Rapport 2014 du Conseil fédéral sur les activités de la politique migratoire extérieure de la Suisse du 1er juillet 2015

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons le présent rapport 2014 sur les activités de la politique migratoire extérieure de la Suisse en vous priant d'en prendre acte.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Le 1er juillet 2015

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2015-1459

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Résumé Le rapport du Conseil fédéral sur les activités de la politique migratoire extérieure de la Suisse donne une vue d'ensemble de l'engagement de la Suisse, pour l'année écoulée, dans la coopération migratoire au niveau bilatéral et multilatéral. La collaboration étroite des offices concernés du DFAE, du DFJP et du DEFR dans certains domaines de la politique migratoire extérieure (entre autres la migration régulière, la migration irrégulière, le retour et la réintégration, l'octroi d'une protection, la migration et le développement, la politique migratoire de l'Union européenne, la gouvernance mondiale des mouvements migratoires internationaux) contribue de manière déterminante à une mise en oeuvre efficace et rigoureuse des différents instruments de la politique migratoire extérieure (dialogues sur la migration, partenariats migratoires, Protection dans la région) et garantit la cohérence de l'engagement de la Suisse.

Pour la coopération migratoire internationale, l'année 2014 a été marquée par des défis qui ont aussi une importance pour la Suisse: près de 51,2 millions de personnes déracinées ont été enregistrées dans le monde, un nombre qui n'avait plus été atteint depuis la Seconde Guerre mondiale. En raison de contextes empreints de tensions politiques et sociales, de conflits armés associés à de graves violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme ­ notamment au ProcheOrient et au Moyen-Orient, en Afrique, mais aussi en Europe avec le conflit en Ukraine ­, les sociétés qui accueillent ces réfugiés, les acteurs humanitaires et la communauté internationale doivent faire face à des situations complexes de déplacements de populations et à des besoins accrus de protection de personnes vulnérables.

Dans cette situation, la recherche d'approches communes aux niveaux national, régional et international est indispensable. Pendant l'année sous revue, la Suisse a donc continué de s'investir dans une coopération globale, dans un esprit de partenariat, avec les pays de provenance, de transit et de destination, en misant sur les instruments de politique migratoire extérieure que sont les partenariats migratoires, les programmes Protection dans la région ou encore les dialogues sur la migration.

Pour être en mesure de réagir avec souplesse et de manière coordonnée à la
situation actuelle de la migration de transit par la Méditerranée centrale, le Groupe de travail stratégique Méditerranée a été institué en été 2014.

La réalisation d'une évaluation externe des partenariats migratoires, en exécution d'un postulat (12.3858) adopté par le Parlement, a livré des enseignements précieux pour la coopération migratoire internationale et confirmé la valeur ajoutée de cet instrument. Les cinq partenariats existants, conclus avec la Serbie, la Bosnie et Herzégovine, le Kosovo, le Nigeria et la Tunisie, apportent une nette amélioration des relations bilatérales ­ souvent au-delà des strictes questions migratoires ­ dans le respect des intérêts essentiels de chacun des partenaires, par un équilibre positif des intérêts et l'instauration d'un dialogue régulier.

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Au niveau international, la volonté a été réaffirmée d'une coopération plus intense sur les questions migratoires; l'importance croissante de la migration comme phénomène à l'échelle du monde, qui doit être traité à l'échelle du monde, se reflète notamment dans les négociations en vue de l'adoption de l'agenda international de développement durable pour l'après-2015, ainsi que dans la décision prise par l'Assemblée générale des Nations Unies en automne 2014 de tenir, en 2019 au plus tard, un troisième Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement (UN High-Level Dialogue on Migration and Development). Il a aussi été décidé que ces dialogues auraient ensuite lieu à intervalles réguliers.

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Rapport 1

Contexte

1.1

Coopération interdépartementale

La coordination de la politique migratoire extérieure de la Suisse passe par la structure mise en place pour la coopération migratoire internationale (structure IMZ), qui s'articule sur trois niveaux: premièrement, à l'échelon des directeurs et des secrétaires d'Etat, la séance plénière du groupe de travail interdépartemental sur la Migration (Plenum der Interdepartementalen Arbeitsgruppe für Migration, IAM-Plenum); deuxièmement, à l'échelon des sous-directeurs et des chefs de division, le comité pour la collaboration en matière de migration internationale (Ausschuss für Internationale Migrationszusammenarbeit, IMZ-Ausschuss) et, troisièmement, les groupes de travail Régions, Pays et Thèmes prioritaires. Sont des membres permanents de la structure IMZ le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) et l'Office fédéral de la police (fedpol) pour le Département fédéral de justice et police (DFJP), la Direction politique (DP), la Direction du développement et de la coopération (DDC) et la Direction des affaires européennes (DAE) pour le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), et le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) pour le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR). D'autres services intéressés peuvent en tout temps y participer.

Conformément au rapport sur la coopération migratoire internationale dont le Conseil fédéral a pris acte en février 2011, la séance plénière du groupe de travail interdépartemental sur la Migration adopte chaque année, à l'intention du Conseil fédéral, un rapport d'activités dans lequel sont présentées les principales activités de politique migratoire extérieure mises en oeuvre dans le cadre de la coopération interdépartementale.

1.2

Contexte politique 2014

L'année 2014 a été marquée par différents événements de politique intérieure et extérieure qui ont eu des répercussions sur la politique migratoire extérieure. La continuation et l'intensification des combats en Syrie, la montée en puissance d'une nouvelle milice islamiste terroriste (Etat islamique, EI ou Daech) et le débordement du conflit sur le territoire de l'Irak ont encore réduit l'espoir d'une prochaine solution politique au conflit. On a par conséquent observé une augmentation du nombre de réfugiés dans la région, qui sont aussi plus nombreux à poursuivre le voyage de manière irrégulière vers l'Europe. Près de 51,2 millions de personnes sont aujourd'hui en fuite, un nombre qui n'avait plus été atteint depuis la Seconde Guerre mondiale. Environ 16,7 millions d'entre elles sont considérées comme des réfugiés au sens du droit international. Neuf réfugiés sur dix vivent dans des pays en développement. L'Europe a enregistré quelque 625 000 demandes d'asile l'an dernier, autant qu'à l'époque de la guerre dans les Balkans dans les années 90. Cet afflux a pesé sur les structures d'accueil, notamment en Italie et en Bulgarie. Cette situation démontre l'urgence et la nécessité pour la communauté internationale de renforcer la

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protection et les droits des migrants ainsi que de soutenir les premiers pays d'accueil.

