07.077 Message relatif à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 21 septembre 2007

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous soumettons à votre approbation un projet d'arrêté fédéral relatif à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

21 septembre 2007

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2007-1147

6881

Condensé La Suisse s'apprête à ratifier la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée par la Conférence générale de l'UNESCO le 20 octobre 2005. La Convention fournit une base légale internationale contraignante fondant le droit de chaque Etat à mener une politique culturelle indépendante.

Contexte L'accélération des processus de mondialisation a amené les Etats membres de l'UNESCO à se pencher sur la question de la préservation et la promotion de la diversité des expressions culturelles, conformément au mandat de cette organisation qui prévoit «d'assurer aux Etats membres [...] l'indépendance, l'intégrité et la féconde diversité de leurs cultures» (Acte constitutif de l'UNESCO, art. 1, par. 3).

Les discussions menées par les Etats sur ce thème ont conduit à l'adoption, le 20 octobre 2005, de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles [Convention].

La Convention comble une lacune dans le droit international en reconnaissant la spécificité des activités, des biens et des services culturels en tant que porteurs d'identités, de valeurs et de sens. Elle réaffirme par ailleurs le droit souverain des Etats d'adopter et de mettre en oeuvre des politiques culturelles. Enfin, elle fait de la protection et de la promotion de la diversité des expressions culturelles un axe majeur des politiques de coopération internationale.

Le principe de la diversité culturelle est essentiel pour la Suisse. La souveraineté des cantons en matière culturelle et la cohabitation de langues et de cultures différentes en sont des expressions tangibles. La diversité culturelle fait partie de notre conception de l'Etat et elle est inscrite dans la Constitution (art. 2, al. 2). La Suisse a donc soutenu dès le début le processus d'élaboration de la Convention et a pris une part active aux travaux. A l'occasion de la 33e Conférence générale de l'UNESCO, elle s'est clairement exprimée en faveur de l'adoption de la Convention.

Contenu La Convention a pour objectif la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles et la reconnaissance du droit de tous les Etats à prendre des dispositions à ce titre. Le terme «diversité culturelle» renvoie à la multiplicité des formes par lesquelles les cultures des groupes
et des sociétés trouvent leur expression. La Convention traite notamment des questions relatives à l'encouragement et à la diffusion des expressions culturelles. Le principe du pluralisme des médias et du service public de radiodiffusion y est clairement inscrit, et le rôle essentiel de la société civile en matière de protection et de promotion de la diversité des expressions culturelles expressément reconnu. S'agissant de l'articulation avec les autres instruments internationaux, la Convention précise que ses dispositions sont complémentaires des normes internationales et n'y sont pas subordonnées.

6882

La ratification de la Convention permettra à la Suisse de faire respecter sur le plan international les principes éprouvés qui fondent sa politique culturelle. La Convention viendra soutenir la particularité de la politique culturelle suisse, qui encourage activement les échanges culturels et vise à assurer une offre variée et de qualité.

Elle viendra également confirmer le rôle d'instrument de l'aide au développement que la Suisse attribue à la culture. Enfin, elle fera reconnaître au niveau international notre système fédéraliste de répartition des compétences dans le domaine de la culture et des politiques menées par les cantons dans la protection et la promotion des expressions culturelles.

La ratification et la mise en oeuvre de la Convention ne nécessiteront aucune modification sur le plan législatif. Son application n'entraînera aucune tâche supplémentaire pour la Confédération et pour les cantons et les communes.

6883

Table des matières Condensé

6882

1 Présentation de l'accord 1.1 Contexte 1.1.1 De l'importance de la diversité des expressions culturelles 1.1.2 Menaces pesant sur la diversité des expressions culturelles 1.1.3 Nécessité d'un instrument international permettant la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles 1.2 Historique des travaux 1.2.1 Genèse 1.2.2 Réseau international sur la politique culturelle 1.2.3 UNESCO 1.2.4 Positions principales au niveau international 1.2.5 Position de la Suisse 1.3 Les grandes lignes de la Convention 1.3.1 Buts 1.3.2 Nature juridique 1.3.3 Champ d'application 1.4 Appréciation 1.4.1 Intérêt de la Convention au niveau international 1.4.2 Intérêt de la Convention pour la Suisse 1.5 Mise en oeuvre des obligations de la Convention en Suisse 1.5.1 Compétence 1.5.2 Bases légales et pratique actuelle à l'échelon fédéral 1.5.3 Résultats de la procédure de consultation

6885 6885 6885 6885 6886 6887 6887 6888 6888 6889 6890 6891 6891 6892 6892 6892 6892 6893 6894 6894 6895 6899

2 Commentaire

6899

3 Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes 3.3 Conséquences économiques 3.4 Autres conséquences: le rôle de la société civile

6904 6904 6905 6905 6906

4 Liens avec le programme de la législature

6906

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 5.3 Référendum facultatif en matière de traités internationaux

6907 6907 6907 6907

Arrêté fédéral relatif à l'approbation de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (Projet)

6909

Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles

6911

6884

Message 1

Présentation de l'accord

1.1

Contexte

1.1.1

De l'importance de la diversité des expressions culturelles

La notion de diversité culturelle fait référence à la diversité des modes d'expression et de création humaines. La protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles visent à donner la possibilité à chaque culture de produire et diffuser des oeuvres qui lui sont propres et d'avoir accès au plus grand nombre possible d'oeuvres d'autres cultures. A ce titre, un aspect essentiel consiste à promouvoir l'échange intense et équilibré des biens et services culturels et audiovisuels et à garantir le pluralisme des médias.

Comme l'UNESCO le souligne expressément, la diversité des expressions culturelles constitue la base du patrimoine culturel de l'humanité: «Source d'échanges, d'innovation et de créativité, la diversité culturelle est, pour le genre humain, aussi nécessaire que l'est la biodiversité dans l'ordre du vivant. En ce sens, elle constitue le patrimoine commun de l'humanité et elle doit être reconnue et affirmée au bénéfice des générations présentes et des générations futures1.» Chaque création puise aux racines des traditions culturelles et se développe au contact des autres. C'est pourquoi le patrimoine des expressions culturelles, qui s'épanouissent dans un perpétuel mouvement de renaissance et d'enrichissement réciproque, doit être préservé sous toutes ses formes, mis en valeur et transmis aux générations futures en tant que témoignage de l'expérience et des aspirations humaines, afin de nourrir la créativité dans toute sa diversité2.

Aussi convient-il, dans le but de favoriser la création artistique, d'encourager la circulation des idées et des oeuvres et de mettre en place des politiques culturelles visant à assurer que toutes les cultures aient la possibilité de produire et de diffuser leurs oeuvres à l'échelle locale, régionale et mondiale. Les personnes, les groupes et les sociétés trouvent leur forme d'expression dans la création artistique. Le débat critique avec sa propre culture et avec des cultures étrangères est fondateur d'identité et enrichit le dialogue interculturel.

1.1.2

Menaces pesant sur la diversité des expressions culturelles

Le développement et la libéralisation des échanges internationaux, conjoints à l'essor des nouvelles technologies, offrent de nouvelles possibilités d'échange et de compréhension entre les différentes communautés culturelles. L'ouverture des 1

2

Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle, art. 1. Le parallèle entre biodiversité et diversité culturelle a été établi pour la première fois dans le rapport «Notre diversité créatrice», de la Commission mondiale de la culture et du développement, mise en place par les Nations Unies et l'UNESCO (Paris 1995, p. 206 ss).

Cf. Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle, art. 7.

6885

marchés offre notamment de nouveaux débouchés aux créateurs, permet de réduire les coûts de production ou encore de diffuser à une plus large échelle les biens et services culturels et audiovisuels. Toutefois, ces nouvelles possibilités, moteurs d'innovation et de prospérité économique, ne peuvent à l'heure actuelle être pleinement exploitées par l'ensemble des communautés culturelles. Le strict cadre économique ne permet donc pas d'atteindre les échanges escomptés.

En effet, on observe au niveau international un déséquilibre des flux et des échanges des biens et services culturels. Ce déséquilibre se traduit notamment par une tendance de plus en plus marquée à l'uniformisation des contenus culturels. Certains pays voient l'accès au marché de leurs biens et services culturels compromis du fait notamment de l'absence de politiques appropriées, du manque de mesures incitatives à la création, de l'insuffisance des investissements et de l'inexistence de mécanismes de protection et de promotion. La diversité de l'offre culturelle sur le marché intérieur est ainsi limitée par l'afflux de produits culturels étrangers bon marché.

Pour pallier les déséquilibres commerciaux et les distorsions du marché, les Etats ont la possibilité de mettre en place des politiques de soutien à la culture. Décidés à rééquilibrer une entrée considérée comme trop massive de produits culturels étrangers sur leur territoire, des gouvernements ont ainsi pris diverses mesures visant à régler l'importation de produits culturels étrangers ou à favoriser et sécuriser la production interne (quotas de diffusion, réglementations et mesures fiscales spécifiques, subventions directes et indirectes, règles de propriété, etc.). L'instauration et l'évolution d'un cadre normatif visant à favoriser le développement du commerce mondial pourraient cependant limiter ces mesures, voire à les remettre en cause.

