12.3114 Rapport du Conseil fédéral sur les possibilités de légiférer au niveau fédéral dans le domaine des conflits d'intérêts (en réponse au postulat Recordon 12.3114 du 8 mars 2012) du 28 novembre 2014

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, En réponse au postulat Recordon du 8 mars 2012, intitulé «Droit fédéral. Conflits d'intérêts et solutions», nous vous soumettons le présent rapport, en vous invitant à en prendre connaissance.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

28 novembre 2014

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Didier Burkhalter La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2014-1815

1193

Condensé Le présent rapport porte sur les réglementations et les solutions dont la Suisse s'est dotée pour gérer les conflits d'intérêts au sein de la Confédération. Il fournit une vue d'ensemble des réglementations applicables à l'administration fédérale ainsi qu'aux entités de la Confédération devenues autonomes. Il contient des comparaisons de la situation juridique avec d'autres Etats européens, une analyse des résultats d'un sondage écrit mené dans l'administration fédérale et auprès des entités de la Confédération devenues autonomes, et une analyse des développements récents. Il conclut au bon niveau du droit en vigueur en Suisse dans le domaine de la prévention des conflits d'intérêts et de la corruption, et propose que le Conseil fédéral maintienne sa pratique pragmatique actuelle, consistant à procéder à des adaptations ponctuelles en cas de besoin ou lorsque l'occasion se présente.

Contexte Le conseiller aux Etats Luc Recordon a déposé un postulat le 8 mars 2012 intitulé «Droit fédéral. Conflits d'intérêts et solutions» (12.3114). Il y invite le Conseil fédéral à présenter un rapport sur les principes et solutions guidant actuellement le traitement des conflits d'intérêts en droit fédéral. Le rapport doit en outre mettre en évidence les améliorations possibles. M. Recordon cite différents exemples de récente date où il y a eu des doutes sur les démarches à entreprendre contre des personnes qui se sont retrouvées dans des conflits d'intérêts pour des raisons financières essentiellement. Il est d'avis qu'il faudrait des règles strictes et généralement applicables pour ne pas compromettre la confiance de la population dans les institutions publiques. Il renvoie à d'autres ordres juridiques tels que le droit anglo-saxon, où un conflit d'intérêts «en apparence» est déjà pris au sérieux. Le Conseil fédéral s'est déclaré prêt, dans sa réponse du 9 mai 2012, à élaborer un rapport énumérant les principes et les dispositions du droit fédéral visant à éviter les conflits entre les intérêts publics et privés et mettant en évidence les éventuels problèmes à régler.

Mais il estime qu'il sera probablement difficile de remédier aux éventuels problèmes à l'aide d'une réglementation unifiée et généralement applicable, vu la diversité des situations de conflits d'intérêts. Le Conseil des Etats a adopté
le postulat le 5 juin 2012.

Contenu du projet L'Office fédéral de la justice (OFJ) a mené au printemps 2013 un sondage écrit auprès des unités de l'administration fédérale, centrale et décentralisée, ainsi que des organisations et des entreprises qui sont contrôlées par la Confédéraiton ou qui assument des tâches publiques pour le compte de cette dernière. Les résultats de ce travail ont été intégrés dans le présent rapport. Par ailleurs, l'Institut suisse de droit comparé (ISDC) a rédigé un avis de droit sur les réglementations ad hoc en France, en Norvège, en Autriche, en Suède, au Royaume-Uni, qu'il a complété d'un survol de la situation en Allemagne.

1194

Le rapport conclut que le droit en matière de prévention des conflits d'intérêts est d'un bon niveau. Les résultats du sondage de l'OFJ montrent que les unités administratives, les organisations et les entreprises interrogées prennent au sérieux la prévention et la résolution des conflits d'intérêts et la prévention de la corruption.

Ces entités se montrent sceptiques vis-à-vis d'une extension ou d'un renforcement des réglementations figurant dans des lois et des ordonnances, mais aussi dans des codes de conduite, des directives internes ou des dispositions contractuelles. Elles craignent une réglementation trop rigide, qui pourrait restreindre par trop leur marge de manoeuvre lors du recrutement de cadres ou de personnel hautement spécialisé. Le rapport met également en évidence que la Confédération a pris au sérieux les nouveaux défis posés ces dernières années par la prévention des conflits d'intérêts et de la corruption et qu'elle a développé son droit et ses pratiques en la matière.

Le rapport propose d'adapter ou de compléter la réglementation de façon ponctuelle, lorsqu'un examen concret révèle que des améliorations sont nécessaires ou judicieuses. Un tel examen peut résulter d'un mandat spécifique, du traitement d'un incident, ou découler des critères systématiques que le Conseil fédéral énonce dans ses «rapports sur le gouvernement d'entreprise» pour gérer la politique du personnel des entités de la Confédération devenues autonomes. Conformément au rapport complémentaire, on attendra une révision totale des bases juridiques pour revoir les statuts des personnels des entités devenues autonomes. Le quatrième cycle d'évaluation prévu pour la Suisse dans le cadre du «Groupe d'Etats contre la corruption» (GRECO) pourrait également être l'occasion de revoir certaines réglementations.

Mais l'information, la formation et la sensibilisation continues du personnel sont finalement tout aussi importantes que les réglementations. Le Conseil fédéral invitera les services concernés de l'administration fédérale et des entités de la Confédération devenues autonomes à poursuivre leurs efforts dans ce sens.

1195

Table des matières Condensé

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1

Contexte 1.1 Le postulat 12.3114 1.2 Organisation des travaux 1.3 Délimitation du thème 1.3.1 Conflits entre intérêt public et intérêts privés 1.3.2 Personnes et organismes concernés

1199 1199 1199 1200 1200 1201

2

Droit fédéral 2.1 Droit régissant le personnel de la Confédération 2.1.1 Généralités 2.1.2 Devoir de fidélité 2.1.3 Activités accessoires 2.1.4 Interdiction d'accepter des dons et d'autres avantages 2.1.5 Secret professionnel, secret d'affaires et maniement des informations non rendues publiques 2.1.6 Récusation 2.1.7 Obligation de dénoncer les comportements délictueux 2.1.8 Délais d'attente 2.1.9 Contrôles de sécurité relatifs aux personnes 2.2 Dispositions régissant l'organisation du gouvernement et de l'administration 2.2.1 Devoir de récusation 2.2.2 Incompatibilités à raison de la fonction pour les magistrats 2.3 Dispositions régissant l'organisation du Parlement 2.3.1 Incompatibilité à raison de la profession et motifs de récusation 2.3.2 Publication des liens avec des groupes d'intérêts 2.4 Procédure administrative 2.5 Dispositions applicables aux commissions extraparlementaires 2.6 Corporations, établissements et fondations devenus juridiquement autonomes de l'administration fédérale décentralisée 2.6.1 Introduction 2.6.2 Institut suisse des produits thérapeutiques 2.6.3 Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers 2.6.4 Inspection fédérale de la sécurité nucléaire 2.7 Banque nationale suisse 2.8 Ministère public de la Confédération 2.9 Droit pénal

1204 1204 1204 1205 1205 1206

3

Droit comparé 3.1 Introduction 3.2 Généralités 3.2.1 Cadre légal 3.2.2 Restrictions découlant du devoir de fidélité

1196

1207 1207 1207 1208 1208 1209 1209 1209 1209 1209 1210 1210 1211 1212 1212 1213 1213 1214 1215 1216 1217 1217 1217 1218 1218 1219

Délais d'attente Sanctions Instruments et organes de prévention des conflits d'intérêts 3.2.6 Projets de réforme Examen pays par pays 3.3.1 Allemagne 3.3.2 France 3.3.3 Autriche 3.3.4 Norvège 3.3.5 Suède 3.3.6 Royaume-Uni 3.2.3 3.2.4 3.2.5

3.3

4

5

Résultats du sondage réalisé au sein de l'administration fédérale 4.1 Introduction 4.2 Recrutement de personnel qualifié doté de compétences de décision, de surveillance ou de contrôle 4.3 Garantie de l'indépendance des organes 4.4 Codes de comportement et directives sur la gestion des liens d'intérêts 4.4.1 Règles visant à éviter et publier les conflits d'intérêts 4.4.2 Date de la publication des conflits d'intérêts 4.4.3 Information du public sur les liens d'intérêts des employés 4.5 Incidents survenus dans la pratique, risques et mesures en cas de conflit d'intérêts 4.5.1 Incidents déjà survenus 4.5.2 Risques et mesures spécifiques en cas de conflit d'intérêts 4.6 Sanctions en cas d'atteinte aux règles sur la gestion des liens d'intérêts 4.7 Récusation 4.7.1 Règles de récusation 4.7.2 Risques spécifiques et incidents survenus dans la pratique de la récusation 4.8 Activités accessoires 4.9 Délais d'attente à la fin des rapports de travail avec la Confédération 4.10 Nécessité de prendre des mesures Evolution récente à la Confédération 5.1 Rapports du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise 5.2 Les recommandations du GRECO et leur mise en oeuvre 5.3 Prévention de la corruption 5.4 Délais d'attente applicables aux magistrats et aux cadres supérieurs 5.5 Publication des liens d'intérêts

1219 1219 1220 1220 1220 1220 1221 1223 1224 1225 1225 1226 1226 1227 1228 1229 1229 1231 1231 1232 1232 1232 1233 1233 1233 1234 1235 1237 1238 1239 1239 1241 1243 1245 1247

1197

6

Appréciation 6.1 Droit fédéral en vigueur 6.2 Aperçu des récents développements au sein de la Confédération 6.3 Résultats du sondage auprès de l'administration fédérale 6.4 Analyse de droit comparé

1248 1248 1249 1249 1250

7

Conclusions et mesures 7.1 Conclusions 7.2 Mesures

1251 1251 1251

1198

Rapport 1

Contexte

1.1

Le postulat 12.3114

Le 8 mars 2012, le conseiller aux Etats Luc Recordon (Les Verts) a déposé un postulat intitulé «Droit fédéral. Conflits d'intérêts et solutions» (12.3114), dans lequel il charge le Conseil fédéral de présenter un rapport sur les principes et solutions guidant le traitement des conflits d'intérêts en droit fédéral suisse, ainsi que sur les éventuelles améliorations à y apporter1.

Dans ce postulat, Luc Recordon fait référence à plusieurs cas récents de personnes qui ont été impliquées dans des conflits d'intérêts ayant notamment des incidences financières et dont la gestion a été entachée d'un certain flottement. Il souligne la tendance à sous-estimer la portée des conflits entre intérêt public et intérêts privés, et juge importante l'intensité du lien entre fonction publique et activité ou position privée. Il estime que l'application de principes généraux et stricts est indispensable pour ne pas entamer la confiance de la population dans les institutions. Luc Recordon renvoie à d'autres ordres juridiques, comme le droit anglo-saxon, qui prévoit que toute «apparence» de conflit doit inciter à la circonspection. On retrouve de tels principes dans la déontologie et la jurisprudence régissant la profession d'avocat.

Luc Recordon souhaite une clarification pour l'ensemble des autorités de l'administration, de la police et du service public. Cette clarification vaudra aussi pour les instances, les établissements et les entreprises autonomes mandatés par la Confédération pour assumer des tâches publiques, comme la Banque nationale suisse (BNS), l'autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA), le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT), les Chemins de fer fédéraux (CFF) et La Poste, les services parlementaires qui assument des compétences d'enquête ou de surveillance, ou d'autres services influents, comme l'Autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération (MPC). Le besoin de réglementation semble moindre au sein de l'ordre judiciaire, objet déjà de normes plus détaillées et bien rodées.

Dans sa réponse du 9 mai 2012, le Conseil fédéral s'est déclaré prêt à élaborer un rapport énumérant les principes et les dispositions du droit fédéral propres à éviter les conflits entre les intérêts publics et privés et mettant en évidence les éventuels
problèmes à régler. Relevant la grande diversité des situations de conflits d'intérêts, il a jugé peu probable qu'une réglementation unifiée permette d'apporter toutes les améliorations nécessaires.

Le Conseil des Etats a accepté le postulat le 5 juin 2012.

1.2

Organisation des travaux

L'Office fédéral de la justice (OFJ), responsable de l'élaboration du rapport, a réalisé au printemps 2013 un sondage écrit auprès des unités de l'administration fédérale centrale et de l'administration fédérale décentralisée, ainsi que des grandes 1

www.parlement.ch > Curia Vista.

1199

sociétés qui sont en mains de la Confédération ou qui assument des tâches pour son compte (BNS, La Poste, Bureau suisse de prévention des accidents [CNA], Société suisse de radiodiffusion et télévision [SSR]). Le rapport tient compte des résultats de ce sondage. Mandaté par l'OFJ, l'Institut suisse de droit comparé (ISDC) a par ailleurs rendu, le 30 janvier 2014, une étude de droit comparé sur les réglementations en vigueur concernant les conflits d'intérêts dans l'administration publique et les entreprises publiques en France, en Norvège, en Autriche, en Suède et au Royaume-Uni. Un chapitre du rapport dresse un état des lieux succinct pour l'Allemagne. Dans le cadre de ces travaux, l'OFJ a mené des échanges réguliers avec l'Office fédéral du personnel (OFPER).

1.3

Délimitation du thème

Le présent rapport traite du règlement des conflits entre intérêt public et intérêts privés impliquant des personnes qui travaillent ou qui ont travaillé pour le compte de la Confédération, d'entreprises gérées par la Confédération ou d'organisations ou d'établissements mandatés par cette dernière pour assumer des tâches publiques.

1.3.1

Conflits entre intérêt public et intérêts privés

Les risques et les cas de conflits entre intérêt public et intérêts privés peuvent concerner des personnes qui sont employées par la Confédération ou qui assument des tâches pour le compte de la Confédération ou d'instances contrôlées par elle. Ces personnes travaillent dans l'intérêt public. Il peut arriver que l'intérêt public entre en conflit avec leurs intérêts privés.

Les conflits réels entre l'intérêt public et des intérêts privés sont souvent de nature financière. Tel peut être le cas lorsqu'un employé de la Confédération exerce parallèlement une activité accessoire rémunérée. Il y a conflit d'intérêts réel lorsque l'employé utilise pour s'enrichir personnellement des informations non publiques qu'il obtient dans l'exercice de sa fonction publique. Ce sont des accusations de délit d'initié qui ont obligé Philipp Hildebrand à démissionner, le 9 janvier 2012, de la présidence du directoire de la BNS.

A elle seule, l'apparence (objectivement fondée) d'un conflit d'intérêts peut s'avérer presque aussi problématique, pour les pouvoirs publics ou les organes contrôlés ou mandatés par ceux-ci, que l'existence d'un conflit d'intérêts. Un conflit d'intérêts apparent peut suffire à faire douter le public de l'indépendance et du bon fonctionnement des institutions étatiques et du fait qu'elles sont véritablement au service du public. Les procédures judiciaires et administratives revêtent un caractère particulièrement sensible. Selon l'art. 29 de la Constitution (Cst.)2, dans de telles procédures, «toute personne a droit [...] à ce que sa cause soit traitée équitablement». Pour les tenants de la doctrine dominante et la jurisprudence, la personne chez qui une appa-

2

RS 101

1200

rence de préjugé ou de parti pris a été constatée objectivement doit se récuser3. Il y a lieu de repérer de telles situations non seulement dans le domaine judiciaire, mais plus largement dans l'administration en général. C'est ainsi que le Code de comportement du 15 août 2012 du personnel de l'administration fédérale4 impose aux employés fédéraux de «prévenir les conflits d'intérêts réels ou supposés» (ch. 1). A titre d'exemple, la Commission fédérale pour les vaccinations (CFV) admet l'existence d'un conflit d'intérêts supposé lorsque, même «s'il est très improbable qu'un lien d'intérêt influence la position de l'expert», un tel lien «pourrait conduire à ce que son objectivité soit questionnée par autrui»5.

1.3.2

Personnes et organismes concernés

Le présent rapport traite des conflits d'intérêts touchant des employés de la Confédération. Sont plus particulièrement visés les personnes et les organes suivants: ­

les magistrats membres de l'exécutif (conseillers fédéraux et chancelier de la Confédération);

­

les unités de l'administration fédérale au sens de l'annexe 1 de l'ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA)6;

­

les commissions extraparlementaires au sens de l'annexe 2 OLOGA;

­

les organes de surveillance parlementaires (en particulier les délégations) et les Services du Parlement;

­

d'autres sociétés, corporations et organisations qui sont détenues à titre majoritaire par la Confédération ou qui assument des tâches publiques pour le compte de cette dernière.

Les membres du Conseil fédéral et le chancelier de la Confédération jouent un rôle primordial pour préserver la confiance de la population dans les institutions. Tout conflit d'intérêts ­ réel ou supposé ­ affectant l'un de ces magistrats a des effets bien plus dévastateurs sur la crédibilité de la Confédération que s'il implique un agent de l'administration. En témoigne le cas d'Elisabeth Kopp, première conseillère fédérale, contrainte de démissionner le 12 décembre 1989: les médias lui avaient reproché d'avoir transmis par téléphone à son époux, Hans W. Kopp, des informations internes sur une enquête pour soupçon de blanchiment d'argent menée contre une entreprise dont il était membre du conseil d'administration. Autre cas: le conseiller fédéral Moritz Leuenberger, après avoir quitté le Conseil fédéral en octobre 2010, a accepté en avril de l'année suivante un mandat d'administrateur auprès de la plus grande entreprise de construction suisse. Le fait que l'ancien chef du Département 3

4 5

6

Le Tribunal fédéral a reconnu le droit d'un prévenu d'exiger la récusation d'un juge d'instruction fribourgeois dont les propos dénotaient un préjugé, cf. ATF 127 I 196 ss, 201 consid. 2e; cf. aussi Giovanni Biaggini, Kommentar zur Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Zurich 2007, ad art. 29 no 16, et ATF 133 I 1 ss, 6 consid. 6.2.

FF 2012 7307; www.ofper.admin.ch > Thémes > La Confédération Voir la Déclaration d'intérêts pour les membres de la Commission fédérale pour les vaccinations, à l'adresse www.bag.admin.ch > FR > Thèmes > Commission > Commission fédérale pour les vaccinations > La Commission > Indépendance.

RS 172.010.1

1201

fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC), chargé de mandater des projets de construction, soit associé étroitement aux activités de cette entreprise a provoqué une levée de boucliers au Parlement et dans les médias et entraîné le dépôt de deux initiatives parlementaires demandant l'introduction d'un délai d'attente avant qu'un ancien conseiller fédéral démissionnaire ne puisse accepter un mandat rémunéré7.

Les unités de l'administration fédérale sont énumérées à l'annexe 1 de l'OLOGA.

En font partie l'administration fédérale centrale, à savoir les départements et la chancellerie fédérale avec leurs états-majors, les secrétariats d'Etat, et les offices fédéraux et autres unités assimilables, comme la Surveillance des prix ou les groupes du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS).

L'administration fédérale compte également des unités décentralisées (administration fédérale décentralisée), dont les structures varient grandement. La liste comprend des unités administratives sans personnalité juridique devenues autonomes sur le plan organisationnel8, des corporations, établissements et fondations devenus juridiquement autonomes9 et quelques sociétés anonymes contrôlées par la Confédération (exemples: le Swiss Investment Fund for Emerging Markets [SIFEM SA] rattaché au Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche [DEFR]).

L'art. 7a, al. 1, let. a, OLOGA mentionne également les commissions extraparlementaires, rattachées aux départements, comme formant une catégorie de l'administration fédérale décentralisée. L'annexe 2 de l'OLOGA en dresse la liste exhaustive.

Les commissions extraparlementaires conseillent en permanence le Conseil fédéral et l'administration fédérale dans l'accomplissement de leurs tâches (art. 57a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration, LOGA)10. Elles prennent des décisions dans la mesure où une loi fédérale les y autorise (art. 57a, al. 2, LOGA). Les commissions extraparlementaires servent d'intermédiaires entre la Confédération et la société civile. En tant qu'organes de milice, elles complètent l'administration fédérale dans certains domaines où cette

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8 9

10

Iv. Pa. 10.511 «Anciens conseillers fédéraux. Pas de pantouflage avant un certain délai» (Max Binder); Iv. Pa. 10.517 «Anciens conseillers fédéraux. Délai d'attente avant de pantoufler» (Susanne Leutenegger-Oberholzer). Cf. ch. 5.4 pour des informations sur le sort réservé à ces deux initiatives.

Citons à titre d'exemple le PFPDT, rattaché à la chancellerie fédérale (ChF) et le Contrôle fédéral des finances (CDF), rattaché au Département fédéral des finances (DFF).

Citons à titre d'exemples, au Département fédéral des finances (DFF), l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) et la Caisse fédérale de pensions (PUBLICA); au Département fédéral de l'intérieur (DFI), le Musée national suisse, Pro Helvetia et l'Institut suisse des produits thérapeutiques (swissmedic); au Département fédéral de justice et police (DFJP), l'Institut suisse de droit comparé (ISDC), l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI) et l'Institut fédéral de métrologie (METAS); au Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR), les Ecoles polytechniques fédérales de Lausanne et de Zurich (EPFL et EPFZ) et les instituts de recherche rattachés à ces dernières; au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC), l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN).

RS 172.010

1202

dernière ne dispose pas des savoirs nécessaires. Les connaissances des spécialistes peuvent ainsi être mises au service de la société11.

En plus de favoriser l'utilisation de connaissances spécialisées, les commissions extraparlementaires «constituent un instrument efficace grâce auquel les organisations politiques, économiques ou sociales peuvent faire valoir leurs intérêts et exercer une influence plus ou moins directe sur les activités de l'administration». Elles rendent possibles des compromis entre les parties et peuvent donc être considérées «comme un des instruments de la démocratie participative»12. Cette description positive de la fonction des commissions extraparlementaires ne saurait masquer certains risques liés à de potentiels conflits d'intérêts. Si, dans un certain nombre de domaines, on recherche intentionnellement des personnes représentant des intérêts spécifiques et des points de vue particuliers (c'est par ex. le cas pour les commissions fédérales contre le racisme, pour les questions féminines et pour la prévention du tabagisme), il importe de veiller à ce qu'il n'y ait pas le moindre soupçon que les membres des commissions dotées de compétences de surveillance notamment puissent poursuivre des intérêts privés. Les spécialistes dont ont besoin les commissions extraparlementaires ne courent pas les rues. Ils sont très demandés par l'économie privée, qui les rémunère souvent généreusement pour leurs services. Les membres des commissions extraparlementaires appelés à intervenir dans des projets de la Confédération qui touchent les intérêts de leur employeur privé ou de leur branche d'activité sont exposés à des conflits de loyauté.

