Séjour des étrangers dans le cadre de l'accord sur la libre circulation des personnes Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 6 novembre 2014 Avis du Conseil fédéral du 22 avril 2015

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 158 de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 6 novembre 2014 relatif au séjour des étrangers dans le cadre de l'accord sur la libre circulation des personnes1.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 avril 2015

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

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FF 2015 761

2015-0839

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Avis 1

Contexte

La Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) avait invité le Conseil fédéral à prendre position sur son rapport du 4 avril 20142. Celui-ci s'était prononcé le 13 août 2014 sur les neuf recommandations qui y étaient formulées3 et avait transmis son avis à la CdG-N.

Le 6 novembre 2014, la CdG-N a publié un deuxième rapport sur la base de cet avis4 et prié le Conseil fédéral de prendre position d'ici au 5 février 2015. À la demande du Conseil fédéral, elle a prolongé le délai jusqu'au 6 mai 2015.

La CdG-N a constaté que les mesures prises tenaient compte de deux5 de ses recommandations de manière adéquate. Trois recommandations6 ont pour leur part été transformées en postulat7.

La CdG-N a invité le Conseil fédéral à rendre un avis sur les quatre autres recommandations8.

Les recommandations 1, 4, 7 et 9 s'articulent autour de deux thèmes principaux: en premier lieu, la CdG-N considère que les autorités cantonales compétentes pour appliquer l'accord sur la libre circulation des personnes9 (ALCP) ou la Convention instituant l'AELE (annexe K)10 ne disposent pas des informations nécessaires pour pouvoir limiter dans des cas individuels le droit de séjour accordé aux citoyens de l'UE/AELE; en second lieu se pose la question de l'accessibilité des données en vue d'analyses statistiques et de l'exercice de la surveillance sur les cantons par la Confédération.

Les travaux relatifs à la mise en oeuvre de l'initiative populaire «Contre l'immigration de masse», et donc de l'art. 121a de la Constitution (Cst.), ont commencé, et ils pourraient avoir des répercussions sur les présentes recommandations de la CdG-N. La procédure de consultation est en cours et prendra fin le 28 mai 201511.

Les considérations qui suivent doivent être placées dans ce contexte.

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FF 2014 7985 FF 2014 8061 FF 2015 761 Recommandations 2 et 8 Recommandations 3, 5 et 6 Postulat 14.4005 «Clarification des raisons des différences dans la mise en oeuvre de l'Accord sur la libre circulation des personnes par les cantons» du 6 novembre 2014 Recommandations 1, 4, 7 et 9 Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, RS 0.142.112.681 Convention du 4 janvier 1960 instituant l'Association Européenne de Libre-Échange (AELE), RS 0.632.31. Pour les ressortissants de l'AELE, la Convention instituant l'AELE constitue la base légale régissant la libre circulation des personnes. Lorsque l'ALCP est cité dans la suite du texte, il faut entendre également la Convention instituant l'AELE.

www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation en cours > Département fédéral de justice et police

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Avis du Conseil fédéral Recommandation 1

Observer l'évolution des salaires et des pourcentages de personnes percevant des prestations sociales

Le Conseil fédéral est invité à observer de près l'évolution de la proportion des bénéficiaires de prestations sociales, du niveau moyen des salaires et des salaires les plus bas dans les secteurs les plus touchés par l'immigration. Il rendra en outre compte à la CdG-N des mesures qu'il entend prendre pour que les salaires suffisent à couvrir le coût de la vie en Suisse.

Dans son rapport du 6 novembre 2014, la CdG-N jugeait les instruments disponibles insuffisants pour suivre l'évolution du niveau moyen des salaires, des salaires les plus bas et de la proportion des bénéficiaires de prestation sociales. Elle invitait le Conseil fédéral à examiner notamment la possibilité d'apparier les données, comme l'a entrepris le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA). Elle l'invitait également à envisager l'introduction de mesures supplémentaires dans les domaines des salaires les plus bas et des travailleurs pauvres (working poor) de nationalité étrangère et à justifier, le cas échéant, pourquoi il n'entendait prendre aucune mesure spécifique en faveur de ceux-ci.

