour sa part, l'Assemblée fédérale dispose de 30 mois à partir du dépôt de l'initiative, c'est-à-dire jusqu'au 17 juin 2015, pour décider de la recommandation de vote qu'elle proposera au peuple et aux cantons (art. 100 LParl).

2 3 4 5

La numérotation définitive de la présente disposition transitoire sera fixée par la Chancellerie fédérale après le scrutin.

FF 2011 4303 FF 2013 571 RS 171.10

8095

1.3

Validité

L'initiative respecte les exigences de validité prévues à l'art. 139, al. 3, Cst.: a.

elle respecte le principe de l'unité de la forme puisqu'elle revêt la forme d'un projet rédigé;

b.

elle respecte le principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c.

elle respecte le principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

2

Genèse de l'initiative

2.1

Environnement politique

L'initiative a été déposée en décembre 2012 par le Parti vert'libéral (PVL). Elle préconise quant au fond de renchérir la consommation d'énergies non renouvelables en instituant une taxe sur l'énergie. L'augmentation du prix de l'énergie doit inciter à améliorer l'efficacité énergétique et à réduire la consommation d'énergie. Le coût des activités polluantes est ainsi plus fortement mis à la charge de leurs responsables. La suppression de la TVA doit permettre la mise en oeuvre de la réforme fiscale proposée sans modifier la quote-part fiscale.

Le débat relatif à une réforme fiscale écologique n'est pas nouveau. Deux initiatives populaires déposées au cours des années 90 («Initiative énergie et environnement» et «pour garantir l'AVS ­ taxer l'énergie et non le travail») préconisaient l'introduction de taxes d'incitation sur la consommation d'énergie dont le produit devait servir à abaisser d'autres taxes pour ne pas augmenter la quote-part fiscale. Le Conseil fédéral et le Parlement ont opposé un contre-projet à l'«initiative énergie et environnement», qui aurait jeté les bases de l'introduction d'une taxe incitative sur l'énergie. Son produit aurait été utilisé pour réduire les charges salariales annexes obligatoires. Le 24 septembre 2000, le peuple et les cantons ont rejeté ce contreprojet par 55 % des voix contre 45 %. Quant à l'initiative populaire «pour garantir l'AVS ­ taxer l'énergie et non le travail», qui allait dans le même sens, elle a été rejetée le 2 décembre 2001 par 77 % des voix.

En 2006, cette affaire a été portée devant le Parlement par la motion Studer Heiner (06.3190), «Réforme fiscale écologique». À l'origine, cette motion demandait un projet de réforme écologique. Le Parlement l'a transformée ensuite en un mandat d'examen en vue de déterminer les incitations écologiques inopportunes dans les systèmes des impôts et des subventions. Présenté par le Conseil fédéral en juin 2013, le rapport répondant à cette motion identifie les incitations écologiques inopportunes dans les domaines du trafic, de la consommation d'énergie et de matériaux ainsi que de l'utilisation et de la dégradation du sol. Il parvient toutefois à la conclusion que des mesures correctrices ont déjà été prises dans le cadre d'autres projets ou qu'elles pourraient être mieux ciblées dans des projets séparés que
dans un projet unique.

Etroitement liés aux préoccupations écologiques, les thèmes de l'«augmentation de l'efficacité énergétique» et de la «promotion des énergies renouvelables» sont des éléments centraux du débat politique de ces dernières années relatif à l'énergie. En l'occurrence, il faut citer en particulier l'initiative populaire «De nouveaux emplois 8096

grâce aux énergies renouvelables (initiative cleantech)» du parti socialiste. Le Conseil fédéral poursuit les mêmes objectifs que cette initiative: développer rapidement les énergies renouvelables et réduire l'«empreinte écologique» de la Suisse. Toutefois, il la rejette car il veut atteindre ces objectifs dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050 cf. ch. 2.3.2). L'initiative cleantech a été retirée conditionnellement lorsque le Parlement a adopté l'initiative parlementaire 12.400 «Libérer les investissements dans le renouvelable sans pénaliser les gros consommateurs»6.

En Suisse, des taxes sont déjà perçues en vue d'atteindre des objectifs de politique climatique et énergétique, par exemple le supplément actuel sur les coûts de transport des réseaux à haute tension d'un montant de 0,45 centime par kilowattheure de courant et la taxe sur le CO2 d'un montant de 36 francs (60 francs à partir du 1er janvier 2014) par tonne de CO2 (cf. ch. 2.2 et 2.3.2). Comme le prévoit la Stratégie énergétique 2050, le Conseil fédéral a commandé des travaux concernant le passage d'un système d'encouragement (fondé notamment sur des subventions) à un système d'incitation comportant des taxes sur l'énergie (cf. ch. 2.3.3).

Les taxes sur l'énergie dont certaines comportent des éléments d'une réforme fiscale écologique font également partie d'une conception largement testée au niveau international. Des systèmes d'incitation comprenant des taxes sur le CO2 et sur l'énergie existent déjà dans quelques pays [p. ex. Allemagne, Australie, Canada (Colombie britannique), Danemark, Finlande, Grande-Bretagne, Irlande, Norvège, Pays-Bas et Suède]. Le produit de ces taxes est la plupart du temps utilisé pour diminuer les coûts salariaux accessoires et les impôts sur le revenu. Face aux réglementations exceptionnelles qui existent, les expériences faites au niveau international ne montrent globalement pas de conséquences négatives sur l'emploi ni sur la capacité concurrentielle et une partie d'entre elles font état d'effets positifs sur l'innovation7.

Il faut relever cependant que le montant des taxes sur l'énergie appliquées actuellement au niveau international est sans commune mesure avec celui de la taxe sur l'énergie qui s'appliquerait en cas d'acceptation de l'initiative et ce, en raison des conceptions différentes de
ces taxes. La taxe sur l'énergie proposée par les auteurs de l'initiative se base sur les recettes de la TVA. Sa hauteur devrait être fixée en conséquence (voir ch. 3.3).

2.2

Droit en vigueur

Le droit en vigueur serait concerné par l'initiative tant au niveau de la perception de l'impôt qu'au niveau de son utilisation. Dans le domaine des énergies non renouvelables, la Confédération prélève, en vertu de l'art. 1 de la loi du 21 juin 1996 sur l'imposition des huiles minérales8, deux impôts de consommation spéciaux: d'une part, l'impôt sur les huiles minérales, qui grève l'huile de pétrole, les autres huiles minérales, le gaz de pétrole et les produits résultant de leur transformation, ainsi que les carburants et, d'autre part, la surtaxe sur les carburants. La moitié du produit net de l'impôt sur les huiles minérales et la totalité de la surtaxe sur les carburants (qui correspond environ à 70 % des recettes totales de cet impôt et de cette surtaxe) sont affectées à des tâches liées à la circulation routière et au trafic aérien. Le reste des 6 7 8

FF 2013 4901 Cf. INFRAS 2007, IEEP 2013a, p. 38 ss., IEEP 2013b, p. 19s., 44 s., 76s.et 85s., Patuelli et. al. 2005.

RS 641.61

8097

recettes totales sert à couvrir les dépenses générales de la Confédération. Etant donné que l'initiative ne prévoit pas l'abrogation des bases constitutionnelles de ces deux impôts (art. 86 et 131, al. 1, let. e, et 2, Cst.), ils pourraient être prélevés en plus de la taxe sur l'énergie prévue par l'initiative. En plus de ces deux impôts à la consommation, le droit fédéral prévoit d'autres taxes sur les énergies non renouvelables. Il s'agit notamment de la taxe sur le CO2, que la Confédération prélève sur la production, l'extraction et l'importation des combustibles9. La taxe sur le CO2 est une taxe d'incitation qui s'appuie sur la compétence de la Confédération en matière de protection de l'environnement (art. 74 Cst.). Un tiers du produit net de cette taxe sert à financer le programme Bâtiments (assainissements énergétiques) et les deux tiers restants sont redistribués à la population via les primes de l'assurance obligatoire des soins et aux entreprises via les caisses de compensation. La taxe sur le CO2 vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment les émissions de CO2, qui proviennent de l'utilisation des énergies fossiles. Au surplus, la société nationale du réseau de transport prélève un supplément sur les coûts de transport des réseaux à haute tension (supplément perçu sur le réseau), qui finance notamment la rétribution à prix coûtant du courant injecté (RPC). Ce supplément sert à indemniser les charges spéciales des gestionnaires de réseaux dues à leur obligation d'acquérir l'électricité provenant d'énergies renouvelables. Ce supplément s'appuie en particulier sur la compétence de la Confédération en matière d'énergie (art. 89 Cst.). Ces deux taxes pourraient également être prélevées en plus de la taxe sur l'énergie prévue par l'initiative.

En plus de ces taxes sur les sources d'énergie non renouvelables, la Confédération prélève une redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP). La RPLP n'est pas un impôt à la consommation. En vertu de l'art. 1 de la loi du 19 décembre 1997 relative à une redevance sur le trafic des poids lourd10, elle sert à couvrir à long terme des coûts d'infrastructure et des coûts occasionnés à la collectivité par ce trafic, dans la mesure où celui-ci ne compense pas ces coûts par d'autres prestations ou redevances.

En plus
des taxes précitées, la Confédération prélève des impôts spéciaux sur la consommation (p. ex. les impôts sur l'alcool et sur le tabac) et un impôt général sur la consommation, la TVA. En vertu de l'art. 1, al. 2, LTVA, la TVA est perçue sur les prestations que les assujettis fournissent à titre onéreux sur le territoire suisse, sur l'acquisition par un destinataire se trouvant sur le territoire suisse de prestations fournies par une entreprise ayant son siège à l'étranger et sur l'importation de biens.

Contrairement aux impôts de consommation spéciaux, aux taxes sur l'énergie ou aux droits de douane, la TVA devrait obligatoirement être abrogée si l'initiative était acceptée (art. 197, ch. 9, al. 1, let. a, Cst).

9 10

Art. 29, al. 1, de la loi du 23 décembre 2011 sur le CO2, RS 641.71.

RS 641.81

8098

2.3

Politique énergétique de la Confédération

2.3.1

Stratégie énergétique 2007

En 2007, le Conseil fédéral a décidé d'asseoir sa stratégie énergétique sur quatre piliers: l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables, le remplacement et la construction de grandes centrales électriques (nouvelles centrales nucléaires incluses) et la politique énergétique extérieure. En 2008, le Conseil fédéral a adopté deux plans d'action11 pour concrétiser cette stratégie. Les mesures qu'ils contiennent ont pour ambition, au cours de la période 2010 à 2020, de réduire la consommation d'énergie fossile de 20 %, d'élever la part des énergies renouvelables à 24 % de la consommation totale d'énergie et de limiter la hausse de la consommation d'électricité à 5 % au plus.

La politique énergétique nationale fondée sur la stratégie énergétique 2007 se compose d'un assortiment d'instruments d'incitation, de mesures d'encouragement, de prescriptions relatives à la consommation, de normes minimales et de mesures concernant la recherche et la formation. La RPC constitue le principal pilier de la promotion de la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables. Le supplément sur le réseau finance les coûts non couverts par les prix du marché pour la prise en charge par les gestionnaires de réseaux de l'électricité produite par des technologies donnant droit à la rétribution (p. ex. énergie éolienne, énergie solaire, biomasse)12. Un supplément de 0,45 centime en tout par kilowattheure d'électricité est prélevé en 201313. Dans le cadre des délibérations concernant l'initiative parlementaire 12.400 «Libérer les investissements dans le renouvelable sans pénaliser les gros consommateurs» (21 février 2012), le Parlement a décidé, au cours de la session d'été 2013, de renforcer la promotion de la production d'électricité provenant d'énergies renouvelables au moyen de la RPC, en autorisant la hausse du supplément jusqu'à 1,5 centime par kilowattheure d'électricité.

