15.020 Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (Pilotage du domaine ambulatoire) du 18 février 2015

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal) concernant le pilotage du domaine ambulatoire, en vous priant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2012

P

12.3681

Régulation du nombre de médecins. Ne pas répéter les erreurs commises par le passé (1) (N 14.12.2012, Cassis)

2012

P

12.3783

Régulation du nombre de médecins. Ne pas répéter les erreurs commises par le passé (2) (N 14.12.2012, Cassis)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 février 2015

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2014-3050

2109

Condensé Le présent projet vise à offrir aux cantons une solution durable pour piloter l'offre de prestations ambulatoires, de manière à assurer un approvisionnement en soins de qualité et à limiter la hausse des coûts à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Il doit prendre le relais de l'actuelle limitation des admissions fixée à l'art. 55a LAMal, qui prend fin le 30 juin 2016. Les nouvelles dispositions permettront aux cantons non seulement de limiter l'admission de fournisseurs de prestations en cas d'offre excédentaire, mais aussi de prendre des mesures en cas d'offre insuffisante. La mise en place de commissions consultatives permettra d'associer les milieux intéressés aux décisions.

Contexte L'admission des fournisseurs de prestations dans le domaine ambulatoire fait actuellement l'objet d'une régulation. L'art. 55a LAMal permet en effet jusqu'au 30 juin 2016 de limiter l'admission des médecins exerçant en cabinet, au sein d'une institution ou dans le domaine ambulatoire d'un hôpital à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. La limitation des admissions a été appliquée avec quelques variations pendant onze ans (entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2011). Sa levée le 1er janvier 2012 avait entraîné un afflux massif de médecins sur le marché, notamment de médecins spécialistes, si bien que le Parlement a réintroduit une clause du besoin le 1er juillet 2013 avant que cet afflux ne se traduise par une augmentation incontrôlable des coûts. Plusieurs études ont montré que, dans un système de rémunération des prestations à l'acte (les prestations médicales du domaine ambulatoire sont généralement rémunérées à l'acte en Suisse), le nombre de consultations et la quantité d'actes lors de chaque consultation augmentent en fonction de la densité de médecins, ce qui pousse les coûts à la hausse. Ainsi, 18 mois après la réintroduction de cette mesure, le nombre de numéros au registre des codes-créanciers remis s'approche à nouveau de son niveau de 2011.

Lorsque la limitation des admissions est entrée en vigueur en 2001, elle devait être temporaire et avait pour objectif principal de limiter les effets de la libre circulation des personnes sur la croissance des coûts dans le domaine ambulatoire. Le Conseil fédéral souhaite que l'art. 55a LAMal ne soit pas reconduit
pour une période limitée, mais qu'une solution stable et à même de limiter pour le long terme la part de la croissance des coûts due à une offre trop abondante prenne le relais.

Le Conseil fédéral s'est donné début 2013 les moyens de relever les défis du système de santé suisse en fixant ses priorités dans la stratégie globale «Santé2020». Le présent projet s'inscrit pleinement dans l'objectif 4.2 de cette stratégie, soit l'amélioration du pilotage de la politique de la santé, notamment par la mise en place de nouvelles solutions de pilotage pour les soins ambulatoires qui permettent par exemple aux cantons de répondre à une offre excédentaire ou insuffisante.

2110

Contenu du projet Le projet donne aux cantons la possibilité de réguler le domaine ambulatoire en mettant l'accent sur la qualité de l'offre de soins, qualité qui se traduit par un approvisionnement qui ne soit ni excédentaire ni insuffisant. Les cantons auront la possibilité, et non l'obligation, de réguler l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins s'ils constatent une offre excédentaire. Ils s'appuieront pour ce faire sur des critères de qualité. Cette régulation pourra porter sur une ou plusieurs catégories de fournisseurs de prestations (les médecins ne sont donc pas les seuls concernés) et devra tenir compte de l'activité des hôpitaux dans le domaine ambulatoire. En cas d'offre insuffisante, les cantons peuvent prendre des mesures de soutien. Par ailleurs, le domaine ambulatoire des hôpitaux pourra être régulé par les cantons au moyen des mandats de prestations. Avec le dispositif proposé, l'autorité cantonale devra dans un premier temps déterminer quel est le besoin d'approvisionnement en soins par rapport à la qualité optimale d'approvisionnement définie: ce n'est que sur cette base que des mesures de soutien ou de régulation pourront être prises. Avant d'intervenir, le canton devra prendre l'avis d'une commission composée des milieux intéressés, afin de profiter de l'expertise et de l'expérience de chacun dans l'évaluation des besoins. La commission émettra une recommandation que le canton sera tenu de prendre en considération. Le projet contient également une disposition sur la transmission au canton des données nécessaires pour déterminer l'offre de soins adéquate.

2111

Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

L'admission des fournisseurs de prestations dans le domaine ambulatoire est actuellement soumise à une régulation. L'art. 55a de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal)1 donne en effet jusqu'au 30 juin 2016 la possibilité au Conseil fédéral de limiter l'admission des médecins exerçant en cabinet, au sein d'une institution ou dans le domaine ambulatoire d'un hôpital, à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Dans son ordonnance d'application (ordonnance du 3 juillet 2013 sur la limitation de l'admission des fournisseurs de prestations à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire2), le Conseil fédéral a laissé de larges libertés aux cantons pour l'aménagement du régime de limitation des admissions.

Cette réglementation a été appliquée avec quelques variations pendant onze ans (entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2011). Sa levée au 1er janvier 2012 a entraîné un afflux massif de médecins sur le marché, notamment de médecins spécialistes. Concrètement, le nombre de numéros au registre des codes-créanciers (numéros RCC) remis en 2012 a plus que doublé au niveau suisse par rapport à 2011 (+ 129 %); dans le canton de Genève, il a presque triplé (+ 176 %) et il a même quadruplé dans le canton du Tessin (+ 293 %)3. Cette tendance a continué au même rythme durant le premier semestre 2013, s'accentuant même par endroits après que des cantons ont demandé au Parlement et au Conseil fédéral de prendre des mesures de crainte que cet afflux ne se traduise par une augmentation incontrôlable des coûts.

L'art. 55a LAMal est entré en vigueur dans sa version actuelle le 1er juillet 20134, et son ordonnance d'application le 5 juillet suivant5. Cet article contient une exception qui, de fait, restreint la possibilité de limiter les admissions, puisque les médecins ayant déjà pratiqué trois ans dans un établissement suisse de formation reconnu ne sont pas soumis à la limitation. Le bilan peut cependant être considéré comme positif étant donné qu'après 18 mois de croissance marquée, le nombre de numéros RCC remis a baissé de moitié au cours du deuxième semestre 2013. Pour 2014, on s'approche à nouveau des chiffres de 20116. Lorsque la limitation des admissions est entrée en vigueur en 20017, elle devait être temporaire et visait principalement à limiter
les effets de la libre circulation des personnes sur la croissance des coûts dans le domaine ambulatoire. En effet, plusieurs études ont montré que, dans un système de rémunération des prestations à l'acte (les prestations médicales du domaine ambulatoire sont généralement rémunérées à l'acte en Suisse), le nombre de consultations et la quantité d'actes lors de chaque consultation augmentent en fonction de

1 2 3 4 5 6 7

RS 832.10 RS 832.103 Etabli sur la base des données publiées par SASIS SA (www.sasis.ch).

RO 2013 2065 RO 2013 2255 Données publiées par SASIS SA (www.sasis.ch).

RO 2000 2305

2112

la densité de médecins, ce qui pousse les coûts à la hausse8. Faute d'aboutissement d'autres projets, l'art. 55a LAMal a été prolongé à plusieurs reprises, ce qui déstabilise les acteurs du système, fausse leurs comportements et crée des effets indésirables. Ainsi, la croissance du nombre de numéros RCC remis depuis 2009, lorsque la limitation des admissions a été levée pour les médecins dits de premier recours, et entre début 2012 et juin 2013, lorsque la limitation a été totalement levée, s'explique en partie par la régulation temporaire du marché, mais son caractère massif montre également l'insécurité des fournisseurs de prestations qui se sont empressés d'anticiper une nouvelle limitation des admissions. Le Conseil fédéral souhaite par conséquent que l'art. 55a LAMal ne soit pas reconduit pour une période limitée, mais qu'une solution stable et à même de limiter pour le long terme la part de la croissance des coûts due à une offre trop abondante prenne le relais.

