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Message relatif à la Convention de 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 23 août 1995

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, un projet d'arrêté fédéral portant approbation, de la Convention du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Par la même occasion, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 1987 P 85.903 Elimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (N 19. 6. 87, Braunschweig) 1991 P 91.3243 Ratification de la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (N 4.10. 91, Stocker).

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

23 août 1995

1995 - 624

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Villiger Le chancelier de la Confédération, Couchepin

57 Feuille fédérale. 147e année. Vol. IV

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ISSN 1420 - 2492

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Condensé Par le présent message, le Conseil fédéral soumet à l'approbation des Chambres fédérales la Convention des Nations Unies de 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. La Convention, signée par la Suisse en 1987, concrétise l'interdiction de discrimination à l'égard des femmes dans tous les domaines de la vie. Elle oblige les Etats à prendre, dans les domaines politique, économique, social et culturel, des mesures devant conduire à l'élimination des discriminations dont les femmes sont victimes. La Convention prohibe toute inégalité entre femmes et hommes, dont l'effet ou le but serait de porter préjudice ou de nuire à la reconnaissance, à la prise en compte ou à l'exercice par les femmes des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, elle complète sur le plan universel les dispositions générales des deux Pactes des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme, auxquels la Suisse a adhéré en 1992. Traité de droit international juridiquement contraignant auquel 139 Etats (dont la plupart des Etats d'Europe occidentale) sont déjà parties, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes représente une contribution, sur le plan international, en faveur d'une véritable égalité entre femmes et hommes. Sa ratification constitue donc l'un des objectifs prioritaires de la politique suisse en faveur des droits de l'homme, laquelle est l'un des buts essentiels de la politique étrangère de notre pays dans les années 90 (cf. sur ce point le rapport du Conseil fédéral du 29. 11. 1993, ch. 412, FF 1994 I 150).

L'ordre juridique suisse satisfait dans une large mesure aux exigences de la Convention. Le programme législatif «Egalité des droits entre hommes et femmes», élaboré conformément à l'article 4, 2e alinéa, de la constitution, contenait divers engagements visant la réalisation de l'égalité sur le plan législatif. Compte tenu de l'existence d'une volonté politique de réaliser la plupart des obligations à caractère de programme de la Convention, il n'est pas nécessaire de déposer des réserves à leur égard lors de la ratification. La réalisation du programme législatif, telle qu'accomplie à ce jour, a impliqué certaines révisions qui, sur quelques points, ne sont cependant pas compatibles avec les dispositions
de la présente Convention. Dans ces cas, le Conseil fédéral propose de formuler des réserves.

L'article 4, 2e alinéa, de la constitution donne déjà à la Confédération, mais aussi aux cantons et aux communes, mandat de pourvoir à la réalisation de l'égalité dans la loi et de promouvoir par toute mesure appropriée l'égalité de fait entre femmes et hommes. Par la ratification de la Convention, les cantons seront également invités à poursuivre leurs efforts en vue de la réalisation de l'égalité entre femmes et hommes.

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Message I II

Partie générale Introduction

La Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (ci-après «la Convention») est l'un des nombreux traités internationaux en matière de protection des droits de l'homme.

Elle a pour unique objet la discrimination dont les femmes sont victimes.

L'Organisation des Nations Unies (ONU) s'est engagée dès sa création en faveur du droit des femmes à l'égalité: le principe de l'égalité entre les sexes ainsi que l'interdiction de la discrimination fondée sur le sexe figurent en effet déjà dans la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945. Ce principe fut renforcé dans nombre de conventions et déclarations (p. ex. dans les deux Pactes de l'ONU de 1966 relatifs aux droits de l'homme, mais également dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de 1950). Les interdictions générales de discriminer qui y sont contenues garantissent aux femmes la même protection en matière de droits fondamentaux que celle dont jouissent les hommes. Cependant, malgré toutes ces normes juridiques et ces efforts politiques, il manquait, sur le plan universel comme sur le plan européen, un catalogue général de dispositions juridiquement contraignantes à l'égard des Etats ayant pour objet l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et donc la réalisation de l'égalité entre les sexes. Le fait que l'Assemblée générale de l'ONU (ci-après «AG») ait adopté le 18 décembre 1979 la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes n'en revêt que plus d'importance.

L'objet exclusif de la Convention est la discrimination à l'égard des femmes, le principe de l'égalité et l'amélioration de la situation de la femme dans tous les domaines de la vie. La Convention oblige les Etats à prendre des mesures sur le plan politique, social, économique et culturel. Elle compte à ce jour 139 Etats parties1'.

Sur le plan universel, la Suisse est devenue partie au cours des dernières années à cinq conventions en matière de protection des droits de l'homme (cf. infra eh.

131). Le Conseil fédéral a exprimé la volonté de faire de cet instrument le prochain que notre pays ratifiera, ceci en considération du fait que 1995 verra la tenue de la 4e Conférence mondiale sur les femmes - à l'occasion de
laquelle l'ONU a appelé les Etats à ratifier la Convention.

La Suisse a signé la Convention le 23 janvier 1987. Le Conseil fédéral avait fixé comme objectif la présentation d'un message au cours de la présente législature (1991-1995). Aujourd'hui, plus de dix ans après l'adoption de l'article 4, 2e alinéa, de la constitution, l'égalité entre femmes et hommes sur le plan législatif est désormais réalisée. Il en va notamment ainsi en matière de droit de vote et d'éligibilité, de droit des étrangers, de droit civil et du mariage (cf. cependant infra

') Etat en avril 1995.

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ad art. 15 et 16, par. 1), ainsi que du statut des fonctionnaires. Des inégalités subsistent pourtant dans certains domaines (p. ex. en matière d'assurances sociales, de conclusion du mariage ou de divorce). La ratification de la Convention ne pourra que contribuer à leur élimination progressive dans la mesure où cet instrument fera partie de l'ordre juridique suisse dès son entrée en vigueur pour notre pays. La ratification de la Convention par la Suisse ne représenterait ainsi pas seulement un acte de solidarité envers les femmes d'autres pays, mais constituerait un apport positif à la discussion relative à l'égalité entre hommes et femmes sur le plan national également.

12

Le contexte international

121

Les efforts en vue de l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes sur le plan universel

Le préambule de la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945 mentionne l'égalité entre femmes et hommes en relation avec les droits fondamentaux, alors que son article 1er, 3e alinéa, fait du développement et de l'encouragement du «respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion» un objectif à atteindre. Alors qu'elle avait auparavant été une Sous-commission de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, la Commission sur le statut de la femme (CCF, Commission on thé status of women, CSW) fut élevée en 1946 au rang d'organe spécialisé du Conseil économique et social de l'ONU2). C'est de cette Commission, siégeant à New York et aux sessions de laquelle la Suisse ne participe qu'avec le statut d'observateur qu'impliqué sa non-adhésion à l'ONU, que proviennent généralement jusqu'à ce jour les initiatives en vue de la réalisation de l'égalité entre femmes et hommes. Ainsi, la Commission a notamment été à l'origine de projets de conventions internationales, de résolutions ou de recommandations3\ La Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 19484) est quant à elle le fruit du travail de la Commission des droits de l'homme. Son préambule proclame une nouvelle fois le principe de la reconnaissance de l'égalité entre femmes et hommes et son article 2,1er alinéa, prescrit que «chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe ...».

Il était important pour l'ONU de ne pas se borner à formuler et à mettre en oeuvre des instruments universels de protection des droits de l'homme de portée universelle et de contenu général. Elle entreprit dès lors également de protéger dans des codifications internationales les droits spécifiques protégeant des personnes, des groupes de personnes ou des biens juridiques particulièrement 2

> ECOSOC Res. 48 (IV), du 2 mars 1947; (elle siège depuis 1993 à New-York).

> Pour un exposé complet des fonctions et des méthodes de travail de la Commission, voir Laura Reanda, The Commission on thé Status of Women, in «The United Nations and Human Rights», Philip Alston (ed), 1992, p. 265.

4 > Résolution 217 A/III du 10 décembre 1948. Version française en annexe au rapport du Conseil fédéral sur la politique suisse en faveur des droits de l'homme, du 2 juin 1982, FF 1982 II 753.

3

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menacés. Depuis 1948, nombreux ont été les instruments en matière de droits de l'homme touchant à la protection des femmes5'. L'adoption de la Convention de New York, du 31 mars 1953, sur les droits politiques de la femme 6 ' peut être considérée comme le premier pas vers l'adoption d'une convention spécialement consacrée à la situation des femmes et à leur droit à l'égalité. Pour sa part, l'AG de l'ONU a pris en 1962 l'initiative d'un programme à long terme pour la promotion de la femme. C'est à cette même époque qu'un nombre important d'instruments internationaux (conventions et recommandations) ayant pour thème la nondiscrimination fondée sur le sexe, l'égalité des droits ou la protection de la femme, fut adopté au sein de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et de l'Organisation internationale du travail (OIT)7>.

Les deux Pactes internationaux du 19 décembre 1966 relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte I)8', ainsi qu'aux droits civils et politiques (Pacte II)9' établissent un catalogue international de droits et de libertés appartenant à tous les individus, contraignant pour l'Etat qui les ratifie. Outre des droits reconnus à chacun, indépendamment de son sexe, les Pactes contiennent certaines dispositions qui prennent en compte l'égalité entre femmes et hommes. L'article 7, lettre a, du Pacte I pose par exemple le principe d'un salaire égal pour un travail de valeur égale. L'article 10, chiffre 2, du Pacte I énonce le droit pour les mères salariées de bénéficier durant une période raisonnable avant et après la naissance des enfants, d'un congé payé ou d'un congé accompagné de prestations de sécurité sociale adéquates. L'article 3 du Pacte II oblige les Etats parties à «assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques énoncés dans le présent Pacte». Le Pacte I contient une disposition analogue.

L'article 23 du Pacte II engage les Etats parties à prendre les mesures appropriées pour assurer l'égalité des droits et des responsabilités des époux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. L'article 26 du Pacte II énonce quant à lui le principe de l'égalité devant la loi dans les termes suivants:

5

> Voir notamment la Convention internationale du 20 février 1957 sur la nationalité de la femme mariée et la Convention internationale du 2 décembre 1949 sur la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui (la Suisse n'a pas ratifié ces deux instruments).

6 > Recueil d'instruments internationaux, Nations Unies, New York et Genève, 1994, ST/ HR/l/Rev.5 (Vol. I/Part 1), p. 164. La Suisse n'est pas partie à cette convention.

7 > P. ex. les Conventions n ° 45 de l'OIT concernant l'emploi des femmes aux travaux souterrains dans les mines de toutes catégories (1935), RS 0.822.715.5; n° 100 concernant l'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale (1951), RS 0.822.720.0; n° 103 concernant la protection de la maternité (1952), (la Suisse n'est pas partie à cet instrument), et n° 111 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession (1958), RS 0.822.721.1 "> RS 0.103.1 9 > RS 0.103.2

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Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique et de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation 10>.

C'est le 7 novembre 1967 que la «Déclaration sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes»11' fut adoptée à l'unanimité par l'AG de l'ONU. Cette Déclaration, comme c'est généralement le cas pour les conventions en matière de droits de l'homme, fut le précurseur de la Convention du même nom, laquelle fut adoptée par l'AG le 18 décembre 1979 et entra en vigueur le 3 septembre 1981 (cf. infra eh. 123).

La première Conférence mondiale sur les droits de l'homme, réunie à Téhéran en 1968, adopta une résolution contenant les lignes directrices d'un programme d'action à long terme de l'ONU pour la promotion des femmes. Lorsque 1975 fut proclamée année internationale de la femme, un nouveau chapitre des activités onusiennes en faveur des femmes fut ouvert 12'. Les actes et les mesures politiques y tinrent incontestablement le devant de la scène.13' L'année 1975 fut consacrée au renforcement des efforts en vue de la promotion de l'égalité entre femmes et hommes. Une meilleure implication des femmes dans les efforts de développement sur le plan global, de même que l'accroissement de la contribution des femmes au renforcement de la paix dans le monde figuraient également parmi les thèmes de cette année. A l'occasion de celle-ci, une première Conférence mondiale sur les femmes fut organisée à Mexico du 19 juin au 2 juillet 1975. Par la Résolution 352014' , l'AG de l'ONU y a adopté un plan d'action mondial.15' Il s'agit en fait d'un programme-cadre contenant des mesures à mettre en oeuvre sur le plan national comme au sein des organisations régionales, de l'ONU ou de ses organisations spécialisées durant la décennie consacrée aux femmes par l'AG de l'ONU (1976-1985), avec pour thèmes l'égalité, le développement et la paix. Les mesures précitées visaient la coopération internationale et la promotion de la paix, la participation politique, l'éducation et la formation, le travail et le rôle de l'économie, la santé et l'alimentation, la famille dans les sociétés modernes, la population, l'habitat, ainsi que d'autres questions relevant du domaine social.16'

10

>La Suisse a déposé une réserve relativement à cette disposition. Aux termes de cette réserve, l'égalité de toutes les personnes devant la loi et leur droit, sans discrimination, à une égale protection de la loi, ne sont garantis qu'en liaison avec d'autres droits contenus dans le Pacte II.

») UN-Doc. A/Res/2263 (XXII), du 7 novembre 1967.

12 > UN-Doc, A/Res/3010 (XXVII) du 10 décembre 1972.

I3 > Voir Irene Maier, Gleichberechtigung weltweit längst nicht erreicht, in «Zeitschrift für die Vereinten Nationen und ihre Sonderorganisationen», Bonn, février 1980, 28e année.

i") UN-Doc. E/CONF.66/5.

15 > Voir le Rapport de la Conférence mondiale de Mexico in UN-Doc. E/CONF.66/34 et Lars Adam Rehof, Guide to thé Travaux Préparatoires of thè United Nations Convention on thé Elimination of ail Forms of Discrimination against Women, International Studies in Human Rights, Dordrecht/Boston/Londres, 1993.

16 ) L'AG de l'ONU a créé en 1976 un fonds volontaire pour la décennie des femmes. La Résolution 39/125 du 14 décembre 1984 transforma ce fonds en «Fonds pour les femmes» (United Nations Development Fund for Women (UNIFEM). Voir également chiffre 14.

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La Conférence de Mexico décida également de la tenue à Copenhague, du 14 au 30 juillet 1980, d'une deuxième Conférence sur les femmes. Outre la proclamation de la décennie consacrée aux femmes en 1975, l'AG de l'ONU a encore adopté neuf autres résolutions17' à l'occasion de la Conférence de Copenhague. Cette dernière, dont le thème était «emploi, santé et éducation», procéda à l'examen et à l'évaluation des résultats obtenus jusqu'alors, décida de prendre des mesures complémentaires et adopta un programme d'action contenant de nouvelles orientations pour la seconde moitié de la décennie (approuvé par la Résolution 35/136 de l'AG)18). Une troisième Conférence mondiale sur les femmes eut lieu à Nairobi à la fin de la décennie consacrée aux femmes, du 15 au 26 juillet 198519'.

Un document, fort de 372 paragraphes et intitulé «Stratégies prospectives d'action de Nairobi pour la promotion de la femme», y fut adopté.20' Ces stratégies, définies pour la période allant de 1986 à l'an 2000, englobent des mesures concrètes destinées à surmonter les obstacles auxquels s'étaient heurtés les objectifs de promotion de la décennie consacrée aux femmes. La prochaine et quatrième Conférence mondiale sur les femmes se tiendra à Beijing du 4 au 15 septembre 1995.

Lors de sa 49e session, la Commission des droits de l'homme de l'ONU a, par une Résolution 1993/46 du 8 mai 1993, suggéré aux différents rapporteurs spéciaux et groupes de travail en matière de droits de l'homme d'inclure les droits de la femme dans leurs rapports et délibérations, en recueillant à cet effet des données pertinentes en la matière. Dans le même temps, la Commission a décidé de discuter lors de sa session suivante de l'institution d'un rapporteur spécial sur la violence à l'égard des femmes. Cette initiative rencontra un écho favorable lors de la deuxième Conférence mondiale sur les droits de l'homme, tenue à Vienne du 14 au 25 juin 1993 (une première Conférence mondiale avait eu lieu à Téhéran en 1968). La Conférence adopta une Déclaration et un Programme d'action dits «de Vienne», dont de nombreux points réclament «que les femmes jouissent pleinement et dans des conditions d'égalité de tous leurs droits fondamentaux, et que cela soit une priorité pour les gouvernements et pour l'Organisation des Nations Unies».21' L'AG de l'ONU adopta encore,
le 23 février 1994, une Déclaration définissant notamment la violence à rencontre des femmes22'. Enfin, le 4 mars 1994, la 50e session de la Commission des droits de l'homme institua un rapporteur spécial sur le thème de la violence à rencontre des femmes23'. La 17

> Elle a notamment décidé la création d'un institut de recherche et de formation pour la promotion des femmes (International Research and Training Institute for thé Advencement of Women - INSTRAW). Cet institut a ouvert ses portes en 1983 en République Dominicaine.

18 > Voir aussi le rapport de la Conférence mondiale sur les femmes de Copenhague in UN-Doc. E/CONF. 80/4.

19 > Cf. le rapport de la Conférence mondiale sur les femmes de Nairobi in UN-Doc. A/CONF.

116/28/Rev.l.

20 ) Cf. référence à la note précédente, pp. 5-99.

21 > «Déclaration et Programme d'action de Vienne», UN-Doc. A/CONF. 157/23, du 12 juillet 1993.

22 > Déclaration sur la violence à rencontre des femmes, UN-Doc. A/RES/48/104.

23 > Résolution 1994/45 «Question de l'intégration des droits des femmes dans les mécanismes de l'Organisation des Nations Unies s'occupant des droits de l'homme et de l'élimination des violences à rencontre des femmes» in UN-Doc. E/1994/24/, E/CN.4/1994/132.

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première titulaire de ce poste, la Sri-lankaise Radhika Coomaraswamy, a été nommée par la présidence de la Commission au cours de la même session pour une période de trois ans24'. Son premier rapport a été publié le 22 novembre 199425). Sur le plan régional, une première convention relative à la violence à l'égard des femmes a été adoptée par l'Organisation des Etats américains (OEA).

Il s'agit de la Convention interaméricaine du 9 juin 1994 - dite de «Belem do Para» - pour la prévention, la répression et l'élimination de la violence à rencontre des femmes26'. Cet instrument, entré en vigueur en mars 1995, habilite notamment les individus et certaines organisations non gouvernementales à déposer des requêtes individuelles auprès de la Commission interaméricaine des droits de l'homme.

La Conférence mondiale sur la population, tenue au Caire en 1994, a également adopté un programme d'action important dans la perspective des droits des femmes27'. Une attention particulière y fut consacrée aux besoins des jeunes filles.

Une amélioration dans l'accès à l'éducation et à l'emploi devrait notamment permettre de donner plus d'indépendance aux jeunes femmes, ce qui permettra de lutter contre les mariages forcés et de favoriser l'institution dans la loi d'un âge minimum pour la conclusion du mariage. D'autres mesures doivent empêcher les assassinats d'enfants, les mutilations sexuelles ainsi que le commerce des jeunes filles et leur utilisation dans la prostitution ou la pornographie.

Enfin, lors du Sommet mondial sur le développement social, tenu à Copenhague du 6 au 12 mars 1995, une Déclaration et un Plan d'action28' contenant un grand nombre d'engagements relatifs à la promotion de l'égalité entre hommes et femmes furent adoptés. Chacun des trois thèmes principaux du Sommet - lutte contre la pauvreté, emploi et intégration sociale - englobait des questions relatives à l'égalité. L'engagement n° 5 de la Déclaration de Copenhague concerne directement l'objectif de l'égalité des sexes et recommande une plus grande participation des femmes - aussi au niveau dirigeant - à la vie sociale, politique, économique et culturelle ainsi qu'au développement. Cet engagement n° 5 contient également un appel à la ratification, avant l'an 2000 et si possible sans réserves, de la présente convention. Le Programme d'action
demande expressément que les besoins des femmes et des jeunes filles soient pris en compte et que les discriminations dont elles sont victimes soient éliminées, en particulier dans les domaines de l'accès à l'éducation, de la santé et du marché du travail.

24

> Comuniqué de presse de l'ONU HR/94/11, du 26 avril 1994.

> UN-Doc. E/CN.4/1995/42.

26 > Le texte de cette convention est reproduit in International Légal Materials 1534 (1994).

27 > A/CONF.171/13 du 18 octobre 1994, cf. en particulier le chapitre IV «Gender Equality, Equity and Empowerment of Women».

ffl ) Déclaration et Plan d'action de Copenhague, adoptés par le Sommet mondial sur le développement social (Copenhague, 6-12 mars 1995, texte provisoire, «advanced unedited text» du 31 mars 1995).

25

876

122

Les efforts en vue de l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes sur le plan européen

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)29' et ses protocoles additionnels incorporent, sur le plan européen, des droits applicables à tous. L'article 14 CEDH prescrit expressément l'interdiction de toute discrimination, notamment fondée sur le sexe. Cette clause anti-discriminatoire n'a cependant pas de portée autonome et n'est applicable qu'en liaison avec les droits protégés par la Convention. S'y ajoutent le droit de choisir librement son conjoint (art. 12 CEDH) de même que le principe de l'égalité des droits et obligations de caractère civil des époux entre eux et dans les relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution (art. 5 du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH30'). Dans leur jurisprudence et leurs rapports, la Commission et la Cour européenne des droits de l'homme ont eu l'occasion de traiter diverses questions relatives à la discrimination fondée sur le sexe31'. La Charte sociale européenne de 196l32' garantit quant à elle une série de droits sociaux et contient un certain nombre de dispositions spécifiques sur la protection des travailleuses (art. 8), sur l'égalité en matière de formation professionnelle (art. 10) et sur le droit de la mère à une protection sociale et économique (art. 17).

Le Conseil de l'Europe n'a pas manqué d'adopter une série de résolutions et de recommandations relatives notamment aux droits politiques des femmes, à la discrimination dans le langage ou à la violence exercée au sein de la famille33'. Il convient de mentionner tout particulièrement la Recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe du 5 février 1985 sur la protection juridique contre le traitement discriminatoire des hommes et des femmes (Conseil de l'Europe, Comité des Ministres, Recommandations aux Etats parties, 1985) et la Résolution (78) 37 du 27 septembre 1978 sur l'égalité des époux en droit civil34'.

La Déclaration sur l'égalité entre femmes et hommes adoptée le 16 novembre 1988 par le Comité des Ministres mérite aussi d'être mentionnée. Sa Recommandation n° R (90) 4 du 21 février 1990 sur l'élimination de la discrimination dans le langage, de même que la Résolution 1018 relative à l'égalité entre femmes et hommes furent approuvées par l'Assemblée parlementaire du Conseil
de l'Europe le 24 janvier 1994. Sous l'égide du Conseil de l'Europe s'est enfin développé un réseau de coopération scientifique dans le domaine de la recherche sur les questions féminines.

En 1979, le Comité des Ministres prit l'initiative de créer un Comité sur la condition féminine. Entre 1982 et 1986, ce comité ad hoc, rebaptisé «Comité pour 29

> RS 0.101

30

> RS 0.101.7

"' Cf. sur ce point Maud Buquicchio-de Boer, L'égalité entre les sexes et la Convention européenne des Droits de l'homme, Dossier sur les droits de l'homme n° 14, Les éditions du Conseil de l'Europe.

32 > La Suisse a signé la Charte sociale européenne le 6 mai 1976 mais ne l'a pas encore ratifiée.

33 > Aperçu in Lars Adam Rehof, op. cit., p. 372.

34 > Comité des Ministres, Recommandations aux Etats parties, 1985.

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l'égalité entre les femmes et les hommes» (CAHFM), s'est consacré principalement à la préparation d'actions du Conseil de l'Europe en faveur de l'égalité. Créé en 1987, le «Comité européen pour l'égalité entre les femmes et les hommes» (CEEG) a surtout encouragé la réalisation de l'égalité entre les sexes dans les Etats membres. La Déclaration de 1988 sur l'égalité entre femmes et hommes a souligné que cette égalité est un principe fondamental des droits de l'homme et, dès 1992, le CEEG fut transformé en comité permanent, le «Comité directeur pour l'égalité entre les femmes et les hommes» (CDEG)35'. Ce nouveau comité émet des recommandations sur les mesures à prendre pour la promotion et la réalisation de l'égalité. Il organise également des séminaires et des conférences de niveau ministériel. La troisième et dernière de ces conférences des Ministres spécialisées sur l'égalité entre femmes et hommes (Rome, 21 et 22 oct. 1993) a adopté une Déclaration sur la politique en matière de lutte contre la violence à rencontre des femmes ainsi qu'une résolution condamnant les viols et les agressions sexuelles perpétrés contre elles36'. En 1994, un groupe d'expertes du CDEG a élaboré un rapport consacré à l'opportunité et à la faisabilité d'un protocole additionnel à la CEDH sur l'égalité entre femmes et hommes. Ce rapport sera finalement étudié par le Comité directeur des droits de l'homme (CDDH), sur mandat du Comité des Ministres.

Les instruments élaborés au sein du Conseil de l'Europe et leur portée pour la Suisse seront évoqués plus loin dans les chapitres pertinents du présent message (voir ch. 33).

Jusqu'à présent, l'Union (auparavant «Communauté») Européenne (UE) n'a pas élaboré de catalogue général en matière d'égalité des sexes dans le cadre de sa politique interne et externe des droits de l'homme37'. L'UE est cependant également active dans le domaine de l'égalité entre les sexes. Du reste, le principe du salaire égal pour les femmes et les hommes est proclamé à l'article 119 de l'Acte constitutif des Communautés européennes, du 25 mars 1957. Le Conseil de l'UE a ainsi adopté cinq directives en matière d'égalité entre femmes et hommes38'. La première de ces directives date de 1975 (75/117) et vise l'égalité salariale39'. La deuxième, adoptée en 1976 (76/207)40' traite de l'égalité dans l'accès au travail, dans la formation et la promotion professionnelles ainsi que dans les conditions de travail. L'égalité en matière de sécurité sociale est l'objet

35

> Ce dernier se réunit deux à trois fois l'an à Strasbourg. La Suisse en est membre.

> La conseillère fédérale Ruth Dreifuss représentait la Suisse à cette conférence. La première conférence (Strasbourg 1986) avait adopté une déclaration sur l'égalité des femmes et des hommes dans la vie politique et publique ainsi qu'une résolution sur les mesures et les stratégies pour .la réalisation de l'égalité dans la vie politique et dans les processus de décision. Quant à la deuxième conférence (Vienne 1989), elle adopta une résolution sur «les politiques pour accélérer la réalisation de l'égalité effective entre les femmes et les hommes».

37 > Cf. Christiane Duparc/Commission européenne, The European Community and Human Rights, Bruxelles/Luxembourg, 1993.

38 > Pour une liste complète, voir Lars Adam Rehof, op. cit., p. 373.

39 > JO-L n° 045 du 19 février 1975, p. 19.

40 > JO-L n° 039 du 14 février 1976, p. 40.

36

878

des troisième et quatrième directives de 1979 (79/7)41> et 1986 (86/378)42>. Quant à la cinquième directive (86/613)43), elle est consacrée à l'égalité de traitement des hommes et des femmes exerçant une activité indépendante ou occupés dans l'agriculture, l'industrie ou le commerce. Le 19 octobre 1992, une directive (92/85) ^ relative à la protection de la santé des femmes enceintes sur les lieux de travail fut encore adoptée. Il convient enfin de mentionner l'accord entre les Etats membres de l'UE (à l'exception de la Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord) sur la politique sociale, ajouté au Protocole n° 14 sur la politique sociale et énonçant notamment le principe de l'égalité des chances entre femmes et hommes dans l'emploi. La Commission européenne a pour sa part adopté le 27 novembre 1991 une recommandation sur la protection de la dignité des femmes et des hommes au travail45'. Par une décision du 9 décembre 1981, elle a également mis sur pied un comité consultatif sur l'égalité entre femmes et hommes46). Le Parlement européen a en outre adopté diverses résolutions, notamment s'agissant de la traite des femmes (16 sept. 1993)47), de la pornographie (17 déc. 1993)48) et de la situation des femmes dans l'Union (10 mars 1994)49\ Plusieurs arrêts de la Cour des Communautés européennes de Luxembourg concernent la condition des femmes, notamment dans le domaine de la sécurité sociale ou de l'égalité' salariale50'.

Quant à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE, anciennement «Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe, CSCE»), elle s'engage également en faveur de l'égalité entre femmes et hommes.

Le document d'octobre 1991 de la Conférence gouvernementale de la CSCE sur la dimension humaine (Moscou) contient une série d'engagements en la matière (spéc. dans le § 40).

123

Genèse de la Convention

Comme indiqué sous le chiffre 121, la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, adoptée à l'unanimité le 7 novembre 1967 par l'AG de l'ONU, est considérée comme le précurseur de la Convention. Elle ne lie toutefois les Etats que sur le plan politique et non pas juridique. Dans la perspective de la mise en oeuvre de cette déclaration et de la préparation de l'année internationale de la femme, la Commission de l'ONU de la condition de la femme (CCF) a proposé dès 1972 de consulter les Etats sur l'opportunité d'élaborer un instrument juridique en la matière51'. Un groupe de

41

> JO-L n° 006 du 10 janvier 1979, p. 24.

> JO-L n° 225 du 12 août 1986, p. 40.

» JO-L n° 359 du 19 décembre 1986, p. 56.

44 > JO-L n° 348 du 19 octobre 1992, p. 1.

45 > 92/131/CEE-JO L 049, 24/02/92, p. 1.

46 > 82/43/CEE-JO L 020, 28/01/82, p. 35.

47 > JO-L n° C 141 du 4 octobre 1993, p. 41.

48 > JO-L n° C 20 du 24 janvier 1994, p. 546.

4 » JO-L n° C 91 du 28 mars 1994, p. 244.

5 °) Pour une liste, voir Lars Adam Rehof, op. cit., pp. 374-378.

51 > Résolution 5 (XXIV) de la CCF, 24e session.

42 4

879

travail chargé d'élaborer un projet fut mis sur pied dans le même temps. L'AG de l'ONU souscrivit à l'idée d'une convention le 15 décembre 197552' et demanda que celle-ci puisse entrer en vigueur avant la fin de la première moitié de la décennie consacrée aux femmes (1976-1985). La CCF termina donc la rédaction d'un projet qui fut soumis au Conseil économique et social (ECOSOC). Ce dernier décida le 12 mai 197753' de soumettre le projet à l'appréciation des Etats.

Le projet, de même que les observations et propositions des Etats, des organisations spécialisées de l'ONU et de diverses organisations non gouvernementales, fut ensuite transmis à la troisième Commission de l'AG, laquelle en discuta durant trois sessions entre l'automne 1977 et décembre 197954'. Certains aspects du projet firent jusqu'au bout l'objet de controverses, d'une part à cause de la réticence de certains Etats envers les droits qu'il reconnaissait aux femmes, et d'autre part à cause de références politiques contenues dans le Préambule (en particulier dans son par. 11). La Convention fut enfin adoptée le 18 décembre 1979 par l'AG de l'ONU55'. Elle fut ouverte à la signature à New York le 1er mars 1980 et entra en vigueur le 3 septembre 1981, soit 30 jours après la 20e ratification (art. 27, 1er al., de la Convention).

A ce jour, 139 Etats ont ratifié la Convention ou y ont adhéré. Six autres, dont la Suisse, l'ont signée..Mis à part la Suisse, les seuls Etats d'Europe occidentale à ne pas avoir encore ratifié la Convention sont le Liechtenstein, Monaco, Saint Marin et Andorre56\ 13

La Suisse et la Convention / La position des autorités fédérales

Le Conseil fédéral a signé la Convention le 23 janvier 1987. Il a alors fait dépendre la date de sa ratification de l'état d'avancement des révisions législatives engagées dans le cadre du programme «Egalité des droits entre hommes et femmes»57' pour la suppression des inégalités dans le droit fédéral et cantonal. Il est parti de l'idée que la Suisse ne devrait ratifier la Convention que lorsqu'une importante partie de ses dispositions, qui ont pour l'essentiel un caractère de programme, seraient ancrées dans la législation58'.

Aujourd'hui, plus de dix ans après l'adoption de l'article 4, 2e alinéa, de la constitution, l'égalité entre femmes et hommes sur le plan législatif fédéral est désormais largement réalisée. Il en va notamment ainsi en matière de droit de vote et d'éligibilité, de droit des étrangers, de droit civil ou du mariage, comme du

52

> Résolution 3521 (XXX) de l'AG.

> UN-Doc. E/Res/2058 (LXII).

> Cf. Lars Adam Rehof, op. cit., pp. 10-11.

55 > Rés. 34/180 (1979).

56 > Etat en avril 1995.

57) Rapport sur le programme législatif «Egalité des droits entre hommes et femmes» du 26 février 1986, FF 1986 I 1132.

58 > Explication de la conseillère fédérale Kopp à l'occasion de la Conférence mondiale de la décennie de la femme, 16 juillet 1985. Voir aussi Motion Braunschweig, BO 1987 I p. 974 53 54

880

Statut des fonctionnaires. La ratification de la Convention a été prévue dans les lignes directrices de'la présente législature, le Conseil fédéral ayant toutefois considéré prioritaire l'adhésion aux instruments internationaux de protection des droits de l'homme qui contiennent un catalogue de droits et libertés juridiquement contraignant pour les Parties contractantes et qui s'appliquent à chacun.

