Conditions de validité des initiatives populaires.

Examen du besoin de légiférer Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats du 20 août 2015

2015-2373

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Condensé L'initiative populaire constitue un instrument très prisé: non seulement de nombreuses initiatives sont déposées et font l'objet de votations, mais elles sont aussi bien plus souvent acceptées que dans le passé. On peut y voir le signe réjouissant d'une démocratie qui fonctionne.

Il n'est cependant pas toujours facile de mettre en oeuvre les dispositions constitutionnelles acceptées par le peuple. Dans plusieurs cas, il a été difficile de traduire dans des lois les objectifs des initiatives tout en respectant le principe de l'Etat de droit et les engagements pris par la Suisse au niveau international. Quant aux auteurs des initiatives, il n'est pas rare qu'ils ne prennent pas la mesure de la complexité de l'application des dispositions constitutionnelles et qu'ils fassent pression pour que celles-ci soient mises en oeuvre rapidement et d'une manière conforme à leur vision.

Ainsi, la profusion d'initiatives populaires constitue un défi non seulement pour le législateur, mais aussi pour la démocratie directe elle-même. En effet, les débats, souvent houleux, portant sur les législations d'application s'inscrivent certes dans le processus politique ordinaire, mais peuvent donner aux citoyens l'impression que les initiatives populaires ne sont pas correctement mises en oeuvre. Par ailleurs, le fait de soumettre au peuple des initiatives qui visent une application plus stricte que ce que ne permettent le principe de l'Etat de droit et les traités internationaux est également problématique. La confiance envers cet instrument pourrait en pâtir.

Dans ce contexte, la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (CIP-CE) a examiné la nécessité de compléter les conditions de validité des initiatives populaires. Elle en a conclu que les motifs d'invalidité actuellement applicables ont pleinement fait leurs preuves et que pour l'essentiel il ne convient pas d'y ajouter de nouveaux motifs qui ne pourront de toute façon pas être formulés de façon assez précise et seront donc sujets à une interprétation plus politique que juridique. La majorité de la commission suggère cependant de compléter ou préciser les motifs d'invalidité sur deux points: ­

les initiatives populaires contenant des dispositions rétroactives devraient elles aussi être déclarées nulles;

­

les critères définissant le respect du principe, déjà valable, de l'unité de la matière devraient être appliqués de façon plus stricte ou devraient être formulés de façon plus précise dans la loi.

En outre, la CIP-CE propose trois autres mesures: ­

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inscrire dans la loi sur le Parlement (LParl) le fait que le délai imparti pour traiter une initiative populaire visant à modifier une disposition constitutionnelle dont le délai de mise en oeuvre dans le cadre de la législation n'a pas encore expiré ne commence à courir qu'à l'expiration du délai de mise en oeuvre. Cela permettrait au législateur de mettre en oeuvre une disposition constitutionnelle sans devoir donner dans le même temps son avis sur une initiative portant sur la même disposition;

­

donner aux comités d'initiative la possibilité de soumettre leur initiative populaire à un examen préalable juridique formel et matériel, et pas seulement formel comme c'est le cas actuellement;

­

publier, pour information, dans les explications de vote du Conseil fédéral les textes des actes que l'Assemblée fédérale a élaborés en tant que contreprojets indirects à des initiatives populaires.

Une minorité de la commission estime au contraire qu'il n'est pas nécessaire de prendre des mesures dans ce domaine et se prononce contre l'élaboration des modifications législatives en question.

Le présent rapport a été adopté par la commission par 10 voix contre 0 et 1 abstention.

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Rapport 1

Introduction

Depuis que cet instrument a été créé, en 1891, 200 initiatives populaires ont été soumises au peuple et aux cantons. Un tiers des votations ont eu lieu durant ce siècle, c'est-à-dire au cours des quinze dernières années, ce qui illustre à quel point cet instrument a été prisé ces derniers temps1. Le nombre d'initiatives acceptées est encore plus frappant: parmi les 22 initiatives populaires acceptées par le peuple et les cantons (sur 200), dix l'ont été depuis le passage au nouveau millénaire.

Il s'agit là d'une évolution réjouissante, qui montre que les citoyens souhaitent participer au processus politique et ont la possibilité de le faire. Les chances de succès accrues des initiatives populaires montrent par ailleurs que cet instrument est efficace. On peut en outre observer que les initiatives populaires acceptées lors des votations ne sont pas les seules à produire des effets: les initiatives populaires rejetées ou retirées influencent elles aussi le processus politique dans la mesure où elles influencent sur l'activité législative du Parlement.

Le recours fréquent aux initiatives populaires présente toutefois aussi des inconvénients. Si les effets positifs de cet instrument sur la confiance que les citoyens portent dans le système politique ne sont pas contestés, certaines expériences récentes ont montré qu'il peut aussi avoir l'effet inverse.

On distingue ainsi deux problèmes:

1

­

la confiance dont jouit l'instrument peut diminuer si une initiative populaire formule des promesses qui, lors de sa mise en oeuvre au niveau législatif, ne pourront être tenues sans trahir les engagements internationaux pris par la Suisse, transgresser les droits fondamentaux ou violer les principes de l'Etat de droit. L'Assemblée fédérale a ainsi récemment été confrontée à plusieurs reprises à des initiatives populaires qui voulaient enlever aux autorités judiciaires la marge de manoeuvre dont elles disposent en matière de respect des principes de l'Etat de droit. Les tentatives du Parlement de préserver le cadre de l'Etat de droit lors de la mise en oeuvre de ces initiatives dans la loi ont fréquemment suscité du mécontentement chez leurs auteurs;

­

il n'est pas non plus dans l'intérêt des citoyens qu'une initiative populaire soulève simultanément plusieurs questions. Afin que les citoyens puissent se former une opinion correctement, il est nécessaire de leur soumettre des questions auxquelles il est clairement possible de répondre par oui ou par non. Il semble donc opportun de se demander si l'Assemblée fédérale ne devrait pas appliquer des critères plus stricts concernant la prise en considération du principe de l'unité de la matière dans le cadre de son évaluation du respect des conditions de validité des initiatives populaires.

Ces chiffres sont toutefois comparables à l'accroissement de l'activité parlementaire: le nombre d'actes édictés par l'Assemblée fédérale et celui des interventions et initiatives parlementaires ont également augmenté (pour des données plus précises à ce sujet, voir Bühlmann Marc: Semidirekte Demokratie als Spiel. Zum Verhältnis zwischen Bürgerschaft und Parlament, in: Parlament-Parlement-Parlamento 1/2015, p. 4 ss)

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La CIP-CE s'est donc posé la question de la nécessité de compléter les conditions de validité que doivent remplir les initiatives populaires. Plus concrètement, il s'agissait d'examiner l'éventualité d'ajouter des conditions supplémentaires à la Constitution et de préciser ou d'appliquer de façon plus stricte les dispositions existantes. La commission a mené des investigations approfondies dans ce domaine et procédé à l'audition de nombreux experts.

Le présent rapport rappelle d'abord les délibérations passées et actuelles menées au sujet de la validité des initiatives populaires, puis présente les résultats des auditions des experts, avant de mettre en avant les conclusions de la commission et ses propositions de réforme.

2

Délibérations menées à ce jour

2.1

Délibérations relatives aux motifs d'invalidité qui sont actuellement applicables

2.1.1

Unité de la matière

Selon l'art. 139, al. 3, Cst., une initiative populaire doit respecter notamment le principe de l'unité de la forme et celui de l'unité de la matière pour pouvoir être déclarée valable. L'art. 75, al. 2, de la loi fédérale sur les droits politiques précise à ce sujet que l'unité de la matière est respectée lorsqu'il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties d'une initiative.

A ce jour, deux initiatives populaires ont été déclarées nulles parce que le principe de l'unité de la matière n'avait pas été respecté: «Contre la vie chère et l'inflation» (FF 1977 III 947), en 1977, car elle reliait différents droits sociaux fondamentaux à des compétences économiques étendues de la Confédération, et «Pour moins de dépenses militaires et davantage de politique de paix» (FF 1995 III 563), en 1995, car elle associait la réduction des dépenses militaires à l'affectation des sommes ainsi épargnées à une politique de paix, aux assurances sociales et à la restructuration des entreprises d'armement.

Récemment, les débats ont porté sur l'initiative populaire «Halte à la surpopulation ­ Oui à la préservation durable des ressources naturelles». Les propositions visant à déclarer nulle cette initiative (dite «initiative Ecopop») ont toutefois été rejetées par les Chambres fédérales (BO 2014 E 284, BO 2014 N 1037). L'argumentation des tenants de la nullité consistait à considérer comme distinctes les deux mesures proposées, à savoir la limitation de l'immigration en Suisse et la planification familiale dans les pays en développement. D'autres voix estimaient que le principe de l'unité de la matière était respecté, au motif que l'initiative avait un objectif homogène: la stabilisation globale de la population.

Enfin, il convient de noter que le principe de l'unité de la matière doit être respecté également par les projets de révision de la Constitution qui sont élaborés par les autorités: l'art. 194, al. 2, Cst. prévoit que toute révision partielle de la Constitution, qu'elle soit demandée par le peuple ou décrétée par l'Assemblée fédérale, doit respecter le principe de l'unité de la matière et ne doit pas violer les règles impératives du droit international. L'expression fidèle et sûre de la volonté des citoyens doit en effet être garantie aussi pour les projets de l'Assemblée fédérale. A cet égard, cette dernière s'est également montrée large d'esprit jusqu'à présent: citons par 6489

exemple l'art. 106, al. 2, Cst., en vertu duquel l'impôt que la Confédération prélève sur les recettes dégagées par l'exploitation des jeux est affecté à l'assurancevieillesse, survivants et invalidité. Dans ce cas, le principe de l'unité de la matière n'a pas été remis en question, alors que l'affectation de l'impôt n'a pourtant aucun rapport avec l'impôt lui-même.

