02.035 Message relatif au Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées et à une modification de la loi sur l'entraide pénale internationale du 1er mai 2002

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous recommandant de les adopter, un projet d'arrêté fédéral portant approbation du Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, signé le 9 juillet 2001, ainsi qu'un projet de modification de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP).

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

1er mai 2002

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Kaspar Villiger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

4036

2001-2733

Condensé La Convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées (STE no 112, RS 0.343, ci-après «Convention sur le transfèrement») est entrée en vigueur le 1er juillet 1985 (pour la Suisse, elle est en vigueur depuis le 1er mai 1988). Elle a pour objet le transfèrement dans leur pays d'origine des ressortissants étrangers condamnés afin qu'ils y purgent une peine ou une mesure privative de liberté. La Convention sur le transfèrement sert avant tout un but humanitaire et a pour objectif de favoriser la réinsertion sociale des personnes condamnées.

L'expérience acquise au fil des années dans l'application de la Convention sur le transfèrement a montré qu'il existait en pratique des situations qui échappent à son champ d'application et appellent néanmoins une réglementation. C'est pour combler ces lacunes que le Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement (STE no 167, ci-après «Protocole additionnel») a vu le jour. Le Protocole additionnel, dérogeant à la Convention sur le transfèrement, donne aux Etats contractants, dans les deux cas exposés ci-dessous, la possibilité de convenir qu'une personne étrangère condamnée purgera sa peine dans son pays d'origine sans que le consentement de cette dernière soit requis: ­

la personne condamnée s'évade dans son pays d'origine, se soustrayant ainsi à l'exécution de la sanction dans l'Etat de condamnation (art. 2);

­

après avoir purgé sa peine, la personne condamnée devrait de toutes façons quitter l'Etat de condamnation (par exemple, en raison d'une mesure de renvoi ou d'expulsion prononcée à son encontre par la police des étrangers; art. 3).

D'une part, le Protocole additionnel vise à permettre aux Etats contractants une coopération efficace, de sorte à faire triompher le droit. D'autre part, la mise en oeuvre du Protocole additionnel devrait avoir pour effet, à terme, de réduire le pourcentage élevé de détenus étrangers. A titre accessoire, cet instrument pourrait être de nature à dissuader les étrangers qui ne résident pas habituellement en Suisse d'y commettre des actes délictueux (phénomène appelé aussi «tourisme criminel» dans le jargon populaire), dans la mesure où ceux-ci devront s'attendre à être transférés, même contre leur volonté, dans leur pays d'origine afin d'y purger leur peine ou à purger celle-ci même s'ils tentent d'y échapper en se réfugiant dans leur pays d'origine.

Le Protocole additionnel est entré en vigueur le 1er juin 2000. La Suisse l'a signé le 9 juillet 2001.

La mise en oeuvre de cet instrument international est régie par les dispositions pertinentes de la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale (EIMP; RS 351.1), qui devra être adaptée aux nouvelles possibilités, ainsi que par les lois cantonales d'application. L'art. 101 EIMP sera complété par un al. 2 afin de transposer dans le droit national la nouvelle possibilité statuée à l'art. 3 du Protocole additionnel de transférer la personne condamnée à son Etat d'origine sans qu'elle y

4037

ait consenti. Cette adjonction vise à assurer la sécurité du droit et à instaurer la transparence. Un nouvel alinéa est également ajouté à l'art. 25 EIMP. Il s'agit de donner à chaque personne condamnée la faculté d'attaquer une demande de transfèrement au sens du nouvel al. 2 de l'art. 101 EIMP, par la voie du recours de droit administratif. Cette adjonction répond à la nécessité de respecter la garantie générale de l'accès au juge instaurée par le nouvel art. 29a1 de la Constitution fédérale (Cst.; RS 101). L'art. 29a Cst. fait partie des nouvelles dispositions relatives à la «réforme de la justice» qui ont été adoptées par le Parlement le 8 octobre 1999 et acceptées par le peuple et les cantons le 12 mars 2000; cet article entrera en vigueur à la même date que la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (FF 1999 7831, 2000 2814 et 2001 4414).

1

FF 1999 7831

4038

Message 1

Partie générale

1.1

Contexte

1.1.1

Convention sur le transfèrement des personnes condamnées

La Convention no 112 du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées (ci-après «Convention sur le transfèrement»), datée du 21 mars 19832, offre aux condamnés étrangers privés de liberté la possibilité de regagner leur pays d'origine afin d'y purger leur peine, pour autant que l'Etat de condamnation et l'Etat d'origine soient tous deux parties à la Convention sur le transfèrement et aient consenti à celui-ci. La Suisse a ratifié la Convention en 1988. Ce texte est désormais en vigueur dans cinquante Etats européens et non-européens3.

La Convention sur le transfèrement poursuit un but humanitaire. Elle est notamment destinée à favoriser la réinsertion sociale dans son pays d'origine d'une personne condamnée. C'est pourquoi le consentement de l'intéressé à son transfèrement revêt une importance particulière dans le cadre de la Convention. La personne en détention doit, d'une part, exprimer le souhait d'être transférée dans son pays d'origine et d'y purger la peine privative de liberté à laquelle elle a été condamnée. D'autre part, elle doit renouveler son consentement après avoir pris connaissance des conditions de son transfèrement.

1.1.2

Nécessité d'un Protocole additionnel

Le Comité d'experts sur le fonctionnement des Conventions européennes dans le domaine pénal (PC-OC) a constaté qu'il existait en pratique certaines situations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la Convention sur le transfèrement mais dans lesquelles une délégation de l'exécution des peines à l'Etat d'origine de la personne condamnée serait néanmoins opportune et souhaitable même sans le consentement de celle-ci. Le PC-OC a cherché une solution réaliste et pratique aux problèmes d'application posés par la Convention sur le transfèrement. Le Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées (no 167, ci-après «Protocole additionnel») constitue l'aboutissement de ces travaux. Le Comité des Ministres l'a adopté le 18 décembre 1997, puis l'a ouvert à la signature.

Le Protocole additionnel prévoit deux cas dans lesquels l'Etat de condamnation et l'Etat dont la personne condamnée est ressortissante ont la possibilité de se mettre d'accord sur l'exécution de la peine dans le pays d'origine, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir le consentement de l'intéressé: ­

2 3

celui dans lequel la personne se réfugie dans son Etat d'origine pour se soustraire à l'exécution de la peine dans l'Etat de condamnation (art. 2); RS 0.343 La Convention sur le transfèrement est également ouverte à la signature des Etats qui ne sont pas membres du Conseil de l'Europe (art. 19).