Le Conseil fédéral estime, dans l'ensemble, que les instruments existants (rapport sur les mesures d'accompagnement, rapport de l'Observatoire sur l'ALCP, commission tripartite aux niveaux cantonal et fédéral chargée de l'observation des principales branches) demeurent adaptés et suffisants.

Le rapport de l'Observatoire sur l'ALCP présente chaque année toutes les données qui ont pu être recueillies sur les répercussions de la libre circulation des personnes sur le marché du travail. Dans le passé, la Confédération a aussi commandé différentes études afin d'approfondir certains aspects de la libre circulation et ses conséquences, comme les répercussions de l'immigration sur les salaires, les possibles effets d'éviction sur le marché du travail ou les motifs de l'immigration. Les résultats de toutes les études réalisées sur le sujet ­ dont celle commandée par le CPA12 ou celles effectuées par des instituts de recherche tels que le Centre de recherches conjoncturelles de l'École polytechnique fédérale de Zurich ­ sont intégrés dans le rapport de l'Observatoire sur l'ALCP et discutés. Le Conseil fédéral continue de considérer que ce rapport annuel est judicieux.

Le Conseil fédéral convient cependant que différentes questions mériteraient
d'être périodiquement approfondies, comme par le passé. Certaines questions nécessiteraient également un suivi régulier. La fréquence et l'étendue de ces analyses dépendraient de l'ampleur du problème et de l'existence de bases de données adéquates.

Le rapport de l'Observatoire sur l'ALCP continuerait de servir de base pour définir le besoin d'analyse. La question des bas salaires a été traitée de manière globale et circonstanciée lors des débats autour de l'initiative sur les salaires minimums, notamment dans le cadre d'un rapport adressé à la Commission de l'économie et des 12

Evaluation du séjour des étrangers dans le cadre de l'accord sur la libre circulation des personnes. Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention de la Commission de gestion du Conseil national du 6 novembre 2013, FF 2014 8005

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redevances du Conseil des Etats13. Le Conseil fédéral envisage de mettre à jour ce rapport en 2015 lorsqu'il rendra son avis relatif au postulat 12.4058 «Salaires initiaux et salaires minimaux. Situation dans les branches à faible rémunération».

Les questions soulevées par la CdG-N concernant l'évolution du niveau moyen des salaires, de la répartition salariale (par ex. salaires les plus bas) et de la proportion des bénéficiaires de prestations sociales doivent continuer à être régulièrement traitées dans le rapport de l'Observatoire sur l'ALCP.

Le Conseil fédéral est favorable à l'idée d'introduire des analyses statistiques plus approfondies grâce à l'appariement périodique des données afin de saisir l'évolution du niveau moyen des salaires, des salaires les plus bas et de la proportion des bénéficiaires de prestations sociales. Plusieurs bases de données peuvent être améliorées en les reliant aux données des registres disponibles dans le domaine des étrangers.

Afin d'éviter les doublons, il importera cependant d'exécuter autant que possible les travaux dans un cadre existant (par ex. Observatoire sur l'ALCP). Les analyses doivent être complétées ponctuellement par des études approfondies dès que de nouvelles bases de données sont disponibles.

Notons que l'exécution des mesures d'accompagnement fait l'objet d'un rapport annuel à part entière et que le Conseil fédéral entend également le maintenir.

Les bases de données sur lesquelles reposent les rapports précités peuvent cependant être judicieusement complétées en divers points.

Il est possible d'élargir la base de données relatives à la perception des prestations versées par la sécurité sociale (aide sociale, assurance-invalidité, assurance-chômage) en la reliant aux informations sur la population étrangère saisies dans le système d'information central sur la migration (SYMIC). Cette mesure permettrait de comparer régulièrement la population immigrée dans le cadre de l'ALCP ou dans d'autres circonstances à la population indigène en ce qui concerne la perception des prestations. Les analyses telles que celles réalisées dans le rapport du CPA pourraient ainsi être effectuées plus simplement. Des grandeurs-clés pourraient être reprises dans le cadre d'un suivi annuel ou dans le rapport de l'Observatoire sur l'ALCP. La loi du 9 octobre 1992
sur la statistique fédérale(LSF)14 permet d'apparier des données statistiques à des données de registres à des fins d'analyses et de traitement.