1.1.3

Nécessité d'un instrument international permettant la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles

Afin de garantir la diversité de l'offre culturelle dans le contexte de la mondialisation, il convient de s'assurer que toutes les cultures puissent faire entendre leur voix.

A cet effet, et dans l'idée d'améliorer l'équilibre entre politiques commerciales et politiques culturelles, il est indispensable que le principe de la spécificité des biens et services culturels soit consacré en droit international et que le droit souverain des Etats à adopter des mesures pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur leur territoire soit reconnu.

La protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles est un enjeu qui concerne l'ensemble de la communauté internationale. Or, seule une action concertée permet de mener une politique efficace en la matière. Cette action s'est traduite par l'élaboration d'un instrument international juridiquement contraignant: la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée en 2005. Avec les conventions de l'UNESCO sur le patrimoine culturel immatériel (2003), sur le patrimoine mondial (1972), sur le transfert des biens culturels (1970) et sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé (1954), elle forme le coeur d'un ensemble cohérent d'instruments normatifs.

6886

La Convention permet de garantir que les structures du système de commerce international sont conciliables avec les objectifs culturels, afin de relever non seulement les défis en matière de politique culturelle mais également en matière de politique d'aide au développement et de promotion de la paix (voir ch. 1.4.1). Elle légitime le droit des Etats à conserver ou à mettre en place des politiques culturelles nationales soutenant la création, la production et la circulation (diffusion, distribution, accès) des activités, biens et services culturels. De ce fait, elle servira de référence pour mener une politique culturelle aux niveaux national et international.

1.2

Historique des travaux3

1.2.1

Genèse

Jusque dans les années 90, les débats liés à la question de la préservation de la diversité des expressions culturelles face aux pressions qu'exercent la mondialisation de l'économie et la libéralisation des échanges commerciaux étaient confinés pour l'essentiel aux négociations commerciales multilatérales. Or certains gouvernements ont perçu le droit commercial international comme un instrument ayant tendance à limiter progressivement leur capacité à conduire leur économie culturelle.

Apparue dès la fin du Cycle de l'Uruguay, en 1994, la tension a atteint un pic durant les négociations sur un projet d'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) au sein de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) de 1995 à 1998. Les négociations sur l'AMI se soldèrent ainsi par un échec, la France n'ayant pas pu rallier une majorité de pays autour d'un projet de clause d'«exception culturelle». Cet échec mit en évidence le fait que les instances à vocation purement commerciale ne constituent pas un forum adéquat pour promouvoir des échanges respectueux de la diversité des expressions culturelles, et que seule l'inscription des principes de la diversité culturelle dans une convention internationale pouvait garantir de façon adéquate que les politiques commerciales s'y conforment4.

Aujourd'hui, la question de la protection et de la promotion de la diversité des expressions culturelles est devenue un enjeu majeur de la politique culturelle au niveau international. En témoignent les multiples déclarations adoptées à ce jour dans les diverses enceintes internationales:

3

4

­

Conseil de l'Europe: Déclaration sur la diversité culturelle, adoptée le 7 décembre 2000;

­

Francophonie: Déclaration de Cotonou, adoptée le 15 juin 2001; Déclaration de Beyrouth, adoptée le 20 octobre 2002;

­

UNESCO: Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle, adoptée le 2 novembre 2001.

Pour un rapport détaillé, voir Andrea F. G. Raschèr/Yves Fischer, «Kultur und Wirtschaft im Gleichgewicht: Die UNESCO-Konvention über den Schutz und die Förderung der Vielfalt kultureller Ausdrucksformen», dans: AJP/PJA 7, 2006, pp. 813­832 (et plus particulièrement les pp. 815­819).

Sur le changement de paradigme de l'«exception culturelle» à la «diversité culturelle» et sur l'émergence de ce nouveau concept cf. Christoph Beat Graber, «The new UNESCO convention on cultural diversity: a counterbalance to the WTO?», dans: Journal of International Economic Law 9, 2006, pp. 553­574.

6887

1.2.2

Réseau international sur la politique culturelle

Le Réseau international sur la politique culturelle (RIPC), dont la Suisse est un des 20 pays fondateurs, est à l'origine de la Convention. Le RIPC, qui regroupe actuellement 68 pays, est une tribune internationale permettant aux ministres de la culture d'échanger d'une manière informelle des idées sur les nouveaux enjeux de la politique culturelle. Depuis sa création en 1998, le RIPC plaide pour un équilibre mondial dans le domaine de la production culturelle.

La Suisse y a continuellement tenu un rôle actif en faisant partie du Groupe de contact qui agit en tant que comité directeur du réseau. Durant son année de présidence en 2001, la Suisse a organisé la 4e réunion ministérielle, qui s'est tenue du 24 au 26 septembre à Lucerne. Le point marquant de cette réunion a été la décision d'élaborer un instrument international contraignant visant à préserver et promouvoir la diversité culturelle.

Les conclusions5 d'une équipe de recherche dirigée par la Suisse sur la faisabilité d'un tel instrument ont révélé l'urgence de la situation dans le contexte des négociations commerciales en cours. Elles ont aussi relevé la nécessité d'intégrer l'instrument au sein d'une organisation internationale pour lui assurer un poids juridique et politique. Tout en rappelant l'importance du RIPC en tant qu'enceinte de réflexion, la Suisse a insisté sur le fait que l'UNESCO était l'organisation internationale appropriée pour l'élaboration d'une future convention6.

1.2.3

UNESCO

Lors de la 32e session de la Conférence générale de l'UNESCO en octobre 2003, les Etats membres ont confié au directeur général le mandat de préparer un projet de convention sur la protection de la diversité des expressions culturelles7. Ils ont ainsi donné suite au Plan d'action de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle qui préconise d'«avancer notamment la réflexion concernant l'opportunité d'un instrument juridique international sur la diversité des expressions culturelles» ainsi que de «progresser dans la définition des principes, des normes et des pratiques, tant au niveau national qu'international, ainsi que des moyens de sensibilisation et des formes de coopération les plus propices à la sauvegarde et à la promotion de la diversité culturelle8.» Conformément à la pratique de l'UNESCO, le directeur général a constitué un groupe de quinze experts indépendants qui s'est réuni à trois reprises entre décembre 2003 et mai 2004 afin d'élaborer l'avant-projet de Convention. En juillet 2004, le directeur général a transmis aux Etats membres le texte de l'avant-projet et les a invités, conformément au souhait exprimé par le Conseil exécutif lors de sa 169e session (avril 2004), à participer à une réunion intergouvernementale d'experts.

5 6

7 8

Bernard Wicht (et al.), Regards sur la diversité culturelle, Réunion d'études, analyses et exposés, Office fédéral de la culture, Berne, 2001.

La décision de poursuivre les travaux au sein de l'UNESCO a été prise lors de la 5e Réunion ministérielle annuelle du RIPC au Cap, Afrique du Sud, du 14 au 16 octobre 2002.

Résolution 32C/34: Opportunité de l'élaboration d'un instrument normatif international concernant la diversité culturelle.

Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle, annexe, points 1 et 2.

6888

La réunion convoquée par le directeur général a négocié un texte lors de trois sessions (septembre 2004, février 2005, juin 2005) pour aboutir à un projet qui a été soumis à la Conférence générale.

Le 20 octobre 2005, les Etats membres de l'UNESCO ont adopté par 148 voix contre 2 (Etats-Unis et Israël), et 4 abstentions (Australie, Honduras, Libéria, Nicaragua), la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

A ce jour (août 2007), 66 pays ainsi que la Communauté européenne ont ratifié la Convention. Elle est entrée en vigueur le 18 mars 2007, soit trois mois après le dépôt du 30e instrument de ratification et tout juste un an et demi après son adoption. La première conférence des Etats parties s'est tenue à Paris en juin 2007. On compte parmi ceux-ci tous les Etats de l'Union européenne (sauf les Pays-Bas et la République tchèque; des processus de ratification sont en cours en Belgique, en GrandeBretagne et en Hongrie), de nombreux pays d'Afrique, d'Amérique centrale et du Sud, la Chine et l'Inde.

1.2.4

Positions principales au niveau international

Deux attitudes s'opposent dans la communauté internationale par rapport au traitement des biens et services culturels dans les échanges commerciaux9.

­

Un premier groupe de pays envisage les biens et services culturels comme des produits de divertissement semblables à n'importe quel autre produit et donc soumis aux règles du commerce international. Ils estiment par conséquent que son commerce peut être libéralisé sans réserve selon les principes de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

­

Un second groupe de pays reconnaît la nature particulière des biens et services culturels en tant que porteurs de valeurs et de sens et qui contribuent de ce fait à façonner l'identité culturelle d'une communauté. Ils estiment par conséquent que ces biens et services devraient être exemptés de l'application des règles commerciales.