L'étude se penche aussi sur les Services du Parlement et sur les organes de surveillance parlementaires, en particulier sur leurs commissions et délégations qui disposent de droits de regard étendus dans les affaires du Conseil fédéral et de l'administration fédérale (commissions de gestion, commissions des finances, délégations des commissions de gestion, délégations des finances). Ces organes de surveillance ont pour fonction de contrôler le travail du gouvernement et de l'administration fédérale, en application du principe du partage des pouvoirs; tout conflit d'intérêts, réel ou supposé, qui les affecterait pourrait avoir des effets désastreux.
Entrent également dans le champ de l'étude les sociétés, corporations et organisations qui sont contrôlées par la Confédération ou qui assument des tâches publiques pour son compte13. Dans le cas notamment des sociétés et organisations gérées selon le droit privé ou dont les activités sont soumises à la concurrence économique, on peut se demander quels intérêts les personnes qui y siègent pour le compte de la Confédération représentent en réalité. D'un point de vue théorique, il paraît évident qu'ils doivent être les promoteurs de la cause publique. Dans la pratique cependant, il est généralement difficile de savoir quels sont les intérêts qu'ils incarnent. Tel est en particulier le cas lorsque les intérêts privés des entreprises ou organisations concernées ne coïncident pas ou ne paraissent pas coïncider avec l'intérêt public. Ce point a causé d'âpres débats lorsque Swisscom, détenu majoritairement par la Confédération, a voulu acquérir des participations dans des entreprises étrangères. Le Conseil fédéral est intervenu directement à l'époque, en prenant position et en for-

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12 13

Cf. message du 12 septembre 2007 concernant la réorganisation des commissions extraparlementaires (Modification de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration et d'autres actes), FF 2007 6273 ss.

FF 2007 6273 En font partie le MPC, les CFF, La Poste, la BNS, la CNA, Swisscom et la SSR.

1203

mulant des directives14. Des problèmes peuvent se poser dès lors que la Confédération n'a pas accès à tous les chiffres d'exploitation d'une entreprise qui détient des participations15.

2

Droit fédéral

Le droit fédéral contient de nombreuses dispositions visant à empêcher les conflits d'intérêts, réels ou potentiels, entre public et privé. Certaines sont de nature préventive, comme les dispositions définissant les conditions d'une élection ou les délais d'attente après avoir quitté une fonction au service de la Confédération ou avant de pouvoir en exercer une en son sein. D'autres visent à régler les conflits qui surviennent ou à tout le moins à en limiter la portée. Enfin, un certain nombre de règles de transparence doivent permettre aux instances de contrôle, mais aussi au grand public, de se faire une opinion plus précise sur les conditions d'un abus d'influence.

2.1

Droit régissant le personnel de la Confédération

2.1.1

Généralités

La loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers)16 régit les rapports de travail entre la Confédération et son personnel. Elle a valeur de loi-cadre applicable à l'ensemble des employés de l'administration fédérale, ainsi qu'à ceux de l'administration fédérale décentralisée, à moins que des dispositions spéciales n'en disposent autrement (art. 2, al. 1, let. a et e, LPers). L'ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération (OPers)17 concrétise la loi. Les art. 91 à 94 revêtent une importance particulière dans le contexte qui nous occupe. L'art. 94d OPers octroie par ailleurs aux départements et aux unités administratives le droit d'arrêter des directives concernant les art 91a à 94c, afin de prévenir les conflits d'intérêts, l'apparence de conflits d'intérêts et l'utilisation abusive d'informations non rendues publiques. Plusieurs départements et offices l'ont fait et ont émis des réglementations spécifiques. L'exercice d'activités accessoires par les cadres supérieurs est régi par l'art. 11 de l'ordonnance du 19 décembre 2003 sur les salaires des 14

15

16 17

Swisscom envisageait à l'automne 2005 de reprendre la société irlandaise Eircom. Le Conseil fédéral a, en tant qu'actionnaire majoritaire, refusé ce rachat le 25 novembre 2005. Sa décision était motivée par le coût du projet et plus particulièrement par les risques encourus pour la Confédération, que le Conseil fédéral jugeait trop importants. Au point 4.2 de ses «Objectifs stratégiques assignés à Swisscome SA par le Conseil fédéral de 2006 à 2009» (cf. www.uvek.admin.ch > FR > Thèmes > Communication > Swisscom > Le rôle de la Confédération vis-à-vis de ...), le Conseil fédéral indique attendre de Swisscom qu'elle renonce à prendre des participations à l'étranger dans des entreprises de télécommunication ayant un mandat de service universel. Il précise que des participations à l'étranger sont possibles uniquement si elles «renforcent l'activité principale de l'entreprise en Suisse ou [qu'elles] obéissent à une autre forme de stratégie industrielle».

Le Conseil fédéral a renouvelé ces attentes dans ses objectifs stratégiques 2009 à 2013 et 2014 à 2017.

C'est le cas du DETEC qui, d'après les informations fournies par le PFPDT au magazine «Saldo» de défense des consommateurs, n'a pas accès aux résultats des filiales de la Poste à l'étranger; cf. «Die Post verheimlicht dem Bund Geschäftszahlen», Handelszeitung du 1er novembre 2013.

RS 172.220.1 RS 172.220.111.3

1204

cadres18 (cf. ch. 2.1.2 et 2.6). Enfin, les unités de l'administration qui sont soumises à la LPers et à l'OPers sont également liées par le code de comportement de l'administration fédérale19.

2.1.2

Devoir de fidélité

L'art. 20 LPers arrête la défense des intérêts de l'employeur: l'employé est tenu de défendre les intérêts légitimes de la Confédération et de son employeur (al. 1). Ce devoir de fidélité est précisé au ch. 2 du code de comportement dans les termes généraux suivants: «Les employés exercent leur activité professionnelle de manière responsable, intègre et loyale. Ils veillent dans leur vie privée également à ne pas nuire à la bonne réputation, au prestige et à la crédibilité de la Confédération.» Les employés sont tenus de remplir leurs tâches «en faisant abstraction de leurs intérêts personnels» et de ne rien faire «qui puisse restreindre leur indépendance».

Ils doivent informer leur supérieur si un conflit d'intérêts ou l'apparence d'un tel conflit est inévitable (ch. 3 du code de comportement). «L'employé ne peut exercer pour un tiers une activité rémunérée que dans la mesure où il ne viole pas son devoir de fidélité» (art. 20, al. 2, LPers). Ce devoir de fidélité est concrétisé par d'autres dispositions, portant sur l'interdiction d'accepter des dons ou d'autres avantages (art. 21, al. 3, LPers), le secret professionnel, le secret d'affaires et le secret de fonction (art. 22 LPers), l'obligation de dénoncer une infraction (art. 22a LPers) et l'exercice d'une activité accessoire (art. 23 LPers).

2.1.3

Activités accessoires

En vertu de l'art. 6a, al. 3, LPers, le Conseil fédéral a défini à l'art. 11 de l'ordonnance sur les salaires des cadres les conditions de l'exercice d'activités accessoires par les cadres du plus haut niveau hiérarchique des entreprises et établissements de la Confédération. Ces derniers sont tenus d'annoncer à l'instance supérieure les activités accessoires rétribuées qu'ils ont accepté d'exercer. Si une activité accessoire risque d'affecter les prestations d'un cadre ou de l'exposer à un conflit d'intérêts, le département compétent examine si le Conseil fédéral doit donner son accord.

L'art. 23 LPers prévoit que les dispositions d'exécution peuvent subordonner à une autorisation l'exercice d'activités et de charges publiques déterminées dans la mesure où elles risquent de compromettre l'exécution des tâches. L'OPers précise les conditions de l'exercice d'une activité accessoire, en particulier l'obligation des employés d'annoncer à leur supérieur toutes les charges publiques et les activités rétribuées qu'ils exercent en dehors de leurs rapports de travail (art. 91, al. 1, OPers et ch. 3 du code de comportement). Les activités non rétribuées doivent également être annoncées si l'on ne peut exclure le risque de conflit d'intérêts (art. 91, al. 1bis, OPers et ch. 3 du code de comportement). Une autorisation est par ailleurs nécessaire lorsque l'exercice des charges publiques ou des activités accessoires mobilisent 18 19

RS 172.220.12 Cf. note de bas de page 4.

1205

l'employé au-delà d'une certaine mesure ou qu'elles risquent de générer un conflit avec les intérêts du service (art. 91, al. 2, OPers). Une telle autorisation est refusée si tout risque de conflit ne peut être écarté dans le cas particulier (art. 91, al. 3, OPers).

Des conflits d'intérêts justifiant un tel refus peuvent notamment survenir en rapport avec des activités de conseil ou de représentation de tiers pour des affaires qui font partie des tâches de l'unité administrative à laquelle appartient l'employé (let. a) ou en rapport avec des mandats exécutés pour le compte de la Confédération ou que celle-ci doit attribuer à brève échéance (let. b). Le Tribunal administratif fédéral a récemment confirmé l'existence d'un conflit d'intérêts potentiel lorsqu'un employé (à plein temps) de la Confédération consacre à une activité accessoire un temps tel qu'il en vient à éparpiller ses forces et à négliger son emploi principal20. Les employés qui exercent au profit de tiers une activité qui procède du contrat de travail qu'ils ont conclu avec la Confédération doivent remettre à celle-ci le revenu qu'ils retirent de cette activité (art. 92 OPers).

2.1.4

Interdiction d'accepter des dons et d'autres avantages

L'art. 93 OPers précise l'interdiction légale d'accepter des dons et d'autres avantages. Cette interdiction ne s'applique pas aux dons en nature qui sont conformes aux usages sociaux et dont la valeur marchande n'excède pas 200 francs (art. 93, al. 1, OPers; ch. 5 du code de comportement). L'art. 93a OPers règle de manière analogue l'acceptation d'invitations par des employés de la Confédération. Ces derniers sont tenus de les décliner lorsqu'elles risquent de restreindre leur indépendance et leur liberté d'action (art. 93a, al. 1, OPers; ch. 5 du code de comportement).

Par ailleurs, le ch. 7 du code de comportement habilite les départements et les unités administratives à «arrêter des directives complémentaires [...] et à régler plus strictement ou même interdire l'acceptation d'avantages de faible importance conformes aux usages sociaux et d'invitations ainsi que les opérations pour compte propre».

Les employés qui participent à un processus d'achat ou de décision sont soumis à des règles particulièrement strictes. Ils n'ont pas le droit d'accepter des dons ou d'autres avantages ou des invitations qui proviennent des soumissionnaires effectifs ou potentiels ou des personnes qui participent au processus de décision ou qui sont concernées par celui-ci (art. 93, al. 2, let. a, et 93a, al. 2, let. a, OPers). Dans de tels cas, ils sont tenus de refuser «même les avantages de faible importance conformes aux usages sociaux et de décliner les invitations» (ch. 5 du code de comportement).

Un refus s'impose dès lors qu'il est impossible d'exclure tout lien entre l'octroi de l'avantage et le processus d'achat ou de décision (art. 93, al. 2, let. b, et 93a, al. 2, let. b, OPers).

20

Arrêt du Tribunal administratif fédéral du 7 mai 2014 (A-4443/2013), consid. 7.3.

1206

2.1.5

Secret professionnel, secret d'affaires et maniement des informations non rendues publiques

L'art. 94 OPers règle le secret professionnel et le secret d'affaires; il précise notamment que l'obligation de garder le secret de fonction et le secret professionnel subsiste après la fin des rapports de travail (al. 2).

L'art. 94c OPers règle le maniement d'informations non rendues publiques dont les employés ont connaissance dans l'exercice de leur fonction. De manière générale, ils ne peuvent transmettre des informations sur les affaires de service non rendues publiques «que dans la mesure où l'exécution de leurs tâches le permet et l'exige» (ch. 4 du code de comportement de l'administration fédérale). Selon l'art. 94c, al. 1, OPers, ils ne peuvent pas utiliser de telles informations pour obtenir des avantages pour eux-mêmes ou pour des tiers (interdiction de tirer parti d'informations privilégiées sur les affaires de services; cf. ch. 4 du code de comportement de l'administration fédérale). L'art. 94c, al. 2, OPers complète la clause générale de l'al. 1 en instaurant une interdiction de divulgation lorsque celle-ci pourrait influencer le cours de valeurs mobilières et de devises (ch. 4 du code de comportement de l'administration fédérale). Les opérations pour compte propre sont des transactions juridiques auxquelles les employés procèdent pour leur propre compte ou pour celui de tiers (art. 94c, al. 3, let. a, OPers), qu'ils organisent pour des proches (art. 94c, al. 3, let. b, OPers) ou qu'ils font réaliser par des tiers pour cacher leur propre identité (art. 94c, al. 3, let. c, OPers).

2.1.6

Récusation

L'art. 94a OPers indique les conditions et les motifs qui justifient une récusation; une récusation s'impose lorsque l'employé a un intérêt personnel dans une affaire ou qu'il risque d'être partial pour d'autres motifs. L'apparence de partialité constitue un motif suffisant (art. 94a, al. 1, OPers; ch. 3 du code de comportement de l'administration fédérale). Parmi les motifs de partialité, on trouve l'existence d'une relation de proximité particulière ou d'une offre d'emploi d'une personne impliquée dans un dossier ou participant à un processus de décision.

2.1.7

Obligation de dénoncer les comportements délictueux

Les employés de la Confédération sont tenus de «dénoncer aux autorités de poursuite pénale, à leurs supérieurs ou au Contrôle fédéral des finances tous les crimes et délits poursuivis d'office dont ils ont eu connaissance ou qui leur ont été signalés dans l'exercice de leur fonction» (art. 22a, al. 1, LPers; ch. 6 du code de comportement de l'administration fédérale). Ils ont par ailleurs le droit de signaler au Contrôle fédéral des finances les autres irrégularités dont ils ont eu connaissance ou qui leur ont été signalées dans l'exercice de leur fonction (art. 22a, al. 4, LPers). Par ailleurs, nul ne doit subir un désavantage sur le plan professionnel pour avoir, de bonne foi, dénoncé une infraction ou annoncé une irrégularité (protection des «lanceurs d'alerte», art. 22a, al. 5, LPers; ch. 6 du code de comportement de l'administration fédérale).

1207

2.1.8

Délais d'attente

L'art. 94b OPers («indépendance») octroie à la Confédération la possibilité de convenir avec des employés exerçant une fonction de cadre d'une interdiction limitée dans le temps d'exercer une activité pour un autre employeur ou un autre mandant (délai d'attente). Au moment de conclure le contrat de travail, il peut être convenu que ces employés «n'ont pas le droit, pendant au maximum deux ans après la fin de leurs rapports de travail, d'exercer une activité pour un autre employeur ou mandant qui, au cours des deux années ayant précédé la résiliation des rapports de travail, a été concerné de manière déterminante» par une décision de l'unité qui les employait. L'OPers ne fixe donc pas d'obligation, mais seulement un droit pour la Confédération de convenir d'un délai d'attente avec ses employés exerçant une fonction de cadre.

2.1.9

Contrôles de sécurité relatifs aux personnes

Bien qu'elles dépassent le champ d'application du droit en matière du personnel de la Confédération, les dispositions sur les contrôles de sécurité relatifs aux personnes contenues dans la loi du 21 mars 1987 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI)21 jouent un rôle important dans la sélection des candidats à des postes sensibles. En effet ces postes donnent accès à des données confidentielles, voire secrètes. Les contrôles de sécurité visent en premier lieu à éviter les dépendances problématiques et les conflits d'intérêts. Selon l'art. 19, al. 1, LMSI, le Conseil fédéral peut prévoir des contrôles de sécurité à l'égard d'agents de la Confédération et de tiers qui collaborent à des projets classifiés relatifs à la sûreté intérieure ou extérieure et qui, dans leur activité, «ont connaissance, de manière régulière et approfondie, de l'activité gouvernementale ou d'importants dossiers de la politique de sécurité sur lesquels ils peuvent exercer une influence» (let. a), «ont régulièrement accès à des secrets relevant de la sûreté intérieure ou extérieure ou à des informations dont la révélation pourrait menacer l'accomplissement de tâches importantes de la Confédération» (let. b), «collaborent, en tant que partenaires contractuels ou employés de ces derniers, à des projets classifiés de la Confédération ou doivent faire l'objet d'un contrôle en vertu de conventions sur la protection de secrets» (let. d), ou qui «ont régulièrement accès à des données personnelles sensibles, dont la révélation pourrait porter gravement atteinte aux droits individuels des personnes concernées» (let. e). L'art. 20 LMSI précise la teneur du contrôle de sécurité, et l'art. 21 ses modalités. Les modalités d'application sont réglée s dans l'ordonnance du 4 mars 2011 sur les contrôles de sécurité relatifs aux personnes (OCSP)22.

21 22

RS 120 RS 120.4

1208

2.2

Dispositions régissant l'organisation du gouvernement et de l'administration

2.2.1

Devoir de récusation

La LOGA règle à son art. 20 l'obligation pour les membres du Conseil fédéral, le chancelier et le vice-chancelier de se récuser s'ils ont un intérêt personnel direct dans une affaire (art. 20, al. 1, LOGA). Les dispositions pertinentes de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)23 s'appliquent en matière de décisions et de recours (art. 20, al. 2, LOGA; cf. ch. 2.4). L'art. 4 de l'ordonnance du 29 novembre 2013 sur l'organisation du Conseil fédéral (Org CF)24 règle les modalités et la portée de la récusation pour les membres du Conseil fédéral, le chancelier de la Confédération et le vice-chancelier de la Confédération. Le président de la Confédération constate la récusation du membre concerné, s'il est luimême tenu de se récuser, le vice-président constate sa récusation (al. 1). Si la récusation est contestée, le Conseil fédéral tranche (al. 2). La personne tenue de se récuser ne peut pas participer à la préparation de la décision ni à la procédure de co-rapport (al. 3). Elle ne peut pas être présente lors des délibérations ni participer à la prise de décision (al. 4).

2.2.2

Incompatibilités à raison de la fonction pour les magistrats

L'art. 60 LOGA énumère les incompatibilités à raison de la fonction valables pour les magistrats de la Confédération25. Ces derniers ne peuvent assumer aucune autre fonction au service de la Confédération ou d'un canton, ni exercer d'autre activité professionnelle ou commerciale (al. 1). Ils ne peuvent pas non plus exercer de fonction de direction, de gestion ou de contrôle dans une organisation ayant une activité économique (al. 2).

2.3

Dispositions régissant l'organisation du Parlement

L'art 161 Cst. et la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)26 contiennent des dispositions visant à prévenir les conflits d'intérêts chez les membres de l'Assemblée fédérale.

2.3.1

Incompatibilité à raison de la profession et motifs de récusation

L'art. 14 LParl définit les motifs d'incompatibilité avec l'exercice d'un mandat parlementaire. Selon cet article, ne peuvent pas être membres du Parlement les 23 24 25

26

RS 172.021 RS 172.111 Cf. ch. 2.3.1 concernant les règles d'incompatibilité applicables aux membres du Parlement, et ch. 2.8 concernant celles applicables aux juges et aux membres des autorités de poursuite pénale.

RS 171.10

1209

personnes élues par l'Assemblée fédérale ou dont la nomination a été confirmée par elle (let. a), les juges des tribunaux fédéraux qui n'ont pas été élus par elle (let. b) et les employés de l'administration fédérale centrale et de l'administration fédérale décentralisée (let. c). Ne sont pas non plus éligibles les membres des organes directeurs des organisations et des personnes de droit public ou de droit privé extérieures à l'administration qui sont investies de tâches administratives et dans lesquelles la Confédération occupe une position prépondérante, ni les personnes qui représentent la Confédération dans ces instances (let. e et f). Les personnes élues à l'Assemblée fédérale qui occupent une fonction dans l'administration fédérale ou une organisation dans laquelle la Confédération occupe une position prépondérante ont six mois pour quitter cette fonction, sans quoi elles sont déchues automatiquement de leur mandat parlementaire (art. 15 LParl.). L'art. 11a LParl énumère les motifs de récusation des membres de commission ou de délégations lorsqu'ils exercent la haute surveillance au sens de l'art. 26: ils doivent se récuser lorsqu'ils ont intérêt personnel direct dans un objet soumis à délibération ou que leur impartialité pourrait être mise en cause pour d'autres raisons.

2.3.2

Publication des liens avec des groupes d'intérêts

L'art. 161 Cst. prévoit que les membres de l'Assemblée fédérale votent sans instruction (al. 1) et qu'ils rendent publics leurs liens avec des groupes d'intérêts (al. 2). La LParl prévoit à son art. 11 une obligation de signaler les intérêts; plus précisément, chaque parlementaire est tenu d'indiquer au bureau du conseil dont il est membre, au moment de son entrée en fonction et au début de chaque année, ses activités professionnelles (art. 11, al. 1, let. a, LParl), les fonctions qu'il occupe au sein d'organes de direction et de surveillance suisses ou étrangers (art. 11, al. 1, let. b, LParl), les fonctions de conseil ou d'expert qu'il exerce pour le compte de services de la Confédération (art. 11, al. 1, let. c, LParl), les fonctions permanentes de direction ou de conseil qu'il exerce pour le compte de groupes d'intérêts suisses ou étrangers (art. 11, al. 1, let. d, LParl) et les fonctions qu'il exerce au sein de commissions ou d'autres organes de la Confédération (art. 11, al. 1, let. e, LParl). Ces informations peuvent être consultées dans un registre public établi par les Services du Parlement (art. 11, al. 2, LParl). Il est accessible en ligne et mis à jour chaque mois27.

Tout député dont les intérêts personnels sont directement concernés par un objet en délibération est tenu de le signaler lorsqu'il s'exprime sur cet objet au conseil ou en commission (art. 11, al. 3, LParl). De manière analogue, les membres du secrétariat des commissions de gestion (CG) par exemple font état de leurs liens d'intérêts lorsqu'ils ont déjà été impliqués personnellement dans une affaire qui est traitée en commission.

2.4

Procédure administrative

La PA règle à son art. 10, al. 1, les motifs de récusation valables pour toutes les personnes qui sont appelées à prendre ou à préparer une décision. Ces personnes sont ainsi tenues de se récuser si elles ont un intérêt personnel dans l'affaire ou si 27

www.parlement.ch > FR > Registre des intérêts CN ou Registre des intérêts CE.

1210

elles sont le conjoint ou le partenaire enregistré d'une partie ou qu'elles mènent une vie de couple avec elle, si elles sont parentes ou alliées d'une partie en ligne directe, ou jusqu'au troisième degré en ligne collatérale ou si elles représentent une partie ou ont agi dans la même affaire pour une partie. La dernière lettre contient une clause générale précisant qu'elles doivent se récuser si, pour d'autres raisons, elles pourraient avoir une opinion préconçue dans l'affaire.

2.5

Dispositions applicables aux commissions extraparlementaires

La LOGA et l'OLOGA contiennent des dispositions applicables aux conflits d'intérêts pouvant impliquer les membres des commissions extraparlementaires. On trouve d'autres réglementations dans ce domaine dans diverses lois, que nous commentons ci-après de manière concise et non exhaustive, en livrant quelques exemples.