2.3.2

Stratégie énergétique 2050

À la suite, principalement, de la catastrophe nucléaire de Fukushima, le Conseil fédéral et le Parlement ont pris, en 2011, la décision de principe d'abandonner progressivement l'énergie nucléaire. C'est pourquoi le Conseil fédéral a élaboré la Stratégie énergétique 2050 sur la base de perspectives énergétiques révisées. Avec le message du 4 septembre 2013 relatif au premier paquet de mesures de la Stratégie énergétique 2050 (Révision du droit de l'énergie) et à l'initiative populaire fédérale «Pour la sortie programmée de l'énergie nucléaire (Initiative )»14, il a présenté un premier plan de mesures visant à garantir l'approvisionnement énergétique à long terme, plan qui doit être opposé, en tant que contre-projet indirect, à l'initiative populaire «Pour la sortie programmée de l'énergie nucléaire (initiative )».

11 12 13 14

Plans d'action «Efficacité énergétique» et «Energies renouvelables», OFEN, 2008 (www.bfe.admin.ch > Thèmes > Politique énergétique > Plans d'action 2008) Art. 15b, al. 1, let. a, LEne Art. 3j, al. 1, de l'ordonnance du 7 décembre 1998 sur l'énergie, RS 730.01 et art. 15b LEne FF 2013 6771

8099

Dans la Stratégie énergétique 2050, le Conseil fédéral a fixé les priorités suivantes: ­

Réduire la consommation d'énergie et d'électricité par personne en renforçant les mesures d'efficacité.

­

Développer l'offre d'électricité, en particulier dans le domaine de la force hydraulique et des énergies renouvelables. La couverture de la demande requiert probablement aussi le développement de la production électrique fossile au moyen du couplage chaleur-force et, le cas échéant, au moyen de centrales à gaz ou d'une augmentation des importations d'électricité.

­

Garantir l'approvisionnement en énergie en maintenant l'importation d'électricité pour garantir la sécurité de l'approvisionnement, en développant les réseaux de transport d'électricité et en transformant les réseaux de distribution en réseaux intelligents («smart grids»).

­

Transformer et développer les réseaux électriques et le stockage d'énergie car le développement des nouvelles énergies renouvelables et l'injection fluctuante de courant nécessitent une transformation des réseaux électriques et une augmentation des capacités de stockage d'énergie.

­

Renforcer la recherche énergétique: en mars 2013, le Parlement a déjà adopté le plan d'action Recherche énergétique suisse coordonnée.

­

Charger la Confédération, les cantons, les villes et les communes de montrer l'exemple en couvrant largement leurs propres besoins en chaleur et en électricité au moyen d'agents énergétiques renouvelables et en appliquant le principe de «meilleure pratique» dans tous les domaines.

­

Renforcer la coopération internationale: l'intensification de cette coopération dans le domaine de l'énergie doit se poursuivre.

Le premier plan de mesures vise à atteindre les objectifs suivants: ­

La consommation moyenne finale d'énergie par personne et année doit diminuer de 16 % d'ici 2020 par rapport à 2000 (année de référence) et de 43 % d'ici 2035. La consommation finale d'énergie visée en 2035 avoisine 152 TWh (549 PJ).

­

La consommation d'électricité moyenne par personne et par an doit diminuer de 3 % d'ici 2020 par rapport à 2000 (année de référence) et de 13 % d'ici 2035. Cela correspond à une consommation d'électricité estimée à 55 TWh (198 PJ) en 2035.

­

En 2020, la production annuelle moyenne d'électricité issue des nouvelles énergies renouvelables (sans la force hydraulique) devra atteindre au moins 4,4 TWh en 2020 et si possible au moins 14,5 TWh en 2035, ce qui correspond à 26 % de la consommation d'électricité estimée en 2035.

­

En 2035, la production annuelle moyenne d'électricité issue de la force hydraulique devra atteindre au moins 37,4 TWh, ce qui correspond à 65 % de la consommation d'électricité estimée en 2035.

8100

Les objectifs concernant la consommation d'énergie et le développement de l'électricité produite par des énergies renouvelables doivent être inscrits dans la loi sur l'énergie. En outre, il faut prévoir des mesures légales dans les domaines suivants: ­

Efficacité énergétique: relever la taxe sur le CO2 à 84 francs par tonne de CO2 pour augmenter l'efficacité énergétique dans le domaine des bâtiments et renforcer le programme Bâtiments. Améliorer l'efficacité énergétique dans l'industrie et les services et dans la mobilité, étendre les prescriptions d'efficacité à d'autres catégories d'appareils électriques et édicter des prescriptions claires pour les fournisseurs d'électricité.

­

Energies renouvelables: p. ex. relever le supplément perçu sur le réseau jusqu'à 2,3 centimes au plus par kilowattheure d'électricité, optimiser les taux de rémunération, accélérer les procédures d'autorisation.

­

Centrales à combustibles fossiles: p. ex. exempter partiellement, à certaines conditions, les installations de couplage chaleur-force de la taxe sur le CO2 grevant les combustibles.

­

Réseaux électriques: accélérer les procédures et introduire les compteurs intelligents («smart meters»).

Ce plan de mesures épuise la totalité des potentiels que la Suisse est en mesure d'exploiter aujourd'hui avec les technologies disponibles ou prévisibles et qui ne nécessitent pas de politique et de coopération internationales coordonnées supplémentaires.

2.3.3

Plans du Conseil fédéral: passage d'un système d'encouragement à un système d'incitation

La Stratégie énergétique 2050 prévoit que la politique énergétique sera réorientée stratégiquement pour la période postérieure à 2020, conjointement au développement de la politique climatique. Le Conseil fédéral fixera suffisamment tôt des objectifs cohérents en matière de politique climatique et énergétique en tenant compte de l'évolution internationale et des dernières connaissances scientifiques. Il défend l'idée que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation d'énergie doivent être poursuivis à long terme en agissant sur les prix. C'est pourquoi les systèmes d'encouragement actuels des énergies renouvelables (RPC) et de l'efficacité énergétique (programme Bâtiments, appels d'offres concurrentiels, objectifs d'économies pour les entreprises électriques) seront remplacés progressivement par un système d'incitation après 2021.

Un système d'incitation comprenant une taxe sur l'énergie présente des avantages par rapport à un système d'encouragement qui se dégagent principalement à moyen et à long terme. Premièrement, le changement des prix relatifs laisse la liberté aux ménages et aux entreprises d'adapter leur comportement là où c'est possible au moindre coût. Deuxièmement, les incitations par les prix stimulent la recherche constante de meilleurs moyens de réduire les émissions et la consommation d'énergie. Ces incitations engendrent des effets dynamiques sur l'activité économique. La charge fiscale supplémentaire liée à une taxe énergétique qui pèse sur la population devrait être compensée par le fait que le produit de la taxe sur l'énergie est redistribué dans la même mesure. Une autre utilisation possible consiste à abais8101

ser les impôts et taxes existants. Des gains d'efficience peuvent être obtenus suivant le mode de redistribution du produit de la taxe sur l'énergie ou du choix des impôts et taxes réduits en contrepartie. Ces gains réduisent le coût économique de la poursuite des objectifs énergétiques et climatiques (cf. ch. 4.2.2).

Le système d'incitation visé par le Conseil fédéral à long terme comporte deux volets: le prélèvement d'une taxe sur l'énergie et l'utilisation du produit de cette taxe. Des éclaircissements sont en cours pour déterminer concrètement les agents énergétiques (combustibles, carburants, électricité) qui doivent être soumis à la taxe sur l'énergie. Par une utilisation adéquate de son produit, cette taxe doit rester neutre pour les finances fédérales, c'est-à-dire que les pouvoirs publics ne doivent pas disposer de plus de fonds qu'ils n'en disposeraient sans la taxe sur l'énergie. Globalement, la charge des ménages et des entreprises ne devrait donc pas augmenter.

Dans ce but, le produit de la taxe sur l'énergie pourrait être redistribué aux ménages et aux entreprises et compensé en outre par une réduction des impôts et des taxes actuels. Le produit de la taxe devrait être utilisé de sorte que les ménages à faible revenu ne soient pas plus lourdement grevés par la taxe sur l'énergie que les ménages à haut revenu. Pendant la phase transitoire à partir de 2021, les encouragements du premier plan de mesures de la Stratégie énergétique 2050 seront réduits à un minimum. Pendant cette période, une partie du produit de la taxe sur l'énergie pourra encore servir à financer des mesures d'encouragement. La transition doit s'effectuer d'une manière fluide et dans un délai raisonnable. En l'occurrence, il faut accorder une importance particulière à la sûreté de la planification des ménages et des entreprises et à la sauvegarde à long terme des recettes fiscales. Le Conseil fédéral examine la création d'une base constitutionnelle explicite pour un tel système d'incitations avec une taxe globale sur l'énergie.

Le DFF a examiné diverses questions et variantes liées à l'introduction du système d'incitation envisagé en étroite collaboration avec le DFAE, le DFI, le DFJP, le DETEC, le DEFR et des représentations cantonales (cf. ch. 4.4)15. Une première consultation sur ce rapport prendra fin le 15 décembre 2013.

2.4

Principes fiscaux de la Confédération

La politique fiscale de la Confédération est fondée sur les principes suivants: premièrement, l'équilibre des finances fédérales doit être assuré constamment. Par conséquent, toute réforme fiscale doit être financièrement supportable. Deuxièmement, les impôts doivent être équitables, c'est-à-dire qu'ils doivent être modérés et respecter le principe de la capacité économique. Troisièmement, le système fiscal doit être aussi efficient que possible et influencer le moins possible les décisions individuelles et entrepreneuriales. Quatrièmement, il doit être simple. Cinquièmement, il doit être attrayant et tenir compte de l'attrait de la place suisse.

Pour ce qui est de la présente initiative, la question de l'adéquation de l'objet fiscal est capitale pour la politique fiscale. Au niveau de la Confédération, le revenu (impôt fédéral direct) et la consommation (TVA) servent en premier lieu d'objets 15

Cf. Rapport du DFF du 2 septembre 2013 «Passage d'un système d'encouragement à un système d'incitation / Variantes d'un système d'incitation dans la politique énergétique», téléchargeable sous www.efd.admin.ch > Thèmes > Impôts > Système d'incitation en matière énergétique.

8102

fiscaux à large base de calcul pour garantir une production durable de recettes.

L'étendue de la base de calcul permet en effet d'appliquer des taux modérés et diminue les possibilités d'éluder l'impôt. Des biens dont la consommation engendre des effets externes négatifs, c'est-à-dire dont le coût ne peut pas être mis entièrement à la charge de leurs responsables, servent d'objets fiscaux supplémentaires. Les impôts spéciaux sur la consommation d'énergie non renouvelable, de tabac et d'alcool en sont des exemples. Toutefois, les impôts à caractère incitatif ne jouent qu'un rôle complémentaire pour la production de recettes, car leur rendement est réduit en raison de l'étroitesse de leur base de calcul et diminue en vertu de l'effet incitatif.

2.5

Importance de la TVA

La TVA joue un rôle très important dans la politique fiscale de la Confédération.

Elle n'est pas seulement la principale source de recettes de la Confédération: elle devient aussi de plus en plus importante pour financer les assurances sociales. Sa part aux recettes fiscales de la Confédération est généralement de plus de 35 % (cf.

tableau 1). Dans les pays membres de l'OCDE aussi, les impôts à la consommation généraux ou spéciaux (qui font partie des impôts indirects) constituent une importante source de recettes puisqu'ils produisent 30 % de l'ensemble des recettes en moyenne pour l'OCDE16. En matière d'imposition de la consommation, la TVA est l'impôt le plus important.

