Mise en oeuvre d'Armée XXI dans le domaine de l'instruction Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 10 octobre 2006

Langue originale: français 2006-2686

2815

Abréviations art.

C4ISTAR CdG-N ch.

DDPS DFAE EMG env.

FIS FT FOAP FUM IFO LPers O pers mil PDA XXI p. ex.

ss.

2816

article Command, Control, Computers, Communication, Informations/Intelligence, Surveillance, Target Acquisition, Reconnaissance (système de conduite intégrée) Commission de gestion du Conseil national chiffre Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports Département fédéral des affaires étrangères Etat-major général environ Système de conduite et d'information des Forces terrestres (Führungsinformations-System) Formation d'application Führungsausbildung der unteren Milizkader: Formation au commandement pour cadres subalternes de milice Instruction en formation Loi du 24.3.2000 sur le personnel de la Confédération (RS 172.220.1) Ordonnance du DDPS du 9.12.2003 sur le personnel militaire (RS 172.220.111.310.2) Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la conception de l'Armée XXI, du 24.10.2001 (Plan directeur de l'Armée XXI; FF 2002 926) par exemple suivants

Rapport 1

Introduction: le modèle d'instruction d'Armée XXI

Entrée en vigueur le 1er janvier 2004, la réforme Armée XXI avait pour but de procéder à des adaptations répondant aux changements intervenus dans le domaine de la sécurité et à des nouveaux impératifs sociaux et financiers. Au demeurant, il s'agissait également de pallier aux lacunes d'Armée 95 dans le domaine de l'instruction1. Les expériences faites avaient en effet permis de constater que l'école de recrues de quinze semaines et l'accomplissement biannuel des cours de répétition ne suffisaient pas à assurer un niveau d'instruction suffisant.

Avec Armée XXI, les cours de répétition ont été à nouveau annualisés et la durée des écoles de recrues a été portée à 21 semaines (ou 18 selon les cas). En outre, leur organisation a été profondément revue: contrairement au principe qui prévalait auparavant selon lequel «la milice forme la milice», Armée XXI prévoit une professionnalisation de l'instruction de base. Les deux premières parties d'une école de recrues ­ soit l'instruction générale de base (7 semaines) et l'instruction de base spécifique à la fonction (6 semaines) ­ ne sont plus encadrées par des cadres de milice, mais exclusivement par des militaires professionnels, c'est-à-dire par des militaires de carrière ­ engagés sur la base d'un contrat de durée indéterminée ­ et des militaires contractuels ­ engagés sur la base d'un contrat de durée déterminée. A l'issue de l'instruction de base, les recrues sont promues au grade de soldat. Ce n'est qu'ensuite, soit pour la troisième et dernière partie de l'école ­ l'instruction en formation (IFO, 5 ou 8 semaines selon les cas) ­, que la conduite est exercée par des cadres de milice.

L'Armée 95 connaissait également le problème d'une pénurie chronique de cadres.

Ce manque de cadres s'expliquait, d'une part, par les besoins très importants imposés par le volume de l'armée, d'autre part par la longue durée de la formation, particulièrement pour les officiers. Avec Armée XXI, les carrières militaires ont été profondément repensées pour rehausser leur attrait. Globalement, la durée totale de la formation des cadres a été écourtée et concentrée au début de la carrière. Plutôt que d'accomplir une succession de formations et de stages pratiques (paiements de galons) sur plusieurs années, le futur cadre suit désormais une formation ininterrompue du rang de
recrue au grade d'officier ou de sous-officier (voir ch. 5). Le candidat a le droit de fractionner son instruction, mais en principe, son instruction est conçue en un bloc d'une durée de cinq à douze mois. Ce regroupement de l'instruction en début de carrière permet de réduire la charge des obligations militaires plus tard, lorsque viennent s'ajouter les charges familiales et professionnelles. Une fonction de cadre est donc désormais plus facilement conciliable avec les nouvelles réalités familiales (p.ex. modification du rôle du père) et professionnelles (p.ex. internationalisation du marché de l'emploi) des miliciens. Autres mesures incitatives à une carrière militaire: les taux de l'indemnité pour perte de gain ont été relevés, la formation au commandement pour cadres (FUM2) est certifiée et reconnue dans le 1 2

Voir message du Conseil fédéral sur la réforme Armée XXI et sur la révision de la législation militaire, FF 2002 818.

«Führungsausbildung der unteren Milizkader»: Formation au commandement pour cadres subalternes de milice.

2817

civil, et les structures de grades ont été révisées pour permettre une plus grande différenciation.

Parmi les autres réformes d'Armée XXI dans le domaine de l'instruction, il y a lieu de mentionner l'introduction d'un nouveau système de recrutement et d'évaluation de l'aptitude au service des recrues. Le recrutement s'effectue désormais sur sept emplacements permanents et sa durée a été allongée. Après une journée d'information, il peut durer jusqu'à trois jours. L'évaluation du potentiel physique, psychique et intellectuel est plus poussée; elle comprend également une appréciation du potentiel et de l'intérêt des conscrits pour une carrière de cadre et pour un engagement comme militaire contractuel.

Armée XXI prévoit en outre trois départs d'écoles de recrues par an ­ contre deux auparavant ­ avec pour but une gestion plus économique des infrastructures. Les écoles s'enchaînent désormais de manière continue ­ une nouvelle école débute lorsque l'école précédente effectue encore son IFO, ce qui permet de supprimer les temps morts durant lesquels les places d'armes restaient pratiquement inutilisées.

Enfin, Armée XXI introduit la catégorie du militaire en service long, qui accomplit en principe l'intégralité de son service militaire obligatoire (y compris cours de répétition) sans interruption. Les militaires en service long sont en général engagés au sein de la sécurité militaire.

2

Objet de l'examen et démarche

Dans le cadre de son programme annuel 2004, la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-N a décidé de rendre visite à une école de recrues d'infanterie afin d'apprécier, sur le terrain, la mise en oeuvre d'Armée XXI et de tirer un bilan général du nouveau système de recrutement, de formation et d'encadrement des recrues.

La sous-commission s'est ainsi rendue, début novembre 2004, à l'école de recrues d'infanterie 11 à Neuchlen-Anschwilen. Il s'agissait de l'une des premières écoles menées sous le régime d'Armée XXI. Dans l'ensemble, la sous-commission a gardé une impression positive de sa visite: l'équipe de militaires professionnels était soudée et motivée, les recrues fatiguées, mais enthousiastes. La sous-commission a également retenu que la relève des cadres de milice était assurée et que la qualité de l'instruction des recrues allait en s'améliorant.

La visite a toutefois révélé des problèmes liés à la gestion des effectifs des recrues et à la charge de travail des militaires de métier, raison pour laquelle la sous-commission a décidé de rendre visite, un an plus tard, à une seconde école de recrues. La visite a eu lieu en octobre 2005 auprès de l'IFO de l'infanterie 3 à Bure. A cette occasion, la sous-commission s'est également entretenue avec le commandant de l'école de recrues d'infanterie en service long d'Aarau. Cette seconde visite devait permettre d'évaluer comment la situation avait évolué et dans quelle mesure certaines «maladies de jeunesse» avaient pu être corrigées. Alors que la première visite était intervenue dans les premières semaines de l'école de recrues, la seconde visite visait aussi à évaluer la situation durant une IFO, c'est-à-dire lorsque les cadres de milice assument la conduite des formations.

Les entretiens menés par la sous-commission ont confirmé d'importants progrès générés par Armée XXI, mais ils ont aussi mis en évidence des difficultés considérables qui doivent encore être résolues. Celles-ci ont trait à la situation des militaires 2818

de métier, à la formation des cadres de milice et au statut des militaires contractuels.

Afin de clarifier des questions y afférentes, la sous-commission a mené des entretiens avec les personnes suivantes (par ordre chronologique, fonction à la date de l'entretien): ­

M. le divisionnaire Hans-Ulrich Solenthaler, chef de l'instruction des Forces terrestres

­

M. Daniel Gafner, chef du personnel du Domaine de la défense

­

M. le colonel EMG Peter Bolliger, suppléant du chef du personnel du Domaine de la défense, chef des bases personnel militaire, DDPS

­

M. le divisionnaire Heinz Aschmann, chef de la direction de l'instruction auprès de l'Etat-major de conduite de l'armée

­

M. le commandant de corps Christophe Keckeis, chef de l'armée

­

M. le conseiller fédéral Samuel Schmid, chef du DDPS

La CdG-N renonce à établir la liste de toutes les personnes avec lesquelles la souscommission s'est entretenue lors des visites aux écoles de recrues. Leur chiffre s'élève à plusieurs douzaines, la sous-commission ayant mené des entretiens séparés avec toutes les catégories de personnel militaire se trouvant sur la place d'armes ­ des recrues aux militaires de métier en passant par les militaires contractuels et les cadres de milice. La sous-commission a également reçu copie des procès-verbaux des séances des Commissions de politique de sécurité consacrées aux militaires de carrière.

Le 5 septembre 2006, la sous-commission a consigné ses constats dans un projet de rapport. Ce projet a été transmis au chef du DDPS en le priant d'examiner si le rapport contenait des erreurs formelles ou matérielles qui devaient être corrigées et si des intérêts dignes de protection s'opposaient à une publication. Le chef du DDPS a fait part de ses observations par courrier du 25 septembre 2006. Ses suggestions ont été partiellement prises en compte par la sous-commission.

