15.066 Message concernant l'approbation d'une convention contre les doubles impositions entre la Suisse et l'Oman du 14 octobre 2015

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation d'une convention entre la Suisse et l'Oman en vue d'éviter les doubles impositions, en vous priant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

14 octobre 2015

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2015-1964

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Condensé A la fin de l'année 2010, la Suisse et le Sultanat d'Oman ont engagé des négociations visant à conclure une convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu.. Les négociations ont été terminées par le paraphe d'un projet de convention le 16 mai 2012.

Les cantons et les milieux économiques intéressés ont approuvé la conclusion de cette convention. La convention a été signée le 22 mai 2015.

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Message 1

Contexte, déroulement et résultats des négociations

Le Sultanat d'Oman (ci-après «Oman») est membre de l'Organisation Mondiale du Commerce depuis l'an 2000. Il est également membre du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe (CCG), et constitue avec les six membres du CCG (Arabie Saoudite, Bahreïn, Emirats Arabes Unis, Koweït, Oman et Qatar) une union douanière, depuis 2003, ainsi qu'un marché commun depuis 2008.

L'économie d'Oman, au même titre que la plupart des pays du Golfe persique, est largement dépendante de l'état des réserves de pétrole. Les avoirs provenant des revenus de pétrole, sous la forme de fonds dits «souverains», sont considérables (le Fonds National de Réserve Générale d'Oman disposait d'environ US$ 8 mia. début 2008) et Oman se montre désireux d'investir à l'étranger, notamment en Europe.

Disposant d'importantes réserves de gaz naturel, cet Etat souhaite réduire sa dépendance au pétrole en investissant massivement dans l'industrie gazière. En outre, depuis quelques années, Oman, soucieux de se diversifier en se tournant à la fois vers l'industrie et les services, a mis en place une politique de privatisation de l'économie afin de favoriser l'émergence d'un secteur privé.

En 2011, la Suisse a exporté vers Oman des biens pour un montant total de 168 millions de francs. Une grande partie de ces exportations concerne le secteur des produits de luxe (bijoux et montres), le secteur chimique et pharmaceutique ainsi que celui des machines. Les exportations omanies vers la Suisse ont atteint 2,5 millions de francs environ en 2011 et consistent surtout en cuir et caoutchouc. Pour les entreprises suisses, il existe de nombreuses opportunités d'investir à Oman, notamment dans le domaine de la construction d'infrastructures et dans celui du tourisme. Ainsi, les importantes perspectives de croissance et la capacité d'investissement d'Oman vers l'étranger grâce aux avoirs de son fonds souverain confirment l'intérêt des investissements réciproques.

Divers accords existent déjà entre la Suisse et Oman: un accord de promotion et de protection réciproque des investissements a été conclu le 17 août 2004 (RS 0.975.261.6). Un accord en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les revenus provenant du transport aérien international a été signé le 3 novembre 2007 et est entré en vigueur le 1er juin 2009 (RS 0.672.961.65). Par
ailleurs, Oman et les autres membres du CCG ont signé le 22 juin 2009 avec les Etats membres de l'AELE, dont la Suisse fait partie, un accord de libre-échange (RS 0.632.311.491) ainsi qu'un accord bilatéral agricole (RS 0.632.311.491.1). Ces accords sont entrés en vigueur le 1er juillet 2014.

Etant donné l'importance économique accrue des Pays du Golfe persique, d'une part, et la conclusion de conventions contre les doubles impositions avec les Emirats Arabes Unis, le Koweït et le Qatar, d'autre part, il a été considéré comme opportun d'étendre le réseau conventionnel suisse dans la région du Golfe. Ainsi, une ronde de négociations a eu lieu du 1er au 3 novembre 2010 à Berne et un projet de convention a pu être paraphé à cette occasion. Au vu des enseignements tirés de l'examen par les pairs au sein du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements, le Conseil fédéral a décidé le 13 février 2011 d'adapter les exigences d'identification pour des demandes de renseignements et d'inclure une clause 6891

d'interprétation dans ses conventions contre les doubles impositions. Le projet de convention ainsi amendé a été signé le 22 mai 2015.