Le système de santé suisse est en pleine évolution et il doit relever des défis importants, même si les observateurs et la population s'accordent généralement sur son bon fonctionnement et sur la qualité des prestations qui y sont fournies. Ainsi, en raison de l'évolution démographique, le nombre de malades chroniques ne cessera de croître, les soins continueront d'évoluer, la croissance du secteur de la santé renforcera les difficultés de financement et, enfin, la complexité et les intérêts contradictoires en présence renforceront la nécessité de piloter le système et d'y instaurer plus de transparence. Ces défis sont de grande ampleur et le Conseil fédéral s'est donné début 2013 les moyens de les relever en fixant ses priorités dans la stratégie globale «Santé20209». Au coeur de cette stratégie se trouvent la population et son bien-être: le développement du système de santé doit se faire autour d'eux et de leurs besoins. La problématique de l'offre de soins n'est dès lors plus uniquement centrée sur les coûts, mais aussi sur l'accès optimal des assurés aux prestations dont ils ont réellement besoin. Certes, sans régulation du domaine ambulatoire, l'offre croît également, entraînant avec elle la quantité de prestations fournies et donc les coûts à la charge de l'assurance obligatoire des soins. L'organisation optimale de
l'approvisionnement en soins est donc une mesure qui permet aussi d'endiguer la hausse des coûts de la santé. Le présent projet a pour objectif de la réorienter encore plus fortement vers les besoins des assurés. Il s'inscrit pleinement dans l'objectif 4.2 de «Santé2020», soit l'amélioration du pilotage de la politique de la santé, notamment pour les soins ambulatoires (également hospitaliers) qui permettent par exemple aux cantons de répondre à une offre excédentaire ou insuffisante.

Travaux menés jusqu'ici Le projet a été développé dans le cadre d'une procédure participative associant les principaux partenaires concernés, afin de présenter une solution satisfaisante, applicable à long terme et bénéficiant d'une large assise politique. Le 2 septembre 2013 et le 11 février 2014, le Département fédéral de l'intérieur a organisé deux tables rondes à cet effet, présidées par le conseiller fédéral Alain Berset.

Lors de la première table ronde, les participants ont reçu un bilan des propositions émises par le passé et devaient répondre à deux questions principales: y a-t-il nécessité d'agir et, le cas échéant, laquelle des mesures présentées pourrait constituer la solution pour le pilotage à long terme du domaine ambulatoire? Les participants se 8 9

Claude Jeanrenaud, «Mode de rémunération des médecins et coûts de la santé en Suisse», Université de Neuchâtel, 2006.

Le rapport peut être consulté à l'adresse suivante: www.sante2020.ch.

2113

sont accordés sur la nécessité d'agir, en mettant l'accent sur l'amélioration de la qualité de l'offre et non uniquement sur la maîtrise des coûts. L'offre est de qualité notamment lorsqu'elle n'est ni excédentaire ni insuffisante.

Les participants à la seconde table ronde ont reçu une évaluation des aspects positifs et négatifs des trois principaux modèles, soit la liberté de contracter, la différenciation des tarifs et la régulation des admissions. Le document remis contenait également les éléments-clés qui devraient être au centre de la réforme. Les participants ont pu donner leur avis sur ces points et exprimer leur position sur l'évaluation des trois solutions. Plusieurs éléments sont ressortis des discussions. Premièrement, l'insécurité et l'imprévisibilité ne sont pas viables pour les acteurs. Ensuite, dans l'optique d'un compromis, le modèle introduisant la régulation du domaine ambulatoire par les cantons est la solution la plus pragmatique. Cependant, ceux-ci ne doivent pas être obligés d'intervenir: ce n'est qu'en cas de nécessité qu'ils doivent pouvoir utiliser leur compétence de régulation. Enfin, les discussions ont une nouvelle fois souligné que la qualité de l'offre doit être au centre d'un modèle dans lequel les partenaires sont impliqués et que ce modèle doit être mis en oeuvre autant que possible dans une perspective régionale.

1.2

Dispositif proposé

La modification proposée consiste à réguler le domaine ambulatoire, en mettant l'accent sur la qualité de l'offre de soins, qualité qui se traduit par un approvisionnement qui ne soit ni excédentaire ni insuffisant. Les cantons auront la possibilité, et non l'obligation, de réguler l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins s'ils constatent une offre excédentaire. Ils se fonderont à cet effet sur des critères de qualité. Cette régulation pourra concerner une ou plusieurs catégories de fournisseurs de prestations, et non uniquement les médecins, et devra tenir compte de l'activité des hôpitaux dans le domaine ambulatoire. En cas d'offre insuffisante, les cantons pourront prendre les mesures qu'ils jugeront adéquates, pour autant qu'elles respectent les réglementations nationales et internationales. Ils pourront par ailleurs réguler le domaine ambulatoire des hôpitaux au moyen des mandats de prestations.

Avec le dispositif proposé, l'autorité cantonale devra dans un premier temps déterminer quel est le besoin d'approvisionnement en soins par rapport à la qualité optimale d'approvisionnement définie: ce n'est que sur cette base que des mesures de soutien ou de régulation pourront être prises. Un des objectifs est que les cantons se coordonnent lorsqu'ils décident de prendre des mesures ou du moins qu'ils observent les dispositions prises par les cantons voisins avant d'intervenir. Le pilotage place les cantons dans une position centrale, mais leurs partenaires, qu'ils soient fournisseurs de prestations, assureurs ou assurés, joueront un rôle déterminant.

Avant de prendre des mesures, le canton doit en effet mettre en place une commission multipartite composée des milieux intéressés, afin de profiter de l'expertise et de l'expérience de chacun dans l'évaluation des besoins. La commission émet une recommandation que le canton est tenu de prendre en considération: s'il décide de s'en écarter, il doit en expliquer les raisons. Ainsi, les milieux intéressés ont la garantie que leur avis est pris en compte et ils obtiendront des explications si le canton prend une décision divergente. Ce modèle reprend la procédure applicable lorsque le Surveillant des prix prend position sur une augmentation de prix proposée 2114

par les parties à un accord et que cette augmentation doit être décidée ou approuvée par une autorité fédérale (art. 14 de la loi fédérale du 20 décembre 1985 concernant la surveillance des prix10).

Le projet contient également une disposition relative à la transmission des données, cette question ayant posé des problèmes par le passé. Sur demande des autorités cantonales, les fournisseurs de prestations et les assureurs fourniront gratuitement les données nécessaires à l'évaluation de l'offre. Le projet encourage les collaborations, par exemple au moyen de la commission multipartite. Les partenaires et les cantons devraient donc s'entendre sur les données nécessaires à l'évaluation de l'offre et sur les modalités de transmission. En vertu de l'art. 96 LAMal, le Conseil fédéral a la possibilité d'édicter les dispositions nécessaires à l'exécution de la LAMal, ce qui lui permettra de remédier à d'éventuels blocages. Notons que la Confédération publie les données dont elle dispose, ce qui permettra aux cantons d'intégrer aussi ces informations lors de la mise en oeuvre de la réforme.

Le modèle proposé permet de généraliser les soins de base et de maîtriser l'offre de soins spécialisés. En donnant aux cantons la compétence de réguler l'offre, on garantit une certaine proximité dans l'examen des besoins et on s'assure que les décisions sont motivées par la volonté de fournir une offre de qualité et non uniquement par la poursuite d'intérêts économiques.

1.3

Appréciation de la solution retenue

Par le passé, le Parlement et le Conseil fédéral ont examiné différents projets qui auraient influé sur l'offre des fournisseurs de prestations dans le domaine ambulatoire. Les discussions sur la révision partielle de la LAMal relative à la liberté de contracter11 se sont cependant heurtées à une non-entrée en matière12, tandis que la révision partielle de la LAMal relative au Managed Care13 a été rejetée par le peuple le 17 juin 201214. Diverses interventions parlementaires indiquaient les principales directions envisageables. L'Office fédéral de la santé publique les a regroupées afin de les soumettre aux principaux partenaires lors des deux tables rondes organisées par le Département fédéral de l'intérieur.

Liberté de contracter La liberté de contracter consiste à laisser les fournisseurs de prestations et les assureurs choisir leurs partenaires contractuels. Pour pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, les fournisseurs de prestations doivent avoir contracté avec un ou plusieurs assureurs. L'idée qui sous-tend ce modèle est que la demande détermine s'il est nécessaire d'accroître ou de réduire l'offre dans une spécialité ou une région.

Différentes variantes de ce modèle ont été proposées, ajoutant des critères afin d'encadrer le marché.

