ad 10.431 Initiative parlementaire Coma éthylique. Aux personnes en cause de payer les frais des séjours hospitaliers et en cellule de dégrisement!

Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 17 avril 2015 Avis du Conseil fédéral du 1er juillet 2015

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 112, al. 3, de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport du 17 avril 2015 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national1.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

1er juillet 2015

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

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FF 2015 3709

2015-1590

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Avis 1

Contexte

1.1

Initiative parlementaire

Le 19 mars 2010, le conseiller national Toni Bortoluzzi (UDC, ZH) a déposé l'initiative parlementaire 10.431 «Coma éthylique. Aux personnes en cause de payer les frais des séjours hospitaliers et en cellule de dégrisement!». L'initiative demande une réforme de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal)2, et d'autres lois, le cas échéant, de sorte que les soins médicaux d'urgence requis par la consommation excessive d'alcool et de drogue soient entièrement à la charge des personnes qui s'y adonnent ou de leurs représentants légaux, qui assumeraient euxmêmes les coûts des séjours dans une cellule de dégrisement.

Le 13 mai 2011, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a décidé de donner suite à cette initiative, par 14 voix contre 11 et une abstention. Le 24 janvier 2012, la commission homologue du Conseil des Etats s'est ralliée à cette décision par 7 voix contre 2.

Le 24 octobre 2013, la CSSS-N a adopté, par 16 voix contre 8, un avant-projet de sa sous-commission «LAMal», qui se limite à la consommation excessive d'alcool.

Puis le 27 juin 2014, elle a décidé, sans opposition, de mettre ce projet en consultation.

Une large majorité des participants ont rejeté le projet. Tous les cantons (sauf TG), plusieurs partis (PDC, PEV, PES, PSS), presque toutes les associations de fournisseurs de prestations, trois organisations de consommateurs et beaucoup d'autres organisations s'y sont opposés. Ils font notamment valoir que l'introduction de la notion de faute dans l'assurance obligatoire des soins marquerait un changement de système qui n'est pas souhaitable. La mise en oeuvre du projet engendrerait selon eux une lourde charge de travail. Le projet serait en outre contraire au principe constitutionnel de l'égalité, parce qu'il traite uniquement de la consommation excessive d'alcool, passant sous silence les autres comportements nuisibles à la santé. Ils craignent enfin qu'avec une telle réglementation, les assurés se fassent soigner trop tard, ce qui risquerait d'entraîner de nouveaux dommages coûteux.

Le projet a reçu un accueil favorable de la part du canton de Thurgovie, de plusieurs partis (PBD, PLR, UDC et JUDC) et de quelques organisations.

Le 17 avril 2015, la CSSS-N a décidé, par 13 voix contre 11 et une abstention, de
soumettre le projet au Conseil national dans la version mise en consultation.

Par lettre du 28 avril 2015, elle a invité le Conseil fédéral à se prononcer sur le projet jusqu'au 12 août 2015, conformément à l'art. 112, al. 3, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement3.

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RS 832.10 RS 171.10

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1.2

Postulat 13.4007 «Séjours en cellule de dégrisement.

Evaluation de la prise en charge des coûts»

Le 24 octobre 2013, la CSSS-N a décidé de déposer le postulat 13.4007 «Séjours en cellule de dégrisement. Evaluation de la prise en charge des coûts». Le Conseil fédéral y était chargé, en se fondant sur les expériences déjà réalisées dans certains cantons, de présenter un rapport concernant l'éventuelle mise en oeuvre de la seconde partie de l'initiative parlementaire 10.431 «Coma éthylique. Aux personnes en cause de payer les frais des séjours hospitaliers et en cellule de dégrisement!», qui demande que les coûts des séjours en cellule de dégrisement soient pris en charge par les personnes en cause ou par leurs représentants légaux. Le rapport devait permettre de déterminer les moyens et le cadre juridique les plus appropriés pour répondre efficacement à cette exigence.

Le 6 décembre 2013, le Conseil fédéral a proposé d'accepter le postulat. Le Conseil national a adopté cette proposition le 10 mars 2014.

Comme demandé, l'Office fédéral de la santé publique a questionné les cantons sur leurs cellules de dégrisement et rédigé à partir de là le rapport en réalisation du postulat 13.4007, que le Conseil fédéral a approuvé le 1er avril 20154. Il y conclut que les situations et les pratiques diffèrent beaucoup d'un canton à l'autre. Le Conseil fédéral n'est donc pas en mesure de déterminer quels sont les moyens et le cadre juridique les plus appropriés et efficients pour assurer que les coûts générés par les séjours en cellule de dégrisement soient pris en charge par les personnes en cause. Il part néanmoins du principe que les cantons le jugeant pertinent facturent déjà les coûts des cellules de dégrisement aux personnes concernées ou étudieront cette option dans un proche avenir. Le Conseil fédéral estime donc qu'il n'est pas nécessaire de mettre en place une coordination ou de prendre des mesures particulières en la matière au niveau fédéral.