4039

­

celui dans lequel la personne condamnée devrait de toutes façons quitter l'Etat de condamnation après avoir purgé sa peine (par exemple, en raison d'une mesure de renvoi ou d'expulsion prononcée par la police des étrangers; art. 3).

La Suisse a joué un rôle déterminant dans l'élaboration du Protocole additionnel.

1.1.3

Etat des signatures et des ratifications

Le Protocole additionnel est entré en vigueur le 1er juin 2000. La Suisse l'a signé le 9 juillet 2001 à Strasbourg. Dans l'intervalle (état au 30 avril 2002), quatorze Etats membres du Conseil de l'Europe (l'Autriche, Chypre, le Danemark, l'Estonie, la Finlande, la Géorgie, la Hongrie, l'Islande, la Lituanie, la Norvège, la Pologne, la Roumanie, la Suède et la Macédoine) l'ont ratifié; outre la Suisse, treize autres Etats membres (la Belgique, la République tchèque, la France, l'Allemagne, la Grèce, l'Italie, la Lettonie, le Luxembourg, Malte, la Moldavie, les Pays-Bas, le Portugal et l'Ukraine) l'ont signé.

1.2

L'exécution des peines en Suisse: analyse de la situation actuelle

L'exécution des peines et des mesures qui concerne des détenus étrangers pose d'importants problèmes. Le personnel des établissements pénitentiaires et les codétenus des prisonniers étrangers sont confrontés à des langues et des cultures, des moeurs et des coutumes, des valeurs et des religions qui ne leur sont pas familières.

De leur côté, les détenus étrangers sont, le plus souvent, séparés de leur environnement social, de leur famille, de leurs amis.

En raison du risque de fuite qu'ils présentent, les détenus étrangers non domiciliés en Suisse n'ont généralement pas droit à des congés. A cet égard, ils sont défavorisés par rapport aux prisonniers suisses et à ceux qui sont titulaires d'un permis de séjour ou d'établissement. Cette situation est de nature à susciter des sentiments de frustration. En guise de compensation, ils bénéficient souvent d'un régime de détention plus libéral (activités sportives, projection de films, etc.), situation qui crée un certain mécontentement chez les autres détenus, ceux-ci se sentant, à leur tour, défavorisés.

Le pourcentage moyen d'étrangers dans les établissements suisses d'exécution des peines (46 %4) est relativement important (dans les établissements fermés, il est compris entre 70 et 80 %5). Comme les détenus étrangers viennent souvent de régions en guerre ou en crise, la prédisposition à la violence tend à augmenter dans les établissements pénitentiaires. Les ressortissants suisses notamment, mais également les détenus originaires d'Etats moins représentés, souffrent de plus en plus de 4

5

Voir les statistiques de l'OFS «Personnes condamnées en 1998: vue d'ensemble, calcul du taux des condamnés dans la population»: répartition entre les Suisses (53,7 %) et les non-Suisses (domiciliés en Suisse 20,0 %, requérants d'asile 6,7 % et non domiciliés en Suisse 19,6 %).

Voir les statistiques de l'OFS «Effectif moyen des détenus dans les établissements pénitentiaires d'après la nationalité, en 1999».

4040

devoir cohabiter avec des groupes conséquents de détenus de la même nationalité.

La situation est également de plus en plus difficile à gérer pour le personnel pénitentiaire. Dans une pétition, le Groupement «Réforme 91»6 critique notamment cette situation et va jusqu'à exiger que les Suisses purgent leur peine dans des établissements distincts.

La resocialisation, c'est-à-dire la réinsertion des délinquants dans la société après qu'ils ont purgé leur peine, constitue l'un des objectifs majeurs du système suisse d'exécution des peines. Lorsque, notamment, les délinquants seront de toutes façons expulsés à leur sortie de prison7, les mesures de resocialisation ne peuvent pas être mises en oeuvre ou, du moins, ne peuvent pas l'être dans toute la mesure souhaitable. En pareils cas, il est inutile de chercher à intégrer ces personnes dans l'Etat de condamnation puisqu'elles ne pourront pas y rester. Il est plus judicieux de tenter de les réinsérer dans leur pays d'origine, objectif qui pourra être d'autant plus facilement atteint que ces personnes purgent leur peine dans celui-ci, autrement dit dans leur environnement socioculturel habituel.

2

Partie spéciale

2.1

Commentaire général du Protocole additionnel

Le Protocole additionnel crée la base légale8 permettant à deux Etats contractants (l'Etat de condamnation et l'Etat dont la personne condamnée est ressortissante) de se mettre d'accord, dans deux cas distincts, sur une exécution de la peine dans le pays d'origine sans que le consentement de l'intéressé soit requis.

Dans ces deux cas, clairement définis, le Protocole comble des lacunes de la Convention sur le transfèrement ou déroge aux clauses de celle-ci. En principe, toutefois, les dispositions de la Convention restent applicables (cf. ch. 2.2; commentaire de l'art. 1).

Pour que la délégation de l'exécution de la peine9 puisse avoir lieu, il faut notamment que la personne condamnée possède la nationalité de l'Etat d'exécution, que le jugement de condamnation soit définitif, qu'à la date de la réception de la demande le solde de la peine à subir soit de six mois au moins10, que l'acte commis (ou l'omission) soit punissable dans les deux Etats et que ceux-ci se soient mis d'accord sur la délégation de l'exécution de la peine.

6 7 8

9 10

Le Groupement «Réforme 91» défend ­ tel un syndicat ­ les intérêts des détenus de nationalité suisse.

Cf. ch. 2.2, commentaire ad art. 3 du Protocole additionnel.

Se fondant sur la cinquième partie de la loi sur l'entraide pénale internationale (EIMP; RS 351.1), la Suisse peut, d'ores et déjà, exécuter une décision de condamnation rendue à l'étranger (art. 94 ss EIMP) ou demander à un autre Etat d'exécuter une décision pénale suisse (art. 100 ss EIMP). Toutefois, en vertu de l'actuel art. 101 EIMP, la personne condamnée détenue en Suisse ne pourra être transférée dans un autre Etat pour y purger sa peine que si elle y consent.

Cf. art. 3 de la Convention sur le transfèrement (RS 0.343), dont l'al. 1, let. d, n'est toutefois pas applicable.

Dans des cas exceptionnels, les Etats contractants peuvent convenir d'une délégation de l'exécution de la peine même si le solde de la peine à subir est plus court (cf. art. 3, al. 2, de la Convention sur le transfèrement).