L'art. 57f LOGA prévoit à son al. 1 une obligation pour les futurs membres des commissions extraparlementaires de signaler leurs intérêts avant leur nomination.

Tout refus de le faire implique l'impossibilité de devenir membre (al. 2). L'art. 8f OLOGA indique à l'al. 1 les informations à fournir28 en application de l'art. 57f LOGA et précise les autres conditions aux al. 2 à 4. L'art. 8k, al. 3, OLOGA précise que la chancellerie publie en ligne un annuaire des membres contenant également leurs liens d'intérêts.

Les dispositions applicables aux membres de la Commission de la concurrence (COMCO) figurent dans la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels (LCart)29.

Selon l'art. 18, al. 2bis, LCart, les membres de la commission signalent leurs intérêts dans un registre des intérêts.

L'art. 22, al. 1, LCart renvoie aux motifs de récusation visés à l'art. 10 PA. L'al. 2 précise que le simple fait de représenter une association faîtière n'a pas valeur d'intérêt personnel dans l'affaire ni ne donne lieu à un autre motif de récusation.

Selon l'al. 3, si la récusation est contestée, la commission ou la chambre concernée statue en l'absence du membre en cause. Le personnel du secrétariat de la commission est soumis aux dispositions de la LPers et de l'OPers (art. 24, al. 2, LCart).

L'art. 25 LCart règle les détails du secret de fonctions et du secret d'affaires. Le secret de fonction doit être respecté (al. 1). Les autorités en matière de concurrence ne peuvent utiliser les informations recueillies dans l'exercice de leurs fonctions qu'à des fins de renseignement ou d'enquête (al. 2). La communication des données au Surveillant des prix n'est autorisée que si ce dernier en a besoin pour accomplir sa tâche (al. 3). Enfin, aucun secret d'affaires ne doit être révélé (al. 4).

28

29

Les éléments à indiquer sont les suivants: activités professionnelles; fonctions occupées au sein d'organes de direction, de surveillance, de conseil ou autres dans des sociétés, établissements ou fondations suisses ou étrangers, de droit privé ou de droit public; fonctions de conseil ou d'expert exercées pour le compte de services de la Confédération; fonctions permanentes de direction ou de conseil exercées pour le compte de groupes d'intérêts suisses ou étrangers; fonctions exercées au sein d'autres organes de la Confédération.

RS 251

1211

Les dispositions applicables aux membres de la Commission de l'électricité (ElCom) figurent dans la loi du 23 mars 2007 sur l'approvisionnement en électricité (LapEl)30. Selon l'art. 21, al. 1, LApEl, les membres de la commission doivent être des experts indépendants et ne peuvent ni appartenir à des organes de personnes morales actives dans le secteur de l'électricité, ni être sous contrat de prestations avec de telles personnes morales. Les membres et le personnel de l'ElCom sont soumis au secret de fonction et au secret d'affaires (art. 26 LApEl).

Les membres de la Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ) doivent être des experts indépendants. Selon l'art. 46, al. 2, de la loi du 18 décembre 1998 sur les maisons de jeu (LMJ)31 ils ne peuvent être ni membres du conseil d'administration, ni employés d'une maison de jeu, d'une entreprise de loterie, d'une entreprise de fabrication ou de commerce spécialisée dans le secteur des jeux ou d'une entreprise proche.

2.6

Corporations, établissements et fondations devenus juridiquement autonomes de l'administration fédérale décentralisée

2.6.1

Introduction

Selon son art. 2, al. 1, let. e, la LPers et ses dispositions d'exécution s'appliquent à l'administration fédérale décentralisée «si les lois spéciales n'en disposent pas autrement». Cette règle vaut aussi pour les normes en matière de personnel fédéral destinées à prévenir les conflits d'intérêts.

L'art. 6a. al. 3, LPers charge le Conseil fédéral d'édicter les principes applicables aux activités accessoires exercées par les cadres supérieurs (organes dirigeants) dans les entreprises et établissements de la Confédération32. Les principes en question sont concrétisés à l'art. 11 de l'ordonnance sur les salaires des cadres. Cet article dispose que les cadres du plus haut niveau hiérarchique sont tenus d'annoncer à l'instance supérieure avoir accepté une activité accessoire rémunérée. Si l'activité accessoire risque d'affecter leurs prestations ou d'engendrer un conflit d'intérêts, le département examine si le Conseil fédéral doit donner son accord.

Selon la décision du Conseil fédéral du 19 décembre 2003, les membres des hautes directions des entreprises et établissements de la Confédération font part dans le rapport de gestion ou dans un organe d'information équivalent de manière exhaustive de leur appartenance à des organes analogues dans d'autres entreprises ou d'autres établissements de droit public ou privé.33 Les corporations, établissements et fondations de l'administration fédérale décentralisée assument des tâches particulièrement sensibles, à la jonction entre l'Etat et le secteur privé, où le risque de conflits d'intérêts apparaît plus marqué. Des réglementations spéciales, adaptées aux cas spécifiques et allant parfois plus loin que la 30 31 32

33

RS 734.7 RS 935.52 Les entreprises et établissements sont mentionnées dans le rapport sur le salaire des cadres; cf. www.epa.admin.ch > Documentation > Faits et chiffre, rubrique «Rémunération».

Cf. annexe 3 du rapport sur le salaire des cadres, ch. 4.3, sous www.epa.admin.ch > Documentation > Faits et chiffre, rubrique «Rémunération».

1212

LPers, peuvent s'avérer nécessaires. Toutes les dispositions spéciales ne sont toutefois pas plus restrictives que la LPers et l'ordonnance du 19 décembre 2003 sur le salaire des cadres. Certaines ne font que reformuler en d'autres termes les dispositions de la loi générale, sans effet matériel aucun. Pour éclairer notre propos, nous présentons ci-après trois exemples de dispositions spéciales.

2.6.2

Institut suisse des produits thérapeutiques

L'art. 75 de la loi du 15 décembre 2000 sur les produits thérapeutiques (LPTh)34 prévoit que l'Institut suisse des produits thérapeutiques (swissmedic) engage son personnel en tant qu'employeur de droit public et que le Conseil fédéral édicte les dispositions nécessaires. Ces dispositions figurent dans l'ordonnance du 28 septembre 2001 sur le personnel de l'Institut suisse des produits thérapeutiques35, dont l'art. 38 règle le secret professionnel, le secret d'affaires et le secret de fonction.

Selon l'al. 1 de cet article, l'obligation de garder le secret subsiste après la fin des rapports de travail. L'art. 39, al. 1, de l'ordonnance prévoit que les employés de l'institut doivent disposer d'une autorisation pour exercer une activité accessoire s'il existe un éventuel conflit d'intérêts ou si leur travail risque de s'en ressentir.

L'art. 40, al. 1, de l'ordonnance interdit aux employés d'accepter des dons ou autres avantages susceptibles d'être en rapport avec leur engagement à l'institut. Seuls font exception les cadeaux de courtoisie de peu de valeur. L'al. 2 oblige les employés à rétrocéder tout ou partie des revenus provenant d'activités en faveur de tiers qu'ils exercent en vertu de leur contrat de travail. L'art. 41, al. 1, prévoit que les employés appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se récuser s'ils ont un intérêt personnel direct dans l'affaire, si des parents ou alliés en ligne directe, des frères ou soeurs, des demi-frères ou demi-soeurs ou leur conjoint exercent une activité dirigeante ou de surveillance au sein de la partie directement concernée par la décision, s'ils ont agi dans la même affaire pour la partie directement concernée par la décision ou si, pour d'autres raisons, ils pourraient donner l'apparence de prévention en faveur de l'une des parties. Selon l'art. 41, al. 2, les employés tenus de se récuser doivent signaler spontanément tout conflit d'intérêts et, en pareil cas, transmettre l'affaire à leur responsable hiérarchique.

2.6.3

Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers

Selon la loi du 22 juin 2007 sur la surveillance des marchés financiers (LFINMA)36, les membres du conseil d'administration de la FINMA doivent être indépendants des établissements assujettis (art. 9, al. 2). Le président de la FINMA ne peut exercer aucune autre activité économique ni remplir de fonction pour le compte de la Confédération ou d'un canton, sauf si elle est utile à l'accomplissement des tâches de la FINMA (art. 9, al. 4). L'art. 14 LFINMA dispose que le secret de fonction s'applique aussi bien au personnel et aux organes de la FINMA qu'aux tiers mandatés par cette dernière. Les rapports de travail du personnel de la FINMA sont réglés 34 35 36

RS 812.21 RS 812.215.4 RS 956.1

1213

dans l'ordonnance du 11 août 2008 sur le personnel FINMA37. L'art. 36 de l'ordonnance prévoit l'obligation dans tous les cas d'obtenir l'autorisation de la FINMA pour exercer une activité annexe ou une fonction publique (art. 36, al. 1).

Les collaborateurs à temps partiel sont autorisés à exercer un travail indépendant, pour autant qu'il soit compatible avec leur activité au sein de la FINMA (art. 36, al. 2). Ils sont tenus de communiquer la nature et l'ampleur de cette activité. Selon l'art. 37 de l'ordonnance, l'exercice d'une activité en dehors de la FINMA, d'une activité annexe ou d'une fonction publique est incompatible avec l'engagement auprès de la FINMA s'il porte préjudice à la réputation de la FINMA ou s'il fait naître un conflit d'intérêts avec l'activité exercée auprès de cette dernière. L'art. 38 de l'ordonnance règle en détail les principes de conduite applicables aux collaborateurs de la FINMA. Ceux-ci doivent se comporter et s'exprimer d'une manière qui garantisse la réputation et la crédibilité de la FINMA, en s'abstenant de tout comportement susceptible de lui nuire (art. 38, al. 1). Ils sont tenus d'éviter tout conflit entre leurs intérêts propres et ceux de la FINMA, ou de divulguer leurs intérêts lorsque le conflit ne peut être évité (art. 38, al. 2). L'art. 38, al. 3, impose au conseil d'administration d'édicter un code de conduite. Le code en question a été publié le 19 novembre 200838. Enfin, l'art. 39 de l'ordonnance interdit aux collaborateurs de bénéficier d'avantages individuels offerts par les établissements surveillés. L'obligation de refuser tout cadeau est absolue.

2.6.4

Inspection fédérale de la sécurité nucléaire

L'ordonnance du 12 novembre 2008 sur l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (OIFSN)39 contient des dispositions spéciales détaillées pour les membres de l'IFSN. L'art. 4 OIFSN fixe leur obligation d'indépendance. Selon cet article, les membres du conseil de l'IFSN ne sont pas liés par des instructions (al. 1). Ils ne doivent entretenir aucune relation «susceptible de mettre en doute leur impartialité» (al. 2). Si un membre veut exercer une activité qui pourrait être incompatible avec son indépendance, il sollicite au préalable la recommandation du conseil de l'IFSN.

En cas de doute, le conseil de l'IFSN demande au DETEC de procéder à une évaluation (art. 3). Les normes détaillées des art. 4a et 4b OIFSN interdisent aux membres du conseil de l'IFSN d'exercer une activité économique, de détenir des participations et d'exercer une charge publique qui soient incompatibles avec leur indépendance. Le devoir de récusation des membres du conseil de l'IFSN est régi par l'art. 10 PA. A noter que l'appartenance à une association professionnelle n'entraîne pas en elle-même un devoir de récusation (art. 9, al. 1 et 2, OIFSN). Par ailleurs, selon le code de conduite détaillé édicté par l'IFSN40, le conseil désigne une personne pour former les collaborateurs à l'application dudit code et pour veiller à son respect (art. 3, al. 1 et 5, let. a et e, du code de conduite de l'IFSN).

37 38

39 40

RS 956.121 Code de conduite de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Code de conduite de la FINMA), www.finma.ch > Réglementation > Lois et ordonnances > FINMA.

RS 732.21 Code de conduite du 1er janvier 2013 de l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (Code de conduite de l'IFSN), www.ensi.ch > FR > Documents > Code de conduite de l'IFSN ­ ENSI-AN-8143.

1214

2.7

Banque nationale suisse

Les collaborateurs de la Banque nationale suisse (BNS) sont soumis aux dispositions pertinentes de la loi du 3 octobre 2003 sur la Banque nationale (LBN)41. L'art.

6 LBN dispose l'indépendance de la BNS. Selon ce même article, la BNS et les membres de ses organes ne peuvent ni solliciter ni accepter d'instructions du Conseil fédéral ou d'autres organismes. Les candidats à une nomination au conseil de banque (art. 40 LBN) et à la direction générale (art. 44, al. 1, LBN) doivent remplir un certain nombre de conditions: ils doivent être de nationalité suisse, bénéficier d'une réputation irréprochable et avoir des connaissances reconnues dans les domaines des services bancaires et financiers, de la gestion d'entreprises, de la politique économique ou des sciences. Les membres de la direction générale doivent en outre avoir leur domicile en Suisse (art. 44, al. 1, LBN). Ils ne peuvent exercer aucune autre activité professionnelle ou commerciale ni aucune fonction au service de la Confédération ou d'un canton. Des exceptions sont possible si l'exercice de tels mandats est utile à l'accomplissement des tâches de la Banque nationale (art. 44, al. 2, LBN). Les réviseurs (personnes physiques et morales) doivent avoir les qualifications professionnelles particulières définies à l'art. 727b du code des obligations (CO)42; ils doivent être indépendants du conseil de banque, de la direction générale et des principaux actionnaires (art. 47, al. 3, LBN). L'art. 49 LBN oblige les membres des organes et les employés de la Banque nationale ainsi que les personnes mandatées par celle-ci à garder le secret de fonction et le secret d'affaires (al. 1). Ils restent tenus de garder le secret de fonction et le secret d'affaires après que leur mandat ou leurs rapports de travail ont pris fin (al. 2).

Suite à la démission de Philipp Hildebrand de la présidence de la BNS43, due à des transactions privées sur des devises et des titres, la BNS a renforcé ses règles internes. Le code de conduite pour les collaborateurs de la Banque nationale suisse de 2014 (ci-après: code de conduite BNS)44 interdit entre autres aux collaborateurs de la BNS «d'exploiter, en vue de se procurer un avantage personnel ou de procurer un avantage à une tierce personne, des informations dont ils ont eu connaissance dans le cadre de leur activité
professionnelle et qui ne sont pas accessibles au public (informations privilégiées)». Pour la BNS, tout agissement de la sorte est inacceptable, car il représente un «risque de réputation grave»45. Les collaborateurs de la BNS sont tenus de «garder le secret le plus absolu sur les affaires et les équipements de la Banque»46. D'autres dispositions concernant les membres de la Direction générale de la BNS et le conseil de banque réglementent l'utilisation d'informations non rendues publiques et l'acceptation de cadeaux et d'invitations47. La directive du 1er mai 2012 régissant les placements financiers et opérations financières à titre

41 42 43 44 45 46 47

RS 951.11 RS 220 Cf. ch. 1.3.1.

www.snb.ch > La BNS > Fondements juridiques > Directives et règlements.

Code de conduite BNS, ch. 4.2 («Exploitation d'informations privilégiées»).

Code de conduite BNS, ch. 5.1 («Confidentialité»).

C'est le cas du règlement du 22 juin 2012 concernant l'acceptation, par les membres de la Direction générale élargie, de cadeaux et d'invitations, notamment les ch. 3 et 4, ainsi que le code de conduite du 14 décembre 2012 pour les membres du Conseil de banque de la Banque nationale suisse (état le 1er janvier 2013), notamment le ch. 5, www.snb.ch > La BNS > Fondements juridiques > Directives et règlements.

1215

privé des collaborateurs de la BNS48 limite pour l'ensemble des employés de la BNS les possibilités d'effectuer des opérations et des placements financiers. Elle leur interdit notamment «d'acheter, de vendre ou de détenir des actions, d'autres titres de participation et des obligations qui ont été émis par une banque suisse d'importance systémique ou par l'une de ses filiales»49. Les membres de la direction générale sont soumis à des règles encore plus strictes. Ils n'ont pas le droit d'acheter, de vendre ou de détenir des actions, d'autres titres de participation ou des obligations émis par une banque ou par une entreprise d'assurance, et ils ne peuvent effectuer des opérations sur devises «dans un délai rapproché [que] si cela est nécessaire pour leurs besoins courants ou à des fins d'acquisition de patrimoine non financier»50. Après la démission de Philipp Hildebrand, la BNS a édicté des règles particulièrement strictes sur la gestion des placements financiers privés. Les membres de la direction ont le choix entre confier la gestion de leurs placements privés à un gérant de fortune indépendant ou s'en charger eux-mêmes. Dans ce dernier cas, ils n'ont pas le droit de détenir des titres; ils peuvent seulement disposer d'un compte à la BNS rémunéré en francs suisses, effectuer des placements dans des organismes de placements collectifs de capitaux, dans des organismes de prévoyance (2e et 3e piliers) et dans des biens immobiliers51.

2.8

Ministère public de la Confédération

L'entrée en vigueur de la loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales (LOAP)52 a conféré au Ministère public de la Confédération, le 1er janvier 2011, le statut d'autorité s'administrant elle-même (art. 16, al. 1, LOAP). Pour garantir une indépendance maximale des responsables du MPC, la loi prévoit que le procureur général et ses deux suppléants sont élus par les Chambres réunies (art. 20, al. 1, LOAP). Cette dernière peut révoquer avant la fin de la période de fonction (art. 20, al. 3, LOAP) un membre du Ministère public «s'il a commis une violation grave de ses devoirs de fonction de manière intentionnelle ou par négligence grave» (art. 21, let. a, LOAP) ou «s'il n'est durablement plus capable d'exercer sa fonction» (art. 21, let. b, LOAP). L'Assemblée fédérale réunie élit également pour quatre ans les membres de l'autorité chargée de la surveillance du MPC (art. 23 ss LOAP). La loi prévoit qu'ils soient issus de différents domaines, pour garantir une large palette de compétences et éviter des conflits d'intérêts (art. 23, al. 2, LOAP)53. Les membres de l'autorité de surveillance ne peuvent pas faire partie de l'Assemblée fédérale ou du Conseil fédéral ni exercer aucune autre fonction au service de la 48 49

50

51 52 53

Ci-après directive BNS sur les placements financiers à titre privé, www.snb.ch > La BNS > Fondements juridiques > Directives et règlements Directive BNS sur les placements financiers à titre privé, ch. 7, let. a. L'unité «Compliance» de la BNS peut autoriser des exceptions «dans des cas particuliers dûment justifiés», cf. ch. 7 à la fin.

Règlement du 9 mars 2012 relatif aux placements financiers et aux opérations financières à titre privé des membres de la Direction de la Banque, ch. 2.3, al. 1, let. a et ch. 3, al. 2 (ci-après: règlement BNS sur les placements financiers de la Direction), www.snb.ch > La BNS, > Fondements juridiques > Directives et règlements.

Règlement BNS sur les placements financiers de la Direction, ch. 2.2.

RS 173.71 L'autorité compte un juge du Tribunal fédéral et un juge du Tribunal pénal fédéral, deux avocats inscrits dans un registre cantonal des avocats et trois spécialistes qui n'appartiennent pas à un tribunal fédéral et qui ne sont pas inscrits dans un registre cantonal des avocats.

1216

Confédération (incompatibilité, art. 24, al. 1, LOAP). Les motifs de récusation sont les mêmes pour les membres du MPC et pour ceux de l'autorité de surveillance. Ces motifs sont énumérés à l'art. 56 du code de procédure pénale (CPP)54, auquel renvoie l'art. 28 LOAP. Selon ces motifs, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsqu'elle a un intérêt personnel dans l'affaire (let. a), qu'elle a agi à un autre titre dans la même cause (let. b), qu'elle a un lien particulier avec une partie ou son conseil juridique (let. c à e) ou pour d'autres motifs, notamment lorsqu'elle a un rapport d'amitié ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique (let. f).

2.9

Droit pénal

Le code pénal (CP)55 contient diverses dispositions susceptibles de s'appliquer aux employés de l'administration fédérale ou des entités autonomisées de la Confédération qui abusent de leur fonction dans leur intérêt personnel. L'art. 312 CP (abus d'autorité) dispose que «les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite [...], auront abusé des pouvoirs de leur charge, seront punis d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire». L'art. 314 CP (gestion déloyale des intérêts publics) prévoit une peine similaire pour celui «qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, [lèse] dans un acte juridique les intérêts publics [qu'il a] mission de défendre». L'auteur d'une infraction à l'art.

322quater CP (corruption passive) encourt également une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire. Il y a corruption passive lorsqu'un membre d'une autorité ou un fonctionnaire sollicite, se fait promettre ou accepte «un avantage indu, en sa faveur ou en celle d'un tiers, pour l'exécution ou l'omission d'un acte en relation avec son activité officielle et qui soit contraire à ses devoirs ou dépende de son pouvoir d'appréciation»56. Une autre disposition importante est l'art.

322octies CP, qui contient des dispositions communes pour les infractions de corruption (titre 19). Selon cet article, «ne constituent pas des avantages indus les avantages autorisés par le règlement de service et ceux qui, de faible importance, sont conformes aux usages sociaux» (ch. 2); par ailleurs, «les particuliers qui accomplissent des tâches publiques sont assimilés aux agents publics» (ch. 3).

3

Droit comparé

3.1

Introduction

L'OFJ a chargé l'ISDC de rédiger un rapport de droit comparé sur les réglementations mises en place dans différents pays d'Europe dans le domaine des conflits d'intérêts impliquant des employés de l'administration et des entreprises pu-

54 55 56

RS 312.0 RS 311.0 Si l'avantage indu est accepté «pour accomplir les devoirs de sa charge», et non pour en tirer un avantage personnel, il y a seulement «acceptation d'un avantage»; cette infraction est punie d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 322sexies CP).

1217

bliques57. L'ISDC a examiné les législations en vigueur en France, en Norvège, en Autriche, en Suède et au Royaume-Uni. L'ISDC rend également compte du cadre légal mis en place par l'Allemagne dans ce domaine. Les informations figurant au ch. 3.2 et 3.3 sont tirées du rapport de l'ISDC.

3.2

Généralités

3.2.1

Cadre légal

En ce qui concerne le cadre légal, l'ISDC constate qu'aucun des Etats examinés n'a instauré de loi générale regroupant l'ensemble des dispositions régissant les conflits d'intérêts. Si les normes fondamentales sont généralement réunies dans une loi, il n'est pas rare de les voir complétées par des réglementations internes, telles que des lignes directrices ou des codes de conduite, contenant pour l'essentiel des règles spécifiques ou détaillées applicables à telle ou telle autorité. Le Royaume-Uni fait un large recours à des réglementations internes, à l'instar de la Norvège, qui a édicté un guide éthique destiné au service public.