Tableau 1 Evolution des recettes de la TVA et des recettes la Confédération

fiscales17

de

Année

Recettes de la TVA en millions de francs

Taux de croissance par rapport à l'année précédente en %

Recettes fiscales de la Confédération en millions de francs

Part de la TVA aux recettes fiscales de la Confédération en %

2007 2008 2009 2010 2011 2012

19 684 20 512 19 830 20 672 21 642 22 050

3,5 4,2 3,3 4,2 4,7 1,9

53 336 58 752 55 890 58 157 58 996 58 788

36,9 34,9 35,5 35,5 36,7 37,5

La TVA a pour but d'imposer la consommation finale non entrepreneuriale sur le territoire suisse. Toutefois, ce ne sont pas les consommateurs qui sont assujettis mais les entreprises. On part du principe, en l'occurrence, que les entreprises reportent la TVA sur leur clientèle et n'ont, par conséquent, pas à supporter la charge de la TVA.

16 17

Cf. OCDE 2012.

Créances brutes, c'est-à-dire recettes avant déduction des pertes sur débiteurs selon le compte d'Etat. Une augmentation du taux de la taxe de 0,4 point de pourcentage est survenue le 1er janvier 2011 (financement additionnel de l'AI).

8103

La livraison de biens et la fourniture de services par les entreprises sont imposables.

Le taux normal de 8 %, le taux réduit de 2,5 % ou le taux spécial de 3,8 % s'applique suivant la nature de la prestation fournie. L'application du taux réduit de 2,5 % aux biens de consommation journalière est due à des raisons de politique sociale. Le taux réduit s'applique notamment à la livraison de denrées alimentaires, de médicaments, de livres, de journaux, de revues et de divers produits pour l'agriculture (art. 25, al. 2, LTVA). Le taux spécial de 3,8 % pour les prestations d'hébergement a été introduit pour cinq ans au milieu des années 90 afin de venir en aide à l'hôtellerie qui traversait une passe difficile. Depuis lors, ce taux spécial a été prorogé cinq fois, la dernière fois le 21 juin 2013, jusqu'à fin 2017. Pour éviter un cumul de l'impôt, le contribuable a le droit de déduire à titre d'impôt préalable la TVA que son fournisseur lui a facturée.

Une partie des prestations économiques est exclue du champ de la TVA. Il s'agit principalement de prestations relevant de la santé, de la formation, de la culture, du sport, des services financiers et des assurances ainsi que de la vente et de la location d'immeubles d'habitation et de logements (art. 21 LTVA). Une entreprise qui fournit des prestations exclues du champ de l'impôt ne doit pas payer la TVA sur son chiffre d'affaires, mais ne peut pas non plus déduire à titre d'impôt préalable la TVA que ses fournisseurs lui ont facturée.

2.5.1

Evolution des recettes et des recettes affectées de la TVA

L'évolution des recettes de la TVA est presque parallèle, à moyen terme, à celle de l'économie générale, car la part du revenu affectée à la consommation varie peu avec le temps (cf. tableau 2). C'est pourquoi le taux d'augmentation du PIB nominal pronostiqué est un bon indicateur pour estimer les recettes de la TVA. Cette continuité, c'est-à-dire cette évolution relativement bien prévisible des recettes constitue une autre raison de l'importance de la TVA en tant que source de recettes de la Confédération.

Tableau 2 Evolution du PIB et des recettes de la TVA18 Année

Taux d'augmentation en % du PIB nominal par rapport à l'année précédente

Taux d'augmentation en % des recettes de la TVA par rapport à l'année précédente

Recettes de la TVA en % du PIB

2007 2008 2009 2010 2011

6,4 5,0 ­2,4 3,63 2,2

1,8 3,0 ­1,0 5,4 1,1

3,57 3,50 3,55 3,62 3,58

18

Contrairement au tableau 1, le tableau 2 montre des créances brutes corrigées de tout changement structurel (modifications des taux et de l'assiette). De plus, les recettes de la TVA sont présentées par période et non pas selon réception par l'AFC.

8104

En 2012, 23 % des recettes de la TVA étaient affectées. Le tableau 3 donne un aperçu de l'importance et de l'évolution de ces recettes affectées.

Un point de pourcentage des recettes de la TVA est destiné à l'AVS. De 1999 à la fin 2012, 33,7 milliards de francs ont été affectés à l'AVS. Ces recettes ont couvert en moyenne 7,4 % des dépenses annuelles de l'AVS.

Depuis 2001, 0,1 point de pourcentage des recettes de la TVA est affecté au financement des projets d'infrastructure des transports publics (FTP) (art. 196, ch. 3, al. 2, let. e, Cst.). Jusqu'à fin 2012, des recettes de la TVA d'un montant de 3,5 milliards de francs en tout ont été consacrées aux transports publics.

De plus, 5 % du produit non affecté de la TVA servent à financer la réduction des primes de l'assurances-maladie.

Enfin, les taux de la TVA ont été relevés de 0,4 point de pourcentage le 1er janvier 2011 pour garantir le financement de l'AI jusqu'au 31 décembre 2017.

Tableau 3 Evolution des recettes affectées de la TVA19 (en millions de francs) Année

Point de pourcentage de la TVA pour l'AVS 83 % au fonds de l'AVS20

Point de pourcentage de la TVA 17 % à la Confédération

Pour mille de la TVA pour les grands projets ferroviaires21

0,4 point de pourcentage pour le financement supplémentaire de l'AI22

Réduction des primes de l'assurancemaladie23

Recettes générales de la Confédération

2007 2008 2009 2010 2011 2012

2 144 2 235 2 167 2 257 2 269 2 288

439 458 444 462 465 469

302 315 305 318 320 309

0 0 0 0 863 1 103

840 875 849 884 889 896

15 959 16 629 16 065 16 751 16 836 16 985

2.5.2

Charge de la TVA sur les entreprises

La TVA a pour but d'imposer la consommation finale non entrepreneuriale sur le territoire suisse. L'entreprise assujettie la reporte donc en principe sur sa clientèle. Il peut arriver cependant que la TVA grève l'activité entrepreneuriale. C'est le cas lorsque la charge fiscale mène à un recul de la demande et que seule une partie de la TVA peut être reportée sur les consommateurs. De plus, suivant le montant du taux, la TVA tempère, comme tout impôt, la propension à consommer dans le pays et peut entraîner la revendication de hausses des salaires.

19 20 21

22 23

Cf. note 18.

Art. 130, al. 3, Cst. en relation avec l'art. 1 de l'arrêté fédéral du 20 mars 1998 sur le relèvement des taux de la taxe sur la valeur ajoutée en faveur de l'AVS/AI, RS 641.203.

Art. 196, ch. 3, al. 2, let. e, Cst. en relation avec le ch. I de l'ordonnance du 23 décembre 1999 sur le relèvement des taux de la taxe sur la valeur ajoutée en faveur du financement des grands projets ferroviaires, RO 2000 1134.

Art. 196, ch. 14, al. 2, Cst.

Art. 130, al. 4, Cst.

8105

Les entreprises sont grevées d'une taxe occulte sur une partie de leurs investissements et des prestations qu'elles acquièrent. Cette taxe occulte se forme principalement lorsque des prestations sont exclues du champ de la TVA. Etant donné que l'impôt préalable grevant ces prestations ne peut pas être déduit, une taxe occulte grève la fourniture de telles prestations. Une taxe occulte se forme également lorsque des prestations imposables en soi sont cofinancées par des subventions; dans ce cas en effet, le bénéficiaire des subventions doit réduire la déduction de l'impôt préalable.

D'après une étude pour la Suisse datant de 2007, le coût administratif du système actuel de la TVA se monte à 480 millions de francs par an24. Ce coût comprend les frais relatifs aux obligations de renseigner, comme l'établissement et la remise des décomptes de la TVA, la remise de renseignements à l'AFC, la facturation conforme aux exigences de la TVA, la demande de remboursement de l'impôt anticipé et du dégrèvement ultérieur de l'impôt ainsi que la remise de renseignements dans le cadre des contrôles de l'AFC. Ce coût tient également compte des frais de stockage, de formation, de consultation de conseillers fiscaux et des processus de décision.

2.5.3

Charge de la TVA sur les ménages

En principe, la TVA grève les ménages dans la mesure dans laquelle ils affectent leur revenu à des dépenses de consommation. En l'occurrence, on admet que seuls les consommateurs (et non pas les entreprises) supportent la charge de la TVA. Les résultats d'études empiriques étayent ces hypothèses dans l'ensemble25.

Des études sur les effets de répartition de la TVA en Suisse montrent que la TVA est régressive en fonction du montant du revenu des ménages, mais que cette régressivité est relativement faible26.

En se fondant sur une compilation des relevés de l'OFS concernant le budget des ménages de 2006 à 2009, l'AFC a calculé la charge de la TVA sur les ménages suisses. Le tableau 4 indique la charge de la TVA sur les ménages, en pourcentage, pour diverses classes de revenu. Les ménages à très haut revenu ne sont pas pris en considération. Il apparaît en effet que la charge diminue proportionnellement lorsque le revenu augmente. La TVA suisse a donc des effets légèrement régressifs sur le revenu des ménages.

24 25 26

Rambøll Management GmbH, p. 6 et ch. 3.1.2.

Cf. à ce sujet la bibliographie dans Morger, 2011.

Mottu 1997.

8106

Tableau 4 Charge de la TVA sur les ménages (en % du revenu brut), années 2006 à 2009 Classes de revenus (en fr. par mois)

0à 4699

Tous les ménages 4,84 % Ménages à une personne (sans rentiers) 4,90 % Ménages à deux personnes (sans enfant) Ménages à deux personnes (avec 1 enfant) Ménages à deux personnes (avec 2 enfants) Ménages de rentiers 4,61 %

4700 à 6799

6800 à 9099

9100 à 12 499

4,04 % 3,62 % 4,20 % 4,31 % 4,02 %

3,80 % 3,34 % 3,90 % 3,83 % 3,78 %

3,56 % 3,30 % 3,07 % 3,47 % 3,19 % 3,57 % 3,36 % 3,73 % 3,43 %

4,41 %

4,38 %

12 500 et plus

3,82 %

Ménages à une personne et ménages de rentiers: en raison du faible nombre d'observations, les classes de revenu de «9 100 à 12 499» et «12 500 et plus» ont été réunies. Les calculs ne prennent pas en compte les dépenses de TVA en matière de construction, d'acquisition et de rénovation de maisons et d'appartements.

2.5.4

Neutralité de la TVA pour le commerce extérieur

La TVA est grandement neutre pour le commerce extérieur car elle suit le principe du pays de destination, d'après lequel les prestations sont imposées dans le pays où elles sont consommées, aux taux d'imposition applicables dans ce pays. Lorsque des marchandises sont vendues à l'étranger ou que des services sont fournis à l'étranger, les chiffres d'affaires ainsi réalisés ne sont en principe pas soumis à la TVA suisse, mais à la TVA de l'étranger. La taxe sur les prestations préalables et sur les investissements peut être déduite. Ce genre de prestations est donc entièrement exonéré de la TVA. La soumission à la TVA suisse des importations et des services fournis en Suisse par des entreprises ayant leur siège à l'étranger constitue le pendant de l'exonération des exportations et des services fournis à l'étranger. Le montant des taux suisses de la TVA n'exerce donc pas d'influence directe sur la compétitivité en termes de prix de l'économie suisse. Il pourrait en revanche y avoir des effets indirects si l'augmentation du niveau des prix due à l'augmentation des taux de TVA entraînait des revendications salariales plus élevées et, le cas échéant, des salaires plus élevés.

La neutralité de la TVA pour le commerce extérieur est moindre pour les prestations qui sont exclues du champ de l'impôt en Suisse. Ces prestations ne sont pas imposables, mais la déduction de l'impôt préalable n'est pas possible non plus. Si une prestation exclue du champ de l'impôt, par exemple un service financier, est fournie à un acquéreur à l'étranger, l'impôt préalable non déductible est transféré d'une manière occulte à l'étranger. Dans ce cas, on parle également de taxe occulte.