C'est pourquoi il a tout d'abord ratifié les deux Pactes relatifs aux droits de l'homme qui contiennent des dispositions explicites prenant en compte l'égalité entre femmes et hommes59'. Par ailleurs, la Convention de l'ONU contre la torture60', le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort 61 ' et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale62' sont entrés en force pour la Suisse. Notre pays adhérera à la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989 aussitôt que les Chambres l'auront approuvée63'. Le Rapport du 29 novembre 1993 sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90 indique que les conventions élaborées au sein de l'ONU constituent l'un des plus importants moyens de mettre en oeuvre un des buts de la politique extérieure suisse, à savoir l'engagement en faveur des droits de l'homme, de la démocratie et des principes de l'Etat de droit64'.

Dans sa réponse à la motion de la conseillère nationale Stocker du 21 juin 1991, le Conseil fédéral a confirmé son souci de voir la Suisse adhérer à la Convention durant la législature 1991 à 199565'. Cette motion, comme celle du conseiller national Braunschweig du 3 octobre 1985, a été transformée en postulat, sur la base de l'argumentation ci-dessus. Dans sa réponse à la question von Feiten du 4 octobre 1993, le Conseil fédéral s'est donné pour but de présenter le message durant l'année de la Conférence mondiale sur les femmes, qui aura lieu en Chine en septembre 199566'. Il a confirmé sa résolution dans sa réponse à la question von Feiten du 12 décembre 199467'.

14

Les efforts de la Suisse en faveur de la femme dans le cadre de la coopération internationale

Selon le préambule de la Convention (par. 11), le renforcement de la paix et de la sécurité internationale, la détente internationale, le désarmement général et intégral et en particulier le désarmement nucléaire sous contrôle international strict et efficace, la réalisation du droit à l'autodétermination des peuples sous domination coloniale et sous occupation étrangère, ainsi que le respect de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale sont utiles à l'objectif de la 59

> RS 0.103.1 et 0.103.2 <*» RS 0.105 61 > RS 0.103.22 62 > En vigueur pour la Suisse à compter du 29 décembre 1994. Voir message du 2 mars 1992, FF 1992 III 265.

63 > Message du 29 juin 1994, FF 1994 V 1.

<"> Cf. chiffre 412 du rapport, FF 1994 I 150.

65 > n° 92.3243, Motion Stocker: Ratification de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, BO 1991 II p. 1961 ss.

66 > BO 1993 II p. 1784.

67 > BO 1994 IV p. 2235.

881

Convention. La Convention se situe ainsi également dans le contexte politique et social du développement et de la problématique de la paix. La déclaration sur la politique du développement doit également être comprise à la lumière de la finalité de la Convention, qui tient compte notamment du problème des femmes dans les régions rurales (art. 14). Dans ce contexte, l'importance de la coopération internationale a été clairement soulignée, par exemple dans la résolution n° 21 de la Conférence mondiale sur les femmes de Mexico de 197568', ainsi que dans les Stratégies de Nairobi69'. Les textes adoptés récemment par la communauté internationale, tel le Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement qui s'est déroulée au Caire en septembre 1994, constatent de manière claire que la femme joue un rôle essentiel dans le processus de développement. Depuis la dernière conférence de 1985 sur les femmes à Nairobi, les bouleversements qui se sont produits en Europe ont donné un nouveau départ à la coopération entre Etats, en particulier entre l'Europe centrale et orientale, et l'Europe occidentale*70'' La Direction de la coopération au développement, de l'aide humanitaire et de la coopération technique avec l'Europe centrale et orientale (DDACE) du Département fédéral des affaires étrangères vise à promouvoir la participation des femmes dans le cadre d'action général d'une politique de développement fondée sur l'égalité des femmes et des hommes71'. Ainsi, la coopération suisse au développement aide les femmes qu'elle considère comme des partenaires actives et responsables au même titre que les hommes. Afin de réaliser ces principes, la DDACE a choisi une stratégie particulière, qui consiste à ne pas se concentrer sur un secteur déterminé: elle adopte une approche transversale qui, en tant que partie de la politique du développement, concerne tous les domaines de la coopération technique (programmes et projets). Dans les pays partenaires de la Suisse, la DDACE a créé des programmes «femmes» aux activités multiples, ainsi que des postes tenus par des collaboratrices locales, par exemple en Indonésie, en Inde, au Mali, au Niger, au Pakistan, au Népal et au Mozambique. En outre, des = projets et des actions plus spécifiques permettent d'accompagner les femmes dans des
initiatives variées sur trois continents. Ces projets vont de l'élevage de menu bétail à la création de fora de discussion pour la reconstruction démocratique, en passant par l'alphabétisation et la production locale de bière. La Suisse s'efforce également de contribuer à une meilleure coordination internationale des efforts d'aide, qu'elle observe régulièrement au sein du groupe d'experts «Women in Development» (WID) du Comité d'aide au développement de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Dans la perspective de 6S

) Rapport de la Conférence mondiale sur les femmes de Mexico, UN-Doc. E/CONF.66/34, p. 96; Jost Delbrück, Die Konvention der Vereinten Nationen zur Beseitigung jeder Form der Diskriminierung der Frau von 1979 im Kontext der Bemühungen um einen völkerrechtlichen Schutz der Menschenrechte, «Staatsrecht-Völkerrecht-Europarecht», Festschrift für Hans-Jürgen Schlochauer, publié par Ingo von Münch, Berlin, 1981.

69

> Cf. note 20.

TM) Cf. la Plate-forme d'action régionale des pays de la CEE/ONU, adoptée à Vienne le 21 octobre 1994 par les pays membres de la CEE/ONU (dont la Suisse); E/CEE/RW/ HLM/L.3/Rev.2.

71 > Cf. le rapport du Conseil fédéral sur les relations Nord-Sud de la Suisse dans les années 90 («Lignes directrices Nord-Sud») du 7 mars 1994, chiffre 232, FF 1994 II 1217.

882

la quatrième Conférence sur les femmes de Beijing de 1995, la Suisse a pris une part active, en 1992 et 1993, à une évaluation internationale des activités du WID de 1985 à 1993, conjointement avec les agences bilatérales des USA, du Canada et des Pays-Bas.

Dans le cadre de la coopération internationale, la Suisse fournit des contributions financières à des organisations internationales, qui s'efforcent directement ou indirectement d'améliorer les conditions de vie des femmes et d'encourager le développement dans des pays du Sud. Les organisations d'aide les plus importantes, c'est-à-dire l'UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l'enfance), le FNUAP (Fonds des Nations Unies pour les activités en matière de population), l'OMS (Organisation mondiale de la santé) et le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement), reçoivent des contributions annuelles, dont le montant pour 1994 s'est élevé à 87,3 millions de francs suisses. Le Fonds des Nations Unies pour les femmes (UNIFEM), une sous-organisation du PNUD, veut favoriser la participation active des femmes au développement par la participation aux débats des grandes conférences internationales et par des projets pilotes dans des pays en développement. Depuis 1993, l'UNIFEM reçoit une contribution annuelle. En 1994, 350 000 francs suisses lui ont été versés. En 1993, un Comité national Suisse - Liechtenstein de soutien à l'activité de l'UNIFEM a été constitué.

Dans le cadre de sa coopération avec les pays d'Europe orientale et centrale, la Suisse finance également des projets ponctuels comportant un aspect spécifiquement féminin 72 '. Du reste, la Suisse prend part au travail de divers fora internationaux qui s'occupent de la question de l'égalité entre la femme et l'homme, notamment (à titre d'observateur à l'ONU) à la Commission des Nations Unies de la condition de la femme, à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, de même (à titre de membre) qu'à l'UNESCO, à TOIT et à l'OSCE73'. La Suisse a aussi participé activement aux conférences internationales mentionnées sous chiffre 121 (entre autres la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, la Conférence mondiale sur les femmes, la Conférence sur la population et le développement).

2 21 211

Partie spéciale Contenu et champ d'application de la Convention Principes de la Convention Objectif de la Convention: l'élimination de toute discrimination de la femme et la garantie de l'égalité entre la femme et l'homme

L'objectif de la Convention est l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes. Cet objectif concrétise la disposition générale sur l'égalité de la Déclaration des droits de l'homme de 1948 et des deux Pactes relatifs aux droits 72

> Cf. le message sur la continuation de la coopération renforcée avec les pays d'Europe centrale et orientale, FF 1991 IV 537.

») Cf. supra ad chiffre 121.

883

de l'homme de 1966, ainsi que l'interdiction générale de la discrimination fondée sur la race, le sexe ou la religion (voir préambule, par. 1 à 5)74', et renouvelle la volonté de réaliser des principes contenus dans la déclaration sur l'élimination de la discrimination (par. 15). Les seize premiers articles de la Convention décrivent les formes de discrimination et obligent les Etats à les éradiquer en adoptant à cette fin des mesures propres à assurer une pleine participation des femmes dans tous les domaines. Le préambule de la Convention constate que les femmes, malgré de nombreuses conventions, déclarations et résolutions, sont toujours considérablement désavantagées (par. 6). Le préambule indique en outre que l'égalité de droit des femmes est inséparablement liée aux problèmes généraux d'ordre politique, social et économique du monde: la pauvreté, l'agression, le racisme et l'occupation étrangère affectent les femmes souvent d'une façon particulière et font obstacle à la pleine réalisation de l'égalité (voir par. 7, 8,10 et 11). La Convention considère la concrétisation d'un nouvel ordre économique international fondé sur l'égalité et la justice comme un apport essentiel à l'égalité entre la femme et l'homme (par. 9). Le préambule ajoute qu'il convient également de garantir, dans le cadre des efforts en vue de l'égalité entre femmes et hommes, une vie familiale exempte de discriminations. Il s'agit non seulement de revoir le rôle de la femme dans la famille dans une perspective non discriminatoire, mais également celui de l'homme dans l'optique d'un partage des droits et des obligations dans le domaine des soins et de l'éducation des enfants (par. 13 et 14).

Enfin, il est important de noter l'affirmation selon laquelle le développement complet d'un pays, le bien-être du monde et la cause de la paix demandent la participation des femmes, à égalité avec les hommes, dans tous les domaines (par.

12).

L'inclusion dans la Convention de tels objectifs indique clairement qu'au-delà de la mise en oeuvre du principe de la non-discrimination, l'accent est mis sur l'obligation des Etats de prendre les mesures appropriées en vue de la réalisation effective de l'égalité entre femmes et nommes, en particulier par la modification de la répartition des rôles dans la société et l'Etat.

212

La définition de la «discrimination à t'égard des femmes»

(art. 1) L'article 1er de la Convention définit l'expression «discrimination à l'égard des femmes» de manière à englober toute distinction, exclusion ou restriction directe ou indirecte fondée sur le sexe et susceptible de compromettre la jouissance du droit à l'égalité entre femmes et hommes, cela que la femme soit intentionnellement discriminée ou qu'une telle discrimination ne soit que la conséquence non intentionnelle d'une différenciation. Ainsi, la discrimination indirecte est égale-

74

> Cf. également sous chiffre 121.

884

ment incluse dans la définition75). La Convention vise spécifiquement la discrimination à l'égard des femmes et n'est donc pas applicable aux discriminations dont les hommes pourraient être victimes76'. L'interdiction de discriminer est applicable indépendamment de l'état matrimonial et englobe aussi bien les discriminations de fait que de droit. La définition s'inspire dans une large mesure de celle qui figure à l'article 1er de la Convention de 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale 77) dans la mesure où elle implique le respect du droit des femmes à la pleine jouissance des droits et des libertés fondamentales dans tous les domaines de la vie en société. La Convention prohibe donc toute différenciation ayant pour effet «de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes des droits et libertés fondamentales». La Convention apparaît ainsi comme un instrument indispensable à la garantie des droits fondamentaux des femmes. On notera que les articles 3 des deux Pactes de 1966 relatifs aux droits de l'homme se bornent à prévoir une clause de non discrimination limitée aux droits qui y sont reconnus.

Cette interdiction globale de la discrimination a la priorité sur les traités antérieurs contenant des clauses anti-discriminatoires limitées (principe de la «lex posterior»). Une exception est toutefois prévue en faveur des instruments contenant des dispositions plus propices à la réalisation de l'égalité de l'homme et de la femme (art. 23, cf. infra ad ch. 222).

Dans sa Recommandation n° 19 adoptée lors de sa 11e session (1992), lé Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (cf. infra ad ch. 23) a fait de la violence exercée à rencontre des femmes (pas seulement de la part de l'Etat) un cas de discrimination au sens de l'article 1er de la Convention (cf. aussi infra ad ch. 213) 78>.

213

Violence à l'égard des femmes

Bien qu'aucune disposition de la Convention ne traite expressément du sujet, le Comité de l'ONU chargé de la supervision de la Convention n'en a pas moins été confronté de diverses manières à la problématique de la violence exercée à

7S

> Cf. également les stratégies de Nairobi, chiffre 49, in UN-DOC. A/CONF. 116/28/Rev. 1, qui mentionnent expressément la discrimination indirecte. Il y a discrimination indirecte lorsqu'une réglementation déploie principalement ses effets au détriment des femmes, sans toutefois que la distinction soit fondée sur le sexe. La Cour européenne de Luxembourg considère qu'il y a discrimination indirecte lorsqu'une réglementation affecte notablement plus les femmes que les hommes, à moins qu'elle ne trouve une justification objective fondée sur des critères non discriminatoires, à raison du sexe. Voir Katharina Arioli, Die Rechtsfigur der indirekten Diskriminierung, «Pratique juridique actuelle» (PJA/ AJP 11/1993, p. 1327 ss).

76 ) Voir également Katharina Arioli, Frauenförderungsmassnahmen im Erwerbsleben, Thèse, Zurich, 1992, p. 174.

77 > La Suisse a ratifié cette convention le 29 novembre 1994. Elle est entrée en vigueur pour la Suisse le 29 décembre 1994. Cf. le message du 2 mars 1992, ch. 41, FF 1992 III 265.

"» UN-Doc. A/47/38/ du 24 juin 1992, p. 5ss.

58 Feuille fédérale. 147° année. Vol. IV

885

rencontre des femmes79). Il considère que cette violence fort répandue constitue l'un des principaux obstacles à l'égalité entre femmes et hommes. Il a en outre déploré le fait que les rapports périodiques de nombreux Etats n'accordent que peu d'attention aux liens entre la discrimination à l'égard des femmes, la violence fondée sur le sexe et la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La violence ou la menace de violence à l'égard des femmes a contribué à cantonner nombre d'entre elles dans un rôle subordonné, les empêchant de jouir en pleine égalité des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour le Comité, la réalisation complète de la Convention exige que les Etats prennent des mesures positives en vue de l'élimination de toutes les formes de violence à l'égard des femmes.

La rapporteuse spéciale sur là violence à l'égard des femmes constate dans son rapport de mars 1994 susmentionné au chiffre 121 que, dans nombre d'Etats, les délits et les crimes commis à rencontre des femmes n'ont pas été reconnus et poursuivis comme tels. Le rapport mentionne en particulier la violence exercée au sein de la famille (châtiments corporels, viols conjugaux, assassinats de nourrissons et de fillettes en bas âge, mutilations, incestes, etc.) et de la société (viol, harcèlement sexuel, prostitution, travail forcé, pornographie). Il évoque également la violence étatique à rencontre des femmes (dans les conflits armés, dans le cadre d'arrestations et de détentions). Le nombre de femmes exposées à de telles violences rien qu'en raison de leur sexe est très considérablement plus élevé que celui des hommes victimes de pareils traitements. Le rapport indique aussi que les sociétés qui tolèrent de telles violences à l'égard des femmes s'exposent à d'importants coûts dans les secteurs de la santé, du droit et de la réintégration sociale.

Le «Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes» (Commitee on thé Elimination of Discrimination Against Wom'en, «CEDAW») a constaté, dans sa Recommandation n° 12, que diverses dispositions de la Convention obligent les Etats à prendre des mesures pour combattre la violence exercée contre les femmes dans la famille, sur le lieu de travail, de même que dans les autres secteurs de la société. La Recommandation n° 19 explicite les
rapports existant entre chaque article de la Convention et les diverses formes de violence.

Elle contient des recommandations complètes et détaillées à cet égard, dont il convient de relever les plus importantes: - La violence fondée sur le sexe est englobée dans la définition de la discrimination figurant à l'article 1er de la Convention. Il s'agit non seulement de la violence dont sont victimes les femmes sur la seule base de leur sexe, mais aussi de celle qui touche les femmes dans des proportions beaucoup plus importantes que les hommes. Sont compris les actes entraînant des souffrances ou des blessures physiques, psychiques ou sexuelles, la menace de tels actes, la

79

> Recommandation générale n° 12 (8e session, 1989) et n° 19 (9e session, 1992): Violence against Women, reproduit in Lars Adam Rehof, op. cit., p. 312 ss et 318 ss. Voir également l'analyse de l'article 6 (et autres articles relatifs à la violence contre les femmes, ainsi qu'au harcèlement sexuel et à l'exploitation des femmes) de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, Cedaw/C/1992/4, 13 janvier 1992.

886

contrainte ou d'autres formes de limitation de la liberté des femmes. Ni la violence exercée par l'Etat ni celle dont des particuliers se rendent responsables n'échappent à la définition. Enfin, l'Etat répond de son inaction s'il n'intervient pas pour empêcher des particuliers de commettre de tels actes.

- Les articles 2, lettre f, 5 et 10, lettre c, relèvent le rôle des préjugés traditionnels et des répartitions stéréotypées des rôles, qui conduisent à considérer les femmes comme des êtres de second rang. En découlent des pratiques largement répandues, tels que la violence et les mauvais traitements au sein de la famille, les mariages forcés, les meurtres en rapport aVec la dot et les mutilations sexuelles. Ces préjugés et ces pratiques servent souvent à justifier la violence à l'égard des femmes en la présentant comme un moyen de les protéger ou de les contrôler.

- L'article 6 (abolition du trafic des femmes et de l'exploitation de la prostitution) promeut la reconnaissance du droit des prostituées à une égale protection contre le viol et les autres formes de violence. Les prostituées, de par la précarité de leur statut et leur marginalisation au sein de la société, ne peuvent en effet souvent pratiquement compter sur aucune aide, ou que sur une aide insuffisante.

- Certaines formes spécifiques de violences sexuelles, en particulier le harcèlement sexuel, peuvent faire obstacle à la réalisation de l'égalité dans le monde du travail (art. 11).

- La violence à l'égard des femmes met en danger la santé et la vie des victimes (art. 12). Les coutumes existant dans certaines sociétés affectent aussi la santé des femmes et des enfants. Il s'agit par exemple de règles alimentaires imposées aux femmes enceintes, d'avantages accordés aux garçons au détriment des filles, voire de la pratique de l'excision et des mutilations sexuelles.

- L'article 16, qui concerne l'égalité au sein de la famille, exige que soient prises des mesures de lutte contre la violence exercée dans le contexte familial. Il s'agit là en effet d'une des formes les plus perfides de violence, qui n'est l'apanage d'aucune société ou classe sociale. Des femmes de tous âges peuvent être victimes de diverses formes de violence dans la sphère familiale. La dépendance économique contraint nombre d'entre elles à demeurer dans un tel
environnement violent. Le fait qu'un homme se dérobe à ses obligations familiales peut constituer une autre forme de violence psychique. La violence dont sont victimes les femmes dans la sphère familiale constitue un risque pour leur santé et un obstacle à leur participation en toute égalité à la vie familiale et sociale.

Afin de lutter contre la violence à l'égard des femmes, le Comité recommande que des mesures globales soient mises en oeuvre dans les domaines de la prévention, de la protection et de la réhabilitation des victimes. Dans les cas d'inceste ou de mauvais traitements à caractère sexuel, les mesures de réhabilitation doivent s'étendre à la famille entière. Le Comité demande également que les Etats parties l'informent dans leurs rapports de l'ampleur, des formes et des effets de la violence à l'égard des femmes, de même que des législations et autres mesures mises en oeuvre pour lutter contre ce phénomène (p. ex. sur l'existence de centres de consultation et d'aide pour les victimes de violences).

887

22

Les obligations des Etats parties

221

Aperçu

La Convention a pour unique objet la discrimination à l'égard des femmes, la proclamation du principe de l'égalité entre femmes et hommes et sa réalisation dans tous les domaines de la vie en société. La Convention ne se borne pas à prohiber toute discrimination à rencontre des femmes mais oblige les Etats parties à agir et à prendre des mesures en faveur de la réalisation de cette égalité, en particulier dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil. Ce faisant, la Convention tient compte du fait que la proclamation d'une égalité juridique formelle entre les sexes ne suffit pas à elle seule à éliminer les désavantages dont les femmes ont à souffrir sur le plan économique et social, ainsi que le démontre l'expérience de pays qui ont traditionnellement - et antérieurement à la Suisse - développé une politique d'égalité.

Outre le préambule, la Convention comprend'au total 30 articles, à teneur essentiellement programmatique (voir ch. 31). Les 16 premiers articles décrivent un certain nombre d'inégalités, engagent les Etats à éradiquer les discriminations dans ces domaines ainsi qu'à prendre les mesures adéquates afin d'assurer une participation pleine et égale des femmes dans tous les domaines de la vie.

La première partie (art. 1er à 6 de la Convention) définit la notion de «discrimination à l'égard des femmes» (art. 1er; cf. ch. 212) et impose aux Etats d'éliminer les dispositions réglementaires ou les coutumes discriminatoires (art. 2, let. f et g), d'adopter des mesures législatives ou autres interdisant la discrimination (art. 2, let. b), d'assurer l'accès aux juridictions en cas de discrimination (art. 2, let. c), de faire en sorte que les autorités publiques appliquent le principe de l'égalité entre les sexes (art. 2, let. d), de prendre les mesures appropriées pour éliminer la discrimination par des personnes, organisations ou entreprises quelconques (art.

2, let. e). Les mesures spéciales visant à promouvoir la réalisation effective de l'égalité entre femmes et hommes sont autorisées par la Convention, pour autant que leur durée soit limitée au temps nécessaire à la réalisation de l'objectif poursuivi (art. 3 et 4). Les Etats parties s'engagent enfin à prendre toutes les mesures appropriées pour modifier la répartition discriminatoire des rôles entre les sexes (art. 5),
ainsi que pour combattre la traite des femmes et l'exploitation de la prostitution (art. 6).

Les parties II à IV de la Convention dressent une liste de domaines et de questions touchant la discrimination à l'égard des femmes, voire partiellement de moyens à mettre en oeuvre en vue de son élimination. L'interdiction de discriminer concerne principalement les domaines suivants: a. Droits civils et politiques - droit de vote et d'éligibilité, participation à l'élaboration et à la conduite de la politique (art. 7, let. a); - droit de prendre part à l'élaboration de la loi et à son exécution, droit d'occuper des emplois publics et d'exercer des fonctions publiques à tous les échelons, sur le plan national et international (art. 7, let. b); - droit de participer aux organisations non gouvernementales et aux partis (art. 7, let. c);

- droit à une nationalité (art. 9), libre circulation et choix du domicile (art. 15, par. 4).

b. Droit de la famille

- égalité dans la conclusion du mariage (art. 16, par. 1, let. a), conservation de la nationalité après Je mariage (art. 9, par. 1), égalité lors de la dissolution du mariage (art. 16, par. 1, let. c); - libre choix du conjoint (art. 16, par. 1, let. b), égalité de droits en matière de choix du nom de famille (art. 16, par. 1, let. g); - égalité de droits et d'obligations en tant que parents (art. 16, par: 1, let. d); - droit aux prestations familiales (art. 13, let a).

c. Participation à la vie économique et au monde du travail

- droit au travail (art. 11, par. 1, let. a), à des conditions égales de travail (art. 11, par. 1, let. c) ainsi qu'en matière de promotion (art. 11, par. 1, let. c); - droit à une rémunération égale pour un travail de valeur égale (art. 11, par. 1, let. d); - droit à la sécurité sociale (art. 11, par. 1, let. e), protection de la santé sur le lieu de travail (art. 11, par. 1, let. f); - droit, d'accès aux crédits (art. 13, let. b).

d. Participation à l'éducation et à la vie culturelle

- égalité dans l'accès aux études (art. 10, let. a), aux écoles (enseignement mixte, art. 10, let. c), aux programmes d'éducation permanente (art. 10, let. e); - droit à l'octroi de bourses et d'autres subventions pour les études (art. 10, let.

d);

- participation à la vie culturelle et sportive (art. 10, let. g, art. 13, let. c).

L'égalité en matière de participation des femmes sur le plan international doit également être octroyée (art. 8). L'article 14 prescrit que le principe de l'égalité s'applique également aux femmes des zones rurales. Enfin, les Etats parties sont appelés à prendre des mesures dans le domaine de la santé et en particulier à fournir aux femmes une assistance sanitaire appropriée pendant la grossesse ainsi que pendant et après l'accouchement (art. 12, par. 2).

La Ve partie de la Convention traite de la supervision du respect de la Convention et des compétences du Comité chargé de cette tâche (art. 17 à 22). Enfin, la VI e partie contient les dispositions finales (art. 23 à 30).

222

La réserve du droit plus favorable (art. 23)

Aux termes de l'article 23, la Convention ne porte pas atteinte aux dispositions nationales ou internationales plus propices à la réalisation de l'égalité entre femmes et hommes.

889

23

La procédure internationale de contrôle: le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (art. 17 à 22)

L'article 17 de la Convention confie la supervision de la mise en oeuvre de la Convention à un Comité (CEDAW). Ce Comité est constitué de 23 «spécialistes d'une haute autorité morale et éminemment compétents dans le domaine auquel s'applique la présente Convention»80). Si les experts sont certes choisis par les Etats parties parmi leurs ressortissants, proposés par eux (art. 17, par. 1 et 2) et élus par une assemblée générale des Etats parties convoquée par le Secrétaire général de PONU (art. 17, par. 4), ils n'en siègent pas moins à titre personnel, c'est-à-dire qu'ils exercent leurs fonctions de façon indépendante (art. 17, par. 1).

Les membres du Comité sont élus pour quatre ans, le mandat de neuf des membres élus à la première élection prenant fin après deux ans (art. 17, par. 5). Ils reçoivent des émoluments prélevés sur les ressources de l'ONU, dont le Secrétaire général met à disposition le personnel et les moyens nécessaires au Comité «pour s'acquitter efficacement de ses fonctions» (art. 17, par. 8 et 9). Conformément à l'article 19, le Comité a adopté un règlement intérieur, régissant notamment le déroulement (dont la publicité) de ses sessions, le travail du Secrétariat et le droit de vote en son sein81'. Lorsqu'elle aura ratifié la Convention, la Suisse.aura la possibilité de proposer un expert ou une experte pour élection au sein du Comité.

L'article 18 institue l'obligation pour les Etats parties de faire parvenir au Secrétaire général - dans l'année qui suit l'entrée en vigueur de la Convention, puis tous les quatre ans ou lorsque le Comité en fait la demande - un rapport sur les mesures adoptées pour donner effet aux dispositions de la Convention. Le Secrétaire général transmet les rapports au Comité. Celui-ci examine les rapports (et en débat)82' en présence des représentants de l'Etat concerné, puis rédige un rapport relatif aux informations reçues des Etats, qui peut aussi contenir des recommandations de caractère général. Le Comité ne peut toutefois décider de sanctions formelles ou prendre des décisions comportant des appréciations. Les rapports du Comité-contiennent une appréciation critique des rapports étatiques.

Ils sont transmis avec les éventuelles observations des Etats au Conseil économique et social de l'ONU (ECOSOC), lequel les adresse à l'AG de l'ONU (art. 21,
par. 1). Le Secrétaire général transmet également les rapports du Comité à la Commission de la condition de la femme, pour information (art. 21, par. 2).

Depuis sa création, le Comité a en outre formulé 21 Recommandations générales83'.

80

> Respectivement jusqu'en 1994* et 1996, les membres du Comité proviennent des pays suivants: Ghana", Japon", Tunisie", Turquie, Equateur", Espagne, Nouvelle-Zélande, Italie", Barbade*, Venezuela, Argentine, Yougoslavie", Bangladesh, Chine", Finlande, Colombie, Russie", Burkina Faso, Philippines", Allemagne, Ethiopie, Egypte" et Nigeria* (cf. UN-Doc. A/49/38, Annexe II).

8I > UN-Doc. A/38/45.

82 > Règlement intérieur n° 49, in UN-Doc. A/38/45.

83 > Etat en août 1994 (UN-Doc. A/49/308, p. 13). Une Recommandation générale contient des interprétations de certaines dispositions de la Convention ou des directives sur la procédure relative aux rapports étatiques. En règle générale, les Etats se tiennent à ces Recommandations qui, sans être juridiquement contraignantes, n'en émanent pas moins de l'organe chargé de la surveillance de la mise en oeuvre de la Convention.

890

En règle générale, les sessions du Comité ont lieu deux fois par année. Elles peuvent durer jusqu'à deux semaines au plus (art. 20). Dans le passé, des critiques se sont élevées contre la périodicité des rapports étatiques (quatre ans, alors que les autres conventions connaissant un tel système prévoient en général une périodicité de deux ans), ainsi qu'à rencontre de la limite de deux semaines fixée pour la durée des sessions du Comité84). Le retard dans l'examen des rapports s'étant accumulé, l'ECOSOC a recommandé par la Résolution 1992/17 la prolongation à trois semaines des sessions du Comité aussi longtemps que ce retard ne sera pas résorbé. Par la Résolution 47/94, l'AG-de l'ONU a fait droit à cette recommandation dans la mesure où elle a prolongé d'une semaine les sessions du Comité pour 1993 et 1994.

Le Comité peut inviter les organisations spécialisées à lui transmettre des avis relatifs à la mise en oeuvre de la Convention dans leurs domaines de compétence (art. 22 du règlement intérieur n os 51 et 52). Les organisations non gouvernementales (ONG) nationales ou internationales peuvent participer aux sessions du Comité à titre d'observateurs. Elles n'ont pourtant aucun droit de participation aux travaux et ne sont, de surcroît, pas autorisées à suivre l'examen des rapports étatiques par le Comité 85'. Elles peuvent toutefois prendre l'initiative de fournir au Comité des informations. Bien que les ONG n'aient aucune possibilité formelle de participer aux travaux, l'importance de leur rôle pour la promotion de tous les droits de l'homme a été fréquemment soulignée, notamnient dans la Déclaration et le Programme d'action de Vienne86'. La possibilité de recevoir des informations de la part d'ONG est importante pour le Comité, en particulier en ce qui concerne la violence à l'égard des femmes, thème que les Etats ont à traiter dans leurs rapports87'.

Contrairement à d'autres comités de contrôle en matière de droits de l'homme88', le Comité n'est pas habilité à recevoir des requêtes étatiques ou des communications individuelles pour violation des dispositions de la Convention. Le Programme d'action de Vienne89' contient du reste une invitation adressée à la Commission de la condition de la femme (CCF) ainsi qu'au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, les priant d'examiner la possibilité d'élaborer un protocole facultatif à la Convention prévoyant la possibilité de traiter des requêtes individuelles.

M

) Cf. Jost Delbruck, op. cit., p. 263; Irene Maier, op. cit., p. 75; Christina Hausammann/Erika Schläppi, «Menschenrechte und Frauenrechte: Das UNO-Übereinkommen zur Beseitigung jeder Form von Diskriminierung der Frau und seine Bedeutung für die Schweiz», Aktuelle Juristische Praxis (AJP/PJA) 1/95, pp. 40/41.

85) UN-Doc. A/49/308, eh. 38.

86 > Conférence mondiale sur les droits de l'homme, de Vienne, 1993, UN-Doc. A/Conf/.

157/23, Partie I, chapitre III, paragraphe 38.

87 > UN-Doc. A/46/38, paragraphe 389 et A/49/308, paragraphe 38. Voir également la Recommandation générale du Comité n° 19, in A/47/38, paragraphe 4 ss.

s«) Par exemple le Comité des droits de l'homme (en vertu du 1er Protocole additionnel au Pacte relatif aux droits civils et politiques), ou - sur la base d'une déclaration spéciale des Etats - les Comités pour l'élimination de la discrimination raciale et contre la torture.

89 ) Conférence mondiale sur les droits de l'homme, de Vienne, 1993, UN-Doc. A/Conf/.

157/23, Partie II, chapitre III, paragraphe 40.

891

24

Les dispositions finales (art. 23 à 30)

Les articles 23 à 30 contiennent les dispositions finales usuelles des conventions internationales (en ce qui concerne l'art. 23, voir sous ch. 222). A l'article 24, les Etats s'engagent à adopter toutes les mesures nécessaires au niveau national pour assurer le plein exercice des droits reconnus dans la Convention; c'est-à-dire que les Etats parties ont l'obligation d'agir. La Convention est ouverte à la signature et à l'adhésion de tous les Etats (art. 25, par. 1 et 4). Les instruments de ratification seront déposés auprès du Secrétaire général des Nations Unies (art. 25, par. 3), qui a été désigné comme dépositaire de la Convention (art. 25, par. 2). Une fois la Convention entrée en vigueur, 30 jours après la vingtième ratification, ses dispositions entrent en vigueur pour chaque Etat contractant à compter du trentième jour suivant la date du dépôt de son instrument de ratification ou d'adhésion (art. 27, par. 2).

Les réserves sont autorisées à condition qu'elles soient compatibles avec l'objet et le but de la Convention (art. 28, par. 2). Les réserves introduites peuvent être retirées à tout moment par voie de notification adressée au Secrétaire général des Nations Unies (art. 28, par. 3). Beaucoup d'Etats, en particulier des Etats musulmans, ont fait des réserves (p. ex. applicabilité d'un article, dans la mesure où il ne contredit pas la Sharia)90). Ceci a été critiqué à diverses reprises. On a notamment · fait remarquer que des réserves aussi étendues (p. ex. à l'art. 2) vidaient la Convention de son sens. Plusieurs Etats industrialisés ont élevé des objections, mais sans remettre en question l'entrée en vigueur de la Convention à l'égard de ces Etats91).