L'examen des différentes législations montre que la Norvège et la Suède ont édicté des règles générales applicables à l'ensemble des employés du secteur public, y compris ceux appartenant à des autorités spécifiques. La France, le Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, l'Autriche disposent à l'inverse de réglementations très détaillées, spécifiques aux autorités concernées. La France applique différents cadres légaux, «selon le statut au regard du droit administratif des différentes autorités».

D'autres différences résultent du statut des membres du personnel (fonctionnaires ou agents). Le Royaume-Uni dispose d'une loi générale établissant les principales règles et obligeant chaque service à se doter de directives internes conformes à ces règles. Les Etats examinés ont une chose en commun: leur banque centrale et leurs autorités de surveillance financière sont soumis à des réglementations plus strictes que les autres autorités.

Dans tous les pays examinés, on observe que les directives générales en matière de conflits d'intérêts destinées aux agents de la fonction publique ne s'appliquent pas aux employés des entreprises publiques. En France et au Royaume-Uni, les entreprises créées ou acquises par l'Etat le sont selon des modèles variés d'où l'absence d'une réglementation uniforme en matière de prévention et de gestion des conflits d'intérêts. En Norvège et en Suède, les entreprises d'Etat sont traitées comme des sociétés à responsabilité limitée ordinaires et sont soumises aux dispositions légales générales applicables à cette forme d'entreprises. Il en va de même des entreprises d'Etat autrichiennes, qui sont soumises aux réglementations sur les conflits d'intérêts, telles qu'on en trouve dans le Public Corporate Governance Kodex.

57

«Interessenkonflikte von Mitarbeitenden der staatlichen Verwaltung und von staatlichen Unternehmen», rapport de l'ISDC du 30 janvier 2014.

1218

3.2.2

Restrictions découlant du devoir de fidélité

Dans tous les pays examinés, les principales dispositions matérielles régissant les conflits d'intérêts comprennent le devoir de loyauté, l'impartialité, l'interdiction d'accepter des cadeaux, ou les restrictions posées à cette acceptation, et les restrictions posées à l'exercice d'une activité accessoire. De manière générale, il n'est pas nécessaire qu'un conflit d'intérêts soit avéré pour que les dispositions en question s'appliquent; l'apparence d'un tel conflit suffit. Les employés sont tenus de signaler les conflits d'intérêts apparents ou réels. Par ailleurs, tous les Etats considérés prévoient une disposition interdisant à leurs employés de traiter une affaire s'il en résulte pour eux un conflit d'intérêts.

Tous les pays examinés interdisent l'exercice d'activités accessoires lorsque celui-ci risque d'entamer la confiance du public dans l'impartialité d'une autorité ou d'affecter son image et sa réputation. La Norvège, l'Autriche, la Suède et le Royaume-Uni ne prévoient pas d'interdiction générale d'exercer une activité accessoire, mais seulement une obligation de l'annoncer à l'employeur. Dans certains cas, l'activité ne peut être exercée que si elle a été préalablement autorisée. En Autriche, les employés de l'Etat sont tenus d'annoncer toute activité accessoire rémunérée.

Dans bon nombre de pays, au premier rang desquels la Norvège et la Suède, le manque de précision des dispositions existantes oblige à soumettre chaque activité accessoire à l'autorisation de l'employeur. En France, les directives générales destinées aux employés du service public interdisent l'exercice d'une activité accessoire lucrative, mais prévoient de nombreuses exceptions. Dans l'ensemble, la réglementation française est la plus stricte. Au Royaume-Uni, chaque autorité doit édicter ses propres règles internes. Les Etats ne prévoient pas de règles plus strictes pour les cadres, à quelques exceptions près (pour les banques centrales, les autorités de surveillance des marchés financiers, les instituts d'homologation des médicaments et les autorités de la concurrence en France, en Autriche et au Royaume-Uni, et pour la banque centrale en Norvège et en Suède).

3.2.3

Délais d'attente

A l'exception de la Suède, tous les Etats examinés prévoient un délai d'attente lors du passage du secteur public au secteur privé. Ce délai varie entre trois mois (Royaume-Uni) et trois ans (France). A l'inverse, il n'existe pas de délais d'attente pour le passage du secteur privé au secteur public. Seul un petit nombre d'autorités, au Royaume-Uni notamment, ont édicté des règles interdisant à leurs employés d'occuper dans le privé un poste dans un domaine lié à l'entreprise pour laquelle ils ont auparavant fourni des services ou des conseils.

3.2.4

Sanctions

La violation des dispositions sur les conflits d'intérêts peut entraîner des sanctions disciplinaires. Ces sanctions vont généralement du simple avertissement dans les cas bénins au licenciement dans les cas les plus graves, avec des variations selon les pays. Les sanctions peuvent être d'ordre financier et se traduire par exemple par des amendes (Autriche) ou des réductions de salaire (Suède). La rétrogadation professionnelle et la suspension sont deux formes de punition utilisées en France et en 1219

Norvège. La Suède et la Norvège disposent de directives générales sur les sanctions dans le service public qui sont appliquées à l'ensemble des autorités examinées. Le système français prévoit, outre un régime de sanctions général valable pour l'ensemble des employés du secteur public, des systèmes de sanctions propres à certaines autorités. Au Royaume-Uni, il revient à chaque autorité d'édicter des sanctions disciplinaires et les conditions d'un licenciement.

Seule la France prévoit une sanction pénale spécifique pour la violation des dispositions sur les conflits d'intérêts. Les autres Etats appliquent des sanctions pénales généralement prévues pour les infractions aux devoirs de service. En Norvège, en Suède et au Royaume-Uni, la non-observation des directives sur les conflits d'intérêts échappe à l'arsenal pénal.

3.2.5

Instruments et organes de prévention des conflits d'intérêts

Aux dispositions mentionnées s'ajoutent des instruments et des organes spécifiquement destinés à garantir l'indépendance des autorités et de leurs employés. La Norvège a mis en place une procédure à deux niveaux pour empêcher que les décisions soient prises par une seule personne. Des audits externes sont menés par des membres du Parlement en Norvège et en Suède (ombudsmen) ainsi qu'au RoyaumeUni (délégation parlementaire). En Autriche, chaque autorité développe normalement ses propres règles pour garantir l'indépendance de ses membres. Au RoyaumeUni, le Public Administration Committee et le responsable chargé des mises au concours s'assurent que le choix se porte sur le meilleur candidat, en dehors de tout conflit d'intérêts, apparent ou réel. En vertu de la loi sur la transparence dont elle s'est récemment dotée, la France a institué une Haute autorité à la transparence de la vie publique (cf. ch. 3.2.2), qui doit entre autres rendre compte des conflits d'intérêts potentiels.

3.2.6

Projets de réforme

La Norvège, l'Autriche, la Suède et le Royaume-Uni n'ont pas à l'heure actuelle, à notre connaissance, de projet de réforme visant à améliorer la situation juridique en matière de conflits d'intérêts. La France a récemment édicté des lois relatives à la transparence de la vie publique. Si elles visent en premier lieu les membres du parlement et du gouvernement, ces lois contiennent également de nouvelles dispositions plus sévères à l'intention des employés du secteur public.

3.3

Examen pays par pays

3.3.1

Allemagne

De manière générale, l'Allemagne compte deux catégories d'agents publics: les fonctionnaires et les employés contractuels (Tarifbeschäftigte). Les premiers sont soumis à des rapports de service et de fidélité de droit public (art. 33, al. 4, de la Constitution allemande), qui au niveau fédéral sont concrétisés dans la loi fédérale sur les fonctionnaires (Bundesbeamtengesetz ­ BBG). Selon le par. 61, al. 1, BBG, 1220

les fonctionnaires sont tenus de remplir leur fonction de manière désintéressée et honnête; ils doivent servir l'intérêt public sans poursuivre d'intérêts privés.

Les par. 97 ss BBG règlent l'exercice d'activités accessoires. L'obligation de disposer d'une autorisation prévue au par. 99 concerne en particulier les activités accessoires non rémunérées. L'autorisation doit être refusée si les intérêts du service se trouvent affectés par cette activité.

Les violations de ces dispositions sont sanctionnées en application de la loi sur la procédure disciplinaire (Bundesdisziplinargesetz ­ BDG), dont l'arsenal contient l'avertissement, l'amende, la réduction d'indemnités, la rétrogradation et la radiation du corps des fonctionnaires.

Les contractuels, dont les rapports de travail sont réglés par contrat, sont soumis aux dispositions générales du droit du travail (notamment pour ce qui est des obligations accessoires) et aux conventions collectives de travail conclues entre les employeurs publics et les syndicats. Les contractuels sont soumis aux obligations liées au devoir de fidélité uniquement à raison de leur fonction. La convention collective de travail conclue pour le service public prévoit à son par. 3, al. 3, une obligation de signaler les activités accessoires rémunérées. L'employeur peut interdire celles qui portent atteinte à ses intérêts légitimes. Le par. 41 dispose, outre l'obligation de fournir des prestations de manière consciencieuse et diligente, celle de respecter une sorte de devoir «politique» de fidélité, qui engendre au final des contraintes équivalentes à celles imposées aux fonctionnaires. Les sanctions possibles sont celles prévues par le droit du travail en général (blâme et licenciement notamment). Le droit disciplinaire valable pour les fonctionnaires ne s'applique pas aux contractuels.

Enfin, le Public Corporate Governance Kodex des Bundes contient des principes de conduite et de surveillance des entreprises détenues par l'Etat ou dans lesquelles celui-ci a des participations.

3.3.2

France

Le concept républicain de l'Etat français repose sur le principe selon lequel l'Etat est réputé ne poursuivre que l'intérêt général tandis que les activités des titulaires des charges sont placées sous le sceau du désintéressement. Plusieurs affaires récentes ont cependant ébranlé ce principe58. Ces affaires ont poussé la France à se doter en 2013 de nouvelles lois plus sévères, qui prévoient des sanctions pénales pour les personnes qui causent intentionnellement des conflits d'intérêts, notamment en ignorant certains délais d'attente.

Par conflit d'intérêts, on entend «toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction»59. Le statut des fonctionnaires français prévoit en premier lieu une obligation de comportement visant à assurer la non-occurrence des situations de conflits d'intérêts60. Les fonctionnaires ont l'interdiction d'exercer toute activité (accessoire) liée à la participation aux 58 59 60

Cf. notamment l'affaire Cahuzac, ancien ministre du Budget sous le Président Hollande, qui a admis posséder des comptes en Suisse et à Singapour pour échapper au fisc français.

Rapport de l'ISDC, p. 16, ch. 1.

Loi no 83-634 du 13 juillet 1983; rapport de l'ISDC, p. 16, ch. 1.1.1.

1221

organes de direction de sociétés ou d'associations définies dans la loi ou au fait de donner des consultations, de procéder à des expertices et de plaider en justice.

Les employés des autorités administratives indépendantes n'ont pas qualité de fonctionnaires. De manière générale, ces autorités peuvent prendre des décisions exécutoires et engager la responsabilité de l'Etat. Les règles applicables aux employés de ces autorités varient considérablement; elles vont du statut général applicable aux fonctionnaires de l'Etat aux dispositions régies par le droit privé. En matière de conflits d'intérêts, on relève cependant un certain nombre de règles communes à toutes les catégories d'agents. La loi prévoit ainsi que les membres d'une autorité administrative indépendante s'abstiennent de délibérer dans une affaire lorsqu'ils estiment se trouver dans une situation de conflit d'intérêts. Les membres de la direction de la Banque de France sont soumis à un code de déontologie qui leur impose de s'abstenir de servir leurs intérêts personnels et de tirer un profit personnel de l'influence qu'ils peuvent exercer. Ceux de l'Autorité des marchés financiers, le pendant français de la FINMA, ne peuvent pas délibérer dans une affaire dans laquelle eux-mêmes ou une personne morale pour laquelle ils ont travaillé ont eu un intérêt au cours des deux ans précédant leur nomination. Les membres de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ne peuvent, sous peine de commettre une infraction pénale, prendre part à aucune affaire dans laquelle ils ont un intérêt personnel, direct ou indirect. L'administration centrale n'est pas la seule à exiger le signalement des conflits d'intérêts, avérés ou potentiels; un certain nombre d'autorités administratives indépendantes appliquent cette même règle (par ex. la Banque de France, l'Autorité des marchés financiers, l'Autorité de sûreté nucléaire, l'Autorité de la concurrence). L'administration centrale interdit de manière générale les activités accessoires rémunérées. Les activités accessoires non rémunérées ne sont interdites que si elles pourraient compromettre l'indépendance des personnes qui les exercent61. Des exceptions sont possibles pour les catégories d'activités qui ne posent pas problème de ce point de vue62 ou qui pourraient même bénéficier à
l'activité professionnelle. Les autorités administratives indépendantes appliquent des réglementations variées. La qualité de membre du Conseil de surveillance de la Banque de France n'est pas considérée comme une activité professionnelle et n'interdit donc pas l'exercice d'activités rémunérées.

D'autres autorités (par ex. l'Autorité de sûreté nucléaire, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) interdisent à leurs membres d'exercer une activité accessoire ayant un lien avec leur profession.

La France applique des règles strictes en matière de délais d'attente. Le code pénal français prévoit une peine pouvant aller «jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende pour les fonctionnaires qui, avant l'expiration d'un délai de trois ans, acceptent de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans une entreprise [...] avec laquelle ils ont eu affaire pendant leur activité au service de l'Etat, dans le cadre d'activités de surveillance ou de contrôle, de la conclusion de contrats ou de la formulation d'avis»63. Cette disposition s'applique également aux agents des autorités administratives indépendantes. Les lois françaises ne prévoient pas de compensations financières pendant les délais d'attente prescrits.

61 62 63

Art. 25 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983; rapport de l'ISDC, pp. 38 et 39, ch. 2.1.1.

C'est le cas des activités bénévoles dans les domaines culturel et sportif.

Art. 432-13 du Code pénal français; rapport de l'ISDC, pp. 43 à 45, ch. 3.1.

1222

3.3.3

Autriche

En Autriche, les devoirs des fonctionnaires de l'administration publique générale sont définis dans la loi sur la fonction publique (Beamten-Dienstrechtsgesetz ­ BDG). Celle-ci oblige à son par. 43 tous les fonctionnaires à remplir leur fonction de service public avec diligence, loyauté et impartialité. Le devoir de loyauté impose un comportement conforme aux buts de la fonction. Le fonctionnaire qui se comporte de manière partiale et qui se laisse guider par des intérêts personnels enfreint son devoir de loyauté. Le par. 5 de la loi sur les employés contractuels (Vertragsbedienstetengesetz ­ VBG) étend l'application du par. 43 aux employés au bénéfice d'un contrat de droit privé64.

Le par. 47 BDG prescrit aux fonctionnaires confrontés à un conflit d'intérêts qui les empêche d'être impartiaux de s'abstenir de traiter l'affaire concernée. Une autre disposition pertinente est le par. 59 BDG, qui interdit l'acceptation de dons. Les personnes qui dirigent des entreprises contrôlées par l'Etat sont soumises au Public Corporate Governance-Kodex, qui leur interdit de poursuivre des intérêts privés et les oblige à publier tous leurs conflits d'intérêts. Les membres d'organes de contrôle n'ont pas le droit de poursuivre des intérêts personnels ni de travailler pour une entreprise avec laquelle ils sont en relation de par leur fonction65. Certains établissements contrôlés par l'Etat disposent de leur propre code de comportement. La Compliance-Ordnung de l'autorité autrichienne de contrôle des marchés financiers donne une définition élargie de la notion de conflit d'intérêts, l'étendant aux avantages (potentiels) dont pourraient bénéficier des amis, des parents et des tiers66. Mais il n'existe en principe aucune obligation de publier les liens d'intérêts.

Les fonctionnaires et les employés contractuels ont l'interdiction d'exercer des activités accessoires si cela les empêche d'exercer leur fonction, fait planer le soupçon qu'ils sont influencés ou met en péril d'autres intérêts essentiels du service (par. 56 BDG). Il existe une obligation générale d'annoncer les activités accessoires rémunérées. Les intérêts du service sont considérés comme menacés dès lors que l'expérience rend une telle menace plausible; il n'est pas nécessaire d'en apporter la preuve67. Il existe des dispositions prévoyant des délais
d'attente pour les fonctionnaires. Le par. 20, al. 3a, BDG fixe à six mois le délai au terme duquel une personne ayant quitté le service public peut commencer une activité rémunérée dans le privé.

Toutefois, ce délai n'est valable que si les conditions suivantes sont toutes réunies: la personne concernée doit avoir eu, pendant les douze derniers mois où elle a travaillé pour l'Etat, une influence déterminante sur la situation juridique de son nouvel employeur; son nouvel engagement risque d'affecter la confiance du public dans la manière dont les tâches publiques sont exercées; par ailleurs, le délai d'attente ne doit pas risquer de prétériter injustement la personne concernée dans son parcours professionnel68.

Les fonctionnaires qui violent les dispositions régissant les conflits d'intérêts et l'exercice d'activités accessoires encourent une sanction. Les mesures disciplinaires prévues vont de l'avertissement et de l'amende aux peines pécuniaires et au licen64 65 66 67 68

Rapport de l'ISDC, p. 50, ch. 1.1.1.

Rapport de l'ISDC, pp. 51 s., ch. 1.1.1.

Rapport de l'ISDC, p. 53, ch. 1.1.2.

Rapport de l'ISDC, pp. 60 s., ch. 2.1.

Rapport de l'ISDC, p. 66, ch. 3.1.1.

1223

ciement (par. 91 ss BDG). Les infractions découlant de conflits d'intérêts peuvent être considérées comme des abus de fonction et déboucher sur des sanctions pénales (par. 302 du code pénal autrichien)69.

3.3.4

Norvège

Les réglementations norvégiennes concernant la fonction publique sont le Public Administration Act et le Civil Service Act. Outre ces deux textes législatifs, les codes de comportement jouent également un rôle important, en particulier les Ethical Guidelines for the Public Service. Le Public Administration Act exige des agents publics qu'ils se récusent lorsqu'eux-mêmes ou des membres de leur famille ont des intérêts directement liés à une affaire ou lorsque d'autres circonstances sont susceptibles d'engendrer des doutes sur leur impartialité70. Le Civil Service Act règle l'interdiction d'accepter des cadeaux, des commissions, des prestations ou d'autres formes de rémunération71. La Banque centrale de Norvège et l'autorité de surveillance des marchés financiers sont soumises à des dispositions spéciales. Les employés de ces deux institutions sont tenus d'éviter toute action susceptible d'ébranler la confiance du public dans leur impartialité72. Il revient aux agents eux-mêmes de signaler tous les conflits, qu'ils soient effectifs ou potentiels. Toute omission peut être poursuivie disciplinairement et déboucher sur la résiliation des rapports de travail. Les entreprises détenues par l'Etat ont leur propre code de comportement.

C'est le cas de Statoil, qui interdit à ses employés de nouer des relations qui sont contraires aux intérêts de l'entreprise ou qui sont susceptibles de restreindre leur marge de manoeuvre ou de décision73. Les Ethical Guidelines interdisent les activités accessoires qui sont contraires aux intérêts de l'Etat ou qui nuisent à la confiance dans le service public74. La Norvège applique des règles relativement strictes en ce qui concerne les délais d'attente entre le départ du secteur public et le début d'une activité dans le secteur privé. Les Post-Employment Guidelines for the Public Service fixent à six mois le délai d'attente maximal pouvant figurer dans les contrats de travail individuels. Il peut également être convenu d'un délai de douze mois (appelé «quarantaine») pendant lequel la personne ne doit pas traiter d'objets auxquels elle a eu affaire alors qu'elle travaillait pour l'Etat. On ne fixera des délais d'attente que s'ils se justifient75. L'ombudsman nommé par le Parlement norvégien joue un rôle important. Chargé de vérifier que les agents publics agissent en toute impartialité et objectivité, il n'est pas habilité à prendre des sanctions, mais ses recommandations sont généralement suivies76.

69 70 71 72 73 74 75 76

Rapport de l'ISDC, pp. 57 s., ch. 1.4.

Rapport de l'ISDC, p. 76, ch. 1.1.1.

Rapport de l'ISDC, p. 77, ch. 1.1.1.

Rapport de l'ISDC, pp. 77 s., ch. 1.1.2.

Rapport de l'ISDC, p. 79, ch. 1.1.3.

Rapport de l'ISDC, p. 83, ch. 2.1.1.

Rapport de l'ISDC, p. 88, ch. 3.1.1.

Rapport de l'ISDC, p. 90, ch. 5.1. Les médias norvégiens dévoilent eux aussi régulièrement des cas de trafic d'influence ou de corruption.

1224

3.3.5

Suède

En Suède, les conflits d'intérêts sont régis par le Administrative Procedure Act et le Public Employment Act. Ces dispositions sont complétées par d'autres réglementations moins contraignantes, parmi lesquelles des directives sur la corruption et les compétences élaborées à l'intention des employés. De nombreux organes publics se sont dotés de codes de comportement (Ethical Guidelines)77. Les titres 11 et 12 du Administrative Procedure Act prévoient dans quels cas et dans quelles circonstances les employés publics traitant d'une affaire ou leurs proches doivent se récuser, en raison de leur implication et des doutes qu'il peut y avoir quant à leur impartialité78.

La Banque de Suède, l'organe de contrôle financier et l'organe de contrôle des substances thérapeutiques obligent leurs membres à déclarer leurs placements financiers79. Les infractions aux règles en matière de conflits d'intérêts peuvent entraîner des mesures disciplinaires allant de l'avertissement au licenciement, en passant par une réduction du salaire; des poursuites pénales ne sont possibles qu'en cas de violation du devoir de fonction à proprement parler80. Le Public Employment Act interdit tout exercice d'activités accessoires qui risquerait de mettre à mal la réputation de l'autorité ou la confiance du public dans cette dernière. Les membres de l'organe de contrôle financier n'ont pas le droit d'assumer des tâches pour des entreprises susceptibles de subir un contrôle81. La Suède n'applique pas de réglementations générales des délais d'attente, que ce soit lors du passage du secteur public au secteur privé ou inversement. Cette question n'en est pas moins débattue82.

Comme la Norvège, la Suède dispose d'un ombudsman, ayant pour tâche, entre autres, de vérifier l'impartialité des employés de l'Etat dans des cas concrets. Les médias jouent également un rôle important dans la mise au jour des conflits d'intérêts parmi les cadres de l'administration83.