8107

3

Buts et contenu de l'initiative

3.1

Buts de l'initiative

L'initiative a pour but de stimuler efficacement l'utilisation des énergies renouvelables et l'efficience de la consommation de l'énergie en les rendant avantageuses économiquement. Une consommation énergétique responsable et l'utilisation d'énergies renouvelables doivent être financièrement rentables, tandis que le gaspillage de l'énergie doit devenir nettement plus coûteux. Parallèlement l'initiative doit contribuer à diminuer les émissions de CO2 en Suisse, favoriser et accélérer une sortie du nucléaire supportable pour le climat. Les auteurs de l'initiative ont aussi à coeur de lutter contre le réchauffement climatique et de fournir une contribution en vue de la «société à 2000 Watts». Le renchérissement des énergies non renouvelables doit en outre diminuer la dépendance de la Suisse des importations d'énergie.

Les auteurs de l'initiative soulignent qu'elle marque un tournant important et novateur pour la Suisse économique et scientifique: le passage de l'économie suisse aux «cleantech» entraînera progressivement la création d'avantages concurrentiels et de nouveaux emplois. Elle accélèrera l'innovation et l'utilisation de nouvelles technologies dans le bâtiment, les processus industriels et le trafic.

De plus, les auteurs de l'initiative veulent décharger les entreprises en supprimant la TVA: la charge administrative des entreprises, en particulier des petites et moyennes entreprises, pour le prélèvement de la TVA serait réduite et l'imposition de l'innovation et de la création de valeur, que les auteurs de l'initiative considèrent comme insensée, serait supprimée.

3.2

Dispositif proposé

Le renchérissement des énergies non renouvelables constitue l'élément central de l'initiative. D'après le nouvel art. 130a Cst. proposé, la Confédération peut, d'après l'argumentaire des verts libéraux concernant l'initiative populaire, prélever une taxe sur les sources d'énergie non renouvelables comme le pétrole, le gaz naturel, le charbon et l'uranium. Le montant des taux de la taxe peut varier selon les sources d'énergie. La taxe est perçue à l'importation ou à la production en Suisse et calculée par kilowattheure d'énergie primaire. La taxe est remboursée si l'énergie est exportée. Le taux de la taxe est fixé de sorte que son produit corresponde à un pourcentage déterminé du PIB.

L'initiative permet d'imposer l'énergie grise et de prévoir des exceptions au prélèvement de la totalité de la taxe.

Parallèlement à l'introduction de la taxe sur l'énergie, la TVA doit être supprimée.

L'initiative prévoit que des parts du produit de la taxe peuvent être affectées au financement de certaines tâches de la Confédération, alors que le reste tombe dans la caisse générale de la Confédération.

8108

3.3

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

3.3.1

Perception d'une taxe sur l'énergie

Avec la nouvelle disposition, les sources d'énergies non renouvelables comme le pétrole, le gaz naturel, le charbon ou l'uranium seraient imposées. En revanche, l'initiative ne prévoit pas d'imposition des sources d'énergies renouvelables comme les biocarburants ou le bois. La taxe serait perçue par les autorités douanières à l'importation de l'énergie sur le territoire douanier suisse, qui comprend le territoire suisse et les enclaves douanières étrangères, mais sans les enclaves douanières suisses, selon l'art. 3, al. 2, de la loi du 18 mars 2005 sur les douanes27 (cf. ch.

4.3.2). La perception se ferait d'une manière analogue à celle de l'impôt sur les huiles minérales. Au niveau commercial, la taxe sur l'énergie devrait ensuite majorer au moins en partie le prix de l'agent énergétique, par exemple l'essence et d'autres produits basés sur le pétrole.

La taxe pourrait également être perçue sur la production indigène d'énergie. Actuellement, toutefois, aucune source d'énergie non renouvelable n'est exploitée abondamment en Suisse: le gaz naturel, le pétrole, la houille ou le lignite n'y sont pas extraits. Le prix de la production d'électricité en Suisse augmenterait cependant en raison de la taxe à l'importation de gaz naturel et d'uranium, qui rehausserait le prix du courant produit par les installations de couplage chaleur-force et les centrales nucléaires. Si de futures centrales combinées à gaz produisaient davantage d'électricité en Suisse, la taxe sur l'importation de gaz se retrouverait dans le prix de cette électricité. En revanche, l'ensemble du reste de la production d'électricité en Suisse provenant de la force hydraulique et d'autres énergies renouvelables ne serait pas grevée directement de la taxe sur l'énergie. La taxe grèverait toutefois indirectement les énergies renouvelables, car elle renchérirait les biens et les services nécessaires à la production de l'électricité.

Le texte de l'initiative implique l'imposition des importations d'électricité en Suisse, en plus de celle des sources d'énergie, lorsque cette électricité a été produite par des centrales nucléaires, des centrales thermiques à charbon, à gaz ou à pétrole. En revanche, l'importation d'électricité produite à partir d'énergies renouvelables comme la force hydraulique ou le vent serait exonérée de la taxe.
L'élaboration, l'aménagement et la mise en oeuvre de la taxe est laissée au législateur. Il faudra en l'occurrence prendre en considération le manque de bases d'information et la compatibilité difficile avec le droit commercial international (cf. ch.

4.2.6).

La taxe proposée peut être considérée comme un impôt de consommation spécial à caractère incitatif: le but premier de la taxe sur l'énergie est d'influencer le comportement des consommateurs, mais il ne s'agit pas d'une taxe d'incitation à proprement parler en raison de son but fiscal: financer les prestations de l'Etat.

27

RS 631.0

8109

3.3.2

Mesures d'allégement

En raison de la charge supplémentaire qu'elles occasionnent, les taxes sur l'énergie peuvent constituer un grave handicap concurrentiel pour les entreprises énergivores ou grandes émettrices de gaz à effet de serre, qui font face à la concurrence internationale. C'est pourquoi des mesures d'allégement des taxes sur l'énergie sont prises pour préserver la compétitivité de ces entreprises et empêcher leur émigration. Dans le domaine du climat, empêcher l'émigration a pour but d'éviter que la réduction des émissions indigènes ne soit compensée par une hausse des émissions dans des pays qui n'ont pas de régime environnemental correspondant et que la protection globale du climat n'en soit dégradée.

L'art. 130a Cst. proposé prévoit deux mesures d'allégement qui peuvent être prises pour prévenir des «distorsions de concurrence graves» et simplifier la perception de la taxe: d'une part, la loi peut prévoir l'imposition de l'énergie grise conformément à l'art. 130a, al. 2, Cst. Cela signifie que les biens et les services importés en Suisse seraient imposés lors de l'importation en fonction de l'énergie grise qu'ils contiennent et/ou des émissions de gaz à effet de serre qu'ils ont provoquées. Par énergie grise, on désigne la quantité d'énergie nécessaire à la production, au transport, au stockage, à la vente et à l'élimination d'un produit, en prenant en considération la consommation d'énergie de l'ensemble des processus de production appliqués depuis l'extraction de la matière première jusqu'au produit fini.

Les taxes sur l'énergie comprises dans les biens et les services exportés seraient remboursées aux producteurs indigènes (art. 130a, al. 1, Cst.). Il s'agirait de mesures d'ajustement fiscal à la frontière.

Conformément à l'art. 130a, al. 5, Cst., la loi peut prévoir une autre mesure d'allégement et fixer des exceptions au prélèvement de la totalité de la taxe. Par conséquent, certaines entreprises pourraient être exonérées de la taxe ou ne devraient acquitter qu'une taxe réduite. Des allégements de la taxe sur l'énergie en faveur des entreprises dont la production est gourmande en énergie ou fortement émettrice de gaz à effet de serre sont courants au niveau international28. En Suisse également, des exceptions sont accordées aujourd'hui tant pour les suppléments prévus par l'art. 15b LEne que pour la taxe sur le CO2 prélevée sur les combustibles.

L'initiative laisse au législateur le soin d'aménager les mesures d'allégement.

3.3.3

Suppression de la TVA

Il ressort du texte de l'initiative que la charge fiscale supplémentaire sur la consommation d'énergie doit être compensée par la suppression de la TVA: l'art. 197, ch. 9 (nouveau), Cst.29 dispose en effet que l'art. 130 Cst. actuel (taxe sur la valeur ajoutée) sera abrogé à l'entrée en vigueur de la législation d'exécution de l'art. 130a Cst.

(taxe sur l'énergie), au plus tard cinq ans après l'acceptation de l'initiative populaire.

Pour ce qui est du taux de la taxe sur l'énergie proposée, le texte de l'initiative dispose qu'il doit être défini en fonction du produit actuel de la TVA qu'il doit remplacer: d'après l'art. 130a, al. 3, Cst., le taux de la taxe doit être fixé de sorte que son produit corresponde à un pourcentage déterminé du PIB. Celui-ci est défini à 28 29

Cf. IEEP 2013a, p. 13s.

Cf. note de bas de page 1.

8110

l'art. 134, al. 2 (nouveau), Cst. de sorte que le produit de la taxe sur l'énergie corresponde au produit moyen de la TVA des cinq dernières années qui ont précédé immédiatement sa suppression. En l'occurrence, les recettes provenant du relèvement de 0,4 point de pourcentage en faveur de l'AI (financement supplémentaire de l'AI) limité jusqu'à fin 2017 ne sont pas prises en compte. Conformément à la part moyenne du produit de la TVA au PIB pour la période de 2007 à 2011, le produit de la taxe sur l'énergie devrait atteindre 3,6 % du PIB. Par rapport au PIB de 2011 de 587 milliards de francs, cela correspond à 21,1 milliards de francs (cf. tableau 2 au ch. 2.5.1). Par la suite, le taux de la taxe sur l'énergie devrait être adapté continuellement de sorte que son produit évolue en parallèle avec le PIB. Cette disposition ne précise pas comment il faut déterminer le montant des taux de la taxe sur les différents agents énergétiques (cf. ch. 4.2.1).

Pour ce qui est de l'utilisation du produit de la taxe sur l'énergie, l'initiative populaire propose de maintenir l'affectation des parts actuelles au produit de la TVA (cf.

ch. 2.5.1), mais sans tenir compte du relèvement limité jusqu'en 2017 de 0,4 point de pourcentage de la TVA en faveur de l'AI. D'après le nouvel art. 130a, al. 6, Cst., 13,1 % au plus du produit de la taxe peuvent être affectés au financement de l'AVS.

Cette somme correspond au produit de un point de pourcentage de la TVA qui est affecté actuellement à l'AVS (art. 130, al. 3, Cst.). En outre, comme actuellement, 5 % du produit non affecté de la TVA doivent être consacrés au financement de la réduction des primes de l'assurance-maladie (art. 130a, al. 7, Cst.). Depuis 2001, le produit de 0,1 point de pourcentage de la TVA est affecté au financement des grands projets ferroviaires (art. 196, ch. 3, al. 2, let. e, Cst.); l'initiative prévoit que le Conseil fédéral peut y affecter 1,5 % du produit de la taxe sur l'énergie. En revanche, elle ne prévoit pas de part au produit de la taxe sur l'énergie en faveur de l'assurance-invalidité. Etant donné que la taxe sur l'énergie ne sera pas entièrement introduite avant l'échéance de la hausse de la TVA en faveur de l'AI limitée au 31 décembre 2017, l'initiative prévoit uniquement que la disposition concernée (art. 196, ch. 14, al. 2, Cst.) est abrogée.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Conformité aux principes et valeurs de la Suisse

Le Conseil fédéral approuve la ligne directrice proposée par l'initiative, qui est de mettre en place des taxes incitatives afin d'atteindre les objectifs de la politique climatique et énergétique. En adoptant la Stratégie énergétique 2050 et en prévoyant de passer progressivement à un système d'incitation, le Conseil fédéral poursuit les mêmes intentions que l'initiative. Il explique cependant pourquoi il juge inappropriée la voie proposée par l'initiative pour atteindre ces objectifs. La suppression de la TVA s'oppose notamment aux principes de la politique fiscale de la Confédération, qui réserve une place particulière à cette taxe. Le Conseil fédéral estime également qu'il n'est pas souhaitable, dans le système d'incitation prévu, de fixer le montant de la taxe sur l'énergie en fonction des recettes de la TVA. En cas de remplacement de la TVA par une taxe sur l'énergie, les entreprises et les ménages à bas revenu seraient taxés davantage qu'aujourd'hui, car le financement des budgets publics exigerait le prélèvement de taxes sur l'énergie très élevées. La mise en oeuvre du projet proposé engendrerait en outre de grosses difficultés.