Cette divergence de vues s'est reflétée dans les débats portant sur la forme et le contenu du projet de Convention. Un premier groupe d'Etats (notamment les pays de l'UE) emmenés par la France et le Canada a défendu l'idée d'une convention internationale contraignante qui reconnaisse la souveraineté nationale en matière de soutien et d'encouragement aux productions artistiques et dotée d'instruments forts pour l'examen et le règlement des différends. Un deuxième groupe de pays (comptant notamment les Etats-Unis et le Japon) a plaidé en faveur d'un champ d'application très étroit, donnant la prééminence aux accords négociés dans le cadre de l'OMC. Une de leurs principales objections concernait le texte de l'art. 20, qui définit les relations entre la Convention et les autres traités.

Les pays du Sud ont en général soutenu la Convention, parce qu'ils y voyaient la possibilité de soutenir le développement de leur propre expression culturelle, particulièrement menacée dans bien des cas.

9

Cf. Raschèr/Fischer, Kultur und Wirtschaft im Gleichgewicht (n. 3), p. 814; Ivan Bernier, «La bataille de la diversité culturelle», dans: Les Tirés-à-Part de la Société suisse des auteurs (SSA), no 3, été 2004.

6889

1.2.5

Position de la Suisse

La Suisse est un petit pays multilingue fortement exposé à la concurrence culturelle des grands marchés voisins dont elle partage la langue. Son objectif est de conserver les moyens de faire valoir les spécificités de sa politique culturelle et de préserver sa diversité linguistique et culturelle. La Suisse s'est dès lors attachée à ce que les négociations internationales respectent le droit de chaque Etat de définir, mettre en oeuvre et développer les politiques culturelles destinées à promouvoir la culture et l'industrie culturelle. Consciente cependant qu'une culture est condamnée à péricliter si elle ne se nourrit pas d'échanges de produits et services culturels, la Suisse est convaincue de la nécessité de trouver un équilibre. Le protectionnisme culturel et l'exception culturelle lui sont donc étrangers.

Pour ces raisons, tout en réaffirmant la nécessité d'un instrument international largement reconnu, la Suisse a opté depuis le début pour une solution pragmatique. Il s'agissait de créer un instrument qui puisse non seulement obtenir l'appui de pays avec une industrie culturelle forte, mais qui soit en même temps réellement applicable et respecté.

La Suisse a participé activement à l'élaboration de la Convention, aussi bien lors des sessions plénières que dans le cadre des réunions du comité de rédaction, auquel elle avait été élue. Les travaux étaient suivis au sein de l'Administration fédérale par le groupe de travail «Diversité culturelle», piloté par l'Office fédéral de la culture. Ce groupe était constitué de représentants de plusieurs offices, notamment du Centre de compétence pour la politique étrangère culturelle, du Service de la francophonie, de la Direction du développement et de la coopération, de la Direction du droit international public, de l'Office fédéral de la communication, du Secrétariat d'Etat à l'économie, de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle, du Bureau de l'intégration et de la Commission suisse pour l'UNESCO. L'Office fédéral de la justice et la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique ont également été consultés. La délégation suisse a conduit les négociations sur la base d'un mandat du Conseil fédéral.

La Suisse a apporté à la Convention des éléments essentiels tant sur le fond que dans la forme. Elle a notamment soutenu les positions suivantes: ­

La Suisse a été à l'origine de l'intégration du soutien à la «diversité des médias, y compris au moyen du service public de radiodiffusion» comme mesure que les Parties peuvent adopter pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles. Le rôle fondamental que jouent les services publics de radio- et télédiffusion pour garantir une offre de base en matière de diversité culturelle et de formation de l'opinion (art. 6, par. 2, let. h) a ainsi été reconnu.

­

S'agissant de l'article réglant l'articulation de la Convention avec les autres instruments internationaux ­ la clé de voûte de la Convention ­, la Suisse a été l'auteur d'une proposition qui est à la base du compromis finalement retenu et qui comprend les notions de non-subordination, de complémentarité et de soutien mutuel entre les instruments, ainsi que le principe du respect des engagements internationaux (art. 20).

6890

­

La diversité des langues ne pouvant être séparée de la diversité culturelle, la Suisse s'est engagée avec succès pour qu'une norme explicite concernant la diversité linguistique soit introduite dans le texte final de la Convention (préambule, 14e considérant).

­

Afin d'éviter que les politiques culturelles ne soient assimilées à des réflexes protectionnistes, la Suisse a proposé d'introduire dans le titre de la Convention le terme de promotion. Ce dernier incarne mieux l'esprit d'une politique fondée sur la promotion de la diversité des expressions culturelles ­ privilégiant le dialogue interculturel et l'ouverture à la création (approche dynamique) ­ et non sur la défense de cette diversité (approche statique). Le mot «promotion» accolé à «protection» illustre la volonté des Etats de ne pas créer un instrument de repli identitaire.

­

La Suisse a aussi défendu une disposition qui vise à reconnaître «le rôle fondamental de la société civile» et à inciter les Parties à encourager «sa participation active» pour atteindre les objectifs de la Convention (art. 11).

­

Enfin, concernant les organes de la Convention, la Suisse a soutenu la réduction au strict nécessaire de l'appareil administratif. La promotion de la diversité des expressions culturelles devrait être assurée par des instruments incitatifs, flexibles et aussi peu bureaucratiques que possible. La société civile devrait à cet égard jouer un rôle prépondérant.

1.3

Les grandes lignes de la Convention

1.3.1

Buts

La Convention a principalement pour but d'affirmer l'importance de la diversité des expressions culturelles et de confirmer le droit souverain des Etats de protéger et promouvoir cette diversité. Elle vise en outre à inciter les Etats parties à développer la coopération internationale en la matière.

Ses éléments fondamentaux sont les suivants: ­

la reconnaissance au niveau international de la nature spécifique des activités, biens et services culturels en tant que porteurs d'identités, de valeurs et de sens;

­

le droit souverain des Etats à adopter des politiques et des mesures qui visent à promouvoir et protéger la diversité des expressions culturelles, y compris la diversité des médias;

­

le rôle fondamental de la diversité des expressions culturelles comme facteur du développement durable, notamment dans les pays en voie de développement;

­

la nécessité de donner à la diversité des expressions culturelles une place dans l'ordre juridique international, en assurant l'égalité entre la Convention et les autres instruments internationaux (soutien mutuel, complémentarité et non-subordination).

La Convention a pour but de renforcer au niveau international le rôle de la diversité des expressions culturelles en tant qu'objectif de politique intérieure. Elle fixe les droits et les obligations des Etats parties dans un instrument international contraignant.

6891

La protection de la diversité des expressions culturelles aura ainsi, dans l'ordre juridique international, un rang équivalent à la protection des intérêts économiques. La Convention n'a donc pas pour seul objectif la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, mais la reconnaissance du droit de tous les Etats à prendre des dispositions adéquates. Il s'agit notamment de la réglementation des questions relatives à l'encouragement et à la diffusion de la culture. En outre, le principe du pluralisme des médias et du service public de radiodiffusion est inscrit dans la Convention ­ en partie à l'initiative de la Suisse. Enfin, le rôle essentiel de la société civile (ONG, médias, etc.) en matière de protection et de promotion de la diversité des expressions culturelles est expressément reconnu.

1.3.2

Nature juridique

Les destinataires de la Convention étant les Etats parties (législatif et exécutif), elle ne contient ni droits ni obligations pour les particuliers. La Convention est un traité international qui n'est pas applicable directement en droit interne (non selfexecuting). Chaque Etat membre s'engage à mettre en oeuvre ses propres mesures et son propre régime juridique interne d'application, «compte tenu des circonstances et des besoins qui lui sont propres» (art. 6, par. 1). Cela signifie que si les principes énoncés par la Convention ont en principe un caractère obligatoire, ils laissent cependant aux Etats une grande marge d'appréciation pour leur mise en oeuvre. Les Etats membres se fixent des objectifs pour répondre à ces principes, mais se réservent le droit de les atteindre de façon autonome par les méthodes les plus conformes à leur législation et leurs particularités nationales.

1.3.3

Champ d'application

La Convention s'applique aux politiques et aux mesures adoptées par les Etats parties relatives à la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

1.4

Appréciation

1.4.1

Intérêt de la Convention au niveau international

Alors que des normes internationales contraignantes existent déjà pour la protection de l'environnement (Convention sur la biodiversité), elles faisaient encore défaut en matière de politique culturelle. La Convention permet à la culture de sortir d'un vide juridique et de faire son entrée dans le droit international, grâce à un instrument qui reconnaît la spécificité des activités, des biens et des services culturels en tant que porteurs d'identités, de valeurs et de sens. Sans que le droit international du commerce en soit directement affecté, elle garantit aux Etats le droit de prendre les mesures nécessaires à la promotion et la protection de la diversité des expressions culturelles.