2

Avis du Conseil fédéral

2.1

Appréciation générale

Le Conseil fédéral a signalé, dans sa réponse à des interventions antérieures, que la LAMal ne prend pas en considération l'élément de faute de l'assuré, que ce soit au niveau de la prise en charge des prestations ou de la participation aux coûts. Il a encore rappelé qu'il ne serait pas conforme au principe de l'égalité de demander une participation plus élevée aux frais uniquement aux assurés qui nécessitent un traitement d'urgence suite à une intoxication alcoolique (motions Stahl 07.3202 et Humbel 08.3201, et question Humbel 09.1140). Quant au fond, l'initiative parlementaire 10.431 va plus loin que les interventions antérieures: elle exige qu'en cas d'hospitalisation pour intoxication alcoolique, la personne assurée doive entièrement assumer elle-même les soins médicaux requis et les éventuels coûts de séjour dans une cellule de dégrisement. Le projet élaboré par la suite par la CSSS-N demande de prendre en considération, dans la participation aux coûts, l'élément de faute de la personne assurée en cas d'hospitalisation pour intoxication alcoolique, de sorte que l'assuré ait à participer aux coûts à hauteur de 100 % durant une période à déterminer par le 4

Le rapport est téléchargeable sous: www.bag.admin.ch/ > Thèmes > Assurance-maladie > Publications > Rapports.

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Conseil fédéral. D'où l'introduction dans la LAMal, pour ce domaine spécial, du principe de la responsabilité pour faute. Or les questions centrales de la légalité et de la faisabilité demeurent sans réponse, et le Conseil fédéral continue de s'opposer à une telle réglementation pour diverses raisons. Comme la grande majorité des participants à la consultation, il refuse le projet, notamment pour les raisons suivantes également invoquées par les opposants au projet: ­

Changement de système dans la LAMal: la prise en compte de l'élément de faute dans l'assurance obligatoire des soins marquerait un changement de système, qu'il faut refuser à la fois par principe et dans le cas d'espèce.

Un tel changement détonnerait dans le système de sécurité sociale en vigueur en Suisse: La loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA)5 prévoit que les prestations en espèces peuvent être réduites ou refusées si l'assuré a aggravé le risque assuré ou en a provoqué la réalisation intentionnellement (art. 21). Or dans l'assurance obligatoire des soins, on a affaire non pas à des prestations en espèces, mais à des prestations en nature (art. 14 et 15 LPGA).

La loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents (LAA)6 prévoit que lorsque l'assuré s'est intentionnellement causé à lui-même un dommage, il n'y a pas accident au sens juridique du terme, car la condition d'une atteinte dommageable portée involontairement au corps humain fait défaut.

En pareil cas, l'assurance-accidents obligatoire ne verse en principe aucune prestation, sauf l'indemnité pour frais funéraires.

Des réductions de prestations ne sont possibles que pour les accidents non professionnels. Le cas échéant, l'indemnité journalière peut être réduite pendant les deux premières années au maximum, pour autant que l'assuré ait provoqué l'accident par une négligence grave et qu'il existe un lien de causalité adéquat entre l'élément de faute et l'accident ou ses conséquences.

En outre, le Conseil fédéral peut désigner les dangers extraordinaires et les entreprises téméraires qui motivent, dans l'assurance des accidents non professionnels, le refus de toutes les prestations ou la réduction des prestations en espèces (art. 39 LAA). Le Conseil fédéral les a énumérés de manière exhaustive: aucune prestation d'assurance ne sera accordée en cas d'accident non professionnel survenu lors de service militaire étranger, ou alors de participation à des actes de guerre ou à des actes de terrorisme ou de banditisme. Il prévoit par ailleurs, en cas d'accident non professionnel survenu dans des circonstances précises, une réduction des prestations en espèces (art. 49 et 50 de l'ordonnance du 20 décembre 1982 sur l'assurance-accidents, OLAA7).

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RS 830.1 RS 832.20 RS 832.202

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Ainsi, le système suisse de sécurité sociale en vigueur ne prend en considération l'élément de faute, pour les prestations en nature, que dans des cas clairement définis. La question ne se posait pas jusqu'ici dans l'assurance obligatoire des soins, qui a pour objet des prestations en nature.