4041

Sauf clause contraire du Protocole additionnel ou de la Convention sur le transfèrement, les dispositions de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale (EIMP)11 et les textes législatifs cantonaux s'y rapportant sont applicables à la mise en oeuvre du Protocole additionnel.

Le Protocole additionnel ­ comme d'ailleurs la Convention sur le transfèrement ellemême ­ ne consacre aucune obligation pour les Etats contractants de coopérer.

Ceux-ci ne sont donc pas tenus de donner une suite favorable à une requête ni de motiver une décision négative. Cependant, on peut admettre qu'en application du principe de droit international public «pacta sunt servanda», les Etats qui ont ratifié le Protocole additionnel sont également disposés à l'appliquer. Comme on peut imaginer que certains Etats n'ont d'intérêt que pour l'art. 2 et non pour l'art. 3, il est prévu que ceux-ci puissent formuler une déclaration par laquelle ils excluent l'application de l'art. 3. A ce jour, cependant, aucun Etat n'a encore fait usage de cette possibilité.

2.2

Commentaire des diverses dispositions du Protocole additionnel

Art. 1

Dispositions générales

L'al. 1 précise que les termes et expressions employés dans le Protocole additionnel doivent être interprétés au sens de la Convention sur le transfèrement. Cette disposition est destinée à garantir que la Convention et le Protocole additionnel recourent à la même terminologie et à garantir une interprétation uniforme des deux textes.

L'al. 2 règle les rapports entre la Convention sur le transfèrement et le Protocole additionnel. En principe, ce sont les dispositions de la Convention qui s'appliquent.

Dans les domaines, toutefois, où les règles énoncées par cette dernière ne sont pas compatibles avec le Protocole additionnel, ce dernier prime en tant que «lex specialis».

Art. 2

Personnes évadées de l'Etat de condamnation

Cette disposition vise la situation dans laquelle un ressortissant étranger qui a fait l'objet d'une condamnation définitive s'enfuit de l'Etat de condamnation avant de purger sa peine ou pendant qu'il purge celle-ci, et se réfugie sur le territoire de son Etat d'origine, dans le but de se soustraire à l'exécution ou à la poursuite de l'exécution de la condamnation. En pareille occurrence, l'Etat de condamnation a la possibilité d'adresser à l'Etat d'origine une requête tendant à ce que celui-ci se charge de l'exécution de la condamnation (al. 1). Les deux Etats procèdent alors à un échange d'informations. Des documents importants sont transmis; ils contiennent notamment les preuves relatives à l'identité de l'intéressé, des copies légalisées du

11

RS 351.1; en particulier, les dispositions générales de la première partie et les dispositions de la cinquième partie de cette loi; à ce sujet, cf. également le message du 29 octobre 1986 relatif à la Convention sur le transfèrement, ch. 124 (FF 1986 III 742).

4042

jugement, les dispositions légales appliquées et la déclaration de force exécutoire12.

L'Office fédéral de la justice13 est l'autorité compétente pour transmettre et recevoir ces pièces. La délégation de l'exécution de la peine peut intervenir à partir de l'instant où l'Etat de condamnation et l'Etat d'exécution se sont mis d'accord sur le principe même de la délégation et sur la procédure à suivre.

Il est expressément fait abstraction du consentement de la personne condamnée et évadée (al. 3). Les effets de la délégation de l'exécution de la peine sont, pour l'essentiel, réglés aux art. 8 à 11 de la Convention sur le transfèrement14.

La règle de spécialité ne s'applique pas (à la différence de ce qui vaut dans les cas visés à l'art. 3), car la personne évadée s'est rendue volontairement sur le territoire de son Etat d'origine, s'accommodant ainsi du risque d'être poursuivie pénalement dans cet Etat pour d'autres infractions.

L'al. 2 permet à l'Etat de condamnation de demander à l'Etat d'exécution de prendre des mesures provisoires (telles que le retrait des pièces d'identité ou l'arrestation de l'intéressé) destinées à éviter que la personne condamnée ne quitte le territoire national de l'Etat d'exécution avant que la décision concernant la délégation de l'exécution de la peine soit rendue. La loi sur l'entraide pénale internationale contient une disposition permettant aux autorités suisses d'adopter des mesures provisoires15. Par ailleurs, il est loisible aux autorités cantonales de prendre des mesures complémentaires, dans les limites de la législation cantonale. En vertu de l'art. 4, al. 3, de la Convention sur le transfèrement, les demandes de mesures provisoires doivent contenir les informations suivantes: l'identité de la personne condamnée, et le cas échéant son adresse dans l'Etat requis, un exposé des faits ayant entraîné la condamnation, la nature et la durée de la condamnation, ainsi que la date du début de l'exécution de la peine. La situation pénale de la personne condamnée ne doit pas être aggravée par le fait que cette personne a subi une période de détention dans son pays d'origine en vertu de cet alinéa. Cette période doit notamment être prise en compte par l'Etat d'exécution comme par l'Etat de condamnation (au cas où la peine est finalement exécutée dans ce dernier).
La disposition prévue à l'art. 2 vise à donner aux Etats parties au Protocole additionnel un moyen de coopérer avec efficacité, de sorte à faire triompher le droit16. Il ne faut pas que les criminels étrangers puissent se soustraire par la fuite à l'exécution de leur peine.

La Convention sur le transfèrement ne couvre pas les cas visés à l'art. 2 puisque l'intéressé ne se trouve plus dans l'Etat de condamnation et ne peut dès lors être transféré à son pays d'origine afin d'y purger sa peine. De même, une demande 12

13 14 15 16

Cf. art. 4 à 6 de la Convention sur le transfèrement (RS 0.343); une notice détaillée sur le déroulement de la procédure applicable aux transfèrements effectués en vertu de la Convention peut être obtenue auprès de l'Office fédéral de la justice. La procédure décrite dans ce document est applicable par analogie aux situations couvertes par le Protocole additionnel. La preuve du consentement de la personne condamnée n'est évidemment pas requise.

Cf. la déclaration de la Suisse ad art. 5, al. 3, de la Convention sur le transfèrement, ainsi que l'art. 17, al. 2, EIMP.

Cf. également les réserves formulées par la Suisse, notamment en ce qui concerne l'art. 9, al. 1, let. b.

Art. 18 EIMP.

Cf. la note 7.