2.1.2

Règles impératives du droit international

Toujours selon l'art. 139, al. 3, Cst., une initiative populaire est également déclarée nulle lorsqu'elle ne respecte pas les règles impératives du droit international. Bien que ce critère ait fait son entrée dans la Constitution en 1999 seulement, lors d'une révision totale de cette dernière, il était déjà pris en considération précédemment. Il n'existe qu'un exemple d'application connu à ce jour et il remonte à 1996: l'initiative populaire «Pour une politique d'asile raisonnable», qui a été déclarée nulle parce qu'elle contrevenait au principe de non-refoulement (FF 1996 I 1305).

2.1.2.1

Délibérations relatives à l'examen de l'«initiative de mise en oeuvre»

Une disposition de l'initiative populaire «Pour le renvoi effectif des étrangers criminels (initiative de mise en oeuvre)» énumère de façon exhaustive les parties du droit international impératif. D'après le Conseil fédéral, la définition des règles impératives du droit international donnée par les auteurs de l'initiative est plus restreinte que celle de la notion de jus cogens. Le gouvernement estime certes que le jus cogens ne contient pas d'interdiction de voter sur des modifications de la Constitution qui le contredisent, mais rappelle que les modifications de la Constitution qui violent le jus cogens ne peuvent pas déployer d'effets, raison pour laquelle une déclaration de nullité va de soi dans de tels cas et est d'ailleurs prévue dans le droit constitutionnel suisse en vigueur (FF 2013 8503). C'est pourquoi le Conseil fédéral a proposé aux Chambres fédérales d'invalider la définition des règles impératives du droit international figurant dans l'initiative. Le Conseil national et le Conseil des Etats ont approuvé cette proposition et déclaré l'initiative partiellement nulle, respectivement le 20 mars 2014 et le 10 décembre 2014 (BO 2014 N 532, BO 2014 E 1269).

2.1.2.2

Définition des règles impératives du droit international

La question de savoir si les règles impératives du droit international devaient être définies dans la Constitution a en outre été débattue au Conseil national en relation avec l'initiative parlementaire 09.466 Groupe V «Règles impératives du droit international. Définition». Cette dernière proposait d'insérer une telle définition dans l'art. 139 Cst. Le Conseil national a toutefois rejeté l'initiative par 117 voix contre 56 (BO 2010 N 1547). Les opposants ont fait valoir que les règles impératives du droit international étaient des normes applicables dans l'intérêt commun de tous les Etats, ou d'un certain nombre d'Etats d'une même région. A leurs yeux, le droit international impératif est une notion que les règles de droit, l'application du droit et 6490

le droit coutumier ont influencée au niveau international au cours de l'histoire. Selon eux, il n'est donc pas possible de donner une définition juridique précise de cette notion.

Dans la pratique et, actuellement, dans une grande partie de la doctrine, il est admis que la notion de règles impératives du droit international va au-delà du strict cadre du droit international impératif (jus cogens): dans son message concernant l'initiative de mise en oeuvre, le Conseil fédéral cite également les garanties de la CEDH et du Pacte II de l'ONU en cas de situation de nécessité comme faisant partie du droit international impératif appliqué en droit national (FF 2013 8504).

Une interprétation défendue par une partie de la doctrine consiste à vouloir parler de droit impératif international de fait dans les cas de traités non résiliables ou dont la dénonciation n'est possible qu'à certaines conditions, lesquels traités devraient être considérés de fait comme impératifs. Jusqu'à présent, le Conseil fédéral et le Parlement se sont prononcés contre toute nouvelle extension de l'interprétation de la notion de règles impératives du droit international.

2.2

Délibérations relatives à l'introduction de motifs supplémentaires d'invalidité

2.2.1

Respect des droits fondamentaux et du droit international

2.2.2

Délibérations menées dans le cadre de l'examen de l'initiative parlementaire Vischer 07.477

Les conseils ont examiné de manière approfondie la question de savoir s'il convenait d'introduire des motifs supplémentaires d'invalidité, notamment dans le cadre de l'examen de l'initiative parlementaire 07.477 Vischer «Validité des initiatives populaires». Celle-ci visait à modifier la Constitution de manière qu'une initiative populaire soit déclarée nulle lorsque, sur le fond, elle contrevient aux dispositions du droit international public régissant les droits fondamentaux et les garanties de procédure.

Une courte majorité de la CIP-CN avait décidé de donner suite à l'initiative, bien que les experts entendus dans le cadre de son examen préalable eussent exprimé leur scepticisme quant à l'ajout de nouveaux critères permettant d'invalider les initiatives populaires. Pour sa part, la CIP-CE était de l'avis contraire. En fin de compte, chacun des conseils s'est rallié au point de vue de sa commission: le 11 mars 2009, le Conseil national a donné suite à l'initiative par 96 voix contre 72 (BO 2009 N 294, BO 2011 E 851); le 20 septembre 2011, le Conseil des Etats a décidé, sans opposition, de ne pas y donner suite. Les critiques émises par la CIP-CE envers des motifs supplémentaires d'invalidité résidaient dans l'idée que, selon elle, ceux-ci ne pourraient pas être définis assez précisément, ce qui provoquerait de grandes incertitudes.

La commission espérait que les propositions esquissées dans le rapport additionnel du Conseil fédéral du 30 mars 2011 (voir ch. 2.2.1.3 ci-dessous) seraient plus à même de régler la question des initiatives populaires contraires au droit international.

6491

2.2.2.1

Rapport du Conseil fédéral du 5 mars 2010

En réponse à deux postulats, le Conseil fédéral a présenté, le 5 mars 2010, un rapport qui expose de manière complète la relation entre droit international et droit interne (FF 2010 1989). Il y analyse différentes formes d'extension des motifs d'invalidité des initiatives populaires: 1.

«Violation de dispositions du droit international qui sont d'une importance vitale pour la Suisse». Cette solution permettrait de tenir compte de règles internationales auxquelles la Suisse ne peut pas, politiquement, envisager de se soustraire. Le Conseil fédéral considère néanmoins que ce critère demeurerait impraticable même si le Tribunal fédéral était chargé de se prononcer sur la validité des initiatives populaires: il voit mal sur quels critères juridiques pourrait se fonder un organe pour déterminer quelles dispositions de droit international public sont d'une «importance vitale» pour la Suisse.

2.

«Violation des dispositions internationales de protection des droits de l'homme» (selon l'iv. pa. Vischer). Une disposition de ce type permettrait par exemple de déclarer nulle une initiative populaire qui contreviendrait à la CEDH. Dans son rapport, le Conseil fédéral considère aussi cette solution d'un oeil critique. Quelles dispositions internationales seraient visées? Les droits fondamentaux de nature socio-économique en feraient-ils partie? Sans compter que les droits garantis par des traités internationaux font l'objet d'une jurisprudence qui fait évoluer leur contenu, sous l'égide d'organes internationaux. L'interprétation de ces droits par les organes en question poserait une limite au droit d'initiative.

3.

Une autre possibilité consisterait à énumérer, en plus des règles impératives du droit international, les autres dispositions internationales auxquelles ne pourraient pas déroger les initiatives populaires ou les révisions constitutionnelles en général. Cette énumération pourrait comprendre des traités comme la CEDH, le Pacte II de l'ONU ou le traité OMC; les initiatives populaires qui y contreviendraient seraient déclarées nulles. Cette proposition, formulée dans un postulat de la CIP-CN, a toutefois été considérée par le Conseil fédéral comme difficile à mettre en oeuvre: étant donné que certains traités seraient intégrés dans l'énumération et que d'autres ne le seraient pas, cette solution aurait pour effet d'instaurer une hiérarchie, ceux qui figureraient dans la liste primant pour ainsi dire les autres. Il y aurait lieu en outre de se demander si toutes les dispositions de ces traités constitueraient un obstacle à la révision de la Constitution, ce qui pourrait avoir de très lourdes conséquences, d'autant plus que l'évolution jurisprudentielle de ces traités devrait également être prise en considération (voir ch. 2).

4.

«Inapplicabilité de l'initiative populaire sur le plan juridique ou politique».

Actuellement, seule l'impossibilité matérielle de mettre en oeuvre une initiative populaire est admise comme motif d'invalidité, c'est-à-dire s'il n'est de facto pas possible d'exécuter l'initiative. Le Conseil fédéral estime toutefois qu'il serait difficilement envisageable d'introduire dans la Constitution des motifs d'invalidité aussi vagues que «l'inapplicabilité juridique» et «l'inapplicabilité politique». C'est évidemment l'appréciation politique qui est déterminante pour juger de tels critères.

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En résumé, le Conseil fédéral relève dans son rapport que les solutions qui visent à résoudre les difficultés liées aux initiatives populaires contraires au droit international en modifiant la réglementation sur la validité des initiatives populaires du point de vue matériel sont séduisantes à première vue, mais que, à y regarder de plus près, elles soulèvent nombre de questions juridiques et politiques.

