99.464 Initiative parlementaire Réhabilitation des personnes ayant sauvé des réfugiés ou lutté contre le nazisme et le fascisme Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 29 octobre 2002

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 21quater, al. 3, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC), la commission vous soumet le présent rapport qu'elle transmet simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet de loi ci-joint.

29 octobre 2002

Pour la commission: La présidente, Anita Thanei

7226

2002-2410

Condensé La montée en puissance des régimes nazi et fascistes, en Europe, pendant les années 1930, a culminé avec la guerre mondiale de 1939-1945 et le génocide perpétré par le troisième Reich. La mémoire de celles et ceux qui ont combattu le fascisme et le nazisme est aujourd'hui honorée par la communauté internationale. A cet égard, la Suisse se trouve dans une situation particulière. En effet, pendant cette période, elle a pratiqué sa politique de neutralité ­ qui a même été renforcée ­ et a pu rester à l'écart de la guerre. Il s'en est suivi que des personnes ont été condamnées pénalement en Suisse pour avoir participé à des actions ou des combats dirigés contre le nazisme et le fascisme.

Par le dépôt d'une initiative parlementaire, en décembre 1999, le conseiller national Paul Rechsteiner a demandé l'élaboration d'une loi qui annulerait tous les jugements condamnant des personnes ayant aidé à fuir des victimes du nazisme et du fascisme. Cette annulation devrait également s'étendre aux jugements contre des Suisses qui ont lutté contre le nazisme et le fascisme au sein de la Résistance française et des brigades internationales durant la guerre d'Espagne. Suivant la proposition de la Commission des affaires juridiques, le Conseil national a décidé, le 14 décembre 2000, de donner suite à cette initiative parlementaire.

Sur la base de cette décision, la commission a élaboré un projet de nouvelle loi fédérale tendant à réhabiliter les personnes condamnées pour avoir porté secours aux réfugiés persécutés par le régime nazi. Une minorité de la commission veut étendre cette réhabilitation aux personnes condamnées pour avoir résisté au nazisme et au fascisme, que ce soit par la participation directe à des combats (guerre civile espagnole, Résistance française) ou par des actions civiles.

La loi prévoit un double mécanisme visant d'une part à annuler les jugements pénaux de manière générale et abstraite et d'autre part à faire constater, sur demande ou d'office, par une «commission de réhabilitation» que, dans un cas concret, l'acte général d'annulation trouve application. Les demandes de constatations pourront être adressées pendant cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi par les personnes condamnées ou leurs proches, ainsi que par des organisations suisses se consacrant à la défense des droits de l'homme. La loi précise que l'annulation des jugements pénaux n'ouvre aucun droit à des dommages-intérêts ou à une indemnité pour tord moral.

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Rapport 1

Situation initiale

1.1

Initiative parlementaire

Le 22 décembre 1999, le conseiller national Paul Rechsteiner a déposé une initiative parlementaire conçue en termes généraux intitulée «Réhabilitation des personnes ayant sauvé des réfugiés ou lutté contre le nazisme et le fascisme». L'initiative demande la promulgation d'un arrêté fédéral qui annulerait tous les jugements condamnant des personnes ayant aidé à fuir des victimes du nazisme et du fascisme. Cet arrêté doit inclure les jugements contre des Suisses qui ont lutté contre le nazisme et le fascisme au sein de la Résistance et des brigades internationales durant la guerre d'Espagne.

La Commission des affaires juridiques du Conseil national a proposé dans son rapport du 31 octobre 2000 de donner suite à cette initiative parlementaire.

1.1.1

Décision du Conseil national

Le Conseil national a donné suite à l'initiative parlementaire le 15 décembre 2000 par 104 voix contre 50. Lors des délibérations, la commission a précisé que la mise en oeuvre de l'initiative n'était pas encore réglée et devrait encore être discutée dans le détail. L'initiant reconnaît que les avantages et les inconvénients d'une réhabilitation doivent encore être étudiés. Pour la majorité de la commission, l'initiative concerne essentiellement les personnes ayant sauvé des réfugiés et non les anciens brigadistes et résistants1.

Conformément à l'art. 21quater, al. 1 de la loi sur les rapports entre les conseils2, le Conseil national a chargé sa Commission des affaires juridiques d'élaborer un projet d'acte législatif.

1.2

Travaux de la commission et de la sous-commission

La Commission des affaires juridiques du Conseil national a chargé une sous-commission de préparer un projet de loi concrétisant l'initiative parlementaire. Composée de cinq membres (de Dardel, président, Baumann J. Alexander, Bosshard, Leuthard, Menétrey-Savary) la sous-commission s'est réunie six fois et a été secondée dans ses travaux par le Département fédéral de justice et police (art. 21quater, al. 2 LREC). Le 4 septembre 2002, la commission plénière a examiné le projet de loi et l'a adopté à l'unanimité. La commission a décidé de renoncer à une procédure de consultation, étant entendu que les cantons seront peu touchés par la mise en oeuvre de la loi.

1 2

BO 2000 N 1590 RS 171.11

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1.2.1

Le contexte historique

Avec la question des fonds en déshérence s'est développé en Suisse un grand débat sur le rôle de notre pays pendant la deuxième guerre mondiale. Ce débat a marqué la vie politique en Suisse pendant la deuxième moitié des années 1990 et a amené le Parlement fédéral à voter un arrêté fédéral instituant une commission d'experts indépendants.

Il est apparu dans ce cadre que la politique des autorités fédérales à l'égard des réfugiés persécutés par le régime nazi pour des raisons raciales, notamment les réfugiés juifs, constituait un sujet central. Indépendamment de la question du nombre de réfugiés refoulés, il y a évidemment lieu de prendre en considération le fait que les juifs et les membres d'autres minorités, qui ont été refoulés par la Suisse ou qui ont renoncé d'emblée à essayer de s'y réfugier, sont pour leur très grande majorité morts dans les camps d'extermination.