8111

4.2

Conséquences en cas d'acceptation

4.2.1

Fixation du taux de la taxe et conséquences énergétiques

Fixation du taux de la taxe L'initiative prévoit de fixer le taux de la taxe, calculée par kilowattheure d'énergie primaire, de telle sorte que son produit corresponde à un pourcentage déterminé du produit intérieur brut, celui-ci correspondant à son tour au produit moyen de la TVA des cinq années précédant immédiatement sa suppression. Le montant de la taxe sur l'énergie est ainsi calculé exclusivement sur le produit de la TVA, et aucunement en fonction des objectifs énergétiques et climatiques de la Suisse. Comparée à la base de calcul de la TVA, celle d'une taxe sur l'énergie est très restreinte, de sorte qu'il faudrait soumettre les combustibles et les carburants fossiles à des taux très élevés, tout comme les combustibles des centrales nucléaires (et d'éventuelles importations de courant non renouvelable). Vu le souhait politique de diminuer le recours aux énergies fossiles, ces taux devraient être constamment rehaussés.

Les recettes fédérales de l'impôt sur les huiles minérales (surtaxe comprise) et des taxes d'incitation se montaient en 2011 à 7,2 milliards de francs environ. Avec quelque 21,6 milliards de francs, le produit de la TVA était pratiquement trois fois plus élevé.

Les effets potentiels d'une refonte aussi radicale du système fiscal ont fait l'objet d'estimations approximatives (Ecoplan 2013). Les résultats révèlent qu'en cas d'acceptation de l'initiative et compte tenu des réactions sur le marché de l'électricité ainsi qu'au niveau de la demande d'énergie, il faudrait augmenter drastiquement le taux de la taxe afin de générer le produit escompté. Pour répondre à des besoins réels de financement estimés à 23,24 milliards de francs environ en 2020, la taxe sur l'énergie devrait avoisiner 33 centimes par kilowattheure ou 3,3 francs par litre d'huile de chauffage et 3 francs par litre d'essence (Ecoplan 2013). Le besoin de financement effectif, et donc la taxe sur l'énergie, devraient cependant se révéler encore plus élevés en 2020. D'après des estimations de l'AFC, la TVA devrait générer des recettes de l'ordre de 25 à 26 milliards de francs en 2020.

Le montant élevé de la taxe énergétique qui en résulterait atteindrait des montants si hauts, car le fait de soumettre les combustibles nucléaires à la taxe sur l'énergie augmenterait à tel point les coûts de production des centrales
nucléaires (d'environ 33 ct./kWh) que toutes seraient rapidement désaffectées faute de pouvoir rester concurrentielles. Les estimations entreprises ne prennent par ailleurs pas en compte les taxes que l'initiative prévoit de prélever sur l'énergie grise importée (cf. ch. 4.2.6 et 4.3.3). Les taux de la taxe devraient être encore rehaussés ensuite dans une mesure difficilement prévisible, car la diminution de l'utilisation des énergies fossiles réduirait le substrat fiscal.

Conséquences sur les émissions de CO2 et sur l'efficacité énergétique La taxe élevée sur l'énergie susciterait de vives réactions, aussi bien du côté de la production que de la consommation d'énergie. Les producteurs recourraient peutêtre à des technologies qu'ils n'appliquent pas encore à grande échelle actuellement et qui engendreraient une forte baisse des émissions de CO2. Par ailleurs, le niveau 8112

élevé de la taxe pourrait inciter les consommateurs à investir davantage dans l'amélioration de l'efficacité énergétique. La mise en oeuvre de l'initiative conduirait ainsi à une substitution rapide des agents énergétiques fossiles par des technologies dans les domaines des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique, et engendrerait dès lors une «décarbonisation» considérable. Telle qu'elle est proposée par l'initiative, la taxe sur l'énergie permettrait probablement d'atteindre l'objectif à long terme qui prévoit actuellement d'abaisser les émissions de CO2 pour les situer entre 1 et 1,5 tonne par habitant d'ici en 2050. Selon les calculs des perspectives énergétiques, cet objectif serait même dépassé.

4.2.2

Conséquences pour l'économie dans son ensemble

Aperçu L'initiative impliquerait de remplacer entièrement et en l'espace de quelques années la TVA par une taxe très élevée sur l'énergie. Cette manière de procéder pèserait lourdement sur l'économie et engendrerait d'indésirables effets de répartition.

La taxe sur l'énergie provoquerait une forte hausse des prix de l'énergie fossile et du courant produit par les centrales nucléaires. La demande tendant en conséquence à privilégier les énergies renouvelables, leur prix pourrait également s'accroître sensiblement, du moins à court terme. D'où un très net renchérissement des coûts de production. Comparée à l'actuelle TVA, une taxe sur l'énergie représenterait une charge qui varierait beaucoup selon l'entreprise et le secteur d'activités. Sans dérogations appropriées, les entreprises à forte intensité énergétique soumises à la concurrence internationale seraient particulièrement désavantagées par rapport aux entreprises étrangères.

De plus, l'introduction rapide d'une telle taxe sur l'énergie modifierait rapidement et fortement les prix relatifs, provoquant ainsi des turbulences économiques à court et à moyen terme.

La suppression de la TVA tendrait certes à abaisser les prix des biens et des services en Suisse. Cette baisse interviendrait toutefois au profit des consommatrices et des consommateurs. La charge supplémentaire attendue que la taxe sur l'énergie imposerait à l'économie serait ainsi plus élevée que les montants économisés grâce à la suppression de la TVA.

L'acceptation de l'initiative aurait en outre des effets indésirables sur la répartition des revenus. Si une taxe sur l'énergie devait remplacer la TVA, les ménages à bas revenus auraient à supporter une charge plus que proportionnelle.

Conséquences économiques pour les entreprises et pour les ménages L'introduction de la nouvelle taxe sur l'énergie génèrerait en principe les mêmes recettes fiscales que la TVA. Elle ferait peser la charge fiscale essentiellement sur les entreprises et les ménages qui utilisent abondamment les énergies fossiles. Une taxe sur l'énergie grèverait au contraire davantage les entreprises, car la charge fiscale pesant sur les marchés en concurrence internationale (en Suisse tout comme à l'exportation) ne pourrait guère être reportée sur les prix de vente. Selon l'initiative populaire, la loi peut certes
prévoir une taxe sur l'énergie grise à l'importation et une restitution de la taxe à l'exportation. Or la Suisse ne serait actuellement guère en mesure d'appliquer de tels ajustements fiscaux à la frontière en respectant ses obli8113

gations internationales (OMC, etc.; cf. ch. 4.2.6 et 4.3), et leur coût administratif serait par ailleurs énorme. Les entreprises suisses seraient ainsi désavantagées par rapport aux entreprises étrangères.

Dans l'ensemble, on peut donc s'attendre à ce que la taxe sur l'énergie accroîtra nettement la charge fiscale moyenne des entreprises. La charge que la taxe sur l'énergie fait peser sur une entreprise dépend de l'intensité énergétique de sa production et de ses émissions de gaz à effet de serre, de sa présence sur le marché international et de la conception du régime dérogatoire (Ecoplan 2012). Le cercle des entreprises ou des secteurs au bénéfice d'une dérogation devrait être aussi restreint que possible pour ne pas saper l'effet incitatif de la taxe sur l'énergie. Plus le régime dérogatoire est généreux, plus il alourdit la charge qui pèse sur les entreprises et les ménages non exonérés.

Les entreprises verraient certes diminuer les coûts qu'elles assument pour s'acquitter de la taxe. Les coûts administratifs de la perception de la taxe sur l'énergie peuvent être considérés comme étant plutôt faibles; la taxe peut être perçue à moindre coût de la même manière que l'impôt sur les huiles minérales. Si toutefois l'énergie grise devait être taxée à l'importation et à l'exportation, en tant qu'ajustements fiscaux à la frontière, cela ne pourrait guère se faire sans l'aide du fournisseur, voire du destinataire, des biens. D'où un supplément considérable de charges administratives pour les entreprises.

Conséquences sur le plan de l'économie énergétique La taxe sur l'énergie entraînerait une forte hausse des prix des énergies fossiles et de l'uranium destinés à la production d'électricité dans les centrales nucléaires. Les prix de l'approvisionnement en énergie augmenteraient donc d'autant pour les entreprises et les ménages. En conséquence, l'offre en énergies renouvelables augmenterait et les entreprises et les ménages réduiraient leur consommation d'énergie notamment grâce à des mesures renforcées en matière d'efficacité énergétique.

Il est impossible de quantifier précisément les surcoûts en matière d'économie énergétique pour les énergies renouvelables et pour les mesures d'efficacité supplémentaires ainsi que les dépenses moindres qu'occasionne une utilisation réduite de l'énergie. Les
résultats des perspectives énergétiques calculées dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050 peuvent toutefois donner des pistes. Les scénarios envisagés laissent à penser que les surcoûts des énergies renouvelables et des mesures d'efficacité supplémentaires sont nettement plus élevés que les montants économisés grâce aux mesures d'efficacité énergétique. Dans le scénario qui prend en compte les énergies renouvelables et les économies d'énergie les plus importantes, les surcoûts nets s'élèvent à des montants compris entre 1,1 et 2,1 milliards de francs par an, selon le moment30. Si l'initiative est mise en oeuvre, il faut s'attendre à des conséquences plus importantes sur le plan de l'économie énergétique et à des coûts d'autant plus élevés que dans le scénario correspondant des perspectives énergétiques. Conséquences sur la croissance, l'emploi et la prospérité.

Conséquences sur la croissance, l'emploi et la prospérité Le remplacement de la TVA par une taxe sur l'énergie implique une refonte majeure du système fiscal, qui aurait des effets avant tout négatifs sur l'économie: l'orga30

Cf. Prognos 2012, tableaux 5 à 26 p. 192.

8114

nisation du système fiscal, notamment la pondération des différents impôts (structure fiscale), exerce une influence sur la croissance, l'emploi et la prospérité dans son ensemble. Il est possible d'améliorer l'efficacité du système fiscal en réduisant les impôts qui créent une distorsion, c'est-à-dire ceux qui induisent des changements de comportement et entravent les activités économiques. En cas de suppression, cela ne serait toutefois plus le cas que dans une mesure très restreinte. En raison de son assiette très large et du fait qu'elle frappe la consommation de manière plus ou moins proportionnelle, la TVA influe moins sur le comportement que les autres impôts directs, comme l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur le bénéfice31.

L'étude d'Ecoplan (2012) consacrée aux conséquences macro-économiques d'une réforme fiscale écologique tient compte des effets d'une refonte du système des impôts et des taxes. Les analyses réalisées en marge du scénario «Nouvelle politique énergétique» (NPE), élaboré dans le cadre des Perspectives énergétiques 2050, fournissent des indications sur les conséquences qu'engendrerait l'acceptation de l'initiative. Le scénario montre les réductions des émissions de CO2 que la Suisse devrait viser dans le cas où l'objectif de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés devait s'imposer en politique climatique internationale. Selon l'étude, une taxe sur l'énergie, dont les recettes seraient compensées par une réduction (proportionnelle) de la TVA, exercerait en 2050 une influence légèrement négative sur le PIB (­0,3 %), l'emploi (­0,1 %) et la prospérité (­0,73 %). Soulignons toutefois que des différences séparent le scénario NPE et l'initiative. Celle-ci prévoit en effet de remplacer entièrement la TVA par une taxe sur l'énergie, les taux de celle-ci devant être fixés à un niveau nettement plus élevé et générer des recettes de 60 % supérieures que dans le scénario considéré. L'initiative aurait ainsi des conséquences (négatives) plus sensibles sur l'économie nationale que le scénario NPE. Le délai de mise en oeuvre très bref (cinq ans) préconisé par les auteurs de l'initiative (art. 197, ch. 9, Cst.) ne ferait qu'accroître l'impact négatif sur la conjoncture économique: pour remplacer la TVA, il faudrait prélever en l'espace de quelques années une taxe sur l'énergie
totalisant jusqu'à 25 ou 26 milliards de francs, ce qui reviendrait à introduire rapidement des taux de taxation très élevés. Une modification aussi rapide et aussi radicale des prix relatifs ne manquerait pas de provoquer des turbulences économiques.