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Efficacité: aucun pays européen n'est connu pour exiger une participation aux frais de maladie découlant d'une intoxication alcoolique. D'où l'absence à ce jour d'études montrant qu'une participation aux coûts soit efficace pour réduire la consommation d'alcool. En revanche, la politique suisse en matière d'alcool repose sur des bases scientifiques: expérience à l'appui, les moyens les plus efficaces de prévenir l'abus d'alcool sont les mesures portant sur les prix, les limitations tant de l'accès que de la publicité, ainsi que les interventions brèves8. Les mesures visant à prévenir la vente d'alcool aux mineurs, la responsabilité des vendeurs d'alcool en cas de dommage, ou encore le dépistage et l'intervention précoces en cas d'abus d'alcool ont également un effet préventif9. Concrètement, le Programme national Alcool (PNA) adopté par le Conseil fédéral en 2008 poursuit une politique cohérente et basée sur des preuves vérifiables au niveau de la Confédération et des cantons, afin de remédier à l'abus d'alcool. Par exemple, des formations destinées au personnel de vente, des concepts de protection de la jeunesse ou des recommandations visant au déploiement d'une approche structurée en cas d'intoxication alcoolique renforcent encore la protection de la jeunesse (voir ch. 2.2). Le Conseil fédéral a par ailleurs proposé, dans son projet de révision totale de la loi sur l'alcool, des mesures de limitation de l'accès à l'alcool, comme la création d'une base légale pour les achats tests et une interdiction portant sur la vente nocturne de boissons alcooliques dans le commerce de détail10. L'expérience genevoise confirme l'efficacité de cette dernière mesure: depuis l'introduction, en février 2005, d'une interdiction de vente d'alcool après 21 heures dans les commerces, les stations-service et les vidéothèques, les cas d'intoxication alcoolique ont diminué de 35 % chez les moins de 29 ans par rapport à d'autres cantons11.

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Conséquences financières: il convient de signaler que les conséquences financières du projet n'ont pas été suffisamment étudiées. Tout indique que la clarification de l'élément de faute serait très astreignante pour les fournisseurs de prestations et les assureurs, à cause des difficultés de délimitation notamment, et qu'elle aboutirait à des procès. En outre, on peut considérer que les intéressés paient déjà une partie des coûts à travers leur franchise et leur quote-part, et donc il est à craindre que les coûts liés au projet soient supérieurs aux économies réalisées.

Voir le projet Amphora réalisé dans le cadre du 7e programme-cadre de recherche de la Commission européenne et achevé en 2012. Des informations à ce sujet figurent sur le site www.amphoraproject.net Voir Babor et al., Alkohol ­ kein gewöhnliches Konsumgut, Hogrefe 2005.

FF 2012 1111 Voir Gmel Gerhard/Wicki Matthias, Evaluation des effets sur les intoxications alcooliques suite aux mesures visant à réduire le degré d'accessibilité à l'alcool dans le canton de Genève (rapport de recherche 54-B). Lausanne: Addiction Suisse 2010. Rapport téléchargeable sous: www.bag.admin.ch > Thèmes > Alcool > Recherche et évaluation > Rapports de recherche > 2010.

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Egalité: le projet n'est guère conciliable avec le principe constitutionnel de l'égalité. En effet, il ne porte que sur la consommation excessive d'alcool, à l'exclusion des autres comportements nuisibles à la santé. Or à la longue le tabagisme, la suralimentation, l'addiction au travail ou le sport à haute dose peuvent également nuire à la santé. De même, une consommation excessive de stupéfiants ou de médicaments risque d'affecter très rapidement la santé.

D'ailleurs, les soins requis après une consommation excessive d'alcool ne sont généralement pas plus importants ou plus coûteux que pour les autres comportements dommageables à la santé. D'où l'absence de justification objective à une réglementation différente des conséquences de tels comportements.

En outre, les traitements prodigués aux personnes soumises à la LAA, en cas d'accident consécutif à une consommation excessive d'alcool, continueraient d'être remboursés selon cette assurance. Et l'absence d'une telle participation aux coûts à charge des personnes soumises à la loi fédérale du 19 juin 1992 sur l'assurance militaire12 aboutirait elle aussi à une inégalité de traitement.

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Proportionnalité: les exigences figurant dans le projet ne permettent guère une mise en oeuvre conforme au principe de proportionnalité; même si la définition choisie de la consommation excessive d'alcool devait situer cette dernière à un niveau très élevé et si la période durant laquelle est perçue une participation aux coûts de 100 % était fortement limitée. Le projet de la commission ne permet en effet pas d'adapter la sanction aux spécificités du cas d'espèce. Or une participation de 100 % aux coûts pourrait s'avérer disproportionnée dans de nombreux cas, indépendamment des coûts occasionnés.