2.2.2.2

Rapport additionnel du Conseil fédéral du 30 mars 2011

Dans un rapport additionnel à son rapport du 5 mars 2010, le Conseil fédéral a proposé une autre solution visant à résoudre le problème des initiatives populaires contraires au droit international (FF 2011 3401). Concrètement, il s'agirait de faire en sorte que les initiatives populaires doivent également respecter «l'essence des droits fondamentaux constitutionnels». L'avantage de cette solution réside dans le fait qu'elle s'appuie sur le droit constitutionnel suisse en vigueur et qu'elle ne se réfère pas à des traités internationaux. Elle ne porte pas non plus sur des notions juridiques vagues, mais sur une notion déjà inscrite dans la Constitution (art. 36, al. 4). Dorénavant, le constituant se soumettrait aux mêmes limites matérielles que celles qui sont posées aujourd'hui au législateur par l'essence des droits fondamentaux. En dépit du fait que cette solution repose sur les valeurs fondamentales du droit interne, il serait possible ainsi de désamorcer quelque peu la question des initiatives populaires contraires au droit international, car ces valeurs fondamentales et les garanties importantes du droit international se recoupent bien souvent.

Le Conseil fédéral s'est en outre penché sur la question de savoir si les violations du principe de non-discrimination devraient être ajoutées aux limites matérielles mentionnées à l'art. 139, al. 3, Cst. Dans l'affirmative, d'autres conflits potentiels pourraient être évités entre le droit international et le nouveau droit constitutionnel.

Cependant, une restriction supplémentaire au droit d'initiative serait ainsi créée. De plus, il convient de rappeler que le principe de non-discrimination ne se situe pas au même niveau que l'essence des droits fondamentaux, laquelle délimite un domaine qui est protégé de manière absolue contre les interventions de l'Etat.

2.2.2.3

Motion déposée par la CIP-CN (11.3468)

La proposition d'ajouter aux motifs d'invalidité la violation de l'essence des droits fondamentaux a été bien accueillie au sein de la CIP-CN: le 19 mai 2011, la commission a déposé une motion chargeant le Conseil fédéral d'élaborer un projet qui irait dans ce sens et qui instaurerait un examen matériel préliminaire non contraignant. Le Conseil national a adopté cette motion par 99 voix contre 59 (BO 2011 N 2169). La CIP-CE s'est montrée plus sceptique et a déposé une motion qui se limitait à introduire l'examen préliminaire non contraignant. La motion du Conseil national, qui visait également à compléter les motifs d'invalidité, a été approuvée par la CIP-CE, puis adoptée par le Conseil des Etats au début de l'année 2012, mais uniquement avec la voix prépondérante du président dans les deux cas (BO 2012 E 51).

6493

2.2.2.4

Rapport du Conseil fédéral proposant le classement des motions (14.024)

Conformément aux motions qui lui avaient été transmises, le Conseil fédéral a élaboré un projet qui mettait en oeuvre juridiquement non seulement les propositions visant à étendre les motifs d'invalidité, mais encore un examen matériel préliminaire non contraignant (FF 2014 2259). Il a mis en consultation les modifications constitutionnelles et légales correspondantes le 15 mars 2013. Ces deux projets ont suscité une franche opposition de la plupart des organismes consultés. Les critiques ont notamment porté sur le manque d'efficacité, la notion d'essence des droits fondamentaux étant quasiment identique à celle de règles impératives du droit international. De plus, la notion d'essence des droits fondamentaux a été jugée trop indéterminée et trop dynamique.

En conséquence, le Conseil fédéral a renoncé à soumettre un projet au Parlement et a proposé aux conseils, dans son rapport du 19 février 2014, le classement des motions concernées.

Le 12 août 2014, la CIP-CN s'est penchée sur ledit rapport et a conclu qu'il serait prématuré de classer ces motions. Elle a décidé d'ajourner l'objet jusqu'à ce que le Conseil fédéral présente son rapport consacré au postulat 13.3805 Groupe RL «Etablir un rapport clair entre le droit international et le droit suisse», transmis par le Conseil national, ce qu'il a fait le 12 juin 2015. La CIP-CN devrait donc pouvoir poursuivre ses délibérations à ce sujet à l'automne 2015.

2.2.3

Interdiction des dispositions rétroactives

2.2.3.1

Délibérations relatives à différents exemples

Quand les dispositions d'une initiative populaire sont-elles rétroactives? Il n'est guère aisé de répondre à cette question. Dans sa réponse du 1er février 2012 à l'interpellation 11.4111, déposée par le groupe RL, le Conseil fédéral n'a ainsi trouvé à citer qu'un exemple d'initiative populaire à effet rétroactif ayant été acceptée, tandis que la CIP-CN en mentionnait deux dans son rapport du 26 février 1993 (FF 1993 II 205). Il semble qu'il y ait unanimité pour considérer que l'initiative «Pour la protection des marais» (initiative de Rothenthurm), acceptée par le peuple et les cantons le 6 décembre 1987, comportait une disposition rétroactive. Il s'agissait de celle-ci: «Il y aura lieu de démanteler toute installation ou construction et de remettre dans son état d'origine tout terrain modifié, aux frais des responsables, lorsque ces ouvrages ou ces modifications sont contraires au but visé par la protection et qu'elles ont été entreprises après le 1er juin 1983». La CIP-CN donnait comme autre exemple l'initiative «Halte à la construction de centrales nucléaires (moratoire)», acceptée par le peuple et les cantons le 23 septembre 1990. Dans ce dernier cas, l'initiative visait à ce que, durant les dix ans suivant l'acceptation de l'initiative, aucune autorisation ne soit accordée pour de nouvelles installations destinées à la production d'énergie atomique, étant considérées comme «nouvelles» les centrales nucléaires pour lesquelles l'autorisation de construire prévue par le droit fédéral n'avait pas été accordée avant le 30 septembre 1986.

Le débat concernant la rétroactivité des initiatives populaires s'est intensifié au début des années 1990, en relation avec deux initiatives qui étaient alors pendantes, 6494

mais qui ont été rejetées par la suite: l'initiative «40 places d'armes, ça suffit, l'armée doit aussi se soumettre à la législation sur l'environnement» et l'initiative «Pour une Suisse sans nouveaux avions de combat». Le sujet a ensuite perdu de son actualité, avant de revenir sur le devant de la scène lors de l'examen de l'initiative «Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS (Réforme de la fiscalité successorale)», qui prévoyait l'imputation rétroactive des donations à partir du 1er janvier 2012 et, partant, leur imposition (BO 2014 E 903).

Toutes les initiatives populaires précitées ont été déclarées valables par l'Assemblée fédérale, puisque la Constitution n'interdit pas les dispositions rétroactives dans les initiatives populaires.

2.2.3.2

91.410 Iv. pa. Initiatives populaires.

Dispositions rétroactives

Dans le cadre de la mise en oeuvre de l'initiative parlementaire 91.410, déposée par le conseiller national Walter Zwingli (PRD, SG), la CIP-CN a présenté, le 26 février 1993, un projet de modification de la Constitution (FF 1993 II 205). La commission proposait d'inscrire dans la Constitution le texte suivant: «Les dispositions figurant dans les demandes d'initiatives qui déploient des effets juridiques à partir d'une date antérieure à l'adoption de la demande par le peuple et les cantons sont inadmissibles.» La commission a notamment argué que cette interdiction des dispositions rétroactives était nécessaire parce que, d'une part, il y avait lieu de garantir la sécurité du droit et, d'autre part, il y avait toujours plus d'initiatives populaires qui revêtaient en réalité le caractère d'un référendum (par ex. les initiatives contre les places d'armes et les avions de combat). La minorité de la commission et le Conseil fédéral (avis du 7 avril 1993, FF 1993 II 224) y ont opposé le fait que les discussions sur les initiatives populaires récentes avaient montré que les opinions même des spécialistes divergeaient souvent considérablement lorsqu'il s'agissait de déterminer si une initiative contenait ou non une clause rétroactive. Une telle décision ne pourrait guère être confiée à l'Assemblée fédérale. Pratiquement, toute initiative populaire peut être rédigée de telle façon que, sans clause rétroactive, elle engendre les mêmes conséquences. Quiconque voudrait par exemple s'opposer, au moyen d'une initiative populaire, à la construction d'un tronçon de route nationale pourrait, au lieu de demander l'annulation rétroactive de l'arrêté concerné, demander l'interdiction d'utiliser ce tronçon de route ou exiger sa destruction.

Les arguments de la minorité de la commission et du Conseil fédéral ont convaincu le Conseil des Etats, qui a décidé, le 16 juin 1994, de ne pas entrer en matière sur le projet, par 19 voix contre 11, avant de confirmer cette décision le 3 octobre 1995, sonnant ainsi le glas de ce projet (BO 1994 E 742, BO 1995 E 970).

6495

2.2.3.3

Refonte de la Constitution: non à l'interdiction des dispositions rétroactives proposée par le projet de réforme des droits populaires

Lors de l'examen de l'initiative parlementaire Zwingli, le Conseil fédéral comme le Conseil des Etats ont fait valoir que l'interdiction des dispositions rétroactives ne devait pas être étudiée isolément, mais dans le cadre d'une réforme générale des droits populaires. Dans le chapitre de son message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale consacré à la réforme des droits populaires, le Conseil fédéral a toutefois écrit qu'il n'était pas opportun d'instaurer une interdiction des clauses rétroactives dans les initiatives populaires (FF 1997 I 454). Parmi les arguments avancés, il cite la difficulté à mettre en oeuvre cette interdiction (définition de la rétroactivité, fixation du moment déterminant de la rétroactivité, possibilité de tourner l'interdiction). Il rappelle en outre l'instauration prévue du référendum en matière administrative et financière, censée entraîner une diminution du nombre d'initiatives comportant une clause rétroactive.