Le rapport final de la sous-commission a été présenté à la CdG-N le 10 octobre 2006 qui en a approuvé à l'unanimité moins deux abstentions les conclusions et les recommandations. La commission a décidé de transmettre le rapport au Conseil fédéral pour avis, et aux Commissions de la politique de sécurité pour information.

Pour conclure, il y a lieu de souligner que l'enquête de la CdG-N s'est concentrée sur l'instruction dans les formations d'application. Elle n'a donc pas porté, par exemple, sur l'instruction dans le domaine de la formation supérieure des cadres de l'armée, sur l'instruction dans les cours de répétition ou sur l'instruction dans les états-majors des Grandes Unités. La commission n'a pas non plus examiné la situation des officiers et sous-officiers de carrière spécialistes ou sur celle des soldats professionnels. Dans le présent rapport, lorsqu'on parle de cadres de carrière ou de cadres contractuels, on entend les cadres engagés uniquement dans les formations d'application des Forces terrestres et des Forces aériennes.

2819

3

Militaires de carrière

Avec Armée XXI, l'ancien corps des instructeurs a laissé place aux officiers et sousofficiers de carrière (également appelés militaires de métier). Ceux-ci ne bénéficient plus d'un statut propre, mais sont soumis, comme tous les employés de la Confédération, à la loi sur le personnel de la Confédération3 et ses ordonnances. S'il s'agit pour l'essentiel des mêmes personnes, la nouvelle dénomination reflète une transformation de leur métier dictée par les différentes réformes d'Armée XXI.

D'une part, le cahier des charges des militaires de carrière est devenu plus beaucoup plus exigeant. Outre le travail d'instruction à proprement parler, les militaires de carrière assument aujourd'hui toutes les tâches de conduite, de planification et d'organisation qui relevaient auparavant des cadres de milice. Le commandant d'école gère des effectifs plus importants que par le passé et il est appelé à assumer des responsabilités en matière de gestion du personnel, telles que le recrutement des militaires contractuels et la planification de leur engagement. Le commandant de compagnie, quant à lui, dirige une équipe d'une quinzaine de militaires contractuels et de sous-officiers de carrière. Ces derniers, appuyés par quelques militaires contractuels, peuvent être à la tête d'une section, tâche traditionnellement réservée aux officiers. D'enseignants en uniforme, les militaires de métier sont donc devenus chefs, éducateurs et instructeurs. Ces nouvelles charges exigent des militaires de métier un très grand engagement et une présence continue dans les écoles.

De manière générale, les militaires de carrière accueillent bien leurs nouvelles tâches et sont satisfaits de leur profession. La charge de travail, en revanche, est très lourde. Elle est particulièrement élevée durant les sept premières semaines d'école de recrues, durant lesquelles les militaires professionnels assurents seuls la conduite (sauf l'appui de sous-officiers excédentaires de l'Armée 95; voir ci-dessous).

Contrairement aux attentes, la charge de travail ne se résorbe pas significativement durant l'IFO, lorsque les cadres de milice prennent la charge de la conduite.

L'encadrement de ces derniers requière en effet des ressources importantes, d'autant plus que leur formation affiche des lacunes importantes sur le plan de l'expérience pratique
(voir ch. 5). Souvent, la journée des militaires de carrière commence avec le réveil des troupes à 5h30 et se termine avec l'appel du soir à 22h00. Il est ainsi fréquent que la semaine de travail dépasse 70 heures et ce, durant toute la durée des écoles.

La nouvelle organisation des écoles de recrues impose un rythme soutenu tout au long de l'année. Le passage à trois départs d'écoles de recrues par an a supprimé les temps morts qui existaient entre les écoles. Or, pour les militaires de carrière, ces interruptions étaient synonymes de formation continue et de vacances. Aujourd'hui, les périodes de repos, de préparation et de formation sont devenues plus courtes et moins faciles à planifier. La vie sociale et familiale est aussi rendue difficile par une distance souvent accrue entre le lieu d'instruction et le domicile, suite à la réduction du nombre de places d'armes.

Les écoles s'enchaînent et, pendant les écoles, la charge est permanente. Au total, les militaires de métier considèrent être soumis à un véritable exercice d'endurance sur toute l'année, dont ils ne voient pas la fin. La CdG-N a rencontré plusieurs militaires donnant des signes de surmenage et de lassitude.

3

Loi du 24.3.2000 sur le personnel de la Confédération (LPers; RS 172.220.1).

2820

En principe, la transformation des tâches des militaires de carrière aurait dû être compensée par une hausse des effectifs. Le plan directeur de l'Armée XXI prévoyait ainsi que le nombre de militaires de carrière passe de 3300 à 4000 environ4, celui des militaires contractuels de 150 à 1000 environ5. Cette augmentation des effectifs constituait l'un des fondements du succès de la nouvelle conception d'instruction.

En raison des mesures d'économies de la Confédération décidées après l'adoption de la réforme Armée XXI, les objectifs en termes d'effectifs ont toutefois dû être revus à la baisse. Au 1er janvier 2006, l'effectif des militaires de métier se montait à 3093 postes, parmi lesquels un contingent d'environ 100 postes limité à fin 2008 (40 officiers, 60 sous-officiers). L'effectif total des militaires contractuels (1083 au 25.8.2006) atteint l'objectif du plan directeur, mais il inclut un contingent supplémentaire d'environ 290 militaires contractuels limité à fin 2007. A noter au surplus qu'environ 70 postes de militaires de carrière et 120 postes de militaires contractuels prévus dans la planification des effectifs 2006 ne sont pas occupés actuellement, de sorte que le facteur d'occupation des postes sur l'ensemble des formations d'application est inférieur à un. Dans l'ensemble, le chef de l'armée a estimé qu'il manquait environ 450 militaires professionnels pour un bon fonctionnement d'Armée XXI.

Les sous-effectifs dans le domaine de l'instruction agravent le problème de la charge de travail des militaires de carrière. Il devient également très difficile aux collaborateurs de quitter leur poste, que ce soit pour un congé, une formation ou un engagement à l'étranger. Le manque de personnel touche tant les Forces aériennes que les Forces terrestres.

Tableau 1 Comparaison des effectifs réels et planifiés dans l'instruction (Source: DDPS) Plan directeur XXI6

Officiers de carrière9 1440 Sous-officiers 1540 de carrière9 Militaires 1250 contractuels

Etat au 1.1.2004

Etat au 1.1.2005

Plan des effectifs 20067

Etat au Plan des 25.8.20066 effectifs 20076

Plan des effectifs 20088

1096 1060

1085 1044

1050 1061

1059 1001

1050 1060

n.c.

n.c.

903

980

1200

1083

1200

n.c.

La transformation du métier de militaire de carrière est à mettre en regard d'une diminution des prestations salariales et sociales, par exemple à travers la suppression des indemnités de repas, l'augmentation des cotisations pour le 2e pilier, l'attribution limitée des véhicules de service ou la réduction des prestations de retraite anticipée. En particulier, la suppression de l'assurance militaire dès 2006

4 5 6 7 8 9

Y compris officiers et sous-officiers de carrière spécialistes.

FF 2002 994.

Planification à horizon 2010.

Y inclus les officiers et sous-officiers en formation de base, ainsi que les contingents supplémentaires temporaires.

La planification des effectifs, qui tiendra compte des objectifs en termes de réorganisation et transfert des postes, sera disponible fin octobre 2006.

Sans les officiers et sous-officiers de carrières spécialistes.

2821

(caisse maladie) génère un grand mécontentement chez les militaires professionnels, qui la considéraient comme une partie intégrante de leur revenu10.

Le manque de perspectives professionnelles est également source d'incertitude pour les militaires de carrière, en particulier pour les jeunes. Pendant de nombreuses années, la carrière militaire assurait une promotion régulière et continue dans l'échelle des responsabilités et des rémunérations. Les plans de carrière établis par le DDPS donnaient l'impression d'un certain automatisme dans l'avancement: un officier de carrière était pratiquement assuré d'accéder au grade de colonel. En raison d'un engorgement des niveaux hiérarchiques supérieurs et de la transformation des structures de l'armée, une telle carrière n'est cependant plus garantie actuellement. La promotion professionnelle se déroule désormais dans le cadre de cinq groupes d'engagement (E1 à E5), selon le critère du besoin: en principe, quelqu'un ne peut être promu à la catégorie d'engagement supérieure que lorsqu'il existe un besoin selon le plan des effectifs. Le DDPS estime ainsi qu'un objectif professionnel réaliste pour la majorité des officiers de carrière est une fonction dans le groupe d'engagement E3 (remplaçant de commandant d'école, chef de groupe dans l'instruction des cadres supérieurs) avec le grade de lieutenent-colonel. Cette situation, qui est appelée à persister, laisse moins d'espoir aux jeunes militaires d'accéder rapidement à des postes à responsabilité. Enfin, l'ambition du DDPS d'offrir aux militaires de carrière la possibilités d'effectuer plusieurs rotations de postes ­ p.ex.

dans le cadre d'un engagement à l'étranger ou dans le secteur privé ­ est freinée par les sous-effectifs actuels.