Sur un plan plus général, la montée en puissance des régimes nazi et fascistes, en Europe, pendant les années 1930, a culminé avec la guerre mondiale de 1939­1945 et, à cette occasion, avec la génocide entrepris et réalisé par le troisième Reich. La mémoire de celles et ceux qui ont combattu le fascisme et le nazisme est aujourd'hui honorée par la communauté internationale. A cet égard, la Suisse se trouve dans une situation particulière. En effet, pendant cette période, elle a pratiqué sa politique de neutralité ­ qui a même été renforcée ­ et a pu rester à l'écart de la guerre. Il s'en est suivi que des personnes ont été condamnées pénalement en Suisse pour avoir participé à des actions ou des combats dirigés contre le nazisme et le fascisme. L'initiative parlementaire évoque précisément le sort de ces personnes.

1.2.2

Les personnes qui ont aidé des fugitifs

Au sujet des personnes qui ont porté secours à des fugitifs, la sous-commission a procédé à l'audition de deux historiens: ­

Monsieur Stefan Keller, historien et écrivain, qui a étudié le cas des personnes qui ont aidé des fugitifs et a écrit un ouvrage de référence sur Paul Grüninger, chef de la police de Saint-Gall jusqu'à la fin des années 30;

­

Madame Regula Ludi, historienne, qui a travaillé pour la Commission d'experts indépendants Suisse ­ seconde guerre mondiale.

Il est établi que des personnes persécutées par le régime national ­ socialiste se réfugièrent illégalement en Suisse en 1934 déjà. Ainsi, Hans Mayer, juriste et écrivain de renom, persécuté en Allemagne comme socialiste et comme juif, a-t-il franchi la frontière franco-suisse en 1934 grâce à l'aide de Leonhard Jenni, qui fut un fondateur de la ligue suisse des droits de l'homme. Hans Mayer séjourna illégalement en Suisse jusqu'en 1945 grâce à la protection des autorités genevoises.

Les premières condamnations connues actuellement de personnes ayant aidé des fugitifs remontent à 1938. Elles furent prononcées par des juridictions cantonales en application de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des

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étrangers (LSEE)3. Ainsi, le Tribunal de district d'Unterrheintal à Rheineck (SG) a-t-il condamné un jeune voyageur de commerce âgé de 25 ans à deux mois et demi de prison comme «passeur» et le viennois israélite, qu'il accompagnait, à deux mois d'emprisonnement. Toutefois, ce sont surtout des condamnations à des amendes, que les chercheurs d'aujourd'hui ont retrouvé pour l'année 1938.

L'arrêté du Conseil fédéral du 13 décembre 1940 relatif à la fermeture partielle de la frontière4 a transféré aux tribunaux la compétence de prononcer des sanctions pénales en matière d'entrées illégales de ressortissants étrangers en Suisse. Avec la fermeture des frontières en août 1942, les procédures pénales pour assistance à réfugiés ont beaucoup augmenté. L'arrêté du Conseil fédéral du 25 septembre 1942 modifiant l'arrêté du 13 décembre 1940 relatif à la fermeture partielle de la frontière5 confère à l'aide aux fugitifs le caractère d'une infraction spéciale, punissable de l'emprisonnement jusqu'à trois ans ou de l'amende jusqu'à 20 000 francs. Les Tribunaux militaires prononcèrent des peines d'emprisonnement de deux à trois mois et infligèrent des amendes de plusieurs milliers de francs. Les passeurs ressortissants étrangers furent, en plus, condamnés à être expulsés de Suisse pendant plusieurs années. En octobre 1942, le Tribunal militaire territorial I (compétent pour la Suisse romande) condamna deux passeurs français, qui avaient introduit en Suisse dix fugitifs israélites, à 45 jours d'emprisonnement chacun, alors qu'ils s'étaient fait rétribuer au demeurant de manière assez modeste. Le même tribunal, quelques jours plus tard, condamnait deux autres personnes, qui avaient fait traverser le lac Léman en bateau à six juifs en fuite à la même peine, alors qu'ils ne s'étaient pas fait payer et avaient agi par pure compassion. De manière générale, l'examen des jugements de cette période permet de considérer que les juges ne tenaient que très peu compte de la motivation des passeurs et des circonstances particulières des affaires.

Il est important de mentionner que les passeurs prenaient des gros risques6 et que leur activité impliquait beaucoup de temps, de précaution et de savoir-faire. L'usage était qu'ils se fassent rétribuer, ce qui ne signifie nullement qu'ils agissaient alors par appât du gain. Compte
tenu des risques encourus, de la difficulté du travail et de la fréquente modestie de la situation économique des passeurs, les experts estiment que le plus souvent ceux-ci agissaient par conviction personnelle, même s'il étaient rétribués.

Les condamnations contre les passeurs ont été prononcées jusqu'en 1945, et même au-delà, après la fin de la deuxième guerre mondiale. A partir de 1940, ces condamnations sont prononcées sur la base d'arrêtés du Conseil fédéral en vertu de ses pouvoirs d'exception.

Enfin, la recherche historique, à ce jour, n'est pas en mesure de procéder à une estimation du nombre des personnes condamnées pénalement pour avoir aidé à fuir des personnes persécutées par le régime national-socialiste. A fortiori, des estimations plus précises sur la nature et la quotité des peines et sur les critères appliqués par les juges pour mesurer les peines ne sont actuellement pas possibles.

3 4 5 6

RS 142.20 RO 56 (1940) 2077 RO 58 (1942) 895 La frontière était sévèrement contrôlée sur les territoires occupés par les forces allemandes, mais aussi sur territoire suisse ; les douaniers suisses étaient en effet autorisés à tirer (La Suisse et les réfugiés à l'époque du national-socialisme, rapport de la commission indépendante d'experts Suisse ­ seconde guerre mondiale, p. 118).

7230

1.2.3

Les combattants suisses pendant la guerre d'Espagne

Sur ce sujet, la sous-commission a procédé à l'audition de Monsieur Nicola Ulmi.

Ce dernier a contribué à une recherche exhaustive, menée de 1996 à 2000, par des chercheurs des universités de Lausanne et Genève7. Cette étude, financée par le Fonds national Suisse de la recherche scientifique, met en lumière les éléments suivants.

Environ 650 citoyens suisses se sont engagés au côté de la République espagnole dans les brigades internationales et dans les milices qui ont précédé leur constitution. Les témoignages écrits tels que lettres et archives des procès montrent que ces Suisses étaient animés par des convictions politiques. Ils estimaient que la montée du fascisme constituait une menace pour la paix, pour la liberté et pour la démocratie en Europe et en Suisse. Le plus souvent issus de milieux populaires et connaissant une situation modeste, voire très modeste, ils vivaient, en période de chômage assez intense, un sentiment d'exclusion. Ils se sentaient rejetés en Suisse et considéraient la république espagnole comme une nouvelle patrie pour la classe ouvrière, où celle-ci aurait le premier rôle.