L'enquête suisse sur la structure des salaires, menée tous les deux ans depuis 1994 par l'Office fédéral de la statistique, constitue la principale base de données permettant d'analyser la situation salariale en Suisse. Elle a permis d'étudier les répercussions de l'immigration sur l'évolution des salaires jusqu'en 2010. La date d'immigration exacte et le pays de provenance des salariés n'ont jusqu'ici pas été pris en compte dans cette étude. Il était toutefois possible de connaître approximativement la date d'immigration des intéressés en se fondant sur le type d'autorisation de séjour qui leur avait été remis.

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«Bas salaires en Suisse et alternatives à l'initiative sur les salaires minimums dans le domaine des conditions aux conventions collectives de travail étendues et à l'adoption de contrats-types de travail», rapport du Secrétariat d'Etat à l'économie adressé à la CER-E en août 2013, www.seco.admin.ch > Documentation > Publications et formulaires > Etudes et rapports > Travail RS 431.01

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Le numéro d'assurance-vieillesse et survivants (AVS) a été récolté pour la première fois lors de l'enquête menée en 2012, dont les données sont disponibles depuis le début de l'année 2015 à des fins d'analyses. La LSF permet là aussi en principe d'apparier les données à celles des registres du domaine de la migration et, partant, d'obtenir des informations sur le pays de provenance ou la date d'immigration. De telles données permettent, entre autres, d'étudier plus en détail les différences de salaire entre les autochtones et les immigrés. Lorsque l'enquête sur la structure des salaires incluant le numéro d'AVS aura été menée sur un nombre suffisant d'années, il sera également possible d'analyser l'évolution des salaires des immigrés. Selon le Conseil fédéral, les données extraites de l'enquête suisse sur la structure des salaires devraient être complétées à des fins d'analyses par des données enregistrées dans SYMIC.

Outre les points relevés par le CPA, d'autres aspects des domaines de la migration et du marché du travail pourraient être mieux analysés si les données étaient appariées, par exemple la question de la distinction entre le parcours professionnel des immigrés et des frontaliers et celui des Suisses. De l'avis du Conseil fédéral, il est primordial que les données présentes dans les registres puissent également être utilisées conformément à la LSF pour répondre à de telles questions.

L'art. 14a LSF fournit une base légale adéquate pour apparier les données à des fins statistiques. Il importe à cet égard que les données ne soient pas directement utilisées dans le cadre de l'exécution, comme lors de l'examen des conditions de travail et de rémunération, et en particulier qu'aucune entreprise ou personne ne puisse être directement identifiée. De telles manières d'utiliser les données ne sont en effet pas autorisées par la LSF. Utiliser des données enregistrées dans des registres à des fins d'exécution nécessiterait une base légale particulière.

Dans son rapport du 6 novembre 2013 adressé à la CdG-N, le CPA déclare que les résultats de son enquête ont largement confirmé ceux du rapport de l'Observatoire sur l'ALCP. Étant donné que la communication publique des autorités fédérales sur les avantages et les inconvénients de l'ALCP se fonde essentiellement sur ce rapport, malgré l'absence
d'appariement des données, le Conseil fédéral estime qu'une profonde réorientation des évaluations statistiques n'apporterait pas nécessairement une plus-value. Procéder à des clarifications supplémentaires et à des analyses plus approfondies dans le cadre des travaux de l'Observatoire sur l'ALCP, notamment grâce à un appariement des données, requiert également des ressources supplémentaires et permanentes. L'introduction d'analyses détaillées ne pourrait donc se faire sans un accroissement des effectifs, et celui-ci est tributaire de la situation budgétaire et de la politique en matière de personnel.