L'article 26 règle la procédure d'amendement de la Convention. Un Etat partie peut adresser à tout moment une communication écrite au Secrétaire général des Nations Unies concernant une révision du texte. L'AG des Nations Unies décide des mesures à prendre.

En cas de différend entre les Etats parties concernant l'interprétation et l'application de la Convention, l'article 29 prévoit une procédure arbitrale. Si, dans les six mois qui suivent la date de la demande d'arbitrage, les parties ne parviennent pas à se mettre d'accord, chacune d'entre elles peut soumettre le différend à la Cour internationale de Justice. Quelques Etats ont fait
usage de la possibilité offerte par le paragraphe 2 de formuler une réserve concernant la soumission à l'arbitrage et à la juridiction internationale92). Ces réserves peuvent être levées conformément à l'article 29, paragraphe 3.

9") Pour une liste des réserves, voir Lars Adam Rehof, op. cit., p. 253-287.

91 ) Sur les objections, voir Lars Adam Rehof, op. cit., p. 2 et 253 ss et aussi Rapport du Comité (CEDAW), 13e session, A/49/38, p. 14, chiffre 6.

92 > P. ex. l'Egypte, l'Ethiopie, les Bahamas, le Brésil, la Chine, El Salvador, la France, l'Inde, l'Irak, Israël, la Jamaïque, Cuba, le Maroc, la Pologne, la Roumanie, la Tunisie, la Turquie, le Venezuela, le Vietnam, le Yemen.

892

3

La Convention et l'ordre juridique suisse

31

La nature des obligations de droit international: les dispositions directement applicables et celles qui ne le sont pas directement

Comme tous les accords internationaux, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes deviendra partie intégrante de notre ordre juridique dès qu'elle sera entrée en vigueur pour notre pays.

L'ens.emble des autorités étatiques devront dès lors s'y conformer93'. De plus, les dispositions conventionnelles - pour autant qu'elles soient directement applicables (self-executing) - peuvent constituer le fondement de décisions des tribunaux dans des cas particuliers, même en l'absence de règles nationales de mise en oeuvre. Sont directement applicables les dispositions d'un traité international qui, considérées à la lumière du contexte général, du but et de l'objet du traité, sont formulées de façon inconditionnelle et suffisamment précise pour s'appliquer comme telles à un cas d'espèce et constituer le fondement d'une décision concrète94'. C'est aux tribunaux qu'il incombera de se prononcer dans chaque cas d'espèce sur l'applicabilité directe des dispositions de la Convention95'. Le critère principal à cet égard est la formulation de la disposition96'. La volonté des parties au traité doit cependant aussi être prise en considération. Par le passé, le Tribunal fédéral a constaté que des dispositions exclusivement à caractère de programme ne sauraient être directement applicables. Il en va de même lorsqu'une grande marge de manoeuvre est laissée aux Etats parties97'.

Quoi qu'il en soit, même les dispositions de la Convention ne fondant aucun droit subjectif et justiciable à la non-discrimination à ('encontre des femmes ne sont pas de simples injonctions morales ou politiques; elles font au contraire partie de l'ordre juridique objectif: les obligations internationales existent indépendamment du fait qu'elles soient directement applicables ou non par les autorités nationales. Ainsi, les autorités chargées de concrétiser les exigences parfois peu précises de la Convention sont en ce sens tenues de le faire. Compte tenu de l'imprécision des formulations de la Convention, elles disposent toutefois d'une grande marge d'appréciation. Il n'en demeure pas moins que les Etats sont tenus d'exposer à l'instance chargée de la supervision de la Convention - le Comité sur la discrimination à l'égard des femmes - comment leur ordre juridique et leur politique répondent aux exigences de la Convention. Enfin, toutes les dispositions de la Convention - même celles qui ne sont pas directement applicables - doivent

93

> Monisme, cf. Dietrich Schindler, Die Schweiz und das Völkerrecht, in Nouveau Manuel de la politique extérieure suisse, Riklin/Haug/Probst (éd.), Berne, p. 110 ss.; ATF112 Ib 184; 106 Ib 187.

94 > ATF 112 Ib 184; 111 Ib 72.

95 > Le Tribunal fédéral semble, au vu de sa jurisprudence (ATF 120 la 1 en ce qui concerne le Pacte I), enclin à une certaine réserve s'agissant de l'applicabilité directe.

9 &> ATF 112 Ib 184; 106 Ib 182.

97 ) ATF 112 Ib 184; Olivier Jacot-Guillarmod, L'applicabilité directe des traités internationaux en Suisse: Histoire d'un détour inutile, Revue suisse de droit international, 1989, p. 140, Arnold Koller, Die unmittelbare Anwendbarkeit völkerrechtlicher Verträge, thèse, Berne, 1971, p. 82 ss.

893

être considérées lors de l'interprétation du droit national, laquelle doit être conforme au droit international: en vertu du principe appliqué en Suisse de la primauté du droit international sur le droit interne, les dispositions de la Convention doivent être prises en compte dans l'interprétation des normes fédérales, cantonales et communales98'.

Plusieurs parties de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ont incontestablement un caractère de programme. Ainsi, des formulations telles que «Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour ...»"' ou «Les Etats parties tiennent compte ...» se retrouvent dans la plupart des dispositions de la Convention. L'étude des procès-verbaux relatifs à l'élaboration de la Convention ne permet pas de déterminer avec certitude l'intention des parties en ce qui concerne l'applicabilité directe, étant donné que cette question n'a jamais fait l'objet d'une discussion100'.

Ce n'est qu'en relation avec l'article 24 (obligation des Etats parties d'assurer la mise en oeuvre de la Convention) qu'une discussion sur la formulation des dispositions a été menée. Cette discussion a apporté quelques éclaircissements'.

Les délégations de la Norvège et de la Barbade affirmèrent que la Convention était trop détaillée et que son niveau devait être abaissé afin de permettre sa ratification par le plus grand nombre possible d'Etats101'. La délégation égyptienne aurait souhaité que l'on utilise les termes «réalisation progressive», expression qui fut toutefois écartée dans la version finale du texte. Les délégations de l'O.I.T. et de la Grande-Bretagne ajoutèrent que la Convention devait contenir les principes fondamentaux (et généraux) et laisser la question de sa mise en oeuvre aux autorités nationales102'. On peut en déduire que les parties voulaient laisser aux Etats le choix des moyens de mettre en oeuvre la Convention dans leur ordre juridique interne, en leur concédant une grande liberté de décision à cet égard. On peut y voir la raison de l'emploi de formules vagues dans la plupart des dispositions. Ainsi, les Etats disposent d'une liberté relativement étendue pour décider de ce qu'ils entendent par «mesures appropriées». Seuls l'article 9 (acquisition et perte de la nationalité) et l'article 15 (égalité
devant la loi, capacité juridique et contractuelle en matière civile et judiciaire, libre circulation et libre choix du domicile), qui obligent les Etats à «accorder» aux femmes les droits qu'ils garantissent, ont une formulation claire et précise103'. Il n'est plus question ici de «mesures appropriées». Il est ainsi possible d'en conclure en principe que ces deux dispositions sont susceptibles d'être directement applicables. Deux autres articles (art. 7: vie politique et publique; art. 16: mariage et famille) utilisent l'expression

98

> Cf. à cet égard l'avis commun du 26 avril 1989 de l'Office fédéral de la justice et de la Direction du droit international public sur les relations entre le droit international et le droit interne dans l'ordre juridique suisse, JAAC 1989/IV n° 54 p. 419 ss. Le Conseil fédéral a fait sien cet avis dans son message du 18 mai 1992 sur l'adhésion de la Suisse à l'EEE, FF 1992 IV 87 ss.

"> En anglais «States shall take appropriate measures to ...».

ion) Lars Adam Rehof, op. cit.

lol >Lars Adam Rehof, op. cit., p. 224.

102) UN-Doc. E/CN/6/591, paragraphe 14-16.

103 > «States Parties shall grani women ...».

894

«assurent». Les versions officielles française et anglaise104) du texte semblent indiquer que la formulation est ici moins contraignante que s'agissant des articles 9 et 15 précités (cf. note 103).

Les gouvernements autrichien et allemand ont déclaré exclure toute applicabilité directe de la Convention. Selon eux, ses dispositions ne seraient «pas suffisamment déterminées pour pouvoir être mises en oeuvre directement dans l'ordre juridique interne»105' ou encore «il ne serait pas possible de tirer des droits directement applicables de la Convention» 106'. La grande majorité de la doctrine considère également que la Convention ne contient aucun droit directement applicable107'. Il convient d'ajouter en ce sens l'absence d'un véritable mécanisme de contrôle de la Convention108' ou de possibilité de rendre des décisions contraignantes sur la mise en oeuvre des obligations contractées109'. Une doctrine très minoritaire considère toutefois qu'il ne serait guère logique de dénier toute applicabilité directe aux dispositions en matière de non-discrimination dans des domaines spécifiques, alors que l'applicabilité directe du principe général de la non-discrimination n'est pas contestée ni sur le plan international ni sur le plan national110'.

A notre avis, les dispositions de la Convention ne sont, pour l'essentiel, pas directement applicables111'. Cependant, il ne peut être exclu que le Tribunal fédéral déclare directement applicables certaines parties des articles 9 et 15, de même que des articles 7 et 16.

32 321

La situation juridique de la femme dans le droit suisse à la lumière des principes de la Convention: un survol L'interdiction de discriminer (art. 2)

L'article 2 est la disposition essentielle de la Convention: c'est ici que figure en détail l'obligation fondamentale des Etats parties d'éliminer les formes de discrimination à l'égard des femmes décrites dans l'article 1er. Les Etats parties sont obligés de condamner toute forme de discrimination à l'égard des femmes.

I04

> Article 7: «leur assurent le droit...», «shall ensure to women thé right...»; article 16: «assurent», «Shall ensure».

) Erläuterungen zum allgemeinen Teil im Vortrag des Aussenministers an den Ministerrat von Oesterreich zur Genehmigung der Ratifizierung des Uebereinkommens (30 sept.

1981).

1M ) Denkschrift zu dem Übereinkommen (Stellungnahme der Bundesregierung an den Bundestag)" de 1983.

107 > Par exemple Warwick Me Kean, Equality and Discrimination under International Law, Oxford, 1983, p. 193; Delbrück, op. cit., p. 261; Arioli, op. cit., p. 188 (cf. note 76); Maier, Gleichberechtigung weltweit längst nicht erreicht, op. cit., p. 75 ss.

108 > Cf. chiffre 2.3.

109) ATF 120 la 12, contra 98 Ib 385, voir également Gaby Buchs, Die unmittelbare Anwendbarkeit völkerrechtlicher Vertragsbestimmungen , thèse, Mayence, 1993, p. 106.

"°) Hausammann/Schläppi, op. cit., p. 42.

'"Woir Andrew Byrnes/Jane Connors, The Adoption of a Petition Procedure under thè Convention on thé Elimination of ail Forms of Discrimination against Women (Background Paper). University of Limburg Maastricht, septembre/octobre 1994.

10S

895

Comme développé au chiffre 212, le terme de discrimination comprend aussi bien les discriminations directes qu'indirectes, juridiques qu'effectives, mais aussi publiques que privées.

Les Etats parties doivent poursuivre avec tous les moyens appropriés, et ce sans retard, une politique visant à éliminer la discrimination à l'égard des femmes (art.

2, par. 1). L'élimination de tout type de discrimination à l'égard des femmes est une obligation contraignante. Par contre, concernant les moyens à employer, les Etats parties sont très largement libres car les différentes dispositions exposent les objectifs à atteindre et laissent aux Etats parties une grande marge de manoeuvre.

L'article 2 de la Convention contient aux lettres a à g un catalogue des mesures à prendre qui exige, en détail, ce qui suit: Principe de l'égalité de traitement et interdiction de la discrimination (let. a et b) Les Etats parties doivent inscrire le principe de l'égalité entre femmes et hommes dans leur constitution ou dans d'autres dispositions législatives adaptées. Ils doivent s'employer à la réalisation concrète de ce principe (let. a) par des mesures législatives ou toutes autres mesures appropriées.

La Convention exige, à la lettre b, une interdiction de tout type de discrimination.

Ici aussi sont mises au premier plan les mesures législatives; toutefois, d'«autres» mesures sont également mentionnées. Le cas échéant, l'interdiction devra être imposée par la menace de sanctions.

Le 1er alinéa de l'article 4 de la constitution contient le principe général de l'égalité de traitement en ces termes: «Tous les Suisses sont égaux devant la loi. Il n'y a en Suisse ni sujets, ni privilèges de lieu, de naissance, de personnes ou de familles». En 1981, un deuxième alinéa était ajouté à cet article qui précise le principe de l'égalité de traitement dans la relation homme/femme. La première phrase du 2e alinéa contient le principe suivant: «L'homme et la femme sont égaux en droits». Ainsi le sexe ne permet pas de justifier un traitement différencié112'. Seules les différences biologiques peuvent donner droit à des réglementations spéciales. La première phrase est un droit fondamental immédiatement applicable. Le but de cette disposition est d'établir pour tous, nonobstant le sexe, les mêmes droits et les mêmes devoirs. Le principe
de l'égalité de traitement contient une interdiction, celle des discriminations tant directes qu'indirectes, c'est-à-dire des discriminations cachées.

Selon la deuxième phrase, la loi doit veiller à l'application de l'égalité juridique et effective dans tous les domaines juridiques et de la vie sociale, surtout sur le plan de la famille, de la formation et du travail. La deuxième phrase s'adresse en tant que mandat constitutionnel à la Confédération, aux cantons et aux communes, et les met dans l'obligation d'agir en matière de législation afin de réaliser dans les faits l'égalité entre femmes et hommes113'. Son action ne se limite d'ailleurs pas aux instances législatives, mais astreint également les autorités d'application du l12 1I3

) Message du 14 novembre 1979 sur hommes et femmes» dans FF 1980 > Message du 14 novembre 1979 sur hommes et femmes» dans FF 1980

896

l'initiative populaire «pour l'égalité des droits entre I 146; ATF 113 la 110.

l'initiative populaire «pour l'égalité des droits entre I 147.

droit (administration et tribunaux) «de faire triompher la garantie constitutionnelle de l'égalité des droits entre les sexes, dans les limites de leurs attributions, dans tous les domaines où des normes spéciales émanant du législateur ne sont pas indispensables.»114) Selon la troisième phrase de l'article 4, 2e alinéa, les hommes et les femmes ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale.

Le principe de l'égalité des salaires concerne aussi bien les rapports de travail de l'individu à l'Etat que ceux entre particuliers. Alors que la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes vise uniquement à l'égalité des femmes par rapport aux hommes, les hommes peuvent également se référer à l'article 4, 2e alinéa, de la constitution.

La loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes (loi sur l'égalité, LEg) a été adoptée par le Parlement le 24 mars 1995115'. Elle exige l'égalité entre femmes et hommes dans la vie professionnelle et contient à l'article 3 une interdiction de discriminer: travailleuses et travailleurs ne doivent pas être discriminés «à raison du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou, s'agissant de femmes, leur grossesse».

La Suisse s'est également engagée au niveau international à observer l'interdiction de discriminer (voir sous ch. 121).

Garantie judiciaire des droits (let. c) Selon la lettre c, les Etats parties doivent garantir la protection légale de la femme sur la base de l'égalité des droits avec l'homme. Et ils doivent protéger efficacement la femme contre tout acte discriminatoire par le recours aux tribunaux nationaux et autres instances publiques. La femme doit pouvoir emprunter la voie juridique pour exiger son droit à l'égalité de traitement. Le principe de l'égalité de traitement contenu dans l'article 4, 2e alinéa, de la constitution engage toutes les autorités d'application du droit et correspond à un droit fondamental directement invocable U6\ Alors que durant les premières années de l'entrée en vigueur de la nouvelle disposition constitutionnelle, le Tribunal fédéral, eu égard à la structure fédéraliste de la Suisse, fit montre d'une certaine retenue dans le jugement du droit cantonal comportant des différences de traitement - tant que celui-ci
datait d'avant 1981 - et que le Tribunal fédéral octroyait aux cantons une sorte de «période transitoire» pour adapter le droit cantonal, il a abandonné cette retenue depuis sa décision intervenue en 1990, d'instaurer le suffrage féminin dans le canton d'Appenzell Rhodes intérieures117'. Le Tribunal fédéral offre aujourd'hui la protection de l'article 4, 2e alinéa, de la constitution, par rapport au droit cantonal dans son ensemble.

Longtemps, la jurisprudence du Tribunal fédéral a eu tendance à considérer l'égalité formelle comme seul et unique critère et à négliger la question de l'égalité matérielle, sans nul doute plus difficile à juger. Ceci a conduit dans "4> Message du 14 novembre 1979 sur l'initiative populaire «pour l'égalité des droits entre hommes et femmes» dans FF 1980 I 147.

115) FF 199S n 363; message du Conseil fédéral du 24 février 1993; FF 1993 I 1163.

116) ATF 116 Ib 283; 114 la 330; 108 la 133.

"7> ATF 116 la 382.

897

certains cas à des désavantages pour les femmes. Lors de récentes décisions, le Tribunal fédéral a plus souvent tenu compte du fossé entre une interdiction formelle de discriminer et le principe de l'égalité118^. Il a par exemple décidé, concernant l'interdiction faite aux femmes de travailler de nuit et le dimanche, «que la simple non-application de l'interdiction permettrait seulement d'obtenir une égalité formelle entre les sexes, et ceci au moyen d'une détérioration de la position de la femme, sans que celle d'un homme ayant des devoirs de famille soit améliorée. Les conditions ne sont pas encore réalisées pour que l'homme puisse contribuer à l'éducation des enfants et au ménage commun. Et cela n'empêchera pas non plus qu'une femme puisse être exploitée comme main-d'oeuvre bon marché le dimanche. Seul le législateur est en mesure de réaliser en même temps l'égalité formelle entre les sexes et l'égalité effective dans le cadre du travail et de la famille.»119) L'application de l'article 4, 2e alinéa, de la constitution trouve à l'article 113, 3e alinéa, et à l'article 114bis, 3e alinéa, de la même constitution, une limite, puisque cette disposition interdit au Tribunal fédéral de contrôler la constitutionnalité des lois fédérales et des arrêtés fédéraux de portée générale. Face à une législation fédérale non égalitaire, le Tribunal fédéral possède ainsi uniquement une certaine possibilité de correction dans le cadre de l'interprétation conforme à la constitution. Le droit fédéral est toutefois soumis au contrôle de sa conformité avec le droit international public selon le principe qui veut que «le droit international l'emporte sur le droit national».12°) Comme on l'a déjà indiqué, la Suisse s'est engagée, aussi bien lors de l'adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme qu'en adhérant aux deux Pactes des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme, à garantir sans discrimination les droits de l'homme. L'article 26 du Pacte II postule que tous les hommes sont égaux devant la loi et qu'ils ont droit sans discrimination à la même protection juridique. La loi se doit d'interdire toute discrimination fondée sur la race, la couleur de la peau, le sexe, la langue, la religion, etc., et de pourvoir à une égale et efficace protection contre toutes les · discriminations au bénéfice de tous
les êtres humains. Tandis que l'article 3 du Pacte II assure l'égalité de traitement entre femmes et hommes dans l'exercice des droits civils et politiques garantis explicitement dans le Pacte, son article 26 postule un droit indépendant et général à l'égalité de traitement dont l'effet n'est pas limité aux droits prévus dans le Pacte121'. Le contenu et le domaine d'application de l'article 26 correspondent fondamentalement au principe d'égalité contenu dans l'article 4 de la constitution. En raison des dispositions de droit fédéral encore non égalitaires et afin d'égaliser le niveau de protection avec celui offert par l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, le Conseil fédéral s'est vu obligé lors de la ratification du Pacte II, en 1992, d'introduire une réserve aux termes de laquelle le principe de l'égalité de

"8) Voir Margrith Bigler-Eggenberger, Die bundesgerichtliche Rechtsprechung zu Artikel 4, Absatz 2 BV, Recht 1994, p. 3 ss.

ii9) ATF 116 Ib 284 consid. 7d); 116 Ib 298 consid. 7d).

20 ' > JAAC n° 54, eh. 12 à 14; ATF 118 Ib 281 consid. b); 118 la 480 consid. bb).

121 > Message sur l'adhésion de la Suisse aux deux Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits de l'homme et une modification de la loi fédérale d'organisation judiciaire, FF 1991 I 1140.

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traitement sera applicable uniquement relativement aux droits garantis dans le Pacte lui-même122^.

La loi sur l'égalité du 24 mars 1995123' va faciliter la mise en oeuvre judiciaire des revendications en matière d'égalité dans la vie professionnelle au bénéfice des femmes. Dès qu'une travailleuse peut rendre une discrimination vraisemblable, le fardeau de la preuve est à la charge de l'employeur ou de l'employeuse qui doit prouver avoir respecte l'interdiction de discriminer (art. 6). Le renforcement de la protection contre le licenciement à l'article 10 devrait permettre aux femmes de faire valoir leurs droits plus facilement. Parallèlement au droit individuel de plainte de chaque salariée, un droit de plainte est accordé à certaines organisations (art. 7).

La loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI), qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1993124\ a pour but d'améliorer la situation de la victime en général et sa position dans la procédure pénale en particulier. Les mesures suivantes ont facilité le recours à la justice surtout pour des femmes qui ont été victimes de violence: la victime peut exiger d'être entendue par une personne du même sexe qu'elle (art. 6, 3e al., LAVI), elle peut se faire accompagner d'une personne de confiance de son choix lorsqu'elle est interrogée par la police (art. 7, 1er al.) et, pour la protection de sa personnalité, elle peut refuser de déposer sur des faits qui concernent sa sphère intime. De plus, une confrontation entre la victime et le prévenu n'est plus obligatoire lors de l'instruction d'une infraction contre l'intégrité sexuelle (art. 5, 5e al.). Les victimes d'infractions contre l'intégrité sexuelle peuvent ensuite exiger que le tribunal appelé à juger comprenne au moins une personne du même sexe qu'elles (art. 10). En outre, la LAVI n'apporte pas seulement des améliorations dans le domaine de la procédure mais donne également aux victimes un droit à l'aide fournie par des centres de consultation qualifiés (art. 3) et - à certaines conditions - un droit à une aide matérielle (art. 11 ss). La loi sur l'aide aux victimes représente ainsi une mesure au sens de la Recommandation n° 19125) (violence contre les femmes) du Comité des Nations Unies.

Interdiction de tout acte et de toute pratique discriminatoires (let. d) Les Etats s'engagent
à s'abstenir d'actes ou de pratiques qui discriminent la femme. Ils doivent veiller à ce que toutes les autorités de l'Etat et les institutions publiques appliquent cette interdiction (let. d).

Au niveau fédéral, diverses mesures ont été prises au sens de la lettre d. On peut mentionner tout d'abord ici les efforts accomplis par la Confédération en vue d'éliminer les discriminations linguistiques. Sont considérées comme discriminatoires par exemple les désignations de poste et de fonction qui ne se trouvent que

122

> Message sur l'adhésion de la Suisse aux deux Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits de l'homme et une modification de la loi fédérale d'organisation judiciaire, FF 1991 I 1140.

123) FF 1995 u 363; message du Conseil fédéral du 24 février 1993, FF 1993 I 1163 ss.

124 > Loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions (RS 312.5).

125 > Recommandation générale n° 19 (11e session, 1992), publié in: Lars Adam Rehof, op. cit., p. 318 ss; 322.

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sous leur forme masculine alors que des femmes aussi ont été investies de fonctions équivalentes. Suite à une décision du Conseil fédéral du 7 juin 1993, l'égalité de traitement entre femmes et hommes a débuté dans le langage juridique et administratif126). Au chiffre 1 de la décision, on lit: «Pour les désignations de poste, de fonction et de profession ainsi que dans les textes de l'administration qui ne s'adressent pas à une personne précise (rapport, information écrite, etc.), le principe de l'égalité de traitement linguistique sera traduit dans les trois langues officielles en tenant compte toutefois des moyens linguistiques à disposition». Pour l'heure, les nouvelles dispositions traitées selon le principe de l'égalité de traitement linguistique concernent surtout l'allemand127'.

Dans l'administration fédérale, le Bureau de la condition féminine de l'Office fédéral du personnel existe depuis 198l128'. Les instructions du Conseil fédéral du 18 décembre 1991 concernant l'amélioration de la représentation et de la situation professionnelle du personnel féminin de l'administration générale de la Confédération requièrent d'encourager de façon ciblée les femmes dans les domaines de l'emploi, de la promotion, de la répartition des places de formation, de la formation continue, et postulent en plus d'encourager l'emploi à temps partiel (voir art. 7).

La loi fédérale sur les marchés publics du 16 décembre 1994129' oblige la Confédération, lorsqu'elle adjuge un marché public, de ne prendre en considération que le ou la soumissionnaire garantissant à son personnel l'égalité de traitement entre femmes et hommes, sur le plan salarial, pour les prestations fournies en Suisse (art. 8, 1er al., let. c). Divers cantons et communes exigent l'égalité au travers de dispositions correspondantes dans leur législation sur les soumissions et les marcù-és publics.

Interdiction aux personnes, organisations ou entreprises quelconques de discriminer les femmes (let. e) La Convention enjoint les Etats parties à prendre des mesures en vue d'éliminer la discrimination de la femme par les particuliers - l'article 2, lettre e, nomme explicitement une «personne, une organisation ou une entreprise quelconque».130' Beaucoup de femmes sont exposées à -des discriminations surtout dans leur vie privée, au travail et dans la
famille, ce qui limite fortement leur accès à une jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'égalité. Parmi ces discriminations se trouvent également toutes les formes de violence envers les femmes qui, parce qu'elles sont fortement ancrées dans la

126) Voir à ce sujet également le rapport de la commission de rédaction parlementaire, Formulation non sexiste des textes législatifs, du 22 septembre 1992, FF 1993 I 113 ss.

'"> Les PTT, les CFF et le Conseil de l'EPF sont invités à prendre des mesures dans leur domaine (ch. 6 de la décision).

128 > Article 76, lettre i), Règlement des fonctionnaires 1; RS 172.221.101.

129) FF 1994 y 1105 ss.

130 ' Theodor Meron, Human Rights Law-Making in thé United Nations, Oxford 1986, p. 59 s., comparaison avec l'interdiction de discriminer de la Convention internationale de 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, en vigueur en Suisse depuis le 29 décembre 1994. Voir aussi le message du 2 mars 1992, FF 1992 III 265 ss.

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société, sont à peine appréhendées comme infractions aux droits de l'homme et sont par conséquent dépourvues de sanction131'.

Le principe de l'égalité des sexes de l'article 4, 2 e alinéa, de la constitution n'est pas seulement limité aux rapports entre l'individu et l'Etat. Il a également des répercussions sur les relations des particuliers entre eux132'. L'article 4, 2e alinéa, deuxième phrase, oblige le législateur à pourvoir à l'égalité entre femmes et hommes, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail. Il s'agit là principalement de domaines touchant les rapports entre particuliers133'. Le législateur a déjà agi de diverses façons en ce sens. Ainsi, lors de la révision du droit matrimonial entrée en vigueur en 1988, il a réglé de façon en principe égalitaire les relations entre époux et largement éliminé les dispositions qui constituaient une discrimination à l'égard de la femme. Ensuite, la troisième phrase de l'article 4, 2e alinéa, de la constitution - «Les hommes et les femmes ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale» - est directement applicable aux particuliers comme aux autorités. En outre, la loi sur l'égalité contient une interdiction de discriminer dans la vie professionnelle valable pour tous les rapports de travail régis tant par le droit public que par le droit privé.

D'autres mesures sont à disposition de l'Etat pour influencer le comportement des particuliers, telles que la sensibilisation et l'information. L'Etat peut notamment, comme le prévoit l'article 8 de la loi fédérale susmentionnée sur les marchés publics, inciter les particuliers à un comportement non discriminatoire.

Modification ou abrogation de toute loi, disposition réglementaire, coutume et pratique discriminatoires (let. f) La lettre f exige que soient prises toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, en vue de la modification ou de l'abrogation de toute disposition légale, réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à rencontre des femmes. La Convention accorde en général un rôle important à l'élimination de tous les préjugés sur les rôles stéréotypés de l'homme et de la femme dans le combat contre toutes les formes de discrimination à l'égard de la femme. Des représentations dépassées handicapent les
femmes dans divers domaines. C'est à cause d'elles en particulier que, dans maintes situations, les femmes sont encore en retard par rapport aux hommes. Ces représentations sont souvent profondément ancrées dans les mentalités, de sorte que le simple fait d'interdire un comportement discriminatoire n'est que peu suivi d'effet. L'égalité entre femmes et hommes nécessite une prise de conscience. Cette exigence fondamentale de la Convention est consacrée, outre à l'article 2, lettre f, par l'article 5. Elle est renforcée à l'article 10, lettre c, pour le domaine de l'éducation.

Dans ce contexte, il est prévu en outre que les Etats agissent afin que la maternité soit reconnue comme une fonction sociale et soit respectée en conséquence. Les

131

> Recommandation générale n° 19 (11e session, 1992): Violence against Women, publié in: Lars Adam Rehof, op. cit., p. 318 ss. Voir aussi le chiffre 213 ci-dessus.

132 > Message du 14 novembre 1979 sur l'initiative populaire «pour l'égalité des droits entre hommes et femmes», FF 1980 I 131.

133) FF 1980 1 147 59 Feuille fédérale. 147" année. Vol. IV

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hommes doivent prendre la même part de responsabilité pour l'éducation des enfants que les femmes. Ce principe figure d'ores et déjà au paragraphe 3 du préambule. Il est clairement établi ici, de même qu'à l'article 5, lettre b, que l'égalité entre hommes et femmes ne peut être réalisée que si l'éducation des enfants est reconnue comme une fonction que l'homme et la femme, tout comme l'ensemble de la société, doivent se partager.

Une motion votée en 1980, suite à l'adoption du contre-projet à l'initiative populaire «pour l'égalité des droits entre hommes et femmes», a entraîné l'élaboration du rapport sur le programme législatif «Egalité des droits entre hommes et femmes» du 26 février 1986134', qui représente un inventaire exhaustif du droit fédéral discriminatoire. Une partie des lois y figurant a été modifiée depuis lors. On mentionnera surtout la révision du droit matrimonial (effets généraux du mariage et régime matrimonial)135), du statut des fonctionnaires136', de la loi sur la nationalité137' et de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers138'. Au niveau fédéral, il subsiste encore diverses inégalités de traitement, surtout dans le droit du travail, dans le droit des assurances sociales et dans le droit fiscal139'. La révision en cours du droit du divorce est également confrontée à des questions d'égalité140'. A l'avenir, il faudra aussi être attentif, lors de l'introduction de nouvelles règles ou de la création de nouvelles institutions, à l'impact qu'elles auront sur la condition de la femme afin d'éviter que de nouvelles formes de discrimination indirecte ne se glissent à nouveau dans les lois et les ordonnances.

Parmi les autres mesures «appropriées» au sens de l'article 2, lettre f, ayant pour but la modification ou l'abrogation de lois, de coutumes ou de pratiques, il faut mentionner la création d'institutions qui se consacrent à la problématique de l'égalité et ont pour tâche de promouvoir celle-ci dans les rapports entre femmes et hommes. Au niveau fédéral, le Conseil fédéral a créé en 1976 la Commission fédérale pour les questions féminines, une commission extraparlementaire permanente, formée de représentantes et représentants des associations de femmes, des partenaires sociaux et des milieux scientifiques. Elle a une fonction consultative (rédiger des avis, mettre au point des recommandations et des demandes à l'intention du Conseil fédéral ou des départements). Elle exerce aussi une

134

> FF 1986 I 1132 ss "S) 50 et 6e titres du code civil, loi fédérale du 5 octobre 1984, en vigueur depuis le 1er janvier 1988, RS 210 136 > Loi fédérale du 19 décembre 1986, en vigueur depuis le 1" juillet 1987, RS 172.221.10 137 > Loi fédérale du 23 mars 1990, en vigueur depuis le 1er janvier 1992, RS 141.0 138 > Loi fédérale du 26 mars 1931, en vigueur depuis le 1er janvier 1934, RS 142.20 139 > Voir à ce sujet le Rapport national suisse pour la 4e Conférence mondiale des femmes à Pékin en 1995, décembre 1994, p. 13 ss.

140 > Rapport de la Commission fédérale pour les questions féminines, Effets juridiques du nouveau droit matrimonial, novembre 1991, surtout p. 187 ss (mais voir aussi la critique à cet égard de Heinz Hausheer, Gesichtspunkte bei der Regelung des ehelichen und nachehelichen Unterhalts, in: Festschrift zum 60. Geburtstag von Bundesrat Arnold Koller, Berne/Stuttgart/Vienne 1993, p. 287 ss); voir aussi Ruth Reusser, Die Gleichstellung von Mann und Frau im neuen Scheidungsgesetz, in: Festschrift für Margrith Bigler-Eggenberger, Baie/Francfort 1993, p. 281 ss.

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fonction de contrôle (observation du développement de l'égalité, suivi des mesures adoptées et rapport périodique au Département fédéral de l'intérieur).