Un quart des volontaires suisses sont morts dans les combats. La plupart des survivants ont été jugés par les tribunaux militaires.

Mais Lorsque la guerre civile éclate en Espagne en 1936, le Conseil fédéral ne soutient pas le camp franquiste, mais s'abstient simultanément de tout appui au gouvernement légal8.

Depuis 1928, le code pénal militaire (CPM)9 prévoit à son art. 94 l'interdiction pour ceux qui sont astreints au service militaire de s'engager dans une armée étrangère.

Le 14 août 1936, le Conseil fédéral édicta un arrêté10 qui interdisait toute forme de soutien aux belligérants en Espagne et qui élargissait l'application de l'art. 94 CPM à tous les ressortissants suisses.

Dés décembre 1936, commencèrent les procès contre les combattants suisses à la guerre en Espagne.

On a dénombré en tout 550 procès11. Il y a parfois des doublons : certains procès par contumace sont suivis d'une révision lors du retour du volontaire en Suisse. Les sentences définitives pour engagement en Espagne sont au nombre de 420 sur environ 500 volontaires. Une partie des condamnations frappe des gens qui sont morts en Espagne. Un petit cinquième des volontaires a échappé à toute sanction. Les condamnations des combattants suisses dans les forces républicaines espagnoles sont maintenant circonscrites de manière précise par la recherche historique.

7 8 9 10

11

Nic Ulmi, Peter Huber, Les combattants suisses en Espagne républicaine (1936­1939), éd. Antipodes, 2001.

Nic Ulmi, Peter Huber, op. cit., p. 20 ss RS 321 Arrêté du Conseil fédéral concernant le transit des armes, munitions et matériels de guerre à destination de l'Espagne, des possessions espagnoles et de la zone espagnole du Maroc du 14 août 1936 (RO 52 [1936] 661).

Nic Ulmi, Peter Huber, op. cit., p. 229 ss

7231

Les condamnations les plus lourdes sont le résultat d'un cumul d'infractions: prise de service dans l'armée républicaine espagnole, insoumission à des cours de répétition ou défaut à la mobilisation de guerre en Suisse, dilapidation du matériel. Une partie des peines ont été purgées sous régime militaire, c'est-à-dire non pas en jours de prison mais en jours supplémentaires de service militaire ce qui était perçu comme une peine plus légère.

Plusieurs éléments influencent la dureté des peines prononcées. Les peines ont évolué en fonction des événements historiques. La première vague de procès, qui ont été menés en l'absence des accusés, a débouché sur des peines plus lourdes, les jugements tendant à dissuader les futurs volontaires. Dès que les combattants espagnols commencent à rentrer et participent à leur procès, les condamnations tendent à être plus légères. Certains jugements tiennent compte des motivations idéales de l'engagement pour adoucir les peines. On constate également une différence entre les tribunaux latins, moins sévères, et les tribunaux alémaniques infligeant des peines le plus souvent supérieures à quatre mois.

La durée des peines s'étale sur une fourchette allant de 15 jours à quatre ans. Le 80 pour cent des peines se resserre sur une durée de un à six mois, la durée moyenne de la peine infligée est de 3,8 mois. La même sévérité est appliquée vis-à-vis des volontaires engagés en Espagne républicaine que vis-à-vis de la trentaine de volontaires suisses qui s'engageront dans l'armée de Franco. On trouve aussi environ une fois sur dix des peines assorties du sursis ainsi que quelques cas où la grâce est demandée et obtenue12. A quelques exceptions près, les condamnations se basent principalement sur l'art. 94 CPM. Les tribunaux n'ont pas besoin de faire recours à l'arrêté du Conseil fédéral du 14 août 1936. La peine supplémentaire de privation des droits civiques de un à cinq ans a été prononcée dans environ 60 pour cent des cas.

Il est important de relever que les autres pays d'Europe, même s'ils connaissent une législation interdisant le service militaire dans des forces étrangères, n'ont pas poursuivi leurs ressortissants engagés dans les forces républicaines espagnoles. Les condamnations des combattants suisses représentent donc un cas particulier en Europe.

Pour les
puissances nazie et fascistes, la guerre d'Espagne a été un laboratoire13.

Elle a permis en effet à ces puissances de mesurer le degré de non-intervention des pays démocratiques, dans la perspective d'intentions belliqueuses futures.

En 1938, une campagne s'est engagée en Suisse pour une amnistie en faveur des brigadistes condamnés. Mais en février 1939, les Chambres fédérales se prononçaient contre l'amnistie14. Pour la suite et jusqu'en 1999, plusieurs interventions

12 13 14

Sur 19 demandes de grâces, dix sont rejetées, sept acceptées et deux acceptées partiellement, pour ce qui concerne la privation des droits civiques.

Nic Ulmi, Peter Huber, op. cit., p. 18­19 Rapport du Conseil fédéral à l Assemblée fédéral concernant les demandes d'amnistie en faveur des participants à la guerre civile espagnole du 20 janvier 1939 (FF 1939 116); procès-verbal des délibérations du Conseil national du 1er février 1939 (non publié) p. 24 ss; procès-verbal des délibérations du Conseil des Etats du 4 février 1939 p. 29 ss (non publié).

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parlementaires ont été faites en faveur des combattants suisses en Espagne, mais aucune n'a abouti, à l'exception d'un postulat Pini15 adopté en 1992 par le Conseil national, mais qui est resté sans suite.

1.2.4

La participation et l'aide à la Résistance française

Sur cette question, la sous-commission a procédé à l'audition de Monsieur Luc van Dongen, historien, qui a procédé à une étude, qui a dépouillé 3800 jugements des tribunaux militaires de septembre 1944 à décembre 1945 et a publié un article de référence16.