Par ailleurs, la CdG-N souligne l'importance de la problématique des travailleurs pauvres dans le contexte de l'immigration.

Le problème des salaires les plus bas et celui des travailleurs pauvres ne peuvent pas être traités de la même façon. Alors que, dans le premier cas, on se concentre sur le revenu individuel, dans le second, c'est le revenu global (revenus provenant d'une activité lucrative, transferts sociaux, transferts privés, biens patrimoniaux) de tous les membres du ménage qui est déterminant. Il est ainsi possible qu'un ménage vive au-dessous du seuil de pauvreté parce que ses membres ne touchent qu'un faible salaire.

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Selon l'étude du CPA, 0,6 % des personnes ayant immigré en Suisse en provenance des États de l'UE17/AELE15 dans le cadre de l'ALCP en 2010 ont exercé une activité lucrative tout en bénéficiant de l'aide sociale. Cette proportion s'élevait à 1,0 % pour les Suisses et à 0,8 % pour les ressortissants de l'UE17/AELE ayant immigré avant l'entrée en vigueur de l'ALCP. Celle des étrangers en provenance d'un pays méridional de l'UE était légèrement plus élevée (1,1 %). Ces faibles pourcentages rendent difficile un dépistage précoce du problème, dont les causes peuvent être multiples. Le Conseil fédéral soutient néanmoins l'idée de la CdG-N de suivre attentivement l'évolution du phénomène grâce à l'analyse de données appariées.

Le fait que les immigrés d'Europe du Sud soient légèrement plus nombreux que les Suisses à être touchés par la problématique des travailleurs pauvres pourrait s'expliquer par le fait qu'ils sont nettement plus souvent employés dans des branches à faible rémunération, dans lesquelles le risque de chômage est plus élevé. Toutefois, le salaire n'est qu'un facteur de risque parmi tant d'autres. En effet, la situation familiale (par ex. une séparation ou le nombre d'enfants à charge) joue également un rôle important. De même, une réduction du taux d'activité pour travailler à temps partiel ou une perte d'emploi d'un des partenaires peut entraîner une dépendance à l'aide sociale.

Aussi le Conseil fédéral reste-t-il convaincu que les mesures appliquées à la population suisse profitent également aux immigrés dans des situations comparables.

S'agissant des salaires, les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE constituent l'instrument pertinent. En effet, elles protègent les salariés contre les abus en matière de conditions de travail et de rémunération en Suisse. Dans son rapport du 2 juillet 2014 rédigé dans le cadre du contrôle de suivi16, le Conseil fédéral a informé la CdG-N en détail de la mise en oeuvre des mesures d'amélioration dans le domaine des mesures d'accompagnement. Il estime que les mesures d'accompagnement constituent un instrument efficace pour les organes chargés de l'exécution de la loi du 8 octobre 1999 sur les travailleurs détachés17:elles leur permettent de lutter efficacement contre les abus en matière de conditions de
travail et de rémunération et de réduire le risque de pauvreté chez les travailleurs immigrés. La question des salaires les plus bas est tout particulièrement prise en compte de manière ciblée dans les mesures d'accompagnement. Ces dernières sont aussi relativement efficaces pour éviter des conséquences néfastes sur l'emploi, conséquences qui seraient à craindre en cas de salaire minimum suisse. De telles répercussions iraient à l'encontre de la lutte contre la pauvreté.

Les travaux de mise en oeuvre de l'art. 121a Cst. doivent également imposer le respect des conditions de travail et de rémunération usuelles, de façon à atteindre un niveau de protection équivalent pour tous les travailleurs. Selon le projet envoyé en consultation du 11 février 2015, la question des conditions de travail et de rémunération de même que celle de la priorité des travailleurs indigènes doivent être examinées lors de la procédure d'autorisation relative à l'admission d'un étranger sur le marché du travail suisse.

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États membres de l'UE 17: Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède.