Sur le plan fédéral comme au niveau cantonal et communal, plusieurs bureaux de l'égalité ont vu le jour dès 1979, avec des compétences diverses. Le Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes, qui travaille depuis 1988, se voit confier la tâche de promouvoir l'égalité entre femmes et hommes dans tous les domaines, et de contribuer à l'élimination de toute forme de discrimination directe ou indirecte. Le Bureau fédéral prépare des actes normatifs et des mesures que la Confédération édicté aux fins de promouvoir et de garantir l'égalité entre femmes et hommes. Il collabore avec des bureaux cantonaux et communaux ainsi qu'avec des organismes qui assument des tâches analogues, et conseille particuliers et autorités sur des questions d'égalité entre femmes et hommes. Il émet des recommandations et demande ou établit des expertises. Une autre fonction très importante réside dans son travail de relations publiques: il donne régulièrement des informations sur ses activités, sur la réalisation du programme législatif «l'égalité des droits entre hommes et femmes», ainsi que sur la situation effective quant à l'égalité entre femmes et hommes. Le Bureau peut exiger de tous les services de l'administration fédérale les informations dont il a besoin pour accomplir son travail. Lors du traitement d'affaires qui touchent à l'égalité, les unités administratives de la Confédération sont tenues d'associer le Bureau à leurs travaux141).

Dispositions pénales discriminatoires (let. g)

La lettre g précise la lettre f en ce qui concerne le droit pénal. Toute disposition interne de droit pénal qui représente une discrimination à rencontre des femmes doit être abrogée.

On ne constate aucune disposition fédérale de ce genre quant au fond. Des inégalités de traitement dans les réglementations cantonales de procédure pénale et d'exécution des peines seraient de toute façon contraires à l'article 4, 2e alinéa, de la constitution142'.

En résumé, il résulte de ce qui précède que l'article 2 de la Convention ne contient aucune obligation pour la Suisse allant au-delà de celles contenues dans l'article 4, 2e alinéa, de la constitution.

322

Droits de l'homme et libertés fondamentales .(art. 3)

Les Etats parties prennent dans tous les domaines, particulièrement en matière politique, sociale, économique et culturelle, toutes les mesures appropriées, y compris sur le plan législatif, en vue d'assurer l'épanouissement et la promotion de la femme, et de lui garantir l'exercice et la jouissance des droits de l'homme et 141

> Ordonnance sur le Bureau de l'égalité entre femmes et hommes du 24 février 1988, RS 172.212.11; voir aussi la loi fédérale sur l'égalité du 24 mars 1995^ article 16, 2e alinéa, lettre e, FF 1995 II 368.

142 > Voir le rapport du 26 février 1986 sur le programme législatif «Egalité des droits entre hommes et femmes», FF 1986 I 1171 ss.

903

des libertés fondamentales au même titre que l'homme. L'article 3 appelle ainsi explicitement des mesures visant à établir une égalité matérielle des chances et à surmonter les désavantages sociaux de la femme. L'égalité formelle à elle seule ne permettra pas d'atteindre ces buts.

En Suisse, l'article 4, 2e alinéa, deuxième phrase, de la constitution fournit les bases pour des mesures étatiques visant à créer l'égalité des chances pour la femme et pour l'homme143'. Le Conseil fédéral a expliqué dans son programme législatif «Egalité des.droits entre hommes et femmes» de 1986 que, selon l'article 4, 2e alinéa, de la constitution, le sexe ne pouvait plus fonder une différence de traitement. «Mais dans certains cas, il ne suffit pas d'énoncer le principe de l'égalité dans la loi pour éliminer les inégalités dans un délai convenable; il peut donc s'avérer nécessaire de prévoir des solutions transitoires, qui permettent de prendre des mesures particulières en faveur de l'un des deux sexes. L'égalité de droit n'est pas un but en soi; c'est un moyen de donner aux hommes et aux femmes les mêmes possibilités de s'épanouir au sein de notre société.»144' De telles mesures ne sont en règle générale synonymes ni de discrimination pour les hommes ni de détérioration de leur situation juridique, mais signifient tout au plus l'élimination «d'avantages et de privilèges de faits».145' La Confédération a déjà agi en ce sens. On peut citer à titre d'exemple l'arrêté fédéral instituant des mesures spéciales visant à encourager la relève universitaire durant les années 1992 à 1995146'. Dans le but d'augmenter de manière durable le nombre de femmes dans le corps enseignant, l'article 3 de l'arrêté fédéral prévoit qu'un tiers au moins des places financées doivent être occupées par des femmes.

323

Mesures spéciales de caractère temporaire (art. 4, par. 1)

A son article 4, la Convention déclare expressément admissibles toutes les mesures spéciales de caractère temporaire qui visent à conduire plus rapidement à l'égalité effective de l'homme et de la femme. De telles mesures spéciales ne représentent en soi aucune discrimination tant qu'elles n'ont pas pour conséquence de cimenter des normes existantes inégales ou distinctes. L'article 4 prescrit comme autre condition que les mesures spéciales doivent être levées dès lors que leur but - égalité des chances et de traitement - est atteint. Une telle disposition figure déjà à l'article 1er, paragraphe 4, de la Convention de 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes s'est penché, lors de sa 7e session en 1988, sur la nécessité de prendre des mesures spécifiques afin de parvenir à une égalité effective de la femme et de l'homme. Il a demandé aux Etats membres d'utiliser plus souvent la possibilité de mettre en place des mesures spéciales pour une durée limitée. Plus précisément, il a constaté

143

> ATF 116 Ib 283.

) Voir le rapport du 26 février 1986 sur le progamme législatif «Egalité des droits entre hommes et femmes», FF 1986 I 1139 s.

I45 > Voir à ce sujet Katharina Arioli, op. cit., p. 70 (voir à la note 76).

146 > Du 30 janvier 1992, RS 414.204 144

904

que l'on pouvait également entendre par mesures positives des traitements préférentiels ou des systèmes de quotas visant à favoriser l'intégration des femmes dans les domaines de l'éducation, de l'économie, de la politique et de la vie professionnelle147).

Comme on l'a exposé au chiffre 322, des mesures spéciales tendant à la promotion de la femme sont admissibles et même nécessaires selon l'article 4,2 e alinéa, de la constitution. Le mode et l'importance des mesures étatiques dépendront, selon les cas, de l'équilibre entre l'intérêt, d'une part, à promouvoir l'égalité entre femme et homme, c'est-à-dire à réaliser l'égalité des chances, et, d'autre part, à respecter l'égalité de traitement au sens formel148'. Ce devoir est exprimé à l'article 3, 3e alinéa, de la loi sur l'égalité, selon lequel «ne constituent pas une discrimination les mesures visant à promouvoir dans les faits l'égalité entre femmes et hommes, dans la mesure où elles paraissent appropriées»149'.

324

Mesures spéciales en faveur de la maternité (art. 4, par. 2)

Le paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention constate que des mesures de protection spéciale en faveur de la maternité ne sont pas considérées comme discriminatoires. La protection de la maternité requiert une réglementation spéciale tant qu'il s'agit de la maternité au sens strict du terme, c'est-à-dire des aspects biologiques de la grossesse, de la naissance et de l'allaitement. D'autres mesures de protection liées à la fonction de la femme en tant que mère au sens large du terme, ou qui touchent toutes les femmes du seul fait de leur capacité biologique à être mère, ne sont par contre pas compatibles avec les objectifs et les buts de la Convention150'.

Les dispositions d'ores et déjà contenues dans l'ordre juridique suisse pour la protection des femmes enceintes, des accouchées et des mères qui allaitent leur enfant, ne sont pas en contradiction avec la Convention (voir à ce propos l'art. 11, 1er al., let. f).

33 33.1

Les autres dispositions de la Convention en détail et l'ordre juridique suisse Elimination des rôles stéréotypés (art. 5)

A son article 5, la Convention enjoint les Etats parties à prendre des mesures en vue de provoquer une évolution dans les schémas de comportement sociaux et culturels de la femme et de l'homme pour parvenir ainsi à dépasser les préjugés et les pratiques traditionnelles basées sur la représentation de l'infériorité ou de la 14?

) Recommandation générale n° 5 (7e session, 1988) publié in: Lars Adam Rehof, op. cit., p. 308.

148 > Jörg Paul Müller, Die Grundrechte der schweizerischen Bundesverfassung, Berne 1991, p.

310.

149 > Message concernant la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes du 24 février 1993, FF 1993 I 1212.

150) Theodor Meron, op. cit. p. 73 s.

905

supériorité de l'un ou l'autre sexe ou sur le partage stéréotypé des rôles féminins et masculins. La lettre b demande aux Etats parties qu'ils s'efforcent de contribuer à ce que la fonction sociale du travail au foyer et des soins voués aux enfants soit dûment reconnue. Il faut viser à ce que l'éducation et le développement des enfants soient reconnus comme des tâches incombant en commun à l'homme et à la femme. A cet égard, c'est le bien-être de l'enfant qui est déterminant: la Convention dispose en effet que l'intérêt des enfants doit être dans tous les cas considéré comme prioritaire.

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a souligné la signification de l'article 5 en rapport avec le problème de la violence envers les femmes151'. Il a, entre autres, indiqué que la propagation et la représentation de la pornographie et d'autres formes de commercialisation des femmes en tant qu'objet sexuel, ainsi que la perte d'identité et la réduction de la femme à l'état d'objet, qui en découlent, contribuent fortement à augmenter la violence contre les femmes.

Le Conseil fédéral a indiqué dans son message sur l'initiative populaire «pour l'égalité des droits entre femmes et hommes» du 14 novembre 1979, que «le fait déterminant, à l'origine de ces pratiques discriminatoires, est l'idée, encore répandue, que l'homme et la femme ont, dans la société, des rôles différents à remplir et que leur éducation et leur instruction doivent être en conséquence»152'.

Un pas décisif dans l'élimination des préjugés existants a été accompli au niveau législatif avec l'entrée en vigueur en 1988 de la révision du droit matrimonial.

Alors que l'ancien droit matrimonial partait d'une répartition des rôles rigide et d'une position subalterne de la femme - la loi prescrivait que, dans le mariage, l'homme était le chef de la famille et la femme devait tenir le ménage -, on ne trouve plus aucune allégation de ce type dans le droit matrimonial en vigueur aujourd'hui. Selon l'article 163 du code civil, l'homme et la femme conviennent «de la façon dont chacun apporte sa contribution, notamment par des prestations en argent, son travail au foyer, les soins qu'il voue aux enfants ou l'aide qu'il prête à son conjoint dans sa profession ou son entreprise». Au sens de la lettre b, les époux s'obligent dans
l'article 159, 2e alinéa, du code civil, à s'occuper en commun des enfants. L'intérêt des enfants est aussi primordial dans le droit suisse de la famille et toute intervention de l'Etat doit se mesurer au bien-être de l'enfant (art.

301 et 307 CC).

Certes, les préjugés existants n'ont pu jusqu'à présent être entièrement éliminés.

Les relations effectives n'évoluent que lentement. Indépendamment des conditions structurelles, des clichés dépassés sur la répartition des rôles empêchent encore de parvenir, dans la sphère privée, à un partage des tâches correspondant à la réalité de l'égalité entre les sexes153'. Beaucoup d'activités exercées par des femmes ne sont encore et toujours pas reconnues comme allant de soi dans la vie professionnelle, dans la vie publique (politique et associative) ou dans le domaine de la culture. Les femmes qui choisissent des professions traditionnellement 'Si) Recommandation générale 19 (11e session, 1992): Violence against Women, publié in: Lars Adam Rehof, op. cit., p. 318 ss. Voir ch. 213 ci-dessus.

152 > FF 1980 I 83 153 > Office fédéral de la statistique, Vers l'égalité?, Berne 1993, p. 54.

906

masculines, ou qui s'élèvent dans la hiérarchie jusqu'à des postes élevés, se heurtent toujours à divers préjugés et à certains obstacles. Dans plusieurs domaines, les réglementations sont toujours étayées sur le modèle classique du partage des rôles régissant l'ancien droit matrimonial, selon lequel l'homme subvient aux besoins de la famille et la femme s'occupe du ménage et prend soin des enfants. Cela vaut tout particulièrement en droit des assurances sociales et en droit fiscal.

Dans diverses publications et recherches, la Commission fédérale pour les questions féminines a effectué un travail de sensibilisation au sens de l'article 5 de la Convention. En 1982 déjà, dans son rapport intitulé «Biographies et rôles»154', elle a dressé dans un catalogue la liste de toutes les mesures à prendre en vue d'éliminer les représentations surannées qui sont synonymes pour les femmes d'une réduction substantielle de leurs chances. Ce document fut suivi en 1987 du rapport «Femmes et hommes: faits, perspectives, utopies». Quant au rapport de juin 1995, «Des acquis - mais peu de changements? La situation des femmes en Suisse», il fournit un survol actuel des obstacles qui demeurent sur le chemin menant à l'égalité.

L'article 5 ne contient pas d'indications concrètes quant aux méthodes à utiliser pour accélérer la prise de conscience155'. Comme il s'agit sans nul doute d'une tâche qui concerne l'ensemble de la société, il enjoint tous les organes officiels, aussi bien fédéraux que cantonaux et communaux, chacun dans son domaine d'activité, d'agir en vue d'éliminer les préjugés et les comportements stéréotypés existants, et surtout de poursuivre les mesures prises dans le domaine de l'éducation en vue d'éliminer le caractère unilatéral des rôles tant chez les filles que chez les garçons156'. Il faut encourager la recherche dans le cadre des efforts tendant à mettre en évidence les mécanismes souvent inconscients, ainsi que les voies à suivre en vue de leur élimination. Un premier pas important a été fait à cet égard avec le Programme national de recherche «Femmes, droit et société - voies vers l'égalité» (PNR 35). Par ailleurs, la manière de représenter la femme et le traitement des questions féminines par les médias influencent durablement l'image de la femme. La responsabilité des médias intervient surtout
concernant la représentation de la violence envers les femmes. Les productions médiatiques ont tendance à souligner les aspects sexuels de la violence envers les femmes et à négliger les conditions sociales et politiques qui sont le terreau du recours à la violence157'. Elles empêchent ainsi une nécessaire remise en question quant aux raisons de la violence et aux mesures à prendre pour la combattre. Alors que la loi fédérale sur la radio et la télévision158' ne contient aucune disposition concernant

154

> La situation de la femme en Suisse, IIe partie, janvier 1982.

> Voir cependant la Recommandation générale 3 (6e session, 1987), publié in: Lars Adam Rehof, op. cit., p. 307 ss.

156) Voir ci-après à l'article 10.

157 > Voir le rapport de la délégation suisse à la 3e Conférence ministérielle européenne sur l'égalité entre les femmes et les hommes, Rome, 21 et 22 octobre 1993 «Les causes de la violence à l'égard des femmes: le rôle des médias.» et le rapport final de la conférence: «Stratégies pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes dans la société: médias et autres moyens», Déclarations et Résolutions, MEG-3(93)22.

158) Du 21 juin 1991, RS 784.40

155

907

une grille de programmes traitant équitablement l'un et l'autre sexe, des directives sur les programmes figurent à l'article 7 de la Convention européenne sur la télévision transfrontière du 5 mai 1989159) qui, sans traiter directement l'aspect féminin, permettent de tenir compte des exigences de la Convention. Ainsi toutes les émissions d'un programme doivent, par leur présentation et leur contenu, respecter la dignité de la personne humaine et les droits fondamentaux d'autrui.

Elles ne doivent pas être contraires aux bonnes moeurs et, notamment, ne pas contenir de pornographie, ni mettre la violence excessivement en valeur.

33.2

Abolition du trafic des femmes et de l'exploitation de la prostitution (art. 6)

Selon l'article 6, les Etats parties doivent prendre toutes les mesures appropriées, y compris des mesures législatives, afin d'abolir toute forme de trafic des femmes et d'exploitation de la prostitution.

Le trafic des femmes et la prostitution forcée sont parmi les formes de discrimination à l'égard des femmes les plus honteuses et les plus dégradantes. Elles avilissent la femme, la réduisent au rang de simple objet sexuel et de marchandise monnayable, et signifient pour les femmes concernées la perte de leurs droits les plus élémentaires et une vie réduite à l'esclavage. Les problèmes économiques sont une des raisons principales de l'ampleur actuelle du trafic des femmes et de l'exploitation de la prostitution. Beaucoup de femmes et de jeunes filles émigrent vers les grands centres dans l'espoir d'y trouver un travail et un revenu: elles y sont souvent victimes de trafiquants d'êtres humains sans scrupules.

Sur le plan international, divers traités sont entrés en vigueur depuis le début du siècle, qui ont pour but de combattre cette forme d'exploitation 160\ En outre, les divers traités pour l'abolition de l'esclavage et du travail forcé sont importants dans ce contexte161'. Dans les années 80, une nouvelle initiative visant à imposer l'interdiction de la traite des femmes et de l'exploitation de la prostitution est partie du Conseil économique et social de l'ONU (ECOSOC). Ce dernier priait toutes les organisations de l'ONU (UNESCO, Organisation mondiale du touI59

> En vigueur en Suisse depuis le 1« juillet 1993; RS 0.784.405 > Arrangement international du 18 mai 1904 en vue d'assurer une protection efficace contre le trafic criminel connu sous le nom de traite des blanches, RS 0311.31; Convention internationale du 4 mai 1910 relative à la répression de la traite des blanches, RS 0.311.32; Convention internationale du 30 septembre 1921 pour la suppression de la traite des femmes et des enfants, RS 0.311.33; Convention internationale du 11 octobre 1933 relative à la répression de la traite des femmes majeures, RS 031134; Convention internationale pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution du 2 décembre 1949. Voir pour la création et la signification de la Convention Laura Reana, Prostitution as a Human Rights Question: Problem and Prospects of United Nations Action, Human Rights Quarterly 1991, p. 207 ss.

161 > Cette Convention de 1926 relative à l'esclavage a été modifiée par le protocole du 7 décembre 1953; voir aussi la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage du 7 septembre 1956 (RS 0.31137, plus spécifiquement 0311371). La Suisse a de plus ratifié les Conventions de TOIT n° 29 du 28 juin 1930 sur le travail forcé (RS 0.822.713.9) et n° 105 du 25 juin 1957 sur l'abolition du travail forcé (RS 0.822.720.5).

I60

908

risme, etc.) de réprimer les abus existants dans leur domaine d'activité. Le Centre des droits de l'homme de l'ONU à Genève fut alors chargé de coordonner ces efforts162'. M. Vitit Muntarbhorn, rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, s'occupe tout spécialement de la traite d'enfants, de la prostitution enfantine et de la pornographie enfantine. De même, l'Organisation internationale du travail (OIT) s'est occupée du problème de la prostitution enfantine dans le cadre du travail des enfants163'. Au Conseil de l'Europe, divers efforts ont été entrepris dans la lutte contre la traite des femmes et l'exploitation de la prostitution164'.

L'article 6 de la Convention pour l'élimination de la discrimination à l'éga/d des femmes contient uniquement une obligation générale de lutter contre toute forme de traite des femmes ou d'exploitation dé la prostitution. Il apparut, lors de l'élaboration de la Convention, que cette forme de discrimination avait d'ores et déjà trouvé une réglementation juridique suffisante dans les conventions susmentionnées165'. On se référa surtout à la Convention adoptée en 1949 au sein de l'ONU pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution, convention à laquelle la Suisse n'a jusqu'ici pas adhéré.

En Suisse, la traite des femmes et l'exploitation de la prostitution intéressent l'opinion publique, en particulier sous la forme du commerce des «gogo girls» et des prostituées, des mariages par catalogues et vidéos interposés et du tourisme sexuel. Nombre de femmes des pays les plus pauvres sont appâtées par la promesse d'une place de travail (p. ex. comme jeune fille au pair) ou d'un mariage, et sont ensuite contraintes à la prostitution. L'ampleur du trafic impliquant la main-d'oeuvre féminine étrangère n'a pour ainsi dire pas été étudiée en Suisse.

Le titre 5 du code pénal suisse (Infractions contre l'intégrité sexuelle) contient différentes dispositions qui interdisent sous peine de sanctions la traite des femmes et l'exploitation de la prostitution. L'article 196 du code pénal, selon lequel sera puni de la réclusion ou de l'emprisonnement pour six mois au moins celui qui, pour satisfaire les passions d'autrui, se sera livré à la traite d'êtres humains166', est à cet égard primordial. L'article 195 punit de
la réclusion pour dix ans au plus ou de l'emprisonnement l'exploitation d'actes sexuels et l'encouragement de la prostitution. D'autres formes répréhensibles de commerce impliquant des êtres humains, par exemple de la main-d'oeuvre étrangère, sont punissables au sens du titre 4 du code pénal (Crimes ou délits contre la liberté, art. 180 ss CP).

La poursuite pénale est fondamentalement du ressort des cantons. De même, l'attribution d'autorisations pour artistes, par le truchement desquelles une partie

162

' E.S.C. Res. 1983/30, Lutte contre la traite des êtres humains et l'exploitation de la prostitution d'autrui, U.N. Doc. E/1983/INF.6 (1983).

> Voir aussi la Recommandation 1065 (1987) de la réunion parlementaire du Conseil de l'Europe.

i") Voir les recommandations du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe du 9 septembre 1991, Recommandation n° R(91)ll, L'exploitation sexuelle, la pornographie, la prostitution ainsi que le trafic d'enfants et de jeunes adultes; voir aussi note 47.

165 > Lars Adam Rehof, op. cit., p. 90.

166 > En vigueur depuis le 1« octobre 1992 (RS 311.0).

163

909

des femmes arrivent en Suisse167), est de la compétence des cantons168'. Différents services fédéraux sont cependant impliqués pour soutenir les cantons lors de la poursuite pénale et, plus généralement, pour prévenir les différents abus.

L'Office central pour la répression de la traite des femmes et des enfants du Département fédéral de justice et police encourage la collaboration internationale lors de poursuites pénales dans le domaine du trafic des femmes, en participant activement au groupe de travail d'Interpol, à Lyon, qui traite des infractions dans ce domaine. Cette unité du Département fédéral de justice et police reçoit aussi directement des autorités policières de différents pays (entre autres du Sri Lanka, des Philippines et de Thaïlande), des informations concernant des citoyens suisses qui sont susceptibles de sanctions dans le cadre du tourisme sexuel. Il les dirige vers lés autorités d'instruction cantonales responsables. Cependant, cet échange d'informations n'est pas régulier et il n'existe aucune obligation de les faire suivre.

Afin de dénoncer le proxénétisme et la prostitution organisée internationale, il est indispensable que pour vérifier les demandes de visas, les organes consulaires et policiers disposent des informations nécessaires et collaborent au niveau international. La traite d'êtres humains à des fins de prostitution peut être freinée par l'obligation du visa mais jamais complètement éradiquée. Ce problème est à considérer dans le cadre plus général des migrations illégales et non contrôlées.

Afin de mieux satisfaire les besoins en information et en coordination sur le plan national et international, une nouvelle unité a été créée à l'Office fédéral des étrangers à la mi-1993: la section migration, sécurité intérieure et stratégies.

L'initiative des mesures visant à informer et à sensibiliser l'opinion publique, de même qu'à protéger les femmes étrangères, est surtout le fait du groupe de travail «traite des femmes, tourisme sexuel et prostitution» qui, sous l'égide du Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes, a entrepris ce travail en 1990. Grâce à une large campagne de sensibilisation de l'opinion publique, il a donné des informations en collaboration avec l'Office fédéral de la santé publique sur les tenants et aboutissants, ainsi que sur les causes
du tourisme sexuel et, dans son rapport de 1991 intitulé «tourisme-prostitution-sida», il a proposé des mesures spécifiques. Dans le cadre du programme de formation et de formation continue pour le personnel diplomatique et consulaire du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), des représentantes du groupe de travail donnent ainsi régulièrement des informations sur ces questions. La collaboration avec les ambassades de Suisse dans les pays qui sont particulièrement confrontés au tourisme sexuel et à la traite des femmes à des fins de prostitution se fait par l'intermédiaire de la Section de la politique des droits de l'homme du DFAE, qui est représentée dans le groupe de travail.

167

> Fin mars 1995, 2068 danseuses étrangères ont été autorisées, dont 43 pour cent étaient originaires de pays européens, 50 pour cent d'Etats africains, arabes ainsi que d'Amérique centrale et du sud et 7 pour cent d'Etats asiatiques.

168) Article 13, lettre c, de l'ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986, RS 823.21; une révision de cette ordonnance est actuellement en cours.

910

La lutte effective contre le trafic des femmes et l'exploitation de la prostitution exige à l'avenir une amélioration de la protection des victimes169). Dans ce contexte, on discute notamment de mesures qui permettent aux femmes étrangères concernées de faire valoir leurs droits.

33.3

Elimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes dans la vie politique et publique (art. 7)

L'article 7 de la Convention vise la discrimination à l'égard des femmes dans la vie politique et publique du pays. Les Etats parties doivent en particulier assurer aux femmes des droits égaux à ceux des hommes en matière de droit de vote et d'éligibilité, d'accès aux emplois et fonctions publics et de participation aux organisations et associations non gouvernementales s'occupant de la vie publique et politique du pays.

Les mêmes droits sont garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, auquel la Suisse a adhéré le 18 juin 1992170). En effet, l'article 25, en liaison avec l'article 3 du Pacte, garantit le droit égal des hommes, et des femmes de prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis, de voter et d'être élu, ainsi que d'accéder aux fonctions publiques de leur pays.

La phrase introductive de l'article 7 paraît avoir avant tout un caractère de programme. Toutefois, le reste de l'article 7, plus particulièrement les lettres a et b, semble revêtir un caractère contraignant et être suffisamment précis pour produire un effet direct et s'appliquer comme tel à un cas d'espècelir>. Quoi qu'il en soit, ce droit est d'ores et déjà reconnu en Suisse, notamment en vertu de l'article 25 du Pacte II de l'ONU.

Les articles 4 et 74 de la constitution consacrent déjà l'égalité des droits politiques entre hommes et femmes. L'article 74,1er alinéa, garantit en particulier les mêmes droits et les mêmes devoirs aux Suisses et aux Suissesses en matière d'élections et de votations fédérales. L'article 74, 4e alinéa, réserve le droit cantonal pour les votations et élections cantonales et communales. Dans un arrêt du 27 novembre 1990172', le Tribunal fédéral a cependant jugé que l'article 74, 4e alinéa, de la constitution ne permet pas de faire obstacle au principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes garanti par l'article 4, 2e alinéa, de la constitution. Ainsi, en vertu de cet article, le principe de l'égalité entre hommes et femmes s'applique également en matière de droits politiques cantonaux et communaux.

En dépit de cette égalité formelle, les femmes sont encore nettement sousreprésentées parmi les élus. La Convention invite les Etats parties non seulement à garantir cette égalité formelle, mais aussi à prendre toutes les mesures appropriées afin d'éliminer les discriminations à l'égard des femmes dans la vie

ira) Voir aussi les explications faites concernant la loi sur l'aide aux victimes d'infractions dans le ch. 321.

17 °) RS 0.103.2 "') Cf. ATF 112 Ib 184; FF 1988 III 332; 1991 I 1142.

"2) ATF 116 la 359, c. 9, p. 377.

911

politique et publique du pays et d'assurer le progrès des femmes dans ce domaine (art. 3). La Convention ne précise cependant pas quelles mesures doivent être prises et laisse par conséquent une grande marge de manoeuvre aux Etats parties.

Dans le cadre de ses directives touchant les commissions173', le Conseil fédéral s'est déjà attaché à renforcer la participation des femmes à l'élaboration de la politique de l'Etat et à son exécution, en améliorant leur représentation dans les commissions de l'administration. Les directives prévoient en particulier que la proportion de femmes dans les commissions extra-parlementaires devrait atteindre 30 pour cent au moins; à long terme, les directives visent une représentation paritaire des deux sexes. La Convention n'exige pas l'instauration de quotas dans les autorités politiques, mais au regard de l'article 4, paragraphe 1, de telles mesures ne seraient pas contraires à la Convention. Ainsi, si l'initiative populaire fédérale «Pour une représentation équitable des femmes dans les autorités fédérales» (initiative du 3 mars)174' devait être adoptée par le peuple et les cantons suisses, cela ne poserait pas de problème particulier au regard de la Convention.

Le statut des fonctionnaires175' traite les deux sexes formellement de manière égale en ce qui concerne la nomination en qualité de fonctionnaire et l'engagement. En date du 18 décembre 1991, le Conseil fédéral a édicté des instructions concernant l'amélioration de la représentation et de la situation professionnelle du personnel féminin de l'administration générale de la Confédération176'. Ces instructions stipulent, par exemple, que tous les postes mis au concours doivent être désignés au féminin et au masculin et que le texte doit être rédigé de telle manière qu'il interpelle les deux sexes. Pour concrétiser ces instructions, la Chancellerie fédérale, les secrétariats généraux et les offices fédéraux établissent des programmes de promotion pour une période de quatre ans. Au terme de chaque période, les secrétariats généraux et les offices fédéraux font rapport sur l'observation de leurs programmes et sur les obstacles rencontrés lors de leur réalisation, ainsi que sur toute mesure supplémentaire. Quant aux fonctions et emplois publics cantonaux et communaux, des conditions égales d'accès doivent être
garanties aux hommes et aux femmes sous peine de violer l'article 4,2 e alinéa, de la constitution. En outre, la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995177' interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, que ce soit directement ou indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou, s'agissant de femmes, leur grossesse (art. 3 LEg).

L'interdiction s'applique également aux agents de la fonction publique fédérale, cantonale et communale (art. 2 LEg). En cas de discrimination portant sur la création initiale des rapports de service, les personnes dont la candidature n'a pas été retenue pourront prétendre au versement d'une indemnité (art. 13 Leg).

L'article 7 de la Convention pourrait également trouver application en matière de service militaire et de service de protection civile. Plusieurs pays ont apporté une

173) FF 1992 u 709 174) FF 1993 m 386

175 > RS 172.221.10 176) pp 1992 n 603

177) FF 1995 II 363

912

réserve, lors de la ratification de la Convention, concernant la participation des femmes aux forces armées. L'armée suisse, contrairement à celles d'autres Etats, se caractérise par un système de milice. Aux termes de l'article 18 de la constitution, seuls les hommes sont soumis à l'obligation de servir178). Les femmes peuvent toutefois s'engager sur une base volontaire (art. 3,1er al., loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire, LAAM, du 3 fév. 1995)179'. Or, dans le programme «Armée 95»180', les membres du Service féminin de l'armée sont incorporés de plein droit dans les troupes et les services auxiliaires dans lesquels ils accomplissent leurs obligations militaires. Les femmes ont, dans toute la mesure du possible, les mêmes droits et les mêmes obligations que les. militaires masculins (art. 3, LAAM)181). Néanmoins, le Conseil fédéral peut prévoir des exceptions. Ainsi, le principe selon lequel les femmes ne peuvent exercer de fonctions qui impliquent une utilisation des armes allant au-delà de la seule défense personnelle est maintenu182'. Il se justifie donc que la Suisse émette, comme l'Autriche, une réserve concernant l'utilisation des armes par les femmes.

Quant à la nouvelle loi fédérale sur la protection civile du 17 juin 1994 (LPCi), entrée en vigueur le 1er janvier 1995 IB3\ elle permet aux femmes de s'engager comme volontaires et d'accéder à toutes les fonctions, avec les mêmes droits et obligations que les personnes astreintes à servir (art. 21 LPCi).

Dans les cantons et les communes, l'obligation de servir dans la lutte contre les incendies doit, en vertu de l'article 4, 2e alinéa, de la constitution, être fixée dans les mêmes conditions pour les femmes et les hommes, sauf si une différence biologique liée au sexe l'exclut. Le Tribunal fédéral a dû à plusieurs reprises déterminer si l'obligation faite aux hommes de servir dans la lutte contre le feu ou, à défaut, de payer une taxe de remplacement, contrevient au principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes. Il a admis que des différences biologiques dues au sexe peuvent justifier une différence de traitement, lorsque le service du feu implique nécessairement l'affectation à des tâches particulièrement astreignantes sur le plan physique ou des risques importants pour la santé184'. La Convention ne remet
en tout cas pas en cause les différences de traitement liées à la condition biologique spécifique de la femme, puisque l'article 4, paragraphe 2, de la Convention réserve expressément les mesures prises en vue de protéger la maternité comme n'étant pas discriminatoires. En outre, l'article 11, paragraphe 1, lettre f, de la Convention charge les Etats d'assurer aux femmes, dans le domaine de l'emploi, le même droit à la protection de la santé qu'aux hommes, y compris la sauvegarde de la fonction de reproduction.

Quant au droit de participer aux organisations et associations non gouvernementales, il ne concerne que les associations privées s'occupant de la vie publique

TM> Sur l'interprétation de l'article 18 constitution, cf. FF 1980 I 130; JAAC 52/26 p. 144 ss.

179) FF 199S j 656

180) FF 1993 IV 36 181) FF 1995 I 656 i82)-pF 1993 IV 36 et 37 '83> RO 1994 2626 184 > ZB188/1987 306 ss; ZB1 89/1988 495 ss; ZB1 91/1990 275 ss; ZB1 92/1991418 ss; pour ce qui est de la conformité d'une telle réglementation à la CEDH, cf. affaire Karlheinz Schmidt c. Allemagne, arrêt du 18 juillet 1994, 12/1993/407/486, publié au vol. 291-B série A.

913

et politique du pays. Cette disposition vise en particulier les partis politiques. Si l'on consulte les travaux préparatoires à la Convention, on constate qu'il n'était pas dans l'intention des auteurs de la Convention de porter atteinte à la liberté d'association. Les associations non gouvernementales sont autonomes dans leur rayon d'action et libres de fixer dans leurs statuts les conditions d'admission.