L'engagement en faveur de la Résistance française recouvre deux types d'actions distinctes: d'une part le soutien et l'engagement militaire dans la Résistance française et d'autre part le soutien actif à la Résistance depuis la Suisse. Ce soutien depuis la Suisse a été relativement important et a couvert des activités de rassemblement et d'acheminement de matériel, de médicaments, d'armes pour la Résistance et les maquis, d'accueil et d'hébergement de résistants, d'activité de renseignement et de diffusion d'informations, d'aide aux évadés des camps d'internements suisses. Même si elles sont très différentes, les deux formes d'engagement en faveur de la Résistance ne peuvent être dissociées et il arrive qu'elles se confondent lorsque des réseaux civils d'aide suisses apportent un soutien à des combattants suisses de la Résistance. Les deux formes de résistance ont fait l'objet de répressions pénales.

Les activités de résistance en France ont été sanctionnées pour la violation de plusieurs normes pénales. Les Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) acquièrent le statut d'«armée» au sens juridique en octobre 1944. Dès cette date un engagement en leur sein devient punissable selon l'art. 94 CPM. Le passage illicite de la frontière et, selon les cas, d'autres délits tels le refus de servir, la désertion, la dilapidation de matériel militaire viennent s'ajouter aux infractions.

Dans les cas d'aide à la Résistance depuis la Suisse, les normes pénales violées sont de diverses natures: notamment infraction aux prescriptions sur le maintien de la neutralité, préparation et favorisation de franchissement clandestin de la frontière, violation de secrets militaires, infraction à l'interdiction de détention d'armes, infraction au règlement sur l'importation et l'exportation de matériel de guerre, infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, service de renseignements politiques, recel, faux dans les titres, abus de confiance.

Les recherches entreprises sur les jugements concernant les personnes engagées dans la Résistance
française montrent que la moyenne des peines s'échelonne entre deux et six mois. Un tiers des peines est cependant supérieur à un an. Les jugements les plus sévères concernant des peines allant de deux à cinq ans touchent treize pour cent des condamnations. Le sursis n'est accordé qu'en cas de peine inférieure à cinq mois.

15 16

91.3214 Po. Réhabilitation des combattants suisses de la guerre d'Espagne, BO N 1992 2718 Luc van Dongen, Des Suisses dans la Résistance française (1944­1945), in Guerres et paix, Mélanges en l'honneur du prof. Jean-Claude Favez, éd. Georges, Genève 2000

7233

Pour ceux qui ont apporté aide et soutien à la Résistance depuis la Suisse, les peines ont été très variables : cela pouvait aller de quelques jours à quelques mois, rarement au-delà d'une année.

Les motifs politiques ou moraux de l'engagement contre les forces de l'Allemagne nazie sont rarement pris en compte par les tribunaux. Il faut dire ici que l'aveu de motivations politiques accentuait aux yeux des tribunaux la responsabilité personnelle, ce qui ne poussait guère les accusés à s'en réclamer.

Le phénomène d'engagement des Suisses dans la Résistance française ne présente pas la même ampleur numérique que l'engagement des Suisses dans les brigades internationales. De plus, l'engagement est de quelques semaines en moyenne et se limite majoritairement aux régions frontalières. Les procès militaires mettent clairement en évidence une croissance des engagements au cours de l'été 1944. Le profil type de la personne s'engageant dans la Résistance correspond à celui d'une personne de moins de 30 ans, célibataire, francophile et employée dans l'industrie. A l'inverse des Brigadistes, seules 10 pour cent des personnes sont sans emploi. Le goût de l'aventure et les exemples héroïques de certains faits de Résistance ont eu un impact certain dans la motivation des jeunes à s'engager. Le mouvement n'est ni un phénomène homogène ni une réaction antinazie revendiquée comme telle. Les engagements ne sont pas aussi politisés que dans le cas des brigadistes: il ne s'agit pas d'une croisade contre le fascisme. Selon l'étude encore incomplète ayant dépouillé 3800 jugements datés de septembre 1944 à décembre 1945, seuls deux militants socialistes et communistes se trouvaient parmi les personnes condamnées, qui étaient au nombre de 130 condamnés comme combattants volontaires et une dizaine pour aide à la Résistance.

Un recensement complet des jugements prononcés pour participation et aide à la Résistance française n'a pas été fait à ce jour par la recherche historique. L'expert entendu par la sous-commission estime le nombre des personnes condamnées à 300 environ.

1.2.5

La résistance civile

La recherche historique récente a développé le concept de la résistance civile, notamment à Hitler17. Cette résistance civile regroupe une constellation de gestes ou de comportements dans la population par opposition à ceux des autorités.

La résistance civile est aussi un concept qui met en évidence, à côté de la résistance armée de type militaire, une image plus nuancée des différentes formes d'engagements résistants. L'aide aux réfugiés s'inscrit bien dans cette conception. Il en va de même de l'aide à la Résistance française, sans participation directe aux combats.

Mais il y a aussi eu des engagements suisses en faveur des résistances belge, yougoslave, allemande et d'autres encore. Souvent, ces engagements, sous forme de diffusion de tracts ou de brochures, de passage clandestin des frontières pour les matériaux les plus divers ou pour des personnes résistantes, pour la transmission de renseignements, se déroulaient dans l'illégalité. Ils ont donc provoqué aussi des 17

Jacques Semelin, Sans armes face à Hitler, la résistance civile en Europe 1939­1943, Paris 1989, p. 49 ss.

7234

jugements pénaux à l'encontre des auteurs, mais aucune recherche d'ensemble n'a été effectuée pour la Suisse pour la période de la montée du fascisme et du nazisme et de la deuxième guerre mondiale.

2

Grandes lignes du projet

2.1

La problématique de la «réhabilitation» proposée

L'initiative parlementaire demande que tous les jugements pénaux rendus contre des personnes ayant sauvé des réfugiés victimes du nazisme soient annulés, la voie à suivre restant ouverte. C'est pourquoi il convient en premier lieu d'étudier les institutions du droit en vigueur entrant en ligne de compte, soit l'amnistie, la grâce et la réhabilitation, pour déterminer si elles permettraient d'atteindre les buts de l'initiative. Comme tel n'est pas le cas, ainsi que cela sera démontré plus loin, de nouvelles solutions doivent être recherchées. C'est ainsi que la commission propose une «réhabilitation sui generis», dont les aspects de fond et de forme sont développés sous le ch. 2.1.2.