Rapport non publié du Conseil fédéral du 2 juillet 2014 en réponse à la lettre du 4 avril 2014 de la CdG-N «Évaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes» RS 823.20

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Du point de vue du Conseil fédéral, la lutte contre la pauvreté et contre les travailleurs pauvres doit être envisagée dans sa globalité . La création de possibilités d'exercer une activité lucrative contribue ainsi à lutter contre la pauvreté, même lorsque l'activité lucrative ne suffit pas toujours à couvrir les besoins vitaux. Notons également que nombre de ménages ne dépendent que provisoirement de l'aide sociale et qu'une activité lucrative permet à beaucoup d'entre eux de sortir de la pauvreté. À l'instar de la lutte contre le chômage dans le cadre de l'assurancechômage et des mesures d'intégration dans le cadre de l'assurance-invalidité, les cantons et les communes sont encouragés à favoriser l'intégration sur le marché du travail dans le domaine de l'aide sociale.

L'ALCP offre également une certaine marge de manoeuvre afin d'empêcher que les étrangers nouvellement immigrés en Suisse ne deviennent dépendants de l'aide sociale, et le Conseil fédéral en fait bon usage.

Recommandation 4

Créer les bases nécessaires pour garantir l'accès aux informations

Le Conseil fédéral est invité à examiner comment les autorités d'exécution cantonales pourraient se procurer les informations nécessaires au pilotage de l'immigration relevant de l'ALCP ­ notamment celles qui concernent le changement du but du séjour ou du statut professionnel, lorsqu'une personne commence ou cesse une activité économique ­ sans enfreindre les dispositions de l'accord sur la libre circulation des personnes.

La CdG-N se félicite que le Conseil fédéral veuille examiner s'il est opportun et admissible d'introduire, dans le cadre de la mise en oeuvre de la nouvelle disposition constitutionnelle, une obligation d'annoncer tout changement du but du séjour, ainsi que le commencement et la cessation d'une activité lucrative. Elle prie le Conseil fédéral de bien vouloir l'informer des résultats de ses investigations.

Le 11 février 2015, le Conseil fédéral a ouvert la consultation sur la mise en oeuvre législative de l'art. 121a Cst. et adopté le mandat de négociation pour modifier l'ALCP. Le projet mis en consultation définit les principes du nouveau système d'admission. Une éventuelle obligation d'annonce pour les ressortissants de l'UE/AELE n'est pas prévue dans ce projet. Qui plus est, l'ALCP doit être adapté conformément au mandat constitutionnel, car l'admission des ressortissants de l'UE est, comme par le passé, réglementée par l'ALCP.

Dans le cadre de la suite des travaux de mise en oeuvre, le Conseil fédéral continuera à examiner en profondeur la question de l'introduction d'une obligation d'annonce pour les ressortissants de l'UE/AELE.

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Recommandation 7

Mettre à disposition les instruments nécessaires

Le Conseil fédéral est invité à mettre à la disposition tant des autorités responsables de la mise en oeuvre de l'ALCP que de l'ODM un instrument leur permettant de s'acquitter de leur mission (respectivement la mise en oeuvre et la surveillance). La fonctionnalité et l'utilisation effective du SYMIC doivent être revues et adaptées si nécessaire.

Dans son rapport du 6 novembre 2014, la CdG-N critique le fait que le Conseil fédéral n'a pas suffisamment examiné la recommandation 7. Elle considère également que le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) est légalement tenu de veiller à ce que les cantons mettent en oeuvre l'ALCP de manière uniforme et qu'il doit disposer d'un instrument lui permettant de se faire sa propre image de la situation en matière d'exécution et, au besoin, d'agir lui-même. Enfin, la CdG-N rappelle que, selon les dispositions légales en vigueur, le SYMIC vise à aider le SEM en matière d'exécution.