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Appréciation

La région du Golfe compte aujourd'hui parmi les régions les plus dynamiques du monde. La capacité d'investissement à l'étranger d'Oman est relativement importante et devrait s'orienter de plus en plus vers l'Europe. Aussi, la conclusion de cette convention vise-t-elle à renforcer la compétitivité de la Suisse, à éviter que les investissements s'orientent vers d'autres pays ou transitent par eux, et surtout à renforcer les relations économiques et commerciales entre la Suisse et Oman.

Mis à part les adaptations nécessaires pour tenir compte des particularités du droit omani, la présente convention correspond dans une large mesure au Modèle de Convention de l'OCDE et à la pratique conventionnelle suisse en matière fiscale y compris le standard international d'assistance administrative. Les solutions retenues en ce qui concerne l'imposition des dividendes et des intérêts doivent s'apprécier de manière globale, puisque cette convention améliorera les conditions fiscales des investissements d'Oman en Suisse et encouragera le maintien de ces derniers. Les conditions générales qu'elle met en place permettront de maintenir et de promouvoir les investissements directs, ce qui est bénéfique au développement économique des deux pays.

Les cantons et les milieux économiques intéressés ont approuvé la conclusion de cette convention.

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Commentaire de certaines dispositions

La convention suit en grande partie, tant sur le plan formel que matériel, le Modèle de convention de l'OCDE ainsi que la pratique suisse en la matière. Les commentaires qui suivent se limitent aux principales particularités de la convention.

Art. 2

Impôts visés

Le champ d'application matériel de la convention couvre uniquement les impôts sur le revenu car Oman ne prélève pas d'impôt sur la fortune.

Art. 4

Résidence

Comme dans les conventions avec les Emirats arabes unis et le Qatar, le critère de l'assujettissement à l'impôt de manière illimité, qui est habituellement utilisé pour la détermination de la résidence des personnes physiques, ne fonctionne pas pour Oman en raison de son système fiscal. Des critères distincts sont donc prévus pour les résidents d'Oman et ceux de Suisse. S'agissant d'Oman, une personne physique y est résidente si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, si elle y a son centre d'intérêts principaux ou si elle y séjourne habituellement, ce qui implique dans tous les cas une présence substantielle dans cet Etat (ch. 3, let. a du protocole ad art. 4).

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Les institutions gouvernementales constituées conformément au droit public, y compris les fonds souverains ou les autres fonds étatiques et la banque nationale sont considérés comme des résidents. La délégation suisse a saisi cette occasion pour stipuler expressément les fonds de pension et les organisations d'utilité publique puisque ceux-ci sont exonérés en droit interne, ce qui correspond à la politique conventionnelle actuelle suisse (ch. 3, let. b du protocole ad art. 4).

Art. 5

Etablissement stable

La définition de l'établissement stable contenue dans le projet de convention correspond à celle du Modèle de convention de l'OCDE et à la politique conventionnelle suisse. Seule la durée à partir de laquelle un chantier de construction ou de montage peut être qualifié d'établissement stable est différente: une durée excédant neuf mois suffit.

Art. 7

Bénéfices des entreprises

Cet article suit les solutions préconisées par le Modèle de convention de l'OCDE de 2008. Oman n'est pas encore prêt à suivre la nouvelle version OCDE de l'art. 7 introduite en juillet 2010 qui traite les établissements stables en grande partie comme des entreprises indépendantes et précise que l'attribution des bénéfices se fait selon les principes applicables en matière de prix de transfert développés pour les entreprises associées. La délégation omanie souhaitait inclure une précision clarifiant que, lors de la détermination du bénéfice imposable de l'établissement stable, les dépenses admises en déduction sont celles qui le sont conformément au droit interne de l'Etat dans lequel l'établissement stable est situé. Cette demande a été acceptée par la délégation suisse puisqu'elle ne fait que confirmer ce qui ressort de cet article et du Commentaire du Modèle de convention de l'OCDE (cf. ch. 5 du protocole ad art. 7, par. 3).

Art. 10 à 12

Dividendes, intérêts et redevances

Le droit interne omani ne prévoit pas de retenues à la source pour les dividendes et les intérêts, mais une retenue à 10 % pour les redevances et les paiements en compensation pour des services techniques.