3.3.6

Royaume-Uni

Le Royaume-Uni n'a pas de dispositions légales directement applicables pour prévenir les conflits d'intérêts. Les employés du secteur public sont soumis au Civil Service Management Code (code CSM), qui définit les exigences minimales que les ministères, l'administration et les autres organes publics doivent prendre en compte au moment de fixer les droits et les devoirs de leurs employés. Le monde politique britannique, traditionnellement peu favorable à l'interventionnisme législatif, considère plus efficace une combinaison entre codes de comportement et contrôles externes indépendants pour encadrer le service public84. Le Civil Service Code, élaboré pour le service public au sens étroit, contient des normes éthiques dérivées des «sept principes de la vie publique». Ces principes ont été définis en 1994 par le Committee on Standards in Public Life, que le gouvernement britannique avait mis en place 77 78 79 80 81 82 83 84

Rapport de l'ISDC, p. 91 à 93, ch. 1.1.2 et 1.1.3.

Rapport de l'ISDC, p. 93 s., ch. 1.1.1 et pp. 96 s., ch. 1.2.1. La récusation ne vaut pas que pour la prise de décision, mais aussi pour la préparation et les délibérations.

Rapport de l'ISDC, p. 95, ch. 1.1.1.

Rapport de l'ISDC, pp. 98 s., ch. 1.4.1.

Rapport de l'ISDC, pp. 100 s., ch. 2.1.1 s.

Rapport de l'ISDC, pp. 103 s., ch. 3.1.1. Le Groupe d'Etats contre la Corruption (GRECO) et Transparency International Sweden ont critiqué ce manque de transparence.

Rapport de l'ISDC, p. 97, ch. 1.1.1.

Rapport de l'ISDC, p. 109, ch. 1.1.1.

1225

après une succession de scandales publics et de situations impliquant des politiciens apparemment peu soucieux d'éthique85. Les conflits d'intérêts ne sont jamais mentionnés en tant que tels. Les employés n'en sont pas moins tenus de faire preuve, dans le cadre de leur travail, d'un comportement intègre, honnête, objectif et impartial86. Les grandes institutions imposent pour l'essentiel des devoirs stricts de déclarer les intérêts. C'est le cas de la Bank of England et de divers organes de surveillance (Financial Conduct Authority, Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency, Nuclear Decomissioning Authority et Office of Gas and Electricity Markets)87. Il n'existe pas de sanctions spécifiques de droit pénal visant à punir la nonobservation des règles applicables aux conflits d'intérêts. Les violations des devoirs de service sont toutefois passibles de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'au licenciement dans les cas graves. Des sanctions pénales sont également possibles en cas de corruption par exemple88. Conformément au code CSM, les agents publics qui souhaitent exercer une activité accessoire doivent en demander l'autorisation89. Les règles britanniques régissant le passage du secteur public au secteur privé présentent des caractéristiques intéressantes: le code CSM impose aux hauts fonctionnaires (SCS 3) un délai d'attente minimum obligatoire de trois mois entre la fin de l'engagement public et le début de l'activité rémunérée privée (engagement ou mandat). Par ailleurs, la personne concernée, dans les deux ans suivant la fin de son engagement public, est tenue de soumettre tout changement d'employeur à l'approbation du service public. La décision revient à l'Advisory Committee on Business Appointments, qui est rattaché au gouvernement et qui conseille ce dernier en matière de personnel. Les hauts fonctionnaires doivent en outre s'abstenir de toute activité de lobbying pendant deux ans90. Les fonctionnaires appartenant aux cadres inférieurs (SCS 2) ne sont pas soumis à un délai d'attente obligatoire lors du passage du secteur privé au secteur public, mais ils doivent quand même respecter l'obligation d'obtenir une autorisation pour changer d'emploi pendant les deux ans suivant leur départ91. Aucun délai d'attente n'est à observer lors du passage du secteur privé au secteur public.

4

Résultats du sondage réalisé au sein de l'administration fédérale

4.1

Introduction

L'OFJ a réalisé au printemps 2013 un sondage écrit auprès des unités de l'administration fédérale centrale et de l'administration fédérale décentralisée ainsi que des grandes sociétés qui sont aux mains de la Confédération ou qui assument des tâches pour le compte de celle-ci (BNS, La Poste, CNA, SSR). L'objectif était d'une part de réunir des informations plus précises sur leur pratique juridique et sur leurs éven85 86 87

88 89 90 91

Rapport de l'ISDC, p. 109, ch. 1.1.1.

Rapport de l'ISDC, p. 110, ch. 1.1.1.

Rapport de l'ISDC, p. 111 à 115, ch. 1.1.2. Il est toutefois intéressant de constater que les cadres supérieurs de la Bank of England peuvent effectuer des transactions financières, par ex. sur des devises étrangères, moyennant l'obtention d'une autorisation; cf. rapport de l'IDSC, p. 112, ch. 1.1.2.

Rapport de l'ISDC, p. 125, ch. 1.4.

Rapport de l'ISDC, p. 127, ch. 2.1.1.

Rapport de l'ISDC, pp. 131 ss., ch. 3.1.1.

Rapport de l'ISDC, p. 132, ch. 3.1.1.

1226

tuels codes de comportement, de l'autre de mettre au jour les situations dans lesquelles les personnes interrogées décèlent éventuellement des difficultés, des lacunes ou la nécessité de prendre des mesures. Le taux de participation a été bon (64 réponses pour 89 unités interrogées).

4.2

Recrutement de personnel qualifié doté de compétences de décision, de surveillance ou de contrôle

La première question portait sur le recrutement de personnel qualifié doté de compétences de décision, de surveillance ou de contrôle. Aux postes qui requièrent des personnes hautement spécialisées, en particulier, le choix peut être très limité. Lorsque les employeurs privés et publics visent le même petit cercle de candidats potentiels, le risque de conflits d'intérêts augmente et ce d'autant plus quand ils doivent respecter des quotas (langue, sexe, équilibre régional). On s'est donc intéressé à la question de savoir comment les acteurs concernés abordent la situation lors du recrutement. Le sondage a révélé que les unités et sociétés interrogées rencontrent plutôt peu de problèmes de conflits d'intérêts potentiels lors du recrutement. Les dispositions générales prévues à l'art. 7 LPers et à l'art. 22 OPers, qui exigent une mise au concours publique, assurent une certaine transparence lors de l'engagement de personnel. Leur but est d'éviter des conflits d'intérêt dont la probabilité est plus élevée lorsque des postes sont attribués à des relations, sans mise au concours. Les unités administratives telles que l'Office fédéral des routes (OFROU; direction), le Musée national (membres du Conseil du musée), la BNS (Conseil de banque), la FINMA (Conseil d'administration) ou les EPF (Conseil des EPF et direction des différentes institutions des EPF) signalent que c'est le Conseil fédéral qui procède à l'élection de leurs cadres supérieurs. Elles renvoient aussi souvent aux évaluations complémentaires dont l'objectif est d'examiner non seulement les qualifications professionnelles, mais aussi le crédit et l'impartialité des personnes entrant en considération. Les Services du Parlement indiquent qu'ils rencontrent des problèmes de recrutement du personnel scientifique qualifié nécessaire aux organes de surveillance parlementaires en raison non pas de conflits d'intérêts potentiels, mais de la rareté des personnes combinant expérience de l'administration, sensibilité politique et compétences linguistiques, rédactionnelles et communicationnelles élevées.

D'autres participants au sondage fournissent des indications allant dans le même sens. Les Services du Parlement disent envisager une déclaration d'impartialité que les personnes s'occupant de recrutement devraient signer.

La deuxième question, portant
sur la latitude existant sur le marché du travail pour trouver du personnel approprié qui ne risque pas de se retrouver dans un conflit d'intérêts entre sa nouvelle tâche et ses activités passées, a abouti à des résultats contrastés. Les personnes interrogées ont été priées d'évaluer cette latitude sur une échelle de 1 (très faible) à 10 (très grande). Beaucoup d'unités administratives ne rencontrent guère de problèmes et ont indiqué des valeurs de 7 à 10. Les unités qui possèdent des compétences de décision ou de contrôle dans des domaines hautement spécialisés disent en revanche avoir peu de marge de manoeuvre. L'OFROU, par ex., qualifie d'élevée la probabilité que des ingénieurs aient déjà travaillé dans un bureau qui a reçu ou recevra des commandes de la Confédération. Il faut aussi mentionner, en particulier, les unités et organisations du domaine de la santé. L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) constate pour sa part: 1227

«Aux fonctions réclamant des spécialistes, le réservoir de main-d'oeuvre est partiellement asséché, et les candidats potentiels proviennent pour la plupart de branches soumises à la surveillance de l'OFSP. Nous sommes souvent obligés de mettre les postes au concours plusieurs fois, de passer des annonces dans des revues spécialisées ou de recourir au soutien de partenaires extérieurs pour trouver le plus grand nombre possible de candidats potentiels. Les salaires étant plus élevés dans le privé (par ex. l'industrie pharmaceutique, les hôpitaux, etc.) et dans les unités décentralisées de la Confédération (par ex. swissmedic), le nombre des personnes entrant en ligne de compte se réduit encore; c'est particulièrement vrai pour les personnes qui occupent des postes élevés chez des employeurs privés.» swissmedic dit aussi manquer de latitude pour trouver sur le marché de l'emploi des personnes ayant de l'expérience dans le domaine régulé par la législation sur les produits thérapeutiques (et notamment dans l'industrie, dans des cliniques et dans la recherche médicale humaine).

4.3

Garantie de l'indépendance des organes

Une troisième question concernait la garantie de l'indépendance des organes dotés de compétences de décision, de surveillance et de contrôle. L'objectif était notamment de savoir si les unités, organisations et entreprises concernées appliquent des critères légaux ou mis au point par leurs soins pour exclure que les personnes qu'elles emploient présentent des liens d'intérêts problématiques avec d'anciens employeurs ou organisations au sein desquelles elles siégeaient. Les réponses données à ces questions ont été plus ou moins détaillées. Certains participants citent les règles de la LPers, de l'OPers et du code de comportement de l'administration fédérale en vigueur. Nombre d'entre eux évoquent des procédures de sélection strictes, et notamment le principe des quatre yeux (OFROU) et des évaluations spéciales pour les cadres (Office fédéral des transports [OFT], Office fédéral du sport [OFSPO], MPC) ou des contrôles de sécurité relatifs aux personnes (Administration fédérale des contributions [AFC], fedpol, Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales [SFI] pour tous les cadres à partir du niveau de chef de section, Administration fédérales des douanes [AFD] pour le corps des gardes frontière et, pour les cadres supérieurs de ce dernier, vulnérabilité au chantage et situation financière du ou de la partenaire). Quelques participants mentionnent des règlements, codes ou directives internes spéciaux (le Musée national cite le code de déontologie de l'ICOM pour les musées édicté par le Conseil international des musées; PostCom son règlement intérieur92; PUBLICA ses règlements sur le personnel et l'observance, qui limitent les affaires privées). L'AFC, l'Office fédéral de l'environnement [OFEV] et fedpol indiquent l'obligation de déclarer ou de faire autoriser l'exercice d'activités accessoires, d'enseignement et de charges publiques.

Les contrats de travail de l'Office fédéral des constructions et de la logistique [OFCL] contiennent une clause stipulant que l'exercice d'une charge publique et d'autres activités en dehors des rapports de travail requiert systématiquement une autorisation de l'employeur. Au Contrôle fédéral des finances [CDF], les liens d'intérêts sont normalement d'emblée un obstacle à un engagement. L'OFSP examine lui aussi, lors de candidatures, si des conflits d'intérêts pourraient justifier de 92

Cf. le règlement interne de la Commission de la poste du 11 octobre 2012, RS 783.024, art. 18 et 19.

1228

fréquentes récusations, excluant un engagement. L'OFROU et la Chancellerie fédérale [ChF] exigent, en sus du contrat de travail, une déclaration d'indépendance par laquelle les employés s'engagent à ne pas attribuer de mandats aux personnes présentant des liens d'intérêts. L'OFCL a mis au point une déclaration d'impartialité pour les collaborateurs de l'administration fédérale qui passent des marchés. Ces derniers doivent périodiquement déclarer par écrit qu'ils n'entretiennent pas de liens privés avec les fournisseurs. La déclaration d'impartialité peut soit être de portée générale, soit concerner un projet spécifique93. A l'Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication [OFIT] et fedpol aussi, les personnes de contact qui collaborent aux appels d'offres ou adjugent des mandats à des externes doivent signer une déclaration d'impartialité. Les modèles de contrat pour les mandats simples contiennent en outre une clause d'intégrité. L'IFSN possède une réglementation interne selon laquelle les collaborateurs ne peuvent, pendant deux ans, surveiller les entreprises où ils travaillaient avant. De la même manière, swissmedic interdit à ses employés de traiter des dossiers concernant leur ancien employeur pendant un délai d'attente de douze mois94. A fedpol, certaines fonctions ne sont ouvertes qu'à des citoyens suisses95. L'AFC veille à ce que les réviseurs qui procèdent à des contrôles externes d'entreprises, n'interviennent pas dans leur environnement (géographique) immédiat.

4.4

Codes de comportement et directives sur la gestion des liens d'intérêts

4.4.1

Règles visant à éviter et publier les conflits d'intérêts

Le sondage contenait également une question sur les dispositions légales ou contractuelles ou autres règles de comportement pertinentes (codes de comportement) applicables aux liens d'intérêt. A côté des dispositions de la LPers, de l'OPers et du code de comportement de l'administration fédérale, en vigueur dans de nombreux domaines, les personnes interrogées ont signalé l'existence de règles spécifiques adaptées aux besoins particuliers des différentes unités et organisations.

La COMCO, par ex., a adopté un code de conduite spécial96. Les membres de cette commission extraparlementaire, qui observe les pratiques commerciales des entreprises présentes sur le marché au plan du respect de la législation sur la concurrence, sont soumis à des devoirs d'annonce particulièrement stricts sur leurs participations financières à des entreprises (ch. 2.4 du code de conduite de la COMCO).

L'OFROU, qui s'occupe de marchés publics importants dans le domaine de l'infrastructure routière, a rédigé un guide de lutte contre la corruption au sein de l'OFROU qui a été distribué à tous les employés et fait partie de la formation dis93 94 95

96

www.bbl.admin.ch > Conférence des achats de la Confédération CA > Moyens auxiliaires > Déclarations d'impartialité.

Cf. ch. 3.3, al. 2, du code de comportement de swissmedic du 6 juin 2012. Un délai d'attente de 24 mois est même exigé pour les fonctions exposées.

L'art. 23, al. 1, OPers permet aux départements de limiter l'accès à un poste aux personnes possédant la nationalité suisse «dans la mesure où l'accomplissement de tâches impliquant l'exercice de la puissance publique l'exige». Il énumère les domaines où cette limitation est possible (let. a à f).

Code de conduite de la COMCO et de son Secrétariat, adopté par la COMCO le 7 mai 2012, cf. www.comco.admin.ch > La Comco > Code de conduite.

1229

pensée aux nouveaux collaborateurs. L'OFROU aborde le thème de la corruption de manière ciblée dans le cadre de la formation sur les marchés publics. Le Musée national oblige ses employés par contrat à déclarer leurs activités de collection privées.

La BNS dispose de règles spéciales particulièrement détaillées qui ont été remaniées après que Philipp Hildebrand se soit retiré de la présidence de la direction de la BNS97. La Commission fédérale pour les vaccinations [CFV] a adopté le 24 novembre 2010 une «déclaration d'intérêts» pour ses membres. Elle y explique de manière très complète et détaillée les différents types de conflit d'intérêts réel ou potentiel et fixe comment les traiter98. La FINMA possède elle aussi son propre code de conduite99.

L'OFSP possède des directives sur l'observance, PUBLICA un règlement concernant la compliance100. Leurs collaborateurs sont notamment tenus de déclarer chaque année leurs liens d'intérêts. Les parlementaires des deux chambres sont eux aussi soumis à une obligation de signaler leurs intérêts en vertu de l'art. 11 LParl101.

L'ElCom examine la possibilité de compléter tous les contrats de travail par une clause interdisant aux employés d'acquérir des participations à des entreprises électriques et soumettant la détention et l'aliénation de pareilles participations à certaines règles102.

Le SIFEM, entièrement aux mains de la Confédération et qui s'occupe en son nom de la gestion de portefeuille dans le domaine de la coopération au développement, a mis au point une Conflict of Interest Policy qui doit permettre de détecter précocement et d'éviter les conflits d'intérêts réels ou potentiels dans le domaine financier.

Quand ce n'est pas possible, il s'agit au moins de les rendre transparents. Il en va en particulier d'informations obtenues par les employés dans l'exercice de leur activité professionnelle qu'ils pourraient utiliser pour en tirer des avantages patrimoniaux pour eux-mêmes ou pour des proches.

Les règles visant à éviter ou publier les liens d'intérêt des employés s'appliquent normalement à tous les niveaux de la hiérarchie. Tel est le cas notamment dans les unités, organisations ou entreprises qui se fondent sur le code de comportement de l'administration fédérale. Dans certains cas, il existe des directives complémentaires, plus strictes,
pour les cadres, comme à la BNS, qui dispose de règlements pour les membres de la direction élargie et de son propre code de conduite pour les membres du Conseil de banque103. fedpol mentionne ses contrôles de sécurité relatifs aux personnes, dont les trois niveaux sont adaptés à la fonction. A la ComCom, tous les collaborateurs du secrétariat sont soumis au code de comportement de l'administration fédérale, tandis que les personnes qui s'occupent de certaines entreprises dans le cadre de procédures n'ont en outre pas le droit d'effectuer des opérations en bourse avec des entreprises de télécommunications.

97 98 99 100 101 102 103

Cf. ch. 2.7.

www.ofsp.admin.ch > OFSP > Thèmes > Commissions extraparlementaires > Commission fédérale pour les vaccinations (CFV) > La Commission > Indépendance.

www.finma.ch > Réglementation > Lois et ordonnances > FINMA.

Règlement du 23 août 2012, www.publica.ch > Qui sommes-nous? > Bases légales.

RS 171.10. Cf. ch. 2.3.2.

Elle pourrait par ex. soumettre l'aliénation de participations par d'anciens employés à un délai d'attente courant à partir de la fin des rapports de travail.

Cf. ch. 2.7.

1230

4.4.2

Date de la publication des conflits d'intérêts

L'OFJ s'est également enquis de la date à laquelle les conflits d'intérêts réels ou potentiels doivent être publiés. Le code de comportement de l'administration fédérale ne contient aucune disposition explicite sur le sujet, mais il exige que les employés aient un comportement responsable et communiquent leurs charges publiques et activités accessoires à leurs supérieurs. On peut en conclure que la déclaration de conflits d'intérêts réels ou potentiels doit intervenir au plus tard lorsqu'ils apparaissent ou dès qu'il semble possible qu'ils apparaissent. Bon nombre d'unités administratives s'expriment dans ce sens (déclaration anticipée [AFF, OFEN, AFD], faite sans tarder [Etat-major de l'armée (EM A), IFSN104, ComCom], immédiate [SG DDPS, OFCL]). En cas de doute, l'employé doit également consulter ses supérieurs.

C'est ce que prévoient par ex. l'AFF et le SG DFJP. Plusieurs sondés indiquent que les conflits d'intérêts sont un sujet abordé dès le stade des entretiens d'embauche ou dans le cadre des investigations effectuées au moment d'engager de nouveaux collaborateurs (OFT, DETEC, PostCom, EM A, CDF, OFEN, OFSP, SG DDPS, swissmedic, Office fédéral de la culture [OFC], Office fédéral du développement territorial [ARE]). Pour le reste, les obligations de déclaration s'appliquent lors de l'entrée en service (c'est ce qu'indiquent par ex. l'OFROU et le Musée national). L'OFSP et l'AFD abordent le sujet des conflits d'intérêts lors des entretiens de développement personnel. Quelques unités administratives exigent une confirmation écrite que les dispositions du code de comportement de l'administration fédérale ou des directives complémentaires spécifiques sont connues (comme le SG DDPS et swissmedic dans une déclaration d'impartialité). swissmedic oblige tous ses employés à remplir une déclaration sur leur fortune dans les six mois suivant leur entrée en fonction. Les cadres doivent remplir tous les deux ans un questionnaire sur leur intégrité et leur loyauté et confirmer qu'ils connaissent le code de comportement de swissmedic et qu'ils s'y tiennent.

4.4.3

Information du public sur les liens d'intérêts des employés

Le sondage comportait également une question concernant l'information du public sur les liens d'intérêts des collaborateurs. La majorité des personnes interrogées ont répondu que leur unité n'informait pas activement le public. Motif invoqué: les exigences de la protection des données. Mais il existe ici ou là des répertoires ou des registres accessibles à tous qui dressent la liste des liens d'intérêts des personnes concernées, comme les membres des organes parlementaires, de PostCom, du SIFEM, de la BNS (les liens d'intérêts des membres du Conseil de banque de la BNS sont publiés sur son site) et de swissmedic (les liens d'intérêts des experts externes figurent sur le site de swissmedic).

104

L'IFSN exige des employés qu'ils communiquent immédiatement qu'ils ont signé un contrat de travail avec une des entreprises qu'il surveille.

1231

4.5

Incidents survenus dans la pratique, risques et mesures en cas de conflit d'intérêts

4.5.1

Incidents déjà survenus

Une question abordait les incidents déjà survenus en raison de conflits d'intérêts.

Nombre de sondés ont indiqué n'avoir eu aucun problème. Le CDF souligne que, n'acceptant aucun lien d'intérêt dès la date de l'engagement, il ne rencontre pas de problème. D'autres unités administratives expliquent que, dans quelques cas concrets, des participations financières ont dû être aliénées ou des mandats abandonnés lors de l'entrée en fonction. Les activités accessoires sont citées à maintes reprises, parce qu'elles sont régulièrement sujettes à discussion. L'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) signale par exemple les activités liées à la formation des détenteurs de chiens rendue obligatoire par la nouvelle loi sur la protection des animaux. L'ISDC cite un cas de conseils indépendants dans des questions d'ordres juridiques étrangers et des cas de traduction de textes juridiques.

fedpol examine activités et intérêts politiques. Les sympathies pour des points de vue ou groupements politiques extrêmes pourraient entrer en conflit avec des tâches de l'office dans le domaine de la lutte contre l'extrémisme ou contre la violence des supporters dans les stades sportifs. Quelques participants au sondage de l'OFJ évoquent des conflits d'intérêts potentiels dans des domaines très spécialisés ou segmentés, où le réservoir de collaborateurs entrant en ligne de compte est limité et doit être partagé avec l'économie privée (par ex. OFSPO).