La loi prévoit en outre que les officiers et sous-officiers de carrière ­ à l'exception des officiers généraux ­ puissent prendre leur retraite à 58 ans. Cette retraite anticipée est considérée comme une compensation indispensable à la flexibilité et à l'engagement demandé aux militaires de carrière dans leur emploi du temps, ainsi qu'à l'éloignement de leurs familles. La retraite anticipée est sensée constituer, en quelque sorte, une compensation des heures supplémentaires effectuées durant la durée totale des rapports de service. Les militaires s'inquiètent d'une possible
remise en question de ce privilège dans le cadre de la révision de la loi sur la Caisse fédérale de pensions11, actuellement débattue par les Chambres fédérales. Pour certains militaires de carrière, la retraite anticipée semblait être un élément important dans le choix de leur métier. A noter que cette révision pourrait également, comme d'ailleurs pour le reste du personnel fédéral, avoir des conséquences sur le montant de la rente perçue.

Dans l'ensemble, force est de constater une forte démotivation des militaires de carrière, qui ne se sentent pas suffisamment valorisés. D'aucuns ne se disent plus disposés à soutenir le système tel qu'il est actuellement et n'ont pas hésité à faire part à la CdG-N qu'ils recherchent activement un nouvel emploi. Ce mécontentement s'explique par la conjonction des différents éléments cités ci-dessus: la fatigue liée au surmenage, les restrictions au niveau de la qualité de vie, le manque de perspectives professionnelles claires ainsi que la détérioration du rapport entre la 10

11

Les militaires professionnels n'ont pas le libre choix de leur caisse. Le 16.11.2005, le Conseil fédéral a fixé le montant de la prime d'assurance maladie à 256 francs par mois. Des réductions de primes sont prévues pour les bas salaires. En outre, tous les assurés devront s'acquitter de la prime pour accidents non-professionnels (max. CHF 74 par mois).

Loi fédérale du 23.6.2000 régissant la Caisse fédérale de pensions (Loi sur la CFP; RS 172.222.0).

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charge de travail exigées et les prestations offertes. En outre, la baisse de la reconnaissance de l'armée dans la société leur pèse et ils déplorent un manque de communication interne et d'écoute de la part de la hiérarchie.

Ainsi, alors que le nombre de démissions s'élevait à 14 en 2003, on en comptait 23 en 2004 et 34 en 2005. Au 31 juillet 2006, 32 démissions avaient déjà été enregistrées depuis le début de l'année. Ces démissions concernent surtout des jeunes militaires qualifiés et en début de carrière; au surplus, les démissions en 2005 et 2006 concernent majoritairement des officiers. Outre les causes de mécontentement mentionnés ci-dessus, les problèmes familiaux liés à la discipline des transferts sont également évoqués pour motiver les départs. Le chef de l'armée a également souligné que le surmenage des militaires de carrière affecterait l'esprit de corps et le dialogue entre les militaires et leur hiérarchie; par le passé, certains militaires, a-t-il relevé, étaient parfois sollicités par le secteur civil, mais ils étaient retenus par leur hiérarchie, qui prenait le temps de parler avec eux et de les convaincre de rester dans l'armée.

De l'avis de la CdG-N, l'évolution du nombre des démissions est très préoccupant.

Il constitue un indicateur significatif du désappointement qui règne parmi les militaires de carrière. Un nombre de démissions plus élevé mine le bon fonctionnement du système de carrière de l'armée. Dans un système de fonction, en effet, un départ peut être remplacé par l'embauche d'une personne extérieure présentant des qualifications similaires. Dans le corps des militaires en revanche, un départ doit être remplacé à l'interne et compensé par le recrutement d'un nouvel agent dont l'instruction de base exigera entre un et trois ans. Le remplacement d'un départ est donc coûteux et il exige du temps. La perte de savoir-faire est donc importante, d'autant plus que ce sont souvent de bons éléments qui quittent le service.

Tableau 2 Evolution du nombre de départs

2003 2004 2005 2006* *

Démissions

Départs à raison de l'employeur

Départs à la retraite

Total

14 23 34 32

­ ­ 1 ­

64 53 78 39

78 76 113 71

Etat au 31.7.2006

En amont, la relève des officiers et sous-officiers de carrière atteint juste un niveau suffisant pour compenser les départs, mais il ne permet pas une augmentation des effectifs, pourtant nécessaire. En 2005, le DDPS aura enregistré 113 départs, mais seuls 34 officiers et 60 sous-officiers auront terminé leur instruction de base. En 2006, ces chiffres se montent respectivement à 71 (état au 31.7.2006), 34 et 24.

La difficulté à recruter de nouveaux cadres de qualité n'est pas nouvelle; elle a déjà été relevée dans deux rapports précédents de la CdG-N12. Le tableau 3 montre que le nombre de nouveaux cadres oscille beaucoup dans le temps, notamment en fonction 12

Rapport de la CdG-N du 16.4.1998 sur le corps des instructeurs, FF 1998 3784 ss. et rapport de la CdG-N du 22.5.1985 sur la pénurie d'inspecteurs, BO N 1985 1020 ss.

2823

du marché de l'emploi. Cependant, le bon fonctionnement d'Armée XXI dépend ­ plus encore que par le passé ­ d'une relève qualitativement et quantitativement suffisante. De ce point de vue, la CdG-N relève avec inquiétude le nombre particulièrement peu élevé de candidats sous-officiers, qui atteint des niveaux comparables au début des années 1980. S'agissant des officiers, le nombre de candidats suivant un cycle d'études complet (bachelor, trois ans) est supérieur à la moyenne des dernières années, mais le nombre de candidats porteurs d'un titre d'une haute école et, à ce titre, admis à un cycle d'études abrégé (diplôme, une année) n'a jamais été aussi bas.

Tableau 3 Evolution du nombre de nouveux officiers et sous-officiers de carrière Officiers de carrière

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Sous-officiers de carrière

Bachelor

Diplôme

Total

22 17 28 13 25 15 17 32 28 21 30 15 35

11 18 8 11 12 17 11 20 14 13 4 n.c.

n.c.

33 35 36 24 37 32 28 52 42 34 34 n.c.

n.c.

31 42 41 50 32 45 58 49 46 60 24 27 n.c.

A l'avenir, les suppressions de postes au DDPS toucheront essentiellement le personnel civil. Plusieurs facteurs affecteront toutefois les effectifs dans le domaine de l'instruction:

13

­

Les contingents supplémentaires de militaires contractuels (289 postes) et de militaires de carrière (100 postes) arriveront à échéance à fin 2007, respectivement fin 2008.

­

Aujourd'hui, environ 6000 sous-officiers issus des effectifs excédentaires de l'Armée 95 sont engagés durant les sept premières semaines des écoles de recrues à titre de sous-officiers instructeurs, dans le but de compenser les sous-effectifs du personnel militaire. La majorité d'entre eux ne sera plus à disposition dès 2010 environ13. Signalons que le même problème se posera

Voir «Examen des objectifs de l'armée», rapport intermédiaire du DDPS au 31.12.2005 à l'attention de l'Assemblée fédérale, conformément à l'art. 149b de la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire, ch. 8.4.2.

2824

pour l'exploitation des écoles, dont les besoins ont été jusqu'à présent couverts par des soldats excédentaires de l'Armée 95.

­

L'effectif affecté aux engagements à l'étranger ­ et donc le nombre de cadres professionnels engagés à l'étranger ­ est appelé à augmenter, conformément à la décision du Conseil fédéral du 11 mai 2005.

­

Les nouveaux systèmes de haute technologie que souhaite acquérir le DDPS (p.ex. C4ISTAR, FIS FT) exigeront de nouvelles capacités et le transfert de centaines de postes.

Face à ces problèmes, le chef du DDPS estime que la seule solution est de mettre à disposition davantage de personnel pour les tâches prioritaires. Au vu des contraintes financières qui pèsent sur l'armée, il envisage de trouver ces ressources à travers des restructurations et des réorganisations internes au département.

Les mesures annoncées sont de trois ordres:

14

15

1.

Restructurations au sein du Domaine de la défense, p.ex.: ­ Suppression de niveaux hiérarchiques, p.ex. dans les écoles de cadres ­ Centralisation de l'instruction des officiers14 ­ Réunion des Formations d'application de blindés et d'artillerie (déjà réalisée) ­ Fusion des Formations d'application d'aide au commandement des Forces terrestres et des Forces aériennes ­ Transfert de l'instruction de l'artillerie à Bière

2.

Réaffectations à l'intérieur du corps de militaires de carrière: ­ Priorité donnée au «front» de l'instruction par rapport aux «domaines centraux»: réduction des états-majors d'environ 350 postes au profit du personnel militaire engagé dans l'instruction, arrêt des engagements d'officiers et sous-officiers de carrière dans les états-majors, déplacement des jeunes officiers et sous-officiers de carrière des états-majors à l'instruction15 ­ Engagement des colonels et lieutenants-colonels «surnuméraires» dans les états-majors ou dans l'instruction ­ Rééquilibrage des officiers et sous-officiers de carrière au sein des Formations d'application

3.

Effort de recrutement: ­ Intensification des efforts de recrutement (p.ex. octroi d'une prime de 1000 francs à tout collaborateur du DDPS qui aura permis la signature d'un nouveau contrat)

Voir message du Conseil fédéral concernant les modifications de l'organisation de l'armée et de la loi fédérale instituant des mesures destinées à améliorer les finances fédérales (adaptations légales concernant la réalisation de l'étape de développement 2008/11 de l'armée), du 31.5.2006, FF 2006 5932.