4043

d'extradition n'atteindra généralement pas son but dans de tels cas, étant donné que de nombreux Etats n'extradent pas leurs ressortissants. Engager une nouvelle procédure pénale dans le pays d'origine17 est une affaire coûteuse et de longue haleine. La Convention européenne du 28 mai 1970 sur la valeur internationale des jugements répressifs n'offrait pas de solution au problème dans la mesure où cet instrument de droit international public n'a pas reçu un accueil très favorable et n'a été ratifié, jusqu'à présent, que par douze Etats membres du Conseil de l'Europe18.

Il n'est pas prévu que l'art. 2 couvre les situations dans lesquelles un jugement a été rendu contre un ressortissant étranger en l'absence de celui-ci (jugement par contumace)19.

Art. 3

Personnes condamnées frappées d'une mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière

L'art. 3 règle les cas dans lesquels la personne condamnée ne sera plus admise à séjourner dans l'Etat de condamnation après y avoir purgé sa peine. La formulation «Personnes condamnées frappées d'une mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière» a été choisie pour tenir compte du fait que les terminologies varient d'un Etat membre du Conseil de l'Europe à l'autre. Cette disposition vise les jugements des tribunaux et les décisions administratives en vertu desquels la personne en cause a l'obligation de quitter le territoire national de l'Etat de condamnation à un moment déterminé. Lorsque la Suisse est l'Etat de condamnation, les personnes visées sont des étrangers à l'égard desquels une mesure de renvoi ou d'expulsion20 doit être exécutée (une telle mesure est généralement assortie d'une interdiction d'entrer en Suisse)21. Un transfèrement ne peut intervenir qu'à partir du moment où le jugement est définitif et où tous les moyens de recours contre la décision de renvoi ou

17

18 19

20

21

Se fondant sur les art. 85 et suivants EIMP, la Suisse peut demander à un Etat étranger de réprimer à sa place des actes commis à l'étranger et, réciproquement, faire droit à une telle requête présentée par un Etat étranger. Dans les cas visés à l'art. 2 du Protocole additionnel, dans lesquels un jugement a déjà été rendu, cela signifierait la réouverture des procédures et le prononcé de nouveaux jugements.

La Suisse n'a encore ni signé ni ratifié cette convention (STE no 70).

Voir le «Rapport explicatif relatif au Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées», ch. 11, consultable sur Internet (www.coe.fr/Affaires juridiques/Traités européens/Recherches/ STE no 167).

L'EIMP (art. 94 ss; RS 351.1) permet cependant l'exécution de jugements étrangers rendus par contumace.

Matière réglée aux art. 10, 12 et 13 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20); ces mesures devront être maintenues lors de la révision totale de la LSEE.

La peine accessoire de l'expulsion, prévue à l'art. 55 CP (RS 311.0), devra être abrogée lors de la révision de la partie générale du code pénal. Pour plus de détails, cf. ch. 2.3.

4044

d'expulsion ont été épuisés22. De même, une procédure de demande d'asile doit être définitivement close pour qu'un transfèrement puisse avoir lieu.

Dans les cas visés à l'art. 3, la demande de transfèrement doit également émaner de l'Etat de condamnation. L'échange d'informations et la notification officielle de la demande obéissent, là aussi, aux règles en la matière statuées par la Convention sur le transfèrement, qui sont applicables par analogie. Une personne condamnée ne peut être transférée que lorsque l'Etat de condamnation et l'Etat d'exécution se sont mis d'accord sur tous les points. Les effets d'un transfèrement opéré en vertu de l'art. 3 sont également réglés aux art. 8 à 11 de la Convention sur le transfèrement.

Le consentement de la personne condamnée à son transfèrement n'est pas requis (al. 1). Puisqu'elle peut ainsi être transférée dans son pays d'origine contre son gré, un certain nombre de règles ont été élaborées pour assurer sa protection: ­

22

23 24

Ainsi, l'al. 2 et l'al. 3, let. a, prévoient que l'avis de la personne condamnée sur le transfèrement envisagé doit être demandé, examiné et pris en considération. Aux termes de l'al. 2, cette exigence n'est expressément mentionnée qu'en ce qui concerne l'approbation du transfèrement par l'Etat d'exécution.

Le Comité d'experts sur le fonctionnement des Conventions européennes dans le domaine pénal (PC-OC) et le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) ont cependant considéré23 que le respect du droit d'être entendu allait de soi dans tout Etat de droit, y compris, donc, dans l'Etat de condamnation. Ce dernier doit fournir à l'Etat d'exécution une déclaration formelle contenant l'avis de la personne condamnée en ce qui concerne son transfèrement. La personne condamnée peut, par exemple, attirer l'attention sur le fait qu'elle possède plusieurs nationalités ou que, pour toute autre raison, elle peut être refoulée vers un Etat tiers. Elle peut également faire valoir que l'exécution de la peine, dans son pays d'origine, l'expose à des risques de violation des droits de l'homme. Si ces risques sont réels24, la Suisse renoncera à présenter une demande de délégation de l'exécution afin de ne pas prêter la main à une violation de l'art. 3 CEDH. De même, le respect des droits fondamentaux garantis par la CEDH (art. 5, al. 4, ou art. 8) Voir le «Rapport explicatif relatif au Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées», ch. 23 et ch. 30. Le ch. 30 rappelle que «Une expulsion ne peut se faire que dans le respect de l'art. 1 du Protocole no 7 de la Convention européenne des droits de l'homme» (voir RS 0.101.07). L'art. 1 de ce protocole a la teneur suivante: «1. Un étranger résidant régulièrement sur le territoire d'un Etat ne peut en être expulsé qu'en exécution d'une décision prise conformément à la loi et doit pouvoir: a. faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion; b. faire examiner son cas, et c. se faire représenter à ces fins devant l'autorité compétente ou une ou plusieurs personnes désignées par cette autorité.

2. Un étranger peut être expulsé avant l'exercice des droits énumérés au paragraphe 1.a, b et c de cet article lorsque cette expulsion est nécessaire dans l'intérêt de l'ordre public ou est basée sur des motifs de sécurité
nationale.» Voir le «Rapport explicatif relatif au Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées», ch. 27.

Pour s'en assurer on fera appel aux unités compétentes du Département fédéral des affaires étrangères, à savoir la Direction politique et la Direction du droit international public.

4045

peut aussi justifier une telle renonciation. Si, inversement, la demande de délégation de l'exécution émane d'une autorité étrangère, la Suisse doit veiller à ne pas prêter la main à l'exécution d'un jugement qui aurait été rendu en violation flagrante des garanties élémentaires de procédure.