D'autres foyers de crise ont aussi contribué à augmenter fortement les migrations de transit par la Méditerranée. C'est en particulier la détérioration de la situation politique en Libye qui empêche largement l'Etat d'assurer le contrôle des régions côtières. Ces évolutions ont entraîné une hausse des demandes d'asile déposées en Suisse, qui ont augmenté de 10,7 % par rapport à 2013. Rapportée à la situation dans l'ensemble de l'Europe, cette hausse reste pourtant modérée. Si les demandes déposées en Suisse représentaient encore 8,2 % du total européen en 2012, la proportion a diminué de plus de la moitié pour tomber à 3,8 % en 2014. Cette proportion est la plus basse de ces quinze dernières années. Au niveau européen, la Suisse a lancé ou soutenu des initiatives visant à renforcer le système Dublin et, de manière générale, à instaurer une meilleure répartition des charges en Europe. Dans le cadre de la structure interdépartementale, un Groupe de travail stratégique Méditerranée (SAM) a été institué. Ce groupe a été chargé d'élaborer et de mettre en oeuvre une politique extérieure cohérente pour gérer la question des migrations par la Méditerranée centrale (voir ch. 7).

Au niveau multilatéral, la décision de l'Assemblée Générale de l'ONU en automne 2014 d'institutionnaliser les Dialogues de haut niveau sur la migration et le développement confirme le besoin d'agir au niveau global pour trouver des solutions à ces défis, mais aussi pour tirer profit des opportunités de la migration. Tels sont les thèmes qui occuperont la politique migratoire extérieure de la Suisse ces prochains temps.

2

Partenariats migratoires

2.1

Enseignements de l'évaluation des partenariats migratoires

A la fin de 2014, la Suisse avait des partenariats migratoires avec cinq pays (Serbie, Bosnie et Herzégovine, Kosovo, Nigeria, Tunisie). Le postulat Amarelle (12.3858) chargeait le Conseil fédéral de présenter un rapport d'évaluation des partenariats migratoires cinq ans après la conclusion du premier de ces accords.

Suite à une procédure d'invitation à soumissionner, c'est la Maastricht Graduate School of Governance qui a été chargée de réaliser l'étude d'évaluation. Les auteurs ont évalué les documentations disponibles de l'administration, examiné des comptes rendus sur ce thème (médias, articles scientifiques, etc.) et mené plus de 115 entretiens avec des acteurs tant en Suisse que dans les pays partenaires.

Le rapport d'évaluation montre que l'instrument du partenariat migratoire apporte clairement une valeur ajoutée dans le contexte migratoire actuel. Il confirme que chacun des cinq accords conclus à ce jour atteint l'objectif visé d'un équilibre des intérêts. Les intérêts clés des deux partenaires sont pris en compte de manière appropriée et l'échange régulier sous forme de dialogues migratoires entraîne une nette amélioration des relations bilatérales, parfois même au-delà des strictes questions migratoires (effet de propagation). L'évaluation conclut à l'absence d'une inégalité des forces en présence: les Etats partenaires conçoivent la coopération comme un partenariat entre égaux, dans lequel ils peuvent présenter et développer les questions les plus pressantes. A cet égard, l'approche de la Suisse se distingue 5495

d'autres formes de coopération bilatérale dans le domaine de la migration. Le rapport montre par ailleurs que la valeur de ces partenariats tient principalement à l'amélioration des relations concernant la politique migratoire (au niveau bilatéral, mais aussi multilatéral), à une plus grande transparence des demandes, enjeux et procédures spécifiques aux différents pays (notamment concernant l'identification et le retour) et à une meilleure coordination entre les autorités concernées (approche pangouvernementale). Tous les partenariats se sont développés et incluent une large palette de thèmes (migrations régulières, visas, identification et réadmission, migration et développement, protection des migrants vulnérables, déplacés internes, coopération policière, etc.).

La version finalisée de cette évaluation servira de base au rapport que le Conseil fédéral soumettra au Parlement en réponse au postulat Amarelle 12.3858 et dans lequel seront présentés les principaux enseignements à tirer de l'évaluation et des pistes pour la suite.

2.2

Principaux développements concernant les cinq partenariats existants

2.2.1

Partenariat migratoire avec la Tunisie

L'accord de coopération en matière de migration et l'accord relatif à l'échange de jeunes professionnels sont entrés en vigueur respectivement le 16 août et le 17 août 2014. Alors que le premier était appliqué de facto depuis sa signature en juin 2012, le deuxième n'a pu être mis en oeuvre qu'à partir de son entrée en vigueur. Sur ce point, il est à signaler que les formalités techniques ont été dûment préparées et que la partie suisse, conjointement avec les autorités tunisiennes, fait tout son possible pour faciliter les contacts entre les jeunes professionnels intéressés et les éventuels employeurs. A cet égard, les deux parties ont renforcé la promotion dudit accord dans le cadre du projet «Communauté tunisienne résidente en Suisse». Ce projet vise également, parmi d'autres activités, à promouvoir la migration comme facteur de développement ainsi qu'à renforcer l'implication de la diaspora tunisienne en Suisse.

Divers projets sont discutés et mis en place dans ce contexte et présentent de nombreuses synergies, reconnues tant par la Suisse que par les organisations partenaires et les institutions nationales.

L'année 2014 a été marquée par la tenue des troisième et quatrième réunions de mise en oeuvre du partenariat migratoire avec la Tunisie. Ces deux réunions ont permis de procéder à un tour d'horizon des divers projets soutenus par la Suisse dans le domaine de la migration régulière, de la protection, de la prévention de la migration irrégulière ainsi que de la migration et du développement. Parmi un total d'une vingtaine de projets, les engagements décrits ci-après peuvent être soulignés.

Le projet «Mainstreaming Migration» (DDC, Programme global Migration et Développement PGMD), mis en oeuvre par l'Organisation internationale pour les Migrations (OIM) et visant l'intégration du fait migratoire dans la planification du développement, a permis de mettre en place un comité de coordination interministériel sur la migration qui présente quelques similitudes avec la structure IMZ.