En matière de dividendes, la convention prévoit un taux résiduel de 5 % pour les sociétés détenant au moins 10 % du capital de la société distributrice. Dans tous les autres cas, le taux résiduel pour les dividendes est limité à 15 %. En plus, la convention prévoit des exonérations de l'impôt à la source pour les dividendes payés par une société d'un Etat contractant à l'autre Etat contractant, à l'une de ses subdivisions politiques ou à sa banque nationale, à une institution de prévoyance, ou, s'agissant d'Oman, à certains fonds souverain. Le cercle des institutions de prévoyance bénéficiaires est fixé dans le protocole (ch. 2 du protocole ad art. 3, par. 1, let. i). En Suisse, il s'agit des institutions du 1er pilier, du 2e pilier et du pilier 3A.

Pour les intérêts, la convention prévoit une retenue à la source au taux de 5% au maximum. La convention contient, comme pour les dividendes, des exceptions pour des paiements effectués à l'autre Etat contractant, à l'une de ses subdivisions politiques ou à sa banque nationale, à une institution de prévoyance, ou, s'agissant d'Oman, à un fonds souverain. Les institutions de prévoyance suisses sont les institutions du 1er pilier, du 2e pilier et du pilier 3A. Les intérêts versés en relation avec 6893

un prêt bancaire, avec un prêt entre sociétés et les intérêts payés en liaison avec une créance provenant de la vente à crédit sont également exonérés d'impôt à la source.

Les autorités compétentes des deux Etats contractants conviendront des institutions détenues entièrement par le gouvernement omanais, outre les fonds souverains explicitement mentionnés, qui seront exonérées des impôts sur les dividendes et les intérêts. Ils peuvent pour cette tâche recourir aux recommandations de l'OCDE à cet égard.

S'agissant des redevances, un taux résiduel de 8 % est prévu par la convention. En effet, depuis l'introduction par Oman d'une retenue à la source de 10 % sur les redevances, toutes les conventions conclues comprennent désormais une retenue minimum de 8 %. Le protocole stipule par ailleurs une clause de la nation la plus favorisée, spécifiant qu'en cas de conclusion par Oman avec un Etat tiers d'une convention réduisant le taux de retenue à la source sur les redevances ou restreignant la portée de la notion de redevance, la solution plus favorable s'appliquera automatiquement à la Suisse (ch. 7 du protocole ad art. 12).

Les paiements pour des services techniques ne sont pas couverts par la notion des redevances. Ils tombent donc sous le coup de l'art. 7 respectivement de l'art 21 et ne peuvent en principe pas être imposés dans l'Etat de source.

Art. 18

Pensions et autres prestations de retraite similaires

Comme les pensions versées à des retraités ayant pris résidence à Oman n'y sont pas imposées, la convention permet à la Suisse de conserver le droit d'imposer ces revenus. Cette solution vaut tant pour les prestations du 2e pilier que pour celles du 3e pilier A et comprend des paiements périodiques et aussi des prestations de capital (ch. 8 du protocole ad art. 18 et 19).

Les Etats contractants sont tenus de traiter des cotisations par une personne à des institutions de prévoyance dans l'autre Etat contractant pour la détermination de l'impôt de cette personne comme des cotisations à des institutions dans le même Etat (ch. 9 du protocole ad art. 18 et 23).

Art. 22

Elimination des doubles impositions

Oman applique la méthode de l'imputation.

La Suisse pratique sa méthode habituelle de l'exonération sous réserve de progressivité. Conformément à sa politique, la Suisse conserve cependant la possibilité d'imposer les gains en capital provenant de la vente des sociétés immobilières si ces gains n'ont pas été effectivement imposés à Oman (art. 13, par. 4). L'imputation forfaitaire est prévue pour les dividendes, intérêts et redevances.

Art. 24

Procédure amiable

La proposition suisse d'introduire une clause d'arbitrage ne correspond pas à la politique omanie, pas plus que celle d'insérer une clause de la nation la plus favorisée. Pour cette raison, la convention ne contient pas de disposition concernant l'arbitrage.

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Art. 25

Echange de renseignements

La convention contient une disposition pour l'assistance administrative sur demande selon le standard international. Son champ d'application matériel est limité aux impôts visés par la convention.

