ad 10.417 Initiative parlementaire Extension des droits des lésés dans la procédure pénale militaire Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national Avis du Conseil fédéral du 21 octobre 2015

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, En vertu de l'art. 112, al. 3, LParl, nous émettons l'avis suivant au sujet du rapport du 25 juin 2015 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national1 (iv.

parl. Lüscher 10.417 «Extension des droits des lésés dans la procédure pénale militaire»).

Nous vous prions, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, d'agréer l'expression de notre considération distinguée.

21 octobre 2015

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

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FF 2015 5533

2015-2339

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Avis 1

Situation initiale

Les droits de participation dont dispose la personne lésée en procédure pénale militaire sont moins étendus que ceux prévus par le code de procédure pénale (CPP)2 pour la procédure pénale ordinaire. Le procès pénal qui a suivi le drame de la Jungfrau de 2007 a montré que, en ce qui concerne les droits de partie des personnes lésées, le droit en vigueur ne satisfaisait plus à toutes les exigences d'un code de procédure pénale moderne.

Le présent rapport traite de l'initiative parlementaire déposée le 17 mars 2010 par le Conseiller national Christian Lüscher, qui demande la révision partielle de la procédure pénale militaire du 23 mars 1979 (PPM)3.

Le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports et d'autres services de l'administration fédérale ont d'emblée été largement impliqués dans le présent projet de loi et la partie matérielle du rapport du 25 juin 2015 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (ci-après la commission).4

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Avis du Conseil fédéral

Dès l'origine, le Conseil fédéral était favorable l'objectif du projet, à savoir d'étendre les droits des lésés dans la procédure pénale militaire sur le modèle de la procédure pénale ordinaire. Il n'a aucune divergence à faire valoir ni sur le fond du projet ni sur les considérations juridiques contenues dans le rapport.

Situation initiale Conformément à l'art. 118, al. 1, CPP, entré en vigueur le 1er janvier 2011, la personne lésée par une infraction peut déclarer vouloir participer à la procédure pénale en qualité de partie plaignante. En vertu de l'art. 119, al. 2, CPP, le lésé peut demander uniquement la condamnation de l'auteur de l'infraction (participation en qualité de demandeur au pénal), faire valoir des prétentions civiles par adhésion à la procédure (participation en qualité de demandeur au civil) ou encore combiner les deux positions (participation comme demandeur au pénal et au civil). La participation à la procédure est donc également possible pour la personne faisant valoir une demande de dommages-intérêts résultant du droit public (par ex. contre un employé de la Confédération, en raison de dommages causés dans l'accomplissement de son service). Cette demande ne peut pas être présentée par adhésion dans le cadre de la procédure pénale, mais la personne lésée peut participer à la procédure en tant que simple demandeur au pénal5. En tant que partie plaignante, la personne lésée acquiert, conformément à l'art. 104, al. 1, let. b, CPP, le statut de partie et jouit à ce 2 3 4 5

RS 312.0 RS 322.1 Cf. documentation et rapport sur www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2013 > CP Voir à ce sujet la réponse du Conseil fédéral du 4 juillet 2012 à l'interpellation 12.3355 «Pour une procédure pénale soucieuse des droits des lésés», déposée par le conseiller national Mauro Poggia.

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titre de droits de partie étendus dans le cadre de la procédure préliminaire, de la procédure principale et de la procédure d'appel. Elle est en particulier habilitée à contester les décisions de première instance. La partie plaignante n'a par contre aucun statut de partie dans la procédure de mandat de répression, non ouverte au public. Dans la mesure où ils font valoir contre le prévenu des conclusions civiles propres, les proches de la victime6 peuvent également se constituer parties civiles (art. 122, al. 2, CPP)7. Ils ne peuvent par contre pas participer à la procédure comme demandeurs au pénal. Les proches d'une personne lésée décédée, qui conformément à l'art. 121 CPP, héritent des droits de procédure de cette dernière sont également habilités à introduire une action civile.

C'est à dessein que la PPM, comme loi de procédure spéciale, n'a pas été prise en considération lors de l'unification du droit de la procédure pénale8. Cette décision a pour conséquence que les droits de partie dont le lésé peut se prévaloir sont très différents selon le code de procédure concerné. Pour ce qui est de la procédure pénale militaire, ces droits sont définis aux art. 163 à 165 PPM. Le lésé peut exercer devant les tribunaux militaires contre l'accusé l'action civile qui dérive d'une infraction réprimée par le code pénal militaire (CPM)9 du 13 juin 1927 (CPM). Par contre, si l'infraction dont il est question a été commise dans l'exercice d'une activité de service, le lésé peut faire valoir des prétentions uniquement contre la Confédération, qui répond alors du dommage causé conformément à l'art. 135 de la loi du 3 février 1995 sur l'armée (LAAM)10. Le lésé ne jouit dans ce cas d'aucune légitimation pour faire valoir des prétentions civiles vis-à-vis de l'accusé; dans le cadre des débats, il jouit uniquement d'un droit à l'information, et ce pour autant qu'il ait la qualité de victime (cf. art. 84g PPM). Il ne jouit pas non plus du droit de faire appel d'un jugement du tribunal militaire (art. 173, al. 1bis, PPM).