En théorie, la levée de l'obligation de contracter stimule la concurrence entre les fournisseurs de prestations, ce qui permet à terme une amélioration de la qualité et 10 11 12 13 14

RS 942.20 FF 2004 4055 BO 2008 E 1044 et BO 2010 N 1056 FF 2004 5257 FF 2012 7159

2115

conduit à une baisse des coûts. Cependant, on ne peut exclure que des pressions d'ordre économique prennent le pas sur la liberté de choix des traitements. En outre, l'efficacité du pilotage de l'offre dépend dans ce modèle de la coordination entre les assureurs: si le besoin est déterminé par chaque assureur indépendamment des autres, la qualité de l'approvisionnement ne peut pas s'améliorer. Enfin, la liberté de contracter crée une insécurité économique pour les médecins, puisqu'ils courraient le risque de se voir retirer leur autorisation de pratiquer.

Le Parlement a discuté de ce modèle à de nombreuses reprises. Quelle que soit la variante proposée, la liberté de contracter n'est jamais parvenue à réunir une majorité. Lors de la votation sur la réforme dite du Managed Care, le peuple a clairement montré qu'il souhaitait une entière liberté de choix du fournisseur de prestations. Du point de vue des patients, ni les assureurs (à travers la liberté de contracter) ni en principe les fournisseurs de prestations ne doivent choisir à leur place les praticiens auxquels ils souhaitent s'adresser.

Différenciation des tarifs Dans la construction de la LAMal, le tarif est la base de calcul de la rémunération. Il est généralement fixé par convention entre les assureurs et les fournisseurs de prestations et doit être conforme à la loi, respecter le principe d'équité et satisfaire au principe d'économie. Différentes propositions consistaient à réguler l'offre en instaurant des tarifs différenciés fondés sur différents critères (densité médicale, qualité, spécialité, etc.).

Dans la pratique, une différenciation des tarifs est cependant peu à même de générer une offre de qualité. En effet, il est difficile de fixer le prix «correct» d'une prestation dans une région et celui-ci doit être régulièrement réévalué en fonction de l'évolution de l'offre, ce qui crée une grande insécurité pour les fournisseurs de prestations. Ces derniers ne prennent par ailleurs pas uniquement le critère financier en compte lorsqu'ils décident où ils souhaitent pratiquer leur activité: l'environnement social, l'obligation de participer aux services d'urgences, le cadre de vie, la possibilité d'exercer leur activité à temps partiel sont autant de facteurs importants pesant sur leur décision et réduisant l'influence du tarif. La
hausse de tarif devrait donc être très importante par rapport aux autres facteurs pour que les fournisseurs de prestations soient plus flexibles et surtout plus mobiles. Dans le cas d'une telle hausse, les principes de la LAMal doivent être respectés. Le tarif doit couvrir au plus les coûts de la prestation justifiés de manière transparente (art. 59c, al. 1, let. a, de l'ordonnance du 27 juin 1995 sur l'assurance-maladie15). Pour déterminer si un tarif est économique, l'autorité d'approbation vérifie que seuls les coûts justifiés de manière transparente qui sont nécessaires à la fourniture efficiente des prestations sont remboursés (art. 59c, al. 1, let. b, OAMal). Les coûts du système doivent par ailleurs rester supportables pour les assurés conformément au principe d'économie.

Du côté des patients et des fournisseurs de prestations, une différenciation créerait des incitations indésirables. En effet, si les soins sont plus chers dans les régions périphériques que dans les zones urbaines, les patients seraient incités à se faire soigner en ville, ce qui déséquilibrerait le marché. La mobilité des patients n'est en outre pas le but, étant donné que la réforme vise avant tout à offrir à chacun une offre optimale, quelle que soit la région où il habite.

15

RS 832.102

2116

Au surplus, le Conseil fédéral a indiqué à plusieurs reprises qu'il considère qu'une hausse de la valeur du point fondée uniquement sur un objectif de politique régionale n'est pas conforme au principe d'économie qui régit l'ensemble des tarifs des prestations financées par l'assurance obligatoire des soins.

Ce modèle crée donc trop d'incertitudes et de mauvaises incitations pour que sa mise en oeuvre soit envisageable. Les mesures tarifaires ne devraient être considérées qu'à titre exceptionnel ou comme instrument subsidiaire.

Régulation des admissions La régulation des admissions était initialement une proposition commune de la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé et de la Fédération des médecins suisses. Leur proposition, qui a servi de base au présent message, visait à s'éloigner de la notion de blocage des admissions pour revenir à celle de régulation par les cantons afin de coller au plus près aux réalités locales d'approvisionnement.

S'appuyant sur les discussions menées lors des tables rondes, le Conseil fédéral a adapté le modèle proposé afin d'accroître le consensus tout en améliorant le projet.

1.4

Procédure de consultation

Une consultation des cantons, des partis politiques, des associations faîtières des communes, des villes et des régions de montagne qui oeuvrent au niveau national, des associations faîtières de l'économie qui oeuvrent au niveau national et des autres milieux intéressés a été menée entre le 20 juin et le 10 octobre 2014.

Les partis du centre, le Parti socialiste et quelques organisations de fournisseurs de prestations (ergothérapeutes, sages-femmes, chiropraticiens) sont disposés à approuver le projet sur le fond, mais la majorité des fournisseurs de prestations (dont les hôpitaux), les assureurs, le PLR et l'UDC, les organisations de l'économie et l'industrie pharmaceutique le rejettent. La Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé et la grande majorité des cantons (à l'exception de ZH et AG) approuvent le projet, reconnaissant la nécessité d'une possibilité de pilotage, même s'ils demandent des adaptations pour différents points. Une solution à long terme pour le pilotage du domaine ambulatoire est pour eux une nécessité.

Certains participants ont proposé d'autres options, notamment celles qui ont été décrites au ch. 1.3. L'absence d'évaluation des précédentes versions de la limitation des admissions et le manque de recul sur l'effet de la disposition urgente en vigueur ont été critiqués. Entre les divergences sur la solution à adopter et sur la capacité d'un pilotage des admissions à atteindre les buts fixés, force est de constater l'absence de consensus sur les moyens d'action malgré les efforts du département pour réunir les partenaires et discuter avec eux les grandes lignes du projet.

Si l'on fait abstraction des divergences fondamentales, différentes dispositions contenues dans le projet n'ont pas rencontré une adhésion totale. Deux points fondamentaux ont été revus et modifiés sur la base de la consultation: ­

le pilotage du domaine ambulatoire des hôpitaux au moyen des mandats de prestations a été considéré comme compliqué à mettre en oeuvre et l'obligation d'y recourir a été perçue comme une inégalité de traitement vis-à-vis 2117

du reste du domaine ambulatoire. Par conséquent, les cantons obtiennent la possibilité de piloter le domaine ambulatoire des hôpitaux, ils n'y sont cependant pas contraints.

­

le Conseil fédéral proposait de pouvoir intervenir dans le pilotage, plus précisément sur les valeurs du point tarifaire, si l'offre excédentaire se faisait ressentir sur les coûts et que le canton ne prenait pas de mesures; cette compétence subsidiaire a été clairement rejetée et donc supprimée du projet.

Le Conseil fédéral maintient son analyse sur les autres solutions proposées (cf. ch. 1.3) et reste donc d'avis que le pilotage du domaine ambulatoire est la meilleure solution pour prendre en considération tant les situations d'offre excédentaire que celles d'offre insuffisante. La liberté d'action des cantons et la prise en considération de l'avis des partenaires garantissent une application mesurée et adéquate de la réforme, qui renforcera par ailleurs le fédéralisme. Notons enfin que diverses précisions ont été apportées au présent message en réponse aux remarques faites lors de la consultation.

1.5

Adéquation des moyens requis

La réforme proposée donne aux cantons la compétence d'agir. Ils pourront ainsi répondre au plus près aux besoins, afin d'éviter les situations où l'offre est excédentaire ou insuffisante. Les cantons n'ont cependant pas l'obligation d'intervenir, ce qui leur permet de tenir compte de situations spécifiques et leur évite de réglementer lorsque les circonstances ne l'imposent pas. Le projet distingue clairement les situations où l'offre est excédentaire de celles où l'offre est insuffisante. Chaque canton prendra donc uniquement les dispositions qui sont nécessaires dans son cas et il pourra les différencier à l'intérieur de son territoire et selon les types de prestations.