La Suisse a renforcé considérablement le dispositif de protection dans la région à travers le financement d'un plan d'urgence du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en vue d'un afflux de demandeurs d'asile et de réfugiés 5496

depuis la Libye, la mise en place d'un dispositif d'assistance humanitaire, de protection et de référencement pour les migrants vulnérables à Tunis et dans le Sud par des ONG et le Croissant Rouge Tunisien (DDC, Aide humanitaire AH), ainsi que le soutien au développement des procédures pour l'accueil des rescapés de mer par le HCR (DP, Division Sécurité humaine DSH).

Ces rencontres ont également permis de discuter de la collaboration dans le domaine de l'identification et du retour. Depuis 2013, les demandes d'identification sont souvent restées sans réponse. Les investigations auprès des autorités tunisiennes ont révélé que le principal motif de cette absence de réponse résultait de procédures peu claires sur les plans technique et administratif. Il a ainsi été convenu de simplifier cette procédure administrative en limitant le nombre d'intermédiaires. Par ailleurs, le système AFIS tunisien (Automated Fingerprint Identification System) devrait être mis à jour dans le courant de l'année 2015 grâce au soutien de la France.

Après une participation considérable durant la première phase du programme d'aide au retour en faveur des ressortissants tunisiens relevant du domaine de l'asile, le nombre des bénéficiaires a fortement baissé pendant la deuxième phase du programme. A l'occasion du quatrième dialogue, il a été décidé de ne prolonger le programme que pour une durée finale et limitée de trois mois afin de donner une dernière chance aux personnes concernées de pouvoir en bénéficier. Après l'expiration du délai en avril 2015, les personnes souhaitant rentrer volontairement peuvent bénéficier de l'aide au retour individuelle.

2.2.2

Partenariat migratoire avec le Nigeria

La bonne coopération migratoire entre la Suisse et le Nigeria s'est poursuivie en 2014, avec l'organisation de deux commissions techniques permettant d'assurer le suivi du partenariat migratoire entre les deux Etats. Ces rencontres se sont tenues en avril puis en décembre 2014 sous la conduite du directeur du SEM et du chef de la DSH du DFAE.

La composante migration et développement du partenariat migratoire s'est renforcée au cours de l'année. La coopération avec la National Commission for Refugees, Migrants and IDPs (Internally Displaced Persons) a été formalisée et a facilité un échange intergouvernemental sur la migration et le développement lors du dialogue national sur la migration en décembre 2014. La mise en oeuvre d'un plan d'action conjoint visant à lutter contre la migration irrégulière et à intensifier la coopération dans le domaine du retour s'est poursuivie au cours de l'année 2014. La coopération dans le domaine du retour demeure très satisfaisante.

Des avancées ont également pu être observées dans la mise en oeuvre de projets concrets dans le cadre du partenariat migratoire. Premièrement, la coopération avec la diaspora nigériane a produit des premiers résultats tangibles avec l'engagement de six volontaires dans des institutions de formation professionnelle au Nigeria. Deuxièmement, dans le cadre du projet de coopération policière avec le Nigeria, des officiers de l'agence de lutte contre les stupéfiants (NDLEA) ont été accueillis à fedpol et, pour la première fois, des policiers suisses ont pu visiter la NDLEA à Lagos. De plus, un système de vidéoconférence a été installé au quartier général de la police à Lagos dans le but de faciliter la coopération entre les deux pays. Malheureusement, en raison de diverses contingences au Nigeria, les échanges d'officiers 5497

prévus pour cette troisième phase n'ont pas pu être réalisés. Troisièmement, seize étudiants nigérians ont poursuivi leur formation professionnelle auprès de Nestlé Nigeria au cours de l'année. Les cinq meilleurs étudiants participeront à un stage de formation en Suisse au printemps 2015.

A l'avenir, il importe de maintenir la bonne coopération entre les deux Etats dans le domaine migratoire compte tenu de l'évolution du contexte régional. Les élections présidentielles, la capacité du Nigeria à maintenir une réponse efficace face à la crise Ebola, la situation sécuritaire au nord du Nigeria ainsi que les conséquences migratoires régionales sont autant de facteurs susceptibles d'avoir un impact sur le partenariat migratoire.

2.2.3

Partenariats migratoires dans les Balkans occidentaux

Les partenariats migratoires conclus avec la Bosnie et Herzégovine, le Kosovo ainsi qu'avec la Serbie ont à nouveau été concrétisés par des dialogues bilatéraux. Les trois dialogues migratoires ont eu lieu lors du premier semestre à Vaduz, ainsi qu'à Berne. Ils ont entre autres permis de faire le point sur les projets déjà en cours, ainsi que d'en identifier de nouveaux.

Dans le cadre des trois partenariats migratoires, la Suisse a poursuivi son soutien à divers projets dans la région, dont par exemple le projet «Capacity Development and Functionalization of Government Authority on Migration» au Kosovo. Ce projet constitue une réponse de la Suisse aux difficultés rencontrées par le Kosovo dans le domaine de la surveillance des flux migratoires sur son territoire, de la collecte d'informations sur la migration tant régulière qu'irrégulière, ainsi que dans celui de l'élaboration de politiques liées à la migration en fonction des données recueillies.

Dans le cadre de ce projet, la Suisse évalue actuellement les besoins et manquements du Government Authority on Migration et décidera, début 2015, de l'étendue de l'assistance technique qu'elle envisage de fournir au Kosovo. Le projet «Support for owner driven rehabilitation of houses for flood affected vulnerable people in Western Serbia» a également bénéficié du soutien de la Suisse en 2014. Il consiste en une réaction aux inondations de mai 2014 et a pour but la reconstruction de 60 à 100 foyers en Serbie. Ce soutien profite aux familles les plus démunies et se fait sous la forme d'assistance technique et de dons de matériel de construction. En ce qui concerne la Bosnie et Herzégovine, une étude sur le profil de sa diaspora en Suisse et ses possibles contributions a été publiée en automne. Elle a permis de rassembler des informations sociodémographiques sur le profil de la diaspora bosnienne en Suisse, les différentes formes d'organisations et réseaux de la diaspora et leur potentiel. Elle a permis également d'identifier les différentes possibilités d'implication de la diaspora dans le développement du pays. La population bosnienne en Suisse représente 60 000 personnes (3 % des étrangers en Suisse).