6892

Cependant, les principaux enjeux de la Convention ne se limitent pas à la politique culturelle. Ils portent également sur la politique d'aide au développement et sur la promotion de la paix: ­

Pour les pays en développement, la Convention est un instrument qui contribue à promouvoir leurs propres expressions culturelles comme facteurs du développement économique et social. Ces pays rencontrent en effet des problèmes particuliers pour développer leurs industries culturelles. D'une part, ils ne sont souvent pas en mesure de pleinement en exploiter tout le potentiel économique, et d'autre part, ils ne peuvent accéder à des biens et services culturels qui correspondent à leur propre culture car ceux-ci ne sont pas distribués ou fournis10.

­

Du point de vue de la promotion de la paix, la solution aux affrontements identitaires passe notamment par le respect et le dialogue entre les cultures et par une meilleure compréhension des différentes valeurs culturelles. Promouvoir la paix dans le monde présuppose donc la mise en place, au niveau international, de politiques de protection et de promotion de la diversité des expressions culturelles qui favorisent le dialogue entre les cultures et qui permettent le maintien des différentes cultures (y compris celles des minorités et des peuples indigènes).

L'ouverture au dialogue, le respect de la diversité des expressions culturelles et la promotion de la paix sont des objectifs primordiaux de la politique extérieure de la Suisse. En ratifiant rapidement la Convention, la Suisse enverra un signal clair pour dire l'importance qu'elle accorde au principe de la diversité des expressions culturelles11. Un tel geste s'inscrit dans la logique de la politique extérieure de la Suisse, qui met l'accent sur la défense des droits de l'homme. Notre pays accorde de ce fait une grande importance au lien clairement établi par la Convention entre ses objectifs, d'une part, et la garantie des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autre part.

1.4.2

Intérêt de la Convention pour la Suisse

Le principe de la diversité culturelle est essentiel pour la Suisse. La souveraineté des cantons en matière culturelle en témoigne, ainsi que la cohabitation dans un espace restreint de langues et de cultures différentes. La diversité de nos propres cultures et les échanges avec d'autres cultures constituent des facteurs essentiels de notre identité. La Suisse a donc pleinement soutenu l'élaboration et l'adoption de la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

10

11

Sur l'importance du facteur culturel dans le débat sur la politique du développement, cf. la brochure éditée par la Direction du développement et de la coopération (DDC): La culture n'est pas un luxe ­ coopération et développement: l'aspect culturel, septembre 2003.

Cf. rapport sur la politique extérieure de la Suisse 2000: Présence et coopération ­ la sauvegarde des intérêts dans un monde en cours d'intégration, FF 2001 237 ss (et plus particulièrement pp. 276 et 279).

6893

La Convention permet pour la première fois d'inscrire les principes de notre politique culturelle dans le droit international, et permet encore à notre pays de se référer, dans l'accomplissement du mandat constitutionnel, à des principes reconnus dans un instrument juridique international (cf. ch. 1.5.2). La Convention reconnaît également le système de répartition des compétences entre la Confédération et les cantons dans le domaine culturel (art. 69, al. 1, Cst.), donnant ainsi une reconnaissance internationale à la promotion culturelle menée par les cantons.

En incluant le principe de la promotion de la diversité des médias (art. 6, par. 2, let. h; préambule, 12e considérant) et celui de l'accès à la diversité des expressions culturelles (art. 7, par. 1, let. b), la Convention répond aussi à l'obligation constitutionnelle de l'Etat de garantir une offre de base en matière de diversité culturelle et de formation de l'opinion, notamment par la radio, la télévision et les médias électroniques, qui prend en considération les particularités du pays et les besoins des cantons (art. 93, al. 2, Cst.). La réalisation de programmes indépendants («nationaux»), indissociable d'un financement public, est en effet essentielle pour affirmer l'identité d'un petit pays comme la Suisse et sa diversité culturelle et linguistique.

La Convention assure la légitimité d'une telle politique. Elle confirme également l'action de la Suisse au niveau international pour défendre le pluralisme des médias et pour contribuer à la diversité culturelle audiovisuelle en promouvant spécifiquement les oeuvres européennes et les oeuvres indépendantes12. La participation de la Suisse aux programmes européens MEDIA va également dans ce sens, et permet une réalisation concrète des objectifs fixés par la Convention13.

Enfin, la Convention confirme l'approche novatrice de la Suisse dans le domaine de la coopération au développement; notre pays accorde en effet une importance particulière au domaine de la culture. L'aide suisse au développement entend favoriser l'ouverture et l'épanouissement culturels dans le but d'intensifier les processus de transformation et de développement chez ses partenaires.

1.5

Mise en oeuvre des obligations de la Convention en Suisse

1.5.1

Compétence

La Suisse mène à tous les échelons ­ Confédération, cantons, communes ­ une politique culturelle active qui s'effectue traditionnellement selon les trois axes du soutien à la création, de la sauvegarde du patrimoine et de la diffusion de la culture.

La législation suisse correspond aux grands axes de la Convention. Cette dernière n'entraîne donc pas nécessairement de modifications législatives pour la Suisse.

12

13

Dans le cadre des négociations sur l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), la Suisse a renoncé à prendre des engagements et à déposer des requêtes de libéralisation dans le secteur des services audiovisuels (Rapport du Conseil fédéral du 2 décembre 2005 sur les négociations à l'OMC/AGCS et les dérogations dans le domaine des services publics et du système de subvention, p. 10). Sur la stratégie suisse dans le domaine de l'audiovisuel dans le cadre des négociations commerciales, cf. Marc Wehrlin, Verhandlungsstrategien der Schweiz, dans: Christoph Beat Graber, Michael Girsberger, Mira Nenova (éd.), «Libre-échange contre diversité culturelle: les négociations de l'OMC en matière d'audiovisuel», (Luzerner Beiträge zur Rechtswissenschaft 4), Zurich, 2004, pp. 133­137.

RS 0.784.405.226.8

6894

Bien au contraire, en permettant de conserver et de développer les mesures en faveur de la protection et de la promotion de la diversité des expressions culturelles, elle contribue à un renforcement du cadre législatif.

La responsabilité pour la mise en oeuvre des traités internationaux se détermine en fonction de la répartition interne des compétences entre la Confédération et les cantons dans le domaine concerné. En matière de culture, les cantons disposent d'une compétence générale (art. 69, al. 1, Cst.); la Confédération n'a que la compétence de promouvoir des activités culturelles présentant un intérêt national et d'encourager l'expression artistique et musicale, en particulier par la promotion de la formation (art. 69, al. 2, Cst.). Il appartient donc aux cantons de déterminer la nature et l'ampleur des mesures qu'ils entendent déployer pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur leur territoire. En vertu des dispositions s'appliquant aux Etats ayant un régime constitutionnel fédératif, la Confédération porte à la connaissance des autorités compétentes des cantons, avec son avis favorable, les dispositions dont l'application relève de la compétence des cantons (art. 30, let. b).

1.5.2

Bases légales et pratique actuelle à l'échelon fédéral

La Confédération dispose des bases légales suffisantes pour s'acquitter des obligations découlant de la ratification de la Convention.

Mandat constitutionnel Le constituant a donné pour mission à la Confédération suisse de favoriser «la prospérité commune, le développement durable, la cohésion interne et la diversité culturelle du pays» (art. 2, al. 2, Cst.)14. Dans l'accomplissement de ses tâches culturelles, la Confédération doit tenir compte «de la diversité culturelle et linguistique du pays» (art. 69, al. 3, Cst.). Il s'ensuit que les aides fédérales doivent parvenir à toutes les parties du pays et à toutes les régions linguistiques et prendre en compte toutes les formes de culture qui y sont établies. Toute la politique culturelle suisse repose sur ces principes. En ce qui concerne les langues, le mandat constitutionnel est précisé à l'art. 70 Cst., qui prévoit à son al. 3 que «la Confédération et les cantons encouragent la compréhension et les échanges entre les communautés linguistiques». Dans le domaine du cinéma, l'art. 71, al. 2, Cst. dispose que la Confédération «peut légiférer pour encourager une offre d'oeuvres cinématographiques variée et de qualité».

L'art. 93, al. 2, Cst. vise à garantir une offre de base en matière de diversité culturelle et de formation de l'opinion. Cet article prévoit en effet que «la radio et la télévision contribuent à la formation et au développement culturel, à la libre formation de l'opinion et au divertissement. Elle prennent en considération les particularités du pays et les besoins des cantons. Elles présentent les événements de manière fidèle et reflètent équitablement la diversité des opinions». De ce rôle politique et culturel de la radiodiffusion découle le mandat de desservir convenablement toutes les régions du pays et d'assurer que les émissions répondent aux intérêts du public afin qu'il soit en mesure de se forger librement une opinion.

14

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101).