Le projet encourage les collaborations, garantes de solutions pragmatiques et consensuelles, ce qui accroît les chances d'acceptation et permet une meilleure collaboration au moment de la mise en oeuvre. D'une part, les cantons doivent se coordonner, ce qui permet de prendre en compte l'insuffisance ou l'excès de l'offre dans les régions à cheval sur plusieurs cantons lorsqu'une autorité envisage de prendre des mesures. D'autre part, les partenaires seront fortement impliqués dans les processus, sur le modèle de la législation sur la surveillance des prix, et seront tenus de se remettre mutuellement les données nécessaires. La révision garantit ainsi que les mesures seront décidées après consultation des parties concernées et en disposant de données exhaustives. Enfin, le projet respecte les principes de la LAMal, notamment la garantie que soient fournis des soins d'une qualité de haut niveau tout en étant le plus avantageux possible, les principes d'efficacité, d'adéquation et d'économie, tout en respectant la compétence cantonale de garantir l'offre de soins. Les différents volets du projet permettront donc d'améliorer l'offre là où c'est nécessaire, tout en garantissant une flexibilité dans les mesures et le respect du cadre légal en place.

2118

1.6

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

Une étude réalisée pour le compte de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) sur le pilotage de l'offre dans le domaine ambulatoire s'est intéressée aux systèmes et aux réglementations mis en oeuvre dans 22 pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)16. Elle fait ressortir une très grande variété d'approches. Si l'on relève des différences notables pour ce qui touche à l'organisation, au financement et au pilotage de l'approvisionnement en soins médicaux, il existe en revanche de larges similitudes en matière d'autorisation de pratiquer.

Autorisation de pratiquer Dans les pays passés en revue, tous les médecins doivent disposer d'une autorisation de pratiquer ou d'une approbation pour pouvoir exercer. La Suisse se distingue en ce que le régime de l'autorisation ne concerne que les médecins exerçant à titre indépendant. Les conditions d'obtention d'une telle autorisation ou approbation sont très semblables d'un pays à l'autre (avoir accompli une formation médicale universitaire d'au moins six ans, avoir achevé une formation médicale postgrade, être digne de confiance et présenter les garanties sanitaires nécessaires à l'exercice de la profession), car elles répondent à la directive 2005/36/CE17. Celle-ci pose des conditions minimales de formation universitaire et postgrade identiques pour les Etats membres de l'Union européenne et les Etats membres de l'Association européenne de libreéchange. Dans les pays passés en revue, les médecins étrangers originaires de pays avec lesquels la libre circulation des personnes s'applique en vertu du droit européen ou d'un accord ne sont visés par aucune restriction légale au marché ou doivent maîtriser la ou une des langues nationales (comme en Suisse). Certains pays prévoient toutefois des restrictions pour les médecins provenant de pays tiers (avec lesquels il n'existe pas d'accord de libre circulation des personnes), telles que des examens complémentaires ou des exigences supplémentaires en matière d'expérience professionnelle.

Autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance-maladie Pour ce qui est de l'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance-maladie ou du service de santé, environ la moitié des pays visés par l'étude connaît, comme la Suisse, une obligation de contracter. Elle est parfois
limitée à certains domaines (France: admission automatique des médecins exerçant dans les hôpitaux; Slovaquie: médecine de premier recours ambulatoire). Aucun des pays étudiés ne pose de restriction légale à l'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance-maladie pour les médecins étrangers. Seuls la Suède (longue expérience médicale et diplôme de spécialiste) et l'Australie (dix ans d'exercice dans une région où règne une pénurie de médecins) leur imposent des conditions spécifiques.

16

17

Bernhard Rütsche, Tomas Poledna, Philippe Gigaud et Nadja Flühler, «Studie: Angebotssteuerung im ambulanten Bereich ­ Insbesondere Rechtsvergleich der Zulassungsbedingungen von Ärztinnen und Ärzten zur Abrechnung zulasten einer (staatlichen) Krankenversicherung», Lucerne, 2013. L'étude est disponible (en allemand uniquement) sur le site de l'OFSP à l'adresse suivante: www.ofsp.admin.ch > Thèmes > Assurance-maladie > Révisions de l'assurance-maladie > Pilotage du domaine ambulatoire.

Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, JO L 255 du 30.9.2005, p. 22.

2119

Pilotage de l'offre Parmi les pays étudiés, seules la Belgique et l'Espagne pilotent l'offre au moyen de l'autorisation de pratiquer. La grande majorité des pays pèse plutôt sur le nombre de places offertes dans la formation médicale universitaire. Certains pratiquent également un numerus clausus à l'entrée de la formation médicale postgrade (c'est le cas de la France, de la République tchèque et de la Lettonie). L'étude met également en évidence une grande variété de modèles de pilotage de l'offre par le biais du financement public. Ainsi, plusieurs pays (Allemagne, Autriche, Italie, Danemark, Islande, Lettonie, Slovaquie) subordonnent le nombre de contrats ou de médecins admis à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie ou du service de santé, à une évaluation des besoins. En Allemagne, par exemple, les associations des médecins conventionnés établissent un plan des besoins en collaboration avec les associations faîtières des assurances-maladie à l'échelon des Länder. Ce plan doit déterminer l'approvisionnement en soins médicaux en tenant compte des différents groupes de médecins, de la densité et de la structure démographique ainsi que de l'ampleur et de la nature de la demande en prestations médicales conventionnées. Il doit également déterminer comment les médecins conventionnés couvriront cette demande et selon quelle affectation géographique. Plusieurs Etats gèrent le volume de l'offre par le budget alloué au financement des prestations médicales (le Royaume-Uni et la Pologne, par exemple). En Pologne, les soins primaires ambulatoires ne sont pris en charge par le service de santé public que s'ils sont dispensés par un médecin contractuellement lié au fonds national de la santé. Tout médecin qui répond à certains critères peut solliciter un contrat avec ce fonds (qui équivaut à une caisse-maladie unique), mais une sélection a lieu par une procédure d'adjudication spéciale. Ainsi, l'offre est indirectement pilotée à travers la prise en charge des prestations médicales par le fonds national de la santé. Le Danemark et la Norvège, quant à eux, gèrent l'offre à l'aide d'incitations financières notamment. Ils peuvent par exemple mieux rémunérer les prestations trop peu proposées.

Une grande partie des pays de l'OCDE s'est donc dotée d'outils pour piloter à long terme l'approvisionnement en
soins médicaux dans le domaine ambulatoire. En particulier, tous les voisins de la Suisse passés en revue (l'Allemagne, l'Autriche, la France et l'Italie) ont déjà adopté des systèmes leur permettant de réguler soit le nombre de médecins admis à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie, soit le volume des prestations qu'ils peuvent fournir à sa charge. Le présent projet permettra à la Suisse de réglementer elle aussi le domaine ambulatoire.

1.7

Mise en oeuvre

En principe, il reviendra aux cantons de déterminer l'offre de manière à ce que l'approvisionnement en soins ne soit ni excédentaire ni insuffisant: s'ils décident d'intervenir, ils se chargeront essentiellement de la mise en oeuvre des mesures. Ils pourront par ailleurs régler le domaine ambulatoire des hôpitaux dans le cadre de la planification hospitalière, comme le prévoit déjà l'art. 39, al. 2, LAMal, en coordination avec les autres cantons.

Le projet pose cependant un cadre: ­

2120

Si les cantons décident d'intervenir, ils devront instituer une commission composée de représentants des assurés, des fournisseurs de prestations et des

assureurs. Le rôle de la commission et les partenaires qui doivent y être représentés sont définis dans la loi, notamment dans le but d'harmoniser la procédure entre les cantons. Le Conseil fédéral estime en outre que chacun des partenaires dispose d'une expérience et d'une expertise propres, pouvant enrichir les travaux de la commission: les difficultés organisationnelles (multiplicité des interlocuteurs, niveau d'organisation des assurés) seront donc largement compensées par la plateforme de dialogue offerte aux partenaires et par le soutien plus large à la recommandation émise. Notons que des mesures différentes pourront être prises en fonction des fournisseurs de prestations. Leur représentation au sein de la commission pourra donc être adaptée pour chaque cas évalué.

18 19

­

Il appartient aux cantons de décider de limiter les admissions à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins ou de mettre en oeuvre des mesures de soutien. Ils se fonderont sur des critères de qualité tels que la participation à des programmes de qualité, l'exécution de formations continues dans le domaine de l'assurance de qualité, la participation aux services d'urgence ou la participation à un réseau de soins. Seuls des critères compatibles avec les réglementations nationales ou internationales pourront être mis en oeuvre, aussi certains critères proposés par les partenaires lors des tables rondes ne pourront-ils pas être pris en considération. Exiger une pratique de trois ans dans un établissement suisse de formation reconnu ne serait ainsi pas compatible avec la libre circulation des personnes. Il n'est par ailleurs pas nécessaire de régler dans la LAMal la maîtrise d'une langue nationale, puisque les art. 15 et 21 de la loi du 23 juin 2006 sur les professions médicales (LPMéd)18 le prévoient déjà pour la reconnaissance d'un diplôme ou d'un titre postgrade étranger19. Lors de la procédure de reconnaissance des diplômes, l'organisme compétent de la Confédération vérifie ces connaissances. Si une reconnaissance du diplôme n'est pas nécessaire, il appartient à l'institution qui souhaite engager la personne (par ex. à l'hôpital) de vérifier que ses connaissances linguistiques lui permettront d'effectuer correctement les tâches qui lui seront dévolues. Pour les professions non universitaires, ce sont les cantons qui définissent les conditions applicables.