La coopération bilatérale en matière de réadmission avec les trois pays concernés peut être qualifiée d'excellente puisque les laissez-passer sont
délivrés rapidement par les gouvernements des trois pays. Le nombre de demandes d'asile émanant des trois pays concernés est resté stable par rapport à 2013.

Les grandes lignes de la stratégie 2016­2019 pour la région seront tracées dans le courant de l'année 2015.

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3

Programmes de protection des réfugiés et des migrants dans les régions d'origine

3.1

Syrie et Etats voisins

Le concept de Protection dans la région (PiR), adopté en octobre 2007 par le comité IAM, vise à trouver aussi rapidement que possible une protection efficace pour les réfugiés, les déplacés internes et les migrants vulnérables dans leur région d'origine et à contribuer à ce que les premiers pays d'accueil (Jordanie, Liban et Turquie) aient la capacité de prendre en charge la protection de ces personnes. Cela dans l'optique de contribuer à une réduction des mouvements secondaires irréguliers et dangereux, et de trouver des solutions durables (p.ex. rapatriement si la situation permet de le réaliser en dignité; intégration locale; réinstallation).

Les activités du groupe PiR s'insèrent en grande partie dans le cadre de l'engagement de la Suisse en réponse à la crise syrienne. Les membres de ce groupe (SEM, DSH, DDC/PGMD, DDC/AH, DMOAN, Ambassadeur spécial pour la migration internationale) soutiennent des projets concrets en vue de la protection des réfugiés et des populations vulnérables dans les pays hôtes. Vu l'ampleur que prend la crise (3,3 millions de réfugiés fin 2014, 12 millions de personnes nécessitant une aide humanitaire à l'intérieur de la Syrie), un accent particulier est mis sur des projets visant à renforcer les capacités de résilience des populations vulnérables, réfugiées mais également indigènes.

Au Liban par exemple, la réhabilitation de treize écoles dans le nord du pays profite tant aux réfugiés syriens qu'aux enfants libanais. Ce projet a été financé par le SEM et mis en oeuvre par la DDC au Liban. En plus, le SEM soutient le Lebanon Syrian Crisis Trust Fund pour la période 2014­2017. Parallèlement, le soutien de la DSH en faveur du Lebanese-Palestinian Dialogue Committee s'est poursuivi en 2014. En Syrie, grâce à une contribution à UN Habitat, 400 000 déplacés internes pourront bénéficier d'une intervention communautaire ainsi que de l'amélioration de leurs conditions d'abri. En Jordanie, un projet vise à renforcer la résilience des municipalités confrontées à une arrivée massive de réfugiés et à améliorer la fourniture de services de base pour les Jordaniens autant que pour les réfugiés.

La nouvelle stratégie de coopération de la Suisse pour la Syrie, le Liban, la Jordanie et l'Irak (2015­2018), dont un des piliers centraux est la protection de réfugiés, déplacés internes
et migrants vulnérables, renforcera l'efficacité de l'engagement suisse et la cohérence entre les services impliqués dans la politique migratoire Suisse. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'instrument PiR.

3.2

Corne de l'Afrique et Yémen

Dans la Corne de l'Afrique et au Yémen, les mouvements migratoires et les déplacements de réfugiés se caractérisent par leur diversité et leur interdépendance (mixed migration movements). En 2014, les services concernés du DFAE et du DFJP ont mis en oeuvre des projets existants de protection des réfugiés, migrants vulnérables et déplacés internes, et ont identifié de nouveaux engagements.

En Ethiopie ­ un pays qui accueille la plus grande population de réfugiés sur le continent africain, avant même le Kenya, et compte plus de 640 000 réfugiés en 5499

provenance de Somalie, d'Erythrée, du Soudan du Sud et du Soudan ­ la Suisse a pu renforcer son soutien, en particulier en faveur des personnes en quête de protection provenant de l'Erythrée et du Soudan du Sud. En 2014, les ressortissants érythréens constituaient le premier groupe, et de loin, pour les demandes d'asile déposées en Suisse. Ils sont aussi pour beaucoup dans l'accroissement des flux migratoires traversant la Méditerranée. C'est la raison pour laquelle l'objectif reste de créer des synergies avec les travaux du Groupe de travail stratégique Méditerranée (SAM, voir ch. 7).

Pendant l'année sous revue, l'ouverture et la poursuite de dialogues bilatéraux sur la migration avec les gouvernements de la région se sont révélées compliquées. Les autorités éthiopiennes se sont jusqu'ici montrées peu enclines au dialogue. La Suisse poursuivra néanmoins ses efforts en 2015. La fermeture du bureau de programme de la DDC à Sanaa empêche la poursuite d'un dialogue direct avec le gouvernement du Yémen. Le soutien de l'OIM dans ce pays devrait néanmoins permettre de conseiller les autorités yéménites et de renforcer le dialogue régional et la coordination avec les Etats du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe Arabique et ceux de la Corne de l'Afrique.

De premières activités concrètes ont pu être lancées en 2014 dans le cadre de la coopération avec l'Autorité intergouvernementale pour le développement (Intergovernmental Authority on Development, IGAD). Ces activités visent de manière générale la mise en oeuvre opérationnelle du cadre régional de politique migratoire reconnu par les Etats de l'IGAD (l'Ethiopie, Djibouti, le Kenya, la Somalie, le Soudan, le Soudan du Sud, l'Ouganda et l'Erythrée, qui est suspendue depuis 2007), ainsi que la mise en place et le renforcement des plateformes et des mécanismes nationaux et régionaux pour les questions migratoires. Un soutien supplémentaire sera fourni à partir de janvier 2015 avec le détachement d'un délégué suisse au service du secrétariat de l'IGAD responsable pour les questions liées aux migrations.

La collaboration amorcée en 2014 avec un groupe de la diaspora somalienne en Suisse explore différentes pistes pour soutenir la mise en place d'une organisation faîtière. A long terme, il s'agit d'associer plus étroitement la diaspora aux projets de développement locaux, nationaux et régionaux.