Cette réforme des droits populaires ayant échoué, le groupe libéral-radical a déposé, le 21 décembre 2011, une interpellation qui demandait au Conseil fédéral quelles mesures il comptait prendre à l'égard des initiatives comportant des dispositions à effet rétroactif, étant donné que l'instauration d'un référendum administratif et d'un référendum financier avait elle aussi échoué (11.4111 Ip. Groupe RL). Dans sa réponse du 1er février 2012, le Conseil fédéral a répété qu'il ne percevait pas l'utilité d'adopter de nouvelles mesures dans ce domaine. Par ailleurs, il faisait remarquer que les initiatives populaires à effet rétroactif étaient rares et estimait qu'il serait disproportionné de priver le peuple et les cantons de s'exprimer à leur sujet. Dans ces cas-là, il vaudrait mieux recommander le refus de l'initiative concernée.

2.2.3.4

14.471 Iv.pa. Lustenberger. Non aux clauses rétroactives dans les initiatives populaires

Dans le contexte des délibérations relatives à l'initiative populaire «Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS (Réforme de la fiscalité successorale)», le conseiller national Ruedi Lustenberger (C, LU) a déposé une initiative parlementaire demandant l'interdiction des dispositions rétroactives dans les initiatives populaires, à laquelle la CIP-CN a donné suite le 26 mars 2015 par 9 voix contre 5 et 10 abstentions. Pour les partisans de l'initiative, le fait d'imposer rétroactivement des devoirs et des charges crée une insécurité juridique et les clauses rétroactives constituent ainsi une violation d'un principe fondamental de l'Etat de droit.

2.3

Délibérations relatives à la procédure d'examen préliminaire et à la procédure d'examen

2.3.1

Procédure d'examen préliminaire

Au moyen des motions 11.3468 et 11.3751 (voir ch. 2.2.1.4 et 2.2.1.5. ci-dessus), les deux Commissions des institutions politiques demandaient l'introduction d'un examen préliminaire ­ non contraignant ­ de la validité des initiatives populaires 6496

avant le début de la récolte des signatures. Le Conseil fédéral a alors mis en consultation un projet de modification de la loi fédérale sur les droits politiques, lequel prévoyait que le comité d'initiative reçoive, avant le début de la récolte des signatures, un avis juridique conjoint de l'Office fédéral de la justice (OFJ) et de la Direction du droit international public (DDIP) concernant la compatibilité de leur texte avec le droit international. Il appartiendrait ensuite aux auteurs de l'initiative de décider de la suite à donner à cet avis officiel: ils pourraient adapter le texte de l'initiative ou lancer la récolte des signatures sans le modifier, voire y renoncer.

L'avis conjoint des deux offices ne pourrait pas être contesté par la voie du recours.

En revanche, le résultat de l'avis serait imprimé sur les listes de signatures afin que les citoyens en soient informés.

Diverses critiques ont été formulées contre le projet lors de la consultation. Certaines voix ont estimé que l'avis conjoint de l'OFJ et de la DDIP n'influencerait guère les comités d'initiative. D'autres ont jugé que la mention du résultat de l'avis sur les listes de signatures constituait une restriction injustifiée de la liberté de vote et perturbait la procédure de formation de l'opinion. D'autres encore ont reproché au projet de susciter des travaux administratifs disproportionnés à un stade (trop) précoce de la procédure, soit avant même la phase de récolte des signatures.

En conséquence, le Conseil fédéral a renoncé à soumettre un projet au Parlement et a proposé le classement des motions concernées (voir ch. 2.2.1.5 ci-dessus).

2.3.2

Procédure d'examen

2.3.2.1

Décision juridique avant la récolte des signatures

La procédure concernant l'examen de la validité des initiatives populaires a été débattue au Conseil national en 2011: le 13 avril, celui-ci a rejeté, par 101 voix contre 47, l'initiative parlementaire 09.521 Moret «Validité des initiatives populaires. Décision juridique avant la récolte des signatures». L'initiative visait, d'une part, à ce que la question de la validité d'une initiative populaire soit tranchée avant la récolte des signatures et, d'autre part, à ce que cette décision n'incombe plus à l'Assemblée fédérale, mais à une instance judiciaire. Pour l'auteur de l'initiative, un long processus démocratique s'est déjà déroulé au moment où 100 000 signatures ont été récoltées. La décision sur la validité du texte devrait donc être prise en amont. Celle-ci devrait en outre reposer sur des arguments juridiques pertinents, qui ne soient pas vérifiés par une instance politique.

Eu égard à la grande portée politique d'une déclaration de nullité, le Conseil national s'est toutefois rallié à l'opinion selon laquelle il serait préférable que le Parlement continue d'assumer cette responsabilité. En outre, il a estimé qu'il ne serait pas judicieux de procéder à un examen approfondi de la validité d'une initiative populaire qui n'a même pas encore abouti et qui ne sera peut-être soutenue que par quelques personnes.

6497

2.3.2.2

Propositions visant à donner la possibilité de consulter le Tribunal fédéral

Dans son rapport du 5 mars 2010 (voir ch. 2.2.1.2 ci-dessus), le Conseil fédéral a proposé entre autres de donner à l'Assemblée fédérale la possibilité de consulter le Tribunal fédéral au stade de l'examen de l'initiative populaire par le Parlement, avant de décider de sa validité ou de son invalidité. Une variante consistait à prévoir l'obligation pour l'Assemblée fédérale de consulter le Tribunal fédéral avant d'invalider une initiative populaire. L'avis du Tribunal fédéral n'aurait cependant pas lié l'Assemblée fédérale, de sorte que celle-ci aurait conservé la compétence de prendre la décision finale quant à la validité d'une initiative. Consulter le Tribunal fédéral aurait pratiquement équivalu à solliciter une expertise juridique. La CIP-CE s'est également penchée sur la possibilité de consulter le Tribunal fédéral au sujet de la validité des initiatives populaires dans le cadre de l'élaboration du projet de réforme des droits populaires (99.436). Dans son rapport du 2 avril 2001, elle parvenait à la conclusion que le fait de consulter le Tribunal fédéral comportait trop d'inconvénients (FF 2001 4618). Elle estimait notamment qu'il s'agissait d'une atteinte trop grande à la séparation des pouvoirs et qu'il fallait éviter que les travaux des tribunaux n'acquièrent un caractère politique. Enfin, elle était d'avis que d'éventuelles divergences de vue entre le Tribunal fédéral et l'Assemblée fédérale menaceraient la crédibilité des autorités fédérales suprêmes.

La possibilité de consulter le Tribunal fédéral dans ce contexte avait déjà été discutée lors de la révision totale de la Constitution. Dans le cadre du projet de réforme des droits populaires, le Conseil fédéral avait proposé que l'Assemblée fédérale, si elle avait un doute sur la validité d'une initiative, saisît le Tribunal fédéral, dont la décision aurait lié l'Assemblée fédérale (FF 1997 I 490). Cette proposition n'a toutefois pas convaincu les Commissions de la révision constitutionnelle. D'après celles-ci, la décision sur la validité d'une initiative populaire comprend souvent des éléments politiques, même s'il est impératif qu'elle repose sur des arguments juridiques. Dans son rapport du 5 mars 2010, le Conseil fédéral a lui aussi exprimé, avec le recul, son scepticisme à l'égard de cette proposition. Donner la possibilité de
consulter le Tribunal fédéral reviendrait à introduire, ne serait-ce que partiellement, une juridiction constitutionnelle, alors qu'il n'en existe pas pour les lois fédérales.

3

Auditions

Après avoir analysé les délibérations menées à ce sujet, la commission a élaboré une liste de questions portant sur les différentes propositions de réformes abordées au Parlement, au sein de l'administration et dans la littérature spécialisée. Ces questions ont été soumises à différents experts que la commission a ensuite auditionnés, le 22 janvier 2015. Il s'agit des personnes suivantes: ­

Astrid Epiney, professeure en droit international, droit européen et droit public suisse à l'Université de Fribourg depuis 1994;

­

Andreas Glaser, professeur en droit public, de droit administratif et de droit européen à l'Université de Zurich depuis 2013, membre de la direction du Zentrum für Demokratie (centre d'études sur la démocratie) à Aarau;

­

Ulrich E. Gut, président de l'association «Unser Recht», propriétaire d'une société de conseil, Zurich;

6498

­

Andreas Kley, professeur de droit public à l'Université de Zurich depuis 2005;

­

Jörg Künzli, professeur de droit constitutionnel et de droit international à l'Université de Berne depuis 2010;

­

Wolf Linder, professeur à l'Institut de sciences politiques de l'Université de Berne entre 1987 et 2009;

­

Giorgio Malinverni, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Genève entre 1980 et 2006, puis juge à la Cour européenne des droits de l'homme entre 2007 et 2011;

­

Vincent Martenet, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Lausanne depuis 2005;

­

Georg Müller, professeur de droit constitutionnel et de droit administratif à l'Université de Zurich entre 1982 et 2006;

­

Hans Georg Seiler, juge fédéral;

­

Martin Schubarth, avocat à Lausanne et ancien président du Tribunal fédéral.