Un développement du SYMIC pose des questions non seulement techniques, mais également légales. L'aménagement concret du système ou d'un autre instrument technique de saisie de données dépend en effet du cadre légal que posent les dispositions en matière de protection des données et l'ACLP ainsi que de la manière dont les tâches d'exécution et de surveillance des cantons et de la Confédération sont définies. Dans son avis du 13 août 2014, le Conseil fédéral a tenu compte de ces aspects et expliqué pourquoi il estime qu'une adaptation des fonctions du SYMIC n'est pas utile. D'un point de vue purement technique, le SYMIC peut être adapté de plusieurs manières.

La solution la plus complète consiste à apparier et à sauvegarder de manière permanente les données dans le SYMIC, à l'instar de ce qui a été fait pour le rapport du CPA, mais sous forme personnalisée et sans que les données soient rendues anonymes. Toutes les données susceptibles d'être pertinentes pour le droit de séjour et toutes les informations requises pour suivre le déroulement du séjour, l'exercice de l'activité lucrative et la perception des prestations sociales seraient alors transmises au SYMIC au moyen du numéro AVS depuis les différents systèmes d'information des divers services fédéraux. Les autorités d'exécution cantonales disposeraient ainsi, de manière permanente et personnalisée, de toutes les informations
nécessaires pour vérifier le droit de séjour et adapter le but du séjour enregistré dans le SYMIC.

À titre d'exemple, les données provenant du registre AVS permettraient de voir à tout moment dans le SYMIC si une personne travaille ou non.

Du point de vue de la protection des données et de l'ALCP, cette solution est néanmoins problématique et l'on peut également se demander si la transmission et la conservation d'une telle quantité de données dans le SYMIC est nécessaire et proportionnée pour accomplir les tâches d'exécution, puisqu'une partie des données transmises n'est pas directement pertinente pour le droit de séjour. Même si cette solution serait en principe admissible du point de vue de la législation sur la protection des données, il faudrait encore créer les bases légales nécessaires. Sur le plan technique, sa mise en oeuvre coûterait plusieurs millions de francs et nécessiterait plusieurs années.

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Une autre solution consiste à ne transmettre et à ne sauvegarder automatiquement dans le SYMIC que les informations que les autorités compétentes en matière de migration reçoivent déjà en dehors du SYMIC. Il s'agit des données des autorités compétentes en matière d'aide sociale, d'assurance-chômage et, à l'avenir, de prestations complémentaires18. Dans ce type de cas, le droit de séjour doit impérativement être vérifié. Contrairement à la première solution, aucune donnée supplémentaire n'est transmise aux fins de suivi du déroulement du séjour, de l'exercice de l'activité lucrative et de la perception des prestations sociales. La transmission automatique dans le SYMIC des données potentiellement pertinentes pour le droit de séjour permettrait de garantir que les autorités d'exécution cantonales reçoivent les annonces et que tous les cantons y ont accès (de même que la Confédération à des fins de surveillance). S'agissant de la protection des données, les conditions sont les mêmes que pour la première solution. Compte tenu de la quantité de données moins élevée et du nombre plus réduit de systèmes informatiques concernés, les coûts devraient être légèrement inférieurs. Il faudrait par contre également composer avec un délai de mise en oeuvre d'au moins deux ans.

Les deux solutions sont ambitieuses: elles présentent de nombreuses difficultés techniques, entraînent des dépenses élevées et impliquent un long délai de mise en oeuvre. Or le rapport du CPA du 6 novembre 2013 a montré que le droit de séjour ne pouvait que rarement être retiré pour cause de chômage et de perception de l'aide sociale (cf. chap. 5.2.2 et 5.3.2 du rapport). On peut donc s'interroger sur l'utilité d'un aménagement du SYMIC par rapport aux coûts engendrés, notamment au vu de la situation budgétaire et de la politique en matière de personnel. Au-delà de la question de faisabilité en matière de protection des données, le Conseil fédéral estime par ailleurs que la première solution impliquerait une réorientation fondamentale des tâches d'exécution des cantons, car le droit de séjour serait vérifié en permanence et non plus de manière ponctuelle à la suite d'un événement justifiant un contrôle.