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Mise en application de la décision du Conseil fédéral relative à la note de discussion «Possibilités d'établir un lien entre la politique migratoire extérieure et d'autres domaines de la collaboration bilatérale»

L'objectif de la décision prise par le Conseil fédéral en juin 2012 est d'étudier la possibilité d'établir un lien entre le dossier des retours et d'autres dossiers de politique extérieure, notamment de politique économique extérieure, en tenant compte des intérêts généraux de la Suisse en matière de politique étrangère. L'idée est de se donner une plus grande marge de négociation à l'égard des pays avec lesquels la Suisse connaît des difficultés persistantes de coopération en vue du retour de leurs ressortissants. En application de la décision du Conseil fédéral, le SEM a dressé une liste de pays pour lesquels l'établissement d'un lien entre le dossier des retours et d'autres dossiers doit être examiné. Figurent sur cette liste, depuis le mois d'août 2013, l'Algérie, l'Ethiopie, l'Iran, le Maroc et la Mongolie. La liste est réexaminée

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tous les six mois. Au besoin, elle est adaptée et la nouvelle version est communiquée pour information au comité IMZ.

En 2014, des mesures ont été prises dans le cadre de la coopération interdépartementale pour améliorer la prise en compte systématique de la liste de pays de l'IMZ dans les activités opérationnelles quotidiennes de l'administration fédérale. Une position officielle a été mise au point pour s'assurer que l'intérêt de la Suisse à une meilleure coopération en matière de retours soit systématiquement abordé lors de contacts bilatéraux, au niveau technique comme au niveau politique. Enfin, le SEM, en coordination et en association avec le DFAE, a mené un dialogue sur la question des retours avec chacun des pays de la liste, afin d'identifier des possibilités d'améliorer la situation.

Dans le cas de la Mongolie, les préparatifs en vue de la célébration des 50 ans de l'établissement de relations diplomatiques ont été mis à profit pour aborder la question des améliorations souhaitées dans le dossier des retours. En outre, l'ouverture des négociations souhaitées par la Mongolie sur un accord d'exemption de l'obligation de visa pour les détenteurs de passeports diplomatiques a été conditionnée à des améliorations concrètes de la coopération opérationnelle concernant les retours.

De manière générale, on constate une évolution positive sur le dossier des retours.

Après trois années de refus, les autorités mongoles ont à nouveau établi des laissezpasser pour le retour de personnes renvoyées contre leur gré. Dans plusieurs de ces cas, le retour a effectivement pu être organisé.

En été 2014, une délégation mixte comprenant des représentants du DFJP (SEM) et du DFAE (DP) s'est rendue à Téhéran pour reprendre les relations bilatérales avec l'Iran en matière de migration et pour exposer les intérêts de la Suisse dans le dossier des retours. En 2015, une rencontre d'experts devrait avoir lieu à Berne pour définir le cadre thématique d'un dialogue migratoire et mener des discussions techniques sur la coopération en matière d'identification et de retours. Aucune amélioration concrète dans la coopération avec l'Iran n'est cependant à signaler à ce jour.

S'agissant de l'Ethiopie, ni le dialogue entre le SEM et les autorités éthiopiennes, ni le dialogue politique au niveau du secrétaire d'Etat suisse
aux affaires étrangères, Yves Rossier, n'a permis d'atteindre des résultats notables. Pour ce pays, les possibilités d'établir un lien entre le dossier des retours et d'autres dossiers sont très limitées. Les efforts concernant le Maroc et l'Algérie sont mentionnés dans le ch.

«Collaboration avec les Etats d'Afrique du Nord».

5

Collaboration avec les Etats d'Afrique du Nord

5.1

Maroc

La collaboration avec le Maroc demeure très difficile dans le domaine de l'identification de personnes en situation irrégulière, et l'obtention de laissez-passer pour les retours non volontaires est dans les faits impossible depuis plusieurs années. La situation s'est même dégradée depuis novembre 2013 concernant l'obtention de laissez-passer pour les retours volontaires. Parallèlement, le Maroc figure à la huitième place des demandes d'asile déposées en Suisse (699 en 2014), et au vu des blocages en matière de renvoi, le nombre de cas pendants est en constante augmentation (166 en 2011, 313 en 2014).

5501

Au niveau interdépartemental, le SEM, le SECO et les différents services concernés du DFAE ont travaillé étroitement pour identifier des possibilités d'améliorer la situation dans le domaine du retour conformément à la décision du Conseil fédéral de juin 2012 (cf. ch. 4). Les difficultés rencontrées par la Suisse ont fait l'objet de nombreuses interventions au plus haut niveau (conseillers fédéraux, secrétaire d'Etat) auprès des autorités marocaines. Au vu de la priorité que représente le Maroc en termes migratoires, et de l'absence de progrès dans le domaine de la réadmission malgré les multiples démarches engagées, il a été décidé d'une part d'augmenter le contrôle du SEM sur l'immigration depuis le Maroc par l'examen systématique des demandes de visas ainsi que des nouvelles demandes de séjour de ressortissants marocains. D'autre part, il a également été décidé de poursuivre le dialogue migratoire avec le Maroc et l'engagement sur place, y compris la coopération avec le ministère pour la migration dans le domaine migration et développement. La question des migrations doit être intégrée à titre de thème transversal dans les stratégies nationales de développement du Maroc et les capacités de gouvernance en matière de migration doivent être renforcées. Le développement d'activités dans ce domaine constitue une bonne base pour la poursuite de la coopération avec les services concernés.

Au Maroc même, l'année a été marquée par l'adoption d'une nouvelle politique d'asile et d'immigration qui constitue un revirement majeur. Des processus importants ont été amorcés ou mis en oeuvre (par ex. campagne exceptionnelle d'un an de régularisation de sans-papiers, projets de loi). La plupart de ces processus n'en étant qu'à leurs débuts, la situation humanitaire des migrants reste difficile, tout comme l'accès au pays, notamment aux régions frontalières dans le nord, pour les acteurs humanitaires. Dans le cadre de son programme Afrique du Nord, la Suisse a apporté son soutien à des activités de protection de personnes particulièrement vulnérables (par ex. accès à des services de base, soutien aux victimes de la traite d'êtres humains ou de la violence sexuelle).

