Principes de la politique du Conseil fédéral pour les services de renseignement de la Suisse du 31 janvier 2007

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons pour information le rapport sur les principes de la politique du Conseil fédéral pour les services de renseignement de la Suisse.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

31 janvier 2007

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

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Rapport Eléments fondamentaux La Suisse dispose aujourd'hui de deux services de renseignement principaux, le Service de renseignement stratégique (SRS) pour ce qui concerne l'étranger ainsi que le Service d'analyse et de prévention (SAP) pour ce qui est du territoire national.

Elle dispose aussi de services de renseignement spécifiquement axés sur les besoins de l'armée.

Ces services font partie intégrante du dispositif de sécurité national et contribuent ainsi à la protection des libertés et des droits de la population et au maintien de l'indépendance et de la sécurité de notre pays.

Les services de renseignement se procurent des informations importantes pour la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse et de ses habitants, les analysent et les évaluent à l'attention des autorités compétentes.

Leur activité est réglée par la loi et elle est contrôlée par le Conseil fédéral et le Parlement.

Les priorités thématiques sont fixées par le Conseil fédéral, par sa Délégation pour la sécurité (Délséc) et par les départements concernés.

Les services de renseignement travaillent en étroite collaboration et ils entretiennent des contacts internationaux bien établis et approuvés par le Conseil fédéral.

Le public est informé autant que faire se peut de l'activité des services de renseignement, la protection des sources étant toutefois assurée dans tous les cas.

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But

En transmettant les informations acquises et les résultats de leurs analyses comme bases de décision aux services compétents à l'échelon politique et administratif, les services de renseignement contribuent à la sécurité de la Suisse et de ses habitants, mais aussi à la protection des bases démocratiques de notre pays et des principes régissant tout Etat de droit, de même qu'à la défense des intérêts de la Suisse à l'étranger. Ces informations permettent de prendre des décisions pour des mesures visant à prévenir ou à combattre des menaces et des dangers potentiels pour la sécurité de la Suisse et de ses habitants. Dans le cadre établi par la Constitution et par la loi, cette politique fixe les conditions et les principes selon lesquels les services de renseignement remplissent leur mandat. Elle définit dans les grandes lignes les tâches des services de renseignement, le type et les modalités de leur engagement, de leur organisation et de leur conduite, les principes de collaboration entre eux, avec d'autres services de la Confédération et avec des services partenaires à l'étranger, les mécanismes de contrôle de l'exécutif, la surveillance parlementaire ainsi que les principes de l'information du public et de la protection des sources.

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Les services de renseignement suisses et leurs tâches

Le Service de renseignement stratégique (SRS), au DDPS, assure un service permanent de renseignement étranger. Il se procure, à l'attention de la direction politique et de la conduite militaire et en collaboration étroite avec d'autres services de la Confédération, des informations sur l'étranger qui sont déterminantes pour la sécurité de la Confédération; il les analyse et les diffuse. Il suit en permanence l'évolution de la situation et alerte la direction de la politique de sécurité et d'autres services de la Confédération lors de développements de crises à l'étranger.

Le Service d'analyse et de prévention (SAP) de l'Office fédéral de la police (fedpol), au DFJP, assume, en tant que service de renseignement de police et de sécurité, les tâches d'un service de renseignement suisse. Il se procure et analyse des informations et en diffuse les résultats pour la protection des bases démocratiques de notre pays et des principes régissant tout Etat de droit, et pour la sécurité de ses habitants.

Il suit en permanence la situation de sécurité au niveau national par le biais du Centre d'analyse fédéral, travaille en étroite collaboration avec les services de renseignement des polices cantonales et soutient la capacité de conduite des corps de police cantonaux lors d'engagements de police intercantonaux. En temps de paix, le SAP assume également les tâches du contre-espionnage militaire.

Le Service de renseignement militaire (SRM), au DDPS, assure le service de renseignement pour l'armée. Lors d'engagements de l'armée en Suisse et à l'étranger, il planifie et dirige le service coordonné de renseignement militaire à l'attention du commandement de l'armée, de la troupe et des autorités et services de commandements compétents au niveau national et, le cas échéant, au niveau multinational.