2.1.1

Amnistie, grâce et réhabilitation en droit actuel

2.1.1.1

Amnistie

L'amnistie annule les effets d'une disposition pénale pour des groupes entiers de personnes sans que les individus visés par l'amnistie ne soient désignés. Dans ce sens, l'amnistie est impersonnelle. La notion d'amnistie (aussi appelée grâce globale) comprend aussi bien la renonciation à la poursuite pénale de certains actes ou catégories d'actes que l'exemption de la peine correspondante18. En revanche, l'annulation de jugements pénaux entrés en force n'entrent pas dans la définition de l'amnistie.

Selon le droit en vigueur, l'amnistie n'est réglée qu'à l'art. 173 de la Constitution fédérale. Ce n'est que dans la révision en cours de la partie générale du code pénal que des dispositions sur l'amnistie sont introduites dans le CP (art. 387) et dans le CPM (art. 232e)19.

En matière de droit pénal fédéral, les amnisties sont en principe de la compétence de l'Assemblée fédérale en vertu de l'art. 173 de la Constitution fédérale et non pas de celle des cantons20. L'amnistie fiscale de 1968, qui touchait non seulement le droit fédéral mais aussi le droit fiscal cantonal, a en conséquence été arrêtée par une modification de la constitution21.

18

19 20

21

cf. Mariangela Wallimann-Bornatico, Die Amnestie, RDS 81 (1985) 196 s., ainsi que le message du Conseil fédéral du 20.11.1996 sur une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 409 s.; Art. 387 P-StGB, message du Conseil fédéral du 21.9.1998, FF 1999 II 1985 s.

cf. message du Conseil fédéral du 21.9.1998, FF 1999 II 1985 s.

cf. Jean-François Aubert, Comm. Cst., n. 98 ad Art. 85; Hans Schultz, Einführung in den Allgemeinen Teil des Strafrechts, vol. I, 4e éd. , p. 256; Niklaus Schmid, Strafprozessrecht, 3e éd., n° 1176 f.; Günther Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil II, Strafen und Massnahmen, § 8, n. 16.

cf. Aubert, Traité de droit constitutionnel suisse, Suppl. 1967­1982, n. 1467.

7235

2.1.1.2

La grâce

La grâce est la remise totale ou partielle, pour une personne en particulier, d'une peine entrée en force ou la conversion d'une peine en une peine plus favorable.

Des dispositions sur la grâce se trouvent dans la Constitution fédérale (art. 173, autres tâches et compétences de l'Assemblée fédérale) et dans le CP et le CPM (art. 394­396 CP et art. 232a­d CPM).

Selon le CP et le CPM, la grâce ne relève de la compétence des Chambres fédérales que dans les cas où un tribunal militaire, la Cour pénale fédérale ou une autorité administrative fédérale a statué. Les cantons sont compétents pour accorder la grâce à l'encontre de jugements d'autorités cantonales.

2.1.1.3

La réhabilitation

La réhabilitation au sens du code pénal est la levée anticipée de peines accessoires (art. 77­79 CP et art. 36­43 CPM).

2.1.1.4

L'annulation de jugements pénaux

L'initiative tend à l'annulation de certains jugements pénaux. Pour apprécier le sens d'une telle mesure, il faut tenir compte de ce qui suit.

Un jugement pénal détermine la culpabilité de l'auteur et la peine est fixée en fonction de la faute. Lorsque les conditions nécessaires en sont réalisées, des peines accessoires sont de plus prononcées. L'ordre d'exécution de la peine est lié à son prononcé.

Si un jugement doit être annulé «ex tunc», toutes les conséquences juridiques du jugement pénal doivent être, pour autant que cela soit encore possible, annulées rétroactivement et les dommages intervenus réparés.

2.1.1.4.1

Les effets juridiques de l'annulation de jugements pénaux au sens commun

L'annulation d'un jugement pénal a notamment les conséquences suivantes22:

22

a.

La déclaration de culpabilité est effacée. Cela entraîne la réhabilitation juridique et morale de l'auteur et l'expression de la reconnaissance publique.

b.

La peine est annulée. Ce principe ne peut toutefois être réalisé qu'en partie.

Alors que les amendes peuvent être annulées, seule peut être offerte une compensation pécuniaire pour les autres peines exécutées.

cf. Hauser/Schweri, Kurzlehrbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, 3e éd, 1997, § 45.14.

7236

c.

Les peines accessoires23 non plus ne peuvent être annulées; leur exécution peut être au plus compensée avec de l'argent.

d.

Les inscriptions au casier judiciaire encore existantes peuvent être, selon les cas, radiées (art. 59 CPM, respectivement art. 14, let. g, de l'ordonnance sur le casier judiciaire informatisé24).

e.

Si le jugement a été publié (art. 61 CP et art. 43 CPM), une nouvelle publication paraît nécessaire.

Enfin, il convient de penser aussi aux conséquences indirectes du jugement, par exemple à une résiliation des rapports de travail ou à la mise à pied d'un fonctionnaire. Une telle conséquence peut résulter de la condamnation de personnes ayant sauvé des fugitifs.

2.1.1.4.2

Les conséquences juridiques de l'annulation de jugements pénaux rendus contre des personnes ayant aidé des fugitifs

Lors de l'annulation de jugements de personnes ayant aidé des fugitifs, l'aspect le plus important est l'annulation (l'effacement) de la déclaration de culpabilité. Les autres conséquences juridiques des jugements pénaux revêtent une importance pratique moindre du point de vue de l'annulation des jugements, dès lors que les peines et les peines accessoires exécutées ne peuvent pas bénéficier d'un effet rétroactif.

Les auditions de la sous-commission ont montré qu'environ 60 pour cent des condamnés sur la base de l'art. 94 CPM se sont vus infliger la peine accessoire de la privation des droits civiques.

En cas de condamnation à une peine d'emprisonnement, la privation des droits civiques pouvait être ordonnée si l'acte dénotait, chez son auteur, de la bassesse de caractère. La durée de la privation était de un à cinq ans et prenait effet avec l'entrée en force du jugement. Le condamné privé de ses droits civiques ne pouvait plus participer à des votations ou à des élections et n'était pas éligible. Il ne pouvait pas être fonctionnaire, membre d'une autorité, tuteur, curateur ou témoin pour des actes notariaux.