6895

Concernant le principe de la diversité culturelle, on notera encore l'interdiction de discriminer (art. 8, al. 2, Cst.), la garantie des droits politiques (art. 34 Cst.) et la réglementation de leur exercice (art. 39 Cst.). Toutes ces dispositions constitutionnelles obligent la Confédération à tenir compte équitablement du principe de la diversité culturelle non seulement dans sa politique culturelle, mais aussi dans la régulation d'autres domaines.

Mesures législatives Les principales mesures législatives visant à promouvoir et protéger la diversité de l'offre culturelle en Suisse sont le projet de loi sur l'encouragement de la culture, la loi sur le cinéma et la loi sur la radio et télévision.

15 16 17 18 19

­

Le projet de loi sur l'encouragement de la culture (LEC)15, que le Conseil fédéral a approuvé le 8 juin 2007, assigne notamment à l'encouragement fédéral de la culture les buts suivants: «renforcer la cohésion et la diversité culturelle de la Suisse» et «promouvoir une offre culturelle variée et de haute qualité» (art. 3, let. a et b, du projet). L'ensemble des mesures d'encouragement et de soutien (art. 9 à 18) poursuit ce but. En guise d'exemple, les échanges culturels en Suisse (art. 18, al. 1), favorisent le dialogue entre les régions linguistiques et cultures traditionnelles de la Suisse, permettent à la population de vivre la diversité du pays et consolident la cohésion nationale. Le projet prévoit également que la Confédération privilégie les projets «qui contribuent de façon notable à sauvegarder ou à développer la diversité culturelle ou linguistique» (art. 8, let. b).

­

La diversité de l'offre est un des éléments clés de la loi fédérale du 14 décembre 2001 sur la culture et la production cinématographiques (LCin)16. Il figure d'ailleurs à son art. 1 (But). Pour promouvoir la diversité culturelle et linguistique ainsi que la qualité de l'offre cinématographique, la Confédération peut allouer des aides financières ou fournir d'autres formes de soutien (art. 4). Les distributeurs et les exploitants de salle suisses contribuent eux aussi à la diversité de l'offre cinématographique en s'astreignant à des mécanismes d'autorégulation (art. 17). La Confédération procède régulièrement à l'évaluation de la diversité de l'offre cinématographique17. Si la diversité de l'offre n'est plus garantie sur la durée, la Confédération peut exiger des améliorations et imposer en dernier recours une taxe d'incitation dans les régions concernées (art. 20 et 21). Avec la nouvelle ordonnance sur l'encouragement du cinéma (OECin)18, entrée en vigueur le 1er juillet 2006, la Confédération encourage aussi la distribution et la projection de films d'art et d'essai.

­

La loi fédérale du 24 mars 2006 sur la radio et la télévision (LRTV)19, entrée en vigueur le 1er avril 2007, veut un service public fort assuré par la SRG SSR idée suisse. Le mandat qui lui a été assigné contient plusieurs dispositions visant à assurer la diversité de l'offre (art. 24, al. 1 et 4). Les programmes de tous les concessionnaires doivent «refléter équitablement, FF 2007 4607 RS 443.1 Cf. rapport de l'Office fédéral de la statistique, «La diversité de l'offre cinématographique en Suisse: 2003­2004», Neuchâtel, 2005.

RS 443.113 RS 784.40

6896

dans l'ensemble de leurs émissions rédactionnelles, la diversité des événements et des opinions» (art. 4, al. 4). S'agissant de la diversité de l'offre, la nouvelle loi prévoit une réglementation pour empêcher la concentration des médias: désormais, la loi limite le nombre de concessions par entreprise de médias à deux pour la télévision et à deux pour la radio (art. 44, al. 3). Quant aux diffuseurs sans concession (ayant l'obligation de s'annoncer), ils sont soumis aux dispositions générales contre la mise en péril de la diversité de l'offre par abus de la position dominante sur le marché (art. 74 et 75). La loi permettra en outre d'éviter que la collectivité soit privée de la couverture d'événements importants par des contrats d'exclusivité (art. 72 à 73). Il faut enfin souligner l'importance des dispositions relatives à l'accès aux programmes (obligation de diffuser, art. 59 à 65).

­

La révision de la LRTV a été conçue pour être compatible avec la Convention européenne du 5 mai 1989 sur la télévision transfrontière20 et avec la Directive communautaire sur la télévision21. La participation aux programmes d'encouragement à l'industrie européenne de films (MEDIA) y était conditionnée. C'est pour cette raison que la LRTV donne au Conseil fédéral la possibilité d'exiger que les diffuseurs de programmes de télévision réservent à des oeuvres suisses ou européennes une partie substantielle de leur temps d'émission et de leurs coûts de production (art. 7, al. 1).

Autres mesures de promotion et de protection de la diversité des expressions culturelles:

20 21

22 23

­

«Crédit compréhension» La Confédération soutient les organisations d'importance nationale qui, par les activités qu'elles déploient dans une région linguistique au moins, encouragent la compréhension et les échanges, ou qui accomplissent un travail de fond destiné à promouvoir le plurilinguisme et qui en publient les résultats. Le «crédit compréhension» se fonde directement sur l'art. 70, al. 3, Cst.

­

Charte européenne des langues régionales ou minoritaires Les principaux objectifs de cette Charte, ratifiée par la Suisse en 199722, sont de nature linguistique et culturelle. Elle entend essentiellement préserver et promouvoir la diversité linguistique, qui représente une des plus grandes richesses de la culture européenne. La Charte ne crée pas de droits individuels ou collectifs pour les locuteurs de langues minoritaires, mais vise à améliorer les possibilités d'utilisation des langues régionales ou minoritaires dans les domaines de l'enseignement, de la justice, de l'administration, des médias, de la culture et de l'économie. La Suisse a déclaré le romanche et l'italien comme langues régionales ou minoritaires au sens de la Charte.

­

Soutien du romanche et de l'italien En vertu de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les aides financières pour la sauvegarde et la promotion des langues et des cultures romanches et italiennes23, la Confédération peut allouer RS 0.784.405 Directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (directive «télévision sans frontières»), modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997.

RS 0.441.2 RS 441.3

6897

des aides financières aux cantons des Grisons et du Tessin pour soutenir des mesures générales de sauvegarde et de promotion des langues et des cultures romanches et italiennes, des organisations et institutions actives dans le domaine, l'édition en Suisse rhéto-romane et en Suisse italophone et la presse romanche. Le Parlement prévoit d'intégrer les dispositions régissant la promotion du romanche et de l'italien dans une nouvelle loi sur les langues.

­

Gens du voyage Depuis 1986, la Confédération soutient financièrement l'Association des gens du voyage («Radgenossenschaft der Landstrasse»), l'organisation faîtière d'entraide des gens du voyage et des Yéniches en Suisse. En vertu de la loi fédérale du 7 octobre 1994 concernant la fondation «Assurer l'avenir des gens du voyage suisses»24, la Confédération soutient également la fondation «Assurer l'avenir des gens du voyage suisses», créée en 1997, dont le but est de permettre aux gens du voyage de rechercher des solutions à leurs problèmes en collaboration avec des représentants de la Confédération, des cantons et des communes.

­

Pacte de l'audiovisuel Conclu pour la première fois en 1996 et renouvelé en 2002 et en 2005, le «Pacte de l'audiovisuel 2006 à 2008» est un engagement volontaire et contractuel de la SRG SSR idée suisse avec six partenaires de la branche cinématographique. Il favorise la collaboration entre la branche audiovisuelle et la SRG SSR et confirme le soutien financier de la Confédération à la production télévisuelle indépendante. Ses ressources servent à réaliser des productions cinématographiques et télévisuelles et à récompenser les productions à succès par les primes «Succès passage antenne», qui sont réinvesties dans de nouveaux projets.

­

Activités du Service de la francophonie: La Suisse est actuellement membre de toutes les instances de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), qui fait de la promotion du français et de la diversité des expressions culturelles et linguistique une de ses priorités politiques. Outre une cotisation statutaire, la Suisse verse à l'organisation et à ses partenaires des contributions volontaires. Le Service de la francophonie gère par ailleurs des ressources destinées à soutenir la collaboration francophone.

Perspectives Au vu de l'importance sans cesse croissante du commerce électronique et des réseaux numériques en général pour la diffusion et l'accès à des contenus culturels, la Suisse va devoir accorder une attention particulière à la question de la pluralité des médias. Conformément au principe de la neutralité technologique posé par la Convention (cf. ch. 2 du présent message, section «Champ d'application»), toute politique culturelle globale qui veut protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles doit prendre en compte l'utilisation de nouvelles formes de distribution (numériques). A cet égard, de nouvelles réglementations voient le jour à différents échelons, par exemple dans le cadre des négociations AGCS auprès de l'OMC, ou au niveau européen, avec le remaniement de la directive sur la télévision, devenue la directive «Services de médias audiovisuels sans frontières», qui comprendra également les services non linéaires (à la demande). La Suisse devra peut-être prendre de nouvelles mesures et dispositions si elle entend répondre aux 24

RS 449.1

6898

nouveaux défis de la révolution numérique et conserver une marge de manoeuvre dans ce domaine.