5.2

Algérie

Dans le domaine de l'identification, une amélioration de la collaboration avec l'Algérie est à signaler en 2014. Celle-ci s'inscrit dans la ligne ébauchée par la reprise du dialogue en 2013. C'est ainsi que le SEM a reçu depuis avril 2014 plus de 305 réponses, dont 204 positives, à ses demandes d'identification. Malheureusement, seul un nombre restreint de retours est effectivement réalisé malgré les nombreuses réponses, en raison du comportement récalcitrant des personnes appelées à rentrer dans leur pays d'origine et du refus systématique des commandants de bord de les autoriser à embarquer sur le vol. De ce fait, le SEM continue à faire face, depuis plusieurs années, à un grand nombre de cas pendants au niveau du renvoi.

936 demandes de soutien à l'exécution du renvoi étaient en suspens dans le domaine du retour à la fin de l'année 2014. Afin d'y remédier et en l'absence de vols spéciaux, certaines alternatives sont examinées, par exemple le renvoi à bord d'autres compagnies aériennes.

Par ailleurs, il est à signaler que les demandes d'asile déposées par des ressortissants algériens ont diminué pratiquement de moitié par rapport à la même période en 2013.

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6

Coopération avec les pays membres de l'Union européenne

La Suisse, par son association à Schengen et Dublin, est intégrée dans la coopération européenne en matière de migration. Dans ce contexte, elle a un intérêt au bon fonctionnement du système Dublin, lequel détermine l'Etat compétent pour l'examen des demandes d'asile dans l'espace Schengen/Dublin. Compte tenu de la persistance des pressions migratoires sur les pays de l'Union européenne (UE), en particulier sur les pays situés aux frontières sud et sud-est de l'espace Schengen/Dublin, il faut s'attendre à une détérioration de la situation pendant les prochains mois, en termes notamment d'asile et d'hébergement, avec à la clé des difficultés et des impasses qui risquent de se répercuter négativement sur les capacités de fonctionnement du système Dublin. Le soutien ciblé aux pays évoqués restera donc une priorité de la politique migratoire extérieure de la Suisse qui se définit par référence, d'abord, aux activités du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO). Il passe aussi par une participation aux opérations de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex) (par ex.

détachement de gardes-frontières dans le cadre de l'opération Triton aux frontières maritimes), ou encore par la contribution aux mécanismes de soutien financier que sont le Fonds pour les frontières extérieures et le Fonds pour la sécurité intérieure.

Au regard de la situation migratoire exceptionnelle dans la région méditerranéenne, un Groupe de travail stratégique Méditerranée a été créé dans le but d'analyser les défis inhérents à la migration de transit et de proposer des mesures en accord avec les activités des partenaires internationaux (voir ch. 7). La coopération avec l'Union européenne ainsi qu'avec certains de ses Etats membres dans les domaines de la lutte contre la traite des êtres humains et de la migration et du développement a pu être approfondie grâce à l'organisation de rencontres entre experts suisses et européens.

En ce qui concerne la coopération bilatérale avec les Etats européens, la Suisse a notamment contribué, par la mise à disposition de moyens et d'experts, à la reconstruction du système d'asile grec. Elle s'est également engagée à soutenir la Grèce dans le domaine du retour et de la réintégration des migrants dans leur pays d'origine,
par le biais d'un appui financier à un projet mis en oeuvre par l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) Grèce. Sur demande des autorités bulgares, la Suisse soutiendra le renforcement des capacités des autorités bulgares dans le domaine du retour.

7

Groupe de travail stratégique Méditerranée

Au vu de la situation exceptionnelle concernant la migration de transit dans la région de la Méditerranée, le plénum IAM a institué, en août 2014, un Groupe de travail stratégique Méditerranée (SAM).

L'objectif du SAM est d'élaborer et de mettre en oeuvre une politique extérieure cohérente pour gérer la question des migrations par la Méditerranée centrale, notamment par une coopération plus efficace et plus intense avec les pays de provenance et de transit. Le SAM analyse les défis que pose cette migration de transit (entre autres l'arrivée de plus de 170 000 personnes en Italie à la fin de décembre 5503

2014, les besoins accrus de protection pour les personnes vulnérables, l'augmentation des demandes d'asile en Suisse). Le SAM a pour mandat de proposer des mesures en tenant compte du contexte international, et en particulier des activités de l'UE. Il est donc chargé, entre autres tâches, d'analyser les activités de l'UE et de ses Etats membres, et d'identifier des synergies et des actions de la Suisse pouvant être complémentaires. Par ailleurs, les contacts entretenus sur ce thème avec les organisations internationales et les organisations non gouvernementales devront être renforcés.

En octobre 2014, le plénum IAM a adopté le rapport intermédiaire du SAM, qui définit les objectifs suivants: 1.

La protection des réfugiés conformément aux engagements internationaux et le respect des droits de tous les migrants doivent être garantis.

2.

Le système Dublin doit être respecté et renforcé.

3.

La collaboration des polices des frontières et la collaboration policière en général doivent être améliorées.

4.

La coopération avec des Etats tiers doit inclure la question de la migration de transit.

Ces objectifs correspondent dans une large mesure aux lignes d'action de la Task force pour la Méditerranée créée par la Commission de l'UE, ainsi qu'aux conceptions de plusieurs Etats de l'UE.

Le SAM a coordonné différentes activités et identifié de nouvelles mesures à prendre. Il a établi le contact avec la Task force de l'UE pour la Méditerranée. Il a aussi apporté son soutien, sur le fond, à la préparation de différentes conférences internationales ­ comme le Processus de Khartoum, le Processus de Rabat, ou la conférence de Berlin sur la situation des réfugiés syriens ­ mais aussi à la participation de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga aux réunions du Conseil de l'UE Justice et Affaires intérieures.

Le SAM est intégré dans les structures existantes de la coopération interdépartementale pour la politique migratoire extérieure.