Par ailleurs que les calculs d'Ecoplan ne comprennent pas d'ajustements fiscaux à la frontière, car force est d'admettre que de tels ajustements ne sont pas praticables. On ajoutera à ce propos que les mesures commerciales fondées sur les «énergies grises» ou sur les «émissions grises» se heurtent à une forte contestation à l'échelle internationale, notamment en dehors de l'Europe. On ne peut donc pas exclure que la Suisse verrait son climat en matière de politique commerciale se détériorer si l'on introduisait ce genre de mesures. Les conditions d'accès au marchés étrangers risqueraient de se dégrader pour les exportateurs suisses. Enfin, les calculs du scénario NPE tablent sur une évolution positive de la politique climatique internationale, à savoir sur une hausse des prix mondiaux des émissions de CO2. Or une telle évolution reste entachée d'incertitude.

Une taxe sur l'énergie est en principe à même de stimuler l'économie, puisqu'une modification des prix relatifs peut accroître le rendement des sommes investies dans de nouvelles technologies visant à économiser l'énergie ou à réduire les émissions.

De nouveaux marchés ou de nouveaux «modèles d'affaires» peuvent ainsi apparaître 31

OCDE 2008; Ebrill 2001

8115

dans le domaine énergétique. Il est cependant extrêmement difficile de modéliser de telles impulsions économiques. Les expériences engrangées à l'étranger montrent qu'une taxation accrue de l'énergie peut favoriser l'innovation et la compétitivité32.

En Suisse, une taxe sur l'énergie d'un taux approprié produirait le même effet, du moins à moyen et à long terme. La taxe sur l'énergie prévue par l'initiative devrait toutefois atteindre rapidement des taux très élevés pour remplacer la TVA. Or ce changement rapide du contexte économique risque de provoquer de sérieuses turbulences et de conduire à la suppression d'un grand nombre d'emplois.

Conséquences sociopolitiques négatives sur les ménages Les taxes sur l'énergie ont un effet régressif, ce qui signifie qu'elles sont plus lourdes à supporter pour les ménages à bas revenu que pour les autres, puisque les ménages à bas revenu consacrent en général une plus grande partie de leur budget aux produits énergétiques. En Suisse, la TVA a également un effet régressif sur le revenu des ménages, mais cet effet demeure faible (cf. ch. 2.5.3).

L'étude d'Ecoplan (2012) consacrée aux conséquences macro-économiques d'une taxe sur l'énergie modélise les effets de diverses variantes de redistribution en considérant l'évolution de la prospérité de 15 groupes de ménages (ménages d'actifs avec ou sans enfants, ménages de rentiers, etc.) à différents revenus. Selon l'analyse, l'évolution de la prospérité est le résultat de plusieurs effets partiels: les taxes sur le CO2 et sur l'énergie, leur redistribution, le renchérissement des biens de consommation et la régression de la prospérité (baisse du revenu salarial et du revenu du capital). Le calcul prend également en compte une partie des bénéfices et des coûts dits «secondaires», comme l'amélioration de la qualité de l'air, la réduction des atteintes à la santé, la diminution du bruit et la baisse du nombre d'accidents. Dans ce domaine, la prospérité rend mieux compte de l'évolution de ces «bénéfices» pour certains groupes de ménages que ne le fait le seul revenu.

Les auteurs d'Ecoplan se sont penchés sur la variante consistant à abaisser la TVA.

Si le scénario NPE permet certes de se faire une idée approximative des conséquences de l'initiative populaire sur la répartition de la prospérité parmi les ménages,
la comparabilité demeure néanmoins limitée, car le scénario NPE prévoit des taux de taxe plus bas.

La figure 1 illustre l'évolution (en %) de la prospérité de différents groupes de ménages. Elle révèle que, dans le scénario NPE, l'introduction d'une taxe sur l'énergie grève davantage les ménages à bas revenu que les autres, lorsque cette taxe est compensée par une réduction de la TVA. Autrement dit, ces ménages subissent une plus grande perte de prospérité. Ce constat vaut aussi bien pour les familles avec ou sans enfant(s) que pour les rentiers. Cela signifie que la variante consistant à réduire la TVA pour redistribuer une taxe sur l'énergie débouche sur un effet assez nettement régressif. Ce résultat s'explique par le fait que la TVA pèse moins sur les ménages de condition modeste qu'une taxe sur l'énergie.

Figure 1 32

INFRAS 2007, European Environmental Agency 2011.

8116

Effet d'une taxe sur l'énergie redistribuée sous forme d'abaissement de la TVA dans le scénario «Nouvelle politique énergétique» (NPE) Evolution de la prospérité 4.00% 3.00% 2.00% 1.00% 0.00% -1.00% -2.00% -3.00%

Tous les ménages

Tous les ménages

Bénéfices secondaires

Evolution de la prospérité (sans les bénéfices secondaires)

Capitaliste

Rentier Q5

Rentier Q4

Rentier Q3

Rentier Q2

Rentier Q1

Avec enfant(s)n Q5

Avec enfant(s)n Q4

Avec enfant(s)n Q3

Avec enfant(s)n Q2

Avec enfant(s)n Q1

Sans enfant(s) Q5

Sans enfant(s) Q4

Sans enfant(s) Q3

Sans enfant(s) Q2

Sans enfant(s) Q1

-4.00%

Source: Ecoplan (2013) Le classement va des ménages à bas revenu aux ménages à revenu élevé, pour des ménages sans enfant, des ménages avec enfants et des rentiers (1er quintile au 5e quintile). Un autre type de ménage (capitaliste) a été ajouté. Ce dernier touche les revenus du capital qui ne peuvent pas être attribués aux ménages exerçant une activité lucrative ni aux ménages de rentiers.

Plus la taxe sur l'énergie est élevée et plus la TVA est basse, plus l'effet de la redistribution devient régressif. Remplacer entièrement la TVA par une taxe sur l'énergie ferait par conséquent peser une charge plus que proportionnelle sur les ménages de condition modeste.

Autres conséquences économiques Une acceptation de l'initiative entraînerait une forte hausse des prix des carburants en Suisse. En l'absence d'un renchérissement similaire à l'étranger, il faudrait s'attendre à voir les résidents de Suisse pratiquer le «tourisme à la pompe» dans les pays voisins. De même, les achats à l'étranger jouiraient d'un attrait plus grand. Ces remarques valent notamment pour la population des régions proches de la frontière.

La hausse du «tourisme d'achat» serait due, d'une part, au renchérissement relatif des biens et des services à forte intensité énergétique par rapport à des produits étrangers équivalents. D'autre part, les consommateurs pourraient obtenir le remboursement de la taxe étrangère sur la valeur ajoutée sans devoir acquitter une taxe lors de l'importation d'un bien en Suisse. Le prélèvement direct de la taxe sur l'énergie lors de l'importation de biens à usage personnel et la taxation de l'énergie grise parviendraient certes à limiter le tourisme d'achat, mais la taxation de l'énergie grise se heurte actuellement à des obstacles quasiment insurmontables (cf. ch. 4.2.6).

Pour lutter contre ce type de tourisme, il faudrait également prélever la taxe sur le carburant contenu dans les réservoirs des véhicules, ce qui contraindrait l'Administration fédérale des douanes à déployer d'énormes moyens administratifs.

8117

4.2.3

Conséquences pour la Confédération

Conséquences financières La TVA constitue la principale source de recettes pour le financement des tâches de la Confédération. Elle contribue de façon substantielle et de plus en plus importante au financement des assurances sociales. La taxe sur l'énergie proposée serait fixée par rapport aux recettes actuelles de la TVA. Du fait de ce lien explicite avec l'objectif de recettes fiscales et de la reprise, sur le fond, du régime d'affectation des contributions de financement, la proposition ne doit exercer aucune incidence ni sur le budget, ni sur la quote-part fiscale de l'Etat (cf. ch. 3.3 et 4.2.4). Les auteurs de l'initiative visent donc fondamentalement à conserver l'assiette fiscale de la Confédération. On peut toutefois se demander dans quelle mesure cet objectif est atteignable, pour deux raisons: Premièrement, l'assiette fiscale d'un impôt sur l'énergie est extrêmement limitée par rapport à celle de la TVA. Pour cette raison, les carburants fossiles et l'uranium nécessaire à la production d'électricité dans les centrales nucléaires (ainsi que, le cas échéant, les importations de courant non renouvelable) devraient être soumis à des taux d'imposition très élevés (cf. ch. 4.2.1). Il n'est pas certain que des taux si élevés soient acceptés.

Deuxièmement, la neutralité en matière de finances publiques est certes respectée durant la phase de transition mais il faudrait, ensuite, adapter en permanence le niveau de la taxe sur les agents énergétiques non renouvelables de telle sorte que la hauteur des recettes évolue au même rythme que le PIB. Dès que l'effet incitatif se ferait sentir et que les ménages et les entreprises consommeraient moins d'énergie non renouvelable, il faudrait à nouveau (fortement) augmenter les taux d'imposition afin d'assurer à la Confédération les rentrées fiscales dont elle a besoin. Dans la mesure où les possibilités bon marché dont disposent les ménages et les entreprises pour réduire leur consommation d'énergies non renouvelables s'amenuiseraient avec le temps, toute mesure supplémentaire d'adaptation pourrait devenir très coûteuse pour les entreprises et pour l'économie nationale, ce qui pourrait avoir, par effet de ricochet, des conséquences négatives sur les recettes fiscales. On peut aisément imaginer qu'il ne serait pas facile d'augmenter fréquemment le taux
d'imposition (cf. ch. 4.2.6). Indirectement, les mesures incitatives agiraient aussi sur le substrat fiscal actuel. On citera notamment l'exemple des impôts sur les huiles minérales, lesquels constituent le principal outil de financement des infrastructures routières: si la nouvelle taxe incitative faisait baisser la consommation de carburants, le substrat de financement des infrastructures routières se contracterait d'autant. Si le trafic des poids lourds devait également diminuer en raison de l'effet incitatif, les recettes de la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations afficheraient une baisse, ce qui réduirait par effet de ricochet le financement des grands projets ferroviaires. Contrairement au système incitatif prévu par le Conseil fédéral (voir ch.

2.3.3), les auteurs de l'initiative n'émettent aucune proposition pour compenser ces pertes de recettes.

Enfin, l'acceptation de l'initiative aurait également des conséquences sur la Confédération en tant que contribuable: en cas d'abolition de la TVA, les achats de biens et services de la Confédération ne seraient en effet plus grevés de ladite taxe et la caisse fédérale serait allégée, du côté des dépenses, de la taxe occulte (cette dernière s'élevait à 550 millions de francs en 2010 selon l'AFC). D'un autre côté, lesdits 8118

achats seraient assujettis à la taxe sur l'énergie. On ne sait pas encore si la différence entre les deux taxes serait positive ou négative.

Conséquences sur l'état du personnel L'abolition de la TVA entraînerait la dissolution de la Division principale de la TVA de l'AFC. Cette conséquence ne se ferait toutefois pas sentir immédiatement au moment de l'abolition définitive de la taxe, mais avec un certain décalage et de façon échelonnée. En effet, il faudrait encore contrôler les décomptes de la dernière période fiscale et assurer le recouvrement des impôts. De plus, il faudrait aussi procéder à des contrôles ici et là pendant un certain temps et engager les procédures juridiques fiscales et pénales qui s'imposent. Pour savoir combien de temps cette période transitoire pourrait durer, il faut se référer aux expériences réalisées avec l'abolition de l'impôt sur le chiffre d'affaires en 1994: fin 2012, certaines créances ICHA étaient encore en souffrance pour un montant total de quelque 530 000 francs.