1.5.3

Résultats de la procédure de consultation

La Convention touche des intérêts essentiels des cantons. C'est pour cette raison que le Département fédéral de l'intérieur (DFI) a lancé au printemps 2007 une procédure de consultation, dont les résultats peuvent être résumés comme suit.

La grande majorité des participants saluent la ratification de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles; ils entendent faire en sorte que le texte soit mis en oeuvre de manière systématique. Les partisans de la ratification ­ tous les cantons, tous les partis gouvernementaux (sauf l'UDC), les associations faîtières des communes, des villes et des régions de montagne, les associations faîtières de l'économie (sauf l'Union suisse des arts et métiers et le Centre patronal) et de nombreuses organisations des domaines de la culture, de la coopération au développement, de la science, de la formation et des médias ­ y voient l'affirmation de l'importance symbolique, sociale et économique pour notre pays de la diversité des expressions culturelles, et une manière de contribuer à la coexistence pacifique des peuples. Ils reconnaissent l'importance de la convention en tant que premier instrument contraignant qui consacre dans le droit international la protection et la promotion de la diversité culturelle.

L'UDC ainsi que deux organisations économiques, l'USAM et le Centre patronal sont opposés au projet, estimant qu'une ratification n'apporterait pas d'avantages notables pour la Suisse mais ne ferait que rogner une part de sa souveraineté en matière de politique culturelle. Aussi la Suisse n'aurait-elle aucun intérêt à ratifier la convention. Le Parti chrétien-conservateur suisse (PCC) motive son rejet essentiellement en arguant que la Convention ne fait que promouvoir le multiculturalisme sans juger de ses conséquences.

2

Commentaire25

Préambule En citant 21 considérants, le préambule donne la raison d'être de la Convention, souligne son importance et la situe dans son contexte juridique. Les considérants se fondent essentiellement sur le texte de la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle de 2001, assurant ainsi une cohérence entre les deux instruments.

25

Pour une analyse détaillé du contenu, cf. Ivan Bernier, «Avant-projet de convention sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques: analyse et commentaire», 2004 (analyse pour le compte de l'Agence internationale de la francophonie: http://agence.francophonie.org/diversiteculturelle/fichiers/aif_bernier_aout2004.pdf); voir aussi Raschèr / Fischer, «Kultur und Wirtschaft im Gleichgewicht» (n. 3), pp. 819­822.

6899

Le préambule affirme notamment «que la diversité culturelle constitue un patrimoine commun de l'humanité et qu'elle devrait être célébrée et préservée au profit de tous» (2e considérant) et rappelle qu'elle constitue un ressort du «développement durable des communautés, des peuples et des nations» (3e considérant) et qu'elle est indispensable au maintien de «la paix et la sécurité aux plans local, national et international» (4e considérant). Il reconnaît «la nécessité de prendre des mesures pour protéger la diversité des expressions culturelles [...] en particulier dans des situations où les expressions culturelles peuvent être menacées d'extinction ou de graves altérations» (9e considérant). Il exprime en outre la conviction, qui est à la base même de la Convention, «que les activités, biens et services culturels ont une double nature, économique et culturelle, parce qu'ils sont porteurs d'identités, de valeurs et de sens et qu'ils ne doivent donc pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale» (18e considérant) et que «les processus de mondialisation, facilités par l'évolution rapide des technologies de l'information et de communication, s'ils créent les conditions inédites d'une interaction renforcée entre les cultures, représentent aussi un défi pour la diversité culturelle, notamment au regard des risques de déséquilibres entre pays riches et pays pauvres» (19e considérant). La Convention sur la diversité des expressions culturelles se veut une réponse à ce constat.

Section 1: Objectifs et principes directeurs (art. 1 et 2) La section 1 définit les objectifs de la Convention (art. 1) et énumère les principes directeurs exprimant les valeurs fondamentales qui sous-tendent la Convention (art. 2).

Parmi les objectifs énumérés à l'art. 1, on trouve en première place la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (let. a). Des objectifs tels que l'encouragement du dialogue entre les cultures (let. c) et de l'interculturalité (let. d) et la réaffirmation du lien entre culture et développement (let. f) soulignent que la Convention est tournée vers les échanges et la coopération internationale. Elle a encore pour objectif de reconnaître la nature spécifique des activités, biens et services culturels en tant que porteurs d'identité, de valeur et de sens,
qui ne doivent pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale (let. g), ainsi que de réaffirmer le droit souverain des Etats de conserver, d'adopter et de mettre en oeuvre les politiques et mesures qu'ils jugent appropriées pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire (let. h).

Les principes directeurs de l'art. 2 affirment en particulier que la Convention doit se conformer au principe de respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme la liberté d'expression, d'information et de communication (art. 2, par. 1). Cette règle capitale a pour rôle de prévenir toute atteinte à ces droits et libertés sous le couvert de la Convention. D'autres principes sont également posés, tels que celui de souveraineté (par. 2), celui de l'égale dignité et du respect de toutes les cultures (par. 3), celui de solidarité et de coopération internationale (par. 4), celui de la complémentarité des aspects économiques et culturels du développement (par. 5), celui du développement durable (par. 6), celui de l'accès équitable aux expressions culturelles (par. 7) et celui de l'ouverture aux autres cultures du monde et d'équilibre (par. 8).

6900

Sections 2 et 3: Champ d'application et Définitions (art. 3 et 4) La Convention s'applique aux politiques et aux mesures adoptées par les Etats parties pour assurer la promotion et la protection de la diversité des expressions culturelles (art. 3). Cette disposition doit être reliée aux définitions des expressions «diversité culturelle» et «politiques et mesures culturelles» (art. 4).

La notion de «diversité culturelle» renvoie à la multiplicité des formes par lesquelles les cultures des groupes et des sociétés trouvent leur expression. Elle se manifeste non seulement dans le patrimoine culturel de l'humanité, mais aussi à travers divers modes de création artistique, de production, de diffusion, de distribution et de jouissance des expressions culturelles (art. 4, par. 1). Compte tenu de l'aspect imprévisible du progrès technique, cette définition vaut pour l'ensemble des moyens ou des technologies: elle est «technologiquement neutre».

Les «politiques et mesures culturelles» comprennent les politiques et mesures à tous les niveaux (local, national, régional ou international), qu'elles soient centrées sur la culture en tant que telle ou sur les expressions culturelles des individus, groupes ou sociétés (art. 4, par. 6).

Section 4: Droits et obligations des Etats parties (art. 5 à 19) L'importante section sur les droits et obligations des Etats est subdivisée en trois parties, abordant successivement le droit des Etats à l'échelle nationale, leurs obligations à l'échelle nationale et leurs obligations à l'échelle internationale.

Aux termes de l'art. 5, les Etats parties se reconnaissent mutuellement le «droit souverain de formuler et mettre en oeuvre leurs politiques culturelles et d'adopter des mesures pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles ainsi que pour renforcer la coopération internationale». En contrepartie, ils prennent l'engagement de s'efforcer «de créer sur leur territoire un environnement encourageant les individus et les groupes sociaux: (a) à créer, produire, diffuser et distribuer leurs propres expressions culturelles et à y avoir accès (...); (b) à avoir accès aux diverses expressions culturelles provenant de leur territoire ainsi que des autres pays du monde» (art. 7, par. 1). Aucun particulier ni aucun groupe ne peut invoquer cette disposition pour
faire valoir un droit à des prestations.

Cette règle générale est développée dans les articles suivants: l'art. 6, par. 2 fournit 8 exemples de mesures pouvant être prises par les Etats parties, parmi lesquelles il faut mentionner les «mesures qui visent à accorder des aides financières publiques» (let. d), les «mesures qui visent à établir et soutenir, de façon appropriée, les institutions de service public» (let. f), et les «mesures qui visent à promouvoir la diversité des médias, y compris au moyen du service public de radiodiffusion» (let. h) et d'autres mesures garantissant aux contenus locaux des espaces privilégiés (par ex.

let. b et c). Seule réserve: les mesures et les politiques engagées par les Etats parties doivent être compatibles avec les dispositions de la Convention (art. 5, par. 2).

L'art. 8 vise la coopération internationale lorsqu'un Etat partie diagnostique «l'existence de situations spéciales où les expressions culturelles, sur son territoire, sont soumises à un risque d'extinction, à une grave menace, ou nécessitent de quelque façon que ce soit une sauvegarde urgente» (art. 8, par. 1). Il s'agit d'une sorte de clause d'urgence allant au-delà des mesures prévues à l'art. 6. Dans ces situations, les parties peuvent coopérer pour se porter mutuellement assistance, mais elles doivent faire rapport au Comité intergouvernemental sur toutes les mesures prises.