A l'heure actuelle, environ 77 % des militaires de carrière sont engagés dans l'instruction, contre 12 % dans les états-majors. Le reste des effectifs suit l'instruction de base (9 %), se forme à l'étranger (1,3 %), participe à un engagement à l'étranger (<0,4 %) ou exerce une fonction en dehors du Domaine de la défense (<0,3 %).

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­ ­ ­

Création d'un nouveau cursus de «formation en emploi»16 pour ouvrir la carrière dite «d'officier instructeur» à des candidats disposant d'une formation professionnelle Engagement, sous certaines conditions, d'officiers contractuels en tant qu'«officiers instructeurs» avec une formation de base réduite à quelques semaines Révision des critères d'admission à la carrière militaire17

Le chef de l'armée a fixé les objectifs en termes de réduction du personnel que doivent atteindre les unités qui lui sont directement subordonnées. Il n'existe toutefois pas encore de concept détaillé et chiffré concernant la planification de la réduction et de transfert du personnel du domaine de la Défense. D'après les informations données par le DDPS, un tel concept devrait être disponible fin octobre 2006.

Dans le but d'alléger la situation du personnel militaire, le chef du DDPS a également ordonné des mesures salariales en faveur du personnel militaire pour les années 2006 à 201018 et il a mis à l'étude avec le DFF différentes mesures pour compenser les réductions des prestations. Enfin, un projet intitulé «Développement de l'image professionnelle du personnel militaire» s'est donné pour objectif de clarifier le profil professionnel des militaires de carrière, d'améliorer la gestion et la planification de la carrière militaire et d'examiner des questions telles que les conditions nécessaires pour suivre la formation d'officier ou de sous-officier de carrière.

Le projet devrait aboutir à la fin 2006.

4

Militaires contractuels

Presque tous les militaires contractuels sont engagés aujourd'hui dans le domaine de l'instruction (943 postes). Une minorité est engagée dans des formations d'intervention en cas de catastrophe (66 postes) et dans d'autres unités de l'armée (74 postes, p.ex. dans les centres de recrutements, les états-majors, etc.).

Les militaires contractuels sont employés sur la base d'un contrat de travail d'une durée maximale de cinq ans. Selon l'art. 10 de l'ordonnance du DDPS sur le personnel militaire19, peuvent être engagées comme militaires contractuels les personnes qui:

16

17

18

19

a.

sont militaires;

b.

ont obtenu de bonnes qualifications lors de prestations de service militaires précédentes;

Après un minimum de trois ans d'engagement comme officier contractuel, le candidat effectuera un an de formation à l'école militaire, puis un engagement dans l'instruction de trois ans minimum. Après un examen d'admission, le candidat suit une nouvelle formation d'un an à l'école militaire.

Un grade de sous-officier suffira désormais pour suivre l'instruction donnée à l'école des sous-officiers de carrière (un grade de sous-officier supérieur était nécessaire auparavant); la filière bachelor de l'académie militaire sera ouverte aux lieutenants (le grade de premier-lieutenant était requis auparavant).

Le montant de l'allocation est de 3000 francs par année. Les militaires contractuels ont droit à augmentation linéaire du salaire initial de 1800 francs. Voir art. 3 et 5 de l'ordonnance du DDPS du 11.11.2005 concernant les mesures salariales en faveur du personnel militaire durant les années 2006 à 2010 (RS 172.220.111.342.2).

Ordonnance du DDPS du 9.12.2003 sur le personnel militaire (RS 172.220.111.310.2; O pers mil).

2826

c.

jouissent d'une réputation irréprochable;

d.

ont été déclarées aptes pour l'assurance professionnelle de l'assurance militaire, et

e.

ont réussi un examen d'aptitude pour militaires contractuels.

Généralement, une expérience de militaire contractuel est désormais nécessaire pour devenir militaire de carrière. Pour le DDPS, une telle condition permet de confronter les candidats à la réalité du métier et de mieux juger de leurs aptitudes avant de les engager pour une instruction de base très coûteuse.

Le recrutement et la gestion de l'engagement des militaires contractuels relèvent de la compétence des commandants d'école. Certains candidats postulent spontanément auprès des écoles, mais ils sont plus souvent sollicités lors des écoles de recrues ou des cours de cadres. L'aptitude des recrues à devenir militaire contractuel est d'ailleurs évaluée lors du recrutement initial. Les militaires contractuels sont formés sur le lieu de leur engagement, une formation centralisée s'étant avérée peu satisfaisante.

L'horaire de travail des militaires contractuels est régi par les besoins du service; toutefois, en moyenne annuelle, leur temps de travail hebdomadaire doit se monter à 45 heures (art. 20 O pers mil). Cela signifie que, contrairement aux militaires de métier, les militaires contractuels ont le droit de compenser leur temps de travail excédant 45 heures par semaine. Les entretiens de la CdG-N ont toutefois montré que cette disposition était difficilement applicable en pratique. Le nombre considérable d'heures supplémentaires s'avère souvent impossible à compenser entièrement, en raison notamment des sous-effectifs.

A rang égal, les militaires contractuels ont un salaire inférieur aux militaires de carrière. A titre d'exemple, un officier de carrière ayant terminé son instruction de base est affecté à la classe de salaire 22; un officier contractuel engagé en qualité de commandant d'unité est affecté à la classe de salaire 16. De plus, les militaires contractuels n'ont pas droit aux mêmes indemnités que les cadres de carrière (pour déplacement de service, voyages payés pour visites, indemnité pour le logement en caserne, etc.) et ils ne profitent pas d'une retraite anticipée. En règle générale, les contractuels sont logés et nourris avec la troupe, et ils ne bénéficient pas des mêmes infrastructures que les militaires de carrière, telles qu'une place de travail ou un véhicule de service.

Les militaires contractuels rencontrés par la CdG-N ont estimé que leurs conditions salariales ne
correspondent pas aux responsabilités qu'ils assument en termes de conduite, de matériel et d'heures de travail. Un militaire contractuel ayant à gérer du personnel, plusieurs millions de francs de matériel et dont la semaine de sept jours compte souvent plus de 70 heures de travail s'accommode difficilement d'un salaire de 3800 francs. La suppression de la prise en charge de l'assurance maladie ou l'augmentation des frais de repas entraînent pour eux une perte financière particulièrement importante (jusqu'à 10 % de leur salaire net). De nombreux militaires contractuels connaîtraient des difficultés financières. Comme les militaires de carrière, le personnel contractuel souffre aussi d'un manque de loisirs et de vie sociale et familiale.

La commission a constaté que les raisons ayant motivé un engagement à titre contractuel sont très variées. Schématiquement, on peut distinguer trois groupes de personnes. Les premiers s'engagent pour une durée limitée (un, deux ou trois ans); 2827

ils ont une perspective d'avenir claire dans le civil et envisagent leur engagement comme une interruption bienvenue ou une expérience à faire valoir par la suite.

D'autres marquent un temps d'arrêt avant une réorientation professionnelle incertaine ou s'engagent pour combler une situation financière difficile ou un manque de perspectives sur le marché de l'emploi. Les derniers enfin souhaitent explicitement poursuivre une carrière militaire.

Les entretiens qu'a mené la CdG-N ont surtout révélés des problèmes en relation avec les deux derniers types de militaires contractuels. Lors de la seconde visite de la commission, nombre d'entre eux arrivaient en fin de contrat et devaient faire face à un manque de perspectives professionnelles, en particulier au sein de l'armée. Ils évoquaient un décalage entre ce qui leur avait été «promis» au moment de l'engagement (p.ex. engagement en tant que militaire de carrière, possibilité de formation continue) et la réalité concrète.

Contractuellement, les militaires contractuels bénéficient du co-financement d'un perfectionnement professionnel20 dans le but d'assurer leur réinsertion sur le marché de l'emploi à l'issue de leur engagement. Dans les faits, cependant, les conditions cadre (temps de travail selon les besoins du service, compensation insuffisante et difficilement planifiable des heures supplémentaires) ne leur permettent pas de suivre une formation externe. Actuellement, seuls 84 militaires contractuels sur 1083 (soit 7,8 %) ont fait usage du co-financement d'un perfectionnement professionnel.

Des cours de formation continue sont parfois offerts par l'armée, mais il n'existe pas de programme structuré.

D'après les militaires contractuels recontrés, aucun développement de carrière ne leur est proposé, en particulier dans l'instruction où certains voyaient leur avenir. Ils se plaignent de ne pas être informés du déroulement des examens d'admission pour devenir instructeurs, et ils rencontrent des difficultés pour obtenir les qualifications leur permettant d'avoir accès aux écoles de cadres. La situation est d'autant plus sévère pour un militaire dont l'âge a atteint ou dépassé 35 ans. Les militaires contractuels se sentent dans une impasse et estiment ne pas avoir de chance dans la vie active civile où la réinsertion après cinq années «d'isolement»
est perçue comme un échec programmé. Sauf à postuler à l'école de police ou pour des postes dans la sécurité, leur expérience militaire ne serait pas reconnue dans le secteur civil. Ils se sentent «trahis» par le système et sont déçus. Certains avouent regretter d'avoir quitté une situation professionnelle stable dans le civil.