Deux experts n'ayant pas pu participer à l'audition ont exprimé leur avis par écrit: ­

Andreas Auer, professeur de droit public à l'Université de Zurich entre 2008 et 2013, directeur et cofondateur du Zentrum für Demokratie (centre d'études sur la démocratie) à Aarau;

­

Markus Müller, professeur de droit public à l'Université de Berne depuis 2004.

Les experts ont été priés d'effectuer, sur la base de la liste de questions qui leur a été soumise, une analyse de la situation et de la nécessité générale d'entreprendre des réformes, pour ensuite évaluer les propositions concrètes de réformes.

3.1

Appréciation de la situation et du besoin de légiférer

3.1.1

Analyse de la situation

Plusieurs experts relativisent, à l'aide d'exemples historiques, la thèse de l'augmentation des initiatives populaires qui posent des problèmes. Il est toutefois communément admis que les initiatives connaissent un succès croissant, qui s'explique en premier lieu par la hausse des tensions sociales. La multiplication des contradictions avec le droit international proviendrait de l'augmentation notable des obligations qui découlent précisément du droit international. Une extension du champ d'application et une politisation des droits fondamentaux sont également constatées. Certains experts mentionnent la tendance des partis représentés au gouvernement à lancer eux aussi de plus en plus souvent des initiatives populaires dans une optique électoraliste.

Tous les experts estiment que la pratique de l'Assemblée fédérale en matière d'examen de la validité des initiatives répond aux critères de l'art. 139, al. 3, Cst.

Une partie d'entre eux souhaiteraient néanmoins que le principe de l'unité de la matière soit appliqué plus strictement.

6499

3.1.2

Réexamen de l'art. 139, al. 3, Cst.

Une large majorité des experts ont exprimé leur scepticisme quant au réexamen juridique de l'art. 139, al. 3, Cst. Cependant, plusieurs plaident en faveur d'une application plus rigoureuse des critères en vigueur. Certains pensent qu'affiner ou étendre les critères d'invalidation les rendrait désormais inapplicables par l'Assemblée fédérale. Le cas échéant, il incomberait au Tribunal fédéral de procéder à l'examen requis. Différents experts estiment en outre que, si de nouvelles limites matérielles étaient posées, elles seraient valables aussi pour les projets émanant d'autorités.

Deux experts affirment être plutôt favorables au réexamen juridique des critères d'invalidation, se montrant toutefois sceptiques quant à la possibilité de trouver une solution appropriée et réalisable sur le plan politique. De son côté, un autre expert se prononce en faveur d'un examen complet de l'ensemble des droits populaires.

3.1.3

Autres réformes

De nombreux experts proposent de se pencher sur la rédaction des titres des initiatives populaires. Il faudrait par exemple interdire les titres à caractère publicitaire ou confier la rédaction de tous les titres à la Chancellerie fédérale.

En outre, une amélioration de l'information fournie aux citoyens est souhaitée. La brochure explicative pourrait par exemple attirer leur attention sur une éventuelle contradiction entre le texte de l'initiative et le droit international ou les droits fondamentaux. Un expert propose de ne pas se contenter de la brochure explicative en guise d'information.

Certains experts voudraient que le texte de l'initiative indique déjà qu'il sera peutêtre nécessaire de dénoncer des traités internationaux. Un expert propose d'associer le vote sur l'initiative constitutionnelle à la question de savoir si tel ou tel traité devra être dénoncé au cas où la nouvelle disposition se révélerait incompatible avec celui-ci. Un autre expert propose pour sa part une procédure en deux étapes: si l'examen préliminaire démontre qu'une initiative est contraire au droit international, ses auteurs peuvent y insérer les traités et les dispositions concernés, sans quoi ils sont censés approuver la mise en oeuvre de leur texte en conformité avec le droit international; s'ils y ajoutent ces indications et que l'initiative est acceptée, une deuxième votation est organisée, qui porte sur la dénonciation des traités en question. Une procédure analogue pourrait être suivie si le texte concernait les droits fondamentaux et qu'il remît en cause les principes de la séparation des pouvoirs.

Une personne souhaite quant à elle restreindre le droit d'initiative à la forme d'une proposition conçue en termes généraux.

Enfin, quelques experts proposent d'augmenter le nombre de signatures ou d'instaurer de nouveaux droits populaires.

6500

3.1.4

Evolution dans les cantons

Ce point fait référence à la juridiction constitutionnelle appliquée dans les cantons, laquelle permet de simplifier cette problématique. Il est question aussi de la procédure d'examen préliminaire quant au fond dans certains cantons et de la possibilité de scinder les initiatives.

3.2

Appréciation des possibilités de réforme

3.2.1

Ajout de motifs d'invalidité à l'art. 139, al. 3, Cst.

La grande majorité des experts jugent que les motifs proposés (violation de l'essence des droits fondamentaux, violation de l'interdiction de discriminer et violation de principes constitutionnels fondamentaux tels que le principe de la proportionnalité ou l'interdiction de la rétroactivité) sont inappropriés en vue de compléter la liste des motifs d'invalidité. Les notions en question sont trop vagues, elles se prêteraient plutôt à une application individuelle du droit. En tout état de cause, plusieurs experts estiment que, si de nouveaux motifs d'invalidité devaient être pris en considération, la compétence d'examiner la validité des initiatives populaires devrait être transférée au Tribunal fédéral.

Un expert est d'avis que la violation de l'interdiction de discriminer pourrait constituer une cause supplémentaire d'invalidation. Un autre expert retient également ce critère, mais il estime qu'il n'est pas optimal en raison des problèmes de mise en oeuvre qu'il risquerait de soulever.

Une personne et plutôt favorable à l'ajout de l'interdiction de la rétroactivité, pour l'examen de laquelle l'Assemblée fédérale serait encore la mieux placée.

3.2.2

Unité de la matière

Une forte majorité des experts se prononcent pour une application plus stricte du principe de l'unité de la matière. L'un d'eux souligne toutefois que la pratique du Tribunal fédéral ne peut servir de référence que dans une certaine mesure, car celuici n'admet que rarement la violation du principe de l'unité de la matière. D'autres insistent sur le fait que les mêmes règles devraient alors s'appliquer aux projets émanant d'autorités, ce qui pourrait représenter un immense défi pour le Conseil fédéral et le Parlement. A l'inverse, un expert défend l'idée de critères moins rigoureux pour les projets émanant d'autorités, car ces dernières disposeraient d'une plus grande légitimité démocratique que les comités d'initiative.

Une majorité est cependant opposée à l'inscription dans la loi de critères plus stricts, car il est très ardu de formuler des critères généraux et abstraits. Un expert estime qu'une révision de la loi n'est pas absolument indispensable, même si elle aurait l'avantage d'assurer la transparence et de permettre au peuple de s'exprimer sur la question au moyen d'un référendum.

Une personne considère que la pratique actuelle est cohérente et que le fait de se fonder sur la pratique du Tribunal fédéral ne changerait pas grand-chose. Un autre expert est d'avis qu'une judiciarisation surchargerait l'Assemblée fédérale. Pour une

6501

personne, une application plus stricte de ce critère ne contribuerait pas vraiment à résoudre les problèmes qui y sont liés.

S'agissant de la possibilité de scinder une initiative populaire, elle suscite le scepticisme de la majorité des experts. L'un d'eux évoque l'éventualité de voir des auteurs être tentés d'inclure le plus d'éléments possible dans leur initiative et d'obtenir ainsi deux initiatives «pour le prix d'une», c'est-à-dire en récoltant une seule fois les signatures requises.

3.2.3

Règles impératives du droit international

Une grande majorité des experts sont opposés à une redéfinition ou à une interprétation plus large de la notion de «règles impératives du droit international». Cette notion ne peut être définie en droit national, car elle évolue en fonction de la pratique. Tous les experts estiment en outre que le respect du principe de la proportionnalité n'en fait pas partie.

Un expert voudrait soit remplacer cette notion, dans la Constitution, par l'expression «les droits de l'homme garantis par la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH)», soit en faire une notion autonome du droit national, sans référence à la notion de jus cogens.

Pour sa part, un autre expert est favorable à une notion qu'il nomme «jus cogens plus», en ce sens qu'elle engloberait quelques points fondamentaux du droit international considéré à l'échelle régionale (par ex. l'abolition de la peine de mort).

Une personne s'appuie sur la clause du Pacte II de l'ONU concernant les cas d'état d'urgence pour estimer que le droit international impératif interdit l'exclusion totale de solutions ponctuelles dans le cadre du champ d'application d'un droit fondamental.

3.2.4

Interprétation harmonisée des différentes dispositions de la Constitution

Presque tous les experts sont opposés à ce que le principe de l'interprétation harmonisée des différentes dispositions de la Constitution soit inséré dans la législation.

Pour certains, s'il s'agit bien là d'un principe important, dont l'application s'impose, l'insérer dans la législation n'apporterait rien. Pour d'autres, ce principe ne devrait pas engendrer une interprétation trop large de la Constitution.

Un expert se déclare favorable à une clarification d'ordre constitutionnel, soit en précisant que toutes les dispositions de la Constitution sont de même rang, soit en établissant une hiérarchie entre les différentes dispositions constitutionnelles.

6502

3.2.5

Prise en considération du principe de la proportionnalité dans l'application du droit

La plupart des experts sont contre l'idée de compléter l'art. 190 Cst. en y ajoutant le respect du principe de la proportionnalité.