Lorsque l'Etat est amené à approuver les statuts d'une association, il doit cependant refuser d'approuver des statuts discriminatoires à l'égard d'un des sexes185'.

En droit suisse, les associations sont libres de décider qui elles admettent comme membres et nul, homme ou femme, ne peut en principe revendiquer le droit de faire partie d'une association. Un refus d'admission ne doit cependant pas se fonder sur une disposition statutaire ou une pratique discriminatoire à raison du sexe, sous peine d'être contraire aux moeurs et de porter atteinte aux droits de la personnalité de l'article 28 du code civil. En effet, l'immoralité s'apprécie aussi à la lumière du droit constitutionnel à l'égalité et en particulier à l'égalité des sexes186'. En ce sens, le droit suisse permet de sanctionner les dispositions statutaires ou les pratiques d'une association qui exclurait systématiquement les femmes et nous paraît dès lors conforme à la Convention.

En ce qui concerne les sociétés d'allmends et autres semblables de l'article 59, 3e alinéa, du code civil, le Tribunal fédéral admet qu'elles sont tenues par les droits constitutionnels et en particulier par le principe de l'égalité entre femmes et hommes, lorsqu'elles détiennent des pouvoirs de puissance publique187'.

33.4

Possibilités de représentation et de participation sur le plan international (art. 8)

Aux termes de l'article 8, les femmes doivent avoir, dans des conditions d'égalité avec les hommes, la possibilité de représenter leur gouvernement à l'échelon international, en particulier dans le cadre des organisations internationales188'.

S'agissant de la participation de la Suisse aux travaux des organisations internationales (p. ex. dans les organisations spécialisées de l'ONU), elle est souvent le fait de collaboratrices et collaborateurs diplomatiques. Femmes et hommes ont accès aux mêmes conditions d'admission au service diplomatique du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Etant donné le peu de candidates au concours d'admission, la proportion de femmes dans la carrière est cependant faible189'. Le fait que les nommes ne soient généralement pas disposés à accompagner leur épouse ou compagne à l'étranger est vraisemblablement une des causes de cet état de fait. S'y ajoute le fait que le statut des fonctionnaires190' ne permet pas l'emploi à temps partiel des fonctionnaires du service diploma185

> Lars Adam Rehof, op. cité, p. 97 s.

186) Hans Michael Riemer, Berner Kommentar, Schweizerisches Zivilgesetzbuch, Das Personenrecht, Berne, 1990, ad article 70, n° 67 ss.

i87)ATF117Ia 107.

188 > Recommandations n os 8 (7e session, 1988) et 10 (8e session, 1989) du CEDAW.

189 > II y a 33 femmes pour 299 diplomates hommes (état en octobre 1994).

19 °) Ordonnance (3) du 29 décembre 1964, article 11, paragraphe 3, in RS 172.221.103

914

tique. Ces raisons expliquent vraisemblablement aussi la moyenne supérieure de démissions dans le personnel féminin. Le DFAE entend augmenter la proportion de femmes dans le service diplomatique par une campagne d'information et des mesures de promotion en faveur des femmes. Ces mesures visent à motiver un plus grand nombre de femmes à déposer leur candidature.

La participation à des opérations de maintien de la paix et de bons offices est ouverte en Suisse, sur une base volontaire, aux femmes comme aux hommes, que ce soit en civil, en uniforme ou dans le cadre d'une action organisée militairement (sans contingents armés) 191\ Bien que rien ne s'y oppose juridiquement, il n'y a aucune femme parmi les observateurs militaires suisses. Cette situation est due au fait que ces unités ne sont pas engagées en groupe et que l'on voulait éviter que des femmes soient engagées seules ou en groupe de deux. Au surplus, seules environ 40 femmes possèdent le rang requis de capitaine ou de major. Les conditions d'admission pour les observateurs électoraux sont identiques pour les hommes et les femmes192'. Ici aussi, le fait que les femmes soient nettement moins nombreuses que les hommes s'explique par le nombre inférieur de candidates.

Peut-être cela a-t-il un lien avec l'impossibilité d'organiser la garde des enfants pendant la mission de leur mère, puisqu'il n'existe aucun soutien étatique à cet effet.

Compte tenu du fait que des programmes de promotion en faveur des femmes sont mis en place, en particulier dans le service diplomatique, et que les hommes ne jouissent aucunement d'avantages de par la loi par rapport aux femmes en ce qui concerne la représentation et la participation à l'échelon international, il n'est pas nécessaire de faire une réserve à cette disposition.

33.5

Elimination des discriminations à l'égard des femmes en ce qui concerne l'acquisition, le changement et la conservation de la nationalité, ainsi que la transmission de la nationalité aux enfants (art. 9)

En vertu de l'article 9, paragraphe 1, les Etats parties doivent accorder à la femme des droits égaux à ceux de l'homme en ce qui concerne l'acquisition, le changement et la conservation de la nationalité et lui permettre de conserver sa nationalité en cas de mariage avec un étranger ou en cas de changement de nationalité du mari pendant le mariage.

Avant le 1er janvier 1992, date de l'entrée en vigueur de la révision de la loi sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse du 23 mars 1990 (LN193>), la femme étrangère qui épousait un Suisse acquérait automatiquement par le mariage la 191

> cf. l'Ordonnance sur l'engagement de personnel pour des actions de maintien de la paix et de bons offices, du 22 février 1989, in RS 172.221.104.4; 150 hommes et femmes de l'Unité médicale suisse ont participé à l'opération de maintien de la paix de l'ONU en Namibie (UNTAG) en 1989/90; au Sahara occidental (MINURSO) entre 1991 et 1994, leur nombre s'est élevé à 300.

192 > Parmi les 120 personnes formées à cet effet, on dénombre 25 femmes (état en octobre 1994).

!») RO 1991 1034

915

nationalité suisse (art. 3a LN). La Suissesse perdait la nationalité suisse, en épousant un étranger, si elle acquérait la nationalité de son mari par le mariage ou l'avait déjà et ne déclarait pas lors de la publication ou de la célébration du mariage vouloir conserver la nationalité suisse (art. 9a LN). La femme était incluse dans la naturalisation, la réintégration et la libération de nationalité de son mari, à condition toutefois d'y consentir (art. 32 et 42« LN). Le nouveau droit a éliminé toutes ces discriminations à l'égard de la femme. Les conditions d'acquisition, de perte et de réacquisition de la nationalité suisse sont aujourd'hui les mêmes pour l'homme et pour la femme. En outre, le mariage n'exerce aucun effet automatique ni sur l'acquisition, ni sur la perte de la nationalité suisse. Le changement de nationalité du mari pendant le mariage n'affecte pas non plus la nationalité de l'épouse.

Seul le droit transitoire conserve quelques traces des anciennes discriminations à l'égard des femmes dans la mesure où il ne permet qu'à certaines conditions la réintégration dans la nationalité suisse de femmes qui ont perdu leur nationalité par l'effet du mariage sous l'empire de l'ancien droit (art. 58 LN). Toutes les femmes qui ont précédemment perdu la nationalité suisse par mariage ont cependant déjà eu la possibilité sous l'ancien droit de réintégrer la nationalité suisse (art. 19,58 et 58bis LN dans leur teneur du 29 sept. 1952). La réglementation du droit transitoire est ainsi également en accord avec l'article 9 de la Convention.

Selon l'article 9, paragraphe 2, de la Convention, les Etats parties accordent aux femmes des droits égaux à ceux de l'homme en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants. L'article 1,1er alinéa, LN correspond à cette règle dans la mesure où l'enfant de conjoints dont l'un au moins est Suisse et l'enfant d'une citoyenne suisse qui n'est pas mariée avec le père de cet enfant acquièrent la nationalité suisse à la naissance.

Il est vrai que l'article 57a LN dispose que l'enfant issu du mariage d'un étranger et d'une Suissesse qui a acquis la nationalité suisse par un mariage antérieur avec un Suisse n'acquiert la nationalité suisse que s'il ne peut acquérir une autre nationalité à la naissance ou s'il devient apatride avant sa majorité. L'article 58i> LN
n'autorise la naturalisation facilitée de cet enfant que si la mère ou l'enfant ont des liens suffisants avec la Suisse. Ces dispositions font cependant partie du droit transitoire et s'expliquent par le fait que, selon le droit actuel, l'épouse étrangère d'un Suisse n'acquiert plus automatiquement la nationalité suisse par le mariage, mais seulement à la suite d'une naturalisation facilitée, dont l'octroi est subordonné à l'existence de liens suffisants avec la Suisse (art. 26 à 28 LN).

Lorsque la mère a ainsi bénéficié de la naturalisation facilitée, elle peut transmettre sans restriction la nationalité suisse à son enfant issu d'un · mariage subséquent avec un étranger. Les articles 57a et 58b LN ne visent donc qu'à mettre sur un pied d'égalité, en matière d'acquisition de la nationalité suisse, les enfants nés sous l'ancien droit et ceux nés sous le nouveau droit, lorsque la mère d'origine étrangère a épousé en premières noces un ressortissant suisse et qu'un enfant est issu d'une union ultérieure avec un étranger. Ces inégalités liées à l'ancien droit sont appelées à disparaître d'elles-mêmes avec le temps.

Le droit suisse est donc conforme à la Convention dans ce domaine.

916

33.6

Elimination de la discrimination de la femme et égalité dans le domaine de l'éducation (art. 10)

L'article 10 oblige les Etats parties à prendre «toutes les mesures appropriées» pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans le domaine de l'éducation194'. La Convention exige en particulier des conditions égales en matière d'orientation professionnelle, pour l'admission aux cours et pour l'obtention de diplômes (let. a) et un accès aux mêmes programmes d'étude et aux mêmes examens (let. b). Femmes et jeunes filles ont droit à des enseignants dont les qualifications sont de même ordre et à des établissements et équipements scolaires de même qualité que les hommes et les garçons (let. b). Les Etats parties doivent viser à l'élimination dans l'enseignement de toute conception stéréotypée des rôles de l'homme et de la femme. L'encouragement à l'éducation mixte ainsi que la révision de livres d'école et de programmes scolaires et l'adaptation de méthodes pédagogiques figurent parmi les moyens cités (let. c). Les femmes doivent avoir les mêmes possibilités en ce qui concerne l'octroi de bourses et d'autres subventions pour les études (let. d) et les mêmes possibilités d'accès aux programmes de l'éducation permanente, y compris aux programmes d'alphabétisation pour adultes et d'alphabétisation fonctionnelle (let. e). Les Etats parties doivent viser à la réduction des taux d'abandon féminin des études et proposer l'organisation de programmes spéciaux pour les jeunes filles et les femmes qui ont quitté l'école prématurément (let. f). Les femmes doivent bénéficier des mêmes possibilités de participer activement aux sports et à l'éducation physique (let. g).

La lettre h exige finalement pour les femmes comme pour les hommes l'accès à des possibilités de formation tendant à assurer la santé et le bien-être des familles, y compris l'information et des conseils relatifs au planning familial.

L'égalité de la femme et de l'homme dans le domaine de l'éducation est une des exigences les plus importantes pour réaliser l'égalité totale des chances au bénéfice des femmes. C'est la raison pour laquelle l'article 4, 2e alinéa, deuxième phrase, de la constitution exige explicitement que la loi veille à l'égalité entre femmes et hommes dans le domaine de la formation.

En Suisse, l'instruction publique est du ressort des cantons (art. 27 ss est.). La Confédération a le droit de légiférer dans le domaine
de la formation professionnelle, y compris l'orientation professionnelle et la formation permanente (art.

34ter est.) et d'édicter des prescriptions concernant l'exercice de la gymnastique et des sports par la jeunesse (art. 27iuiniuies cst.)195). La Confédération a le droit de créer, outre l'école polytechnique existante, une université fédérale et d'autres établissements d'instruction supérieure ou de subventionner des établissements de ce genre (art. 27, 1er al., est.).

Déjà dans son rapport final d'octobre 1988, le groupe de travail interdépartemental chargé du «suivi de la Conférence mondiale sur les femmes de Nairobi» est arrivé à la conclusion que la réalisation de l'égalité de traitement dans la

194 > Voir aussi l'article 13 en relation avec l'article 3 du Pacte I, RS 0.103.1 i«) voir surtout la loi fédérale du 19 avril 1978 sur la formation professionnelle, RS 412.10, et l'ordonnance du 7 novembre 1979 sur Ja formation professionnelle, RS 412.101

60 Feuille fédérale. 147' année. Vol. IV

917

formation n'était plus une question de législation196'. L'accès dans des conditions égales aux institutions éducatives (let. a, b et e) et aux bourses (let. d) est garanti.

Le sport est obligatoire pour les deux sexes dans les écoles primaires, secondaires et professionnelles (let. g)197'. La recherche scientifique devra montrer dans quelle mesure des discriminations indirectes - par exemple par des limites d'âge pour des formations ou des bourses - demeurent dans ces domaines.

On peut encore constater des différences spécifiques au sexe en matière de formation198'. Concernant le choix professionnel, les possibilités d'emploi et en particulier les possibilités de formation continue, de grandes différences subsistent entre l'homme et la femme. Au niveau tertiaire (hautes écoles professionnelles et universités), on trouve par exemple encore deux fois plus d'hommes que de femmes. En dehors du milieu universitaire, ce sont même trois fois plus d'hommes que de femmes qui terminent une formation professionnelle de haut niveau. Une des raisons de ces différences tient au poids de la représentation stéréotypée des rôles qui est transmise aux filles mais aussi aux garçons par les parents et la société, de même que par les moyens pédagogiques, les contenus pédagogiques et le corps enseignant qui favorisent les garçons dans l'enseignement. C'est pourquoi, au sens de l'article 10, lettre c, de la Convention, la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique, s'appuyant sur l'article 3 du Concordat sur la coordination scolaire, a émis, le 28 octobre 1993, des recommandations en vue de l'égalité de l'homme et de la femme dans l'enseignement et l'éducation. Celles-ci exigent que dans les cours et les outils pédagogiques, le mode de vie et le monde professionnel des deux sexes soient traités ouvertement dans leur diversité et que les enseignantes et enseignants veillent à assurer l'égalité des. sexes dans les formes de communication et dans l'utilisation du langage (ch. 3). L'égalité des sexes doit être un thème obligatoire dans le cadre de la formation et la formation continue des enseignants. On doit rendre les enseignantes et les enseignants capables de déceler les préjudices et de les corriger (ch. 4). Les jeunes doivent être informés et conseillés de manière à choisir leur formation
ou leur profession indépendamment des préjugés liés au sexe (ch. 5). Le chiffre 1 demande en outre d'entreprendre des efforts tendant à un bon équilibre entre les sexes à tous les niveaux des professions de l'enseignement et de l'administration de la formation.

En Suisse, l'éducation mixte est largement réalisée à tous les niveaux de formation. Ce que l'on attendait d'elle n'a par contre été réalisé qu'en partie. Des études récentes établissent que l'éducation mixte systématiquement menée désavantage les filles et contribue à cimenter la fixation dans des rôles dépassés199'. C'est pourquoi la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique a conseillé, sans se départir du principe fondamental de l'éducation mixte, un enseignement séparé pour autant qu'il encourage l'égalité des sexes. Cela vaut 196) p. 21.

197

> Loi fédérale du 17 mars 1972 sur la promotion de la gymnastique et du sport, RS 415.0, article 2.

198) Voir dans le détail «Vers l'égalité?», rapport de l'Office fédéral de la statistique, Berne 1993, p. 39 ss.

'") Voir par exemple Linda Mantovani, Fremdbestimmt zur Eigenständigkeit, Zurich 1994, p.

232 ss.

918

également pour les mêmes possibilités exigées à la lettre g dans le domaine de la participation à l'enseignement sportif200'. Ici, la Commission fédérale de gymnastique et de sport, avec la Commission d'experts pour l'éduèation physique à l'école, a émis des lignes directrices201' qui indiquent des possibilités d'enseignement sportif aussi bien mixte que séparé. Ainsi, en lieu et place des nombreuses conceptions véhiculant des préjugés sur les talents sportifs propres à chaque sexe, il convient de mettre davantage l'accent sur les expériences et intérêts en matière de sport. Dans des classes et des groupes hétérogènes du point de vue du sexe, de l'âge et des capacités, l'enseignement sportif prend socialement une grande importance.

Des données complètes et fiables manquent concernant le problème de l'analphabétisme (let. d), d'une part, et celui de l'interruption de formation, d'autre part (let. g). Les problèmes de l'analphabétisme et de l'analphabétisme fonctionnel n'ont été reconnus que récemment. Le rapport national suisse de décembre 1994 en vue de la 4e Conférence mondiale sur les femmes à Pékin en 1995 part de l'idée que pour les femmes, et plus spécialement pour les étrangères en Suisse, l'illettrisme représente un problème plus grand que pour les hommes202'. Quant au taux d'échec, il est établi dans le domaine des hautes écoles, tout au moins, qu'il est de 10 pour cent plus élevé chez les femmes que chez les hommes203'. En outre, l'exigence de la lettre h n'est pas remplie en Suisse. L'enseignement des questions de famille et l'information ainsi que les conseils en matière de planning familial ne sont obligatoires dans aucun des programmes pédagogiques cantonaux.

Il en résulte, en résumé, qu'en Suisse, l'accès aux institutions éducatives est assuré de façon égale. Afin de réaliser pleinement l'égalité effective de la femme et de l'homme, les efforts mentionnés doivent être poursuivis et renforcés dans le sens des exigences de l'article 10 de la Convention.

33.7

Elimination des discriminations à l'égard des femmes dans le domaine de l'emploi, de la sécurité sociale et de la protection de la santé et de la sécurité au travail (art. 11, par. 1)

L'article 11, paragraphe 1, de la Convention porte sur l'élimination des discriminations à l'égard des femmes dans le domaine de l'emploi. Le droit à l'égalité dans ce domaine porte également sur le droit à la sécurité sociale, ainsi que sur le droit à la protection de la santé et à la sécurité au travail.

Du fait de sa formulation («Les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées ...»), l'article 11, paragraphe 1, de la Convention revêt un caractère de programme. Il n'exige donc pas que les éventuelles discriminations à rencontre des femmes dans le domaine de l'emploi et de la sécurité sociale soient éliminées préalablement à la ratification, mais impartit aux Etats contractants

20

°) Loi fédérale du 17 mars 1972 sur la promotion de la gymnastique et du sport, RS 415.0 > Kurt Egger, Turnen und Sport in der Schule, vol. l théorie, p. 132 ss.

ȧ) P. 23.

203) Office fédéral de la statistique, Status der Studienanfänger/innen des Jahres 1979/80, au semestre d'été 1992 (BFS-SHIS, 23 mars 94).

201

919

l'obligation de prendre, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, des mesures afin d'assurer les mêmes droits aux femmes qu'aux hommes.

Droit au travail (art. 11, par. 1, let. a)

Les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées en vue d'assurer aux femmes, dans des conditions d'égalité avec les hommes, le droit au travail comme droit inaliénable de tous les êtres humains (let. a). La Convention se réfère au droit au travail tel qu'il est garanti par l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966, auquel la Suisse à adhéré le 18 juin 1992 (Pacte I)204'. Selon l'article 6 du Pacte, le droit au travail comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté. Le paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte précise que les mesures prises par chacun des Etats parties doivent inclure l'orientation et la formation techniques et professionnelles, l'élaboration de programmes, de politiques et de techniques propres à assurer un développement économique, social et culturel constant et un plein emploi productif dans des conditions qui sauvegardent aux individus la jouissance des libertés politiques et économiques fondamentales. Le droit au travail est également garanti par la Charte sociale européenne, que la Suisse n'a pas ratifiée et dont l'article 1 oblige les Etats parties à protéger de façon efficace le droit pour le travailleur de gagner sa vie par un travail librement entrepris205'. Comme pour la Charte, le droit au travail à l'article 11, paragraphe 1, de la Convention est formulé en termes généraux. Il n'est pas un droit individuel et ne fonde donc pas une prétention à une place de travail assurée par l'Etat206'.

Le peuple et les cantons suisses ont rejeté par trois fois des initiatives demandant l'inscription d'un droit au travail dans la constitution207'. En s'appuyant sur ces refus, le Tribunal fédéral a considéré, dans un arrêt qui invoquait plutôt un droit à la formation, que le grief d'atteinte à un droit au travail apparaissait mal fondé208'.

En dépit du fait que la constitution ne consacre pas explicitement un droit au travail, elle fournit néanmoins, grâce à divers articles constitutionnels et à la législation qui s'y rapporte, un certain nombre de conditions-cadres allant dans le sens du droit au travail tel que l'entendent la Convention et le Pacte I. On citera la législation en matière de contrat de travail et de protection
des travailleurs (art. 64 et 34ter est.), la législation en matière d'assurance-chômage (art. 34novies est.) ou encore les mesures de politique conjoncturelle visant à combattre les crises et à procurer du travail (art. 3iquintiules est.). Le droit suisse peut donc être considéré comme conforme à la Convention sur ce point.

20") RO 1993 725 205) FF 1983 II 1273 206) Voir, par analogie, FF 1983 II 1301 207) FF 1894 III 1; 1947 I 445; 1947 II 385 208) ATF 100 la 189, 194 920

Droit à l'égalité en matière de possibilités d'emploi, de libre choix de la profession, de promotion, de rémunération et de conditions et prestations de travail (an. 11, par. 1, let. b, c et d) Les Etats parties doivent également prendre les mesures appropriées en vue d'assurer aux femmes les mêmes droits qu'aux hommes quant aux possibilités d'emploi, y compris l'application des mêmes critères de sélection, en matière de libre choix de la profession et de l'emploi, ainsi qu'en matière de promotion, de stabilité d'emploi, de prestations et de conditions de travail, de formation professionnelle et de recyclage, y compris l'apprentissage, de perfectionnement professionnel et de formation permanente (let. b et c). De même, les Etats parties doivent prendre les mesures appropriées afin de garantir le droit à l'égalité de rémunération, y compris de prestations. Ce droit comprend le droit à l'égalité de traitement pour un travail d'égale valeur aussi bien que l'égalité de traitement en ce qui concerne l'évaluation de la qualité du travail (let. d). La notion de rémunération doit être comprise au sens de l'article 1 de la Convention n° 100 de l'Organisation internationale du Travail (OIT), ratifiée par la Suisse le 25 octobre 1972209)

On retrouve en partie ces droits dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels210), dont l'article 7 stipule en particulier que les femmes doivent avoir la garantie que les conditions de travail qui leur sont accordées ne sont pas inférieures à celles dont bénéficient les hommes et recevoir la même rémunération qu'eux pour un même travail. L'article 7 du Pacte, en relation avec l'article 3, charge également les Etats parties d'assurer la même possibilité pour les hommes et les femmes d'êtres promus dans leur travail à la catégorie supérieure appropriée, sans autre considération que la durée des services accomplis et les aptitudes. En outre, la Convention n° 100 de l'OIT211' vise elle aussi à assurer l'application du principe de l'égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale, tandis que la Convention n° 111 de l'OIT212), ratifiée par la Suisse le 13 juillet 1961, vise à promouvoir l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession.

Le principe de l'égalité des salaires entre hommes et femmes est déjà garanti en Suisse par l'article 4, 2e alinéa, de la constitution. Il est à la fois un droit fondamental et une disposition imperative de droit civil qui s'incorpore directement au droit du contrat de travail213'. Il s'applique directement, sans qu'il soit nécessaire de légiférer, aussi bien dans les rapports entre l'Etat et le personnel de la fonction publique que dans les rapports entre employeurs et travailleurs régis par le droit privé214'. Il garantit l'égalité de rémunération aussi bien pour un

209

> RS 0.822.720.0 > RO 1993 725; RS 0.103.1 > RS 0.822.720.0 212 > RS 0.822.721.1 213 > Charles-Albert Morand, L'érosion jurisprudentielle du droit fondamental à l'égalité entre hommes et femmes, in: L'égalité entre hommes et femmes, bilan et perspectives, Séminaire de 3e cycle de droit en Valais 1986, Lausanne, 1988, p. 91; ATF113 la 107, c. la.

214 > Cf. en particulier ATF 113 la 107, c. la; 117 la 262, c. 2c.

210 2U

921

travail de même nature, que pour un travail de nature différente, mais de valeur égale, ainsi que relativement à l'évaluation de la qualité du travail215'.

Il n'en demeure pas moins que, sans mesures législatives d'accompagnement, l'exercice du droit à l'égalité des salaires se heurte à de nombreux obstacles, liés essentiellement aux difficultés de preuves et au fait que la travailleuse discriminée s'expose à des mesures de rétorsion si elle se plaint en justice. C'est pourquoi, le 24 février 1993, le Conseil fédéral a soumis aux Chambres une loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes (LEg) destinée à faciliter l'exercice du droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale216'. Le projet de loi, adopté le 24 mars 1995 par l'Assemblée fédérale217', prévoit des mesures en vue de faciliter l'exercice du droit à un salaire égal: - il met le fardeau de la preuve à la charge de l'employeur dans certains cas de discrimination lorsque la discrimination est rendue vraisemblable (art. 6 LEg); - il renforce la protection contre les licenciements, en rendant le congé annulable lorsqu'il ne repose pas sur un motif justifié et fait suite à une réclamation ou à une action en justice (art. 10 LEg); - il permet aux organisations ayant pour tâches de promouvoir l'égalité entre femmes et hommes ou de défendre les intérêts des travailleurs d'agir en leur nom propre pour faire constater en justice l'existence d'une discrimination (art.

7 LEg); - il oblige les cantons à prévoir une procédure de conciliation (art. 11 LEg); - il prévoit la gratuité de la procédure (art. 12, 2e al., LEg).

La loi ne traite pas des systèmes d'évaluation du travail. Le Conseil fédéral a en effet craint de fixer la jurisprudence dans ce domaine en arrêtant des critères trop rigides. Le Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes a cependant publié des directives concernant l'application du droit à l'égalité des salaires en 1992218', ainsi qu'un rapport sur l'évaluation du travail et la discrimination salariale des femmes en 199l219', contribuant ainsi au développement de méthodes d'évaluation du travail exemptes de discrimination. En outre, le Tribunal fédéral a rappelé à plusieurs reprises220' la nécessité pour le juge, en vertu du droit d'être entendu garanti par l'article 4,1er alinéa, de la constitution, de recourir
aux méthodes d'évaluation analytique du travail dans le cadre de l'administration de la preuve. Il s'agissait de litiges portant sur l'évaluation du travail dans des professions traditionnellement féminines, comme celles.de secrétaire, d'infirmière ou de maîtresse d'école enfantine.

215

> Cf. en particulier ATF 117 la 270, c. 2b.

216) FF 199311163 in) FF 1995 n 363 218) Evaluation du travail et discrimination salariale des femmes, Un rapport, Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes, Berne, novembre 1991, OCFIM n° 301.918f.

219 > «Hommes et femmes ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale», Directives concernant l'application du droit à l'égalité des salaires, Bureau fédéral de l'égalité, Berne, mars 1992.

220) ATF 117 la 262, c. 4; arrêt du Tribunal fédéral non publié du 14 mai 1987, dans la cause X contre Ville de Zurich, cité partiellement dans ZB1 90/1989 p. 203; arrêt du Tribunal fédéral non publié du 14 décembre 1989, dans la cause X contre Conseil d'Etat du canton du Valais.

922

L'article 4, 2e alinéa, première phrase, de la constitution garantit l'égalité des droits entre hommes et femmes de manière générale, mais il n'est opposable qu'à l'Etat. Son application reste donc limitée aux rapports de travail du service public.

Si l'on excepte le cas des discriminations liées au salaire, expressément interdites par l'article 4, 2e alinéa, de la constitution, et celui du licenciement discriminatoire, déclaré abusif par l'article 336 du code des obligations, le droit suisse en vigueur ne permet donc pas d'assurer l'élimination des discriminations fondées sur le sexe dans tous les aspects des rapports de travail, tels que la promotion, l'embauche ou le perfectionnement professionnel. La loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes parera à cette lacune, puisqu'elle interdit toute discrimination fondée sur le sexe en matière d'emploi, qu'il s'agisse de l'embauche, de l'attribution des tâches, des conditions de travail, de la formation et du perfectionnement professionnels, de la promotion ou de la résiliation des rapports de travail (art. 3 LEg). Elle interdit toute forme de discrimination qui soit fondée directement ou indirectement sur le sexe, notamment par référence à l'état civil, la situation familiale ou la grossesse. Diverses sanctions sont prévues; la victime peut demander au juge d'interdire la discrimination ou de la faire cesser, ainsi que la réparation du dommage et du tort moral (art. 5, 1er al., LEg); en cas de discrimination portant sur un refus d'embauché ou la résiliation des rapports de travail, la victime peut prétendre au versement d'une indemnité, mais ne peut exiger d'être embauchée ou réintégrée dans les rapports de travail (art. 5, 2e al., LEg). Par ailleurs, les diverses mesures prévues par la loi sur l'égalité, telles que la qualité pour agir des organisations, la protection contre le congé, l'accès à une procédure de consultation ou la gratuité de la procédure s'appliqueront à l'ensemble des discriminations en matière d'emploi, pour ce qui est des rapports de travail régis par le Code des obligations. En revanche, l'allégement du fardeau de la preuve ne s'applique qu'aux discriminations portant sur l'attribution des tâches, l'aménagement des conditions de travail, la rémunération, la formation et le perfectionnement professionnels, la promotion et
la résiliation des rapports de travail.

L'actuelle loi sur le travail221* autorise le Conseil fédéral à interdire ou à subordonner à des conditions spéciales l'occupation des femmes à certains travaux (art. 33, 2e al., LTr) et contrevient donc à l'égalité des droits entre hommes et femmes en ce qui concerne le libre choix de la profession, sous réserve des cas où les dispositions du Conseil fédéral trouvent leur justification dans la protection de la maternité. Dans un message du 2 février 1994222', le Conseil fédéral propose de réviser la loi sur le travail et d'abroger l'article 33 LTr, en le remplaçant par une disposition qui permettra d'interdire l'occupation des femmes enceintes ou allaitantes à des travaux pénibles ou dangereux ou de la faire dépendre de conditions.particulières. Une telle restriction en matière d'emploi serait compatible avec la Convention, les mesures spéciales visant à protéger la maternité n'étant pas considérées comme discriminatoires (art. 4, par. 2, et art. 11, par. 1, let.

f, de la Convention).

221

> RS 822.11 222) FF 1994 u 157

923

La loi sur le travail en vigueur prévoit une interdiction du travail de nuit et du travail dominical beaucoup plus stricte pour les femmes que pour les hommes. La Suisse ayant dénoncé, le 19 février 1992, la Convention n° 89 de l'OIT qui prévoyait la stricte interdiction du travail de nuit des femmes dans l'industrie, rien ne s'oppose plus à la levée de cette interdiction en droit interne. Dans son message du 2 février 1994223', le Conseil fédéral propose en conséquence d'abroger les dispositions de protection spéciale à l'égard des femmes concernant le travail de nuit et du dimanche, à l'exception des dispositions spéciales de protection à l'égard des femmes enceintes ou allaitantes. Le projet de révision traduit dans une certaine mesure les exigences de la Convention n° 171 de l'OIT.

Il ne devrait donc plus subsister dans un proche avenir de restrictions légales à l'emploi des femmes, si bien que l'on peut renoncer à formuler une réserve à la Convention sur ce point (voir aussi commentaires ad par. 1, let. f).

Violence contre les femmes sur le lieu de travail (harcèlement sexuel) Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (voir art.

17 de la Convention) a émis plusieurs recommandations224', en relation avec · l'article 11 de la Convention, mettant en lumière le fait que l'existence de certaines formes de violence liées à l'appartenance sexuelle, telles que le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, peuvent porter gravement atteinte à l'égalité entre hommes et femmes en matière d'emploi. Des comportements constitutifs de harcèlement sexuel, tels que des avances ou des attouchements, des commentaires sexistes, l'usage de pornographie ou l'offre de rapports sexuels, sont non seulement préjudiciables à la santé et à Ja sécurité au travail, mais sont également discriminatoires à l'égard des femmes, lorsque la femme qui subit de tels comportements est en droit de penser qu'un refus pourrait la désavantager dans les rapports de travail, notamment en matière de promotion, ou lorsque de tels comportements créent un climat de travail hostile.

Le Code pénal suisse réprime certaines formes de violence sexuelle pouvant survenir sur le lieu de travail. Ainsi, l'article 193 CP punit de l'emprisonnement celui qui profite d'un lien de dépendance fondé sur les rapports de travail
pour déterminer une personne à commettre ou à subir un acte d'ordre sexuel. L'article 198 CP permet de poursuivre, sur plainte, celui qui importune une personne par des attouchements d'ordre sexuel ou par des paroles grossières.

Par ailleurs, le droit civil et la législation sur la protection des travailleurs contiennent des dispositions susceptibles de s'appliquer en cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Il en va ainsi de l'article 328 du code des obligations, qui oblige l'employeur à protéger et à respecter la personnalité des travailleurs, et de l'article 33 de la loi sur le travail225', qui oblige l'employeur à avoir les égards voulus pour la santé des femmes et à veiller à la sauvegarde de la moralité. Pour ce qui est du droit en préparation, il convient de mentionner que le projet de révision de la loi sur le travail prévoit l'obligation pour l'employeur de prendre toutes les

223) FF 1994 n 157 224) Recommandation n° 19 (11e session, 1992): Violence against women, Lars Adam Rehof, op. cité, p. 318.