Le principe de spécialité exprimé à l'al. 425 induit une protection supplémentaire. En effet, il garantit à la personne condamnée qu'elle ne sera ni poursuivie, ni jugée, ni détenue, ni soumise à toute autre restriction de sa liberté individuelle dans son pays d'origine pour une autre infraction que celle qui a motivé la condamnation exécutoire. Cette protection ne peut être levée que dans deux cas précis: en vertu de la let. a, l'Etat de condamnation peut donner son accord à la poursuite pénale ou à l'exécution de la condamnation lorsque celle-ci concerne une infraction susceptible d'entraîner l'extradition. Si, par exemple, la personne condamnée a, antérieurement, commis un meurtre dans son Etat d'origine, elle pourra être appelée à en répondre dans ce pays, après le transfèrement, si le pays en question en fait la demande à l'Etat de condamnation et que celui-ci donne son accord. La protection est également levée lorsque, ayant eu la possibilité de le faire, la personne condamnée n'a pas quitté le territoire de l'Etat d'exécution dans les 45 jours qui suivent son élargissement définitif (let. b).

­

Si la Suisse est l'Etat de condamnation, il incombe à l'Office fédéral de la justice ­ qui intervient à la demande de l'autorité cantonale compétente et après avoir examiné si les conditions préalables sont remplies ­ de faire application de l'art. 3 du Protocole additionnel, en adressant à l'Etat dont la personne condamnée est ressortissante une demande de transfèrement et de délégation de l'exécution de la peine.

Au préalable et après avoir entendu la personne condamnée, l'Office fédéral de la justice rend la décision26 de la transférer et d'adresser une demande y relative à l'Etat de l'exécution. La personne condamnée peut attaquer cette décision devant le Tribunal fédéral par la voie du recours de droit administratif au sens de l'art. 25, al. 2bis, EIMP27. Dans le cadre de ce recours, elle peut, notamment, invoquer que le transfèrement prévu ne répond pas aux conditions fixées à l'art. 3 du Protocole additionnel28. En revanche, elle n'est pas habilitée à remettre en cause l'exécutabilité de la décision de renvoi ou d'expulsion dont elle a été frappée29. En effet, aux termes de l'art. 3, al. 1, et al. 3, let. b, du Protocole additionnel, cette décision préexiste au transfèrement prévu et constitue l'une des conditions qui doivent être réunies pour que la Suisse puisse, en tant qu'Etat de condamnation, présenter une demande de transfèrement.

25

26 27 28 29

La Convention sur le transfèrement elle-même ne garantit pas cette protection, car la personne condamnée a volontairement donné son accord au transfèrement; cf. le «Rapport explicatif relatif à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées», ch. 40, consultable sur Internet (www.coe.fr/Affaires juridiques/ Traités européens/Recherches/ STE no 112) et le message du 29 octobre 1986 relatif à la Convention sur le transfèrement, ch. 122, (FF 1986 III 740).

Cf. ATF 112 Ib 137.

Cf. ch. 2.5.

Elle peut, par exemple, faire valoir qu'elle ne possède pas la nationalité de l'Etat d'exécution ou qu'elle n'a fait l'objet d'aucune mesure de renvoi ou d'expulsion.

Un renvoi ou une expulsion sont notamment exécutables lorsqu'ils sont possibles et licites et peuvent être raisonnablement imposés à la personne qui en est frappée; cf. art. 14a LSEE.

4046

La réglementation prévue à l'art. 3 fournit aux cantons un moyen d'améliorer la situation qui prévaut dans le domaine de l'exécution des peines ­ notamment grâce à un rééquilibrage du pourcentage des détenus étrangers et suisses.

Bien que l'art. 3 ­ contrairement à la Convention sur le transfèrement ­ fasse abstraction du consentement de la personne condamnée en ce qui concerne son transfèrement, cette disposition reste compatible avec le but essentiel de la Convention, qui est la réinsertion sociale de la personne condamnée. Plus vite l'exécution de la sanction peut être transférée dans le pays d'origine, meilleures sont les conditions dans lesquelles le détenu est préparé à cette réinsertion.

Art. 4 à 9

Dispositions finales

Les art. 4 à 9 reposent d'une part sur les «clauses finales types pour les conventions et accords conclus au sein du Conseil de l'Europe», que le Comité des Ministres a approuvées en 198030, et, d'autre part, sur les clauses finales de la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées.

Comme la Convention sur le transfèrement elle-même, le Protocole additionnel est ouvert à la signature des Etats qui ne sont pas membres du Conseil de l'Europe.

L'adhésion à la Convention sur le transfèrement est la condition sine qua non dont dépend la possibilité d'adhérer au Protocole additionnel (art. 4, al. 1, et art. 5, al. 1).

Chaque Etat contractant peut, à tout moment, dénoncer le Protocole additionnel en adressant une notification au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe (art. 8, al. 1). La dénonciation de la Convention31 entraîne automatiquement celle du Protocole additionnel (art. 8, al. 4).

2.3

Mise en oeuvre du Protocole additionnel par les cantons

Le Protocole additionnel permet aux cantons d'améliorer la situation qui prévaut en matière d'exécution des peines. Aussi ceux-ci ont-ils toujours été partisans de l'adhésion au Protocole additionnel32.

30 31 32

Voir le «Rapport explicatif relatif au Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées», ch. 37.

La Convention sur le transfèrement est dénonçable dans les mêmes formes.

Voir l'art. 24 de la Convention sur le transfèrement; RS 0.343.

On a renoncé à ouvrir une procédure de consultation en bonne et due forme auprès des cantons parce que le Protocole additionnel ne constitue ni un traité international d'une portée considérable sur le plan politique, économique, financier ou culturel, ni un traité international dont l'exécution serait confiée en grande partie à des organes extérieurs à l'administration fédérale (cf art. 1, al. 2, let. b, de l'ordonnance du 17 juin 1991 sur la procédure de consultation; RS 172.062). Toutefois, les cantons ont été informés du Protocole additionnel par le biais de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), des organes des concordats suisses sur l'exécution des peines ainsi que de l'Association des responsables cantonaux de police des étrangers.

4047

La peine accessoire de l'expulsion prévue à l'art. 55 devra être abolie à la faveur de la révision de la partie générale du code pénal33. Cette disposition permettait au juge d'assortir d'une mesure d'expulsion une condamnation à une peine de réclusion ou d'emprisonnement.

L'abrogation de cette disposition a pour effet de supprimer les redondances avec les mesures de renvoi et d'expulsion ordonnées par la police des étrangers en application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE). Ces mesures policières n'en prennent donc que plus d'importance.