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Groupe-cible: le groupe-cible visé dans le projet est peu clair. L'intoxication alcoolique n'est pas un phénomène propre à la jeunesse: en 2012, plus de 90 % des personnes hospitalisées après une consommation excessive d'alcool avaient plus de 23 ans. Le taux d'hospitalisation pour intoxication alcoolique (diagnostic principal ou secondaire) est d'ailleurs en constante augmentation dans la population adulte13. Il n'est donc guère justifié de fonder cette modification de la loi essentiellement sur l'évolution des hospitalisations des 10 à 23 ans. En outre, on sait aujourd'hui (contrairement à 2010, année où fut déposée l'initiative parlementaire 10.431) que le nombre d'hospitalisations, après avoir fortement augmenté dès 2003, est à nouveau en baisse depuis 2008 dans toutes les catégories d'âge (y c. parmi les 10 à 23 ans). En 2012, les hospitalisations se situaient à nouveau à un niveau inférieur à 200714.

RS 833.1 Wicki Matthias/Gmel Gerhard, Hospitalisierungen aufgrund von Alkohol-Intoxikation oder Alkoholabhängigkeit bei Jugendlichen und Erwachsenen ­ Eine Analyse der Schweizerischen «Medizinischen Statistik der Krankenhäuser» 2001 bis 2010 (rapport de recherche 62, avec résumé en français). Lausanne: Addiction Suisse 2013.

Wicki Matthias/Stucki Stephanie, Hospitalisierungen aufgrund von Alkohol-Intoxikation oder Alkoholabhängigkeit bei Jugendlichen und Erwachsenen ­ Eine Analyse der Schweizerischen «Medizinischen Statistik der Krankenhäuser» 2003 bis 2012 (rapport de recherche 73, avec résumé en français). Lausanne: Addiction Suisse 2014.

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Diagnostics secondaires: les traitements prodigués en urgence après une consommation excessive d'alcool sont souvent dus à plusieurs causes à la fois (maladies préexistantes comme une dépendance à l'alcool ou des troubles psychiques, prise abusive de médicaments, blessures consécutives à des violences physiques ou à un accident). En 2012, près de 12 000 personnes en état d'intoxication alcoolique ont été traitées à l'hôpital (dont près de 1000 âgées de moins de 24 ans). Or 75 % de ces 12 000 personnes ont reçu un autre diagnostic principal ou secondaire, à commencer par la dépendance à l'alcool (40,6 %) ou un trouble psychique15. A supposer par exemple qu'une personne assurée se fracture un membre après une consommation excessive d'alcool et qu'en dépit d'un diagnostic secondaire de dépendance à l'alcool, elle ne parvienne pas à fournir la preuve exigée à l'art. 64a0, al. 3 ou 4, du projet de modification de la LAMal, il lui faudrait payer de sa propre poche tous les coûts survenus pendant la période définie, y compris ceux de l'opération de la fracture osseuse. On est en droit de se demander si une telle réglementation serait conforme au principe de proportionnalité.

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Critères de définition: la CSSS-N signale elle-même dans son rapport explicatif une des difficultés de mise en oeuvre, soit la nécessité de distinguer entre plusieurs prestations et diagnostics principaux ou secondaires d'un patient, et de déterminer s'il y a ou non un lien avec la consommation d'alcool. La CSSS-N vise à régler ce problème de délimitation en introduisant une nouvelle forme de participation aux coûts («Les coûts des traitements médicaux dus à une consommation excessive d'alcool [seront] entièrement à la charge de la personne qui en est la cause.»). Elle viendrait s'ajouter à la franchise annuelle, à la quote-part et à la contribution aux frais de séjour hospitalier, et s'appliquerait à toutes les prestations fournies durant une période déterminée à compter du constat d'une consommation excessive d'alcool.

La majorité de la CSSS-N veut préciser que la personne assurée n'est pas responsable et donc que la participation aux coûts ne la concerne pas, si elle suit un traitement médical en raison d'une dépendance à l'alcool depuis six mois au moins. Or, le Conseil fédéral ne juge pas défendable professionnellement de faire reposer la distinction entre un comportement fautif et une maladie sur le seul critère qu'une personne se trouve en traitement ou non.