Plus de trois quarts des militaires contractuels exercent leur fonction durant une à deux années. Un contrat de travail a une durée maximale de cinq ans, mais il peut être renouvelé si le militaire poursuit une activité rémunérée d'un mois au minimum dans l'intervalle. Ainsi, env. deux tiers des militaires contractuels renouvellent leur contrat à échéance. En principe, l'engagement est limité à cinq ans pour tenir compte des difficultés croissantes que les contractuels pourraient connaître à se réinsérer sur le marché de l'emploi. La CdG-N a toutefois rencontré plusieurs militaires contractuels ayant enchaîné des contrats au-delà de cette limite; dans un cas, le militaire concerné entamait son deuxième contrat de cinq ans. Ces personnes soulignent la difficulté à être engagé dans un emploi pour une durée d'un mois; elles ressentent cette condition comme une chicanerie.

20

Le co-financement se monte à 1500 francs pour les 2e et 3e années, 2000 francs pour la 4e année et 3000 francs pour la 5e année.

2828

Le regard que portent les autres catégories de personnel militaire sur les contractuels est nuancé. Tous admettent que les militaires contractuels sont devenus indispensables au bon déroulement des écoles de recrues. Certains militaires de carrière déclarent avoir fait de bonnes expériences avec les militaires contractuels; avec le temps, leurs tâches et leur rôle dans l'instruction ont aussi été clarifiés. Toutefois, la plupart des militaires de carrière cultivent une certaine méfiance envers les contractuels et ont tendance à les considérer comme un mal nécessaire. Les militaires de carrière soulignent que tous les militaires contractuels ne présentent pas des qualités individuelles suffisantes et mettent en évidence la motivation économique de certains d'entre eux. En outre, les militaires de carrière estiment que la compensation des heures supplémentaires pose des problèmes organisationnels importants. Ils rappellent aussi les coûts liés à la formation des contractuels et mettent en question le rapport coûts-bénéfices d'un engagement inférieur à deux ans.

Pour la CdG-N, les militaires de carrière soulèvent des questions pertinentes, mais leurs propos doivent aussi être relativisés. La commisson se demande ainsi dans quelle mesure les militaires de métier, qui se sentent fortement malmenés et délaissés par leur hiérarchie, nourrissent un certain ressentiment envers ces «militaires professionnels par défaut», qui ont le droit de compenser leurs heures supplémentaires et pour lesquels l'armée a investi sous la forme de nouveaux postes. Par ailleurs, on peut imaginer que, dans un corps tel que l'armée, l'idée que des supplétifs tels que les contractuels souhaitent y faire carrière peut susciter une certaine incompréhension, voire un certain dédain.

5

Cadres de milice

La sélection des recrues destinées à devenir officiers ou sous-officiers supérieurs est menée durant les sept premières semaines de l'école de recrues. Pour ce faire, l'officier de carrière responsable conduit avec chaque recrue un entretien individuel au moins. Il se base également sur l'évaluation émise par le centre de recrutement («apte» ou «inapte» à devenir cadre).

Les recrues sélectionnées pour devenir cadre quittent l'école de recrues à la fin de la 7e semaine, soit à l'issue de l'instruction générale de base. Elles intègrent l'école de cadres avec une recommandation pour devenir officier ou sous-officier. A l'issue de l'école de cadres (dix semaines), les militaires sont dirigés soit vers l'école d'officiers, soit vers celle des sous-officiers.

­

Les candidats sous-officiers suivent l'école de sous-officiers d'une durée de quatre semaines, puis réintégrent une école de recrues en 7e semaine. Ils accomplissent ensuite sept semaines de pratique durant lesquelles ils sont intégrés à l'instruction, sans toutefois en avoir la responsabilité. A ce moment, ils sont encore candidats chef de groupe et continuent leur formation.

­

Les candidats officiers effectuent une formation à l'école d'aspirants officiers (5 semaines), un cours central pour officiers à Berne (4 semaines) et enfin l'école d'officiers (15 semaines). A l'issue de celle-ci, ils rejoignent une école de recrues en 13e semaine, soit la dernière semaine avant l'IFO.

2829

Les candidats sous-officiers et les candidats officiers suivent ensemble, au cours de la 13e semaine de l'école de recrues, un cours préparatoire pour cadres (une semaine), à l'issue duquel les candidats cadres obtiennent leur grade (sergent, respectivement lieutenant).

Durant l'IFO, soit de la 14e à la 18e ou 21e semaine (selon les armes), les cadres de milice effectuent leur service pratique (paiement de galons) en tant que chef de groupe, respectivement chef de section. Ce sont eux qui assument la responsabilité de la conduite, même si les militaires de métier sont présents pour fournir un appui et garantir une certaine continuité.

La durée totale de l'instruction d'un chef de groupe dure donc environ neuf mois (35 ou 37 semaines selon les armes), celle d'un chef de section environ un an (51 ou 53 semaines selon les armes). Durant ce temps, un sous-officier aura accumulé 13 ou 15 semaines d'expérience de conduite, un officier 6 ou 8 semaines. Conformément à l'objectif d'harmonisation avec la carrière professionnelle, la formation des cadres de milice a ainsi été très largement raccourcie; sous Armée 95, la formation d'un officier durait environ 20 semaines de plus.

Les travaux de la CdG-N ont montré que la réforme de l'instruction des cadres semble avoir partiellement rempli son objectif principal, à savoir réduire le problème du manque de relève, en particulier s'agissant des officiers. Au cours des visites aux écoles, les militaires rencontrés ont souligné que les candidats à des fonctions de cadre sont en nombre suffisant et qu'ils sont motivés. Le nombre de volontaires serait ainsi beaucoup plus élevé qu'auparavant. La nouvelle procédure de sélection des cadres exige un investissement très important de la part des officiers de carrière durant les sept premières semaines de l'école, mais cela permettrait de motiver et de sélectionner les meilleurs. A noter que les évaluations rendues par les centres de recrutement sont jugées utiles et pertinentes par les officiers de métier.

Les cadres de milice interrogés ont en revanche estimé que le départ pour l'école de cadres en 8e semaine intervenait trop tôt. Une plus grande expérience de l'armée les aurait peut-être amenés à faire des choix différents.

Le nouveau modèle d'instruction des cadres permet de mieux conjuguer carrière militaire et
carrière professionnelle, mais il a le défaut de réduire considérablement l'expérience des cadres au moment de leur entrée en fonction. Alors que la formation des cadres se déroulait auparavant essentiellement sur le terrain, lors de paiements de galon, l'instruction des cadres dans l'Armée XXI est avant tout théorique. Les lieutenants prennent la conduite de leur section en ayant pour toute expérience pratique leurs sept premières semaines d'école de recrues et la semaine de cours préparatoire de cadres. Les futurs sous-officiers réintègrent l'école de recrues en 8e semaine d'école et accumulent ainsi cinq semaines d'expérience supplémentaires. De l'avis général ­ et surtout de l'avis des miliciens concernés ­ cela s'avère très insuffisant. Le problème est particulièrement aigu chez les officiers, mais les entretiens ont montré que les sous-officiers souffrent des mêmes lacunes. Les cadres de milice ne se sentent pas préparés à la conduite et ils ont une grande difficulté à s'imposer devant les soldats, qui sont souvent plus compétentes qu'eux. Nombre de miliciens sont frustrés par leur expérience et fustigent la FUM pour sa nature théorique.

Pour la CdG-N, l'équilibre entre formation théorique et bagage militaire pratique est difficile à trouver dans le détail et les avis peuvent diverger à ce sujet. Le chef de l'armée a ainsi relevé que certaines personnes accordaient plus d'importance à la 2830

qualité humaine des cadres, alors que d'autres acceptaient moins facilement d'être conduites par un cadre inexpérimenté. Cela dit, la commission considère qu'un juste milieu doit être trouvé; même s'il est talentueux et qu'il dispose d'une bonne formation théorique, un cadre aura du mal à s'imposer s'il doit demander de l'aide à ses subordonnés, et vice-versa.

Le modèle d'instruction ininterrompue a également pour conséquence que les cadres n'acquièrent pour ainsi dire pas d'expérience de vie et de conduite significative entre le moment où ils débutent l'école de recrues et le moment où ils finissent leur instruction. En principe, ce manque de vécu doit être compensé par la qualité de la formation théorique des cadres. En pratique toutefois, cette formation ne peut pas entièrement compenser le manque d'expérience, et les aptitudes personnelles et la personnalité des candidats s'avèrent plus déterminantes encore qu'avant.

La situation des cadres de milice est rendue plus difficile encore par le fait qu'ils reprennent la conduite dans la seconde moitié de l'école. Les liens au sein du groupe ou de la section qu'ils sont appelés à conduire sont déjà tissés et un habitus commun s'est développé. Ils n'ont donc pas l'opportunité de prendre influence sur la construction du groupe pour imposer pas à pas leur autorité. En outre, le changement d'un commandement assuré par des professionnels vers un commandement assuré par des miliciens induit une certaine instabilité au sein des troupes. Les soldats disent avoir l'impression de «recommencer à zéro» lorsqu'ils rejoignent l'IFO sous la conduite des cadres de milice et leur motivation s'en trouve affectée.

Alors qu'ils devraient jouer un rôle en retrait pendant l'IFO, les militaires de métier sont en réalité appelés à consacrer un temps très important à accompagner les exercices de compagnie et à pallier les déficits des officiers et sous-officiers de milice.

Paradoxalement, l'IFO représente pour eux une période de travail aussi intensive que le début des écoles de recrues. Cela peut engendrer une certaine frustration; à peine les difficultés des premières semaines surmontées et la troupe rodée se retrouvent-ils confrontés, à nouveau, à des problèmes élémentaires d'organisation et d'encadrement.