Le Service de renseignement des Forces aériennes (SRFA), au DDPS, assure le service de renseignement pour des engagements des Forces aériennes, mais aussi pour leur planification, et évalue tous les aspects de l'exploitation militaire de l'espace aérien en Suisse et à l'étranger à l'attention des Forces aériennes, du SRM et du SRS.

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Cadre juridique

Les activités des services de renseignement sont réglées par la loi. Ces services agissent exclusivement sur la base du droit national et dans le cadre du droit international public. La Constitution et la loi sont les uniques bases, et le principe de la légalité est illimité. Les services de renseignement du DDPS sont soumis à l'art. 99 de la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire (LAAM)1 et à l'ordonnance sur les services de renseignements du DDPS (Orens)2. Pour le SAP, ce sont en particulier la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI)3, son ordonnance d'application (OMSI)4 et, pour le traitement des données, l'ordonnance sur le système de traitement des données relatives à la protection de l'Etat (O-ISIS)5 qui sont déterminantes. Les dispositions de l'ordonnance sur 1 2 3 4 5

RS 510.10 RS 510.291 RS 120 RS 120.2 RS 120.3

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la guerre électronique (OGE)6 et les directives du 5 juillet 2006 sur l'organisation de la conduite de la politique de sécurité par le Conseil fédéral doivent être appliquées par tous les services de renseignement.

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Tâches, clients et fonction des services de renseignement

Tâches Les services de renseignement suivent l'évolution de la situation, en font une appréciation, alertent et avertissent lorsque des crises s'annoncent ou en cas de développements exceptionnels. Ils fournissent des informations et des résultats qui sont déterminants pour la sauvegarde de la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse et de ses habitants, pour le respect des lois et des obligations internationales, et les mettent à la disposition des services compétents. Du point de vue politique, les appréciations de situations sont établies de manière indépendante et peuvent présenter des différences par rapport aux appréciations d'autres services de l'administration fédérale. Ces appréciations permettent de prendre des décisions sur une base plus large. En identifiant des menaces ou des défis, en signalant à temps les crises qui s'annoncent ou en fournissant des appréciations sur de possibles développements de politique de sécurité, les services de renseignement fournissent des bases pour des décisions politiques et contribuent ainsi au maintien et à l'élargissement de la liberté d'action du gouvernement.

Clients A l'échelon de la Confédération, les services de renseignement fournissent en premier lieu des informations au Conseil fédéral, aux départements, aux organes de la conduite de la politique de sécurité (Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité et son état-major, Organe de direction pour la sécurité) ainsi qu'à la conduite militaire. Les services de renseignement donnent régulièrement aux destinataires de leurs produits la possibilité de s'exprimer sur le volume, la qualité, la ponctualité, l'importance et l'utilité de leurs renseignements.

De plus, le SAP fournit aux cantons un soutien pour le maintien de la sécurité intérieure et la poursuite pénale au niveau de la Confédération. Il fournit des informations (p. ex. sur des questions de sécurité intérieure, sur les exportations de biens et de matériel de guerre, sur la poursuite pénale) aux organes de la Confédération et des cantons. Il soutient et sensibilise d'autres services de l'Etat et des organisations privées de lutte contre l'espionnage, pour découvrir des violations d'obligations internationales sur le marché financier et industriel de la Suisse ou pour les éviter. Il informe le Parlement, les cantons et le public
sur les questions de sécurité intérieure.

Les services de renseignement entretiennent des contacts très étroits avec le DFAE en vue d'un échange d'informations, de connaissances et de besoins d'information sur des thèmes qui intéressent le DFAE et les services de renseignement. Dans le cadre des bases juridiques en vigueur, une coopération intense des activités a lieu au niveau institutionnel.