L'efficacité de la mise en oeuvre du Protocole additionnel dépend, dans une large mesure, de l'action des cantons. A cet égard, il y a notamment lieu d'observer les points suivants: a) Nécessité d'informer rapidement la police des étrangers des cantons Idéalement, la police des étrangers des cantons devrait toujours être informée le plus rapidement possible des jugements rendus contre des délinquants étrangers, dans la mesure où ceux-ci prononcent des peines privatives de liberté de six mois au moins34. L'art. 15 du règlement d'exécution du 1er mars 1949 de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers35 impose d'ores et déjà, aux autorités de police et aux autorités judiciaires, l'obligation de renseigner la police des étrangers.

Comme cette disposition est libellée de façon très large, elle n'est malheureusement pas appliquée de façon uniforme par les cantons. En outre, elle ne prescrit pas qu'il faille faire diligence. Dans ces conditions, il incombe aux cantons eux-mêmes de déterminer si l'autorité cantonale d'exécution des peines (il n'en existe qu'une seule dans chaque canton) est mieux à même de garantir la rapidité de cette information et l'uniformité avec laquelle elle doit être pratiquée.

b) Nécessité d'arrêter rapidement les décisions de renvoi et d'expulsion A partir de l'instant où elles ont eu connaissance des condamnations, les autorités cantonales compétentes en matière de police des étrangers devraient, idéalement, rendre le plus rapidement possible leurs décisions de renvoi et d'expulsion. Ce n'est qu'à cette condition que l'art. 3 du Protocole additionnel peut être appliqué de façon optimale. Il est également important qu'une décision soit rendue rapidement parce que le transfèrement
fondé sur l'art. 3 ne peut intervenir qu'après que toutes les voies de recours ouvertes contre les décisions de renvoi ou d'expulsion ont été épuisées. Toutefois, la procédure de mise en oeuvre de l'art. 3 du Protocole additionnel peut être engagée immédiatement après le prononcé du jugement par l'instance judiciaire suisse compétente.

33 34

35

RS 311.0; voir message du 21.9.1998; FF 1999 1787, ch. 213.47.

Cf. la réglementation statuée à l'art. 3, al. 1, let. c, de la Convention sur le transfèrement; RS 0.343: «Un transfèrement ne peut avoir lieu aux termes de la présente Convention qu'aux conditions suivantes: ...; c. la durée de condamnation que le condamné a encore à subir doit être au moins de six mois à la date de réception de la demande de transfèrement, ou indéterminée;...».

RS 142.201; lors de la révision totale de la LSEE, cet article devra être libellé de façon plus stricte et plus claire au niveau de la loi.

4048

2.4

Appréciation du Protocole additionnel

Le Protocole additionnel constitue la base légale qui permet aux Etats contractants d'obtenir que des personnes étrangères condamnées purgent une peine privative de liberté dans leur pays d'origine, et ce même contre leur gré. Il répond à un besoin pratique et comble un certain nombre de lacunes. La solution adoptée est pragmatique et sert, d'une part, à faire appliquer les décisions de justice grâce à la mise en place d'un dispositif de coopération internationale efficace; d'autre part, elle devrait contribuer à réduire le chiffre de la population carcérale étrangère, qui est considérable, et à remédier à certains problèmes qui se posent dans le domaine de l'exécution des peines. Parallèlement, le Protocole additionnel ­ comme la Convention sur le transfèrement elle-même ­ répond à un objectif essentiel de l'exécution des peines, à savoir la resocialisation des personnes condamnées.

Le succès d'une collaboration fondée sur le Protocole additionnel dépendra, en premier lieu, de la question de savoir si des pays intéressants pour la Suisse ratifieront également cet instrument et le mettront concrètement en pratique (en effet, à l'instar de la Convention sur le transfèrement, le Protocole additionnel n'impose aucune obligation de collaborer). A la lumière du principe de droit international public «pacta sunt servanda», on peut partir de l'idée que les Etats qui ratifient le Protocole additionnel sont également disposés à l'appliquer. On peut, toutefois, imaginer qu'à l'avenir, tel ou tel Etat contractant risque de se trouver confronté à l'obligation d'accueillir un nombre très élevé de ses ressortissants condamnés à l'étranger afin qu'ils purgent leur peine. Si une telle situation devait se présenter, il conviendrait de rechercher des solutions (p. ex incitations financières36) propres à motiver un Etat particulièrement sollicité afin qu'il donne son accord à la délégation de l'exécution des peines.

Il est, par ailleurs, essentiel, si l'on veut que le Protocole additionnel atteigne son but, que les autorités cantonales compétentes en matière de police des étrangers soient toujours informées le plus rapidement possible des jugements rendus contre des délinquants étrangers et que, se fondant sur ces informations, celles-ci rendent leurs décisions de renvoi ou d'expulsion dans les meilleurs délais,
sans attendre que l'intéressé bénéficie d'une libération conditionnelle (à ce sujet, cf. ch. 2.3).

Sont concernés au premier chef par les dispositions du Protocole additionnel, les délinquants étrangers qui ne résident pas habituellement en Suisse37. Comme, en raison du risque de fuite, ceux-ci purgent leur peine essentiellement dans des établissements d'exécution des peines et mesures fermés, c'est avant tout dans ces établissements que la situation s'améliorerait (cf. ch. 1.2: analyse de la situation 36 37

Par exemple, la prise en charge par la Suisse d'une partie des frais occasionnés par l'exécution de la peine à l'étranger.

Appelés «touristes de la criminalité» dans le jargon populaire. Près d'un cinquième des personnes condamnées en Suisse pour une infraction appartiennent à ce groupe, leur représentation dans les catégories criminelles suivante étant particulièrement importante: meurtre/assassinat (36 %), lésions corporelles graves (34,8 %), vol avec effraction (31,8 %), faux dans les titres (30,9 %), blanchiment d'argent (42,9 %), trafic de stupéfiants (44,3 %), infractions à la LSEE (59,4 %); voir la statistique de l'OFS «Condamnations en 1998, selon les lois principales et des groupes d'infraction». Jusqu'à la clôture définitive de la procédure, les requérants d'asile ont un domicile et un permis de séjour en Suisse; ils ne sont donc pas pris en compte dans la statistique ci-dessus; pendant cette période, le Protocole additionnel ne peut leur être appliqué.