La CdG-N charge le Conseil fédéral de répondre, dans le cadre du postulat 14.4005, à trois recommandations portant sur la mise en oeuvre
de l'ALCP par les cantons. Le Conseil fédéral établira le rapport demandé après avoir notamment examiné si les différences en matière d'exécution d'un canton à l'autre sont dues à un manque de données dans le SYMIC et évaluera les possibilités d'adapter le SYMIC. Il propose de prendre en compte ces résultats avant de rendre une décision définitive concernant la mise en oeuvre de la recommandation 7.

Le SYMIC ne peut servir d'instrument de surveillance de la Confédération sur les cantons que si les autorités d'exécution cantonales consignent dans le système si et comment elles réagissent aux annonces potentiellement pertinentes pour le droit de séjour provenant d'autorités exerçant leurs activités dans d'autres domaines. Concrètement, il faudrait que les autorités d'exécution indiquent de manière systématique dans le SYMIC l'état de la procédure de vérification du droit de séjour et les éventuelles mesures qui mettent un terme au séjour. Jusqu'à présent, le Conseil fédéral est parti du principe qu'une surveillance aussi étroite de l'exécution dans les cantons était contraire aux principes du fédéralisme et à la répartition des tâches découlant de l'ACLP entre la Confédération et les cantons. Il prend acte du fait que la CdG-N attribue un rôle plus actif à la Confédération en matière de surveillance de la mise en 18

Cf. art. 82, al. 5 à 7, de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative, RS 142.201.

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oeuvre de l'ALCP par les cantons. Selon le Conseil fédéral, il est incontestable que la Confédération, plus précisément le SEM, est responsable de surveiller la mise en oeuvre de l'ALCP par les cantons. Pour autant, comme la CdG-N l'écrit elle-même dans son rapport du 4 avril 2014, la loi ne définit pas précisément l'ampleur de ce devoir de surveillance. La Confédération pourrait exercer une surveillance plus active sur les cantons si ces derniers avaient l'obligation légale de saisir dans le SYMIC l'état et les résultats des procédures de vérification du droit de séjour. Techniquement, une telle décision serait réalisable en étoffant les codes d'observation existants ou en introduisant de nouveaux champs dans le SYMIC et en adaptant les directives correspondantes. Les coûts liés à la mise en oeuvre technique de ces mesures sont estimés à 100 000 francs au moins, le délai de mise en oeuvre étant quant à lui d'un an. Des adaptations de la loi seront au surplus nécessaires en raison du caractère sensible des données qui seraient sauvegardées et de la nécessité d'inscrire dans la loi l'obligation faite aux cantons de saisir ces données.

Outre les coûts liés aux adaptations techniques, la Confédération nécessiterait des ressources financières considérables et un personnel nombreux pour procéder à des analyses régulières et à grande échelle des données SYMIC et de l'exécution dans les cantons et, ainsi, exercer une activité de surveillance globale au moyen du SYMIC.

Recommandation 9

Étoffer les effectifs de la section compétente de l'ODM

Le Conseil fédéral prend sans attendre les dispositions qui s'imposent afin que l'office ou le département compétent veille à rétablir l'équilibre entre les tâches et les ressources de la section compétente de sorte que celle-ci soit en mesure d'exercer une surveillance active.

Le Conseil fédéral a examiné la question de la dotation en ressources de la section Libre circulation des personnes du SEM et conclu qu'il était encore trop tôt pour y répondre de manière définitive. Il estime en effet qu'il faut attendre la publication du rapport demandé par le postulat 14.4005 sur les questions de mise en oeuvre dans les cantons déposé par la CdG-N. Le postulat a été adopté par le Conseil national le 11 mars 2015. Les questions qu'il pose sur l'ampleur et l'aménagement du devoir de surveillance de la Confédération à l'égard des cantons doivent d'abord être discutées avec les représentants des organes d'exécution cantonaux. Le Conseil fédéral propose donc de clarifier les choses et de répondre de manière définitive à la recommandation 9 dans le rapport demandé par le postulat 14.4005.

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