­

Les cantons sont compétents pour l'approvisionnement en soins; en ce sens, ils peuvent déjà prendre des mesures de soutien. Réaffirmer cette compétence dans la LAMal permet toutefois de ne pas se méprendre sur l'objectif de la réforme, qui est de garantir un approvisionnement adéquat, donc d'éviter les situations d'offre excessive ou d'offre insuffisante. Il est nécessaire de mentionner tant la compétence cantonale de limiter les admissions que celle de prendre des mesures de soutien. Ces dernières devront être appropriées, ce qui implique notamment le respect des principes généraux de la LAMal tels que le principe d'économie. Ainsi, toute mesure proposée et adoptée par les autorités cantonales devra systématiquement avoir fait l'objet d'une estimation des effets escomptés sur les prestations et sur les coûts à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

RS 811.11 La maîtrise d'une langue nationale fait l'objet de discussions au Parlement dans le cadre de l'examen du projet de modification de la LPMéd (13.060).

2121

Le Conseil fédéral devra régler certains points par voie d'ordonnance: ­

Si un canton décide de réguler l'offre, il devra tout d'abord déterminer l'offre adéquate. La procédure devra être vérifiable et se fonder sur des données fiables. Le Conseil fédéral est donc chargé de fixer des critères et des principes méthodologiques minimaux. Définis dans une ordonnance après consultation des milieux intéressés, ces critères seront essentiellement des critères de qualité. Ils se fonderont d'une part sur la pratique pour le domaine stationnaire (par ex., l'accès des patients au traitement dans un délai adéquat) et d'autre part sur des éléments qui ont été avancés lors des tables rondes (par ex., le volume de prestations). Les cantons pourront définir des critères supplémentaires.

Etant donné que la mise en oeuvre de l'art. 55a LAMal relève pour l'essentiel du droit fédéral, le Tribunal administratif fédéral avait été défini comme seule instance habilitée à juger les recours contre les décisions sur les demandes d'admission rendues par les gouvernements cantonaux ou des autorités cantonales subordonnées (art. 53 LAMal, ATF 134 V 45). Le présent projet, s'il fixe un certain cadre, donne aux cantons la possibilité de légiférer pour limiter les admissions (art. 40a). Lorsque les cantons feront usage de cette compétence, les décisions d'application seront rendues sur la base du droit cantonal. Un recours devant le seul Tribunal administratif fédéral ne permettrait pas de garantir l'accès à une autorité judiciaire pouvant exercer un contrôle plein et entier en droit et en fait (cf. art. 29a Cst.): le Tribunal administratif fédéral ayant un pouvoir d'examen limité à la violation du droit fédéral (art. 49 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative20), il ne pourrait pas contrôler la bonne application du droit cantonal. C'est pourquoi les voies de droit ordinaires (instances cantonales, puis Tribunal fédéral) seront ouvertes. Les mesures de soutien au sens de l'art. 40b seront soumises aux mêmes règles de procédure; les voies de droit resteront ainsi les mêmes pour les mesures de soutien que les cantons peuvent déjà prendre aujourd'hui. Comme prévu à l'art. 53, al. 1, LAMal, les décisions cantonales relatives à l'activité des hôpitaux dans le domaine ambulatoire pourront cependant faire l'objet d'un recours devant le Tribunal administratif fédéral.

1.8

Interventions parlementaires

De nombreuses interventions parlementaires visent à modifier la législation concernant le domaine ambulatoire et à améliorer la qualité de l'approvisionnement en soins.

Motion Stahl 13.3265 «Contre-proposition à la limitation de l'admission des médecins» Déposée par le conseiller national Jürg Stahl, cette motion charge le Conseil fédéral d'introduire la liberté de contracter à partir d'une certaine densité médicale. Le Conseil national l'a adoptée le 10 septembre 2014 par 128 voix contre 58 et 2 abstentions. Le Conseil des Etats ne l'a pas encore traitée. Le 26 septembre 2012, il avait cependant rejeté une motion similaire (motion 12.3638 «LAMal. Introduire la liberté de contracter», déposée par le conseiller aux Etats Felix Gutzwiller), qui 20

RS 172.021

2122

chargeait le Conseil fédéral de présenter une révision introduisant la liberté de contracter pour les médecins spécialistes, avec des prescriptions minimales permettant de garantir la densité et la qualité de l'offre de soins. Cette motion prévoyait que les médecins puissent exercer dans le domaine ambulatoire à titre privé, sans être liés contractuellement à un assureur. Les modèles de la liberté de contracter limitée par la densité médicale et limitée aux spécialistes et avec prescriptions minimales de densité et de qualité ont été soumis aux partenaires lors des tables rondes évoquées au ch. 1.1. Or, seul un très petit nombre d'entre eux sont prêts à envisager la liberté de contracter pour piloter le domaine ambulatoire. Les avantages et inconvénients décrits (cf. ch. 1.3) montrent clairement que la liberté de contracter ne permettrait pas d'améliorer la qualité de l'offre dans les conditions de marché existantes.

Postulat Cassis 12.3783 «Régulation du nombre de médecins. Ne pas répéter les erreurs commises par le passé (2)» Déposé par le conseiller national Ignazio Cassis, ce postulat charge le Conseil fédéral d'examiner s'il serait préférable de régler l'autorisation d'ouvrir de nouveaux cabinets médicaux sur la base d'un modèle d'enchères plutôt qu'en poursuivant la limitation de l'ouverture de nouveaux cabinets. Le Conseil national l'a adopté le 14 décembre 2012, avec le soutien du Conseil fédéral. Dans ce modèle, lors d'une enchère (mise aux enchères inversée, où le prix de vente diminue jusqu'à trouver un acheteur), un régulateur proposerait au corps médical un tarif TARMED plus bas; progressivement, il augmenterait le tarif proposé jusqu'à ce qu'un nombre suffisant de médecins se déclarent prêts à travailler dans la zone concernée au tarif convenu.

De l'aveu même de l'auteur du postulat, un système de ce genre ne résoudrait pas le problème de la demande induite par une offre excédentaire de prestations médicales et ne permettrait pas non plus de déterminer le nombre optimal de médecins dans une région. Toutefois, le modèle d'enchères présenterait aussi plusieurs avantages: dans les endroits où il existe une forte densité médicale, les coûts baisseraient, alors que dans les régions périphériques, où une pénurie de médecins s'annonce, des tarifs TARMED plus élevés pourraient attirer
davantage de médecins. Notons que, lors de la procédure de consultation relative à la réintroduction de la clause du besoin (tenue sous forme de conférence), plusieurs cantons (notamment ZH, TI et SG) ont exprimé leur crainte que les médecins installés en cabinet soient incités à revendre leur cabinet au prix fort pour profiter du différentiel important entre l'offre et la demande.

Lors de la première table ronde, ce modèle a été présenté aux partenaires, qui l'ont rapidement écarté. Compte tenu des discussions qui ont été menées et de l'analyse des éventuelles conséquences de cette solution (notamment l'insécurité économique pour les médecins ou les mauvaises incitations), le Conseil fédéral propose au Parlement de classer le postulat.

Postulat Rossini 12.3218 «Evaluation des effets de la levée du gel des cabinets médicaux» Déposé par le conseiller national Stéphane Rossini et adopté par le Conseil national le 15 juin 2012, ce postulat charge le Conseil fédéral de procéder à une évaluation des effets de la levée de la limitation des cabinets médicaux sur la démographie médicale dans les cantons suisses. Le Conseil fédéral avait proposé le 23 mai 2012 d'accepter le postulat. Depuis, il a toutefois soumis son message du 21 novembre 2012 sur la réintroduction temporaire de l'admission selon le besoin21. Le Parlement 21

FF 2012 8709

2123

ayant suivi le Conseil fédéral et la réglementation concernée étant en vigueur, une évaluation de la levée de la limitation des admissions n'est plus d'actualité. Le Conseil fédéral propose donc le classement de ce postulat dans le rapport Motions et postulats des conseils législatifs 2014.