225 > RS 822.11

924

mesures pour protéger l'intégrité personnelle des travailleurs, ce qui comprend la prévention du harcèlement sexuel au travail (art. 6,1er al., du projet de loi)226). Par ailleurs, la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, déjà mentionnée (LEg), fait du harcèlement sexuel sur le lieu du travail un cas de discrimination fondée sur le sexe en matière d'emploi pouvant entraîner la responsabilité de l'employeur pour le fait d'autrui (art. 4 et 5 LEg et modification de l'art. 328 CO).

La victime peut demander au juge d'interdire ou de faire cesser le harcèlement sexuel et demander le versement d'une indemnité, ainsi que la réparation du dommage et du tort moral (art. 5 LEg).

Elimination des discriminations dans le domaine de la sécurité sociale (an. 11, par. 1, let. e) L'article 11, paragraphe 1, lettre e227), oblige en outre les Etats parties à accorder les mêmes droits aux femmes et aux hommes en matière de sécurité sociale, notamment quant aux prestations de retraite, de chômage, de maladie, d'invalidité et de vieillesse ou pour toute autre perte de capacité de travail, ainsi qu'en matière de congés payés.

La question qui se pose plus particulièrement dans le domaine de la sécurité sociale est de savoir si seules les discriminations à l'égard des femmes doivent être éliminées, comme semblent l'indiquer le titre de la Convention et son article 1, ou si l'égalité de traitement doit être instaurée à l'égard des personnes des deux sexes, auquel cas la Convention exigerait également que soient éliminées les éventuelles discriminations à l'égard des hommes. Des inégalités, telles qu'un âge inférieur pour les femmes à celui fixé pour les hommes pour prétendre à des prestations de vieillesse ou le fait de prévoir des prestations à l'égard des veuves et non des veufs, ne posent pas de problèmes au regard de la Convention car celle-ci ne vise que les discriminations à l'égard des femmes. En effet, dans le cadre des travaux préparatoires à la Convention, la proposition d'interdire non seulement les distinctions, exclusions ou restrictions, mais aussi les préférences à l'égard des femmes, n'a pas été retenue228'.

Quant à l'âge de la retraite, on observe qu'aucun Etat partie à la Convention n'a fait de réserve à ce sujet, alors que nombre d'entre eux connaissent un âge de la retraite pour les
femmes inférieur à celui des hommes. Cette interprétation est d'ailleurs corroborée par la déclaration d'interprétation que le Royaume-Uni a formulée lors de la ratification et aux termes de laquelle «le Royaume-Uni considère, à la lumière de la définition contenue à l'article premier, que la Convention a pour principal objectif de réduire, conformément à ses termes, la discrimination à l'égard des femmes, et il estime donc que la Convention ne comporte aucune obligation d'abroger où de modifier les lois, dispositions réglementaires, coutumes ou pratiques existantes qui, temporairement ou à plus long terme, assurent aux femmes un traitement plus favorable que celui des hommes»229'.

226

> FF 1994 II 211 > Cf. également l'article 9 en relation avec l'article 3 du Pacte I; RS 0.103.1 > Lars Adam Rehof, op. cité, p. 43 ss.

229 > Lars Adam Rehof, op. cité, p. 270.

227

228

925

L'article 4, 2e alinéa, de la constitution, qui postule l'égalité des droits entre hommes et femmes et charge le législateur de pourvoir à l'égalité, est également applicable dans le domaine des assurances sociales. Le législateur suisse a donc d'ores et déjà, en vertu de la constitution même, le devoir d'éliminer les discriminations de droit et de fait à l'égard des femmes.

Dans le domaine de l'assurance-maladie, l'article 6bis, 2e alinéa, de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 13 juin 1911 (LAMA230') autorisait un échelonnement des cotisations selon le sexe, ce qui entraînait des cotisations plus élevées pour les femmes. Cette différence de traitement a été abolie dans le cadre de l'arrêté fédéral du 9 octobre 1992 sur des mesures temporaires contre le renchérissement de l'assurance-maladie231'. Cet arrêté n'est applicable que jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1996, de la nouvelle.loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal232'), acceptée par le peuple en votation populaire le 4 décembre 1994. La LAMal, qui règle l'assurance-maladie obligatoire des soins, prévoit l'égalité des primes entre hommes et femmes. L'assurance-maladie est donc d'ores et déjà conforme à la Convention.

La loi fédérale sur l'assurance-accidents233' ne contient pas de discrimination directe à l'égard des femmes. Elle prévoit une possibilité supplémentaire d'attribution de la rente de veuve par rapport à la rente de veuf et elle introduit de surcroît une indemnité en capital pour les veuves qui ne peuvent prétendre à une rente de veuve. Dans la mesure où ces dispositions avantagent les femmes, elles ne devraient pas poser de problème au regard de la Convention. Dans le cadre de ce que l'on pourrait considérer comme une discrimination indirecte, la loi subordonne la couverture des travailleurs contre les accidents non professionnels à un seuil de 12 heures de travail par semaine chez le même employeur, seuil qui affecte plus les femmes que les hommes, puisqu'elles constituent là plus grande part de l'effectif des travailleurs à temps partiel.

La loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP)234' ne contient pas non plus de discrimination directe à l'égard des femmes, mais pose également la problématique du travail à temps partiel qui affecte surtout
les femmes et qui entraîne, si le salaire réalisé est trop bas, l'exclusion du champ d'application de la loi. Par ailleurs, selon le salaire réalisé ou la durée du travail, les femmes peuvent n'être couvertes que pour des prestations minimes. En outre, la part de cotisations due par les femmes à l'assurance est supérieure à celle des hommes en raison d'une durée de cotisation plus courte qui s'explique par la différence entre l'âge de la retraite des hommes et celui des femmes. Il est prévu d'examiner ces divers points lors de la première révision de la LPP.

Les lois fédérales sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS235') et sur l'assurance-invalidité (LAI236') contiennent diverses inégalités de traitement

"i) RS 832.10 231) RS 832.111 232) FF 1994 II 239 233 > RS 832.20 23i) RS 831.40 2M) RS 831.10 236 > RS 831.20

926

entre hommes et femmes, que ce soit en matière de cotisations ou de prestations ou en ce qui concerne l'âge de la retraite. Ces inégalités sont recensées dans le message du Conseil fédéral concernant la 10e révision de l'AVS du 5 mars 1990237). Par ailleurs, le régime actuel se fonde sur l'état civil des assurés, duquel dépend le genre et l'étendue des diverses prestations. Ainsi, seul le mari est actuellement titulaire de la rente de vieillesse pour couple. Etant donné que le montant des rentes de vieillesse, de survivants et d'invalidité dépend aussi et en grande partie de l'exercice d'une activité lucrative et de l'importance des revenus tirés de celle-ci, les femmes reçoivent fréquemment des prestations d'un montant inférieur à celui des hommes. Ces inégalités proviennent du fait que les femmes n'occupent pas la même position que les hommes sur le marché du travail, que ce soit en termes de salaire, d'interruption de l'activité lucrative pour assumer l'éducation des enfants ou de modalités de travail à temps partiel ou à temps plein.

La 10e révision de l'AVS vise notamment à réaliser le principe de l'égalité des droits entre femmes et hommes inscrit à l'article 4, 2e alinéa, de la constitution.

Elle instaure des rentes individuelles et personnelles indépendantes de l'état civil de leurs bénéficiaires, attribue des bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d'assistance, et introduit le partage entre les époux des cotisations AVS/AI versées pendant le mariage, ainsi qu'une rente de veuf à des conditions néanmoins plus restrictives que la rente de veuve. Cette révision prévoit aussi le relèvement de l'âge de la retraite des femmes de deux ans, le portant à 64 ans, ce qui comblerait en partie l'écart entre l'âge de la retraite des hommes, fixé à 65 ans, et celui des femmes. En votation populaire, le corps électoral a approuvé la révision, le 25 juin 1995. Par son entrée en vigueur, la 10e révision de l'AVS contribue à la réalisation de l'égalité entre hommes et femmes, non seulement sur le plan formel, mais aussi sur le plan matériel, dans le sens où les personnes qui n'exercent pas d'activité lucrative ou réduisent leur taux d'occupation pour se consacrer à l'éducation des enfants, en général des femmes, parviendront à se constituer une prévoyance vieillesse, survivants et invalidité
d'un niveau convenable. L'arrêté fédéral concernant les améliorations de prestations de l'AVS/AI, ainsi que leur financement, du 19 juin 1992238' a déjà permis d'attribuer des bonifications pour tâches éducatives aux rentières divorcées qui ont élevé des enfants et de modifier la formule des rentes AVS/AI au profit des rentes les plus basses. Cette dernière mesure profite surtout aux femmes, puisque ce sont elles qui touchent généralement les rentes les plus modestes. L'arrêté du 19 juin 1992 devrait s'appliquer jusqu'à l'entrée en vigueur de la 10e révision proprement dite.

Quant à l'assurance-chômage, la loi sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI239') garantit les mêmes droits aux hommes et aux femmes. De plus, la loi prévoit un certain nombre de dispositions spéciales en faveur des personnes au foyer et en cas de maternité.

Ainsi, les personnes qui, par suite de séparation de corps ou de divorce, ou en raison d'invalidité ou de mort de leur conjoint, ou pour d'autres raisons encore, sont contraintes d'exercer une activité salariée ou de retendre, sont dispensées 237) FF 1990 n j z*» RS 831.100.1 239 > RS 837.0

927

d'apporter la preuve d'une activité antérieure soumise à cotisation pour pouvoir bénéficier des prestations de l'assurance-chômage (art. 14, 2e al., LACI). En outre, les assurés qui perçoivent un supplément au titre de l'allocation pour enfants, ainsi que les personnes qui élèvent seules leurs enfants, touchent une indemnité de chômage s'élevant à 80 pour cent du dernier salaire, au lieu de 70 pour cent pour les autres chômeurs (art. 22, al. lbls, let. a et b, LACI introduit par l'arrêté fédéral urgent du 19 mars 1993240>).

Enfin, la LACI garantit en principe aux femmes, en cas de maternité, leur droit aux prestations de l'assurance-chômage (art. 14, 1er al., let. b, et art. 28 LACI).

Ainsi, le temps durant lequel la femme interrompt les rapports de travail en raison de maternité, soit pendant la durée de la grossesse et les 16 semaines qui suivent l'accouchement, compte comme période de cotisation. D'autre part, la révision en cours de la LACI propose de prendre en considération comme période de cotisation le temps consacré à l'éducation des enfants (message du Conseil fédéral à l'appui de la deuxième révision partielle de la loi sur l'assurance-chômage du 29 nov. 1993241>). Il s'agit d'améliorer la protection sociale de toutes les personnes qui ont interrompu leur activité professionnelle pour se consacrer à des tâches éducatives, ces dernières restant encore traditionnellement réservées aux femmes et n'étant pas soumises à cotisation alors qu'elles ont une haute valeur économique. Une chômeuse enceinte est en outre dispensée de l'obligation de faire des recherches d'emploi pendant les deux derniers mois de sa grossesse. En cas d'incapacité passagère de travailler en raison de la grossesse, elle peut toucher durant 30 jours au maximum des indemnités de chômage pour incapacité de travail (art. 28 LACI). Dès qu'elle est apte à travailler après l'accouchement, elle perçoit les indemnités de chômage, malgré le fait que la loi sur le travail interdise qu'on l'occupe durant les deux mois qui suivent l'accouchement.

Quant aux allocations familiales, nous renvoyons aux explications données concernant l'article 13, lettre a, de la Convention. Il en va de même pour les prestations accordées en cas de maternité qui sont traitées ci-dessous en relation avec le paragraphe 2. Enfin, hommes et femmes
bénéficient des mêmes congés payés, si l'on excepte le cas de la maternité, traité ci-dessous en relation avec le paragraphe 2.

On peut donc dire qu'il ne subsiste pratiquement plus de discriminations directes à l'égard des femmes dans le domaine de la sécurité sociale. Quant aux discriminations indirectes qui subsistent, notamment dans le domaine de la prévoyance professionnelle, elles devraient pouvoir être éliminées au cours de la prochaine révision des lois en cause. Etant donné le caractère programmatoire de l'article 11 («Les Etats parties s'engagent à prendre des mesures ... afin d'assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, les mêmes droits, ...»), il n'est pas nécessaire de formuler des réserves sur ce point.

z«) RO 1993 1066 24l) pp 1994 i 340, pius particulièrement p. 356, ad article 13, alinéa 2bis, nouveau.

928

Elimination des discriminations en matière de protection de la santé et de sécurité au travail (art. 11, par. 1, let. f) La loi sur le travail (LTr242>) et ses ordonnances d'application (en particulier les ordonnances 3 et 4243)) contiennent les règles applicables en matière de protection générale de la santé (hygiène au travail). Cette législation couvre la plupart des entreprises privées et une partie de la fonction publique (agents de la fonction publique fédérale). Elle contient encore quelques dispositions applicables aux seules femmes, telles l'obligation pour l'employeur d'avoir des égards particuliers pour la santé des femmes et la sauvegarde de leur moralité (art. 33 LTr), l'interdiction pour les femmes d'exercer toute une série d'activités (art. 33, 2e al., LTr; voir ci-dessus, ad art. 11, par. 1, let. a à d) ou encore l'interdiction du travail de nuit et du dimanche (art. 34 LTr; voir ci-dessus ad art. 11, par. 1, let. a à d).

Il est prévu de supprimer ces dispositions spéciales qui relèvent d'une conception dépassée, dans le cadre de la révision partielle de la LTr (message du 2 fév. 1994 concernant la modification de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce244)). Les dispositions de la LTr seront dès lors en principe identiques pour les femmes et pour les hommes. Feront exception les dispositions spéciales concernant la protection de la maternité, car celles-ci répondent à un besoin de protection spécifiquement féminin.

Ainsi, le projet de révision de la LTr propose de renforcer la protection des femmes enceintes ou allaitantes, notamment en interdisant d'occuper des femmes enceintes entre 20 heures et 6 heures dès la huitième semaine avant la date prévue pour l'accouchement. Il est prévu de maintenir l'interdiction d'occuper les femmes durant les huit semaines qui suivent l'accouchement (art. 35 LTr; art. 35a, 3e al., du projet de révision), ainsi que le droit des femmes enceintes de se dispenser, sur simple avis, d'aller au travail ou de le quitter (art. 35 LTr; art. 35a, 2e al., du projet de révision). En outre, l'employeur sera tenu, chaque fois que cela est réalisable, de proposer aux femmes enceintes qui travaillent entre 20 heures et 6 heures un travail de jour équivalent dès la huitième semaine avant l'accouchement et, sur présentation d'un
certificat médical, durant toute la grossesse, ainsi qu'entre la huitième et la seizième semaine après l'accouchement (art. 35 à 35b du projet de révision). Une fois révisée, la LTr devrait donc assurer aux femmes et aux hommes, conformément à l'article 11 de la Convention, les mêmes droits à la protection de la santé au travail, y compris la sauvegarde de la fonction de reproduction.

La sécurité au travail, au sens de la prévention des accidents et maladies professionnels, est régie par la loi sur l'assurance-accidents (LAA245') et ses ordonnances d'exécution (en particulier l'ordonnance sur la prévention des accidents et maladies professionnels246)). Elles ne font pas de distinction entre hommes et femmes et s'appliquent à presque toutes les entreprises suisses.

M2

> RS 822.11 > RS 822.113 et 822.114 2«) FF 1994 II 157 M5 > RS 832.20 M6 > RS 832.30

M3

929

Il existe encore, à côté de cette législation générale, d'autres lois ou ordonnances d'une portée restreinte et qui couvrent des aspects particuliers de la sécurité au travail ou des secteurs d'activité particuliers. Elles ne font pas de distinction entre les femmes et les hommes247).

33.8

Discrimination dans le monde du travail en raison du mariage et de la maternité (art. 11, par. 2)

La réalisation de l'égalité des chances dans la vie professionnelle exige l'élimination des discriminations dues au rôle biologique de la femme lors de la reproduction. Les discriminations dont les femmes sont victimes dans la vie professionnelle étaient et sont en général motivées en référence à la grossesse et à la maternité.

Ceci est d'autant plus choquant que l'évolution des dernières décennies montre que les femmes abandonnent de moins en .moins la vie active à cause de la naissance d'un enfant ou que si elles le font, c'est pour une période limitée.

L'article 11, paragraphe 2, de la Convention exige l'élimination des discriminations dues au mariage ou à la maternité248'. Sa lettre a exige tout d'abord une protection contre le licenciement, pendant une grossesse ou durant un congé maternité, sous peine de sanctions. Des licenciements discriminatoires fondés sur le statut matrimonial sont également interdits. La lettre b de l'article 11, 2e paragraphe, exige que soit institué l'octroi d'un congé maternité payé ou donnant droit à des prestations sociales comparables. Le congé maternité ne doit pas conduire à la perte de l'emploi antérieur, des droits d'ancienneté ou des avantages sociaux. A côté des mesures mentionnées en vue du maintien de l'égalité des chances au bénéfice des femmes lors de la grossesse et de la maternité au sens strict, la Convention prescrit, à la lettre c de l'article 11, des mesures qui donnent à la femme comme à l'homme, la possibilité de combiner leurs obligations familiales avec leurs responsabilités professionnelles et la participation à la vie publique.

Des aménagements pour la prise en charge des enfants .revêtent une importance particulière à cet égard249'. Enfin, la lettre d exige que des mesures de protection spéciales soient prises en faveur des femmes enceintes dans les emplois dont il est prouvé qu'ils se sont révélés nocifs.

Protection contre le licenciement lors de la grossesse ou du congé maternité (let. a) La protection contre le licenciement au sens de la lettre a est réglée dans le code des obligations (CO) à l'article 336c, 1er alinéa, lettre c. Ainsi, après la période d'essai, l'employeur ou l'employeuse ne peut pas licencier une employée pendant la grossesse ou au cours des seize semaines qui suivent l'accouchement250'. Un congé donné pendant cette période est nul (art. 336c, 2e al., CO). De plus, la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes adoptée le 24 mars 1995 interdit, à 247

> Cf. également l'article 7, lettre b, et l'article 12 en relation avec l'article 3 du Pacte I;

248

RS 0.103.1.

> Voir aussi l'article 7, lettre a, et l'article 10, chiffre 2, du Pacte I; RS 0.103.1.

> Une obligation semblable pour les Etats parties découle de la Convention sur les droits de l'enfant de 1989, article 18, paragraphe 3 (FF 1994 V 46 s.), tf") Loi fédérale du 18 mars 1988, en vigueur depuis le 1er janvier 1989, RS 220.

249

930

son article 3, toute discrimination à rencontre des travailleurs à raison du sexe qui soit fondée sur l'état-civil, la situation familiale ou la grossesse251).

Congé maternité payé (let. b) D'après la loi, il est en principe interdit aux accouchées de retravailler pendant huit semaines (art. 35,2e et 3e al., loi sur le travail252)). L'article 324a, 3e alinéa, du code des obligations assimile la grossesse et l'accouchement à des empêchements de travailler au sens du 1er alinéa de la disposition, tels que maladie, accident, accomplissement d'une obligation légale ou d'une fonction publique. Les devoirs de l'employeur y sont fixés: il doit continuer à verser le salaire pour «un temps limité» au sens de l'article 324a, 1er alinéa, du code des obligations. Le 2e alinéa de l'article 324a du code des obligations exige pendant la première année de service qu'au minimum le salaire de trois semaines soit payé et, ensuite, le salaire pour une période plus longue fixée équitablement, compte tenu de la durée des rapports de travail et des circonstances particulières. Les tribunaux cantonaux ont précisé cette disposition du code des obligations et énoncé des directives qui échelonnent la durée du paiement selon la durée du rapport de travail. L'article 324«, 2e alinéa, du code des obligations réserve expressément d'autres réglementations par accord, contrat-type de travail ou convention collective. Divers employeurs privés ainsi que la plupart des employeurs publics ont adopté des réglementations de ce type pour un congé maternité payé. Ainsi l'administration fédérale octroie dès la troisième année de service un congé maternité payé de quatre mois et la plupart des administrations cantonales connaissent également, sous diverses conditions préalables, un congé maternité qui va de huit à seize semaines253'.

Neuf cantons connaissent en outre des allocations maternité qui permettent aux parents de condition modeste de se consacrer en partie au moins aux soins de leurs enfants. Les montants sont en général destinés aux mères. L'octroi des montants est soumis à la condition que le revenu ne dépasse pas une certaine limite. Le droit aux allocations varie d'une durée de 6 à 24 mois selon le canton.

On peut déduire de ces réglementations qu'il n'existe aucune disposition uniforme garantissant, au sens de la Convention,
un congé maternité à toutes les femmes qui exercent une activité lucrative.

Une assurance-maternité est prévue à l'article 34
25l) FF 199S n 363 ^ RS 822.11 253

) Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes, Vue d'ensemble des réglementations du congé de maternité et de grossesse dans les administrations cantonales et dans la Confédération, mai 1991.

931

pendant seize semaines pour toutes les femmes qui travaillent en tant que salariées ou indépendantes254'.

La garantie, liée au congé maternité, de conserver son poste de travail antérieur, ses années d'ancienneté et les prestations sociales devrait être fournie par la protection contre le licenciement prévue à l'article 336c, 1er alinéa, lettre c, du code des obligations. Un congé donné pendant la période de protection prévue est nul et le rapport de travail se poursuit. Ainsi sont aussi garanties les années d'ancienneté et les prestations sociales. La même chose devrait être valable en règle générale pour la garantie du poste de travail.

Services sociaux et structures d'accueil pour les enfants (let. c) La constitution ne connaît que la disposition à l'article 34
La Convention oblige cantons et communes à augmenter leurs efforts afin d'encourager les services sociaux, et ce tout particulièrement pour développer un réseau de structures d'accueil pour les enfants257'.

Ils doivent à ce titre aussi envisager des mesures du type de celles contenues dans les recommandations du 28 octobre 1993 de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique en vue de l'égalité de la femme et de l'homme dans le système éducatif. Celles-ci exigent que l'organisation scolaire prenne en considération avec souplesse la création de possibilités professionnelles égales pour les mères comme pour les pères et conseillent des mesures telles que la journée continue, les cantines, les devoirs accompagnés, un accueil harmonieux et des écoles de jour ainsi que des conditions d'emploi souples pour le corps enseignant.

254

> Voir aussi la directive communautaire 92/85 du 19 octobre 1992 (JO-L. n° 348 du 18 oct.

1992, p. 1). Celle-ci prévoit un congé-maternité payé de 14 semaines pour les travailleuses, bien que la plupart des pays membres connaissent un congé-maternité plus long et aussi souvent un congé parental.

^s) Office fédéral de la statistique, Vers l'égalité?, Berne 1993, p. 38.

256 ) Voir la note précédente; voir à ce sujet aussi la Commission fédérale pour les questions féminines, Structures d'accueil pour les enfants, I re et IIe partie, rapport de novembre 1992.

257 ' Une obligation correspondante à l'article 11, paragraphe 2, lettre c, se trouve dans la Convention de 1989 sur les droits de l'enfant à l'article 18 (FF 1994 V 46 s.).

932

Protection de la femme enceinte dont le travail est dangereux ou nocif (let. d) La législation du travail connaît des dispositions pertinentes dans la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce258'. L'article 35 de la loi sur le travail prescrit des facilités pour les femmes enceintes, les accouchées et les femmes qui allaitent. Dans l'article 67 de l'ordonnance 1 concernant la loi sur le travail du 14 janvier 1966259), il est dit: «Les femmes enceintes et les mères qui allaitent ne peuvent être occupées à des travaux notoirement nuisibles à la santé, à la grossesse ou à l'allaitement. Les femmes enceintes et les mères qui allaitent seront dispensées, à leur demande, des travaux qui leur sont pénibles» (voir aussi à l'art. 11, 1er al., let. f).

33.9

Révision périodique des lois visant à protéger les femmes (art. 11, par. 3)

Le paragraphe 3 de l'article 11 oblige les Etats parties à revoir périodiquement les lois visant à protéger les femmes dans les domaines visés par l'article 11, en fonction des connaissances scientifiques et techniques. Ces lois devront, selon les besoins, être révisées, abrogées ou étendues. Il s'agit essentiellement pour la Suisse des dispositions sur la protection des travailleurs au sens de la loi sur le travail (LTr) et de la loi sur l'assurance-accidents (LAA).

L'article 43 LTr prévoit l'institution d'une commission fédérale du travail qui donne son avis aux autorités fédérales sur des questions de législation et d'exécution. Cette commission, composée de représentants des cantons, des milieux scientifiques, ainsi que des associations d'employeurs et de travailleurs, peut également faire des suggestions de son propre chef (art. 43, 2e al., LTr). Elle peut donc attirer l'attention des autorités, selon l'évolution des connaissances, sur la nécessité de réviser, d'abroger ou d'étendre les mesures de protection à l'égard des femmes. De même, la LAA prévoit l'institution d'une commission de coordination qui peut proposer au Conseil fédéral d'édicter des prescriptions en matière de prévention des accidents et maladies professionnels (art. 85, 2e et 3e al., LAA).

33.10

Mêmes possibilités d'accès aux services médicaux (art. 12)

L'article 12,1er paragraphe, exige la concrétisation de l'égalité d'accès aux services médicaux, y compris ceux1 qui concernent la planification familiale260'.

Dès le 1er janvier 1996, la nouvelle loi fédérale sur l'assurance-maladie qui prévoit l'obligation générale de s'assurer (art. 3)261' prend effet. Toute personne domiciliée en Suisse doit s'assurer pour les soins en cas de maladie, ou être assurée par son représentant légal, dans les trois mois qui suivent sa prise de domicile ou sa naissance en Suisse. Le Conseil fédéral peut étendre l'obligation de s'assurer à des 25«) Du 13 mars 1964 (loi sur le travail), RS 822.11

259) RS 822.111

260) Voir aussi l'article 12 en relation avec l'article 3 du Pacte I, RS 0.103.1 261) FF 1994 n 239 ss 61 Feuille fédérale. 147e année. Vol. IV

933

personnes qui n'ont pas de domicile en Suisse, en particulier celles qui exercent une activité en Suisse ou y séjournent de façon prolongée. Avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale sur l'assurance-maladie, l'accès au système de santé est garanti aussi bien aux citoyennes suisses qu'aux étrangères qui vivent dans le pays. Il semble que les obligations en matière de centres de planning familial, telles qu'elles résultent de l'article 12, soient remplies en Suisse, d'autant plus qu'aucune obligation relative aux méthodes à employer en matière de planning familial ne peut être déduite de la disposition.

Le Comité (CEDAW) s'est prononcé sur plusieurs aspects relatifs à la santé de la femme dans diverses recommandations dont on peut déduire qu'un accès égal aux services médicaux exige aussi que l'on soit de plus en plus attentif aux besoins spécifiques des femmes dans le domaine de la santé.

Dans le secteur des soins médicaux également, la question de l'égalité entre femmes et hommes mène bien au-delà de la pure égalité de traitement formelle.

Diverses études dans le domaine de la santé et de l'épidémiologie ont démontré des différences spécifiques en matière de morbidité, de causes de maladie, comme aussi des différences dans la façon d'aborder les services médicaux, et plus généralement de définir la santé elle-même262'. Des rôles stéréotypés surannés peuvent dans certains cas rendre l'accès à un traitement médical adéquat très difficile aux femmes263'. Il est également prouvé que femmes et hommes sont traités de façon différente. Un exemple en est la pratique des ordonnances de psychotropes. La loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 permet d'encourager le développement de mesures spécifiques de prévention et de prise en charge, en ce sens que les caisses maladies ont explicitement le devoir d'encourager la prévention des maladies.

L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) a d'ores et déjà pris des mesures en ce qui concerne les efforts particuliers conseillés par le Comité (CEDAW) lors de sa neuvième session264' en matière d'information des femmes et des enfants, sur les risques de transmission du virus HIV. Les femmes sont interpellées en tant que groupe cible indépendant dans le manuel pour la prévention contre le virus HIV, publié en 1993 par l'Office fédéral de
la santé publique. D'ici la fin de 1995, toutes les femmes domiciliées en Suisse doivent être assez bien informées afin d'être en mesure d'évaluer de manière plus réaliste le danger encouru, ainsi que de réaliser et surmonter leurs inhibitions en matière de protection; d'ici à 1997, on devra créer des offres d'information et de conseil permettant de soutenir les femmes dans leurs efforts pour concrétiser leurs besoins en matière de protection265'.

262

)Sur l'étude SOMIPOPS (Sozio-Medizinisches Indikatorensystem der Population der Schweiz) Frauen und Gesundheit. Rapport du groupe d'auteurs SOMIPOPS pour la Commission fédérale sur les questions féminines, édité par la Commission pour les questions féminines, in: Questions au féminin 3, 1985.

263) Voir à ce propos la compilation de Claudia Meier, Funktionieren und Widersprechen, Materialien zur Definition von Frauengesundheit, publié par l'Institut de médecine préventive et sociale de l'Université de Berne, Département de la recherche en santé, Berne 1993.

264 ) Recommandation générale n° 15 (9e session, 1990), publié in: Lars Adam Rehof, op. cit., p. 315 et suivante.

265) Prévention du virus HIV en Suisse, stratégies, mesures, publié par l'Office fédéral de la santé publique, Commission fédérale pour les questions de sida, 2.éd., Berne 1993, p. 40 ss.

934

L'OFSP a aussi mis en place un groupe de travail «Femme et HIV/SIDA», qui surveille et suit la réalisation des mesures adéquates spécifiques aux femmes.

Aux termes du paragraphe 2 de l'article 12, les Etats parties doivent pourvoir à des soins adaptés, et dans certains cas gratuits, pendant la grossesse ainsi que pendant et après l'accouchement. Une alimentation suffisante pendant la grossesse et l'allaitement doit être garantie. Au vu de la mortalité infantile et maternelle dans de nombreux pays du tiers monde, cette disposition revêt une grande portée et oblige ainsi les gouvernements à accorder une place prépondérante à cet important domaine de la politique démographique et dé santé.

Avec l'introduction de l'obligation générale de s'assurer par la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994, l'accès aux soins médicaux nécessaires pendant la grossesse et l'accouchement est garanti à toutes les femmes, sans tenir compte des coûts entraînés. Avec l'assurance-maladie obligatoire, les contrôles pendant la grossesse, l'accouchement ainsi que les conseils d'allaitement sont couverts. Sur les prestations en cas de maternité, l'assureur ne peut ensuite exiger aucune participation aux frais (franchise ou quote-part) (art. 64, 7e al.).

33.11

Egalité quant aux prestations familiales, aux prêts bancaires et à tous les aspects de la vie culturelle (art. 13)

L'article 13 confirme que les Etats parties doivent prendre des mesures pour éliminer également la discrimination à l'égard de la femme dans tous les domaines de la vie économique et sociale qui ne sont pas abordés concrètement dans la Convention. Le droit aux prestations familiales, l'accès dans des conditions d'égalité aux prêts bancaires et le droit à participer aux activités récréatives, aux sports et à tous les aspects de la vie culturelle sont mentionnés de façon explicite.

Prestations familiales (art. 13, let. a)

La lettre a exige la garantie aux mêmes conditions du droit aux prestations familiales. En Suisse, les mesures de politique familiale ne sont pas réglées sur le plan fédéral, mais presque exclusivement au niveau cantonal et sont menées par différents organismes étatiques ou privés. On peut constater ici que l'ampleur des dépenses de l'économie en faveur des familles est plutôt faible comparée à celles du reste de l'Europe266\ Selon l'article 34iuintiuies, 2e alinéa, de la constitution, la Confédération est autorisée à légiférer en matière de caisses de compensation familiales. Elle peut déclarer obligatoire l'affiliation à ce type de caisses pour l'ensemble de la population ou pour certains groupes. Au niveau fédéral, seules les prestations familiales dans le domaine de l'agriculture ont été réglées jusqu'ici267'. Il n'y a ici aucune discrimination juridique au détriment de la femme. Le Conseil national a par ailleurs donné suite en 1991 à une initiative parlementaire qui exige une

266) voir «Politique familiale et budget social de la Suisse», Office fédéral de la statistique, Berne 1994.

267 > Loi fédérale du 20 juin 1952 sur les allocations familiales dans l'agriculture, RS 836.1

935

réglementation juridique fédérale268). Celle-ci prévoit un droit des familles à une allocation de 200 francs par enfant, ainsi qu'à des prestations de besoin, analogues aux prestations complémentaires prévues dans le domaine de l'assurance vieillesse, survivants et invalidité.

Tous les cantons ont légiféré en matière d'allocations familiales en faveur des salariés. En ce qui concerne le versement des prestations familiales, ils ont choisi diverses réglementations mais qui presque toutes traitent différemment l'un et l'autre sexe. Par exemple, une série de cantons octroie l'allocation au mari même si lés deux époux travaillent. Ensuite, à travers diverses réglementations, ce sont surtout les femmes divorcées ou- à la tête d'une famille ainsi que les personnes travaillant à temps partiel (en grande partie des femmes) qui sont désavantagées.

Les réglementations cantonales mentionnées sont ainsi en contradiction fondamentale avec la Convention. Elles n'empêchent cependant pas l'adhésion à la Convention. Etant donné qu'il s'agit à l'article 13 d'une disposition programmatoire, les Etats parties ont tout d'abord le devoir de prendre en charge «toutes les mesures appropriées» en vue de l'élimination de la discrimination dans le domaine évoqué. L'adaptation des réglementations cantonales sur les prestations familiales et les allocations enfants est d'ailleurs déjà une tâche incombant aux cantons en vertu de l'article 4, 2e alinéa, de la constitution.