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RS 510.292

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La fonction des services de renseignement Les services de renseignement se procurent des informations que d'autres services de la Confédération ne peuvent pas acquérir eux-mêmes en raison de leurs bases juridiques et des moyens dont ils disposent. Ils tiennent aussi compte d'informations qui sont publiquement accessibles, de sorte à transmettre un contexte général. Les services de renseignement sont les seuls services de la Confédération qui disposent de bases légales qui leur permettent, de manière préventive et en fonction du but de la loi, de se procurer des informations en Suisse et à l'étranger qui ne sont pas accessibles au public, qui servent à garder secrets les acteurs étatiques ou non étatiques et dont l'acquisition peut entraîner des atteintes aux droits fondamentaux ou constitutionnels des êtres humains (droits de la personnalité). Ces compétences sont exercées exclusivement dans le cadre des bases légales et selon le principe de la proportionnalité des actions de l'Etat. A côté des renseignements acquis par des services de la Confédération et des cantons et provenant de sources publiques (OSINT, Open Source Intelligence), les services de renseignement disposent d'autres moyens et méthodes pour se procurer des informations. Il s'agit de sources humaines (HUMINT, Human Intelligence), de l'exploration permanente des communications, notamment radio (COMINT, Communications Intelligence) à l'extérieur du champ d'application du secteur du secret des télécommunications de la Suisse et de l'échange avec des services partenaires étrangers. De plus, les attachés de défense suisses à l'étranger sont également engagés pour la recherche d'informations.

Les informations sont analysées, et les connaissances acquises sont synthétisées, puis traitées et diffusées sous forme de produits de renseignement.

En principe, les services de renseignement ne diffusent que des informations analysées («finished intelligence») et des informations individuelles commentées, mais, en règle générale, aucune information brute non analysée provenant de sources individuelles. Si l'urgence d'une information l'exige et que la fiabilité de la source le permet, celle-ci, dans le cadre des dispositions légales, peut être mise à disposition des services qui en ont besoin pour accomplir leur tâche.

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Subordination, conduite et contrôle des services de renseignement

Subordination et conduite Le SRS est subordonné au chef du DDPS. Le SAP fait partie de l'Office fédéral de la police (fedpol), au DFJP. Le SRS et le SAP sont ainsi séparés sur le plan de l'organisation et, en principe, ils accomplissent leurs tâches de manière indépendante dans leurs domaines respectifs de compétences. Au niveau politique, les affaires importantes qui relèvent des services de renseignement sont décidées par le Conseil fédéral; les affaires interférant entre divers services, qui requièrent une coordination, sont décidées par les chefs du DDPS et du DFJP. Le SRM et le SRFA sont subordonnés respectivement au chef de l'Etat-major de conduite de l'armée et au commandant des Forces aériennes. Pour l'ensemble des activités de renseignement en rapport avec l'étranger, c'est le SRS qui occupe une fonction dirigeante au sein du DDPS et qui bénéficie du droit d'émettre des directives.

Les mandats du SRS découlent des bases légales et du mandat général que lui confie périodiquement le Conseil fédéral. Les mandats et les modalités de travail du SAP 1409

sont également fonction des bases légales. Le SRM et le SRFA reçoivent périodiquement un mandat général, ainsi que des mandats détaillés respectivement de la part du chef de l'armée et du commandant des Forces aériennes. La Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité veille à créer les instruments nécessaires pour la coordination de la recherche et de l'analyse d'informations qui répondent aux besoins des clients. Les organes de conduite de la politique de sécurité, et dans certains cas d'autres services de l'administration, peuvent, dans le cadre du mandat légal, faire part d'autres besoins d'informations aux services de renseignement.

Contrôle par le pouvoir exécutif Le contrôle par le pouvoir exécutif s'exerce à plusieurs niveaux: A l'intérieur des départements: le DDPS et le DFJP examinent et contrôlent régulièrement les activités du SRS et du SAP quant à leur légalité, leur utilité et leur proportionnalité, conformément aux directives et règlements internes des départements.

Au niveau interdépartemental: un organe interdépartemental examine la légalité et la proportionnalité des mandats du SRS et du SAP concernant l'exploration permanente des radiocommunications. Le préposé fédéral à la protection des données examine la légalité du traitement des données personnelles au SAP.