Postulat Cassis 12.3681 «Régulation du nombre de médecins. Ne pas répéter les erreurs commises par le passé (1)» Déposé par le conseiller national Ignazio Cassis et adopté par le Conseil national le 14 décembre 2012, ce postulat charge le Conseil fédéral d'examiner si une obligation d'avoir pratiqué trois ans dans un centre de formation continue agréé en Suisse avant de pouvoir pratiquer de façon autonome à la charge de l'assurance obligatoire des soins serait compatible avec la libre circulation des personnes. Une telle réglementation a été ajoutée par le Parlement au projet du Conseil fédéral relatif à la réintroduction urgente et temporaire de la limitation des admissions (art. 55a, al. 2, LAMal). L'administration fédérale a examiné cette question dans le cadre des débats parlementaires et conclu que l'art. 55 de la directive 2005/36/CE22 interdit de conditionner à une pratique professionnelle préalable ou à une formation supplémentaire l'admission d'un médecin au bénéfice d'un titre reconnu à facturer à la charge de l'assurance-maladie. Deux avis de droit23 ont confirmé que cette proposition est contraire à la libre circulation des personnes, quelle que soit la durée de la pratique professionnelle exigée. Invitée à déterminer si une croissance non maîtrisable du nombre de numéros RCC pouvait justifier une exception au principe de nondiscrimination, Astrid Epiney a confirmé l'avis de l'administration, à savoir que les critères justifiant une situation d'exception ne sont pas remplis dans un tel cas. Le Conseil fédéral renonce pour cette raison à intégrer ce critère au présent projet.

Compte tenu des recherches effectuées et des avis de droit recueillis, le Conseil fédéral propose au Parlement de classer le postulat.

Motion Fehr Jacqueline 13.3874 «Octroyer des aides à l'investissement aux médecins de premier recours prêts à s'établir dans les régions périphériques ou dans les régions où l'offre de soins de base est moins riche» Déposée par la conseillère nationale Jacqueline Fehr, cette motion charge le
Conseil fédéral de créer les bases légales permettant d'octroyer des aides à l'investissement et de soutenir la modernisation des infrastructures afin de garantir la présence de médecins de premier recours dans les régions périphériques. Le Conseil national ne l'a pas encore traitée. La Constitution charge essentiellement la Confédération de garantir que la population puisse s'assurer à des conditions supportables contre les risques de maladie et d'accident, tandis que les cantons sont tenus d'assurer les soins de santé publique et la police sanitaire. Il incombe donc aux cantons de garantir la couverture des besoins, aussi bien en soins généraux qu'en médecine de pointe. Le Conseil fédéral prévoit de réaffirmer cette compétence des cantons à l'art. 40b du projet, qui donne aux cantons la possibilité de soutenir les fournisseurs de prestations par des mesures appropriées en cas d'offre insuffisante. L'objectif de la motion est donc atteint.

22 23

Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, JO L 255 du 30.9.2005, p. 22.

Astrid Epiney, «Vorübergehende Wiedereinführung der bedarfsabhängigen Zulassung frei praktizierender Ärzte», in: Jusletter 22 avril 2013; Thomas Cottier et Rachel Liechti, «KVG-Teilrevision: zur Vereinbarkeit mit dem bilaterale Freizügigkeitsabkommen Schweiz­EU».

2124

2

Commentaire des dispositions

Art. 39, al. 1, let. e Les discussions préparatoires et la consultation ont montré qu'un pilotage des admissions dans le domaine ambulatoire des hôpitaux est difficile à mettre en oeuvre, car la plupart des hôpitaux semblent distinguer de manière encore trop peu précise la part de travail des médecins dans le domaine ambulatoire de celle dans le domaine stationnaire.

La nouvelle disposition donne aux cantons la possibilité de régler l'activité des hôpitaux dans le domaine ambulatoire dans le cadre de la planification hospitalière.

Comme prévu à l'al. 2, les cantons coordonneront le cas échéant leurs planifications.

La réglementation du secteur ambulatoire permettrait de mieux définir l'activité des hôpitaux; elle améliorerait la coordination entre les hôpitaux et la coordination avec le domaine ambulatoire hors hôpital.

Art. 40a

Mesures en cas d'offre excédentaire

Al. 1 La disposition donne aux cantons la possibilité de limiter l'admission de nouveaux fournisseurs de prestations lorsqu'ils constatent une offre excédentaire en soins ambulatoires dans une ou plusieurs spécialités médicales ou toute autre profession admise à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins dans le domaine ambulatoire. Les médecins, les dentistes pour les prestations à la charge de l'assurance-maladie obligatoire, les institutions de soins ambulatoires dispensés par des médecins, les pharmaciens, les chiropraticiens, les sages-femmes, les laboratoires et les autres fournisseurs de prestations qui dispensent des soins sur prescription (les physiothérapeutes, les ergothérapeutes, les infirmiers, les logopédistes, les orthophonistes, les diététiciens) sont notamment concernés.

En cas de limitation des admissions dans un canton, les fournisseurs de prestations concernés souhaitant pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins devront déposer une demande auprès du canton. En l'absence de limitation, les fournisseurs de prestations restent automatiquement admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins dès lors qu'ils remplissent les conditions fixées aux art. 36 à 40 LAMal.

Al. 2 Les cantons peuvent tenir compte des fournisseurs de prestations pratiquant ou désirant pratiquer à temps partiel, ce qui permet un pilotage plus précis de l'offre de prestations. Ils peuvent également fixer dans l'admission un volume de prestations à ne pas dépasser pour un ou plusieurs fournisseurs de prestations qui partageraient une admission. Pour l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire, les cantons devront par ailleurs se fonder sur des critères de qualité tels que la participation à un programme de qualité, à un réseau de soins ou au service d'urgence ou l'accomplissement de formations spécifiques dans le domaine de l'assurance-qualité.

2125

Al. 3 La disposition prévoit un délai pour faire usage d'une nouvelle admission, de manière à éviter une thésaurisation qui rendrait inapplicable un pilotage de l'offre.

Ce délai est repris de l'ordonnance du 3 juillet 2013 sur la limitation de l'admission des fournisseurs de prestations à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire24, qui arrive à échéance le 30 juin 2016. Les cantons pourront le prolonger. Le Conseil fédéral souhaite que les admissions délivrées soient bloquées le moins longtemps possible auprès des fournisseurs de prestations qui décideraient finalement de ne pas en faire usage. L'objectif est que l'offre réelle corresponde au plus près à l'offre visée.

Al. 4 La possibilité pour le canton de modifier ou de révoquer sa décision d'admission lorsque l'activité d'un fournisseur de prestations admis s'écarte nettement des conditions fixées par le canton constitue un instrument de contrôle qui n'existait pas de manière formelle. Ainsi, le canton pourra prendre des mesures plus ou moins fortes s'il s'avère qu'un fournisseur de prestations ne respecte pas le volume de prestations, la discipline particulière pour laquelle il a obtenu une admission à pratiquer ou toute autre condition fixée par le canton lors de l'admission. Par exemple, un médecin qui aurait été admis comme médecin de premier recours mais pratiquerait l'ophtalmologie risquerait de perdre son admission ou de la voir convertie (par exemple en y intégrant un taux d'activité consacré à l'ophtalmologie, pour autant que le besoin existe dans le canton).

Al. 5 Les droits acquis des fournisseurs de prestations seront maintenus dans le ou les cantons où ils pratiquent déjà à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Leur sécurité économique est donc garantie. Il est important que les praticiens formés selon les dernières méthodes puissent accéder au marché et y apporter les approches récentes du métier, mais la sécurité du droit doit également être garantie aux fournisseurs de prestations qui ont parfois consenti des investissements considérables dans le cadre légal existant.

Art. 40b

Mesures en cas d'offre insuffisante

Al. 1 Les cantons qui constatent un approvisionnement insuffisant peuvent prendre des mesures appropriées pour soutenir l'installation de fournisseurs de prestations. Ils peuvent par exemple mettre à leur disposition l'infrastructure nécessaire ou les fonds pour l'acquisition de cette infrastructure et apporter leur garantie pour son financement.

Al. 2 Les cantons sont libres d'assortir de conditions leurs mesures de soutien. Ils devront se fonder sur des critères de qualité tels que la participation à un programme de qualité, à un réseau de soins ou au service d'urgence, ou l'accomplissement de

24

RS 832.103

2126

formations spécifiques dans le domaine de l'assurance-qualité. Ils pourront également lier les mesures de soutien à un volume d'activité défini.