6901

Au niveau national, les obligations des Etats parties portent sur le principe du partage et de l'échange d'information (art. 9)26, sur la promotion de la compréhension de l'importance de la diversité des expressions culturelles à travers des programmes d'éducation et de sensibilisation (art. 10) et sur la participation de la société civile aux efforts de protection et de promotion de la diversité des expressions culturelles (art. 11).

Au niveau international, les obligations des Etats parties portent sur le renforcement de la coopération bilatérale, régionale et internationale afin de créer des conditions propices à la promotion de la diversité des expressions culturelles (art. 12), sur l'intégration de la culture dans une politique de développement durable (art. 13) et sur la coopération pour le développement (art. 14). L'art. 14 contient une déclaration d'intention des Etats parties de soutenir la coopération internationale pour le développement durable et la réduction de la pauvreté; les moyens proposés sont le renforcement des industries culturelles des pays en développement (let. a), le renforcement des capacités par l'échange d'information, d'expérience et d'expertise, ainsi que la formation des ressources humaines dans les pays en développement (let. b), le transfert de technologies et de savoir-faire par la mise en place de mesures incitatives appropriées (let. c) et le soutien financier (let. d), notamment par la création d'un Fonds international pour la diversité culturelle, sur la base de contributions volontaires27, dont le fonctionnement est précisé à l'art. 18.

Les modalités de collaboration sont détaillées aux art. 15 et 16. L'art. 15 encourage le développement de partenariats entre les secteurs public et privé, afin de coopérer avec les pays en développement au renforcement de leurs capacités. L'art. 16 stipule un «traitement préférentiel pour les pays en développement», qui se traduit entre autres par l'établissement de mesures d'assistance technique. Cette notion est aussi connu en droit international du commerce. Elle a fait l'objet d'une déclaration ministérielle de l'OMC reconnaissant que «les dispositions en matière de traitement spécial et différencié font partie intégrante des Accords de l'OMC28».

Section 5: Relations avec les autres instruments (art. 20 et 21) L'art. 20
règle l'articulation de la Convention avec les autres instruments juridiques internationaux. Il se fonde sur les principes du soutien mutuel, de la complémentarité et de la non-subordination des instruments internationaux. En référence à la maxime du droit international pacta sunt servanda29, l'article contient une formule aux termes de laquelle la Convention n'est subordonnée à aucun autre traité et n'en modifie aucun: les parties «reconnaissent qu'elles doivent remplir de bonne foi leurs obligations en vertu de la présente Convention et de tous les autres traités auxquels elles sont parties» (art. 20, par. 1); sans subordonner la Convention aux autres traités, elles «encouragent le soutien mutuel entre [la] Convention et les autres traités auxquels elles sont parties» (art. 20, par. 1, let. a) et elles «prennent en compte les dispositions pertinentes de la présente Convention» lorsqu'elles interprètent et 26

27 28 29

Les Etats parties «fournissent tous les quatre ans, dans leurs rapports à l'UNESCO, l'information appropriée sur les mesures prises» (art. 9, let. a) et «désignent un point de contact chargé du partage de l'information» (art. 9, let. b). Les informations seront utilisées pour les futures statistiques et banques de données de l'UNESCO (art. 19).

La Suisse avait plaidé pendant les négociations pour des contributions obligatoires.

Déclaration ministérielle de Hong-Kong du 18 décembre 2005, point 35 (http://www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/min05_f/final_text_f.htm#sd_treat).

Cf. art. 26 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, RS 0.111.

6902

appliquent ces traités ou lorsqu'elles souscrivent à d'autres obligations internationales (art. 20, par. 1, let. b).

Le par. 2 vise encore une fois à assurer l'égalité entre la Convention et les autres traités internationaux, en précisant que «rien dans la présente Convention ne peut être interprété comme modifiant les droits et obligations des Parties au titre d'autres traités auxquels elles sont parties.» Le principe d'égalité a pour mérite d'empêcher que les Etats ne puissent, en se fondant sur la Convention, déroger aux autres obligations auxquelles ils ont souscrit.

Ainsi, l'art. 20 de la Convention précise clairement que les dispositions de ce nouvel instrument international sont complémentaires des autres normes internationales. La Convention n'entre pas en conflit avec les autres accords internationaux et ne leur est pas subordonnée. Elle prévoit que les Etats parties prennent en considération les objectifs de diversité culturelle et les dispositions de la Convention lors de l'application et de l'interprétation de leurs obligations internationales, ainsi que lors de la négociation de nouveaux engagements.

A l'art. 21, les Etats parties s'engagent à promouvoir les objectifs et principes de la Convention dans d'autres enceintes internationales, afin de lui conférer toute l'autorité d'un acte de référence dans son domaine.

La question spécifique des rapports entre la Convention et les accords conclus dans le cadre de l'OMC est traitée au ch. 5.2 du présent message.

Section 6: Organes de la Convention (art. 22 à 24) Deux organes complémentaires de suivi sont prévus par la Convention: une Conférence des Parties (art. 22) et un Comité intergouvernemental (art. 23). Ces mécanismes ont pour but d'assurer une mise en oeuvre cohérente et efficace de la Convention. Les organes de la Convention sont assistés par le Secrétariat de l'UNESCO (art. 24).

La Conférence des Parties est l'organe plénier et suprême de la Convention. Il se réunit en session ordinaire tous les deux ans. Sa fonction principale, en plus d'élire les membres du Comité intergouvernemental, est d'approuver les directives opérationnelles préparées par celui-ci (art. 22, par. 4, let. c).

Le Comité intergouvernemental, composé de représentants de 24 Etats parties, se réunit une fois par an et fonctionne sous l'autorité et conformément
aux directives de la Conférence des Parties. Sa fonction principale est de promouvoir les objectifs de la Convention, ainsi que d'encourager et d'assurer le suivi de sa mise en oeuvre (art. 23, par. 6, let. a).

Section 7: Dispositions finales (art. 25 à 35) Les dispositions finales sont les clauses usuelles que l'on retrouve dans la plupart des conventions internationales: règlement des différends (art. 25), ratification, acceptation, approbation ou adhésion par les Etats membres (art. 26), adhésion de tout Etat non membre de l'UNESCO, de territoires qui jouissent d'une complète autonomie interne, ou d'organisations d'intégration économique régionale comme l'UE (art. 27), désignation du point de contact (art. 28), entrée en vigueur de la Convention (art. 29), dispositions s'appliquant aux Parties ayant un régime constitutionnel fédéral ou non unitaire (art. 30), dénonciation de la Convention par les Etats parties (art. 31), fonctions du directeur général de l'UNESCO en tant que dépositaire 6903

de la Convention (art. 32), amendements à la Convention (art. 33), textes faisant foi (art. 34), et enregistrement de la Convention au Secrétariat de l'Organisation des Nations unies (art. 35).

Art. 30 Les dispositions s'appliquant aux parties ayant un régime constitutionnel fédéral ou non unitaire concernent directement la Suisse. Cette clause, typique des conventions de l'UNESCO, constitue une reconnaissance explicite de la répartition interne des compétences existant dans les Etats fédératifs. Si, selon la répartition interne des compétences, il appartient aux cantons de prendre des mesures de mise en oeuvre de la Convention, il incombe à la Confédération d'informer les autorités cantonales des dispositions conventionnelles pertinentes et de leur recommander l'adoption des mesures législatives destinées à les concrétiser. En revanche, cette clause n'a aucune influence sur la compétence interne de la Confédération pour conclure la Convention, qui résulte de l'art. 54 Cst.

Règlement des différends (art. 25) et procédure de conciliation Les mécanismes de règlement des différends comptent plusieurs étapes, au cours desquelles les Etats parties sont invités à s'accorder de bonne foi: la négociation, puis, à la demande conjointe des deux parties, les bons offices ou la médiation (art. 25). Si les étapes de la négociation et de la médiation n'ont pas abouti, le différend peut être soumis à la conciliation conformément à la procédure figurant à l'annexe de la Convention.

La procédure prévue vise à amener les Etats à régler les conflits entre eux, dans une enceinte où les considérations d'ordre culturel priment celles de type commercial.

Chaque partie peut, au moment de la ratification, déclarer qu'elle ne reconnaît pas la procédure de conciliation prévue (art. 25, par. 4). La Suisse ratifiera la Convention sans formuler de réserve30.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Comme indiqué au ch. 1.5.2, l'ensemble des mesures prévues par la Convention correspond à la politique poursuivie par la Suisse dans ce domaine. Pour cette raison, la ratification de la Convention ne crée pas d'obligation financière nouvelle pour la Confédération; la Convention peut dès lors être mise en oeuvre dans le cadre du budget ordinaire. La désignation d'un point de contact chargé du partage de l'information tel que prévu par la Convention (art. 9, let. b, et art. 28), n'entraîne aucun effet sur les effectifs. Les tâches du correspondant national ­ notamment l'établissement du rapport périodique à l'UNESCO ainsi que le partage et l'échange de l'information entre les Etats parties relative à la protection et à la promotion de la diversité des expressions culturelles (art. 9) ­ peuvent être assurées avec les ressources de l'office fédéral compétent (Office fédéral de la culture).