Elimination des discriminations en matière d'accès aux prêts bancaires, prêts hypothécaires et autres formes de crédit financier (art. 13, lei. b) Les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées pour garantir aux femmes un droit équivalent à celui des hommes en matière de prêts bancaires, de prêts hypothécaires et d'autres formes de crédits.

Le droit suisse n'opère pas de discrimination fondée sur le sexe en matière de crédit financier, qu'il s'agisse de prêts bancaires, hypothécaires ou autres.

Le code civil (CC)269) de 1907 contenait plusieurs dispositions qui restreignaient la capacité des femmes mariées d'exercer leurs droits civils et, par conséquent, leur capacité de contracter des prêts. En vertu de l'ancien article 177, 3e alinéa, CC, la femme ne pouvait par exemple assumer des obligations envers des tiers dans l'intérêt de
son mari qu'avec le consentement de l'autorité tutélaire (acte d'intercession); le mari pouvait en revanche intercéder librement en faveur de son épouse.

Ces discriminations ont toutefois été éliminées en 1988 lors de l'entrée en vigueur de la révision du code civil portant sur les effets généraux du mariage, les régimes matrimoniaux et les successions. Le nouveau droit ne restreint plus la capacité de la femme mariée de disposer et de s'obliger sur tous ses biens. L'article 168 CC actuel prévoit que chaque époux peut, sauf disposition légale contraire, procéder à tous actes juridiques avec son conjoint et avec les tiers. Les dispositions légales réservées par cette disposition sont des règles qui tendent à protéger les deux conjoints contre des engagements inconsidérés et ne contreviennent pas au 268

> 122/91.411 n Initiative parlementaire Fankhauser du 13 mars 1991, Prestations familiales, BO 1992 N 215 ss > RS 210

269

936

principe de l'égalité entre hommes et femmes. Il s'agit par exemple des articles 494,1er alinéa, ou 2266,1er alinéa, et 228, du code des obligations270) sur l'exigence du consentement du conjoint pour la souscription d'un cautionnement ou la conclusion d'une vente par acomptes ou d'une vente avec paiements préalables271'.

Pour les cas particuliers, transitoires, dans lesquels les conjoints restent soumis à leur ancien régime matrimonial de l'union des biens ou de la communauté de biens en vertu des articles 9, lettre e, ou 10 du titre final du code civil et les limitations de la capacité des femmes d'administrer certains de leurs biens qui en découlent, nous renvoyons aux explications données ci-dessous en relation avec l'article 15.

Egalité dans tous les aspects de la vie culturelle (art. 13, let. c)

L'article 13, lettre c, exige pour les femmes le même droit que pour les hommes de participer aux activités récréatives, aux sports et à tous les aspects de la vie culturelle272^. Lors de l'élaboration de la Convention, la disposition a d'abord été discutée en liaison avec les mesures en vue de l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes dans la vie professionnelle273'. Assurément elle est essentielle, la question de la réglementation des loisirs des femmes professionnellement actives, qui - selon le partage des tâches encore en vigueur - ont souvent moins de temps libre à disposition que les hommes274'. Cependant, il semble tout aussi justifié de sortir la disposition du contexte de la vie professionnelle et de retendre à tous les aspects de la vie culturelle. La question de l'accès égal aux activités récréatives et à tous les aspects de la vie culturelle se pose pour les femmes en général, aussi bien pour celles qui exercent une activité rémunérée que pour les autres. La réglementation des trois domaines abordés est surtout de la compétence des cantons et des communes. Ceux-ci soutiennent ou entretiennent des centres de loisirs (p. ex. les centres de rencontre pour jeunes adolescents) et des équipements pour les loisirs, et décident de l'utilisation d'espaces publics à des fins d'activités récréatives et d'événements sportifs. Concernant le sport et la culture, considérés en grande partie comme des activités récréatives, la Confédération a une compétence parallèle. Selon l'article 27qumqules, 2e alinéa, de la constitution, la Confédération encourage la gymnastique et le sport des adultes.

Les activités de promotion de la culture de la Confédération sont de nature subsidiaire par rapport à l'activité des cantons275'.

Tant pour l'accès à des activités récréatives et au sport que pour la participation à la vie culturelle, on ne constate aucune restriction formelle du droit et des possibilités des femmes. Ceci est valable par exemple aussi pour des activités récréatives dans le cadre des associations. Ces dernières sont dans la plupart des cas ouvertes aux femmes comme aux hommes, aux filles comme aux garçons.

27

°> RS 220

271) pp 1979 n 1245> ch. 217.1.

272) Voir aussi l'article 15, chiffre 1, lettre a, en relation avec l'article 3 du Pacte I, RS 0.103.1 273) Article 11, paragraphe 1, lettre h, voir Lars Adam Rehof, op. cit., p. 150.

274) Office fédéral de la statistique (voir à la note 255), p. 33 et suivante.

275 > Un survol des activités de la Confédération en matière de promotion de la culture se trouve dans FF 1992 I 523 ss 937

Dans le domaine de l'art également, les conditions d'admission aux formations, l'accès à des bourses et à des aides à la formation, les conditions pour obtenir des contributions à la promotion de la culture pour des projets ou pour des prix ne sont pas différenciés selon des critères spécifiques à l'un ou l'autre sexe. Ceci est spécialement valable pour la législation et la pratique de la Confédération, par exemple pour la promotion des arts appliqués et des arts plastiques, pour la promotion des films ou de la jeunesse.

Ici aussi, ce sont de forts préjugés sociaux qui marquent encore et toujours le droit des femmes à participer sans entraves et pleinement aux activités récréatives, aux sports et à tous les aspects de la vie culturelle. Une enquête du Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes et du Service de la jeunesse de l'Office fédéral de la culture sur la situation des jeunes filles et des femmes dans les associations suisses de jeunesse276^ a montré que ce sont surtout des schémas structurels et de comportement qui empêchent les filles et les femmes de faire passer et d'imposer leurs besoins. Cela est particulièrement visible dans le fait que les femmes sont sous-représentées dans les comités de direction ou de promotion. Dans tous les domaines, au-delà de ce qui a pu être réalisé ces dernières années, il faut redoubler d'efforts afin d'arriver à une représentation égale des femmes. Diverses mesures doivent être prises afin d'atteindre une égalité des sexes effective dans les domaines évoqués par l'article 13, lettre c.

33.12

Egalité entre la femme et l'homme dans les zones rurales (art. 14)

L'article 14 contient des dispositions qui tiennent compte des problèmes particuliers qui se posent aux femmes en zones rurales et du rôle important que ces femmes jouent dans la survie économique de leur famille (par. 1). Les Etats parties prennent des mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans les zones rurales afin d'assurer, sur la base de l'égalité, leur participation au développement rural (par. 2). Ils leur garantissent en particulier le droit de participer à l'élaboration et à l'exécution des plans de développement, l'accès aux services dans le domaine de la santé, à l'enseignement, aux crédits et prêts agricoles, ainsi que le droit d'organiser des groupes d'entraide et des coopératives (par. 2, let. a à h).

En Suisse, près de 40 pour cent de la population vit dans les régions rurales, lesquelles forment 80 pour cent du territoire national. La statistique différenciée (relative au taux d'activité lucrative des femmes par rapport à l'ensemble de la population) indique que le taux de femmes rurales exerçant une activité lucrative est inférieur à celui des zones urbaines, indiquant ainsi une tendance inverse par rapport à la population masculine. Le taux d'occupation lucrative des femmes est largement tributaire de l'offre d'emplois, laquelle est non seulement plus variée dans les zones urbaines, mais correspond en général mieux à la formation des femmes. Le manque d'emplois à temps partiel dans les régions rurales est aussi une cause de ce faible taux. Enfin, la structure démographique de ces régions joue 276

> «Auf Bäume klettern können wir auch ganz allein!», Berne, juin 1992.

938

également un rôle dans la mesure où l'on y trouve une proportion bien plus élevée de femmes mariées ayant des enfants. Cependant, il convient de tenir compte du fait qu'un tiers environ des exploitations agricoles sont gérées à titre accessoire277^. Dans de telles exploitations, la part la plus importante du travail incombe à la femme dans la mesure où le revenu principal de l'homme provient d'une activité principale non-agricole. Les salaires des femmes sont encore bien inférieurs à ceux des hommes278'.

L'article 14 concerne en premier lieu la situation et les problèmes des femmes des pays en développement (cf. ch. 14). Notre pays ne connaît aucune discrimination à rencontre des femmes des régions rurales. Les efforts entrepris en vue de la réalisation complète de l'égalité entre hommes et femmes couvrent aussi les femmes de ces régions.

33.13

Egalité entre la femme et l'homme en matière de capacité juridique dans le domaine civil (art. 15)

Egalité de l'homme et de la femme devant la loi Selon le paragraphe 1, les Etats parties reconnaissent à la femme l'égalité avec l'homme devant la loi; cette disposition correspond à l'article 4, 2e alinéa, de la constitution en droit suisse, lequel prescrit, dans sa première phrase, que l'homme et la femme sont égaux en droit.

Capacité juridique de la femme et nullité des contrats visant à limiter cette capacité Selon l'article 15, paragraphe 2, les Etats parties reconnaissent à la femme, en matière civile, une capacité juridique identique à celle de l'homme et les mêmes possibilités de l'exercer. Ils lui reconnaissent en particulier des droits égaux en ce qui concerne la conclusion de contrats et l'administration des biens et leur accordent le même traitement à tous les stades de la procédure judiciaire.

En outre, le paragraphe 3 de la même disposition prescrit que les Etats parties conviennent que tout contrat et tout autre instrument privé, de quelque type que ce soit, ayant un effet juridique visant à limiter la capacité juridique de la femme, doivent être considérés comme nuls. Cette disposition vise à protéger les femmes contre des limitations volontaires de leur capacité juridique. Elle correspond par conséquent à l'article 27 CC, 1er alinéa, en vertu duquel nul ne peut, même partiellement, renoncer à la jouissance et à l'exercice des droits civils.

277 > 278

Cf. Rapport sur l'agriculture, FF 1992 II 140, spécialement p. 160, tableau 9.

> Cet écart se répercute sur la rétribution équitable mentionnée à l'article 49a de l'ordonnance générale sur l'agriculture (ordonnance du 21 déc. 1953 relative à des dispositions de caractère économique de la loi sur l'agriculture, ordonnance générale sur l'agriculture, Oagr., RS 916.01). La rétribution équitable sert à calculer le travail de la main-d'oeuvre agricole familiale, un des critères appliqués pour déterminer la politique des revenus. Les salaires perçus par les femmes pour le travail non agricole entrent dans ce calcul proportionnellement à leur part au travail agricole. Les montants retenus ne doivent toutefois pas être inférieurs à 85 pour cent des salaires des hommes, tant que ce seuil ne sera pas atteint (Directives du Département fédéral de l'économie publique du 21 juin 1982 applicable à la détermination et à l'application du revenu paysan).

939

L'article 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques régit déjà, sur le plan international, le problème de la capacité juridique279).

De manière générale, le droit suisse satisfait aux exigences posées par les paragraphes 2 et 3 de l'article 15 de la Convention. En vertu de l'article 11 CC, toute personne jouit des droits civils et a, en conséquence, une aptitude égale à devenir sujet de droits et d'obligations. La plupart des différences de traitement fondées sur le sexe ont été abrogées lors de la révision des dispositions du code civil relatives aux effets généraux du mariage qui a supprimé la prééminence du mari dans l'union conjugale. Les dispositions qui restreignaient la capacité des femmes mariées de conclure des contrats, ainsi que le droit d'administrer leurs biens et d'en disposer, ont été abrogées. Tel est par exemple le cas de l'ancien article 177, 3e alinéa, CC, qui interdisait à l'épouse d'intercéder librement en faveur de son époux (cf. également les commentaires ci-dessus ad art. 13, let. b).

Au surplus, l'ancien article 168, 2e alinéa, CC, selon lequel le mari avait seul qualité pour représenter280' son épouse dans les contestations avec des tiers relativement aux apports de cette dernière a également été abrogé281'. La femme est donc désormais capable d'ester en justice comme le mari, sans limitation282'.

En ce qui concerne l'administration de leurs biens par les femmes, il convient toutefois de mentionner le droit transitoire, à savoir les articles 9e et 10 du titre final du CC. Les époux restent soumis aux anciennes règles du code civil sur l'union des biens ou la communauté de biens, lorsqu'ils font une déclaration écrite commune (art. 9e du titre final du CC: maintien de l'union des biens) ou avaient conclu un contrat de mariage sous l'empire de l'ancien droit (art. 10 du titre final du CC). Dans le projet du Conseil fédéral, les époux mariés sous le régime de l'union des biens qui avaient convenu par contrat de mariage d'une autre répartition du bénéfice, passaient d'office au nouveau régime de la participation aux acquêts, tout en gardant la clause contractuelle correspondante283'. Le Parlement a toutefois rejeté cette solution. En revanche, le nouveau droit a réservé aux époux la faculté de se soumettre au nouveau régime de la participation aux
acquêts, en faisant simplement une déclaration commune dans l'année à compter de l'entrée en vigueur de la révision (art. Wb, 1er al., du titre final du CC).

A l'inverse, le nouveau droit donne la possibilité aux époux qui s'étaient mariés sous le régime ordinaire de l'union des biens et qui ne l'ont pas modifié par contrat de mariage, de demeurer soumis à ce régime en faisant une déclaration dans ce sens (art. 9e, 1er al., du titre final du CC).

Même lorsque les époux restent soumis à l'ancien droit en matière de régime matrimonial, les anciens articles 168, 2e alinéa, CC (restriction à la capacité d'ester en justice) et 177,3e alinéa, (interdiction d'intercéder) ne s'appliquent pas.

279

> Voir aussi article 14 seul ou en relation avec article 3 du Pacte II; RS 0.103.2 °) Le mari n'avait cependant pas la qualité de partie au procès: ATF 89 II 79/82 > Cf. notamment R. Reusser, Das Übergangsrecht zu den vermögensrechtlichen Bestimmungen des neuen Eherechts, in: Vom alten zum neuen Eherecht, Berne 1986, p. 135/140 sv.; H. Deschenaux/P.-H. Steinauer, Le nouveau droit matrimonial, Berne 1987, p. 560, n.

20.

282 > Deschenaux/Steinauer, op. cit., p. 89.

283) FF 1979 II 1346; ch. 242.63.

28

281

940

Une inégalité subsiste cependant dans la mesure où les femmes concernées ne sont pas libres d'administrer elles-mêmes leurs biens. Au contraire, il appartient en principe au mari d'administrer les apports de son épouse (cf. ancien art. 200,1er al., CC; s'agissant de la jouissance de ces biens, cf. ancien art. 201,1er al, CC). Il en va de même en ce qui concerne l'administration des biens communs dans l'ancien régime de la communauté de biens (cf. ancien art. 216,1er al., CC). C'est pourquoi le Conseil fédéral propose de formuler une réserve à l'endroit de ces dispositions.

S'agissant de la capacité de contracter mariage, l'âge minimum légal (art. 96 CC) a été révisé pour tenir compte du principe de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes lors de la révision du code civil en vue de l'abaissement de l'âge de la majorité civile284'. En outre, il est prévu d'abroger, à l'occasion de la révision du droit du divorce, l'article 103 CC qui prévoit un délai d'attente auquel la femme doit se soumettre avant de pouvoir se remarier.

Droit de la femme de circuler librement et de choisir librement sa résidence et son domicile Depuis la révision du droit des effets généraux du mariage, les conjoints choisissent ensemble la demeure commune (art. 162 CC). Le domicile légal de la femme mariée a été abrogé à la même date (cf. ancien art. 25, 1er al., CC qui prévoyait que le domicile du mari était considéré comme celui de la femme mariée). En vertu de l'article 175 CC, un époux, l'homme ou la femme, est fondé à refuser la vie commune aussi longtemps que sa personnalité, sa sécurité matérielle ou le bien de la famille sont gravement menacés. Par ailleurs, le droit suisse des étrangers garantit le même traitement à l'homme et à la femme en matière de circulation et de résidence. Le droit suisse est donc conforme aux exigences de l'article 15, 4 e paragraphe, de la Convention quant au droit de la femme de circuler librement et de choisir sa résidence et son domicile.

33.14

Elimination des discriminations" à l'égard des femmes dans le domaine matrimonial et dans les rapports familiaux (art. 16)

Egalité dans le mariage et dans les rapports familiaux (art. 16, par. 1) L'article 16, paragraphe 1, de la Convention oblige les Etats parties à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer les discriminations à l'égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux.

Les deux dernières révisions du code civil (CC) (effets généraux du mariage, régimes matrimoniaux et successions, révision du code civil du 5 oct. 1984, entrée en vigueur le 1er janv. 1988; abaissement de l'âge de la majorité civile et matrimoniale adoptée par le Parlement le 7 oct. 1994285' et qui entrera en vigueur le 1er janv. 1996) tendent à promouvoir l'égalité entre hommes et femmes dans le domaine du droit de la famille. La révision en cours du droit de la conclusion du

^ RO 1995 1126; cf. FF 1993 I 1093, ch. 23.

TM) RO 1995 1126

941

mariage et du droit du divorce tend au même but (cf. rapport explicatif et avant-projet de révision du code civil de 1992).

Le nouvel âge de la capacité matrimoniale (let. a) est fixé à 18 ans pour les hommes et les femmes au nouvel article 96 CC. En outre, la possibilité d'émancipation est supprimée (cf. ancien art. 96, 2e al., CC). Le droit de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement (let. b) est également garanti (art. 54 est. et art. 12 CEDH). La Suisse a formulé une réserve à l'article 5 du protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme286^. Cette disposition stipule que les époux jouissent de l'égalité de droits et de responsabilités entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.

Conformément à la lettre c, hommes et femmes ont des droits et des responsabilités égaux au cours du mariage (cf. art. 159 ss CC), ce qui était l'un des objectifs principaux de la révision du droit matrimonial; on peut par exemple mentionner les modifications fondamentales suivantes: le mari a perdu son statut de chef de l'union conjugale, les conjoints choisissent ensemble la demeure commune, ils représentent de manière égale l'union conjugale et contribuent chacun selon ses facultés à l'entretien de la famille. Le nouveau droit des régimes matrimoniaux porte également l'empreinte de la volonté de promouvoir l'égalité entre les sexes, chaque époux conservant dans le régime ordinaire de la participation aux acquêts la propriété de ses masses de biens, ainsi que la faculté d'en jouir, de les gérer et d'en disposer. La réglementation des relations des parents mariés et de leurs enfants ne contient pas non plus de discrimination à l'égard des femmes.

L'autorité parentale est exercée en commun par les père et mère durant le mariage (art. 297,1er al., CC) et ils supportent en commun les frais d'entretien de l'enfant (art. 278 CC en relation avec art. 163). Quant à l'égalité des droits et des responsabilités à la dissolution du mariage (également prévue à la let. c), elle est déjà formellement réalisée: c'est le bien de l'enfant qui est seul déterminant pour l'attribution du droit de garde. De plus, la révision du droit du divorce devrait introduire la possibilité pour les
parents divorcés d'exercer conjointement l'autorité parentale. Elle a également pour objectif de régler de manière plus équitable les conséquences financières du divorce (cf. art. 126s de l'avant-projet sur le partage des expectatives du deuxième pilier, ainsi que les articles 130 ss sur l'entretien postérieur au divorce).

En ce qui concerne le planning familial (let. e), la loi fédérale sur les centres de consultation en matière de grossesse, du 9 octobre 198l287), prévoit qu'en cas de grossesse, les personnes directement intéressées ont droit à des consultations gratuites et à une aide et elle charge les cantons d'instituer des centres de consultation pour tous les problèmes relatifs à la grossesse. En vertu de l'article 2, 3e alinéa, de l'ordonnance d'application de cette loi288', l'Office fédéral des assurances sociales publie une fois par an le répertoire complet des centres reconnus. La Convention n'aborde pas la question de l'avortement et n'impose

286

> RS 0.101.07; voir cependant arrêt Burghartz c/Suisse, du 22 février 1994, série A n° 280-B.

> RS 857.5 288 > RS 857.51

287

942

aucune obligation de libéraliser ou de réprimer l'avortement. Seuls la stérilisation et l'avortement forcés seraient contraires à l'article 16 de la Convention. Selon une observation du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (voir art. 17 de la Convention), les Etats parties devraient cependant s'assurer que les femmes ne soient pas contraintes d'avoir recours à des solutions dangereuses pour leur santé, telles que le recours à l'avortement illégal, faute de services appropriés en matière de planning familial.

La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes contient deux dispositions (let. d et f) s'appliquant spécialement aux droits du père et de la mère. Il s'agit en premier lieu de la garantie de l'égalité des droits et des responsabilités pour les questions se rapportant aux enfants, l'intérêt de ces derniers étant toujours la considération primordiale (let. d). Ensuite, les mêmes droits et responsabilités doivent être garantis en matière de tutelle, de curatelle, de garde et d'adoption des enfants ou d'autres institutions similaires, l'intérêt des enfants étant également ici la considération primordiale (let. f).

Certaines dispositions du droit de la famille traitent différemment la femme et l'homme. Selon les dispositions du code civil, l'autorité parentale, avec comme attribut la garde, est en principe attribuée à la mère lorsque les parents ne sont pas mariés ensemble (art. 298, 1er al., CC). Cette inégalité formelle se défend cependant d'un point de vue matériel289'. Si l'on considère que la Convention n'interdit que les discriminations à l'égard des femmes (à ce sujet, voir ad art. 11, par. 1, let. e, de la Convention), le droit suisse actuel satisfait aux exigences de la Convention. Les dispositions du dro'it suisse sur l'adoption (art. 264 ss CC) sont conformes aux exigences de la Convention. En droit tutélaire, l'article 382, 1er alinéa, CC contient une discrimination fondée sur le sexe dans la mesure où seuls les hommes sont tenus d'accepter d'exercer les fonctions de tuteur. Cette inégalité, qui pourra être éliminée dans le cadre de la révision du droit du divorce, n'est toutefois pas contraire à la Convention, car celle-ci n'interdit que la discrimination à l'égard des femmes.

La lettre g de l'article 16,
paragraphe 1, traite du choix du nom de famille et de la liberté de choisir sa profession ou son occupation: La réglementation actuelle du nom de famille ne respecte pas le principe de l'égalité entre hommes et femmes au sens de l'article 4, 2e alinéa, de la constitution et ne peut dès lors pas se concilier avec l'article 16 de la Convention.

En vertu de l'article 160,1er alinéa, CC, le nom de famille des époux est le nom du mari. La fiancée peut toutefois déclarer à l'officier d'état civil vouloir conserver le nom qu'elle portait jusqu'alors, suivi du nom de famille (art. 160, 2e al., CC).

Conformément à l'article 30, 2e alinéa, CC, les fiancés peuvent demander à porter le nom de la femme comme nom de famille, s'ils font valoir des intérêts légitimes.

A la suite d'un arrêt rendu le 22 février 1994 par la Cour européenne des droits de l'homme290', l'article 177a de l'ordonnance sur l'état civil (OEC291') a été complété afin de permettre au mari de bénéficier de la même possibilité que celle

289

> Cf. FF 1974 II 76 °) Arrêt Burghartz c/Suisse, du 22 février 1994, Série A n° 280-B.

29

291

> RS 211.112.1

943

prévue à l'article 160,1er alinéa, CC dans le cas où les fiancés ont choisi le nom de cette dernière comme nom de famille, c'est-à-dire de pouvoir continuer à porter le nom qu'il portait jusqu'au mariage suivi du nom' de famille. La possibilité offerte par les articles 30,2e alinéa, CC et ffla OEC atténue le caractère discriminatoire de l'article 160, 1er alinéa, CC, mais ne réalise pas pleinement le principe de l'égalité des droits entre hommes et femmes. Il se justifie encore de mentionner dans ce contexte l'article 270 CC qui régit l'attribution du nom aux enfants. En vertu du 1er alinéa, l'enfant de conjoints porte leur nom de famille. Le second alinéa prévoit quant à lui que l'enfant dont la mère n'est pas mariée avec le père acquiert le nom de la mère ou, lorsque celle-ci porte un double nom à la suite d'un mariage antérieur, le premier de ces deux noms. Cette différence de traitement ne constitue pas une discrimination à l'égard des femmes.

La réglementation du droit du nom de famille, adoptée dans son principe lors de la révision du droit matrimonial entré en vigueur en 1988, constitue un compromis qui n'a pu être trouvé qu'au terme d'âpres discussions. A l'époque, le Parlement a voulu maintenir à tout prix l'unité du nom de famille pour les époux et les enfants, tout en se rendant compte du fait que la réglementation du nom de famille ne respectait pas l'article 4, 2e alinéa, de la constitution. La question du nom demeure un problème délicat. En 1991, le Conseil fédéral a proposé d'accepter sous la forme d'un postulat une motion Leutenegger Oberholzer (91.3264, Nom de famille. Révision du CC), en soulignant que, si du point de vue de la technique législative, diverses variantes peuvent être assez facilement trouvées pour les époux, des difficultés apparaissent lorsqu'il s'agit de déterminer le nom de famille des enfants. Une nouvelle réglementation devrait tenir compte à la fois de l'égalité des droits entre hommes et femmes et des exigences posées par le droit de la famille et de la personnalité, en particulier la nécessité de trouver une solution satisfaisante et praticable pour le nom de famille des enfants. Une révision nécessiterait que soient consultés au préalable les divers milieux concernés. La formulation d'une réserve relative à l'article 16, paragraphe 1, lettre g, concernant
le nom de famille, s'impose en raison des problèmes législatifs exposés ci-dessus, mais aussi du point de vue du choix des priorités. La formulation d'une réserve relative à l'article 16, paragraphe 1, lettre g, dans la mesure où il prévoit que la réglementation du nom doit satisfaire aux exigences de l'égalité entre hommes et femmes s'impose donc en raison des problèmes législatifs que pose le nom de famille et des travaux préparatoires importants qui devront être réalisés avant une éventuelle révision des dispositions relatives à cette question 292\ Depuis la révision du droit matrimonial en 1988, la femme mariée, à l'instar de l'homme, choisit librement d'exercer une profession. En vertu de l'article 167 CC, tous deux doivent avoir égard à la personne de l'autre conjoint et aux intérêts de l'union conjugale lorsqu'ils font le choix d'une profession.

292

> La réponse du Conseil fédéral doit aussi être examinée à la lumière des faits suivants: la motion Leutenegger Oberholzer (Bulletin sténographique 1992, p. 2648) n'a été déposée que peu de temps après l'entrée en vigueur du nouveau droit matrimonial et la révision de la loi ne peut être considérée comme prioritaire. Une initiative parlementaire Sandoz déposée le 14 décembre 1994 et demandant que soit réalisée l'égalité entre hommes et femmes concernant le nom de famille des époux dans le CC est actuellement examinée par le Parlement.

944

S'agissant de l'article 16, paragraphe 1, lettre h, de la Convention, lequel prévoit que les époux ont les mêmes droits en matière de propriété, d'acquisition, d'administration, de jouissance et de disposition des biens, il suffit de renvoyer aux explications données ci-dessus en relation avec l'article 15 de la Convention et les problèmes posés par le droit transitoire en matière de régimes matrimoniaux (art.

9e, 1er al, et 10, 1er al, du titre final du CC).

Interdiction des fiançailles et des mariages d'enfants (art. 16, par. 2) . L'article 16, paragraphe 2, de la Convention prévoit la nullité des fiançailles et des mariages d'enfants. En outre, il soumet la capacité matrimoniale à un âge minimal et prévoit l'inscription obligatoire des mariages sur un registre officiel. Pour le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (voir art. 17 de la Convention), l'âge légal pour le mariage ne devrait pas être inférieur à 18 ans pour l'homme et pour la femme. Le Conseil fédéral a fixé au 1er janvier 1996 l'entrée en vigueur de la révision du code civil abaissant à 18 ans l'âge de la capacité civile et matrimoniale293', de telle sorte que, dès cette date, les mineurs n'auront plus, selon les règles du droit suisse, la possibilité de contracter mariage (art. 96 CC). Enfin, l'inscription des mariages est prévue à l'article 92 OEC. Le droit suisse satisfait par conséquent aux exigences de l'article 16, paragraphe 2, de la Convention.

Violence à l'égard des femmes dans le cadre des relations familiales En relation avec l'article 16, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (voir art. 17 de la Convention) aborde également le problème de la violence familiale à l'égard des femmes, comme l'une des formes de violence les plus insidieuses. Les nouvelles dispositions pénales relatives aux infractions contre l'intégrité sexuelle (révision du 21 juin 1991, entrée en vigueur le 1er oct.

1992) répriment le viol entre époux et la contrainte sexuelle entre époux (art. 190 et 189 CP); ces deux infractions ne sont poursuivies que sur plainte. Le code pénal suisse réprime en outre l'inceste et la bigamie, qui sont poursuivis d'office (art. 213 et 215 CP). En outre, la violation d'une obligation d'entretien, laquelle peut également représenter une forme de violence à
l'égard des femmes, est réprimée par l'article 217 du code pénal.

En outre, la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI)294' permet d'accorder une aide aux victimes d'infractions contre l'intégrité sexuelle, sous forme de conseils, de protection des droits dans la procédure pénale et d'indemnisation et de réparation morale (voir ch. 321).

34

Résumé: réserves à la Convention

Bien que l'ordre juridique suisse soit compatible dans une large mesure avec les exigences de la Convention, certaines obligations restent encore à remplir dans le cadre du programme législatif mis sur pied sur la base de l'article 4,2 e alinéa, de la constitution et intitulé «Egalité des droits entre hommes et femmes». Etant donné 293 > 294

RO 1995 1126 > RS 312.5

945

qu'il existe une volonté politique claire de réaliser les objectifs de la Convention, ayant essentiellement caractère de programme, des réserves sur ces points ne sont pas nécessaires. Le chiffre 33 du présent message expose en détail la compatibilité de l'ordre juridique suisse avec les dispositions de la Convention. Reste que les travaux réalisés à ce jour en application du programme législatif contiennent certaines incompatibilités ponctuelles avec les exigences de la Convention. C'est dans ces domaines, de même qu'en relation avec l'obligation de service militaire, que le Conseil fédéral propose les trois réserves suivantes: . 1) Réserve portant sur l'article 7, lettre b: la Convention prévoit que les femmes doivent avoir le droit d'occuper des emplois publics et d'exercer toutes les fonctions publiques à tous les échelons du gouvernement. Cette exigence s'applique ainsi également à la situation des femmes au sein de l'armée. Or en Suisse, si les femmes sont intégrées dans l'armée depuis le début de 1995, elles ne peuvent y exercer de fonctions impliquant un engagement armé au-delà de l'auto-défense.

Une réserve est donc nécessaire sur ce point295).

2) Réserve portant sur l'article 16, paragraphe 1, lettre g: la Convention prévoit que la femme doit jouir du même droit que l'homme en ce qui concerne le choix du nom de famille. Or en Suisse, la famille prend en règle générale le patronyme du mari (art. 160,1er al., du code civil, CC2%') et c'est ce dernier que portent les enfants. Si la femme peut faire précéder le nom de famille de son nom, les époux ne peuvent choisir comme nom de famille celui de l'épouse que si leur requête en ce sens est acceptée (art. 30, 2e al., CC). Ceci constitue une discrimination à l'égard de la femme dans la mesure où le choix de son nom comme patronyme de la famille est soumis à autorisation alors que celui de l'homme ne l'est pas. La question de savoir si la législation sera modifiée dans un délai prévisible dans le sens des exigences de la Convention dépend dans une large mesure de la décision du Parlement concernant l'initiative Sandoz297'. La Suisse a déposé une réserve de teneur équivalente à l'égard de l'article 5 du 7e Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH)298'. II convient d'en faire ' de même pour l'article 16,
paragraphe 1, lettre g, de la Convention299'.

3) Réserve portant sur l'article 15, paragraphe 2, et sur l'article 16, paragraphe 1, lettre h: la Convention prescrit que les époux doivent avoir les mêmes droits en matière de propriété, d'acquisition, de gestion, d'administration, de jouissance et de disposition des biens. Le nouveau droit matrimonial suisse établit le principe de l'égalité des droits en matière patrimoniale. Ainsi, à défaut de disposition contractuelle entre les époux, le régime commun de la participation aux acquêts s'applique. Cependant, conformément aux dispositions transitoires du titre final du code civil sur le régime matrimonial (art. 9e et 10), il demeure possible dans certains cas - notamment par contrat de mariage ou par déclaration de maintien du régime de la communauté des biens - d'écarter le régime commun au profit du droit antérieur300'. Du fait de l'existence de cette possibilité d'écarter l'application 295

> Pour plus de détails, voir supra ad ch. 33.3 (art. 7).

> RS 210 a") N° 100/94.434, déposée le 14 décembre 1994.

296

298

> RS 0.101.07

299

> Pour plus de détails, voir supra ad ch. 33.14 (art. 16, par. 1, let. h).

300) pour pius de détails, voir supra ad ch 33.14 (art. 16, let. h).

946

du nouveau droit matrimonial au profit du droit antérieur contenant des discriminations, l'ordre juridique suisse ne répond pas pleinement aux exigences de la Convention. Même si pareille situation ne devait concerner qu'une petite minorité des couples vivant en Suisse, une réserve doit être déposée à cet égard, comme cela a du reste déjà été le cas s'agissant de l'article 5 du 7e Protocole additionnel à la CEDH301>.