Certains d'entre eux estiment que le Tribunal fédéral est déjà tenu de respecter ce principe dans l'application du droit. D'autres considèrent que le fait d'ajouter ce principe à l'art. 190 Cst. serait contraire au système, car cet article indique des sources de droit et non des principes de droit. Compléter l'art. 190 Cst. dans ce sens sèmerait ainsi la confusion.

Un expert serait favorable à un élargissement général de la compétence du Tribunal fédéral en matière d'examen. Un autre expert voudrait abroger l'art. 190 Cst. dans son intégralité.

3.2.6

Pas de disposition légale dans la Constitution

Une large majorité des experts sont opposés à de nouvelles formes d'initiative et à l'idée de limiter l'initiative populaire à la forme d'une proposition conçue en termes généraux. L'initiative populaire législative ne serait guère utilisée, car sa constitutionnalité devrait être contrôlée. La plupart des experts jugent que limiter l'initiative populaire à la forme d'une proposition conçue en termes généraux représenterait un sérieux affaiblissement de la démocratie. Il est aussi fait état des difficultés rencontrées avec la mise en oeuvre de l'initiative populaire générale. Certains relèvent qu'aucune disposition n'est consacrée aux limites matérielles de la Constitution, de sorte que la notion de ce qui est «digne de figurer dans la Constitution» n'est pas définie.

Quelques experts sont d'avis que les propositions visant à permettre la mise en oeuvre d'une initiative constitutionnelle au degré législatif méritent réflexion.

Une personne soutient l'idée de restreindre le droit d'initiative à la forme d'une proposition conçue en termes généraux. Pour les auteurs d'une initiative, il pourrait être plus intéressant de présenter un argument en termes généraux et de le voir ensuite reformulé par l'Assemblée fédérale, de manière à ce qu'il soit applicable, plutôt que de présenter une initiative qui aurait la forme d'un projet rédigé, mais qui ne serait pas mise en oeuvre.

3.2.7

Initiatives dites «de mise en oeuvre»

De nombreux experts posent un regard critique sur les initiatives dites «de mise en oeuvre» et considèrent qu'elles ne sont pas légitimes ou qu'elles constituent un abus de droit. Tandis que certains doutent que ces initiatives puissent être invalidées en vertu du cadre légal actuel, d'autres estiment qu'elles constituent un abus de droit et qu'elles pourraient être invalidées. Ce serait le cas lorsque le délai de mise en oeuvre de l'initiative concernée n'est pas encore échu.

Plusieurs autres experts estiment que les initiatives dites «de mise en oeuvre» sont légitimes. Dans le cas contraire, les auteurs formuleraient dès le départ des initiatives détaillées et directement applicables.

6503

4

Considérations de la commission

4.1

Améliorations ponctuelles, mais pas de réglementation excessive

Il ressort des auditions que différents experts estiment qu'il est nécessaire de prendre des mesures dans certains domaines. Certains d'entre eux ont même formulé des propositions de réforme concrètes. Dans l'ensemble, les experts se sont toutefois montrés plutôt opposés à des réformes juridiques, soulignant qu'il ne fallait pas mettre en place une réglementation excessive.

Il s'avère ainsi que la définition de nouveaux motifs d'invalidité constitue une entreprise difficile. Les nouveaux critères devraient en effet être suffisamment précis sur le plan juridique pour que l'Assemblée fédérale puisse les appliquer sans que l'on puisse lui reprocher de procéder à une évaluation politique de la validité d'une initiative populaire. Un processus politique marqué par des débats interminables sur la validité de certaines initiatives ne renforcerait pas la crédibilité des institutions politiques. C'est la discussion sur le fond, c'est-à-dire les exigences formulées dans les initiatives, qui devrait être mise en avant. Par conséquent, la commission propose de ne compléter et préciser que légèrement les motifs d'invalidité (cf. ch. 5.1 et 5.2).

Une partie des experts interrogés a pointé la problématique des initiatives dites «de mise en oeuvre». La commission est également d'avis qu'il est nécessaire de prendre des mesures dans ce domaine, mais renonce à proposer des solutions radicales allant dans le sens d'une déclaration d'invalidité de telles initiatives. En revanche, elle estime que le fait d'imposer des délais spécifiques pour ce genre d'initiative permettrait d'éviter que le législateur doive procéder à l'examen d'une initiative portant sur le même thème qu'une autre initiative dont il n'a pas encore fini d'élaborer la législation d'application (cf. ch. 5.3).

La CIP-CE préconise par ailleurs deux autres mesures au niveau législatif visant à éviter le lancement d'initiatives difficilement applicables ou à réduire la probabilité qu'elles soient acceptées lors des votations (cf. ch. 5.4 et 5.5).

4.2

Considérations d'ordre général sur la mise en oeuvre des initiatives populaires

Le Parlement ayant récemment dû mettre en oeuvre un nombre croissant d'initiatives populaires ayant abouti, le processus de mise en oeuvre a fait l'objet de critiques grandissantes provenant des milieux politiques. Dans ce contexte, il paraît opportun de présenter quelques considérations d'ordre général concernant ce processus.

4.2.1

Les décisions populaires ne représentent qu'une infime partie des décisions politiques

Certaines décisions populaires ont récemment donné lieu à des débats d'envergure.

Il ne faut cependant pas oublier que la majorité des décisions politiques sont prises par le Parlement et non par le peuple. Lorsqu'il doit légiférer, le Parlement a lui 6504

aussi la lourde tâche de faire en sorte que ses décisions respectent les droits fondamentaux, les principes fondamentaux de l'Etat de droit, le droit international ainsi que le principe de l'unité de la matière. Lorsqu'il est question de réformer les droits populaires, il convient donc aussi de toujours prendre en considération les conséquences de telles réformes pour l'activité législative du Parlement. En effet, si la validité des initiatives populaires était régie par des règles juridiques trop contraignantes, la marge de manoeuvre de l'Assemblée fédérale s'en verrait aussi réduite.

4.2.2

La mise en oeuvre des initiatives populaires s'inscrit dans un processus politique

La mise en oeuvre d'une initiative populaire sur le plan juridique n'est pas une entreprise purement technique. Il n'y a souvent pas qu'une seule manière de mettre en oeuvre correctement une initiative populaire et les auteurs d'une initiative ne sont pas les seuls à pouvoir définir une manière correcte de la mettre en oeuvre: le Parlement n'est pas chargé de mettre en oeuvre une initiative populaire, mais une disposition constitutionnelle. Si les auteurs des initiatives connaissent l'objectif qu'ils ont visé avec leur initiative, ils ne sont pas en mesure de savoir de quelle façon les votants qui ont approuvé la nouvelle disposition constitutionnelle souhaitent la voir appliquée. La mise en oeuvre d'une disposition constitutionnelle est un processus politique en soi, dans lequel les différents acteurs politiques cherchent une solution susceptible d'obtenir une majorité. Le droit de participation du peuple est garanti par le fait que la disposition d'application puisse faire l'objet d'un référendum.

4.2.3

La Constitution fédérale doit toujours être considérée comme un ensemble

Les différentes dispositions constitutionnelles ne doivent pas être examinées de manière isolée. Certaines d'entre elles se contredisent. Les droits fondamentaux ne sont pas valables sans restriction, sans quoi une action de l'Etat ne serait guère possible. C'est pourquoi l'art. 36 Cst. prévoit la possibilité de restreindre des droits fondamentaux, en définissant toutefois les conditions dans lesquelles une telle restriction peut être décidée, conditions qui doivent toujours être remplies. C'est le législateur qui détermine si elles le sont dans un cas concret, c'est-à-dire, par exemple, si une disposition est proportionnée au but visé ou si l'essence des droits fondamentaux n'est pas violée.

4.2.4

Comme toutes les décisions politiques, les décisions populaires constituent des décisions temporaires

La Constitution fédérale peut toujours être révisée. Il est non seulement possible de modifier, dans le cadre d'une nouvelle votation populaire, une disposition constitutionnelle acceptée par le peuple et les cantons, mais aussi de l'abroger. Cela peut notamment être opportun lorsqu'aucune manière judicieuse de mettre en oeuvre la disposition en question ne peut être trouvée. C'est par exemple ce qui s'est passé lors de la votation populaire du 27 septembre 2009, lorsque l'art. 139a Cst., qui avait été accepté par le peuple et les cantons le 9 février 2003 et qui prévoyait l'intro6505

duction de l'initiative populaire générale, a été abrogé (FF 2008 2849 2865, RO 2009 6409). Les Chambres avaient essayé en vain de transposer de manière judicieuse la disposition constitutionnelle dans la loi et avaient fini par proposer l'abrogation de la disposition.

5

Proposition de réforme concrètes

5.1

Interdiction des dispositions rétroactives dans les initiatives populaires

Les modifications rétroactives de la Constitution ou de la loi remettent en cause la sécurité du droit. C'est la raison pour laquelle la commission considère qu'il est justifié d'introduire l'interdiction des dispositions rétroactives comme seconde condition matérielle de validité des initiatives populaires en plus du respect des règles impératives du droit international. Il s'agirait d'interdire dans l'absolu toute rétroactivité proprement dite, c'est-à-dire l'application d'un nouveau droit sur des faits qui se sont exclusivement produits et achevés sous l'ancien droit. Il conviendra de vérifier, lors de l'élaboration de la révision constitutionnelle en question, s'il est judicieux d'autoriser certaines exceptions allant dans le sens de la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral. On peut s'attendre à ce que l'instrument de l'invalidation partielle soit utilisé lorsqu'une initiative contiendra des dispositions rétroactives, de sorte qu'il ne soit pas nécessaire d'invalider l'intégralité de l'initiative. Par ailleurs, l'interdiction des dispositions rétroactives dans les initiatives populaires aura un effet sur l'activité législative des autorités: ces dernières devraient en effet aussi éviter que leurs projets contiennent des dispositions rétroactives.