Nouvelle réglementation proposée Le Conseil fédéral est aussi d'avis que le lésé devrait en principe jouir, en procédure pénale militaire, des mêmes droits qu'en procédure pénale ordinaire. Il approuve, par conséquent, l'harmonisation des droits de partie de la personne lésée dans les deux codes de
procédure, et l'approche retenue. Les normes relatives à la partie plaignante doivent donc être codifiées dans la PPM comme dans le CPP: il convient donc de reprendre dans les grandes lignes les art. 118 à 121 CPP et de les reporter dans la PPM sans les modifier sur le fond. Les dispositions particulières relevant de la procédure pénale applicables aux victimes et aux proches des victimes (art. 84a à 84i PPM) seront partiellement adaptées. Par ailleurs, la PPM devra prévoir une réglementation identique à celle contenue dans le CPP non seulement pour ce qui est des droits, mais aussi pour ce qui est des devoirs de la partie plaignante.

Le Conseil fédéral approuve cette nouvelle réglementation, qui entend améliorer la position des lésés et de leurs proches en matière de plainte pénale lors d'une procédure pénale contre des militaires ayant agi dans le cadre d'une activité de service. Il voit aussi d'un bon oeil qu'aucune modification de fond ne soit visée en ce qui 6 7

8 9 10

Cf. art. 116 CPP pour la définition des termes de «victime» et de «proches de la victime».

Cf. Viktor Lieber, dans: Donatsch/Hansjakob/Lieber (éd.), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), Zurich/Bâle/Genève 2014, N 6 concernant l'art. 117 et N 6 concernant l'art. 122.

FF 2006 1057 1069 RS 321.0 RS 510.10

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concerne les prétentions découlant de la responsabilité, qui sont qualifiées de contestations de droit public. Dans les faits, cependant, les personnes lésées voient également leur position renforcée dans ces cas-là: l'institution de la partie plaignante doit avant tout offrir aux personnes lésées la possibilité donnée par le droit de procédure de faire valoir par adhésion des prétentions civiles vis-à-vis de l'auteur de l'infraction au cours de la procédure pénale. En l'absence de prétentions civiles, l'enquête pénale facilite, pour les personnes lésées, la recherche de preuves destinées à d'éventuelles prétentions en responsabilité contre d'autres personnes que le prévenu.

Enfin, les devoirs qui incombent à la partie plaignante dans le cadre de la procédure militaire devront être comparables à ceux qui lui incombent dans le cadre des procédures selon le CPP.

L'art. 196, al. 2, PPM doit être adapté en supprimant le renvoi à la lettre g de l'art. 195, qui a été abrogée. Par ailleurs, il convient d'adapter cette disposition au nouvel ordre des lettres introduit à l'art. 195 PPM à la suite de la modification du 3 octobre 200811 qui, par omission involontaire, n'a pas été repris à l'art. 196 (renvoi aux let b à e de l'art. 195). La partie plaignante a ainsi qualité pour recourir, y compris contre le refus de reprendre la procédure.

La règle générale transitoire formulée à l'art. 220, al. 1, PPM, à laquelle se réfère le rapport de la commission et selon laquelle, dès l'entrée en vigueur, le nouveau droit s'applique à toute procédure pendante, doit être complétée selon le Conseil fédéral par des dispositions transitoires spéciales, par analogie avec le CPP. Ainsi, le projet confère par exemple des droits de partie aux personnes qui, dans l'ancien droit, ne pouvaient pas engager de procédure. Les dispositions transitoires proposées par le Conseil fédéral dans le nouvel art. 220a PPM définissent quand l'ancien ou le nouveau droit s'applique aux procédures pendantes et aux voies de droit.

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Proposition du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral approuve le rapport du 25 juin 2015 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national et propose d'entrer en matière sur le projet et d'approuver les modifications de la PPM proposées avec les adaptations suivantes: Art. 196, al. 2 2

La partie plaignante peut recourir dans les cas prévus à l'art. 195, let. b, c, d et e.

Art. 220a

Dispositions transitoires de la modification du ...

Les procédures pendantes au moment de l'entrée en vigueur de la modification du ... se poursuivent selon le nouveau droit, à moins que les dispositions du présent article en disposent autrement.

1

Les actes de procédure, ordonnés ou accomplis avant l'entrée en vigueur de la présente modification conservent leur validité.

2

Si, lors de l'entrée en vigueur de la présente modification, l'administration des preuves a déjà eu lieu lors des débats, la procédure de première instance est menée selon l'ancien droit.

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RO 2009 701

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Si une décision a déjà été rendue avant l'entrée en vigueur de la présente modification, les moyens de recours sont traités selon l'ancien droit. Lorsqu'une procédure est renvoyée pour nouveau jugement par l'autorité de recours, le nouveau droit est applicable.

4

L'al. 4 est applicable par analogie aux oppositions contre les ordonnances de condamnation.

5

Le nouveau droit est applicable dans tous les cas aux moyens de recours contre les décisions rendues après l'entrée en vigueur de la présente modification.

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