4.5.2

Risques et mesures spécifiques en cas de conflit d'intérêts

La question des risques spécifiques et des mesures prises à leur encontre a reçu une réponse négative dans de nombreux cas. Les conflits d'intérêts dus aux liens de parenté ne semblent pas poser de problèmes particuliers. Il n'en va pas de même des conflits d'intérêts fonctionnels. Les unités administratives et organisations qui s'acquittent de tâches dans les domaines des finances et des impôts ou exercent des fonctions d'autorisation et de contrôle dans les domaines de la santé, des transports ou de l'énergie signalent l'existence de pareils risques. La CFMJ prévient les conflits d'intérêts auprès de son personnel de surveillance en limitant la durée de ses contrats à trois ans. L'AFF a des consignes particulièrement strictes pour ses collaborateurs travaillant à la Trésorerie fédérale et qui seraient en mesure d'abuser des informations privilégiées dont ils disposent sur les marchés financiers. L'OFROU a fixé des critères objectifs pour l'adjudication de mandats, critères totalement transparents publiés dans son manuel sur les marchés publics105. Lors d'adjudications de gré à gré, l'OFROU peut prononcer des interdictions pour un certain temps à l'encontre de certaines entreprises lorsque des employés de l'OFROU sont passés dans l'économie privée106. L'OFJ qualifie de potentiellement problématique les activités accessoires d'avocat ou de conseil exercées par des employés dans le 105

Manuel sur les marchés publics, Routes nationales, OFROU. 7e édition du 1er février 2014, www.ofrou.admin.ch > Documentation > Modèles pour les projets d'infrastructure > Acquisitions et contrats.

106 Ces interdictions peuvent toutefois s'avérer délicates quand elles équivalent dans les faits, pour les entreprises concernées, à une interdiction de travail ou de concurrence.

1232

champ d'opération de l'office107. L'AFD signale le risque de corruption existant dans le contrôle des importations et exportations de marchandises aux frontières.

Dans les cas suspects, la réaction consiste à ordonner un contrôle de sécurité du niveau le plus élevé. L'OFSP évoque des risques dans la surveillance du domaine pharmaceutique et des différents fournisseurs de prestations de la santé publique ainsi que dans l'autorisation et le contrôle de produits chimiques. Pour les contrer, il sensibilise en permanence les cadres, mais aussi et surtout s'organise pour écarter ses employés des dossiers concernant des entreprises pour lesquelles ils ont travaillé par le passé. Plusieurs personnes sont en outre associées aux processus de décision.

Le DDPS mentionne armasuisse comme domaine particulièrement sensible, car les risques de corruption sont élevés au plan international dans les affaires d'armement.

C'est pourquoi les employés reçoivent une formation spéciale. Les directives concernant l'acceptation de cadeaux et d'avantages au sein des groupements armasuisse et Défense, qui mettent en application le code de comportement de l'administration fédérale et ses dispositions d'exécution, sont entrées en vigueur le 1er juillet 2013.

L'activité de fedpol est particulièrement sensible, parce que la réputation de l'office et la confiance dans l'intégrité de la poursuite pénale peuvent vite pâtir de conflits d'intérêts dans le domaine de la lutte contre la criminalité. Dans les cas suspects, des mesures de droit du personnel telles qu'enquête disciplinaire sont prises immédiatement, qui peuvent aller jusqu'à la résiliation immédiate des rapports de travail.

L'OFCL (marchés publics), l'IFSN et l'AFC accordent une grande importance au principe des quatre yeux. L'AFC est notamment confrontée à des risques élevés lors des contrôles externes dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée. Parallèlement aux formations internes, elle procède surtout à des délimitations géographiques de domaines pour exclure les conflits d'intérêts dus à des liens de proximité.

4.6

Sanctions en cas d'atteinte aux règles sur la gestion des liens d'intérêts

A la question de savoir quelles sanctions sont prises en cas d'atteinte aux règles sur la gestion des liens d'intérêts, bon nombre de sondés renvoient au droit du personnel. Ils citent l'ouverture d'enquêtes administratives et des mesures disciplinaires telles qu'avertissements, réprimandes et griefs et jusqu'à la résiliation des rapports de travail. La ComCom évoque aussi la possibilité de révoquer les membres de la commission qui ne communiquent pas leurs liens d'intérêts pendant la durée de leur mandat (art. 8f, al. 4, OLOGA). Rares sont les personnes interrogées qui donnent des exemples concrets de sanctions prononcées.

4.7

Récusation

4.7.1

Règles de récusation

Interrogées sur les dispositions légales ou contractuelles et les règles de comportement régissant la récusation, la plupart des personnes interrogées renvoient, sans surprise, aux normes de l'OPers et au code de comportement de l'administration 107

Comme dans les domaines de l'entraide judiciaire, de l'aide en matière de prestations d'entretien, d'aide sociale aux Suisses de l'étranger.

1233

fédérale. Pour fedpol et pour le Service d'enquête suisse sur les accidents (SESA), l'obligation de se récuser est soumise à des dispositions particulières précises108.

Quelques unités chargées de tâches de contrôle et de surveillance délicates ont adopté des directives internes complémentaires ou défini des règles de conduite.

Outre l'IFSN, PUBLICA, swissmedic, la BNS et la FINMA, déjà cités, il s'agit par ex. du Musée national, qui s'en tient au code de déontologie pour les musées109 adopté par l'ICOM. Quelques unités des EPF ont elles aussi adopté des directives spéciales pour préserver l'intégrité scientifique. Les règles de récusation s'appliquent généralement de manière aussi stricte à tous les niveaux de la hiérarchie.

4.7.2

Risques spécifiques et incidents survenus dans la pratique de la récusation

Les participants au sondage ont également été interrogés sur les risques et cas concrets de récusation. A une occasion où il s'agissait d'engager et de promouvoir un parent par alliance, le cadre compétent a délégué l'affaire de manière conséquente et durable à son suppléant. Le Musée national veille soigneusement, lorsqu'il acquiert des biens culturels, à ce que les collaborateurs proches des personnes qui aliènent leur bien se récusent. swissmedic évoque des cas sporadiques dans lesquels ses collaborateurs auraient dû traiter des demandes d'autorisation de médicaments ou contrôler des études cliniques au développement ou à l'établissement desquels ils avaient participé dans le passé. Les intéressés ont transmis le dossier. Dans un cas, une personne qui avait mis au point une substance active brevetée avant d'entrer chez swissmedic a démissionné parce qu'elle entendait la commercialiser. Il se produit régulièrement des conflits d'intérêts qui aboutissent à une récusation chez swissmedic en raison du réservoir limité de personnel disponible à même d'exercer les tâches de contrôle qui lui incombent. Ces cas sont consignés par écrit. A la FINMA, une personne s'est récusée il y a quelques années quand l'autorité de contrôle a rédigé un rapport critique sur une entreprise dans le conseil d'administration de laquelle elle avait jadis siégé. A l'OFROU, quelques personnes ont dû se récuser dans le cadre de marchés publics. L'OFSPO évoque des récusations dans le cadre de subventionnements de clubs sportifs et d'acquisition de matériel sportif. A fedpol, des personnes ont dû se récuser lorsque des mandats de prestation ont été attribués à des entreprises de sécurité privées parce que les employés en question connaissaient des personnes travaillant dans la branche. L'OFCL évoque des risques potentiels lors de l'évaluation d'offres ou du choix de projets dans des mises au concours. Il ne les recense pas.

En ce qui concerne les décisions prises pour réduire les cas de récusation, les personnes interrogées citent avant tout des mesures d'ordre organisationnel (séparation des dossiers, délimitation claire des compétences) et des mesures de contrôle telles que le système du double référent ou le principe des quatre ou des six yeux. La 108

Les enquêteurs de la Police judiciaire fédérale, rattachée à fedpol, sont soumis aux dispositions sur la récusation figurant aux art. 56 ss du code de procédure pénale (RS 312.0), ceux du SESA à celles de l'art. 25 de l'ordonnance du 23 novembre 1994 relative aux enquêtes sur les accidents d'aviation et sur les incidents graves (RS 748.126.3). Une personne chargée par le SESA d'enquêter est par ex. considérée comme impliquée quand son ancien ou actuel employeur (en cas d'activité accessoire) est concerné par l'enquête.

109 Le code de déontologie a été adopté le 4 novembre 1986 et modifié en 2001 et 2004, www.museums.ch > Standards.

1234

violation de l'obligation de se récuser a des conséquences juridiques comme l'annulabilité, voire la nullité de la décision. Dans les cas de peu de gravité, l'incident est suivi d'entretiens, du retrait de l'autorisation d'exercer une activité accessoire ou du réaménagement du domaine d'activité de la personne concernée.

Dans les cas graves, des mesures disciplinaires sont prises, qui peuvent aller jusqu'à la résiliation des rapports de service ou au renvoi immédiat des collaborateurs. Les membres des commissions extraparlementaires ne peuvent être réélus et sont même révoqués dans les cas graves, par ex. lorsqu'ils refusent de communiquer leurs liens d'intérêts alors que les autorités compétentes le demandent (art. 8f, al. 4, OLOGA).

4.8

Activités accessoires

L'OFJ s'est également enquis des activités accessoires et des règles qui s'y appliquent. Beaucoup de réponses données dans le sondage renvoient aux art. 91 ss OPers, qui traitent des obligations d'informer et de déclarer. L'AFD, l'AFF, la FINMA et l'OFSPO concrétisent la procédure d'annonce et d'autorisation d'activités accessoires dans des directives110. METAS règle les activités accessoires de ses collaborateurs dans son ordonnance sur le personnel111. L'IFSN112, PUBLICA et le SIFEM renvoient aussi à des règles complémentaires figurant dans des règlements sur le personnel ou sur l'observance. fedpol a adopté une directive concernant l'exercice des activités accessoires et des charges publiques qui concrétise les dispositions de l'OPers et les adapte aux besoins de l'office. La directive précise notamment quand il existe un risque de performances moindres ou de conflit avec des intérêts du service113. L'OFT, l'AFC et l'OFCL fixent également les droits et les devoirs associés à l'exercice d'activités accessoires dans les contrats de travail des personnes concernées. L'ARE sonde chaque année ses collaborateurs pour savoir s'ils exercent des activités accessoires.

110

Cf. ch. 4.2.6 «Activités accessoires et charges publiques; obligation de remettre le revenu à la Confédération» des prescriptions D52 de l'AFD du 18 avril 2013 (disponibles seulement sur l'intranet de l'AFD); ch. 4.1 des instructions relatives au comportement du personnel de l'Administration fédérale des finances du 10 décembre 2012 (instructions de l'AFF sur le comportement); ch. 4 du code de conduite de la FINMA, www.finma.ch > Réglementation > Lois et ordonnances > FINMA.

111 Art. 16 de l'ordonnance du METAS du 24 octobre 2012 relative à son personnel (OPersMETAS; RS 941.273). De plus, l'art. 19, al. 4, du règlement du 28 juin 2012 relatif au personnel de l'Institut fédéral de métrologie (RPers-METAS) règle l'octroi de congés pour l'exercice d'une charge officielle.

112 A l'IFSN, l'exercice d'activités annexes et de charges publiques est soumis à l'accord de l'organe compétent (art. 4, al. 1, du code de conduite de l'IFSN). L'accord est donné «si l'activité annexe ou la charge publique ne nuit pas à la réputation de l'IFSN et n'entre pas en conflit avec l'activité exercée pour l'IFSN» (art. 4, al. 2).

113 Le risque de conflit avec les intérêts de fedpol est notamment réel quand: ­ l'indépendance du collaborateur dans sa fonction à fedpol ou la confiance dont il bénéficie pourraient être remises en question par l'exercice d'une activité accessoire ou d'une charge publique (par ex. journalisme d'investigation, exploitation d'un cabaret ou d'une agence privée de détectives); ­ le collaborateur conseille ou représente des tiers pour des affaires qui font partie des tâches de l'unité administrative à laquelle il appartient (par ex. conseils pour une entreprise de sécurité privée); ­ l'activité est en rapport avec des mandats exécutés pour le compte de la Confédération ou que celle-ci doit attribuer à brève échéance (par ex. conduite d'une organisation subventionnée par l'office).

1235

A la question de savoir si le taux d'occupation des employés joue un rôle dans le traitement des activités accessoires, la majorité des unités ont répondu par la négative. Plusieurs ont toutefois indiqué que les employés dont le taux d'occupation est faible sont plutôt tributaires d'activités accessoires, raison pour laquelle on se montre plus généreux envers eux (par ex. à l'AFD). Selon les EPF, les activités accessoires qui prennent beaucoup de temps requièrent éventuellement une réduction du taux d'occupation114. Le SESA, qui enquête en particulier sur les accidents d'avion et de train, mentionne que ces événements de grande ampleur ne sont pas prévisibles et qu'il ne peut y faire face qu'avec un modèle de travail prévoyant un certain nombre d'enquêteurs travaillant à titre accessoire et pouvant être appelés en cas de besoin. Ces personnes ont d'autres activités. Les Services du Parlement signalent quant à eux que les employés à temps partiel ont en principe le droit de pouvoir travailler à 100 %, raison pour laquelle il faut les autoriser à avoir d'autres activités.

Les conditions présidant à l'autorisation d'activités accessoires s'appliquent en principe de la même manière à tous les collaborateurs. Quelques unités évoquent toutefois que la sensibilité et la réserve sont plus élevées envers les cadres (OFSP, AFC, fedpol). L'AFD n'autorise les activités accessoires chez les cadres supérieurs du Corps des gardes frontière que de manière très restrictive. Dans le cas des EPF, quelques dispositions ne sont applicables qu'aux professeurs. La BNS interdit aux membres de la Direction générale élargie d'exercer une «autre activité professionnelle, rémunérée ou non»115.

Interrogées sur les éventuels problèmes qu'elles rencontrent en raison des activités accessoires de leurs employés, la plupart des unités et des organisations répondent par la négative. L'OFJ et l'ISDC indiquent se demander, dans le cas des petits taux d'occupation, si ce n'est pas plutôt l'activité au sein de l'administration fédérale qui est accessoire. Les Archives fédérales suisses (AFS) attachent une attention particulière aux activités accessoires, vu l'importance croissante du marché de l'information, lors du traitement des archives. L'AFD a interdit dans un cas concret l'exploitation d'un commerce d'importation sur Internet. Il
existe parfois des problèmes temporaires lors des changements de poste, notamment en ce qui concerne la fin de procédures en cours chez l'ancien employeur pour des personnes entrant au service du MPC. Sont également évoquées des activités accessoires qui entraînent une surcharge chez les employés déjà très pris (AFD, IFSN).

Tous les participants au sondage répondent également par la négative à la question de savoir s'ils doivent prononcer des sanctions du fait de l'exercice d'activités accessoires. Si la chose s'avérait nécessaire, ils prendraient une des mesures prévues dans le droit du personnel de la Confédération. Quelques-uns indiquent qu'une interdiction immédiate d'exercer l'activité accessoire pourrait être ordonnée en cas de problème.

Les personnes interrogées ne prévoient généralement pas d'information du public sur les activités accessoires de leurs collaborateurs, car il s'agit d'une affaire interne.

Certaines renvoient à la protection des données (Services du Parlement). Dans 114

L'ARE remarque lui aussi que les activités accessoires sont considérées d'un oeil plus critique chez les collaborateurs à plein temps que chez ceux à temps partiel.

115 Ch. 2.4, al. 2, du règlement régissant les rapports de travail des membres de la Direction générale de la Banque nationale suisse et de leurs suppléants du 14 mai 2004, www.bns.ch > La BNS > Fondements juridiques > Directives et règlements.

1236

quelques cas, les unités et organisations opérant dans des domaines particulièrement sensibles rendent toutes les activités des employés concernés publiques (comme swissmedic, la ComCom sur Internet). L'AFC n'exclut pas de divulguer les activités accessoires de cadres supérieurs sur requête spécifique si la chose est compatible avec la protection des données parce que l'intéressé a par ex. donné son accord à la publication.

4.9

Délais d'attente à la fin des rapports de travail avec la Confédération

Le sondage abordait également la question des éventuels délais d'attente que les employés sont tenus de respecter à la fin de leurs rapports de travail avec la Confédération avant d'exercer une autre activité ou de contracter certains liens d'intérêts.

Bon nombre de réponses se fondent sur l'art. 94b OPers, qui dispose: «Les unités administratives qui prennent ou préparent des décisions dans les domaines de la surveillance, de la taxation ou de l'adjudication ou des décisions de portée comparable peuvent convenir, lors de la conclusion du contrat de travail avec des employés exerçant la fonction de secrétaire général, de directeur, de directeur suppléant ou de sous-directeur, ainsi qu'avec les autres membres de la direction, que ces employés n'ont pas le droit, pendant au maximum deux ans après la fin de leurs rapports de travail, d'exercer une activité pour un autre employeur ou mandant qui, au cours des deux années ayant précédé la résiliation des rapports de travail, a été concerné de manière déterminante par une des décisions mentionnées.» La grande majorité des personnes interrogées indiquent ne pas avoir fixé de règles plus strictes que la disposition citée. Il ressort de diverses réponses que les services concernés ne font en outre qu'un usage modéré de la possibilité de convenir d'un délai d'attente. L'OFROU dit par exemple qu'un délai d'attente équivaudrait, sur le marché restreint de l'ingénierie routière, à une interdiction professionnelle, chose irréalisable du fait des problèmes de recrutement116. Certains participants au sondage qui ne conviennent pas ou seulement rarement d'un pareil délai évoquent le fait que le secret de fonction et le secret commercial s'appliquent après la fin des rapports de travail, indépendamment de tout délai d'attente convenu (swissmedic, AFD, MPC, SG DDPS). La BNS prévoit diverses restrictions pour les activités des membres de sa direction élargie à la fin de leurs rapports de travail. Ces derniers ne peuvent, pendant six mois, travailler pour un intermédiaire financier en Suisse ou à l'étranger. Le délai d'attente est même de douze mois117 pour les activités exercées auprès des banques d'importance systémique au sens de la loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques (LB)118. Il faut noter, enfin, que l'OLOGA ne contient aucune base légale comparable à l'art. 94b OPers sur les délais d'attente applicables aux commissions extraparlementaires.

116

D'après le sondage, les unités administratives suivantes semblent ne conclure actuellement ou généralement aucun contrat contenant un délai d'attente: SG-DFJP, SG DETEC, OFJ, Musée national, OFT, AFD, OFSPO, OFEN, METAS, OFSP, OSAV, ChF, fedpol,MétéoSuisse, swissmedic, MPC, IFSN, PUBLICA, AFC, Elcom, OFEV, SFI.

117 Cf. ch. 4.5 du règlement régissant les rapports de travail des membres de la Direction générale de la Banque nationale suisse et de leurs suppléants, www.bns.ch > La BNS > Fondements juridiques > Directives et règlements.

118 RS 952.0

1237

Toutes les personnes interrogées, pour autant qu'elles s'expriment sur ce point, indiquent n'avoir aucune pratique sur l'indemnisation des éventuels délais d'attente.

Elles n'en voient pas le besoin.

4.10

Nécessité de prendre des mesures

A la question de savoir s'il faut prendre des mesures pour gérer les liens d'intérêts, l'incompatibilité, la récusation et les activités accessoires, les réponses ont été très nettes. A quelques exceptions près119, aucune mesure ne s'impose120, il faudrait même simplifier, assouplir et harmoniser le droit en vigueur. Nombreux sont ceux qui estiment que les réglementations actuelles du droit du personnel, modifiées et élargies récemment, sont suffisantes. Elles couvrent les principaux sujets. L'OFPER explique que la révision de l'OPers et la création du code de comportement de l'administration fédérale ont déjà réalisé l'uniformisation du droit que réclame le postulat Recordon (12.3114). Le SIFEM estime que des restrictions légales supplémentaires risqueraient de réduire l'efficacité de son conseil d'administration parce qu'il est difficile, dans son domaine très spécialisé, de trouver des candidats compétents sans conflit d'intérêts potentiel. L'OFJ et l'ISDC sont d'avis que tout renforcement des instruments existants ne pourrait que provoquer un surplus de travail administratif aux collaborateurs, à leurs supérieurs et aux services transversaux, raison pour laquelle il faut à tout prix y renoncer. Le SG DETEC souhaiterait davantage de souplesse dans les règles concernant l'indemnisation afin que la marge de manoeuvre soit plus grande lors du recrutement d'experts indépendants.

Selon l'OFSP, il serait nécessaire de prendre des mesures afin de parfaire et mieux harmoniser les dispositions existantes. Les obligations de communiquer les activités accessoires et de demander une autorisation pour en exercer, souvent modifiée ces derniers temps, rend très difficile l'évolution d'une pratique et d'une culture constantes et connues dans l'office. L'extension de l'obligation de communiquer à toutes les activités rétribuées (art. 91, al. 1, OPers) n'est pas adéquate du point de vue de l'observance vu que ces activités n'ont souvent rien à voir avec le travail effectué pour l'office (par ex. direction de choeur rétribuée avec une répétition par semaine).

Inversement, les activités accessoires non rétribuées devraient par ex. être soumises à une obligation de communiquer lorsqu'elles comportent une baisse potentielle des performances (cf. toutefois art. 91, al. 1bis, OPers). La définition des activités que
les employés exercent «en raison de leurs rapports de travail avec la Confédération» et dont la rémunération doit être remise pose régulièrement des problèmes d'interprétation et de délimitation d'après l'OFSP.

L'OFSPO souhaiterait que la tolérance zéro postulée dans l'OPers soit à nouveau appliquée avec mesure pour ne pas exposer les collaborateurs au risque latent de 119

L'OFEN juge souhaitable que l'obligation de ne pas acquérir de papiers-valeurs ou d'autres participations financières ou autres dans le domaine de l'économie énergétique soit étendue aux collaborateurs du nouveau département Radioprotection et sûreté de l'Institut Paul Scherrer. L'OFT propose que tous les contrats de travail individuels renvoient explicitement aux règlementations légales en vigueur.

120 Telles sont les réponses données par: SG-DEFR, AFF, OFPER, OFROU, Musée national, SG DFJP, OFJ, ISDC, AFD, AFS, BNS, EM A, CDF, SESA, Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes (BFEG), METAS (clairement non), OFSP, SG-DDPS, OVF, ChF, MPC, MétéoSuisse, swissmedic, OFIT, OFC, IFSN, PUBLICA, AFC, Services du Parlement, OFAS, EPF, fedpol, OFCL, ARE, OFEV, SFI, ComCom, SIFEM.

1238

porter atteinte au droit. Il est par exemple inadapté et impraticable d'exiger d'employés impliqués dans un processus d'achats, de décision ou de contrôle de rompre les conventions sociales. Tous les collaborateurs doivent être autorisés à accepter les «petits avantages», correspondant à une pratique courante, qui résultent d'une collaboration usuelle avec ses partenaires (comme une invitation à un café ou un repas «normal» offert dans les locaux de partenaires commerciaux).

5

Evolution récente à la Confédération

L'attention portée aux conflits d'intérêts, qu'ils soient effectifs ou potentiels, s'est fortement accrue ces dernières années, tandis que les réglementations dans ce domaine ont fortement évolué. Cette dynamique est toujours à l'oeuvre. Voici un état des lieux des développements récents ou en cours.