La commission est consciente des objections opposées à l'interdiction des dispositions rétroactives, mais estime que le contexte est quelque peu différent de celui de 1993, année où la CIP-CN avait élaboré une révision de la Constitution en vue d'interdire les dispositions rétroactives dans les initiatives populaires (FF 1993 II 205). Les débats de l'époque étaient en effet marqués par des initiatives populaires portant sur des projets d'infrastructures (construction de places d'armes, de centrales nucléaires et de routes). A l'heure actuelle, on trouve toutefois aussi des dispositions rétroactives dans une initiative populaire qui concerne le droit fiscal (l'initiative populaire «Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS ­ Réforme de la fiscalité successorale»). Dans ce domaine, les dispositions rétroactives peuvent non seulement nuire fortement à la sécurité du droit, mais aussi induire des difficultés importantes en matière de mise en oeuvre. Une interdiction de la rétroactivité dans de tels cas aurait ainsi des
effets positifs et ne pourrait pas être contournée aussi facilement que dans le cas des initiatives populaires concernant l'annulation de projets d'infrastructures.

La commission a en outre examiné l'opportunité d'ajouter formellement dans la Constitution le critère de nullité lié à l'impossibilité matérielle de mettre en oeuvre une initiative populaire, qui est déjà appliqué sans être inscrit dans le droit constitutionnel. Elle estime toutefois qu'un tel ajout n'est pas nécessaire, tant il est évident qu'une initiative populaire ne pouvant manifestement pas être mise en oeuvre doit être déclarée nulle.

Par conséquent, la commission a décidé, par 7 voix contre 4, d'approuver la décision de la CIP-CN du 26 mars 2015 de donner suite, par 9 voix contre 5 et 10 abstentions, 6506

à l'initiative parlementaire 14.471, déposée par le CN Lustenberger et intitulée «Non aux clauses rétroactives dans les initiatives populaires». Les travaux liés à l'élaboration d'un projet de modification de la Constitution peuvent donc commencer.

Une minorité de la commission considère qu'aucun nouveau motif matériel d'invalidité des initiatives populaires ne doit être inscrit dans la Constitution, pas même l'interdiction des dispositions rétroactives. Elle rappelle que les experts auditionnés ont clairement montré que l'Assemblée fédérale serait rapidement mise à rude épreuve si elle devait encore examiner des critères de validité supplémentaires.

Selon la minorité, même les experts en droit n'arrivent pas toujours à s'accorder complètement sur la présence ou non d'une rétroactivité proprement dite. Il sera donc très difficile pour l'Assemblée fédérale de trancher. En outre, l'élaboration d'une telle disposition constitutionnelle avait déjà montré il y a 20 ans que les auteurs des initiatives ont tout à fait la possibilité de formuler leur texte de sorte qu'il n'existe certes pas de rétroactivité sur le plan formel, mais que l'effet soit le même dans la pratique. Enfin, la minorité de la commission estime que les dispositions rétroactives contenues dans les initiatives populaires n'entravent en rien l'expression fidèle et sûre de la volonté des citoyens puisque ces derniers ont la possibilité de rejeter une disposition constitutionnelle s'ils sont gênés par son aspect rétroactif.

5.2

Définition plus précise du critère de l'unité de la matière

L'Assemblée fédérale s'est en règle générale montrée très large d'esprit lorsqu'il s'est agi de vérifier le respect du principe de l'unité de la matière dans le cadre de l'examen de la validité des initiatives populaires. L'argument souvent avancé pour justifier cette pratique était qu'il est opportun de trancher selon le principe «in dubio pro populo». A ce sujet, la commission tient à souligner que ce principe a été appliqué à tort étant donné que les décisions que l'Assemblée fédérale a prises en cas de doute étaient moins favorables au «peuple» qu'aux auteurs des initiatives. Si elle voulait mettre au premier plan les intérêts du «peuple», c'est-à-dire des citoyens, l'Assemblée fédérale devrait procéder à une évaluation plus stricte du principe de l'unité de la matière, dont le but est de permettre l'expression fidèle et sûre de leur volonté au sens de l'art. 34 Cst. Les votants ne devraient pas être contraints de se prononcer par «oui» ou par «non» sur des projets contenant plusieurs objectifs entre lesquels il n'existe pas de rapport intrinsèque et sur lesquels il est tout à fait possible d'avoir des avis différents.

Conformément à l'art. 75, al. 2, de la loi fédérale sur les droits politiques (LDP; RS 161.1), l'unité de la matière est respectée lorsqu'il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties d'une initiative.

Cette disposition est relativement vague et doit en pratique être précisée par l'Assemblée fédérale, ce que cette dernière a fait, par exemple, en admettant qu'un même objectif peut être visé au moyen de différentes mesures. La commission estime qu'une pratique plus stricte pourrait être mise en place dans ce domaine. Il serait par exemple possible d'annoncer l'application de cette nouvelle pratique au moyen d'un arrêté de principe. Une autre possibilité serait de préciser la disposition relativement vague contenue à l'art. 75, al. 2, LDP.

6507

Il serait éventuellement possible d'effectuer cette précision en exprimant les exigences liées à la notion d'unité de la matière sous forme de préceptes. Ainsi, le rapport intrinsèque pourrait par exemple être admis si certains éléments du projet en question permettent d'atteindre le but visé par les autres éléments, si les différents éléments visent le même but ou encore s'ils portent sur la même thématique2. Des conditions négatives pourraient aussi être ajoutées: l'unité de la matière serait alors considérée comme inexistante si le lien entre les différentes parties d'une initiative est artificiel, subjectif ou purement politique, c'est-à-dire mû par des motifs électoraux d'ordre psychologique. Ces préceptes pourraient être intégrés à l'art. 75 LDP ou être édictés sous la forme d'un arrêté de principe du Parlement visant à aiguiller la pratique dans ce domaine.

Par conséquent, la commission a décidé, par 7 voix contre 5, de déposer une initiative demandant l'élaboration d'un arrêté de principe ou d'une révision de loi allant dans ce sens.

Une minorité de la commission ne voit pas quels critères pourraient être ajoutés à la législation ni quels critères plus stricts l'Assemblée fédérale pourrait appliquer à l'avenir. Elle estime qu'il n'est guère possible de définir des critères généraux et abstraits supplémentaires pouvant être appliqués de manière judicieuse dans la pratique. Même les préceptes mentionnés ci-dessus sont selon elle tellement abstraits qu'ils ne permettraient guère d'améliorer la situation et ne présenteraient aucune amélioration par rapport à l'art. 75 LDP en vigueur. Chaque initiative populaire est un cas particulier que l'Assemblée fédérale doit examiner le plus pertinemment possible dans l'intérêt des citoyens. C'est pourquoi la minorité considère qu'une discussion abstraite sur les critères est non seulement inutile, mais donne en outre l'impression que l'on souhaite restreindre les droits populaires.

5.3

Pas d'«initiatives de mise en oeuvre»

Le lancement d'initiatives populaires qui demandent, au niveau de la Constitution, la transcription dans la loi d'une disposition constitutionnelle avant que le législateur ait achevé ses travaux à ce sujet constitue une atteinte à la séparation des pouvoirs.

Lorsqu'une telle initiative, dite «de mise en oeuvre», non seulement prescrit la façon dont la disposition constitutionnelle concernée doit être concrétisée dans la loi, mais enlève aussi la marge de manoeuvre dont disposent les autorités judiciaires dans le cadre de l'évaluation du cas concret, elle viole la compétence du pouvoir judiciaire en plus de celle du pouvoir législatif.

Peter Uebersax estime que les initiatives de mise en oeuvre pourraient ne pas être entièrement admissibles dans la mesure où elles créent au niveau constitutionnel un droit législatif directement applicable. En effet, le législateur ne dispose alors plus d'aucune marge de manoeuvre, ce qui équivaut à un non-respect des compétences prévues par la Constitution. L'expert est donc d'avis qu'il n'est pas nécessaire de modifier la Constitution pour qu'une initiative de mise en oeuvre puisse être déclarée nulle puisqu'une interprétation intégrale du droit constitutionnel en vigueur permet déjà de conclure à son irrecevabilité (Uebersax, Peter; Zur Zulässigkeit der Durchsetzungsinitiative ­ eine Einladung zur Reflexion. In: ZBl 115/2014, p. 600).

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Référence: Tschannen, Pierre: Staatsrecht der Schweizerischen Eindgenossenschaft, 3e édition, Berne 2011, § 52, ch. marg. 45

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La commission ne souhaite pas aller jusqu'à invalider toutes les initiatives de mise en oeuvre. Elle estime en revanche qu'il est possible de mettre en place une procédure plus judicieuse pour le traitement de telles initiatives en prévoyant, dans la LParl, que le délai imparti pour traiter une initiative populaire visant à modifier une disposition constitutionnelle dont le délai de mise en oeuvre dans le cadre de la législation n'a pas encore expiré ne commence à courir qu'à l'expiration du délai de mise en oeuvre. La commission est tout à fait consciente que cela pourrait inciter les auteurs des initiatives à renoncer à fixer un délai de mise en oeuvre dans leurs initiatives. Elle considère toutefois que le seul fait que l'Assemblée fédérale ne soit plus confrontée à des délais guères réalistes représenterait déjà un grand progrès. Par conséquent, la commission a décidé, par 6 voix contre 6 et voix préponderante de la présidente, de déposer une initiative allant dans ce sens.