La présente Convention prévoit la possibilité de déposer des réserves, pour autant que celles-ci ne soient pas incompatibles avec son objet et son but (art. 28, par. 2).

Les réserves présentées ci-dessus ne portent pas d'atteinte grave aux objectifs de la Convention, d'une manière qui serait incompatible avec son but. Elles sont donc admissibles.

La pratique suisse en matière de réserves aux traités internationaux peut paraître relativement stricte en comparaison internationale302*. Elle exprime cependant le souci de prendre au sérieux les normes internationales, en particulier dans le domaine des droits de l'homme, et d'indiquer clairement les incompatibilités entre ces normes et le droit national. En outre et aux termes de la Convention, les réserves peuvent être retirées à tout moment (art. 28, par. 3). Les deux premières réserves proposées pourraient, le cas échéant, perdre leur justification suite à une révision législative. Quant à la troisième, elle ne s'imposera plus lorsqu'au fil des années il ne restera plus de couples ayant choisi de rester soumis à l'ancien droit matrimonial. Afin de faciliter la procédure dans ces hypothèses, il est proposé d'habiliter le Conseil fédéral à retirer ces réserves, si elles devenaient sans objet suite à des modifications législatives. En procédant ainsi, les Chambres fédérales approuveraient le retrait de ces réserves à l'avance, sous réserve des modifications législatives pertinentes, qui seront discutées en procédure législative ordinaire et devront être soumises au référendum facultatif. En l'espèce, il s'agirait pour les Chambres fédérales d'approuver à l'avance le retrait d'une de ces réserves, aux conditions explicitées ci-dessus. Elles n'autoriseraient cependant nullement le Conseil fédéral à procéder à des modifications non spécifiées des engagements internationaux découlant de la Convention. La compétence parlementaire d'approbation
n'est ainsi pas déléguée au Conseil fédéral, de sorte que la présente approbation anticipée doit, à l'instar de toute approbation ordinaire, revêtir la forme d'un arrêté fédéral simple.

4

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

41

Pour la Confédération

Aux termes de l'article 17, paragraphes 8 et 9, les coûts engendrés par l'activité du Comité sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes - lequel est chargé de la supervision de l'application par les Etats parties de leurs engagements au titre de la Convention - sont prélevés sur les ressources de l'Organisa30

') RS 0.101.07

302

> Cf. la présentation de la pratique du Conseil fédéral en matière de ratification de traités internationaux et de formulation de réserves dans le rapport de gestion du Conseil fédéral de 1988, DFAE, chapitre D IV, p. 46 ss.

947

tion des Nations Unies. Bien que la Suisse ne soit pas membre de l'ONU, elle contribue déjà à ses frais administratifs généraux. Le montant de ces contributions est indépendant de la ratification de la présente Convention.

La ratification de la Convention n'aura pas de conséquences financières directes pour la Confédération. Le caractère de programme de l'essentiel des dispositions de la Convention laisse aux autorités fédérales une grande marge d'appréciation s'agissant de la manière d'adapter la Convention aux réalités juridiques nationales. En outre, l'article 4, 2e alinéa, de la constitution303' prescrit déjà à la Confédération, aux cantons et aux communes de mettre en oeuvre le principe de l'égalité304', de telle sorte que la ratification de la Convention ne devrait pas occasionner une surcharge de travail supérieure à celle issue de l'entrée en vigueur de l'article 4, 2e alinéa, de la constitution.

L'administration fédérale devra, conformément à l'article 18, paragraphe 1, de la Convention et dans le délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de celle-ci pour la Suisse, établir un rapport substantiel (en particulier s'agissant du rapport initial) sur les mesures adoptées pour donner effet aux dispositions de la Convention. Par la suite, des rapports périodiques seront dus tous les quatre ans ou à chaque fois que le Comité en fera la demande. Etant donné que de nombreux domaines couverts par la Convention ressortissent à la compétence des cantons, ces derniers devront être consultés lors de l'élaboration des rapports. Au sein de l'administration fédérale, c'est le Bureau fédéral de l'égalité qui est compétent pour les questions d'égalité entre femmes et hommes. Ce bureau entretient également des contacts avec les bureaux de l'égalité existant sur le plan cantonal.

Il ne pourra toutefois pas assumer cette nouvelle tâche avec le personnel dont il dispose actuellement. Tout au moins pour la rédaction de l'important rapport initial sur la mise en oeuvre de la Convention, une unité de personnel supplémentaire est nécessaire, qui, en raison du blocage du personnel, devra être mise à disposition par des mesures internes.

42

Pour les cantons

Comme on l'a exposé au chiffre 33, la mise en oeuvre pratique de la Convention incombera pour une large part aux cantons. L'article 4, 2e alinéa, de la constitution constitue la base du devoir de légiférer en vue de la réalisation de l'égalité.

Cette obligation s'adresse aussi aux cantons, de sorte que la Convention ne leur impose aucune obligation supplémentaire qui ne découlerait pas déjà de l'article 4, 2e alinéa, de la constitution, et plus concrètement du programme législatif «Egalité des droits entre hommes et femmes».

Selon les cantons et en fonction de l'état des travaux de mise en oeuvre de l'article 4, 2e alinéa, de la constitution, la réalisation des objectifs à caractère de programme de la Convention impliquera diverses mesures d'adaptation. La ratification de la Convention ne devrait ainsi pas entraîner une charge supplémentaire de travail. De plus, le principe général selon lequel une surcharge de 303

> RS 101; voir aussi le message relatif à l'article 4 est. FF 1980 I 77 ss 304) ATF 108 Ia 29E. 5a; 116 la 370

948

travail ne peut être considérée comme un argument décisif dans le domaine de la non-discrimination à l'égard des femmes305' reste applicable à tous les échelons de l'activité législative, de mise en oeuvre et de financement du principe de l'égalité.

5

Programme de la législature

La ratification de la présente Convention est prévue dans le rapport sur le programme de la législature 1991-1995 (FF 1992 III 1/1).

6

Constitutionnalité

La constitutionnalité de l'arrêté fédéral concernant la ratification de la présente Convention repose sur l'article 8 de la constitution, qui donne à la Confédération la compétence de conclure des traités internationaux. La compétence de l'Assemblée fédérale découle de l'article 85, chiffre 5, de la constitution.

De même que les deux Pactes des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme, la présente Convention ne contient pas de clause de dénonciation. L'inclusion d'une telle clause a été discutée lors des travaux préparatoires306'. Elle fut toutefois écartée, l'article 26 ayant été jugé suffisant, qui permet à tout Etat partie de demander par notification écrite au Secrétaire général de l'ONU la révision de la Convention. La nature même de la Convention exclut un droit implicite à sa dénonciation307'. La Convention a en effet un caractère universel et concrétise les obligations déduites de la Charte des Nations Unies et des Pactes I et II (voir aussi 3e al. du préambule de la Convention).

Comme la Convention n'est pas dénonçable, l'arrêté fédéral que nous vous proposons d'adopter est sujet au référendum facultatif en vertu de l'article 89, 3e alinéa, lettre a, de la constitution.

N37868

305

> Cf. Message du 14 novembre 1979 sur l'initiative «droits égaux pour l'homme et la femme»,FF 1980 I 77 306) UN-Doc. E/CN.6/AC.1/L.2, p. 10; Lars Adam Rehof, op. cit., p. 229.

307 > Selon l'article 56 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, RS 0.111 62 Feuille fédérale. 147e année. Vol. IV

.

949

Arrêté fédéral Projet portant sur la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes

du

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 8 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 23 août 19951), arrête: Article premier 1 La Convention du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes est approuvée avec les réserves suivantes: a.

Réserve portant sur l'article 7, lettre b: Est réservée la législation militaire suisse, qui prescrit que les femmes ne peuvent exercer des fonctions impliquant un engagement armé allant audelà de l'auto-défense.

b. Réserve portant sur l'article 16, paragraphe 1, lettre g: Cette disposition est appliquée sous réserve de la réglementation relative au nom de famille (art. 160 CC et art. Sa, titre final, CC)2).

c. Réserve portant sur l'article 15, paragraphe 2, et sur l'article 16, paragraphe 1, lettre h: Ces dispositions sont appliquées sous réserve de diverses dispositions transitoires du régime matrimonial (art. 9e et 10, titre final, CC).

2 Le Conseil fédéral est autorisé à ratifier la Convention, en formulant les réserves susmentionnées.

3 Le Conseil fédéral est autorisé à retirer ces réserves si elles deviennent sans objet.

Art. 2 Le présent arrêté est soumis au référendum en matière de traités internationaux d'une durée indéterminée et non dénonçables (art. 89, 3e al., let. a, est.).

N37868

') FF 1995 IV 869 > RS 210

2

950

Convention

Texte original

sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes

Les Etats parties à la présente Convention, Notant que la Charte des Nations Unies réaffirme la foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine et dans l'égalité des droits de l'homme et de la femme, Notant que la Déclaration universelle des droits de l'homme affirme le principe de la non-discrimination et proclame que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits et que chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés qui y sont énoncés, sans distinction aucune, notamment de sexe, Notant que les Etats parties aux Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme ont l'obligation d'assurer l'égalité des droits de l'homme et de la femme dans l'exercice de tous les droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques, Considérant les conventions internationales conclues sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies et des institutions spécialisées en vue de promouvoir l'égalité des droits de l'homme et de la femme, Notant également les résolutions, déclarations et recommandations adoptées par l'Organisation des Nations Unies et les institutions spécialisées en vue de promouvoir l'égalité des droits de l'homme et de la femme, Préoccupés toutefois de constater qu'en dépit de ces divers instruments les femmes continuent de faire l'objet d'importantes discriminations, Rappelant que la discrimination à rencontre des femmes viole les principes de l'égalité des droits et du respect de la dignité humaine, qu'elle entrave la participation des femmes, dans les mêmes conditions que les hommes, à la vie politique, sociale, économique et culturelle de leur pays, qu'elle fait obstacle à l'accroissement du bien-être de la société et de la famille et qu'elle empêche les femmes de servir leur pays et l'humanité dans toute la mesure de leurs possibilités, Préoccupés par le fait que, dans les situations de pauvreté, les femmes ont un minimum d'accès à l'alimentation, aux services médicaux, à l'éducation, à la formation, ainsi qu'aux possibilités d'emploi et à la satisfaction d'autres besoins, Convaincus que l'instauration du nouvel ordre économique international fondé sur l'équité et la justice contribuera de façon significative à promouvoir l'égalité entre l'homme et la femme, Soulignant que l'élimination de l'apartheid, de toutes les formes de racisme, de discrimination raciale, de colonialisme, de néocolonialisme, d'agression, d'oc951

Elimination de la discrimination à l'égard des femmes

cupation et domination étrangères et d'ingérence dans les affaires intérieures des Etats est indispensable à la pleine jouissance par l'homme et la femme de leurs droits, Affirmant que le renforcement de la paix et de la sécurité internationales, le relâchement de la tension internationale, la coopération entre tous les Etats quels que soient leurs systèmes sociaux et économiques, le désarmement général et complet et, en particulier, le désarmement nucléaire sous contrôle international strict et efficace, l'affirmation des principes de la justice, de l'égalité et de l'avantage mutuel dans les relations entre pays et la réalisation du droit des peuples assujettis à une domination étrangère et coloniale et à une occupation étrangère à l'autodétermination et à l'indépendance, ainsi que le respect de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale favoriseront le progrès social et le développement et contribueront par conséquent à la réalisation de la pleine égalité entre l'homme et la femme, Convaincus que le développement complet d'un pays, le bien-être du monde et la cause de la paix demandent la participation maximale des femmes, à égalité avec les hommes, dans tous les domaines, Ayant à l'esprit l'importance de la contribution des femmes au bien-être de la famille et au progrès de la société, qui jusqu'à présent n'a pas été pleinement reconnue, de l'importance sociale de la maternité et du rôle des parents dans la famille et dans l'éducation des enfants et conscients du fait que le rôle de la femme dans la procréation ne doit pas être une cause de discrimination et que l'éducation des enfants exige le partage des responsabilités entre les hommes, les femmes et la société dans son ensemble, Conscients que le rôle traditionnel de l'homme dans la famille et dans la société doit évoluer autant que celui de la femme si on veut parvenir à une réelle égalité de l'homme et de la femme, Résolus à mettre en oeuvre les principes énoncés dans la Déclaration sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et, pour ce faire, à adopter les mesures nécessaires à la suppression de cette discrimination sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, Sont convenus de ce qui suit: Première partie Article premier Aux fins de la 'présente Convention, l'expression «discrimination à l'égard
des femmes» vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine.

952

.

Elimination de la discrimination à l'égard des femmes

Article 2 Les Etats parties condamnent la discrimination à l'égard des femmes sous toutes ses formes, conviennent de poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer la discrimination à l'égard des femmes et, à cette fin, s'engagent à: a) Inscrire dans leur Constitution nationale ou toute autre disposition législative appropriée le principe de l'égalité des hommes et des femmes, si ce n'est déjà fait, et assurer par voie de législation ou par d'autres moyens appropriés l'application effective dudit principe; b) Adopter des mesures législatives et d'autres mesures appropriées assorties, y compris des sanctions en cas de besoin, interdisant toute discrimination à l'égard des femmes; c) Instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied d'égalité avec les hommes et garantir, par le truchement des tribunaux nationaux compétents et d'autres institutions publiques, la protection effective des femmes contre tout acte discriminatoire; d) S'abstenir de tout acte ou pratique discriminatoire à l'égard des femmes et faire en sorte que les autorités publiques et les institutions publiques se conforment à cette obligation; c) Prendre toutes mesures appropriées pour éliminer la discrimination pratiquée à l'égard des femmes par une personne, une organisation ou une entreprise quelconque; f) Prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l'égard des femmes; g) Abroger toutes les dispositions pénales qui constituent une discrimination à l'égard des femmes.

Article 3 Les Etats parties prennent dans tous les domaines, notamment dans les domaines politique, social, économique et culturel, toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour assurer le plein développement et le progrès des femmes, en vue de leur garantir l'exercice et la jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur la base de l'égalité avec les hommes.

Article 4 1. L'adoption par les Etats parties de mesures temporaires spéciales visant à accélérer l'instauration d'une égalité de fait entre les hommes et les femmes n'est pas considérée comme un acte de discrimination tel qu'il est défini dans la présente Convention, mais ne doit en aucune façon avoir pour conséquence le maintien de normes inégales ou distinctes; ces mesures doivent être abrogées dès que les objectifs en matière d'égalité de chances et de traitement ont été atteints.

953

Elimination de la discrimination à l'égard des femmes

2. L'adoption par les Etats parties de mesures spéciales, y compris de mesures prévues dans la présente Convention, qui visent à protéger la maternité n'est pas considérée comme un acte discriminatoire.

Article 5

Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour: a) Modifier les schémas et modèles de comportement socio-culturel de l'homme et de la femme en vue de parvenir à l'élimination des préjugés et des pratiques coutumières, ou de tout autre type, qui sont fondés sur l'idée de l'infériorité ou de la supériorité de l'un ou l'autre sexe ou d'un rôle stéréotypé des hommes et des femmes; b) Faire en sorte que l'éducation familiale contribue à faire bien comprendre que la maternité est une fonction sociale et à faire reconnaître la responsabilité commune de l'homme et de la femme dans le soin d'élever leurs enfants et d'assurer leur développement, étant entendu que l'intérêt des enfants est la condition primordiale dans tous les cas.

Article 6

Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour supprimer, sous toutes leurs formes, le trafic des femmes et l'exploitation de la prostitution des femmes.

Deuxième partie Article 7

Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans la vie politique et publique du pays et, en particulier, leur assurent, dans des conditions d'égalité avec les hommes, le droit: a) De voter à toutes les élections et dans tous les référendums publics et être éligibles à tous les organismes publiquement élus; b) De prendre part à l'élaboration de la politique de l'Etat et à son exécution, occuper des emplois publics et exercer toutes les fonctions publiques à tous les échelons du gouvernement; c) De participer aux organisations et associations non gouvernementales s'occupant de la vie publique et politique du pays.

Article 8

Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que les femmes, dans des conditions d'égalité avec les hommes et sans aucune discrimination, aient la possibilité de représenter leur gouvernement à l'échelon international et de participer aux travaux des organisations internationales.

954

Elimination de la discrimination à l'égard des femmes

Article 9 1. Les Etats parties accordent aux femmes des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne l'acquisition, le changement et la conservation de la nationalité.

Ils garantissent en particulier que ni le mariage avec un étranger, ni le changement de nationalité du mari pendant le mariage ne change automatiquement la nationalité de la femme, ni ne la rend apatride, ni ne l'oblige à prendre la nationalité de son mari.

2. Les Etats parties accordent à la femme des droits égaux à ceux de l'homme en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants.

TYoisième partie Article 10 Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes afin de leur assurer des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne l'éducation et, en particulier, pour assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme: a) Les mêmes conditions d'orientation professionnelle, d'accès aux études et d'obtention de diplômes dans les établissements d'enseignement de toutes catégories, dans les zones rurales comme dans les zones urbaines, cette égalité devant être assurée dans l'enseignement préscolaire, général, technique, professionnel et technique supérieur, ainsi que dans tout autre moyen de formation professionnelle; b) L'accès aux mêmes programmes, aux mêmes examens, à un personnel enseignant possédant les qualifications de même ordre, à des locaux scolaires et à un équipement de même qualité; c) L'élimination de toute conception stéréotypée des rôles de l'homme et de la femme à tous les niveaux et dans toutes les formes d'enseignement en encourageant l'éducation mixte et d'autres types d'éducation qui aideront à réaliser cet objectif et, en particulier, en révisant les livres et programmes scolaires et en adaptant les méthodes pédagogiques; d) Les mêmes possibilités en ce qui concerne l'octroi de bourses et autres subventions pour les études; e) Les mêmes possibilités d'accès aux programmes d'éducation permanente, y compris aux programmes d'alphabétisation pour adultes et d'alphabétisation fonctionnelle, en vue notamment de réduire au plus tôt tout écart d'instruction existant entre les hommes et les femmes; f) La réduction des taux d'abandon féminin des études et l'organisation de programmes pour les filles et les femmes qui ont quitté l'école prématurément; g) Les mêmes possibilités de participer activement aux sports et à l'éducation physique;

955

Elimination de la discrimination à l'égard des femmes

h)

L'accès à des renseignements spécifiques d'ordre éducatif tendant à assurer la santé et le bien-être des familles, y compris l'information et des conseils relatifs à la planification de la famille.

Article 11 1. Les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans le domaine de l'emploi, afin d'assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, les mêmes droits, et en particulier: a) Le droit au travail en tant que droit inaliénable de tous les êtres humains; b) Le droit aux mêmes possibilités d'emploi, y compris l'application des mêmes critères de sélection en matière d'emploi; c) Le droit au libre choix de la profession et de l'emploi, le droit à la promotion, à la stabilité de l'emploi et. à toutes les prestations et conditions de travail, le droit à la formation professionnelle et au recyclage, y compris l'apprentis· sage, le perfectionnement professionnel et la formation permanente; d) Le droit à l'égalité de rémunération, y compris de prestation, à l'égalité de traitement pour un travail d'égale valeur aussi bien qu'à l'égalité de traitement en ce qui concerne l'évaluation de la qualité du travail; e) Le droit à la sécurité sociale, notamment aux prestations de retraite, de chômage, de maladie, d'invalidité et de vieillesse ou pour toute autre perte de capacité de travail, ainsi que le droit à des congés payés; f) Le droit à la protection de la santé et à la sécurité des conditions de travail, y compris la sauvegarde de la fonction de reproduction.

2. Afin de prévenir la discrimination à l'égard des femmes en raison de leur mariage ou de leur maternité et de garantir leur droit effectif au travail, les Etats parties s'engagent à prendre des mesures appropriées ayant pour objet: a) D'interdire, sous peine de sanctions, le licenciement pour cause de grossesse ou de congé de maternité et la discrimination dans les licenciements fondée sur le statut matrimonial; b) D'instituer l'octroi de congés de maternité payés ou ouvrant droit à des prestations sociales comparables, avec la garantie du maintien de l'emploi antérieur, des droits d'ancienneté et des avantages sociaux; c) D'encourager la fourniture des services sociaux d'appui nécessaires pour permettre aux parents de combiner les obligations familiales avec les responsabilités professionnelles et la participation à la vie publique, en particulier en favorisant l'établissement et le développement d'un réseau de garderies d'enfants; d) D'assurer une
protection spéciale aux femmes enceintes dont il est prouvé que le travail est nocif.

3. Les lois visant à protéger les femmes dans les domaines visés par le présent article seront revues périodiquement en fonction des connaissances scientifiques et techniques et seront révisées, abrogées ou étendues, selon les besoins.

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Elimination de la discrimination à l'égard des femmes

Article 12 1. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans le domaine des soins de santé en vue de leur assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, les moyens d'accéder aux services médicaux, y compris ceux qui concernent la planification de la famille.

2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1 ci-dessus, les Etats parties fournissent aux femmes pendant la grossesse, pendant l'accouchement et après l'accouchement, des services appropriés et, au besoin, gratuits, ainsi qu'une nutrition adéquate pendant la grossesse et l'allaitement.

Article 13 Les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans d'autres domaines de la vie économique et sociale, afin d'assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, les mêmes droits et, en particulier: a) Le droit aux prestations familiales; b) Le droit aux prêts bancaires, prêts hypothécaires et autres formes de crédit financier; c) Le droit de participer aux activités récréatives, aux sports et à tous les aspects de la vie culturelle.

Article 14 1. Les Etats parties tiennent compte des problèmes particuliers qui se posent aux femmes rurales et du rôle important que ces femmes jouent dans la survie économique de leurs familles, notamment par leur travail dans les secteurs non monétaires de l'économie, et prennent toutes les mesures appropriées pour assurer l'application des dispositions de la présente Convention aux femmes des zones rurales.

2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans les zones rurales afin d'assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, leur participation au développement rural et à ses avantages et, en particulier, ils leur assurent le droit: a) De participer pleinement à l'élaboration et à l'exécution des plans de développement à tous les échelons; b) D'avoir accès aux services adéquats dans le domaine de la santé, y compris aux informations, conseils et services en matière de planification de la famille; c) De bénéficier directement des programmes de sécurité sociale; d) De recevoir tout type de formation et d'éducation, scolaires ou non, y · compris en matière d'alphabétisation fonctionnelle, et de pouvoir bénéficier de tous les services communautaires et de vulgarisation, notamment pour accroître leurs compétences techniques;

957

Elimination de la discrimination à l'égard des femmes

e) f) g)

h)

D'organiser des groupes d'entraide et des coopératives afin de permettre l'égalité de chances sur le plan économique, qu'il s'agisse de travail salarié ou de travail indépendant; De participer à toutes les activités de la communauté; D'avoir accès au crédit et aux prêts agricoles, ainsi qu'aux services de commercialisation et aux technologies appropriées, et de recevoir un traitement égal dans les réformes foncières et agraires et dans les projets d'aménagement rural; De bénéficier de conditions de vie convenables, notamment en ce qui concerne le logement, l'assainissement, l'approvisionnement en électricité et en eau, les transports et les communications.

Quatrième partie Article 15 1. Les Etats parties reconnaissent à la femme l'égalité avec l'homme devant la loi.

2. Les Etats parties reconnaissent à la femme, en matière civile, une capacité juridique identique à celle de l'homme et les mêmes possibilités pour exercer cette capacité. Ils lui reconnaissent en particulier des droits égaux en ce qui concerne la conclusion de contrats et l'administration des biens et leur accordent le même traitement à tous les stades de la procédure judiciaire.

3. Les Etats parties conviennent que tout contrat et tout autre instrument privé, de quelque type que ce soit, ayant un effet juridique visant à limiter la capacité juridique de la femme doivent être considérés comme nuls.

4. Les Etats parties reconnaissent à l'homme et à la femme les mêmes droits en ce qui concerne la législation relative au droit des personnes à circuler librement et à choisir leur résidence et leur domicile.

Article 16 1. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, assurent, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme: a) Le même droit de contracter mariage; b) Le même droit de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement; c) Les mêmes droits et les mêmes responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution; d) Les mêmes droits et les mêmes responsabilités en tant que parents, quel que soit leur état matrimonial, pour les questions se rapportant à leurs enfants; dans tous les cas, l'intérêt des enfants est la considération primordiale; .

e) Les mêmes droits de décider librement et en toute connaissance de cause du nombre et de l'espacement des naissances et d'avoir accès aux informations, 958

Elimination de la discrimination à l'égard des femmes

à l'éducation et aux moyens nécessaires pour leur permettre d'exercer ces droits; f) Les mêmes droits et responsabilités en matière de tutelle, de curatelle, de garde et d'adoption des enfants, ou d'institutions similaires, lorsque ces concepts existent dans la législation nationale; dans tous les cas, l'intérêt des enfants et la considération primordiale; g) Les mêmes droits personnels au mari et à la femme, y compris en ce qui concerne le choix du nom de famille, d'une profession et d'une occupation; h) Les mêmes droits à chacun des époux en matière de propriété, d'acquisition, de gestion, d'administration, de jouissance et de disposition des biens, tant à titre gratuit qu'à titre onéreux.

2. Les finançailles et les mariages d'enfants n'ont pas d'effets juridiques et toutes les mesures nécessaires, y compris des dispositions législatives, sont prises afin de fixer un âge minimal pour le mariage et de rendre obligatoire l'inscription du mariage sur un registre officiel.

Cinquième partie Article 17 1. Aux fins d'examiner les progrès réalisés dans l'application de la présente Convention, il est constitué un Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (ci-ap"rès dénommé le Comité), qui se compose, au moment de l'entrée en vigueur de la Convention, de dix-huit, et après sa ratification ou l'adhésion du trente-cinquième Etat partie, de vingt-trois experts d'une haute autorité morale et éminemment compétents dans le domaine auquel s'applique la présente Convention. Ces experts sont élus par les Etats parties parmi leurs ressortissants et siègent à titre personnel, compte tenu du principe d'une répartition géographique équitable et de la représentation des différentes formes de civilisation ainsi que des principaux systèmes juridiques.

2. Les membres du Comité sont élus au scrutin secret sur une liste de candidats désignés par les Etats parties. Chaque Etat partie peut désigner un candidat choisi parmi ses ressortissants.

3. La première élection a lieu six mois après la date d'entrée en vigueur de la présente Convention. Trois mois au moins avant la date de chaque élection, le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies adresse une lettre aux Etats parties pour les inviter à soumettre leurs candidatures dans un délai de deux mois. Le Secrétaire général dresse une
liste alphabétique de tous les candidats, en indiquant par quel Etat ils ont été désignés, liste qu'il communique aux Etats parties.

4. Les membres du Comité sont élus au cours d'une réunion des Etats parties convoquée par le Secrétaire général au Siège de l'Organisation des Nations Unies.

A cette réunion, où le quorum est constitué par les deux tiers des Etats parties, sont élus membres du Comité les candidats ayant obtenu le plus grand nombre de 959

Elimination de la discrimination à l'égard des femmes

voix et la majorité absolue des votes des représentants des Etats parties présents et votants.

5. Les membres du Comité sont élus pour quatre ans. Toutefois, le mandat de neuf des membres élus à la première élection prendra fin au bout de deux ans; le Président du Comité tirera au sort les noms de ces neuf membres immédiatement après la première élection.

6. L'élection des cinq membres additionnels du Comité se fera conformément aux dispositions des paragraphes 2, 3 et 4 du présent article à la suite de la trente-cinquième ratification ou adhésion. Le mandat de deux des membres' additionnels élus à cette occasion prendra fin au bout de deux ans; le nom de ces deux membres sera tiré au sort par le Président du Comité.

7. Pour remplir les vacances fortuites, l'Etat partie dont l'expert a cessé d'exercer ses fonctions de membre du Comité nommera un autre expert parmi ses ressortissants, sous réserve de l'approbation du Comité.

8. Les membres du Comité reçoivent, avec l'approbation de l'Assemblée générale, des émoluments prélevés sur les ressources de l'Organisation des Nations Unies dans les conditions fixées par l'Assemblée eu égard à l'importance des fonctions du Comité.

9. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies met à la disposition du Comité le personnel et les moyens matériels qui lui sont nécessaires pour s'acquitter efficacement des fonctions qui lui sont confiées en vertu de la présente Convention.

Article 18 1. Les Etats parties s'engagent à présenter au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, pour examen par le Comité, un rapport sur les mesures d'ordre législatif, judiciaire, administratif ou autre qu'ils ont adoptées pour donner effet aux dispositions de la présente Convention et sur les progrès réalisés à cet égard: a) Dans l'année suivant l'entrée en vigueur de la Convention dans l'Etat intéressé; b) Puis tous les quatre ans, ainsi qu'à la demande du Comité.

2. Les rapports peuvent indiquer les facteurs et difficultés influant sur la mesure dans laquelle sont remplies les obligations prévues par la présente Convention.

Article 19 1. Le Comité adopte son propre règlement intérieur.

2. Le Comité élit son Bureau pour une période de deux ans.

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Elimination de la discrimination à l'égard des femmes

Article 20

1. Le Comité se réunit normalement pendant une période de deux semaines au plus chaque année pour examiner les rapports présentés conformément à l'article 18 de la présente Convention.

2. Les séances du Comité se tiennent normalement au Siège de l'Organisation des Nations Unies ou en tout autre lieu adéquat déterminé par le Comité.

Article 21

1. Le Comité rend compte chaque année à l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies, par l'intermédiaire du Conseil économique et social, de ses activités et peut formuler des suggestions et des recommandations générales fondées sur l'examen des rapports et des renseignements reçus des Etats parties.

Ces suggestions et recommandations sont incluses dans le rapport du Comité, accompagnées, le cas échéant, des observations des Etats parties.

2. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies transmet les rapports du Comité à la Commission de la condition de la femme, pour information.

Article 22

Les institutions spécialisées ont le droit d'être représentées lors de l'examen de la mise en oeuvre de toute disposition de la présente Convention qui entre dans le cadre de leurs activités. Le Comité peut inviter les institutions spécialisées à soumettre des rapports sur l'application de la Convention dans les domaines qui entrent dans le cadre de leurs activités.

Sixième partie Article 23

Aucune des dispositions de la présente Convention ne portera atteinte aux dispositions plus propices à la réalisation de l'égalité de l'homme et de la femme pouvant être contenues: a) Dans la législation d'un Etat partie; ou b) Dans tout autre convention, tout autre traité ou accord international en vigueur dans cet Etat.

Article 24

Les Etats parties s'engagent à adopter toutes les mesures nécessaires au niveau national pour assurer le plein exercice des droits reconnus par la présente Convention.

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Elimination de la discrimination à l'égard des femmes

Article 25

1. La présente Convention est ouverte à la signature de tous les Etats.

2. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies est désigné comme dépositaire de la présente Convention.

3. La présente Convention est sujette à ratification et les instruments de ratification seront déposés auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

4. La présente Convention sera ouverte à l'adhésion de tous les Etats. L'adhésion s'effectuera par le dépôt d'un instrument d'adhésion auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

Article 26

1. Tout Etat partie peut demander à tout moment la révision de la présente Convention en adressant une communication écrite à cet effet au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

2. L'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies décide des mesures à prendre, le cas échéant, au sujet d'une demande de cette nature.

Article 27

1. La présente Convention entrera en vigueur le trentième jour qui suivra la date du dépôt auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies du vingtième instrument de ratification ou d'adhésion.

2. Pour chacun des Etats qui ratifieront la présente Convention ou y adhéreront après le dépôt du vingtième instrument de ratification ou d'adhésion, ladite Convention entrera en vigueur le trentième jour après la date du dépôt par cet Etat de son instrument de ratification ou d'adhésion.

Article 28

1. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies recevra et communiquera à tous les Etats le texte des réserves qui auront été faites au moment de la ratification ou de l'adhésion.

2. Aucune réserve incompatible avec l'objet et le but de la présente Convention ne sera autorisée.

3. Les réserves peuvent être retirées à tout moment par voie de notification adressée au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, lequel informe tous les Etats parties à la Convention. La notification prendra effet à la date de réception.

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Elimination de la discrimination à l'égard des femmes

Article 29 1. Tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties concernant l'interprétation ou l'application de la présente Convention qui n'est pas réglé par voie de négociation est soumis à l'arbitrage, à la demande de l'un d'entre eux. Si, dans les six mois qui suivent la date de la demande d'arbitrage, les parties ne parviennent pas à se mettre d'accord sur l'organisation de l'arbitrage, l'une quelconque d'entre elles peut soumettre le différend à la Cour internationale de Justice, en déposant une requête conformément au Statut de la Cour.

2. Tout Etat partie pourra, au moment où il signera la présente Convention, la ratifiera ou y adhérera, déclarer qu'il ne se considère pas lié par les dispositions du paragraphe 1 du présent article. Les autres Etats parties ne seront pas liés par lesdites dispositions envers un Etat partie qui aura formulé une telle réserve.

3. Tout Etat partie qui aura formulé une réserve conformément aux dispositions du poaragraphe 2 du présent article pourra à tout moment lever cette réserve par une notification adressée au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

Article 30 La présente Convention, dont les textes en anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe font également foi, sera déposée auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

En foi de quoi les soussignés, à ce dûment habilités, ont signé la présente Convention.

Fait à New York le 18 décembre 1979.

Suivent les signatures N37868

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Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message relatif à la Convention de 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 23 août 1995

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1995

Année Anno Band

4

Volume Volume Heft

44

Cahier Numero Geschäftsnummer

95.060

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

07.11.1995

Date Data Seite

869-963

Page Pagina Ref. No

10 108 418

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