30

Parmi les 66 Etats parties de la Convention, seul le Chili a formulé une réserve.

6904

La Convention prévoit la possibilité de verser des contributions volontaires à un futur Fonds international pour la diversité culturelle (art. 18, par. 3, let. a). Une contribution de la Suisse à ce fonds ne pourra être envisagée qu'après son institution et en fonction des circonstances. Une telle contribution devrait être discutée dans le cadre de la planification financière de la Confédération.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Il appartient aux cantons de protéger et de promouvoir la diversité des expressions culturelles. La Convention ne remet pas en cause la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons en la matière. Elle représente au contraire une garantie pour notre système fédéraliste et assure une reconnaissance au niveau international des politiques menées par les cantons dans la définition et la promotion des expressions culturelles.

On constate que même dans un sujet ressortissant de la compétence fédérale comme la politique audiovisuelle, la Convention vient conforter des principes précieux pour les cantons tels que le pluralisme des médias et le financement du service public de la radiodiffusion. La Convention reconnaît qu'assurer la diversité des médias, y compris ceux de service public, constitue une mesure que les Etats parties peuvent adopter pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur leur territoire (art. 6, par. 2, let. h).

La ratification de la Convention devrait rester sans conséquences financières directes pour les cantons et les communes. Sa mise en oeuvre n'implique aucune obligation financière nouvelle ni aucune conséquence sur les effectifs.

3.3

Conséquences économiques

L'impact économique de la culture est connu. Une étude récente sur le secteur de l'industrie culturelle (industrie de la musique, marché du livre, marché de l'art, industrie du cinéma et arts de la scène) a montré que son dynamisme n'a rien à envier aux autres secteurs31. Mettre en place les conditions nécessaires pour maintenir et promouvoir la diversité des expressions culturelles ne peut que profiter à l'économie.

S'agissant de l'accès aux marchés, la Suisse mène une politique culturelle, et notamment audiovisuelle, qui encourage les échanges32. Il est important de rappeler que la Convention de l'UNESCO ne vise nullement à restreindre le commerce des biens culturels, mais au contraire à faire respecter le principe d'ouverture aux autres cultures dans le respect des droits de l'homme tout en affirmant le caractère exceptionnel des biens et services culturels, comme l'a reconnu la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle. Il s'agit d'un traité qui accorde au secteur culturel un cadre spécifique dans l'ordre des échanges commerciaux internationaux, sans modifier le droit international du commerce, en fournissant un cadre de réfé31 32

Christoph Weckerle/Michael Söndermann, «Das Umsatz- und Beschäftigungspotential des kulturellen Sektors: Erster Kulturwirtschaftsbericht Schweiz », Zurich, 2003.

Rapport du Conseil fédéral du 2 décembre 2005 sur les négociations à l'OMC/AGCS (n. 12), p. 10.

6905

rence et un code de conduite contraignant pour les Etats parties. La promotion et la protection de la diversité des expressions culturelles s'entendent dans un esprit d'ouverture aux autres cultures et non de repli.

3.4

Autres conséquences: le rôle de la société civile

L'Etat ne peut assurer seul la protection et la promotion de la diversité culturelle; il est aussi du ressort de la société civile d'y contribuer. En effet, de nombreuses initiatives émanent de la société civile, au Sud comme au Nord, et ses acteurs sont souvent à même d'apporter des propositions nouvelles, originales, dynamiques et critiques dans le processus de la gouvernance mondiale.

L'élaboration du texte de la Convention a été suivie de près par les organisations culturelles suisses. Pour définir la position défendue par les différents secteurs de la société civile suisse concernés par les questions culturelles, trois auditions publiques ont été organisées par la Commission suisse pour l'UNESCO, en partenariat avec Traditions pour Demain et la Déclaration de Berne (août 2004, janvier 2005, avril 2005)33. Cette démarche a notamment permis à la Suisse de défendre l'inscription dans le texte de la Convention du principe de la participation active de la société civile (art. 11). Cette disposition importante assure une mise en oeuvre démocratique de la Convention.

En mettant en oeuvre la Convention, la Confédération et les cantons feront en sorte de poursuivre la collaboration active qui s'est instaurée entre la société civile et les autorités pendant l'élaboration de la Convention. Afin d'approfondir la collaboration et élargir la base de réflexion, une Coalition suisse pour la diversité culturelle, regroupant de nombreuses organisations professionnelles, notamment du domaine culturel, a été créée le 28 septembre 2005 et a rejoint la trentaine de coalitions nationales réparties dans le monde qui sont réunies au sein de la Fédération internationale des coalitions pour la diversité culturelle.

4

Liens avec le programme de la législature

Le projet ne figure pas dans le programme de la législature 2003 à 200734, dans la mesure où la convention n'a été soumise à la ratification qu'en octobre 2005, après son adoption par les Etats parties à l'UNESCO (cf. ch. 1.2.3).

Le programme de la législature 2003 à 2007 mentionne expressément comme but de la politique extérieure de la Suisse de faire concorder les règles du commerce international avec des impératifs tels que l'aide au développement, la promotion de la paix dans le monde, le respect des droits de l'homme et la protection de l'environnement35. La convention s'inscrit dans cette optique. Le projet figure en outre parmi les objectifs du Conseil fédéral pour 2006 (objectif 12: ouverture de la procédure de consultation) et 2007 (objectif 12: approbation du message).

33 34 35

Site de la Commission suisse pour l'UNESCO sur la diversité culturelle: www.unesco.ch/work-f/diversite.htm FF 2004 1035 FF 2004 1069

6906

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Aux termes de l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale approuve les traités internationaux, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international. Or, dans le domaine considéré, aucune loi fédérale ni aucun traité ne prévoit une telle délégation. La présente Convention doit donc être soumise à l'approbation du Parlement.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Les art. 20 et 21 de la Convention règlent les relations avec les autres instruments internationaux. L'objectif est la compatibilité des normes internationales, sans créer de liens de subordination. Les trois principes directeurs sont celui de la nonsubordination, de la complémentarité et du soutien mutuel entre les accords internationaux.

Ainsi, la Convention ne remet pas en cause les engagements commerciaux pris par les parties à l'OMC. Elle ne modifie pas les accords (elle n'en aurait d'ailleurs pas le pouvoir, celui-ci relevant des seuls membres de l'organisation dans le cadre des procédures prévues), mais elle oblige les parties à prendre en considération les objectifs de diversité culturelle et les dispositions de la Convention lors de l'application et de l'interprétation de leurs obligations commerciales et lors de la négociation de leurs engagements commerciaux. Les obligations internationales s'interprètent de manière coordonnée, le cas échéant avec une pesée des intérêts en jeu.

Les principes directeurs rappelés par l'art. 20 confirment la pratique suivie par la Suisse en matière d'obligations internationales (conformité du droit, prise en compte des objectifs des accords auxquels elle est partie). La non-hiérarchie entre les textes et leur corrélation permettront de régler les conflits éventuels et de trouver une solution de complémentarité en vue d'assurer le respect de la diversité des expressions culturelles.

La Suisse a astreint sa politique étrangère au principe de cohérence. Celui-ci se recoupe avec la concertation et la consultation internationales visées à l'art. 21, dont le but est de promouvoir les principes et les objectifs de la Convention dans d'autres enceintes internationales.

5.3

Référendum facultatif en matière de traités internationaux

Aux termes de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum facultatif s'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables, prévoient l'adhésion à une organisation internationale ou contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. La Convention de 2005 est d'une durée indéterminée 6907

mais elle peut être dénoncée en tout temps (art. 31 de la Convention). Elle ne prévoit pas d'adhésion à une organisation internationale. Reste à savoir si la Convention contient des dispositions importantes fixant des règles de droit ou si sa mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. Par dispositions fixant des règles de droit, il faut entendre, selon l'art. 22, al. 4, de la loi sur le Parlement (LParl)36, les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Les «dispositions importantes fixant des règles de droit» sont celles qui, si elles étaient adoptées au niveau interne, devraient figurer dans une loi fédérale en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst.

La Convention de 2005 contient des dispositions qui doivent être qualifiées d'importantes au sens de l'art. 164, al. 1, Cst., étant donné que leur mise en oeuvre impliquerait des mesures qui devraient figurer dans une loi. Tel est le cas, par exemple, du versement d'aides financières prévu à l'art. 6, par. 2, let. d, de la Convention.

En effet, en vertu de l'art. 164, al. 1, let. e, Cst., l'octroi de subventions doit figurer dans une base légale formelle.

En conséquence, l'arrêté d'approbation de la présente Convention est sujet au référendum (art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.).

36

RS 171.10

6908