4049

actuelle dans le domaine de l'exécution des peines). Le Protocole additionnel pourrait également avoir l'effet positif de dissuader les délinquants étrangers d'agir en Suisse dans la mesure où ils sauraient que, même s'ils ont été condamnés en Suisse pour une infraction, ils pourraient être contraints de purger leur peine dans leur pays d'origine (dans des conditions généralement moins bonnes et sans la possibilité de gagner un pécule relativement élevé), même s'ils s'y sont réfugiés dans le but de se soustraire à l'exécution de la sanction.

En ce qui concerne la liberté de choix du pays de destination dont jouissent les ressortissants étrangers contre lesquels la police des étrangers a prononcé une mesure de renvoi ou d'expulsion, il y a lieu de relever ce qui suit: cette liberté reste théorique, notamment lors de l'exécution (par voie de contrainte) de cette mesure de renvoi ou d'expulsion (refoulement). En effet, il n'y a guère de pays ­ hormis l'Etat d'origine ­ qui sera disposé à accueillir volontairement sur son territoire une personne reconduite à la frontière sous escorte policière, en particulier lorsque cette personne a été frappée d'une mesure d'expulsion38. Même lorsqu'un ressortissant étranger se plie de son plein gré à la décision de renvoi ou d'expulsion, il ne peut se rendre dans le pays de son choix que s'il remplit les conditions (c'est-à-dire s'il est titulaire d'un permis de séjour, d'établissement ou de travail ou dispose d'un visa), ce qui ne sera généralement pas le cas.

En ce qui concerne la situation des droits de l'homme dans le pays d'origine de la personne condamnée, il convient de préciser que tous les Etats qui souhaitent faire partie du Conseil de l'Europe doivent garantir, en cette matière, le standard minimum prévu par les textes ad hoc en vigueur39. Tous les Etats membres du Conseil de l'Europe40 ont d'ailleurs adhéré à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) du 4 novembre 195041, et pratiquement tous au Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques42. Que les cas visés relèvent de l'art. 2 ou de l'art. 3 du Protocole additionnel, la demande de délégation de l'exécution de la peine doit émaner de l'Etat de condamnation. Si la Suisse, en tant qu'Etat de condamnation, a des raisons concrètes de penser que les droits de

38

39

40

41 42

Une mesure d'expulsion ne peut être prononcée que lorsque la personne en cause a été condamnée par un tribunal pour un crime ou un délit, ne veut pas s'adapter à l'ordre établi dans le pays qui lui offre l'hospitalité ou n'en est pas capable, compromet l'ordre public par suite de maladie mentale ou encore tombe dans une large mesure à la charge de l'assistance publique; cf. art. 10 LSEE; RS 142.20.

L'art. 3 du Statut du Conseil de l'Europe (RS 0.192.030) a la teneur suivante: «Tout Membre du Conseil de l'Europe reconnaît le principe de la prééminence du Droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales ...».

A ce jour, le Protocole additionnel n'a été signé par aucun Etat non-membre. Les Etats non-membres du Conseil de l'Europe ne sont invités à ratifier la Convention ­ qui leur est ouverte ­ que s'ils reconnaissent être liés par les principes fondamentaux des droits de l'homme.

RS 0.101 RS 0.103.2

4050

l'homme sont bafoués43 dans l'Etat d'exécution, elle s'abstiendra d'adresser à cet Etat une demande d'exécution44.

Il n'y a pas lieu de s'attendre à ce que l'adhésion au Protocole additionnel provoque une augmentation du nombre de Suisses revenant purger leur peine dans leur pays d'origine, ce qui aurait pour effet de contrecarrer le désengorgement des établissements pénitentiaires. Généralement, en effet, les Suisses condamnés à l'étranger souhaitent rentrer en Suisse afin d'y exécuter leur peine, car les conditions de cette exécution y sont, la plupart du temps, meilleures. Or, cette possibilité leur est déjà offerte par la Convention sur le transfèrement. Dès lors, le Protocole additionnel ne devrait guère modifier le nombre de délinquants suisses revenant au pays. En outre, le nombre des étrangers condamnés en Suisse est sans commune mesure avec celui des Suisses condamnés à l'étranger.

La Suisse a participé de façon déterminante à l'élaboration du Protocole additionnel.

A l'heure actuelle, 28 Etats européens ont signé ce protocole, certains d'entre eux l'ayant même déjà ratifié45. La Suisse, qui compte parmi les principaux acteurs de l'adoption de cet instrument de droit international public, donnerait une mauvaise image de sa politique étrangère si elle figurait parmi les derniers Etats à le ratifier.

En outre, le Protocole additionnel va dans le sens des motions Hess Bernhard46 et Brunner Toni47, qui demandent que la Confédération entreprenne des démarches afin que les délinquants étrangers condamnés en Suisse puissent, dans une plus large mesure, purger leur peine dans leur Etat d'origine.

2.5

Modification de la loi sur l'entraide pénale internationale

Dans l'état actuel des choses, le transfèrement d'une personne condamnée à son Etat d'origine pour qu'elle y purge sa peine n'est possible, selon l'EIMP et selon la Convention sur le transfèrement, qu'à condition que la personne en cause y ait consenti (art. 101 EIMP et art. 3, al. 2, let. d, de ladite convention). Le Protocole additionnel prévoit quant à lui ­ et c'est là une innovation ­ la possibilité de procéder au transfèrement contre le gré des personnes condamnées. Afin que cette norme de droit international qui va plus loin que les dispositions actuelles soit transposée dans le droit national, ce qui vise notamment à assurer la sécurité du droit et la transparence, l'art. 101 EIMP est complété par un al. 2. C'est sciemment que son libellé ne fait pas référence au seul Protocole additionnel. En effet, la nouvelle disposition doit également permettre de tenir compte d'autres instruments bilatéraux et multilatéraux qui pourraient être conclus à l'avenir dans ce domaine.

43 44

45 46 47

La personne condamnée a également la possibilité, lors de son audition (art. 3, al. 2 et 3, du Protocole additionnel), d'attirer l'attention sur des violations des droits de l'homme.

Cf. ch. 2.2: commentaire ad art. 3, al. 2 et 3. Dans les cas visés à l'art. 3 du Protocole additionnel, la personne condamnée peut, en outre, se prévaloir de l'art. 25, al. 2bis, EIMP pour interjeter un recours de droit administratif contre la demande formulée par la Suisse.