Le problème du manque d'expérience des officiers en matière
de conduite est reconnu par le DDPS. Mi-août 2006, le chef de l'armée a ainsi décidé que les candidats sous-officiers débuteront leur stage dès la 1re semaine d'école de recrues, plutôt qu'à partir de la 8e semaine. Cette mesure doit entrer en vigueur dès 2008. S'agissant des officiers de milice, un projet pilote mené au sein de la Formation d'application de l'infanterie a démontré des résultats positifs: après neuf semaines (plutôt que quinze), les futurs chefs de section quittent l'école d'officiers et rejoignent une école de recrues en huitième semaine, c'est-à-dire au début de l'instruction de base spécifique à la fonction. Avec le grade de sergent-chef, ils ne portent pas l'entière responsabilité pour la conduite de la section. Sous une forme légèrement modifiée, cette solution doit devenir le standard dès 2008. Le service pratique devrait débuter, selon les armes, à la 1re ou à la 5e semaine d'école de recrues.

6

Conclusions et recommandations

Les problèmes relevés par la CdG-N dans le présent rapport ne doivent pas éclipser les progrès considérables qu'a engendré Armée XXI pour les recrues. D'abord, le nouveau système de recrutement fonctionne, globalement, à la satisfaction de tous.

2831

Les recrues sont mieux orientées et davantage motivées. Une fois incorporées, peu d'entre elles quittent prématurément l'école (env. 6 à 10 %, majoritairement pour des raisons orthopédiques et psychiques). La qualité de l'instruction de base dispensée dans les écoles de recrues s'est largement améliorée. La prise en charge est plus professionnelle et l'instruction en formation est améliorée par la création d'une étape qui lui est consacrée (IFO). L'organisation modulaire de l'enseignement lors de l'instruction de base facilite la planification.

En outre, la nouvelle formation ininterrompue des cadres est bien accueillie; les candidats volontaires à des fonctions de cadre sont plus nombreux et de meilleure qualité. Dans ce cadre, relevons que les appréciations portées par le service du recrutement concernant le potentiel d'une recrue à devenir cadre sont jugées utiles.

Enfin, les difficultés initiales dans le domaine de la gestion des effectifs et de l'administration semblent appartenir au passé. Les sureffectifs de l'Armée 95, qui ont entraîné des problèmes lors des premières écoles de recrues en 2004, se sont largement réduits, ce qui a permis une normalisation de la situation. Les commandants d'école estiment disposer de données fiables pour la planification des effectifs.

Le propos de la commission n'est donc pas de remettre en question le bien-fondé de la réforme, mais d'identifier des erreurs partielles de conception ainsi que des facteurs qui menacent la capacité à durer du système.

6.1

Militaires de carrière et cadres de milice

Les visites rendues par la CdG-N à deux écoles de recrues, à un an d'intervalle, ont démontré que les problèmes décelés concernant la situation des militaires de métier se sont accentués. Lors de la première visite d'école, les militaires faisaient face et relativisaient la situation, soulignant leur goût de la profession et leur volonté d'accomplir les tâches malgré la lourde charge de travail. Lors de la deuxième visite, ils relevaient toujours leur satisfaction au travail, mais n'hésitaient plus à faire part de la fatigue accumulée et du mécontentement grandissant. La commission a pu se convaincre que la situation, loin de s'améliorer, allait en se péjorant.

La CdG-N est consciente que certaines difficultés ne sont pas nouvelles et qu'elles ne pourront jamais être entièrement résolues. A deux reprises, la CdG-N a consacré des inspections21 à des problèmes similaires à ceux qui sont exposés dans le présent rapport: manque d'instructeurs de qualité, charge de travail élevée ou encore conditions de travail ne facilitant pas l'intégration sociale. Même si certains aspects ne sont plus d'actualité, force est de constater que les constats effectués dans le passé restent partiellement valables aujourd'hui. Dans une certaine mesure, le passage à Armée XXI n'a donc pas causé les problèmes; il en a plutôt renforcé l'ampleur.

Dans son analyse, la commission estime par conséquent qu'il y a lieu de faire la part entre les facteurs directement liés à Armée XXI et ceux qui sont propres à la carrière militaire ou à l'évolution générale de la société. Alors que les premiers peuvent plus facilement trouver des solutions concrètes, les autres appellent à faire preuve de modestie et à relativiser le caractère singulier des difficultés actuelles.

21

Voir note de bas de page 12.

2832

La commission ne doute pas non plus qu'il y ait, parmi les doléances qu'elle a recueillies, une part de réflexe corporatiste. La profonde transformation du métier provoquée par Armée XXI suscite des réactions de rejet d'autant plus compréhensibles qu'elle s'accompagne d'une diminution des prestations de l'employeur et d'une baisse de la valorisation du métier dans la société. Un tel bouleversement nécessite un changement des mentalités qui ne peut pas avoir lieu du jour au lendemain. La CdG-N juge d'ailleurs très positives les nouvelles tâches et responsabilités confiées aux militaires de carrière, ainsi que le niveau d'engagement plus élevé qui est demandé de ceux-ci. Pour ces raisons, la CdG-N s'est efforcée de ne pas porter de jugement hâtif après sa première visite à une école de recrues et a attendu une année avant de fixer sa prochaine visite. Lors de sa seconde visite, l'aggravation de la situation et le fait que certains problèmes aient été relevés par toutes les catégories de personnel entendues ­ de la recrue au militaire contractuel, en passant par les cadres de milice et les commandants d'école ­ ont achevé de convaincre la commission du sérieux des critiques entendues.

Il faut ainsi reconnaître que les militaires de carrière sont maintenant astreints, de manière quasiment continue, à une très lourde charge de travail. Sous Armée 95 ou Armée 61, une école de recrues était très éprouvante pour les miliciens qui en avaient la conduite. Il faut aujourd'hui imaginer que les militaires de carrière répètent ce travail près de trois fois par an, sans la motivation liée à l'avancement en grade ou à la perspective de la durée limitée du service dont bénéficiaient les miliciens.

La CdG-N s'inquiète de la capacité du personnel militaire à accomplir, sur la durée, une telle charge de travail, ainsi que de l'image que transmettent aux recrues des militaires démotivés. Selon la CdG-N, un système qui impose des horaires dépassant régulièrement 70 heures par semaine risque à terme de poser plus de problèmes qu'il n'en résout. La fatigue et le désappointement des professionnels risque de se répercuter sur la qualité et la crédibilité de l'instruction, ainsi que sur la motivation des recrues. Ils risquent aussi d'engendrer des erreurs qui peuvent porter à conséquences. Ils se repercutent enfin sur
l'attractivité de la profession militaire et, partant, sur le recrutement de nouveaux cadres de carrière. Le nombre croissant de démissions, quant à lui, coûte cher, renforce le problème des sous-effectifs, atteint le bon fonctionnement du système de carrière et alimente le sentiment d'insatisfaction des militaires en fonction.

De l'avis de la CdG-N, la situation actuelle prend les traits d'un cercle vicieux dont il est urgent de sortir. A défaut, cette évolution pose nécessairement la question de la viabilité, à terme, du système actuel. La commission estime indispensable que le Conseil fédéral réfléchisse à des mesures à même d'améliorer rapidement la situation des militaires de carrière et de répondre aux défis annoncés en terme d'effectifs.

Dans cette perspective, la commission salue les mesures décidées par le DDPS en vue de libérer du personnel pour le «front» de l'instruction (voir ch. 3). Ces mesures n'ont pas encore déployé l'entier de leurs effets, mais la commission se rend compte des difficultés organisationnelles, et surtout humaines d'un tel processus. La CdG-N soutient également les décisions prises par le DDPS pour ouvrir la carrière militaire à un cercle plus large de personnes. La commission est persuadée que la diversification des filières d'instruction et la modification des critères d'admission permettra d'enrichir le corps des officiers. De l'avis même du DDPS, il demeure encore un potentiel d'amélioration dans le domaine du recrutement.

2833

De manière générale, la commission a l'impression que le DDPS a pris conscience du problème des militaires de carrière. Au début de l'enquête de la CdG-N, le DDPS avait tendance à le classer parmi les «maladies de jeunesse» d'Armée XXI et à proposer des mesures techniques pour les résoudre. La commission a pu, depuis, se convaincre que le DDPS traite ces problèmes de manière prioritaire et qu'il en reconnaît la dimension humaine. Lors de son entretien avec la commission, le chef de l'armée a ainsi fait part de sa préoccupation par rapport à la perte de confiance des militaires professionnels, estimant que leur niveau de satisfaction avait atteint un point critique. De son côté, le chef du DDPS a rappelé la complexité de la situation de son département et l'exiguïté de sa marge de manoeuvre financière. En raison des mesures d'économie, il a souligné que les moyens nécessaires à Armée XXI ne peuvent être libérés qu'à travers de longues et difficiles restructurations. Tant le chef de l'armée que le chef du DDPS ont plaidé pour que le Parlement fasse preuve de patience et de tolérance.

La CdG-N se rend compte que l'allégement de la charge de travail du personnel militaire représente un problème complexe et que des effectifs supplémentaires ne pourront pas être trouvés en un instant. Cela dit, la commission est d'avis que la situation pourrait également être améliorée par des corrections de la conception d'instruction d'Armée XXI. En cas de difficultés à engager suffisamment de cadres professionnels, le plan directeur de l'Armée XXI prévoyait ainsi la possibilité de faire appel à des modèles de transition: «Le cas échéant, le modèle d'instruction devra être introduit par paliers dans les formations d'application, en fonction du personnel militaire à disposition. Dans cette phase de transition, il est possible d'envisager des modèles adaptés (p.ex. cadres de l'Armée 95, pool d'instructeurs, appui des militaires de milice aux cadres professionnels).»22 Si le DDPS a bien décidé de faire appel aux cadres de l'Armée 95, la commission est d'avis que les autres modèles de transition ­ en particulier l'appui des militaires de milice ­ doivent également être examinés.