La commission part de l'idée que la problématique des inscriptions au casier judiciaire n'est plus actuelle. En vertu de l'art. 59, al. 1, let. b CPM, les inscriptions relatives à des peines d'emprisonnement sont radiées d'office si, dès la fin de la peine fixée par le jugement, 15 ans se sont écoulés. En outre, conformément à l'art. 14, let. b de l'ordonnance sur le casier judiciaire informatisé25, toutes les 23

24 25

Incapacité d'exercer une charge ou une fonction (art. 51 CP); jusqu'en 1971: privation des droits civiques (art. 52 CP abrogé par LF du 18.3.1971); déchéance de la puissance paternelle ou de la tutelle (art. 53 CP); interdiction d'exercer une profession, une industrie ou un commerce (art. 54 CP); expulsion (art. 55 CP); interdiction des débits de boisson (art. 56 CP); confiscation (art. 58 ss CP); exclusion de l'armée (art. 36 CPM); dégradation (art. 37 CPM); incapacité d'exercer une charge ou une fonction (art. 38 CPM); jusqu'en 1971: privation des droits civiques (art. 39 CPM; également abrogé); expulsion (art. 40 CPM); confiscation (art. 41 ss CPM).

RS 331 RS 331

7237

peines concernant les personnes qui ont atteint l'âge de 80 ans révolus sont éliminées du casier judiciaire. Selon le droit en vigueur les inscriptions au casier judiciaire effacées (élimination au sens de l'art. 14 de l'ordonnance sur le casier judiciaire informatisé) ne sont pas supprimées physiquement. Le projet de modification du code pénal suisse26 actuellement en discussion au Parlement prévoit quant à lui un art. 372, al. 7 stipulant explicitement que les données éliminées du casier judiciaire ne doivent plus être reconstituables et donc effacées physiquement.

2.1.2

Création d'une réhabilitation sui generis

La présente initiative parlementaire ne veut ni une amnistie, ni une grâce. Elle souhaite l'annulation d'un nombre indéterminé de jugements. Pour ce faire, un nouvel instrument doit être créé.

La commission s'est posé la question de savoir si l'objet de l'initiative pouvait être réalisé par une réglementation générale et abstraite. Les buts de l'initiative parlementaire ne peuvent toutefois pas être atteints uniquement par des règles de droit, car la question subsisterait de savoir quelles personnes seraient visées par la norme (ici l'annulation de jugements).

Les buts de l'initiative ne pourraient pas non plus être atteints par un règlement des cas particuliers, car des décisions individuelles et concrètes concernant l'annulation de jugements pénaux impliquent que l'on connaisse les destinataires. Comme ceux-ci ne sont connus que dans peu de cas, une réhabilitation de ce type n'aurait pas les effets d'une nouvelle appréciation de principe des jugements rendus contre des personnes ayant aidé des fugitifs.

Il s'impose dès lors de prévoir une combinaison de réglementation avec d'une part des normes juridiques générales et abstraites, et d'autre part des actes individuels et concrets. Tous les jugements seront ainsi directement annulés par une loi fédérale, puis il sera constaté dans chaque cas particulier, sur demande ou d'office, que l'acte général d'annulation trouve application à tel individu condamné. Il en résultera une sorte de «révision sui generis» informelle en faveur des personnes qui ont aidé des fugitifs à l'époque du nazisme. Le cas échéant, une inscription encore subsistante au casier judiciaire sera radiée.

2.2

Qui doit bénéficier de la réhabilitation?

2.2.1

Majorité de la commission

Pour la majorité de la commission, il existe un certain consensus politique pour qu'un geste politique soit effectué en faveur des personnes qui, en violation de la loi, ont porté secours aux réfugiés persécutés par le régime nazi. C'est d'ailleurs essentiellement en faveur de cette catégorie de personnes que la commission et le Conseil national ont accepté de donner suite à l'initiative parlementaire Rechsteiner.

26

Message du Conseil fédéral du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal Suisse (dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal) et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs (FF 1999 1787)

7238

Il est aujourd'hui admis, même par ceux qui expriment leur compréhension à l'égard de la politique suisse envers les réfugiés pendant la deuxième guerre mondiale, que des erreurs ont été commises et que cette politique aurait pu être plus généreuse à l'égard des réfugiés, notamment des juifs, sans pour autant mettre en danger le pays.

De plus, ceux qui ont aidé les réfugiés ont été punis dans la plupart des cas en application de décisions du Conseil fédéral prises en vertu de ses pouvoirs d'exception.

Enfin, ceux qui aidaient les réfugiés à passer en Suisse agissaient au risque de leur vie pour sauver d'autres vies, ce qui confère à leur comportement une grande dignité morale, les autres motivations qui les animaient étaient reléguées au deuxième plan.

La majorité de la commission porte en revanche un jugement différent sur la situation des combattants espagnols et des participants à la Résistance française. Il en va ainsi des personnes qui ont été condamnées pour une participation aux combats dans les rangs de forces armées étrangères, ce qui constituait un délit selon le droit ordinaire, l'art. 94 CPM étant d'ailleurs applicable encore aujourd'hui.

Pour ces raisons, la majorité de la commission estime inopportun d'inclure dans la réhabilitation les combattants suisses de la guerre d'Espagne et ceux qui ont participé à la Résistance française ou qui l'ont aidée.

2.2.2

Minorité de la commission

Pour la minorité de la commission (Menétrey-Savary, de Dardel, Garbani, Gross Jost, Jutzet, Lauper, Leutenegger Oberholzer, Thanei), il est important de réhabiliter toutes les personnes qui ont résisté au fascisme et au nazisme, que ce soit par une participation aux combats ou que ce soit par des actions civiles et qui ont été condamnées en Suisse pour cette raison. Leur comportement s'est avéré plus clairvoyant et plus courageux que celui des autorités. Une réhabilitation de toutes celles et de tous ceux qui ont résisté au fascisme et au nazisme et ont été condamnés pour leurs actes de résistance est donc nécessaire. Ils ont en effet tous été condamnés, alors que, grâce à leur courage et aux risques qu'ils ont pris, ils ont contribué à l'écroulement de la barbarie nazie et fasciste et méritent donc une reconnaissance.

Il faut aussi considérer ceux qui ont aidé les réfugiés dans la catégorie plus générale de la résistance civile, soit une constellation de personnes et de comportements très divers qui est trop souvent injustement oubliée et mérite d'être mise en valeur comme étant exemplaire.