Cf. ch. 1.1.3 M 00.3694 M 01.3608

4051

Le nouvel art. 29a48 de la Cst. garantit l'accès à une autorité judiciaire indépendante pour les litiges de toute nature, donc également en matière administrative. Il remplace la garantie de l'accès au Tribunal fédéral dans le cas des réclamations pour violation de droits constitutionnels des citoyens49 (art. 113, al. 1, ch. 3, aCst.). La garantie générale d'accès au juge instaurée par le nouvel art. 29a Cst. exige que l'art. 25 EIMP, qui a trait à la recevabilité du recours de droit administratif, soit complété pour les demandes de transfèrement au sens du nouvel al. 2 de l'art. 101 EIMP50.

3

Conséquences financières, effets sur l'état du personnel et incidences économiques

3.1

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel pour la Confédération

L'adhésion au Protocole additionnel aura pour effet d'augmenter le nombre des transfèrements. L'ampleur de cette augmentation dépendra d'un certain nombre de paramètres exposés dans le présent message (cf. ch. 2.4). La charge de travail supplémentaire qui en résultera pour l'Office fédéral de la justice et les conséquences que celle-ci aura sur l'effectif du personnel ne peuvent être déterminées précisément à l'heure actuelle.

3.2

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel pour les cantons

En vertu de l'art. 17, al. 5, de la Convention sur le transfèrement, les frais occasionnés par l'application du Protocole additionnel, notamment par l'exécution des sanctions, sont supportés par l'Etat d'exécution (c'est-à-dire par l'Etat dont la personne condamnée est originaire). Ne font exception à cette règle que les frais occasionnés exclusivement sur le territoire de l'Etat de condamnation.

La ratification du Protocole additionnel ne devrait guère se traduire par une augmentation du nombre des Suisses revenant au pays afin d'y purger leur peine; en effet, les Suisses condamnés à l'étranger sont généralement enclins, aujourd'hui déjà, à rentrer volontairement en Suisse afin d'y exécuter leur peine; or, la Convention sur le transfèrement offre d'ores et déjà une base légale suffisante à cette fin. En revanche, le Protocole additionnel devrait entraîner, à terme, une augmentation du nombre des transfèrements de ressortissants étrangers vers leur pays d'origine. Ce 48

49 50

L'art. 29a Cst. a la teneur suivante: «Garantie de l'accès au juge. Toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. La Confédération et les cantons peuvent, par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels». Il fait partie des dispositions relatives à la «réforme de la justice» qui ont été adoptées par le Parlement le 8 octobre 1999 et accceptées par le peuple et les cantons le 12 mars 2000. Elles entreront en vigueur à la même date que la loi sur le Tribunal fédéral (FF 1999 7831, 2000 2814 et 2001 4414).

FF 1997 I 511 Dans le cadre du recours de droit administratif, on peut, notamment, faire valoir que les conditions qui justifieraient le transfèrement ne sont pas réunies; cf. ch. 2.2: commentaire ad art. 3).

4052

phénomène devrait contribuer, dans une certaine mesure, à désengorger les établissements d'exécution des peines et mesures de Suisse51 et à rééquilibrer les populations carcérales.52

3.3

Incidences économiques

La Convention n'aura aucune incidence sur la place économique suisse.

4

Programme de la législature

Dans son septième rapport sur la Suisse et les conventions du Conseil de l'Europe, daté du 19 janvier 200053, le Conseil fédéral accorde à l'adhésion au Protocole additionnel un caractère tout à fait prioritaire et recommande que sa ratification intervienne encore durant la législature en cours. Comme il était prévu à l'origine de signer le Protocole additionnel en même temps que le Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne sur l'entraide judiciaire en matière pénale, cet objet ne figure pas encore dans le rapport du 1er mars 2000 sur le Programme de la législature 1999­200354.

5

Rapport avec le droit européen

La Convention sur le transfèrement du Conseil de l'Europe de 1983 était soustendue par l'idée que les droits de souveraineté des Etats signataires ne devaient plus constituer un empêchement à la reconnaissance du caractère obligatoire des jugements de condamnation étrangers. Dans l'intervalle, près de 50 Etats ont ratifié la Convention sur le transfèrement et quatorze le Protocole additionnel (état au 30 avril 2002).

6

Constitutionnalité

En vertu de l'art. 54, al. 1, Cst., les affaires étrangères ressortissent à la Confédération. De ce fait, celle-ci est compétente pour conclure des traités internationaux.

Selon l'art. 166, al. 2, Cst., l'approbation des traités internationaux incombe à l'Assemblée fédérale.

En vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum facultatif lorsqu'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables, lorsqu'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale ou lorsqu'ils 51

52 53 54

Les capacités d'accueil disponibles dans les établissements d'exécution des peines et mesures sont définies de façon précise; la libération de places profitera en premier lieu aux établissements de détention préventive et permettra de réduire les listes d'attentes en vue de l'exécution des peines.

Cela devrait ramener un certain calme dans la vie quotidienne des prisons et limiter les interventions de service.

FF 2000, 1084 et 1112 FF 2000 2168

4053

entraînent une unification multilatérale du droit. Le Protocole additionnel est certes conclu pour une durée indéterminée, mais il peut être dénoncé à tout moment par chacun des Etats contractants (art. 8). En outre, il n'a pas pour objet l'adhésion à une organisation internationale, et bien qu'il contienne des règles de procédure dans le domaine du transfèrement des personnes condamnées, il n'entraîne pas une unification multilatérale du droit au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst. On considère en effet qu'une unification multilatérale du droit implique l'engagement des Etats parties à un traité international d'appliquer le droit uniforme convenu en tant que partie intégrante de la législation nationale55. Il s'agit donc, dans un domaine bien défini, de remplacer partiellement ou entièrement ­ ou du moins de compléter ­ le droit national par du droit uniforme contenant des règles de droit directement applicables.

Dans certains cas particuliers, on considère qu'il y a unification multilatérale du droit lorsque les normes internationales en question sont peu nombreuses, mais qu'elles présentent une importance fondamentale56. Le Protocole additionnel ne contient pas d'obligation de collaboration, et si les dispositions qu'il contient sont en partie directement applicables, leur contenu et leur portée ne sont pas si essentiels qu'on puisse parler d'unification multilatérale du droit. Pour ces motifs, l'arrêté d'approbation de l'Assemblée fédérale n'est pas sujet au référendum.

En vertu de l'art. 163, al. 1, Cst., les nouveaux art. 25, al. 2bis, et 101, al. 2, de la loi sur l'entraide pénale internationale doivent être édictés sous la forme d'une loi.

Celle-ci est sujette au référendum conformément à l'art. 141, al. 1, let. a, Cst.

55 56

FF 1985 III 287 FF 1990 III 903 s., 2001 6005

4054