Le diagnostic de l'alcoolo-dépendance est précisément décrit dans le système de classification CIM-10. Par contre, il n'existe pas de diagnostic médical d'une «consommation excessive d'alcool». En outre, on voit mal selon quels critères a été fixée la durée pendant laquelle la personne doit se trouver en traitement médical. Par ailleurs, cette disposition exclurait toutes les personnes suivies par un service spécialisé dans les dépendances sans être sous traitement médical. De toute façon, de nombreuses personnes alcoolo-dépendantes ne suivent ni consultations, ni traitement. Le présent projet imposerait donc à un nombre significatif de personnes, réputées être dépendantes selon des critères médicaux reconnus, de s'acquitter d'une participation aux coûts de 100 % pour obtenir les prestations prévues dans la LAMal.

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Ibid., p. 16.

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Il est également difficile de définir à l'aide de critères objectifs la durée pendant laquelle la personne assurée devrait assumer les coûts elle-même.

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Mise en danger de la santé des assurés: pour des raisons de coûts, les jeunes et les personnes de condition économique modeste en particulier s'exposeraient, avec une telle réglementation, à ne pas être hospitalisés et traités ou à l'être trop tard. De tels retards obligeraient à pratiquer des interventions médicales supplémentaires et plus complexes, pouvant aboutir à de coûteux dommages à la santé, voire entraîneraient des décès pour intoxication alcoolique.

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Point de départ d'une détection précoce: la nouvelle réglementation renforcerait encore le tabou de l'alcoolisme et affecterait la relation entre le médecin et le patient, entravant le dépistage précoce d'une dépendance à l'alcool.

Un séjour à l'hôpital peut en effet être le point de départ de mesures de détection et d'intervention précoces, permettant d'éviter des complications et par là de réduire les coûts à long terme.

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Mesures adoptées par les cantons: le rapport en réalisation du postulat de la CSSS-N 13.4007 «Séjours en cellule de dégrisement. Evaluation de la prise en charge des coûts» a montré que les cantons qui jugeaient nécessaire d'agir ont déjà adopté les mesures relevant de leur compétence ou s'apprêtent à le faire. Il serait donc superflu de prendre, au niveau fédéral, des mesures particulières concernant le financement des séjours en cellule de dégrisement.

Par ailleurs, le fait de limiter la durée du projet à cinq ans ne saurait écarter les objections qui précèdent. En particulier, le changement de système qui en résulterait dans la LAMal, l'entorse faite au principe constitutionnel de l'égalité et l'absence de toute estimation des conséquences financières plaident contre une introduction même temporaire du projet.

2.2

Autres activités de la Confédération et des cantons

Le Conseil fédéral pense comme la CSSS-N que la gestion des abus d'alcool laisse à désirer. Conscient de la nécessité d'agir, il a adopté en 2008 le Programme national Alcool (PNA), reconduit pour quatre ans en 2012. Le programme prévoit une approche coordonnée et fixe des objectifs pour la politique nationale en matière d'alcool.

L'un des trois objectifs stratégiques du programme consiste à renforcer la protection de la jeunesse. Pour juger des résultats, il est notamment prévu d'enregistrer la part des hospitalisations de jeunes dues à l'alcool, le but étant de les réduire d'ici 2016 de 5 % par rapport à 2007. A cet effet, l'accent est mis sur le respect des dispositions sur la protection de la jeunesse (par ex. par des formations destinées au personnel de vente et des achats tests). Des concepts de protection de la jeunesse ont été élaborés conjointement avec les cantons, tandis que le dépistage et l'intervention précoces sont dûment encouragés. Afin de soutenir les cantons, le PNA diffuse des informations, propose des plateformes d'échanges et facilite les échanges entre la police, la justice, les directions de l'économie et de la santé publique, ainsi que les autorités sociales.

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Par ailleurs, des recommandations en préparation dans le cadre du PNA visent au déploiement d'une approche structurée en cas d'intoxication alcoolique. Il s'agit principalement de préciser la collaboration entre les services impliqués (hôpitaux, police, consultations en matière de dépendances). Ces travaux s'inspirent de modèles d'intervention développés ces dernières années dans différents hôpitaux, notamment à Genève, à Zurich, à Lausanne, à Bâle, en Argovie et au Valais. Ils incluent un entretien médical avec les jeunes hospitalisés pour consommation excessive d'alcool. Les programmes examinés affichent un taux de participation très élevé et recueillent des avis positifs tant chez les parents que chez les jeunes.

Le Conseil fédéral a proposé, dans son projet de révision totale de la loi sur l'alcool, d'autres mesures reconnues pour leur efficacité, à l'instar des mesures portant sur les prix ou des limitations de l'accès à l'alcool durant la nuit. Elles ont obtenu le soutien de nombreux cantons.

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Proposition du Conseil fédéral

A la lumière de ce qui précède, le Conseil fédéral propose de ne pas entrer en matière sur le projet.

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