3

Commentaire du projet de loi

La loi se base sur le modèle d'une réglementation générale et abstraite (annulation per legem de tous les jugements pénaux en cause) combiné avec un dispositif individuel et concret, selon lequel une commission constate, d'office ou sur requête, si un jugement pénal déterminé est visé par l'annulation générale et abstraite de tous les jugements rendus pour aide aux fugitifs en faveur des victimes du nazisme. Le modèle de cette réglementation est la loi allemande du 25 août 1998 (BGBl I 1998 2501) sur l'annulation des jugements injustifiables du régime national-socialiste dans l'administration de la justice et sur les décisions de stérilisation rendues en

7239

application de l'ancienne loi sur l'eugénisme. Ce faisant, le présent projet prend en compte les particularités suisses et s'écarte en partie notablement de la réglementation allemande.

3.1

Dispositions générales (section 1)

Art. 1

Objet et but

L'objet et le but de la loi est l'annulation des jugements pénaux par lesquels des personnes ont été condamnées parce qu'elles avaient aidé à fuir des victimes du régime nazi ou participé à cette aide, ainsi que la réhabilitation de ces personnes.

La réhabilitation et l'annulation des jugements pénaux ne doivent couvrir que les condamnations qui, dans l'optique actuelle, sont ressenties comme une violation grave du sentiment de justice27. Le renvoi à l'«optique actuelle» précise la définition. En cela on constate que le présent acte législatif ne doit pas constituer une critique de l'activité de la justice de l'époque. Il est donc tenu compte de l'évolution des événements et des conceptions entre le moment des jugements et aujourd'hui.

On entend par nazisme le régime politique institué sous le troisième Reich en Allemagne, puis dans les pays occupés ou dominés par l'Allemagne. La prise de pouvoir intervint le 30 janvier 1933 avec l'élection d'Adolf Hitler comme chancelier du Reich allemand. La persécution des juifs commença après la prise de pouvoir; elle prit progressivement des formes toujours plus dures. Une première apogée de la persécution eut lieu les 9 et 10 novembre 1938 avec la «nuit de cristal»; d'importantes vagues de fugitifs juifs vers l'étranger se produisirent déjà auparavant.

Les conséquences pénales de l'aide à la fuite ont diverses bases légales (v. supra ch. 1.2.2). La plupart des jugements pour aide à la fuite étaient fondés sur l'arrêté du Conseil fédéral du 25 septembre 1942. Comme les auditions faites par la sous-commission l'ont démontré, d'autres personnes ont résisté au nazisme et au fascisme autrement que par l'aide à la fuite (p.ex. par une activité dans une organisation secrète) et qui, pour cette raison, ont été condamnés par des tribunaux suisses. Ces cas sont toutefois d'une portée moindre que les condamnations prononcées pour une aide à la fuite, grâce à laquelle des êtres humains ont été sauvés alors que leur intégrité corporelle et leur vie étaient menacées; c'est pourquoi ils ne seront pas saisis dans la présente réglementation.

Une minorité au sein de la commission est d'avis que tous les jugements par lesquels ont été condamnées des personnes qui avaient résisté contre le nazisme ou le fascisme devraient être annulés. Cette proposition de la minorité a pour
conséquence de saisir non seulement les jugements pour aide à la fuite, mais aussi ceux rendus pour d'autres formes de résistance contre le nazisme (p.ex. l'engagement dans la résistance, en particulier en faveur de la Résistance française, celui du combat des «brigadistes» qui ont participé à la guerre civile espagnole du côté des républicains, ainsi que «la résistance civile»). La majorité de la commission s'est exprimée contre 27

La réglementation correspondante en Allemagne concerne les jugements dits insoutenables (Unrechtsurteile), dont la gravité prend une certaine dimension.

C'est pourquoi on parle en Allemagne de violations du sentiment élémentaire de justice et pas seulement comme ici de violation grave du sentiment de justice.

7240

cette extension. Si toute une catégorie de jugements doit être annulée, il doit être clairement reconnaissable de quels jugements il s'agit. L'expression relativement large de «résistance contre le nazisme et le fascisme» est de ce fait trop approximative pour la majorité.

Selon la majorité, ne sont ainsi susceptibles d'être couverts par la présente loi que les jugements rendus pour aide à la fuite en relation avec la résistance contre le nazisme. L'aide à la fuite depuis d'autres pays que l'Allemagne n'est saisie par la présente loi que pour autant que les pays concernés aient été soumis au régime national-socialiste ou dominés par lui.

Art. 2

Définition

Par aide à la fuite on entend généralement les actions destinées à aider les réfugiés28.

Pour la majorité, l'aide à la fuite est comprise dans un sens étroit. On entend par là d'une part l'aide directe à la fuite, d'autre part l'assistance à un tel acte. Selon la deuxième partie de l'al. 1, il est constaté, pour plus de précision, que sont également considérées comme ayant aidé des fugitifs à fuir les personnes qui ont hébergé des fugitifs sans les annoncer aux autorités.

La réserve de l'al. 2 doit permettre d'exclure le passeur qui exploite le fugitif, l'abandonne ou même le dénonce29.

La minorité énumère de manière non exhaustive les trois principaux groupes de personnes qui tombent sous la notion de «résistants au fascisme et au nazisme». Il s'agit des combattants de la guerre d'Espagne qui ont servi la cause républicaine, des personnes qui ont apporté une aide à la Résistance française et des personnes qui ont aidé des victimes des persécutions à fuir ou ont hébergé des fugitifs sans les annoncer aux autorités. Outre ces trois catégories de personnes, ceux et celles qui ont exercé une «résistance civile» au sens large sont aussi comprises dans la définition de la minorité.

3.2

Annulation des jugements pénaux et réhabilitation (section 2)

Art. 3

Annulation des jugements pénaux

Il s'agit à l'art. 3 d'une annulation générale et abstraite de tous les jugements rendus pour aide à la fuite à l'époque nazie. L'annulation revêt un effet «ex tunc» en tant que ces jugements ne furent jamais conformes au droit dans une vision actuelle.

L'annulation intervient «ex nunc» dans la mesure où il ne serait pas possible de revenir sur certaines conséquences juridiques des jugements de par la nature de celles-ci (v. supra ch. 2.1.1.4.1 et infra ch. 3.5).