Art. 40c

Mise en oeuvre des mesures

Al. 1 Une offre excédentaire ou insuffisante peut apparaître non seulement sur l'ensemble d'un territoire cantonal, mais aussi dans une région. La notion de région n'est pas définie, afin de laisser une plus grande marge de manoeuvre aux cantons. Ceux-ci devront tenir compte non seulement des fournisseurs de prestations en cabinet ou dans des institutions de soins au sens de l'art. 36a, mais aussi de l'activité des hôpitaux dans le domaine ambulatoire, laquelle pourra être définie dans le cadre des contrats de prestations (art. 39, al. 1, let. e). Contrairement à l'ancienne limitation des admissions, le Conseil fédéral ne fixera pas lui-même le nombre maximum de fournisseurs de prestations par région et par domaine de spécialité.

Al. 2 L'offre adéquate n'est volontairement pas définie dans la loi. Ainsi, les cantons pourront la définir sur leur territoire en tenant compte notamment des particularités régionales (répartition du territoire entre ville et campagne, accessibilité, langue, etc.). Toutefois, pour garantir que l'offre adéquate sera déterminée de manière transparente et uniforme, des critères minimaux et principes méthodologiques supplémentaires seront fixés par le Conseil fédéral par voie d'ordonnance. Certaines dispositions seront définies par analogie avec les dispositions régissant la planification du domaine hospitalier. Par exemple, les cantons devront s'appuyer sur une démarche vérifiable, se fonder sur des données statistiquement justifiées et sur des comparaisons. D'autres critères devront être appliqués, tels que l'accès des patients au traitement dans un délai adéquat et le volume des prestations. Les cantons pourront appliquer des critères supplémentaires en fonction de leurs spécificités.

Al. 3 Il est souhaitable que les cantons envisagent l'adéquation de l'offre de soins dans une perspective régionale. C'est pourquoi la disposition prévoit que ces derniers doivent se coordonner en tenant compte de l'offre des cantons voisins. Dans ce contexte, une région n'est pas équivalente à une région de primes.

Al. 4 Afin de garantir aux principales parties concernées le droit d'être entendues, le canton qui entend faire usage de la nouvelle compétence introduite dans la loi doit instituer une commission multipartite, composée au moins de représentants des assurés, des fournisseurs
de prestations (en particulier des fournisseurs de prestations concernés par les mesures) et des assureurs. Les cantons bénéficient d'une certaine latitude pour régler l'organisation formelle de la commission. Comme dans la pratique actuelle en matière de surveillance des prix les cantons devront consulter formellement la commission avant de rendre une décision, que ce soit pour la détermination de l'offre adéquate ou pour prendre des mesures. Ils devront également lui soumettre des estimations des effets des mesures envisagées sur les coûts à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Le canton devra tenir compte de manière appropriée de la recommandation de la commission; s'il s'en écarte, il devra justifier sa décision. Cette disposition garantit que les milieux intéressés seront correctement 2127

consultés et que le canton tiendra compte de manière transparente de leur recommandation. Réunir l'ensemble des milieux intéressés dans une commission vise à favoriser l'émergence de mesures consensuelles et à amener une plus grande transparence. Les situations de blocage devraient ainsi pouvoir être évitées.

Al. 5 Les assureurs et leurs fédérations ainsi que les fournisseurs de prestations et leurs fédérations devront mettre gratuitement à la disposition du canton qui le demande toutes les données nécessaires à la détermination de l'offre adéquate et à la mise en oeuvre et au suivi des mesures. Ces données s'ajouteront à celles publiées par la Confédération et permettront d'estimer les effets des mesures envisagées sur les coûts à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

En vertu de l'art. 96 LAMal, le Conseil fédéral dispose en outre de la compétence de préciser par voie d'ordonnance la remise des données nécessaires à la détermination de l'offre adéquate et à la mise en oeuvre des mesures pour le cas où les parties impliquées ne parviendraient pas à s'entendre ou n'y parviendraient qu'en partie.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Les mesures prévues en cas d'offre excédentaire doivent contribuer à freiner la hausse des coûts à la charge de l'assurance obligatoire des soins et donc réduire la hausse des primes payées par les assurés, notamment en limitant la demande induite par les surcapacités. Elles devraient également contribuer à freiner la hausse des subsides octroyés en vertu de l'art. 66, al. 2, LAMal par la Confédération aux cantons pour la réduction des primes des assurés de condition modeste. Les mesures prévues en cas d'offre insuffisante n'auront en revanche pas d'effet sur les subsides octroyés, puisqu'elles sont à la charge des cantons.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Les conséquences pour les cantons ont déjà été évoquées plus haut: ils sont libres de mettre en oeuvre ou non les mesures prévues. De plus, comme ils peuvent déjà piloter le domaine ambulatoire, la mise en oeuvre de la présente révision sera un peu moins lourde pour ceux qui ont pris des dispositions en la matière et qui souhaitent les maintenir. Ils sont également libres de déterminer le montant de leur participation à la réduction des primes. Aussi est-il difficile d'estimer les conséquences du présent projet à leur endroit. Pour les communes, en particulier dans les régions de montagne, la mise en oeuvre de mesures efficaces de soutien en cas d'offre insuffisante contribuera au développement économique en améliorant la couverture sanitaire dans ces régions.

2128

3.3

Conséquences économiques

L'ensemble des dépenses de santé correspondait en 2012 à environ 11,5 % du produit intérieur brut, dont plus d'un tiers était consacré à l'assurance obligatoire des soins (les pouvoirs publics assumaient environ 20 % des coûts)25. Les mesures envisagées en cas d'offre excédentaire pourraient avoir un faible impact à la baisse sur les coûts. Comme expliqué plus haut, l'installation de fournisseurs de prestations pourrait avoir un effet positif sur l'économie locale dans les régions périphériques concernées par une insuffisance de l'offre: celles-ci profiteront indirectement des effets de la limitation des admissions dans les régions disposant d'une offre excédentaire et profiteront directement des mesures de soutien.

3.4

Conséquences sanitaires et sociales

L'objectif principal de la révision est d'obtenir un approvisionnement de qualité, ce qui passe par une meilleure répartition territoriale de l'offre de prestations sanitaires ambulatoires. La possibilité de limiter l'admission de nouveaux fournisseurs de prestations sur l'ensemble ou sur une partie d'un canton ne réduira pas la couverture sanitaire ou sociale dans la région concernée: l'offre doit en effet y être excédentaire et la mesure ne s'adresse pas aux fournisseurs de prestations en exercice. En revanche, les nouveaux fournisseurs de prestations seront indirectement incités à aller s'installer là où il n'y pas de limitation des admissions. Par ailleurs, la mise en oeuvre des mesures prévues en cas d'offre insuffisante les incitera directement à s'installer là où le canton estime nécessaire d'améliorer une couverture sanitaire jugée insuffisante. L'approvisionnement en soins dans les régions moins bien desservies sera donc amélioré à la fois par la limitation des admissions et par les mesures incitatives, sans péjorer la situation dans les autres régions.

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

Le projet n'a été annoncé ni dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de législature 2011 à 201526 ni dans l'arrêté fédéral du 15 juin 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201527. Il fait partie intégrante de la stratégie globale «Santé2020» (cf. ch. 1.1), puisqu'il permettra de remplir l'objectif 4.2, qui vise l'amélioration du pilotage de la politique de la santé, notamment pour les soins ambulatoires (également hospitaliers) qui permettent par exemple aux cantons de répondre à une offre excédentaire ou insuffisante. Si l'actuel art. 55a LAMal a permis de remplir temporairement l'objectif, le présent projet apporte une réponse durable. Notons que cet objectif constitue l'un des dix objectifs prioritaires de «Santé2020» et qu'il a été repris dans les objectifs du Conseil fédéral 2014.

25 26 27

Office fédéral de la statistique, Statistique de la santé 2014, Neuchâtel 2014 FF 2012 349 FF 2012 6667

2129

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et légalité

Le projet se fonde sur l'art. 117 Cst., qui confère à la Confédération une large compétence en matière d'organisation de l'assurance-maladie.

L'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins est en principe soustraite à la liberté économique (art. 27 Cst.). En l'occurrence, celle-ci garantit essentiellement que les limitations de l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance sociale reposent sur des critères qui tiennent compte de manière adéquate des principes de l'égalité entre concurrents28. La possibilité de limiter les admissions en cas d'offre excédentaire, l'établissement de conditions à l'admission et la possibilité de retirer une admission doivent donc respecter l'égalité entre concurrents. La révision donne une base légale formelle claire permettant de fonder cette limitation en respectant ce principe. Le Tribunal fédéral a par ailleurs estimé par le passé que l'art. 117 Cst. pouvait être considéré comme une base constitutionnelle implicite pour une clause du besoin29.