8

Migrations: dialogue international et processus régionaux

8.1

Dialogue multilatéral sur les migrations

En 2014, la Suisse a poursuivi son engagement visant au développement, au renforcement et à la consolidation du dialogue multilatéral sur les migrations et le développement. Pour rappel, à la fin de l'année 2013, lors du Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement (UNHLD), les Etats Membres avaient adopté la première déclaration sur la migration et le développement dans l'histoire des Nations Unies, qui reflétait les priorités de la communauté internationale dans ce domaine. Sur cette base, les discussions se sont poursuivies en 2014 dans le cadre du Forum Mondial sur la Migration et le Développement (FMMD), la plateforme principale pour un dialogue global sur les migrations en dehors des Nations Unies, ainsi que dans le cadre d'autres processus d'importance mondiale tels que le processus de préparation de l'agenda de développement pour l'après 5504

2015, ou encore le processus de consultation lié à l'initiative Nansen. Ce processus consultatif intergouvernemental vise à élaborer au niveau global un agenda de protection pour les personnes déplacées au-delà des frontières nationales dans le contexte de catastrophes naturelles.

La Suisse s'est engagée dans le cadre du FMMD sous la présidence suédoise et a activement participé au sommet qui s'est tenu en mai 2014 à Stockholm. A cette occasion, elle a coprésidé avec la Russie une table ronde qui a permis de dégager un fort consensus sur l'importance de prendre en compte la migration dans la planification du développement national ainsi que sur la nécessité de continuer les discussions sur la cohérence des politiques. L'engagement de la Suisse s'est poursuivi dans le cadre de la présidence turque du Forum à partir du mois de juillet afin d'assurer que les thématiques abordées par la présidence turque reflètent les développements et engagements pris par la communauté internationale lors de l'UNHLD et pour que l'implication du secteur privé ainsi que de la société civile dans le dialogue international puisse être accrue.

En outre, la Suisse a continué ses activités afin que la migration soit proprement reflétée dans le processus de préparation du nouvel agenda de développement pour l'après 2015. Grâce au travail de fond mené dans le cadre du groupe de travail informel réunissant différents acteurs internationaux et géré par le Représentant Spécial du Secrétaire Général, Sir Peter Sutherland, ainsi qu'à l'organisation de plusieurs événements, dont une conférence internationale d'experts à Dhaka, la Suisse est parvenue non seulement à influencer les discussions et le document final de l'Open Working Group on Sustainable Development Goals, mais également à se profiler comme un acteur crédible à l'échelle internationale.

La Suisse a également poursuivi son engagement en vue d'une approche coordonnée et pragmatique permettant de mieux protéger les droits des migrants. Elle a ainsi d'une part continué à mener, avec la Norvège, l'initiative Nansen. Les premiers éléments de l'agenda de protection, qui sera adopté à la fin de l'année 2015, ont été élaborés et l'initiative a été présentée dans différents contextes régionaux et internationaux. D'autre part, et face aux tragédies croissantes touchant les
migrants, la Suisse a accru ses activités au sein de forums tels que le Conseil des Droits de l'Homme, la troisième Commission de l'Assemblée Générale des Nations Unies et a intensifié ses relations avec le Rapporteur spécial pour les droits des migrants.

La Suisse a aussi joué un rôle clé dans les négociations de la résolution bisannuelle migration et développement menées dans le cadre de l'Assemblée Générale des Nations Unies en automne 2014 et qui ont abouti à la reconnaissance de l'importance de mener régulièrement des Dialogues de haut niveau sur les migrations internationales et le développement. Le futur des discussions sur la migration est ainsi assuré, tant au niveau des Nations Unies, qu'au niveau du FMMD dont la présidence sera reprise en 2016 par le Bangladesh et en 2017 par le Maroc.

Finalement, dans le rapport du Conseil fédéral sur les activités de la politique migratoire extérieure de la Suisse en 2013, le constat relatif à la nécessité d'améliorer la concordance entre les politiques et discussions au niveau global et celles développées au niveau national avait été posé. Ceci a amené le groupe de travail interdépartemental concerné à analyser la déclaration adoptée lors de l'UNHLD et à mener une réflexion interne. L'analyse a permis de relever que l'engagement de la Suisse au niveau extérieur couvre en grande partie les domaines thématiques identifiés dans la Déclaration des Etats Membres tant au niveau du développement de politiques qu'au 5505

niveau du soutien à des projets concrets ou du soutien apporté à des institutions.

Malgré ce constat positif, différentes possibilités d'engagement futur, au niveau tant national qu'international, ont été identifiées et concernent l'augmentation de l'engagement du secteur privé dans les débats concernant la migration, les défis relatifs à la protection des droits de l'homme des migrants, et les défis liés à la perception publique des migrations.

8.2

Processus régionaux

Lancé en 2006, le Processus de Rabat encourage la coopération entre Etats européens et Etats africains dans le domaine des migrations. La quatrième conférence euro-africaine sur la migration et le développement dans le cadre du Processus de Rabat a eu lieu le 27 novembre 2014 à Rome, sous la présidence italienne du Conseil de l'UE. En même temps qu'une déclaration politique, la conférence a adopté le Programme de Rome (2015­2017) pour une coopération concrète entre l'Afrique de l'Ouest, la région du Maghreb et l'Europe. Ce programme s'articule autour de quatre piliers: 1) organiser la mobilité et la migration légale; 2) améliorer la gestion des frontières et lutter contre la migration irrégulière; 3) renforcer les synergies entre migration et développement; 4) promouvoir la protection internationale (ce quatrième pilier constitue une nouvelle ligne d'action). Le Processus de Rabat offre à la Suisse la possibilité de renforcer le dialogue migratoire avec l'UE et avec les Etats d'Afrique.

Le Processus de Khartoum, mis en route en 2014 (initiative sur la route migratoire UE-Corne de l'Afrique, EU-Horn of Africa Migration Route Initiative), et la déclaration adoptée le 28 novembre 2014 dans ce cadre se concentrent sur la lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains dans les pays de la Corne de l'Afrique et en provenance de cette région. A terme, il est prévu d'étendre la coopération à d'autres domaines. Participent au Processus de Khartoum des Etats d'Europe, les pays de la Corne de l'Afrique et les pays de transit que sont l'Egypte et la Tunisie. La Suisse et la Norvège ont un statut d'observateur.