La Division principale de la TVA compte actuellement 580 postes à plein temps (situation à juin 2013), répartis entre 631 personnes. Les coûts globaux du personnel correspondants s'élèvent à environ 96 millions de francs. En outre, quelques postes dans les états-majors de l'AFC seraient également affectés.

Les tâches de perception et de remboursement de la taxe sur l'énergie proposée reviendraient vraisemblablement à l'AFD et lui occasionneraient un accroissement moyen des charges. En cas d'imposition de l'énergie grise, les charges supplémentaires que l'AFD devrait supporter seraient en revanche importantes. Le surcoût ne sera toutefois chiffrable que lorsque le visage concret de la taxe sur l'énergie sera connu. En cas de suppression de la TVA conjuguée avec l'introduction d'une taxe énergétique, on peut donc globalement tabler sur une diminution des charges liées au personnel.

Jusqu'à ce que la TVA soit intégralement remplacée par la taxe sur l'énergie, la Confédération devrait supporter, pendant une phrase transitoire, les frais liés à la perception non seulement de la TVA, mais aussi de la taxe sur l'énergie.

4.2.4

Conséquences pour les assurances sociales

Depuis 1999, un point de TVA est prélevé et affecté à l'AVS. Conformément au droit en vigueur, 83 % des montants perçus alimentent directement le fonds de compensation de l'AVS et les 17 % restants sont crédités à la réserve de la Confédération pour permettre à celle-ci de financer sa part des dépenses d'AVS. En 2012, les recettes directes de l'AVS émanant de la TVA se sont élevées à 2,3 milliards de francs (6 % des recettes de l'AVS). Dans le cadre de l'allégement financier de l'AI, le Parlement a décidé en 2008 un relèvement de la TVA de 0,4 point de pourcentage en faveur de l'AI pour les années 2011 à 2017. Cette contribution financière s'est élevée à environ 1,1 milliard de francs en 2012 (11 % des recettes de l'AI). L'argumentation ci-après se concentre sur l'AVS, dans la mesure où ce financement additionnel expire en 2017.

Selon le texte de l'initiative, si le financement de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité n'est plus assuré par suite de l'évolution de la pyramide des âges, 13,1 % au plus du produit de la taxe sur l'énergie peuvent y être affectés. Pour la stabilité financière de l'AVS, il est toutefois capital de garantir un produit identique à celui 8119

dégagé selon le droit actuel en cas d'acceptation de l'initiative. Dès que l'effet incitatif de la nouvelle taxe se ferait sentir tel que souhaité et que les ménages et les entreprises consommeraient moins d'énergie non renouvelable, il faudrait augmenter une nouvelle fois fortement les taux d'imposition. La question fondamentale de la durabilité des recettes de la taxe sur l'énergie se pose donc également du point de vue de l'AVS puisque le financement de cette assurance serait de plus en plus compromis.

Les propositions du Conseil fédéral pour concrétiser la réforme de la prévoyance vieillesse 2020 portent notamment sur le financement additionnel de l'AVS par un relèvement de la TVA. La mise en oeuvre de ces plans par le biais de la taxe énergétique proposée par les auteurs de l'initiative nécessiterait une modification du nouvel article constitutionnel relatif à la taxe énergétique proposé (augmentation du montant maximal prévu pour les assurances sociales), d'une part, et la taxe sur l'énergie devrait être relevée encore afin de financer l'AVS, d'autre part. Sinon, il faudrait mobiliser d'autres sources de financement pour l'AVS (cotisations prélevées sur les salaires) ou recourir à des mesures au niveau des prestations, ce qui serait contraire aux cadre arrêté par le Conseil fédéral en ce qui concerne la réforme de la prévoyance vieillesse.

4.2.5

Conséquences pour les cantons et les communes

La TVA comme la taxe sur l'énergie proposée sont des impôts fédéraux auxquels les cantons et les communes n'ont pas droit. Les recettes fiscales de ces derniers restent donc en principe inchangées. En tant que consommateurs, les cantons et communes sont cependant directement concernés par ces deux taxes. D'un côté, les cantons et les communes verraient leur facture pour les achats de biens et de services diminuer de respectivement quelque 820 millions (estimation de l'AFC) et 860 millions de francs environ par an du fait de l'abolition de la TVA (taxe occulte) (état: 2010). De l'autre côté cependant, les biens et services renchériraient sous l'effet de la taxe sur l'énergie. Le montant de cette hausse n'est pas chiffrable et on ne sait pas encore si le passage d'une taxe à l'autre engendrera un solde positif ou négatif pour les cantons et les communes.

Ceux-ci pourraient toutefois être concernés indirectement à plusieurs titres. L'abolition de la TVA couplée à l'introduction de la taxe sur l'énergie pourrait affecter différemment les secteurs et, partant, les budgets publics de certains cantons ou communes. Par exemple, si le trafic poids lourds reculait sous l'effet incitatif de la nouvelle taxe, la part des cantons au produit brut de la RPLP diminuerait et devrait être compensée. A l'inverse, les usines hydrauliques suisses, profitant de la mise en oeuvre de l'initiative, pourraient augmenter leurs prix en raison de la hausse du niveau des prix de l'électricité. Elles dégageraient des profits supplémentaires, qui reviendraient à certains cantons.

8120

4.2.6

Mise en oeuvre de l'initiative

Problèmes de mise en oeuvre de l'initiative sur le plan pratique La mise en oeuvre de la réglementation proposée par les auteurs de l'initiative se heurterait à des obstacles considérables.

Premièrement, l'imposition de l'énergie grise, que les auteurs de l'initiative préconisent au titre de mesure compensatoire, consisterait à imposer à la frontière les importations sur le territoire douanier suisse en fonction de l'énergie qu'elles contiennent (énergie grise). Parallèlement, les taxes sur l'énergie contenues dans les exportations seraient remboursées aux producteurs sur le territoire douanier suisse. Une imposition efficace du point de vue à la fois écologique et économique suppose un important volume d'informations et un degré élevé de différenciation. Dans la pratique et pour des questions de droit commercial international, une telle taxation différenciée ne semble guère réalisable juridiquement parlant, et très difficilement concrétisable sur le plan technique. La détermination de la teneur en énergie ou en CO2 d'un produit est en effet liée à toute une série de difficultés techniques et méthodologiques, à commencer par le choix d'un outil efficace. Elle pourrait par exemple utiliser des écobilans, mais ceux-ci ne sont pas encore standardisés au niveau international33.

En raison des difficultés liées à la perception, il pourrait paraître pertinent de n'introduire un tel mécanisme de compensation qu'en ce qui concerne les biens homogènes, peu transformés et énergivores (par ex. les métaux). Dans ce cas, ces biens, souvent utilisés en Suisse comme autant de prestations préalables à des valeurs ajoutées, seraient toutefois imposés sans que les entreprises ne puissent faire valoir un mécanisme de compensation des prix pour les biens transformés à un stade ultérieur de la chaîne de la valeur ajoutée.

La taxation des importations d'électricité doit distinguer les modes de production d'énergie: seuls les agents énergétiques non renouvelables doivent être imposés et les taux peuvent varier d'un agent à l'autre.

En suisse, depuis le 1er janvier 2013, toute installation d'une puissance de raccordement supérieure à 30 kW doit faire établir des garanties d'origine34. Contrairement à la Suisse, il n'existe pas de système harmonisé de garantie d'origine de l'énergie dans l'UE à l'heure actuelle. Cette
lacune rend impossible la détermination généralisée de l'origine du courant importé. Si divers Etats de l'UE ont mis sur pied un marché des certificats de courant vert, ce système ne permet d'établir l'origine que d'une partie de l'électricité importée, ce qui pose problème dans l'optique de la taxation différenciée de l'énergie non renouvelable d'après le type de production.

L'UE étudiera peut-être prochainement la question de l'harmonisation de la certification du courant vert. Un tel système aurait l'avantage d'atténuer cet obstacle technique. En marge des aspects administratifs, des obstacles juridiques entravent également la taxation différenciée de l'électricité (voir ch. 4.3).

Si le système d'imposition différenciée des importations de courant et d'exonération des énergies renouvelables ne pouvait pas être mis en oeuvre, l'effet incitatif visé par les auteurs de l'initiative serait remis en question. Le cas échéant, il serait inutile d'imposer de manière différenciée le courant produit en Suisse, puisque le marché se 33 34

Cosbey et al. 2012 Ordonnance du 24 novembre 2006 sur l'attestation du type de production; RS 730.010.1.

8121

rabattrait alors sur l'électricité étrangère, et plus particulièrement sur le courant produit par des centrales nucléaires.

Complexité juridique de la mise en oeuvre de la modification du taux d'imposition La mise en oeuvre de la taxe se heurte aussi à des problèmes de calcul de l'impôt, et en particulier à celui de la définition du taux de la taxe. Pour que le produit de la taxe sur l'énergie corresponde à un pourcentage déterminé du PIB, le taux de celleci devrait être régulièrement adapté aux modifications de la structure de la consommation d'énergies non renouvelables. Le cas échéant, il faudrait définir l'assiette et le taux d'imposition de manière relativement ouverte dans une loi fédérale. Conformément à l'art. 127, al. 1, Cst., les principes généraux du calcul de l'impôt, c'est-àdire aussi son montant, doivent cependant être définis par la loi dans la mesure où l'étendue, l'ampleur et les limites de l'assujettissement doivent être quantifiables et prévisibles pour les citoyennes et les citoyens. Compte tenu de la nécessité d'adapter annuellement les taux d'imposition, on ignore encore à l'heure actuelle de quelle manière les dispositions constitutionnelles susmentionnées doivent être intégrées dans la loi.

Coûts d'adaptation élevés pour les assujettis L'AFC estime à quelque 150 à 200 millions de francs les frais administratifs que devraient supporter les assujettis pour l'adaptation des taux de la TVA. En cas de réduction progressive desdits taux, ces coûts seraient supportés intégralement à chaque étape. Si les taux de TVA diminuaient d'un cinquième par an pendant cinq ans, les coûts d'adaptation atteindraient donc de 750 millions à 1 milliard de francs.

Problèmes de données liés au calcul du montant de la taxe sur l'énergie Selon le nouvel art. 134, al. 2, Cst., le pourcentage déterminé du PIB prévu à l'art. 130a, al. 3, Cst. serait fixé de sorte que le produit de la taxe sur l'énergie corresponde au produit moyen de la TVA des cinq années qui ont immédiatement précédé sa suppression. Or, les données de la dernière année précédant la suppression de la TVA ne sont pas encore disponibles au moment de la fixation du taux de la taxe. En outre, si le taux augmentait ou diminuait au cours des cinq années à prendre en considération, les données concernant les recettes de la TVA et le PIB
devraient être corrigées en conséquence.

Le taux de la taxe fixé une fois devrait être adapté chaque année et tenir compte, d'une part, de l'évolution estimée de la demande d'énergie non renouvelable mesurée en kilowattheures d'énergie primaire et, d'autre part, de l'évolution estimée du PIB à prix courants. Pour que cette adaptation annuelle puisse s'effectuer relativement facilement et dans les délais, il faudrait obligatoirement conférer au Conseil fédéral la compétence de fixer le taux de la taxe.

8122

4.3

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

4.3.1

Compatibilité avec les obligations à l'égard de l'UE

Les agents énergétiques provenant de l'UE sont régis par l'Accord de libre-échange du 22 juillet 1972 entre la Confédération suisse et la Communauté économique européenne35. Cet accord de libre-échange est applicable aux produits originaires de l'UE et de la Suisse qui relèvent des chap. 25 à 97 du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (art. 2, let. i). L'art. 18 de celui-ci interdit toute mesure ou pratique de nature fiscale interne propre à discriminer les produits similaires importés. Dès lors, l'introduction d'une taxe sur les agents énergétiques non renouvelables pourrait être compatible avec l'accord de libre-échange uniquement si elle ne discrimine pas les agents énergétiques provenant de l'UE: les agents importés de l'UE ne devraient pas être davantage imposés que les énergies produites en Suisse et les agents énergétiques renouvelables européens devraient bénéficier des mêmes exonérations que les produits similaires indigènes. En ce sens, la taxation différenciée du courant importé de la zone UE ne serait compatible avec les engagements de la Suisse que si le montant de la taxe applicable aux importations ne dépassait pas celui applicable au courant suisse de même nature.