5.1

Rapports du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise

Le Conseil fédéral a publié en septembre 2006 un rapport sur le gouvernement d'entreprise121, suivi en mars 2009 d'un rapport complétant ce dernier de principes touchant aux domaines du droit du personnel et du droit en matière de prévoyance professionnelle122. Les deux rapports ont pour but l'élaboration d'un modèle cohérent d'externalisation et de gestion des tâches fédérales. La question de la gestion juridique des conflits d'intérêts est étroitement liée à l'organisation de l'administration centrale. Dans le cas des entités devenues autonomes qui sont contrôlées par la Confédération ou qui exécutent des tâches pour cette dernière, il s'agit de savoir, par exemple, si les dispositions concernant le devoir de fidélité doivent être régies par le droit public ou par le droit privé, et à quelles conditions et sous quelle forme elles s'appliquent. Dans son rapport sur le gouvernement d'entreprise de 2006, le Conseil fédéral souligne combien il est important à ses yeux que la loi prévoie, pour les membres du conseil d'administration ou d'institut et pour la direction des entités devenues autonomes, un «devoir de fidélité» en sus de «règles claires sur la procédure à adopter en cas de conflits d'intérêts». Le tout afin de «renforcer l'intégrité de l'entité devenue autonome et de ses organes, et éviter ainsi d'éventuels dommages»123. Dans son 6e principe directeur sur les organes comme élément de gestion, le Conseil fédéral arrête: «Les membres du conseil d'administration ou du conseil d'institut, ainsi que de la direction défendent les intérêts de l'entité devenue autonome. Les membres concernés par des conflits d'intérêts doivent se récuser. Des conflits d'intérêts durables

121

Rapport du Conseil fédéral du 13 septembre 2006 sur l'externalisation et la gestion des tâches de la Confédération (ci-après rapport sur le gouvernement d'entreprise), FF 2006 7799.

122 Rapport du Conseil fédéral du 25 mars 2009 complétant le rapport sur le gouvernement d'entreprise ­ Mise en oeuvre des résultats des délibérations au sein du Conseil national, FF 2009 2299 (ci-après rapport complémentaire).

123 Rapport sur le gouvernement d'entreprise, FF 2006 7799 7835.

1239

excluent l'appartenance au conseil d'administration ou au conseil d'institut, ainsi qu'à la direction»124.

Dans son rapport complémentaire de 2009, le Conseil fédéral a tenté de développer, pour la première fois, des critères systématiques pour élaborer, à l'intention des entités devenues autonomes, des objectifs stratégiques en matière de personnel. Le Conseil fédéral déplore la situation «hétérogène» qui caractérise l'élaboration des statuts du personnel de ces entités, qui sont tantôt de droit public (qu'ils entrent ou non dans le champ d'application de la LPers), tantôt de droit privé125. Toutes ces réglementations spéciales entraînent une dispersion du droit du personnel qui nuit à la sécurité du droit et qui sape progressivement la fonction de coordination de la LPers126. Le Conseil fédéral envisage les catégories suivantes: les entités devenues autonomes chargées de la surveillance de l'économie et de la sécurité et les entités qui fournissent des prestations à caractère monopolistique devront appliquer à l'avenir à leur personne, dans le cadre de la LPers, un statut de droit public (principe 29 du rapport complémentaire). Le Conseil fédéral devra approuver les dispositions d'exécution spécifiques à l'entreprise applicables à ces deux catégories (principe 30 du rapport complémentaire); il ira va de même des contrats d'affiliation de ces entités à PUBLICA (principe 36 du rapport complémentaire). Les entités devenues autonomes qui fournissent principalement des prestations sur le marché appliqueront à leur personnel un statut de droit privé. La nature de ce statut est à définir dans la loi d'organisation. Les statuts du personnel et de la caisse de pensions devront appartenir au même domaine juridique (soit le droit privé, soit le droit public)127.

Concernant les organes de surveillance, il s'agira de mettre l'accent sur leur impartialité, gage de décisions objectives et neutres.

La mise en oeuvre de ces catégories devra se faire de manière pragmatique. Il n'est pas prévu de réexaminer les statuts du personnel des entités déjà autonomes à l'aune des principes établis. La conversion d'un statut de droit public en un statut de droit privé, et inversement, poserait des problèmes considérables à l'entité concernée et ne serait possible qu'au prix de coûteux efforts. C'est pourquoi, dans le cas
d'une entité devenue autonome appliquant à son personnel un statut de droit public, on saisira par exemple l'occasion d'une révision totale des bases organisationnelles pour examiner s'il y a lieu de la soumettre à la LPers ou, dans le cas où elle fournit des prestations sur le marché, si les dispositions du CO sur le droit privé doivent s'appliquer128.

124 125 126 127

128

Rapport sur le gouvernement d'entreprise, FF 2006 7799 7836; rapport complémentaire, FF 2009 2299 2356.

Rapport complémentaire, FF 2009 2299 2328.

Rapport complémentaire, FF 2009 2299 2327, ch. 4.5, 2330, ch. 4.7.

Rapport complémentaire, FF 2009 2299 2331, cf. aussi le principe directeur no 29, pp. 2333 et 2360. Les réglementations applicables aux entités devenues autonomes contrôlées par la Confédération qui fournissent des prestations sur le marché, comme La Poste, Swisscom, RUAG, les CFF, doivent être régies par le droit privé. Dans ces cas également, le Conseil fédéral veut, lors de l'élaboration des statuts, «que les conflits d'intérêts dans le conseil d'administration et la direction soient clairement réglementés», cf. rapport sur le gouvernement d'entreprise, FF 2006 7799 7853.

Rapport complémentaire, FF 2009 2299 2332.

1240

5.2

Les recommandations du GRECO et leur mise en oeuvre

Le 1er juillet 2006, la Suisse a adhéré à l'accord partiel instituant le Groupe d'Etats contre la Corruption (GRECO). En septembre 2007, une équipe d'évaluation du GRECO s'est rendue en Suisse dans le cadre des deux premiers cycles d'évaluation conjoints. Le premier cycle d'évaluation portait sur l'indépendance, la spécialisation et les moyens des organes nationaux chargés de prévenir et de combattre la corruption. Le GRECO a rendu un premier rapport d'évaluation le 4 avril 2008129. Il y reconnaissait déjà que la Suisse prenait au sérieux la lutte contre la corruption, ce dont attestait l'élaboration d'un code de comportement pour les employés de la Confédération (2000) et d'autres codes de comportement destinés aux employés du DFJP, du DEFR (anciennement DFE) et du DFAE, la publication par l'OFPer, en 2006, de diverses directives sur les activités accessoires et l'exercice de charges publiques130, et diverses mesures visant à sensibiliser l'administration sur ce thème131. Le GRECO a adressé à la Suisse treize recommandations, dont trois (les numéros 9, 10 et 11) concernent des aspects particulièrement importants de la gestion des conflits d'intérêts. Il a constaté la relative complexité des réglementations en vigueur à l'époque dans le domaine des conflits d'intérêts et des incompatibilités132. Dans son rapport, il a relevé l'absence de réflexions sur les risques que représente l'engagement par le privé d'un employé issu de l'administration fédérale133. Le GRECO a recommandé à la Suisse «de renforcer l'offre de formation pour les agents fédéraux, sur les thèmes de l'éthique, de la corruption et de sa prévention; d'améliorer la gestion des conflits d'intérêts et de réglementer le pantouflage [...]» (recommandation 9)134. Il s'est également penché sur la question de l'acceptation de cadeaux. Il a recommandé à la Suisse «de préciser les règles en matière de dons et cadeaux pour tous les agents publics fédéraux et de renforcer la sensibilisation aux codes d'éthique et leur importance en pratique» (recommandation 10)135. Enfin, il a appelé de ses voeux l'adoption d'un cadre légal destiné «à obliger les employés de la Confédération à signaler les soupçons de corruption [et] à protéger efficacement les personnes qui signalent de tels soupçons» (recommandation 11)136.

Dans son rapport de conformité sur
la Suisse, publié le 26 mars 2010137, le GRECO a rendu compte de l'état de la mise en oeuvre de ses recommandations. Il s'y dit très satisfait des progrès accomplis. Le 3 septembre 2008, le Conseil fédéral avait déjà 129

130

131 132 133 134 135 136 137

GRECO, Premier et deuxième cycles d'évaluation conjoints. Rapport d'évaluation sur la Suisse, adopté par le GRECO lors de sa 37e réunion plénière (du 31 mars au 4 avril 2008), ci-après: rapport d'évaluation GRECO. Le DFJP l'a rendu accessible le 2 juin 2008 à l'adresse www.ofj.admin.ch > Sécurité > Corruption (GRECO).

Directives de l'OFPER concernant «les activités accessoires et les charges publiques», version du 1er novembre 2013, consultable sous www.ofper.admin.ch > Documentation > Droit du personnel.

Rapport d'évaluation GRECO, no 16, 17 et 22.

Rapport d'évaluation GRECO, no 147.

Rapport d'évaluation GRECO, no 148.

Rapport d'évaluation GRECO, no 150, cf. aussi no 188.

Rapport d'évaluation GRECO, no 153, cf. aussi no 188.

Rapport d'évaluation GRECO, no 156, cf. aussi no 188.

Premier et deuxième cycles d'évaluation conjoints. Rapport de conformité sur la Suisse, adopté par le GRECO lors de sa 46e réunion plénière (du 22 au 26 mars 2010), (ci-après: rapport de conformité GRECO), consultable sous www.ofj.admin.ch > Sécurité > Corruption (GRECO).

1241

fait part, dans un communiqué, de son intention de mettre rapidement en oeuvre un maximum de recommandations du GRECO138.

En réponse à la recommandation 9, le Conseil fédéral a chargé l'OFPER et l'ensemble des départements «d'élargir leur offre de formation pour le personnel sur les thèmes de l'éthique, de la corruption et de sa prévention». De plus, tous les départements devaient s'assurer que leurs nouveaux collaborateurs «soient systématiquement informés sur les prescriptions en matière de cadeaux, d'activités accessoires et de devoirs de récusation ainsi que sur le comportement à adopter lors de soupçons de corruption»139. Depuis 2010, la prévention de la corruption est systématiquement thématisée lors des séminaires de gestion destinés aux cadres de la Confédération140. Plusieurs départements et offices ont édicté des codes de comportement (par ex. le guide de lutte contre la corruption au sein de l'OFROU)141. Les recommandations du GRECO ont par ailleurs entraîné plusieurs modifications du droit régissant le personnel de la Confédération. L'art. 91 OPers a par exemple été complété d'une obligation, pour les employés, d'annoncer les activités accessoires qu'ils exercent. La recommandation 9 est à l'origine des motifs de récusation inscrits à l'art. 94a OPers142 et de la réglementation sur le pantouflage de l'art. 94b OPers.

Cette disposition permet à la Confédération de convenir avec ses cadres, dans l'éventualité où ils quitteraient le secteur public pour le secteur privé, d'une interdiction contractuelle de conclure un contrat de travail ou un mandat avec une entreprise concernée de manière déterminante par une décision prise par le cadre concerné dans les deux ans précédant la résiliation des rapports de travail143.

La mise en oeuvre de la recommandation 10, qui visait une précision de la réglementation concernant l'acceptation de dons et d'autres avantages, s'est faite par une révision de l'art. 93 OPers qui a, par ricochet, amené de nombreuses unités de l'administration à réviser leurs règlements et directives (c'est le cas du DFJP, du DFAE, de l'autorité fédérale de surveillance en matière de révision [RAB], de la FINMA et des Services du Parlement)144.

La recommandation 11 a elle aussi été mise en oeuvre, avec l'inscription à l'art. 22a LPers d'une obligation de dénoncer les crimes
et les délits que les employés soumis à la LPers constatent dans l'exercice de leur fonction. La protection des employés qui signalent des soupçons d'infractions a également été améliorée: l'art. 34c, al. 1, let. d, LPers a été modifié de manière que l'employeur doive proposer un nouveau travail à l'employé si celui-ci n'est plus en mesure d'exercer son travail actuel comme il se doit. L'art. 22a, al. 5, LPers, également révisé, va plus loin: il dispose que nul ne doit subir un désavantage sur le plan professionnel pour avoir, de bonne foi, dénoncé une infraction ou annoncé une irrégularité ou pour avoir déposé comme

138 139 140 141 142

143 144

Communiqué du Conseil fédéral du 3 septembre 2008, consultable sous www.ofj.admin.ch > Sécurité > Corruption (GRECO).

Rapport de conformité GRECO, no 47.

Rapport de conformité GRECO, no 48.

La version actuelle du guide de l'OFROU date du 1er octobre 2012.

Art. 94a, al. 2, let. b, OPers: les employés se récusent lorqu'ils [...] risquent d'être partiaux [pour des motifs tels que] «l'existence d'une offre d'emploi d'une personne physique ou morale impliquée dans un dossier ou participant à un processus de décision ou concernée par celui-ci»; cf. aussi le rapport de conformité GRECO, no 50.

Rapport de conformité GRECO, no 50.

Pour une synthèse détaillée du rapport de conformité GRECO, cf. no 57, en particulier la note 19.

1242

témoin145. Dans le sillage de ces modifications, des systèmes de dénonciation anonyme destinés aux lanceurs d'alerte ont été mis en place dans plusieurs services où les risques de corruption sont plus marqués146.

Le GRECO a estimé que la Suisse avait entièrement satisfait aux recommandations 9, 10 et 11. Dans son rapport de conformité, il indique saluer «vivement les efforts exemplaires accomplis par la Suisse pour tirer rapidement toutes les conséquences du premier rapport d'évaluation la concernant»147.

Le GRECO a lancé le 1er janvier 2012 un quatrième cycle d'évaluation, consacré à la prévention de la corruption des parlementaires, juges et procureurs. L'évaluation doit porter concrètement sur les conflits d'intérêts et sur le contrôle de l'application des règles en la matière, sur la déclaration des participations financières et sur la limitation de certaines activités148. Le GRECO envisage d'évaluer la Suisse en 2016.

Dans les domaines cités, la question des devoirs de transparence et celle de l'acceptation de dons devraient à nouveau être examinées. Le renforcement de l'indépendance des juges et des membres des autorités de poursuite pénale sera également d'actualité; le GRECO entend se pencher sur les modalités de leur nomination, élection ou réélection et sur les liens d'intérêts de partis politiques (par ex. au travers des mandats exercés par les parlementaires).

5.3

Prévention de la corruption

La question de la prévention de la corruption est étroitement liée à celle des conflits d'intérêts. Dans ce domaine également, le Conseil fédéral s'est montré très actif ces dernières années. Suivant une recommandation du GRECO149, il a décidé, le 19 décembre 2008, de créer un groupe de travail interdépartemental (GTID) pour la lutte contre la corruption (GTID Lutte contre la corruption), élevant au rang d'institution le groupe consultatif chargé à l'époque de ce dossier. L'une des principales tâches du GTID Lutte contre la corruption est d'élaborer des stratégies nationales et internationales communes de lutte contre la corruption. Ce groupe de travail comprend des responsables de l'administration fédérale et du MPC, des représentants des milieux économiques, des cantons, des villes, des milieux académiques et de la société civile150. Il rend régulièrement compte au Conseil fédéral de l'engagement de la Suisse en matière de lutte contre la corruption. Il peut émettre des recommandations. Le GTID Lutte contre la corruption a rendu un premier rapport au

145 146 147

Rapport de conformité GRECO, no 64.

C'est le cas à fedpol, au CDF et à l'OFROU; cf rapport de conformité GRECO, no 64.

Rapport de conformité GRECO, no 82, cf. aussi Ernst Gnägi, Le GRECO et ses effets sur la lutte contre la corruption en Suisse, Rivista ticinese di diritto I-2014, pp. 501 s., ch. 2.1.

148 www.coe.int > FR > Etat de droit > Corruption ­ GRECO > Evaluations.

149 Rapport d'évaluation GRECO, no 25 et 188. Le GRECO s'est dit satisfait de ces mesures et d'autres mesures prises au titre de la prévention de la corruption, cf. rapport de conformité GRECO, no 7 à 10 et 55 à 61.

150 Le DFAE dirige un comité chargé de planifier les travaux du groupe GTID Lutte contre la corruption et d'en organiser le fonctionnement, comité dans lequel sont également représentés le MPC, l'OFJ, l'OFPer, le CDF et le SECO.

1243

Conseil fédéral en mars 2011151. Il est prévu qu'il lui en remette un deuxième dans la seconde moitié de 2014, portant sur la période 2011 à 2013.

Donnant suite aux recommandations 9 et 10 du GRECO, qui demandent un renforcement de la formation et de la sensibilisation des employés de la Confédération en matière d'éthique et de prévention de la corruption, la Confédération a publié des lignes directrices sur la prévention de la corruption valables pour l'ensemble de l'administration, qu'elle a fait distribuer dans tous les départements et offices152.

L'OFPER les a plusieurs fois révisées et les a publiées sous le titre «Prévention de la corruption et whistleblowing»153. Des unités telles que l'OFROU, la DDC et le SECO, qui passent régulièrement d'importants contrats d'achat et qui entretiennent des contacts étroits avec l'économie privée, ont édicté des directives spécifiques supplémentaires154.

Un élément très important de la prévention de la corruption est la protection accordée aux personnes qui, de bonne foi, signalent un comportement punissable ou d'autres irrégularités commises dans l'administration (whistleblowing). Au moment d'inscrire l'obligation de dénoncer à l'art. 22a LPers155, le Conseil fédéral a désigné le Contrôle fédéral des finances comme autorité de contact pour les lanceurs d'alerte. La compétence du CDF ne se limite pas aux signalements de nature financière; il est «tenu par la loi de communiquer à l'administration compétente tout manquement constaté dans l'organisation, la gestion administrative ou l'exécution des tâches et de se faire remettre un rapport sur les mesures prises»156.

151

152

153

154

155 156

Rapport de l'IDAG Corruption ­ Un état des lieux des activités de lutte contre la corruption en Suisse et à l'étranger, publié le 28 mars 2011, consultable sous www.dfae.admin.ch > Thèmes > Secteur financier et économie nationale > Lutte contre le crime organisé > Corruption > GTID pour la lutte contre la corruption.

Communiqué du Conseil fédéral du 29 juin 2009, www.ofper.admin.ch, dans le champ Recherche, taper prévention de la corruption, «Prévention de la corruption dans l'administration fédérale: nouvelle publication».

Prévention de la corruption et whistleblowing, 5e édition modifiée (2012), www.ofper .admin.ch, dans le champ Recherche, taper prévention de la corruption, «Prévention de la corruption et ­ Brochure d'information». Sous le slogan «Regarder le problème en face plutôt que de l'éluder», le dépliant rend attentifs les employés de la Confédération aux situations pouvant poser problème, et leur rappelle les principes régissant l'acceptation de dons, les devoirs de récusation, les activités accessoires et le traitement d'informations non rendues publiques. Elle leur indique ce qu'ils doivent faire lorsqu'ils ont connaissance d'un comportement punissable ou de la commission d'irrégularités.

OFROU:gGuide de lutte contre la corruption au sein de l'OFROU du 1er octobre 2012; DDC: Combattre la corruption ­ Stratégie de la DDC, 2006, consultable sous www.ddc.admin.ch > Thèmes > Réformes de l'Etat et de l'économie > Lutte contre la corruption; SECO: Seco Anti-Corruption Handbook du 15 février 2001 (en anglais), consultable sous www.seco-cooperation.admin.ch > FR > Thèmes > Politique de développement > Lutte contre la corruption.

Cf. ch. 5.2.

Concernant la compétence du CDF, cf. www.efk.admin.ch > CDF > Whistleblowing.

Voir aussi la réponse du Conseil fédéral du 6 mai 2009 à la motion 09.3286 du 20 mars 2009 déposée par la conseillère nationale Tiana Angelina Moser (PVL) «Whistleblowing.

Création d'un service approprié pour le personnel de la Confédération», et le rapport du 16 juin 2003 du Conseil fédéral sur la prévention de la corruption, FF 2003 4648 4657.

1244

5.4

Délais d'attente applicables aux magistrats et aux cadres supérieurs

La question des délais d'attente lors du départ de magistrats ou de cadres supérieurs dans le privé, qui est étroitement liée à celle des conflits d'intérêts, a été fortement débattue ces dernières années. Comme exposé au ch. 5.2, la Confédération a réagi à la recommandation 9 du GRECO en inscrivant à l'art. 94b OPers la possibilité de convenir, lors de la conclusion du contrat de travail avec un cadre supérieur, d'un délai d'attente de deux ans au maximum avant de pantoufler157.

Fin octobre 2010, le chef du DETEC, Moritz Leuenberger, a démissionné du Conseil fédéral. A peine trois semaines plus tard, il a annoncé son intention d'entrer au conseil d'administration d'une grande entreprise suisse de construction, qui était fortement impliquée dans des projets mandatés par le DETEC, dont le chantier pharaonique des NLFA. Face à la levée de boucliers suscitée dans le public, de nombreuses voix ont réclamé un cadre légal pour empêcher de tels abus158. Le conseiller national Max Binder (UDC) et la conseillère nationale Susanne Leutenegger Oberholzer (PS) ont déposé des initiatives parlementaires visant à empêcher les membres démissionnaires du Conseil fédéral d'accepter des mandats ou des fonctions rémunérés dans une entreprise privée, pendant les deux ans suivant leur démission selon la proposition de Susanne Leutennegger Oberholzer, voire pendant un délai de quatre ans selon celle de Max Binder159.

Ces deux initiatives parlementaires ont débouché en mai 2013 sur un projet de loi de la commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N)160. Ce projet prévoyait un nouvel art. 61a LOGA disposant qu'un conseiller fédéral qui démissionne de ses fonctions «ne peut exercer aucun travail rémunéré, ni dans le cadre d'un mandat, ni dans le cadre d'un contrat fondant un rapport de travail», avant un délai de deux ans, pour le compte d'une société dont les activités ont un rapport direct avec les tâches du département que dirigeait le conseiller fédéral sortant, ou qui reçoivent d'importantes commandes de la Confédération ou des entreprises qui lui sont proches161. La CIP-N a encore proposé d'ajouter dans la LPers un art. 14a 157 158

Ch. 5.2, en particulier note de bas de page 142.

Le mandat d'administrateur de l'ancien conseiller fédéral Leuenberger a pris effet en avril 2011, mais sa décision a déclenché le débat dès l'automne 2010. Ce dernier a également porté sur d'autres cas, comme les mandats d'administrateur de Kaspar Villiger, ancien chef du DFF, auprès d'une grande banque et de sociétés d'assurance, le mandat d'administrateur de Joseph Deiss, ancien chef du DFE, auprès d'un grand groupe laitier, et les cas de deux hauts fonctionnaires ayant démissionné de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) et qui ont occupé peu de temps après des fonctions dirigeantes au service de caisses maladie privées placées sous la surveillance de l'OFAS. Ces divers cas ont été évoqués lors du débat du Conseil national du 18 septembre 2013, BO 2013 N 1457 1459 1460.