Les dispositions du protocole précisent lart. 25 de la convention: Le ch. 10 règle en détail les exigences auxquelles doit satisfaire toute demande de renseignements (let. b). Sont requis l'identification du contribuable concerné ainsi que, sils sont connus, les nom et adresse de la personne (p. ex. une banque) présumée être en possession des renseignements demandés. Le protocole précise en outre que ces exigences ne doivent pas être interprétées avec un formalisme faisant obstacle à l'échange efficace des renseignements (let. c).

D'après le standard international en la matière, l'échange de renseignements est limité à des demandes concrètes. Selon le standard révisé de l'OCDE, font également partie de ces demandes les demandes qui visent un groupe de contribuables définis précisément, dont on peut déduire qu'ils n'ont pas satisfait à leurs obligations fiscales dans l'Etat requérant. Le protocole de modification permet de donner suite à ces demandes. L'identification peut se faire par le nom et l'adresse de la personne concernée, mais aussi par d'autres moyens comme par exemple la description d'un comportement. Cette interprétation est basée sur la clause d'interprétation (let. c en relation avec let. b), qui oblige les Etats contractants à interpréter les exigences d'une demande de manière à permettre un échange de renseignements qui soit aussi étendu que possible, sans pour autant autoriser la pêche aux renseignements. Les conditions procédurales pour répondre en Suisse aux demandes groupées sont réglées dans la loi du 28 septembre 2012 sur l'assistance administrative fiscale1.

La Suisse a communiqué à la délégation omanaise pendant les négociations qu'elle n'accordera pas l'assistance administrative en matière fiscale si la demande d'assistance administrative se fonde sur des données acquises de manière illégale.

Art.27

Entrée en vigueur

La convention entrera en vigueur à la date de réception de la dernière des notifications concernant l'achèvement des procédures internes requises en vue de l'entrée en vigueur de la convention. Ses dispositions seront applicables aux périodes fiscales commençant dès le 1er janvier, ou après cette date, suivant l'entrée en vigueur. Cela vaut également pour les dispositions concernant l'échange de renseignements.

Abus de la convention Le ch. 1 du protocole contient des dispositions visant à empêcher l'utilisation abusive de la convention. En outre, les dispositions concernant les dividendes, intérêts et redevances ne sont pas applicables lorsque le principal objectif d'une personne dans l'organisation de ses affaires est de bénéficier des avantages conventionnels prévus pour ces revenus (let. b). Cette solution s'inscrit dans le développement de la politique et de la pratique conventionnelle de la Suisse contre l'utilisation abusive des conventions contre les doubles impositions. La let. a prévoit la possibilité pour les autorités compétentes de se consulter pour éviter les cas d'abus de la convention.

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RS 651.1

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Conséquences financières

La réduction de l'impôt prélevé à la source pour les dividendes et les intérêts respectivement les exonérations pour ces paiements effectués au Sultanat d'Oman ainsi que ses fonds souverains, institutions de prévoyance et sa banque nationale portent en principe sur les recettes fiscales de la Suisse. Mais, ils contribuent à une amélioration du climat d'investissement de la Suisse et causent pour cette raison en principe une augmentation des recettes fiscales de la Suisse. Il n'y a pas d'estimations concernant les moins-perçus ou les excédents des recettes.

La convention peut être mise en oeuvre avec les ressources humaines disponibles.

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Constitutionnalité

La convention est fondée sur l'art. 54 de la Constitution (Cst.)2 qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères. En vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale est compétente pour l'approuver. Conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., les traités d'une durée indéterminée qui ne sont pas dénonçables, qui prévoient l'adhésion à une organisation internationale ou qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre nécessite l'adoption de lois fédérales sont sujets au référendum en matière de traités internationaux. Conclue pour une durée indéterminée, la convention peut être dénoncée en tout temps pour la fin d'une année civile moyennant un préavis de six mois. Elle n'implique pas d'adhésion à une organisation internationale. Conformément à l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement3, sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences.

L'assistance administrative sur demande est accordée de manière étendue, conformément au standard international en la matière, ce qui correspond à la politique conventionnelle suisse récente dans ce domaine. La convention contient donc un nouvel engagement important pour la Suisse. En conséquence, l'arrêté fédéral portant approbation de la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et Oman est sujet au référendum, conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

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RS 101 RS 171.10

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