En ce qui concerne la taxation de l'énergie grise, l'UE n'exclut pas l'adoption de mesures d'ajustement à la frontière mais n'en a pas engagé pour l'heure. La législation européenne en matière de TVA est très vaste. Les principales dispositions figurent dans la directive 2006/112/CE36, qui prévoit un taux d'imposition minimal de 15 %, ainsi qu'un taux réduit (applicable uniquement à une liste exhaustive de biens et de services) d'au moins 5 %. Il n'existe cependant aucun accord entre l'UE et la Suisse qui oblige celle-ci à conserver une taxe sur la valeur ajoutée. Si elle abolissait sa TVA, la Suisse ne contreviendrait donc pas à ses obligations envers l'UE.

4.3.2

Accords avec la Principauté de Liechtenstein et avec l'Allemagne

Avec le Traité du 28 octobre 1994 entre la Confédération suisse et la Principauté de Liechtenstein relatif à la taxe sur la valeur ajoutée dans la Principauté de Liechtenstein37, la Principauté de Liechtenstein, qui forme un seul et même territoire douanier avec la Suisse, a repris dans sa législation et pour son territoire national, les dispositions du droit suisse régissant la taxe sur la valeur ajoutée. En cas d'abolition complète de la TVA, cet accord devrait être dénoncé ou modifié en conséquence.

La Suisse et l'Allemagne ont conclu le 23 novembre 1964 un traité sur l'inclusion de la commune de Büsingen am Hochrhein dans le territoire douanier suisse38. En application de ce traité, le droit suisse sur la TVA s'applique dans cette enclave, ce qui signifie que la Suisse y prélève la TVA sur les importations et les services qui y 35 36 37 38

RS 0.632.401 Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, JO L 347 du 11.12.2006, p. 1.

RS 0.641.295.142 RS 0.631.112.136

8123

sont fournis. En contrepartie, elle participe aux charges spéciales que supportent la commune de Büsingen et sa population au moyen d'une partie du produit de la TVA. Ce traité devrait lui être adapté en cas d'introduction de la taxe sur l'énergie et la suppression de la TVA.

4.3.3

Compatibilité avec le droit commercial international (OMC)

L'introduction d'une taxe à l'importation sur les énergies non renouvelables, la restitution de la taxe suisse à l'exportation de l'énergie, ainsi que l'éventuelle taxation des importations sur la base de l'énergie grise qu'elles contiennent doivent être compatibles avec les engagements de la Suisse pris dans le cadre de l'OMC. Les paragraphes ci-après présentent les principes du droit de l'OMC qui sont pertinents pour cette initiative et dont il faudrait tenir compte si celle-ci devait être mise en oeuvre.

La taxation des importations est régie par les principes généraux de nondiscrimination énoncés par l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT 1994)39. Conformément à ces principes, l'énergie étrangère ne doit pas faire l'objet de taxes supérieures à celles qui frappent l'énergie nationale similaire, substituable ou en concurrence directe (traitement national d'après l'art. III, al. 2, GATT 1994) ou l'énergie similaire d'un Etat tiers (traitement de la nation la plus favorisée, d'après l'art. I: al. 1, GATT 1994). Selon la jurisprudence en vigueur, un produit est aussi réputé similaire s'il se distingue par ses processus et méthodes de production, mais que ces différences ne sont pas décelables dans le produit luimême. Ainsi, l'électricité produite par une usine hydraulique et celle issue d'une usine à charbon sont considérées comme similaires et ne sauraient être taxées différemment à l'importation. De même, l'impôt à l'importation ne saurait être supérieur à la taxe la plus faible sur le courant produit en Suisse.

Si l'on suit le même raisonnement, la taxation différenciée des produits en fonction de leur consommation d'énergie au cours de la production (énergie grise) serait également contraire au principe de non-discrimination de l'OMC. En conséquence, les impôts sur les importations de tuyaux en acier, par exemple, ne pourraient pas être différenciés selon la quantité d'électricité utilisée pour la production, et encore moins être supérieurs à l'impôt le plus faible pratiqué sur les tuyaux en acier produits en Suisse.

En cas de remboursement de la taxe nationale à l'exportation, il faudrait également prendre en considération les dispositions du GATT (art. XVI GATT 1994) relatives aux subventions et l'accord OMC sur les subventions et les mesures
compensatoires40. Conformément aux dispositions de l'art. XVI, GATT, 1994 et de l'art. I, note 1 de l'accord OMC sur les subventions et les mesures compensatoires, la restitution d'un impôt à l'exportation ne peut excéder l'impôt dû dans le pays concerné.

Le critère de la similarité s'applique dans ce cas également. En d'autres termes, le remboursement d'une taxe indirecte ne peut excéder la taxe nationale la plus faible sur un produit similaire. Le remboursement de l'impôt national différencié selon le

39 40

RS 0.632.20, annexe 1A.1 RS 0.632.20, annexe 1A.13

8124

bilan écologique global du produit pourrait constituer une subvention à l'exportation (pratique interdite).

On pourrait à la limite justifier une violation des dispositions du GATT en invoquant l'art. XX GATT 1994 (exceptions générales). Une telle justification supposerait toutefois qu'il n'existe aucun autre instrument constituant une entrave moindre au commerce, ou que des efforts appropriés soient entrepris dans le pays afin de réduire l'utilisation de la ressource naturelle à protéger. La mesure visée ne devrait ni constituer une discrimination injustifiée et arbitraire, ni poursuivre une visée protectionniste latente. De plus, il faudrait que des négociations avec d'autres Etats aient échoué avant l'introduction de la mesure. L'invocation d'exceptions générales pour justifier certaines mesures semble difficilement possible.

L'imposition différenciée d'importations similaires en fonction des influences de l'environnement au cours de la production ne serait pas possible. De plus, la taxe sur des produits importés ne devrait pas excéder la taxe la plus faible sur des produits similaires indigènes. Il en va de même pour le remboursement en cas d'exportation.

Par conséquent, les efforts de mise en conformité de l'initiative avec les principes de l'OMC videraient presque totalement de sa substance l'effet incitatif que les auteurs de l'initiative cherchent à provoquer au moyen d'une taxation différenciée du courant importé ou d'une taxation de l'énergie grise contenue dans les produits importés.

4.4

Examen d'un contre-projet direct

Le 28 septembre 2012, le Conseil fédéral a chargé le DFF de concrétiser une réforme fiscale écologique qui puisse servir de cadre structurel au système d'incitation prévu dans la deuxième phase de la Stratégie énergétique 2050.

Dans un deuxième temps, le DFF a étudié, en étroite collaboration avec le DFAE, le DFI, le DFJP, le DETEC, le DEFR et les cantons, les modalités d'un passage progressif, en partie du moins, après 2021, d'un système d'encouragement des énergies renouvelables et des assainissements de bâtiments à un système d'incitation basé sur une taxe énergétique. Le rapport de base élaboré répond aux questions en suspens concernant la transition d'un système d'encouragement fondé notamment sur des subventions à un système d'incitation fiscale en matière énergétique et l'introduction d'un tel système d'incitation. Il présente deux variantes pour l'aménagement potentiel dudit système et de la première étape à mettre en oeuvre en amont. Une première consultation sur ce rapport a été menée au cours du dernier trimestre 2013 (voir ch. 2.3.3).

L'initiative populaire et les plans du Conseil fédéral se recoupent sur certains points.

Ces chevauchements soulignent clairement la nécessité d'opposer le système d'incitation prévu (fondé sur la taxe énergétique) à l'initiative populaire au titre de contre-projet direct. Mais il aurait fallu pour cela accélérer la procédure d'examen et de consultation, ce qui aurait empêché une analyse approfondie des questions économiques et juridiques complexes liées au système d'incitation. Conscient de cet inconvénient et soucieux de mener un débat aussi large que possible, le Conseil fédéral a décidé de ne pas soumettre de contre-projet direct à l'initiative.

8125

5

Conclusions

Les buts de l'initiative, à savoir l'amélioration de l'efficacité énergétique, le recours accru à des énergies renouvelables et la sortie du nucléaire à des fins environnementales sont aussi des objectifs de la politique énergétique de la Suisse et des éléments centraux du tournant énergétique. Le Conseil fédéral entend les soutenir plus activement que jamais. Il a donc élaboré des mesures dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050, ainsi que des propositions pour un remplacement successif du système d'encouragement des énergies renouvelables et des assainissements de bâtiments par un système incitatif basé sur la taxe sur l'énergie après 2021.

En conséquence, le Conseil fédéral est favorable à l'orientation générale de l'initiative et partage les préoccupations des auteurs de l'initiative. Il appuie une réalisation à long terme des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation d'énergie par le biais de mesures essentiellement tarifaires.

Il s'oppose cependant au remplacement de la TVA par une taxe sur l'énergie. Il estime inopportun le fait que la taxe à caractère incitatif, telle que proposée, soit définie selon les besoins financiers de l'Etat, ce qui serait le cas si le montant de la taxe sur l'énergie se basait sur les recettes de la TVA. Des taxes énergétiques très élevées et augmentant chaque année seraient nécessaires afin de garantir le financement des budgets publics et dépasseraient largement les limites du justifiable environnementalement parlant.

En abolissant la TVA, on supprimerait la principale source de revenus de la Confédération. La TVA se révèle globalement avantageuse en tant que complément à l'impôt général progressif sur le revenu, si l'on considère différents objectifs, tels que l'efficience, la simplicité, la transparence et la répartition. Compte tenu de sa large assiette et du fait qu'elle permet de frapper les dépenses liées à la consommation de manière relativement régulière), la TVA est probablement appelée à gagner en importance à l'avenir pour générer le revenu nécessaire de l'Etat, notamment en ce qui concerne le financement de l'assurance-vieillesse. En ce sens, son abolition serait contraire aux principes fiscaux de la Confédération.

Pour le Conseil fédéral, la volonté des auteurs de l'initiative de remplacer en quelques
années la TVA par une taxe sur l'énergie va dans le mauvais sens du point de vue économique également. Sous le nouveau régime, les entreprises seraient défavorisées dans la mesure où la modification rapide des prix relatifs lors de la phase transitoire entraînerait des déséquilibres économiques. La réglementation proposée grèverait également les ménages à faible revenu de manière disproportionnée.

8126

Liste des abréviations AFC AFD AFF AI AIE AVS Cst.

DEFR DETEC DFAE DFF DFI DFJP FMI GATT LEne LParl LTVA LPE OCDE OFEN OFJ OFS OMC PIB PPM PVL RPC RPL SECO TVA UE

Administration fédérale des contributions Administration fédérale des douanes Administration fédérale des finances Assurance-invalidité Agence internationale de l'énergie Assurance-vieillesse et survivants Constitution (RS 101) Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Département fédéral des affaires étrangères Département fédéral des finances Département fédéral de l'intérieur Département fédéral de justice et police Fonds monétaire international General Agreement on Tariffs and Trade (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) Loi du 26 juin 1998 sur l'énergie (RS 730) Loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (RS 171.10) Loi du 12 juin 2009 sur la TVA (RS 641.20) Loi du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement (RS 814.01) Organisation de Coopération et de Développement Economiques Office fédéral de l'énergie Office fédéral de la justice Office fédéral de la statistique Organisation mondiale du commerce Produit intérieur brut Process and production method (Processus et méthode de production) Parti vert'libéral Rétribution à prix coûtant du courant injecté Redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations Secrétariat d'Etat à l'économie Taxe sur la valeur ajoutée Union européenne

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