159 Iv. pa. «Anciens conseillers fédéraux. Pas de pantouflage avant un certain délai» (10.511) du 2 décembre 2010 (Max Binder); Iv. pa. «Anciens conseillers fédéraux. Délais d'attente avant de pantoufler» (10.517) du 9 décembre 2010 (Susanne Leutenegger Oberholzer).

160 Initiatives parlementaires. Anciens conseillers fédéraux. Pas de pantouflage avant un certain délai/Anciens conseillers fédéraux. Délai d'attente avant de pantoufler. Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 3 mai 2013, FF 2013 4653.

161 Rapport de la CIP-N, FF 2013 4653 4657, ch. 2.2, et 4659 à propos de l'art. 61a, let. a et b, LOGA. Un délai de carence identique devait s'appliquer lorsque le mandat ou les rapports de travail rémunérés devaient être conclus pour le compte d'organisations ou de personnes de droit public «dont l'existence dépend de la contribution financière de la Confédération», FF 2013 4653 4657, ch. 2.2.

1245

qui aurait obligé la Confédération à «fixer, dans le contrat de travail des cadres du plus haut niveau hiérarchique de certaines unités administratives l'interdiction, pour une durée maximale de deux ans, de se mettre au service d'un employeur qui, au cours des deux années ayant précédé la résiliation des rapports de travail, a été concerné par une des décisions prises ou préparées par l'unité en question»162. La CIP-N a proposé des dispositions spéciales inspirées de l'article 14a pour les unités de l'administration décntralisée qui ne sont pas soumises à la LPers.

Ces propositions ont suscité la controverse au Parlement. Leurs partisans ont argué qu'il était indispensable de préserver la confiance dans le gouvernement et d'éviter «que l'on puisse avoir l'impression que les conseillers fédéraux en fonction pourraient maintenir, à titre personnel, des intérêts économiques particuliers et privilégier indûment certaines entreprises»163. Leurs adversaires étaient d'avis qu'il s'agissait de cas isolés qui, bien qu'ils fussent choquants, ne justifiaient pas qu'on légifère, ce qui risquait de faire peser un soupçon généralisé sur les membres du Conseil fédéral et les hauts cadres de la Confédération164. Le Conseil fédéral s'est aussi opposé aux deux propositions, renvoyant à la précision qu'il avait fait apporter au ch. 10 de l'Aide-mémoire destiné aux membres du Conseil fédéral, relatif au devoir de diligence: «Les conseillers fédéraux désireux d'exercer une activité lucrative devront prendre les précautions nécessaires lors de toute proposition et y renoncer s'il se révèle que celle-ci pourrait susciter des conflits d'intérêts en raison de la charge qu'ils ont exercée précédemment»165.

En ce qui concerne les hauts fonctionnaires de la Confédération, tant le Conseil fédéral que les parlementaires opposés à ces propositions ont relevé que l'instauration de délais d'attente obligatoire prétériterait encore plus l'attrait de la Confédération en tant qu'employeur, par rapport au secteur privé, et qu'elle compliquerait grandement le recrutement de cadres qualifiés166. Le 18 septembre 2013, le Conseil national a approuvé l'instauration d'un délai de carence de deux ans pour les membres du Conseil fédéral, tout en rejetant une telle limitation pour les cadres supérieurs de l'administration fédérale167. Le
3 mars 2014, le Conseil des Etats a refusé d'entrer en matière. Il a confirmé cette décision le 12 juin 2014, ce qui a sonné le glas du projet de la CIP-N168.

La question d'un délai d'attente pour les cadres supérieurs de l'administration fédérale ou de ses unités décentralisées désireux de se mettre au service du secteur 162 163

164

165

166

167 168

Rapport de la CIP-N, FF 2013 4653 4661, ch. 3.2 relatif à l'art. 14a, al. 1, LPers.

Rapport de la CIP-N, FF 2013 4653 4656, ch. 2.1. Cf. aussi les interventions des rapporteurs Rudolf Joder (UDC) et Cesla Amarelle (PS) du 18 septembre 2013 au Conseil fédéral, BO 2013 N 1457.

Rapport de la CIP-N, FF 2013 4653 4658, cf. ch. 2.4 et les interventions du conseiller national Marco Romano le 18 septembre 2013 au Conseil national (BO 2013 N 1458) et de la rapporteuse Verena Diener Lenz le 3 mars 2014 au Conseil des Etats (BO 2014 E, p. 7. Dans ses propos, Mme Diener Lenz a estimé «que le sens moral des politiciens ne se décrétait pas» (traduction).

Cf. l'avis du Conseil fédéral du 3 juillet 2013 relatif au rapport du 3 mai 2013 de la CIPN, FF 2013 5895 5898, ch. 2.2.1 et l'intervention au Conseil des Etats de la rapporteuse Verena Diener Lenz du 3 mars 2014, avec une citation de la disposition, BO 2014 E 7.

Avis du Conseil fédéral du 3 juillet 2013, FF 2013 5895 5903 (Difficultés de recrutement), cf. intervention de la chancelière fédérale Corina Casanova du 18 septembre 2013 au Conseil national, BO 2013 N 1459.

BO 2013 N 1466 et 1472. Le conseil a confirmé sa position le 2 juin 2014.

BO 2014 E 10 et 518.

1246

privé est particulièrement sensible dans le domaine du contrôle et de la surveillance des activités bancaires et financières. De par sa nature, ce domaine est plus exposé que d'autres au risque de conflits d'intérêts, et les dommages pouvant résulter d'une perte de confiance sont plus grands. En 2013 et en 2014, deux cadres supérieurs de la FINMA ont démissionné de cette dernière pour occuper des positions de cadres auprès de fournisseurs privés de prestations financières169. Le 6 décembre 2013, le Conseil fédéral a adopté les «Conditions requises pour exercer la fonction de membre du conseil d'administration de la FINMA»170, tout en introduisant pour le président du conseil d'administration de la FINMA, en accord avec cette dernière, un délai d'attente de six mois entièrement rémunéré171. Etant donné que la FINMA n'est pas le seul organe concerné par cette problématique, le Conseil fédéral a chargé le DFF d'examiner, en collaboration avec la Chancellerie fédérale et tous les départements concernés, l'opportunité d'introduire un délai d'attente pour les autres commissions extraparlementaires et organes dirigeants de la Confédération.

5.5

Publication des liens d'intérêts

Les membres de l'Assemblée fédérale (art. 11 LParl) et des commissions extraparlementaires sont tenus de signaler leurs intérêts (art. 8f OLOGA). Selon une décision du Conseil fédéral du 19 décembre 2003, les membres des organes dirigeants des entreprises et établissements de la Confédération font part dans le rapport de gestion ou dans un organe d'information équivalent de manière exhaustive de leur appartenance à des organes analogues dans d'autres entreprises ou d'autres établissements de droit public ou privé172.

Les membres des commissions extraparlementaires doivent signaler leurs intérêts avant leur nomination. Ceux qui s'y refusent ne peuvent être membres d'une commission (art. 57f LOGA). Ces liens d'intérêts figurent dans un annuaire tenu par la Chancellerie fédérale et accessibles au public (art. 8f et 8 k, al. 3, OLOGA).

Dans une motion déposée en décembre 2013, la conseillère nationale Yvonne Gilli (Les Verts) a chargé le Conseil fédéral «de modifier l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration de telle sorte que les liens d'intérêts des 169

Le directeur de la FINMA a quitté l'autorité de contrôle au début de 2014 pour assumer à partir du mois d'août 2014 la fonction de responsable du contrôle des risques au sein d'un groupe suisse d'assurance. Par ailleurs, un ancien membre de la direction de la FINMA qui en avait démissionné au début de 2013 est devenu en janvier 2014 cadre supérieur d'une grande banque suisse, où il est responsable de la mise en oeuvre des directives concernant les opérations au profit de la clientèle.

170 Texte consultable sous www.news.admin.ch, FR, dans le champ Recherche, taper conditions FINMA.

171 «Pendant une période de six mois à compter de la date de son départ du conseil d'administration (période d'attente), le président n'est pas autorisé à exercer une activité, rémunérée ou non, dans le domaine soumis à la surveillance de la FINMA. Sont en particulier visées les activités exercées auprès d'un établissement assujetti à la FINMA», cf.

ch. 8, al. 1 des «Conditions» et «Le Conseil fédéral règle l'indemnisation du président du conseil d'administration de la FINMA pendant la période d'attente», communiqué du Conseil fédéral du 26 mars 2014, consultable sous www.news.admin.ch, FR, dans le champ Recherche, taper conditions FINMA.

172 Décision du Conseil fédéral du 19 décembre 2003 (annexe 3 du rapport sur le salaire des cadres; ch. 4.3: Transparence des affiliations), consultable sous www.ofper.admin.ch > Documentation > Faits et chiffres > Rapport sur le salaire des cadres en 2013 ­ Exercice 2013 (juin 2014).

1247

membres des organes de direction des établissements de la Confédération soient rendus publics»173. Elle est d'avis que la déclaration devrait aussi comprendre les «investissements sensibles effectués par les membres des organes de direction dans des actions, des obligations, des «warrants» et autres dérivés financiers émis par des entreprises». Madame Gulli veut ainsi créer la transparence au sujet des éventuels conflits d'intérêts et renforcer la confiance dans l'indépendance des établissements concernés. Dans son avis, le Conseil fédéral propose que la motion soit acceptée et se dit disposé à examiner «quels sont les points sur lesquels la législation doit être adaptée» afin d'assurer une base légale suffisante pour exécuter la motion.174.

6

Appréciation

6.1

Droit fédéral en vigueur

L'analyse du droit fédéral en vigueur, y compris les codes de conduite, les directives et manuels énumérés au ch. 2, montre qu'il existe de nombreuses réglementations au niveau fédéral consacrées à la gestion des conflits d'intérêts. La densité normative est grande. Les réglementations sont en partie très détaillées et leur degré de concrétisation considérable. Tous les aspects importants pour éviter, démasquer ou éliminer les conflits d'intérêts sont réglementés, ainsi notamment le devoir de fidélité à l'employeur, l'obligation de signaler des liens d'intérêts, les incompatibilités et le devoir de récusation, l'acceptation de cadeaux et d'autres avantages ou invitations, l'exercice d'activités accessoires, les délais d'attente, l'utilisation d'informations confidentielles à des fins propres et les transactions privées dans le domaine financier.

Il y a d'abord les dispositions générales, applicables à l'ensemble de l'administration fédérale, centrale et décentralisée, en vertu de l'art. 1, al. 1, OPers; il s'agit des règles énoncées dans la LPers, l'OPers et le code de comportement de l'administration fédérale. S'ajoutent à cela de nombreuses autres règles, fondées en partie aussi sur la LPers et en partie sur des législations adoptées spécialement par certaines unités (par ex. les unités administratives décentralisées, y c. les commissions extraparlementaires et les entités devenues autonomes) ou pour certaines situations (par ex. poursuite pénale). Ces dernières peuvent être plus strictes ponctuellement que les règles générales (par ex. affaires réalisées pour leur compte par les membres de la Direction générale de la BNS).

Les réglementations existant au sein de la Confédération pour gérer les conflits d'intérêts sont multiples et détaillées. Il faut toutefois concéder qu'elles manquent parfois de clarté et de systématique. Ce constat ressort notamment de la définition du champ d'application de la LPers et de l'OPers (art. 2 LPers et art. 1 OPers). Cette définition est complexe, notamment parce qu'elle ne s'appuie pas, pour les entités de la Confédération devenues autonomes, sur des critères matériels tels que leur nature économique ou juridique, mais sur des particularités constituées au fil du temps et qui ne sont plus forcément intelligibles aujourd'hui. Le Conseil fédéral est parfaitement conscient de ce problème, qu'il a d'ailleurs thématisé dans ses rapports sur le 173

Motion «Egalité de traitement concernant la publication des liens d'intérêts» (13.4040) du 2 décembre 2013.

174 Avis du Conseil fédéral du 12 février 2014. La motion n'a jusqu'ici été traitée que par le Conseil national (adoption le 21 mars 2014).

1248

gouvernement d'entreprise de 2006 et 2009; il y a évoqué des solutions qui permettraient à long terme de résoudre de façon plus systématique la question de l'extension du droit du personnel fédéral aux entités de la Confédération devenues autonomes175. L'examen du droit en vigueur révèle cependant aussi que les établissements qui ne sont pas soumis à la LPers et à l'OPers (par ex. swissmedic, IPI, FINMA, IFSN, BNS, SIFEM SA) se sont dotés de règles efficaces sur la gestion des conflits d'intérêts, qui sont tout à fait comparables aux dispositions du droit du personnel fédéral.

Les évaluations très positives du GRECO (cf. ch. 5.2) confirment d'ailleurs le haut niveau du droit public fédéral en ce qui concerne la gestion des conflits d'intérêts et la prévention de la corruption.

6.2

Aperçu des récents développements au sein de la Confédération

Le droit fédéral relatif à la gestion des conflits d'intérêts évolue de façon dynamique (ch. 5). Ces dernières années, la Confédération a étendu continuellement les réglementations sur la question, les a concrétisées et ponctuellement renforcées.

Elle a réagi rapidement et systématiquement aux recommandations internationales (GRECO) et aux interventions parlementaires, tout comme à des événements marquants tels que la démission de Philipp Hildebrand de son poste de président de la Direction générale de la BNS.

Les réglementations de rang inférieur à l'ordonnance ont été revues en profondeur, celles-là même qui se répercutent sur le comportement au quotidien du personnel (par ex. le code de comportement de l'administration fédérale). La Confédération a spécialement insisté sur l'information du personnel concernant les nouvelles règles ainsi que sur la formation et les mesures de sensibilisation, en particulier en ce qui concerne la prévention de la corruption. L'un des points centraux à cet égard est l'inscription d'un devoir de dénonciation pour les employés de la Confédération et l'extension de la protection en cas de «whistleblowing».176 Il n'y a pas que les règles applicables aux administrations fédérales, centrales et décentralisées, qui aient été revues. Les établissements et organisations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la LPers ni de l'OPers ont également adapté en profondeur, étendu et précisé leurs règlements internes, directives et codes de conduite (par ex. swissmedic, IFSN, FINMA ou BNS).

6.3

Résultats du sondage auprès de l'administration fédérale

Les réponses au sondage mené par l'OFJ auprès de l'administration fédérale font ressortir un tableau assez net en ce qui concerne l'éventuelle nécessité de prendre des mesures. A quelques rares exceptions près, les participants nient la nécessité de densifier la réglementation177, appelant plutôt de leurs voeux une simplification, un 175 176 177

Cf. ch. 5.1 pour des explications détaillées.

Cf. ch. 5.3.

Cf. ch. 4.10.

1249

assouplissement et une harmonisation du droit en vigueur. La crainte est exprimée qu'un renforcement des instruments existants entraînerait une charge de travail supplémentaire pour les collaborateurs, les supérieurs et les services d'état-major.

Surtout, les personnes interrogées disent avoir besoin d'une certaine latitude pour recruter du personnel qualifié. C'est vrai avant tout pour les fonctions de cadres et de spécialistes hautement qualifiés dans les unités administratives et les organisations qui assument des tâches de surveillance et de contrôle du secteur privé (par ex.

IFSN, swissmedic, FINMA, SESA). En effet, le réservoir de candidats ayant les qualifications requises est petit dans ces cas. La sélection peut alors être sensiblement compliquée par des règles strictes d'incompatibilité, des délais d'attente impératifs, des dispositions restrictives sur les activités accessoires ou des réglementations rigides sur la rémunération. Les résultats du sondage de l'OFJ montrent que les personnes interrogées souhaitent un judicieux équilibre entre, d'une part, les réglementations qu'ils considèrent importantes pour éviter les conflits d'intérêts et, d'autre part, des conditions d'emploi flexibles, adaptées à la situation et au marché.

6.4

Analyse de droit comparé

L'analyse de droit comparé réalisée par l'ISDC sur mandat de l'OFJ (cf. ch. 3) a porté sur les réglementations pertinentes en matière de gestion des conflits d'intérêts en France, en Autriche, en Norvège, en Suède et au Royaume-Uni; elle est complétée d'un survol de la situation en Allemagne. On peut en tirer deux conclusions.

Premièrement, tous les Etats analysés ont une organisation aussi complexe, sinon plus, que la Suisse dans le domaine de l'administration et des organisations et entreprises proches de l'Etat. La question se pose donc tout autant dans ces pays en ce qui concerne l'applicabilité aux unités détachées des dispositions sur les conflits d'intérêts qui sont valables pour l'administration centrale. Tous les Etats inclus dans l'analyse connaissent des réglementations particulières pour les organisations et les entreprises proches de l'Etat, lesquelles jouissent d'une large autonomie de fonctionnement ou sont même indépendantes sur le plan juridique (par ex. banques centrales, chemins de fer, poste, organes de surveillance de la médecine ou de la sécurité nucléaire, certaines entreprises contrôlées par l'Etat).

Deuxièmement, on constate que les réglementations et les instruments étrangers analysés dans cette étude ne s'écartent guère de ceux de la Suisse. S'il est vrai que certains Etats ont des dispositions plus strictes sur quelques points, par exemple la France et l'Autriche pour les délais d'attente lors du passage de fonctionnaires de l'Etat vers l'économie privée (les deux pays prévoient un délai d'attente obligatoire, les trois ans exigés en France étant particulièrement longs178). De l'autre côté, des Etats comme le Royaume-Uni ne croient pas tant aux dispositions légales généralement applicables et misent davantage sur des directives et des codes de conduite internes179.

178 179

Cf. ch. 3.3.2 (France) et 3.3.3 (Autriche).

Cf. ch. 3.3.6.

1250

7

Conclusions et mesures

7.1

Conclusions

Il est permis de tirer les conclusions suivantes du ch. 6: ­

Le niveau du droit fédéral en vigueur dans le domaine des conflits d'intérêts est bon (ch. 6.1).

­

Le droit fédéral continue à se développer et prend en compte les besoins nouveaux qui apparaissent (ch. 6.2).

­

L'administration fédérale et les entités de la Confédération devenues autonomes se montrent sceptiques à l'égard de réglementations complémentaires et plus strictes dans le domaine des conflits d'intérêts; elles estiment qu'il faudrait plutôt aller vers une simplification, un assouplissement et une harmonisation des règles en vigueur (ch. 6.3).

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D'autres Etats européens ont des réglementations comparables à celles de la Suisse dans le domaine des conflits d'intérêts (ch. 6.4).

7.2

Mesures

Se fondant sur l'appréciation du ch. 6 et les conclusions du ch. 7.1, le Conseil fédéral ne voit pas la nécessité de réviser complètement le droit en vigueur dans le domaine des conflits d'intérêts ou de le remanier en profondeur.

Le Conseil fédéral ne se ferme pas aux nouveaux développements ou connaissances.

Il souhaite poursuivre dans la voie empruntée jusqu'ici, à savoir compléter ponctuellement le droit existant et les instruments nécessaires à son exécution, là où cela apparaît nécessaire et judicieux.

Concrètement, le Conseil fédéral propose les mesures suivantes: 1.

Poursuivre la politique en vigueur en matière de gouvernement d'entreprise, consistant à accorder une attention particulière aux dispositions du droit d'organisation et du droit du personnel visant à empêcher les conflits d'intérêts au sein des entités de la Confédération devenues autonomes

Le rapport du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise, publié en septembre 2006, a été suivi en mars 2009 d'un rapport complémentaire contenant un certain nombre de principes touchant aux domaines du droit du personnel et du droit en matière de prévoyance professionnelle (ch. 5.1). Des critères systématiques y étaient pour la première fois proposés afin de concilier les statuts des entités devenues autonomes avec le droit régissant le personnel de la Confédération.

Les modifications qui en découleraient devraient toutefois être faites avec prudence.

Ainsi, le Conseil fédéral entend attendre une révision totale des bases légales régissant l'organisation des entités devenues autonomes qui ont un statut du personnel de droit public pour examiner s'il vaut mieux les soumettre à la LPers ou maintenir les réglementations spéciales, voire s'il y a lieu de les soumettre au CO. Le Conseil fédéral souhaite maintenir cette approche pragmatique.

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2.

Vérifier et éventuellement adapter le droit sur la base de mandats ou de nouveaux actes législatifs

Le Conseil fédéral vérifiera ponctuellement les réglementations dans le domaine des conflits d'intérêts, et proposera au besoin des adaptations au législateur, si des mandats dans ce sens sont déposés. C'est ainsi que, dans son avis du 12 février 2014 concernant la motion Gilli «Egalité de traitement concernant la publication des liens d'intérêts» (13.4040), il s'est déclaré disposé à envisager d'étendre l'obligation de signaler des liens d'intérêts aux membres des organes de direction des établissements de la Confédération; il s'est engagé à vérifier quelles adaptations de la législation seraient nécessaires à cet effet (cf. ch. 5.5).

3.

Procéder à des vérifications dans le cadre du quatrième cycle d'évaluation du GRECO

Le quatrième cycle d'évaluation lancé par le GRECO, qui portera sur la prévention de la corruption des parlementaires, juges et procureurs, fournira l'occasion au Conseil fédéral d'examiner, probablement à partir de 2016, les réglementations dans le domaine des conflits d'intérêts et de la prévention de la corruption, et d'y apporter les modifications qui seraient nécessaires. L'obligation de déclarer les intérêts et les activités accessoires pourrait alors être à nouveau thématisée.

4.

Procéder éventuellement à des adaptations dans des cas problématiques

En dépit des réglementations complètes et de bonne qualité dont la Confédération s'est dotée, elle n'est pas à l'abri de problèmes. C'est ainsi qu'en janvier 2014, les médias ont fait état d'un grave cas de corruption au SECO en rapport avec des achats de matériel informatique pour l'assurance-invalidité. Le 7 février 2014, le DEFR chargeait un expert externe de l'enquête administrative180. Si des enquêtes devaient révéler, dans ce cas ou dans d'autres, des lacunes ou des points faibles, le Conseil fédéral proposera des adaptations appropriées ou les apportera lui-même s'il est investi des compétences nécessaires.

5.

Informer, former et sensibiliser le personnel

Les réglementations juridiques ne peuvent garantir à elles seules une gestion correcte des conflits d'intérêts, existants ou potentiels, et le succès de la prévention de la corruption. La culture politique et administrative est également déterminante. A cet égard, l'information, la formation et la sensibilisation continues du personnel jouent un rôle important. Le Conseil fédéral accorde une attention toute particulière à cet aspect. Il invitera les services compétents de l'administration fédérale, tout comme les entités de la Confédération devenues autonomes, à poursuivre leurs efforts dans ce sens.

180

«Le conseiller fédéral Schneider-Ammann charge le professeur Saxer de l'enquête administrative au SECO», communiqué de presse du DEFR du 7 février 2014, consultable sous www.seco.admin.ch > FR > Actualités.

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