Au Conseil fédéral: le Conseil fédéral dirige et contrôle les services de renseignement sur des questions de haute importance politique. Il attribue en particulier le mandat de base au SRS, approuve la liste d'observation du SAP, élit les membres de l'organe de surveillance interdépartemental chargé de surveiller les mandats d'exploration de radiocommunications, mais aussi approuve et contrôle les relations avec des services étrangers.

La surveillance et le contrôle des activités du SRM et du SRFA sont exercés dans le cadre des rapports et des rapports d'activité du SRS, qui coordonne leurs activités à l'étranger.

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Surveillance parlementaire

Les services de renseignement sont surveillés par la Délégation des Commissions de gestion (DélCdG) des Chambres fédérales, en particulier en ce qui concerne la légalité, l'utilité et l'efficacité de leurs activités. A cet effet, la DélCdG dispose de droits de regard étendus. Chaque année, les services de renseignement sont aussi contrôlés par le Contrôle fédéral des finances, sur mandat de la Délégation des finances (DélFin) des Chambres fédérales.

La collaboration des services de renseignement avec les organes de surveillance parlementaires se déroule dans un climat de confiance et de transparence.

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Collaboration entre services de renseignement

La collaboration entre le SRS et le SAP est très étroite et elle est réglée par une directive interdépartementale. Des mécanismes de collaboration institutionnalisés veillent à ce qu'ils coopèrent de manière intensive sur des thèmes qui sont traités par les deux services et qui jouent un rôle important pour la sécurité de notre pays et de ses habitants. A cet effet, ils procèdent ensemble à l'analyse et à l'évaluation des 1410

informations importantes et se les transmettent; ils coordonnent aussi ensemble les activités de recherche de renseignements et leurs contacts avec des services partenaires communs. Les chefs du DDPS et du DFJP surveillent cette collaboration et évaluent régulièrement les prestations des deux services quant à leur efficacité et leur proportionnalité.

La collaboration entre les services de renseignement du DDPS, qui est également très étroite, répond à des règles internes au département. Pour les activités de renseignement qui concernent l'étranger, le SRS occupe une fonction dirigeante au sein du DDPS et il bénéficie du droit d'émettre des directives. Lors d'engagements de l'armée en Suisse et à l'étranger, le SAP et le SRM collaborent étroitement et directement: des accords sont conclus à cet effet.

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Collaboration avec des services partenaires étrangers

Les relations internationales qu'entretiennent les services de renseignement suisses sont une part essentielle de leur activité. Ils mettent ces contacts à profit pour combler certaines lacunes de cognition, pour accomplir avec efficacité leurs tâches légales en matière de protection préventive de l'Etat, d'appréciation de la sécurité extérieure et de respect des obligations internationales de la Suisse.

Les relations avec les services étrangers sont réglées par la loi. Le Conseil fédéral autorise l'établissement de nouveaux contacts par le SRS et le SAP avec de tels services et les contrôle une fois par législature. Les deux services peuvent entretenir des contacts avec des organes multilatéraux informels.

Le SRS est responsable pour toutes les relations des unités administratives du DDPS avec des services de renseignement étrangers et il les coordonne. Sous réserve d'un accord avec le SRS, c'est le SRM qui est compétent pour la collaboration avec les services de renseignement militaire à l'occasion d'exercices et d'engagements communs. Par ailleurs, le SRS est en principe compétent pour les relations avec des services de renseignement étrangers.

En principe, c'est le SAP qui est l'interlocuteur pour toutes les questions ayant trait à la sécurité intérieure. A cet effet, il établit des contacts avec les autorités de sécurité étrangères (services de police, de sécurité et de renseignement) qui accomplissent des tâches dans le sens de la LMSI.

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Information du public, protection des sources et des informations

Le public doit être informé avec le plus de transparence possible des activités des services de renseignement. La recherche de renseignements ne doit cependant pas être menacée par cette information, et les collaborateurs et les sources des services de renseignement ne doivent pas être exposés à des risques par une communication de leur identité. La protection des sources, qui est inscrite dans la loi, doit toujours être garantie.

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