Une minorité de la commission est d'avis que ce serait une erreur de prévoir déjà de nouvelles règles en raison d'un seul cas. Selon elle, l'Assemblée fédérale est régulièrement confrontée à de nouveaux défis dans le cadre de l'examen des initiatives populaires. Si de nouvelles règles de procédure sont créées dès qu'un nouveau problème survient, il en résultera une réglementation excessive des droits populaires, contre laquelle les experts ont aussi déjà mis en garde la commission dans le cadre des auditions. En outre, si l'on voulait éviter que des textes législatifs soient inscrits dans la législation, il faudrait introduire l'initiative populaire législative, dont l'examen de la validité poserait des problèmes encore plus grands à l'Assemblée fédérale que pour les initiatives constitutionnelles. En effet, il faudrait alors notamment contrôler la constitutionnalité de ces initiatives législatives.

5.4

Examen préliminaire facultatif des initiatives populaires

L'art. 69 LDP prévoit que les initiatives populaires sont soumises à un examen préliminaire avant le début de la récolte des signatures. Cet examen préliminaire se limite à des aspects formels tels que le contrôle de la liste de signatures, du titre ou encore de la concordance des différentes versions linguistiquees de l'initiative.

Compte tenu des problèmes qui peuvent être liés aux nouveaux textes constitutionnels en ce qui concerne leur conformité avec le droit supérieur, mais aussi leur bonne intégration dans la Constitution, la commission estime qu'il serait judicieux de proposer également aux auteurs des initiatives des conseils en matière de formulation correcte de leur texte avant le début de la collecte des signatures. Les auteurs devraient ainsi pouvoir prétendre ­ s'ils le souhaitent ­ à un examen préliminaire de leur texte portant aussi sur les aspects matériels. Il s'agirait d'aborder très tôt non seulement la question de l'unité de la matière, mais aussi d'autres aspects liés à l'interprétation du texte et de s'attaquer aux éventuels problèmes.

Un tel examen préliminaire serait dans l'intérêt de tous les acteurs. Les comités d'initiative, tout d'abord, pourraient réduire le risque que leur texte soit invalidé ultérieurement, mais aussi améliorer ses chances d'être irréprochable sur le plan formel dans la mesure où ils auront bénéficié de bons conseils. Les autorités seraient quant à elles moins confrontées à de nouvelles dispositions difficiles à mettre en oeuvre. Surtout, un tel examen préliminaire pourrait contribuer à l'amélioration de la cohérence du texte de la Constitution. En effet, lorsque les autorités légifèrent, leurs projets sont soumis à plusieurs contrôles de qualité, mais, dans le cas des initiatives 6509

populaires, il est en théorie possible qu'une seule personne rédige une disposition qui pourra être directement intégrée à la Constitution.

Il est toutefois important de souligner que cet examen préliminaire n'aurait aucun caractère contraignant pour l'ensemble des parties concernées. Les comités d'initiative ne seraient pas tenus de suivre les recommandations des autorités et ces dernières ne devraient pour leur part pas forcément s'en tenir aux recommandations émises dans le cadre de l'examen préliminaire lorsqu'elles procèdent à l'examen de la validité de l'initiative. Les comités d'initiatives ne pourraient donc pas faire en sorte que leur texte soit «certifié conforme»: les initiatives continueraient d'être soumises à la procédure d'examen normale. Contrairement à ce que le Conseil fédéral prévoit dans sa proposition de mise en oeuvre des motions 11.3846 et 11.3751 (cf. ci-dessus ch. 2.3.1), les listes de signatures ne comporteraient aucune mention du résultat de l'examen préliminaire. En effet, le but de cet examen ne serait pas d'informer les citoyens: il s'agirait plutôt d'une prestation proposée aux comités d'initiative, qui pourraient choisir d'y recourir ou non.

La commission a décidé, par 7 voix contre 3 et une abstention, de déposer une initiative demandant l'élaboration d'une modification de la LDP en vue de permettre aux comités d'initiative de pouvoir prétendre à un tel examen préliminaire.

Une minorité de la commission s'oppose à un examen préliminaire facultatif des aspects matériels des initiatives populaires. Selon elle, la Chancellerie fédérale ne pourrait pas réaliser à elle seule un tel examen préliminaire et il serait nécessaire de faire appel à différents experts provenant de l'OFJ, de la DDIP ainsi que de l'administration concernée. Cela constituerait donc une procédure exigeant beaucoup de ressources pour des initiatives dont certaines ne seraient soutenues que par quelques individus. On assiste régulièrement au lancement d'idées d'initiatives populaires qui n'atteignent jamais l'étape de la votation. A l'heure actuelle, la procédure d'examen préliminaire n'est appliquée qu'aux initiatives populaires pour lesquelles au moins 100 000 signatures ont pu être récoltées. Par ailleurs, la minorité estime qu'il serait problématique que l'Assemblée fédérale se prononce en
faveur de l'invalidation d'une initiative que l'administration avait jugée admissible lors de l'examen préliminaire. Enfin, elle rappelle qu'une proposition allant dans le même sens, que le Conseil fédéral a émise dans le cadre de la mise en oeuvre de motions du Parlement (cf. ci-dessus ch. 2.3.1), n'a guère fait l'objet de retours positifs lors de la consultation.

5.5

Publication du contre-projet indirect dans les explications de vote

Le contre-projet indirect est un instrument éprouvé permettant à l'Assemblée fédérale de réagir aux initiatives populaires dont la mise en oeuvre lui paraît problématique en proposant une meilleure solution au niveau législatif. Alors que les initiatives populaires sont soumises au vote du peuple et des cantons, les contre-projets indirects suivent la voie législative normale et ne font donc l'objet d'une votation populaire qu'en cas de référendum. Les contre-projets indirects occupent tout de même une place importante dans les débats relatifs aux initiatives populaires puisqu'ils constituent une autre solution, différente de la disposition constitutionnelle proposée. Il est donc important que les citoyens en connaissent le contenu. Il

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ne serait pas inutile d'améliorer la transparence dans ce domaine en publiant le texte de ces contre-projets avec les explications de vote du Conseil fédéral.

Il faudrait alors clairement indiquer que ce texte ne fait pas l'objet de la votation, mais qu'il s'agit du texte proposé par l'Assemblée fédérale en remplacement de la disposition constitutionnelle proposée dans l'initiative. Cela permettrait de revaloriser l'instrument que constitue le contre-projet indirect. L'Assemblée fédérale fournit souvent un travail législatif important dont le résultat est difficile à mettre en valeur dans le tumulte des campagnes précédant les votations et passe parfois au second plan. Les explications de vote contiennent certes régulièrement des références au contre-projet indirect en question ainsi que les sources correspondantes, mais si le texte législatif qu'il propose était également imprimé, les citoyens auraient la possibilité d'effectuer une comparaison directe avec la disposition constitutionnelle proposée par l'initiative.

Par conséquent, la commission a décidé, par 11 voix contre 0, de déposer une initiative visant à compléter la LDP de sorte que les contre-projets soient publiés dans les explications de vote éditées par le Conseil fédéral.

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Annexe

Initiatives parlementaires déposées par la CIP-CE 15.475 n Iv. pa. CIP-CE. Application plus stricte ou définition plus précise des critères concernant l'examen du respect du principe de l'unité de la matière dans les initiatives populaires Un projet d'arrêté fédéral ou de révision de la loi fédérale sur les droits politiques (LDP) sera élaboré afin que l'Assemblée fédérale applique à l'avenir des critères plus stricts lorsqu'elle vérifiera que des initiatives populaires respectent le principe de l'unité de la matière. Il conviendra de déterminer si le changement de pratique peut être annoncé au moyen d'un arrêté de principe selon l'art. 28 de la loi sur le Parlement prenant la forme d'un arrêté fédéral simple ou sujet au référendum ou s'il est nécessaire de compléter l'art. 75, al. 2, LDP par des critères supplémentaires appropriés et plus précis.

15.476 n Iv. pa. CIP-CE. Délais des initiatives populaires visant à modifier une disposition constitutionnelle dont le délai de mise en oeuvre dans le cadre de la législation n'a pas encore expiré Un projet de révision de la loi fédérale sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement) sera élaboré afin que le délai imparti pour traiter une initiative populaire visant à modifier une disposition constitutionnelle dont le délai de mise en oeuvre dans le cadre de la législation n'a pas encore expiré ne commence à courir qu'à l'expiration du délai de mise en oeuvre.

15.477 n Iv. pa. CIP-CE Examen préliminaire non contraignant et facultatif des initiatives populaires sur les plans formel et matériel Un projet de modification de la loi fédérale sur les droits politiques sera élaboré afin de permettre aux comités d'initiative de recourir à un examen préliminaire formel et matériel de leur initiative. Cet examen doit être facultatif et non contraignant.

15.478 n Iv. pa. CIP-CE Publication des contre-projets indirects dans les explications de vote du Conseil fédéral Une révision de la loi fédérale sur les droits politiques sera élaborée afin que les explications de vote éditées par le Conseil fédéral contiennent aussi les textes législatifs que l'Assemblée fédérale a décidé de présenter en tant que contre-projets indirects aux initiatives populaires.

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