La CdG-N salue à ce titre la décision du chef de l'armée consistant à faire débuter le stage pratique des candidats sous-officiers dès la 1re
semaine d'école de recrues. La commission est convaincue que cette mesure permettra de mieux consolider le bagage militaire des sous-officiers et de diminuer la charge du personnel professionnel. De l'avis de la commission, il faut maintenant étendre cette mesure aux candidats officiers. Pour la CdG-N, il ne s'agit pas de revenir à l'ancien système de l'Armée 95 dans lequel les miliciens portaient la responsabilité de la conduite, mais plutôt de prolonger le stage pratique des cadres tel qu'il est effectué actuellement dans l'instruction de base spécifique à la fonction. La CdG-N ne souhaite pas non plus mettre en question la certification FUM; si une autre solution ne peut pas être trouvée, il faudrait envisager de prolonger la durée totale de la formation des officiers, comme c'est le cas pour les sous-officiers. D'éventuelles questions liées aux ressources personnelles doivent être clarifiées, de manière à ce que ces modifications puissent entrer en vigueur en 2008.

Pour les cadres de milice, cette solution présentera l'avantage de leur donner une longueur d'avance sur les nouvelles recrues et d'améliorer leurs chances de s'imposer. Quant aux militaires professionnels, ils bénéficieront d'un appui durant l'instruction de base, et il est fort à penser que la charge d'encadrement diminuera durant l'IFO. Bien qu'une telle modification aille partiellement à l'encontre du 22

FF 2002 988.

2834

principe d'Armée XXI, la CdG-N est convaincue qu'elle apportera une correction indispensable.

La commission a également réfléchi à la possibilité de recommander un retour au modèle de deux écoles de recrues par an. Elle y a toutefois renoncé, estimant que cela impliquerait un véritable changement de système, qui présenterait aussi des désavantages importants: les écoles seraient plus grandes, l'armée aurait besoin de davantage de terrains d'instruction et toute la planification de l'armement devrait être repensée. La CdG-N soutient toutefois l'idée visant à renoncer à une école pour certaines armes (p.ex. grenadiers, service long, écoles d'entretien).

6.2

Militaires contractuels

La CdG-N a été frappée par la très grande insatisfaction des militaires contractuels qu'elle a rencontré lors de sa deuxième visite d'école de recrues. Les représentants du DDPS que la commission a entendu par la suite ont tous fortement relativisé les problèmes constatés. Ils ont certes reconnu l'existence, au moins au début, de frictions avec les militaires de carrière, ainsi qu'une certaine méfiance de ces derniers, en ajoutant toutefois que la situation s'est améliorée et qu'elle varie beaucoup selon les écoles et le lieu d'engagement. Les critiques des militaires contractuels seraient ainsi surtout le reflet de la qualité de la conduite et de la gestion du personnel militaire sur leur lieu d'engagement. S'agissant du manque de perspectives professionnelles des contractuels, les représentants du DDPS constatent que les attentes des contractuels augmentent proportionnellement à la durée de leur engagement, mais ils renvoient à la durée déterminée de leurs contrats et rappellent que le DDPS n'est pas contraint de leur offrir une place à durée indéterminée. Les conditions pour l'entrée dans la carrière militaires seraient en outre clairement réglées.

La CdG-N conçoit que les constats qu'elle a effectués aient un caractère relatif. Elle n'en considère pas moins qu'ils doivent être traités avec sérieux; la commisson estime par ailleurs qu'ils sont révélateurs d'insuffisances générales dans la gestion du personnel contractuel.

Le modèle suisse des militaires contractuels est basé sur celui des Forces armées allemandes, qui emploient un très grand nombre de contractuels. En Allemagne, la durée de l'engagement peut varier entre quatre et vingt ans, mais le cursus est conçu de manière à permettre un retour aisé dans la vie civile. Un office spécialisé s'occupe par exemple de conseiller les militaires contractuels dès le début de leur engagement et de discuter avec eux leur plan de carrière. Le cursus prévoit des plages réservées à la formation ­ parfois plusieurs années ­ qui aboutissent à des qualifications professionnelles valables dans le civil. Les militaires contractuels peuvent d'ailleurs bénéficier d'aides financières ou de formations continues jusqu'à plusieurs années après la fin de leur engagement.

En Suisse en revanche, il n'existe pas de cursus standardisé. La durée maximale d'engagement
de cinq ans doit, en principe, éviter de compromettre les chances de réinsertion sur le marché de l'emploi. Pour la CdG-N toutefois, un engagement de quatre ou cinq ans suffit déjà, s'il n'est pas planifié de manière adéquate, à compromettre les chances de réinsertion. La commission estime donc nécessaire que le DDPS s'assure, au moment du recrutement d'un militaire contractuel, de l'existence d'un plan professionnel. Le cas échéant, des mesures de formation continue doivent 2835

être convenues. Bien entendu, la nécessité d'un suivi augmente avec la durée d'engagement du contractuel; elle est d'autant plus importante lorsque le DDPS accepte de prolonger un contrat pour plusieurs années. Le renouvellement d'un contrat ne peut pas être une manière de fuir des difficultés de réinsertion dans le secteur civil; ces questions doivent être anticipées dès le début de l'engagement et une prolongation ne peut être accordée que si des perspectives claires existent à son issue.

Le DDPS doit aussi éviter de créer de faux espoirs concernant les perspectives de carrière des contractuels au sein de l'armée. A ce titre, des offres d'emploi ou des brochures d'information qui présentent les militaires contractuels à côté des militaires de carrière sous le slogan «La sécurité ­ un avenir assuré» peuvent être trompeuses. Selon la CdG-N, le DDPS se doit d'être parfaitement transparent; les contractuels doivent recevoir une évaluation réaliste de leur potentiel, tant à leur engagement qu'en cours d'emploi. Le cas échéant, des mesures de perfectionnement doivent pouvoir être conclues. Les contractuels doivent aussi être informés de manière équitable au sujet du déroulement d'examens d'admission à la carrière militaire et ils doivent avoir l'occasion, s'ils le souhaitent, d'y participer. La CdG-N espère d'ailleurs qu'une mise en oeuvre conséquente de l'exigence, pour les militaires de carrière, d'avoir fait une expérience de contractuel, permettra avec le temps d'estomper les antagonismes et de renforcer la solidarité entre ces deux catégories de militaires professionnels.

La commission relève également les difficultés organisationnelles posées par la planification de l'engagement des contractuels. Le fait que leur temps de travail moyen doive se monter à 45 heures par semaine s'avère un casse-tête pour les militaires de carrière chargés de leur conduite, qui doivent en principe leur permettre de compenser leurs heures supplémentaires. Cette disposition s'avère de plus souvent impossible à appliquer en pratique. Pour la CdG-N, il faut se demander s'il ne serait pas opportun de renoncer à cet arrangement et prévoir d'autres types de gratification à la place.

Les entretiens menés par la CdG-N ont également montré un problème lié au rapport coûts-bénéfices des militaires contractuels. Généralement,
les interlocuteurs de la commission ont estimé qu'un engagement de moins de deux ans n'était pas rentable pour l'armée. Or, plus de trois quarts des militaires contractuels sont dans ce cas.

Engager les contractuels pour une durée plus élevée, en revanche, pose la question de la réintégration sur le marché de l'emploi. Plus la durée d'engagement augmente, plus les exigences posées à la personne et à la gestion de sa carrière doivent être élevées. De l'avis de la CdG-N, il faut que le Conseil fédéral adopte une politique cohérente face à ces deux alternatives. Schématiquement, l'armée peut, d'un côté, privilégier une durée d'engagement courte ­ ce qui pose peu de problèmes du point de vue de l'accompagnement professionnel des contractuels, mais qui est peu favorable sur le plan du rapport coûts-bénéfices et implique une rotation de personnel élevée. De l'autre côté, l'armée peut privilégier une durée d'engagement longue ­ ce qui est plus favorable sur le plan du rapport coûts-bénéfices et requière une rotation de personnel moins élevée, mais qui nécessite un accompagnement professionnel important.

De manière générale, la CdG-N a eu l'impression que le DDPS considère les militaires contractuels comme des collaborateurs d'appoint, qui n'appellent pas, en raison de leur engagement limité dans le temps, de mesures particulières. Le recrutement, l'engagement et la gestion du personnel contractuel sont entièrement décentralisés et 2836

délégués aux commandants d'école. Les propos tenus par les représentants du DDPS sont restés vagues et peu critiques, signifiant la modeste importance attribuée à ce sujet. La commission n'a pas pu déceler une stratégie ou une vision pour la gestion du personnel contractuel. Pourtant, le dispositif d'instruction dépend désormais d'eux et la taille de leurs effectifs est similaire à celle des militaires de carrière. En outre, si le recrutement de militaires contractuels de qualité pose déjà problème aujourd'hui, il s'avérera plus difficile encore en cas de reprise économique. Si l'armée entend continuer à faire appel à un nombre élevé de contractuels, la CdG-N attend du Conseil fédéral qu'il définisse une stratégie et une politique du personnel cohérente à leur égard et qu'il réflechisse à des manières d'améliorer l'attractivité d'un engagement contractuel.