9

Enseignements et perspectives pour 2015

La situation en Syrie et dans les Etats voisins restera, en 2015 encore, l'un des plus grands défis posés à la coopération migratoire internationale. Sur plus de 50 millions de personnes déracinées enregistrées dans le monde, plus de 3 millions de réfugiés et plus de 6,5 millions de déplacés internes ont été chassés de chez eux par le conflit en Syrie. La situation a des répercussions négatives de plus en plus importantes pour les pays voisins, qui font face à des tensions sociales et politiques croissantes, à une pression accrue sur les infrastructures, les services gouvernementaux et l'environnement, ainsi qu'à la concurrence de la main-d'oeuvre immigrée syrienne sur le marché du travail. Compte tenu des nombreux foyers de crise et de conflit au sud et à l'est de la Méditerranée, de même que sur le continent africain, le nombre de demandes d'asile déposées en Europe devrait continuer d'augmenter: on en attend entre 650 000 et 750 000 pour l'année 2015, ce qui constitue une hausse de 5 à 20 % par rapport à 2014. La tendance en Suisse devrait être la même. La Suisse a continué d'augmenter son engagement, principalement dans le domaine humanitaire, et 5506

renforcé sa coopération dans le cadre de programme de Protection dans la région, mais la question de la répartition des charges en Europe et, plus généralement, au sein de la communauté internationale, n'est toujours pas résolue.

C'est aussi dans ce contexte que l'on peut placer la migration de transit par la région méditerranéenne et la situation précaire de centaines de milliers de réfugiés, requérants d'asile et migrants vulnérables le long de cette route migratoire. A l'instar d'autres pays européens, la Suisse fait face à de nombreux défis: limites du système actuel de l'asile et fonctionnement de Dublin, mise à disposition de structures d'accueil adéquates, respect des droits de l'homme et protection des personnes vulnérables, mais aussi traitement des causes profondes qui poussent à l'exil, telles que les conflits, les graves violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme, les tensions sociales et politiques, la répression, la pauvreté, le manque de perspectives, ou encore les catastrophes naturelles. C'est la raison pour laquelle le Groupe de travail stratégique Méditerranée a été créé, dans le cadre de la structure IMZ, pour réfléchir à la thématique de la migration de transit et proposer de nouvelles approches. Il existe également un lien étroit avec l'engagement de la Suisse dans les régions prioritaires de la Corne de l'Afrique-Yémen et de l'Afrique du Nord. Le lancement du Processus de Khartoum et la poursuite du Processus de Rabat visent précisément à renforcer la coordination et améliorer le dialogue entre les Etats de ces régions eux-mêmes et avec les Etats européens.

L'évaluation de l'instrument du partenariat migratoire a été l'un des temps forts de la coopération interdépartementale de la politique migratoire extérieure pendant l'année sous revue. Cinq ans après la signature du premier partenariat, cette évaluation réussie a permis de faire le bilan de l'efficacité et de la valeur ajoutée d'un instrument qui reste relativement nouveau dans l'arsenal de la politique migratoire extérieure. La valeur ajoutée des partenariats migratoires, par rapport à d'autres approches de la coopération bilatérale dans le domaine des migrations, tient aux cinq caractéristiques suivantes: 1.

Les partenariats migratoires prennent en considération, dans un accord global, un large spectre d'aspects liés aux migrations.

2.

Ils institutionnalisent et légitiment une coopération sur le long terme.

3.

Ils sont fondés sur la réciprocité et établissent des liens entre deux partenaires.

4.

Ils sont souples et créent des relations fondées sur la continuité et la confiance qui peuvent être activées rapidement en cas de problèmes.

5.

Ils visent à trouver des solutions globales et durables pour répondre aux défis existants et aux défis nouveaux.

Ces conclusions, qui sont en partie des enseignements nouveaux et en partie la confirmation de suppositions préalables, de même que les recommandations formulées dans le rapport d'évaluation, doivent à présent être intégrées dans la coopération migratoire internationale et traduites en propositions concrètes d'actions. Elles pourront servir de base à l'élaboration de la nouvelle stratégie 2016­2019 pour les partenariats migratoires avec les Etats des Balkans occidentaux (Serbie, Bosnie et Herzégovine, Kosovo).

En Afrique de l'Ouest et en Asie du Sud, la Suisse poursuivra en 2015 son soutien à l'émergence d'une cohérence politique dans le domaine de la migration au niveau 5507

national comme au niveau régional. L'engagement suisse en Afrique de l'Ouest contribue à créer les conditions cadre nécessaires pour des migrations sûres et régulières à l'intérieure de la région et dans un contexte intercontinental. En Asie du Sud, une des questions clé se pose au Sri Lanka, un pays où la Suisse devrait mettre fin à son engagement humanitaire en décembre 2015. La question de la poursuite de l'engagement de la Suisse a une dimension de politique intérieure comme de politique extérieure, compte tenu de la relative importance de la diaspora sri lankaise en Suisse. La coopération migratoire internationale, avec l'accent régional mis actuellement sur la migration de travail, est un cadre dans lequel la Suisse continuera de s'engager au Sri Lanka. La forme et le contenu de cet engagement seront déterminés en 2015 sur la base d'une évaluation externe en cours de réalisation.

Au niveau multilatéral, la Suisse, pendant l'année sous revue, a pu s'investir de manière constructive dans les discussions de la plateforme informelle du Global Forum on Migration and Development et dans la poursuite de l'approfondissement de la thématique des migrations dans le cadre de l'ONU. Elle s'est ainsi profilée au niveau international comme un acteur crédible jouant un rôle moteur dans ces questions. Cette position permettra à la Suisse de s'investir activement, pendant l'année à venir, dans les thèmes de la migration et du développement en vue des négociations pour l'agenda international de développement durable pour l'après 2015, et de profiter des occasions qui se présenteront de donner à la thématique de la migration la visibilité qu'elle mérite. Le but de l'engagement suisse est d'intégrer la migration à titre d'objectif transversal dans le nouvel agenda international de développement durable et de faire inscrire le thème des envois de fonds à l'étranger par les migrants (remittances) dans le document final de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement. Un autre processus important sera l'amélioration de la cohérence entre les discussions au niveau international sur les politiques migratoires et les politiques de développement, d'une part, et la mise en oeuvre concrète de ces politiques au niveau des Etats, d'autre part (notamment concernant le rôle du secteur privé,
la protection des droits de migrants et la perception du phénomène de la migration). Par ailleurs, l'Initiative Nansen lancée par la Suisse et la Norvège en 2012 franchira une première étape importante en octobre 2015 avec une consultation internationale et la présentation de l'agenda de protection.

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