Les mesures proposées sont proportionnées puisqu'elles devront se fonder sur une évaluation précise du besoin, qu'elles pourront être différenciées en fonction du besoin et qu'elles n'empêcheront pas les fournisseurs de prestations concernés d'exercer leur profession étant donné que la situation en matière d'offre varie fortement sur le territoire suisse. Le principe de confiance est garanti puisque les fournisseurs de prestations admis avant l'introduction d'une limitation conserveront le droit de pratiquer. Enfin, le projet ne fausse pas la concurrence puisque les nouveaux concurrents ne seront pas exclus durablement ou complètement du marché, mais disposeront d'un accès restreint ou facilité en fonction de critères prédéfinis et transparents.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales

5.2.1

Le droit de l'Union européenne

Aux termes de l'art. 3 du traité sur l'Union européenne30, l'Union européenne a pour mission de promouvoir la justice et la protection sociales. La libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union est fixée à l'art. 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne31. L'accord du 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes (ALCP)32 est pour sa part entré en vigueur le 1er juin 2002. Son objectif est notamment d'accorder aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et de la Suisse un droit d'entrée, de séjour, d'accès à une activité économique salariée et d'établissement en tant qu'indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes (art. 1, let. a, ALCP). L'art. 1, let. d, de l'accord prévoit également d'accorder aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et de la Suisse les mêmes conditions de vie, d'emploi et de travail que celles accordées aux nationaux. Ainsi, conformément à l'annexe I de l'accord, les 28 29 30 31 32

ATF 130 I 26, consid. 4.5; 132 V 6, consid. 2.5.3 ss.

ATF 130 I 26 consid. 6.2 JO C 191 du 29.7.1992 JO C 306 du 17.12.2007 RS 0.142.112.681

2130

ressortissants d'une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d'une autre partie contractante ne doivent pas être discriminés en raison de leur nationalité (art. 2 ALCP) et leur droit de séjour et d'accès à une activité économique est garanti (art. 4 ALCP). L'accord prévoit par conséquent à son art. 7, let. a, que les parties contractantes règlent notamment le droit à l'égalité de traitement avec les nationaux en ce qui concerne l'accès à une activité économique et son exercice ainsi que les conditions de vie, d'emploi et de travail.

La libre circulation des personnes requiert une coordination des régimes nationaux de sécurité sociale, ce que prévoit l'art. 48 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le droit de l'Union européenne ne prévoit cependant pas l'harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale, les Etats membres conservant la faculté de déterminer la conception, le champ d'application personnel, les modalités de financement et l'organisation de leur système de sécurité sociale. La coordination des régimes nationaux de sécurité sociale est mise en oeuvre par le règlement (CE) no 883/200433 et par son règlement d'application no 987/200934 que la Suisse est tenue d'appliquer en vertu des art. 8 et 16, par. 1, et de l'Annexe II ALCP.

5.2.2

Les instruments du Conseil de l'Europe

La Charte sociale européenne du 18 octobre 196135 est le pendant de la convention européenne des droits de l'homme36 pour les droits économiques et sociaux. Le droit à la sécurité sociale y est fixé à l'art. 12. La Suisse a signé la charte le 6 mai 1976, mais le Parlement ayant refusé en 1987 de la ratifier, ce traité ne lie pas notre pays.

La Charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996 met à jour et adapte la charte de 196137. Elle constitue un accord distinct de la charte de 1961, qu'elle n'abroge donc pas. Le droit à la sécurité sociale figure également à l'art. 12. La Suisse n'a pas ratifié cet instrument.

Le code européen de sécurité sociale du 16 avril 1964 a été ratifié par la Suisse le 16 septembre 197738. Notre pays n'en a toutefois pas accepté la partie II relative aux soins médicaux, qui prévoit notamment de garantir les prestations médicales aux personnes protégées en cas d'état morbide, quelle qu'en soit la cause, et en cas de maternité. Le bénéficiaire peut être tenu de participer aux frais des soins médicaux reçus en cas d'état morbide et la durée des prestations servies peut être limitée à 26 semaines par cas.

Le code européen de sécurité sociale révisé du 6 novembre 1990 constitue aussi un accord distinct du code de 1964, qu'il n'abroge donc pas. Le code révisé n'est pas encore en vigueur.

33 34 35 36 37 38

RS 0.831.109.268.1 RS 0.831.109.268.11 Le texte de la charte est publié sur le site du Conseil de l'Europe à l'adresse suivante: http://conventions.coe.int/treaty/fr/treaties/html/035.htm.

RS 0.101 Le texte de la charte est publié sur le site du Conseil de l'Europe à l'adresse suivante: http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/163.htm.

RO 1978 1491

2131

5.2.3

Compatibilité du projet avec le droit européen

De très nombreux pays pilotent d'une manière ou d'une autre le domaine ambulatoire (cf. ch. 1.6), mais les dispositions prises doivent respecter les règles que les Etats se sont fixées sur le plan international. Le droit européen établit des normes en matière de libre circulation des personnes, mais sans harmoniser les régimes nationaux de sécurité sociale. Les Etats demeurent donc libres de régler ces questions comme ils l'entendent. La compatibilité de la précédente version de l'art. 55a LAMal avec l'ALCP a d'ailleurs fait l'objet d'un arrêt du Tribunal fédéral (ATF 130 I 26), qui a conclu que les réglementations édictées par le Conseil fédéral sur la base de l'art. 55a LAMal et par le Conseil d'Etat du canton de Zurich en vue de limiter l'admission des fournisseurs de prestations à pratiquer à la charge de l'assurancemaladie obligatoire ­ pour autant qu'elles puissent être examinées en vertu de l'art. 191 Cst. (consid. 2) ­ ne violent ni l'ALCP (consid. 3), ni la liberté économique (consid. 4 à 6) et n'étaient pas davantage contraires à l'obligation de reconnaissance réciproque des diplômes (consid. 7), au principe de la bonne foi (consid. 8) ou au droit à la protection de la vie privée et familiale (consid. 9). La compatibilité de l'actuelle limitation des admissions dans le domaine ambulatoire, entrée en vigueur en 2013, avec l'ALCP et avec la convention instituant l'Association européenne de libre-échange39 est toutefois controversée. La Suisse s'est engagée envers les 28 Etats membres de l'UE et envers les Etats membres de l'AELE (Norvège, Islande et Principauté de Liechtenstein) par deux accords sur la libre circulation à autoriser les personnes exerçant une profession médicale, entre autres, à pratiquer sur son territoire sans discrimination. Il en découle que la Suisse doit reconnaître leurs diplômes et leurs certificats de qualification professionnelle et leur ouvrir l'accès à son marché intérieur. L'exception à la limitation des admissions prévue à l'art. 55a, al. 2, LAMal (exemption de la preuve du besoin pour les médecins qui ont exercé pendant au moins trois ans dans un établissement suisse de formation reconnu) porte unilatéralement préjudice à la liberté de circulation des médecins étrangers issus de pays membres de l'UE ou de l'AELE. Ainsi, les personnes originaires de ces pays
qui ont accompli la formation médicale postgrade requise par les accords sur la libre circulation dans un établissement étranger de formation reconnu doivent en sus exercer trois ans dans un établissement de formation suisse dans le même domaine spécialisé pour être admises à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Cette condition supplémentaire équivaut donc à une discrimination indirecte et est problématique au regard du droit international. Non seulement elle entre en conflit avec les accords sur la libre circulation, mais elle est aussi en contradiction avec le droit constitutionnel suisse. La liberté économique impose en effet à l'Etat de traiter de manière égale les concurrents directs, par exemple les médecins suisses et les médecins issus de pays membres de l'UE ou de l'AELE. Le Tribunal fédéral estime donc que l'Etat doit garantir que toute réglementation de l'accès repose uniquement sur des critères objectifs et tienne compte de manière appropriée des principes de la concurrence (ATF 130 I 26, consid. 4.5, p. 43). Pour ces raisons, l'exception à la limitation des admissions prévue à l'art. 55a, al. 2, LAMal n'a pas été reprise dans le présent projet.

39

RS 0.632.31

2132

5.3

Délégation de compétences législatives

L'art. 96 LAMal donne au Conseil fédéral la compétence d'édicter les dispositions d'exécution dans le domaine de l'assurance-maladie sociale. Le présent projet l'habilite à arrêter des dispositions dans le domaine suivant: ­

détermination des critères d'évaluation de l'adéquation de l'offre de soins ambulatoires (art. 40c, al. 1).

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