La CdG-N n'envisage pas la question des militaires contractuels de manière isolée; pour la commission, la politique du personnel professionnel forme un tout. Les problèmes des militaires contractuels et des militaires de carrière sont étroitement liés et doivent être traités dans une réflexion plus générale sur l'organisation du système de carrière. Malgré les modifications significatives apportées au système de carrière ­ abandon de certains privilèges, promotions en fonction des besoins, «académisation» de la profession, etc. ­ la commission constate que certains problèmes de fond n'ont toujours pas pu être résolus: engorgement des niveaux hiérarchiques supérieurs, inadéquation de la formation de base avec les engagements ultérieurs des militaires de carrière, difficultés de recrutement, etc. Avec la professionnalisation voulue par Armée XXI, ces problèmes prennent une ampleur nouvelle. Le projet «Développement du profil du personnel militaire», actuellement en cours, consiste essentiellement à apporter des corrections isolées. Or, ainsi qu'elle l'avait déjà recommandé en 1998, la CdG-N estime qu'il y a toujours lieu de repenser entièrement le système de carrière au sein de l'armée. Elle invite donc le Conseil fédéral à présenter des propositions pouvant constituter des alternatives au système actuel et intégrant la problématique des militaires contractuels. Une solution pourrait par exemple consister à prévoir des durées d'engagement contractuel
beaucoup plus longues, celles-ci devant toutefois faire l'objet de mesures d'accompagnement et de formation correspondantes. Ainsi que le Conseil fédéral l'écrivait dans le plan directeur de l'Armée XXI, «tout doit être mis en oeuvre pour améliorer l'attrait de la profession, freiner l'érosion et assurer les développements nécessaires.»23

6.3

Développement futur de l'armée

Au vu de la situation actuelle des militaires professionnels, la CdG-N estime que tout développement futur de l'armée doit être soigneusement analysée à l'aune de ses conséquences dans le domaine du personnel. Les ressources nécessaires ainsi que d'éventuelles mesures de restructuration doivent être soigneusement pesées et planifiées.

Dans son message concernant la réalisation de l'étape de développement 2008/11 de l'armée, le Conseil fédéral estime que «la mise en oeuvre de l'OOrgA24 n'implique aucun besoin supplémentaire en personnel. Le potentiel d'économies en collabora23 24

FF 2002 988.

Ordonnance de l'Assemblée fédérale du 4.10.2002 sur l'organisation de l'armée (Organisation de l'armée, OOrgA; RS 513.1).

2837

teurs dans l'instruction et la logistique s'insère dans la planification de réduction et de transfert du personnel du domaine départemental de la Défense. Les capacités en personnel nécessaires à développer le domaine de la promotion de la paix seront trouvées dans le cadre des directives sur le personnel.» Force est toutefois de constater qu'il n'existe pas encore de concept détaillé et chiffré concernant la planification de la réduction et de transfert du personnel du domaine de la Défense. Pour la CdG-N, le fait que l'étape de développement ait été prévue ­ et le message correspondant soumis au Parlement ­ sans avoir évalué en détail les conséquences sur le personnel est critiquable. Il s'agit, de l'avis de la commission, d'un facteur crucial du développement de l'armée. La CdG-N demande donc au DDPS d'établir dans les meilleurs délais une planification détaillée du personnel de la Défense. Elle invite également la CPS-E de tenir compte de la faisabilité et la viabilité de cette planification dans son appréciation de la révision de l'OOrgA.

Dans la mesure où les résultats attendus des différentes mesures de restructurations n'ont pas encore été planifiés en détail, il est difficile pour la CdG-N de porter une appréciation définitive sur ces mesures. Il ne lui est pas possible non plus d'évaluer précisément les effets qu'aura sur la charge de travail des militaires de carrière la présence des cadres de milice dès le début de l'école de recrues. En dépit de cela, la CdG-N ne peut se départir du sentiment que les mesures envisagées ne suffiront pas à répondre à la nature structurelle des problèmes constatés. La commission reconnaît certes qu'une grande partie des problèmes n'est pas liée à la conception initiale d'Armée XXI, mais aux mesures d'économie ultérieurement décidées par le Parlement. Cependant, la CdG-N est d'avis que cette nouvelle donne financière doit inciter le Conseil fédéral à soumettre Armée XXI à un examen critique de fond. Au vu des observations qu'elle a pu faire sur le terrain, la commission met en effet sérieusement en doute la capacité à durer du système actuel.

Force est aussi de constater que le cadre financier ne consent aucune marge de manoeuvre. Dans son message concernant la réalisation de l'étape de développement 2008/11 de l'armée, le Conseil fédéral souligne ainsi
que, si l'affectation des moyens devait encore diminuer par rapport au plan financier 2007-2009, cela nécessiterait «un remaniement fondamental de la conception de l'armée et par conséquent une réorientation de sa mission»25. Compte tenu de cette situation et de l'ensemble des constatations qu'elle a pu faire, la CdG-N considère que le Conseil fédéral doit reconnaître l'existence d'un déséquilibre entre les tâches, la taille et les moyens à disposition de l'armée. Elle l'invite ainsi à anticiper les problèmes et à proposer des alternatives au système actuel. Pour la commission, des arbitrages politiques relatifs à la taille et aux tâches de l'armée, ainsi qu'à la répartition entre dépenses d'armement, d'exploitation et de personnel sont, à terme, nécessaires.

6.4

Recommandations

Sur la base de ses observations, la CdG-N transmet au Conseil fédéral les recommandations suivantes:

25

FF 2006 5942.

2838

Recommandation 1

Militaires de carrière

La Commission de gestion du Conseil national invite le Conseil fédéral à prendre des mesures à même d'améliorer rapidement la situation des militaires de carrière en termes de charge de travail, de perspectives professionnelles et d'opportunités de formation continue. Le Conseil fédéral examinera notamment comment la conception d'instruction d'Armée XXI doit être adaptée à cette fin.

Recommandation 2

Militaires contractuels

La Commission de gestion du Conseil national demande au Conseil fédéral de veiller à un meilleur accompagnement professionnel des militaires contractuels.

Il y a lieu de s'assurer, au moment du recrutement d'un militaire contractuel, de l'existence d'un plan professionnel. Le cas échéant, des mesures de formation doivent être convenues. Le Conseil fédéral est également prié de prendre les mesures nécessaires afin d'assurer une possibilité réelle aux militaires contractuels de suivre une formation (p.ex. aménagement de plages temporelles réservées à la formation, co-financement après la fin de l'engagement). Enfin, les militaires contractuels doivent recevoir une évaluation réaliste et transparente de leur potentiel à accomplir une carrière militaire; ils doivent en outre avoir l'occasion, s'ils le souhaitent, de participer aux examens d'admission à la carrière militaire.

Recommandation 3

Professions militaires

La Commission de gestion du Conseil national demande au Conseil fédéral de soumettre des propositions au Parlement visant à améliorer l'attrait de la profession militaire et intégrant une stratégie cohérente à l'égard des militaires contractuels.

Recommandation 4

Planification de l'engagement du personnel militaire

La Commission de gestion du Conseil national demande au Conseil fédéral de présenter les mesures qu'il entend prendre pour assurer des effectifs militaires suffisants dans l'instruction face aux défis annoncés dans ce domaine (p.ex.

échéance des contingents supplémentaires de militaires professionnels, fin du service des sous-officiers issus des effectifs excédentaires de l'Armée 95, besoins accrus dans d'autres engagements). En particulier, la CdG-N demande qu'une planification détaillée de l'engagement du personnel militaire soit établie dans les meilleurs délais, tant pour l'hypothèse d'une approbation que pour celle d'un rejet de l'étape de développement 2008/11.

2839

Recommandation 5

Développement futur de l'armée

La Commission de gestion du Conseil national demande au Conseil fédéral de soumettre Armée XXI à un examen critique sous l'angle de la concordance entre la taille et les tâches de l'armée, le cadre constitutionnel, les moyens à disposition et leur répartition. Le Conseil fédéral consigne ses conclusions dans un rapport à l'attention du Parlement, dans lequel il anticipe les problèmes et propose des alternatives au système actuel.

Recommandation 6

Instruction des cadres de milice

La Commission de gestion du Conseil national recommande au Conseil fédéral de faire débuter le stage pratique des candidats officiers dès la 1re semaine d'école de recrues. Cette modification ne devra pas mettre en cause la certification FUM; si nécessaire, la durée totale de la formation des officiers de milice devra être prolongée.

Recommandation 7

Abandon d'une école de recrues pour certaines armes

La Commission de gestion du Conseil national invite le Conseil fédéral à examiner l'opportunité de renoncer à l'une des trois écoles de recrues par an pour certaines armes.

La Commission de gestion prie le Conseil fédéral de l'informer, d'ici à la fin de l'année 2006, de la suite que ce dernier entend donner au présent rapport et à ses recommandations.

10 octobre 2006

Pour la Commission de gestion du Conseil national: Le président: Kurt Wasserfallen, conseiller national Le président de la sous-commission DFAE/DDPS: Jean-Paul Glasson, conseiller national Le secrétaire des Commissions de gestion: Philippe Schwab La secrétaire de la sous-commission DFAE/DDPS: Sarah Scholberg

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