28 29

La Suisse et les réfugiés à l'époque du national-socialisme, p. 113.

ibid. p. 120

7241

Art. 4

La réhabilitation

La «réhabilitation» au sens de l'art. 4 doit être comprise dans le sens commun, c'est-à-dire celui d'une réhabilitation morale, impliquant cependant l'annulation du jugement selon l'art. 3. A la différence de «réhabilitations» précédentes, elle ne résulte pas seulement d'une déclaration du Conseil fédéral30, mais d'une norme législative, contenue dans une disposition particulière. La réhabilitation vaut pour tous ceux qui ont aidé des fugitifs au sens de l'art. 2, soit également pour les personnes qui n'ont pas été condamnées directement pour aide à la fuite, mais parce qu'elles ont hébergé des fugitifs et ne les ont pas déclarés aux autorités.

Art. 5

Concours d'infractions

Si la condamnation pour aide à la fuite est intervenue en concours avec d'autres infractions (perpétrées en vue de la commission de l'aide à la fuite ou à l'occasion de celle-ci31), l'annulation du jugement couvre également l'autre délit, pour autant que l'aide à la fuite n'apparaisse pas d'importance secondaire par rapport à cet autre délit.

Il convient ici de garder à l'esprit que l'aide à la fuite selon l'arrêté du Conseil fédéral du 25 septembre 1942 était puni de l'emprisonnement et constituait par conséquent un délit formel.

La question de savoir si une infraction est subordonnée doit être résolue dans le sens d'une appréciation d'ensemble portant aussi sur les éléments constitutifs subjectifs, c'est-à-dire en prenant également en compte les faits justificatifs et les aspects de la culpabilité et pas seulement sur la base des peines prévues pour l'infraction abstraitement considérées.

Le fait que la réhabilitation selon les circonstances ne se limite pas à l'aide à la fuite en tant que telle, mais peut couvrir aussi d'autres infractions (infractions routières ou infractions peu graves contre le patrimoine) trouve de plus une justification dans le principe «bagatelle» (de minimis praetor non curat) ainsi que dans le principe de l'économie de la procédure.

30

31

Voir notamment la prise de position du Conseil fédéral du 26 mai 1999 concernant la motion 99.3065 CAJ-N Combattants suisses des brigades internationales et de la Résistance française. Condamnation pénale (BO 2000 N 35).

Il peut s'agir là en principe de simples contraventions routières, mais aussi de menaces contre des fonctionnaires ou d'autres infractions graves qui ont été commises à l'occasion de l'aide à la fuite.

7242

3.3

La Commission de réhabilitation (section 3)

Art. 6

Institution et organisation

La loi prévoit la création d'une Commission indépendante pour la réhabilitation des personnes qui, à l'époque du nazisme, ont aidé des victimes des persécutions à fuir.

Cette Commission doit être indépendante aussi bien du Parlement, que du Conseil fédéral et de l'administration32.

L'élection de la Commission incombe au Conseil fédéral, qui désigne également son président. La procédure est comparable à celle prévue pour le Préposé spécial au traitement des documents de la Confédération établis pour assurer la sécurité de l'Etat33. La Commission doit être composée d'au moins un historien de formation, afin de disposer des connaissances spéciales requises et de pouvoir le cas échéant élucider des données de fait topiques.

La réhabilitation impliquant une appréciation à la fois historique et juridique, il n'a pas semblé opportun de confier cette tâche aux autorités judiciaires ayant rendu les jugements.

Le secrétariat de la Commission est assuré par le DFJP qui règle les indemnités des membres de la Commission. Pour le surplus, la Commission s'organise elle-même.

Art. 7

Tâches

L'art. 7 prévoit, comme tâche de la commission, la publication dans les médias du contenu essentiel de la loi. Cette diffusion par la presse écrite, la radio, la télévision ou Internet vise à informer sur les effets déployés par la loi et sur les possibilités offertes aux personnes concernées.

Selon l'al. 2, la Commission constate sur demande (art. 9) ou d'office qu'un jugement pénal concret tombe sous le coup des art. 1 et 2. Ce jugement doit être examiné matériellement pour déterminer s'il est annulé conformément à l'art. 3 (décision au fond). La Commission rend sa décision en droit et en équité et en tenant compte des circonstances particulières du cas. La référence à l'équité permet de tenir compte des particularités de la décision. Celle-ci doit être rendue sur la base de faits qui remontent à plus de 50 ans, de sorte que des constatations absolument fiables ne sont plus guère possibles pour un certain nombre de cas. Cette formulation permet d'autre part de tenir compte du fait que les décisions de la Commission concernent un domaine qui n'est accessible que de façon partielle à un examen judiciaire. L'examen «en droit et en équité» constitue pour le requérant un allégement du fardeau de la preuve. Si les faits ne peuvent plus être constatés avec certitude, cette formule permet malgré tout à la Commission de statuer en équité.

32

33

Le modèle allemand, qui confie cette constatation au ministère public, paraît problématique, dans la mesure où l'activité des ministères publics se limite en principe aux procédures pénales (acte d'accusation, non-lieu), tandis que les jugements restent réservés aux instances judiciaires.

L'arrêté fédéral du 9 octobre 1992 sur la consultation des documents du Ministère public de la Confédération, ainsi que les ordonnances du 5 mars 1990 relative au traitement des documents de la Confédération établis pour assurer la protection de l'Etat et du 20 janvier 1993 sur la consultation des documents du Ministère public de la Confédération ont été abrogés au 1er mars 2001 (RO 2001 189 avec citation des actes législatifs abrogés).

7243

Si la Commission arrive à la conclusion que les conditions sont réunies, elle constate sous la forme d'une décision au sens de l'art. 3 qu'un jugement concret tombe sous le coup des art. 1 et 2 (et qu'il est ainsi annulé conformément à l'art. 3); à défaut, elle rejette la demande. Si la Commission constate qu'un jugement pénal concret tombe sous le coup des art. 1 et 2, elle publie le dispositif de la décision de manière appropriée. La publication ne peut pas intervenir contre la volonté de l'intéressé. Cette publication vise à porter à la connaissance du public la réhabilitation et l'annulation du jugement.

Pour autant qu'elle soit ordonnée par la Commission, la publication intervient sans frais pour le requérant. Le choix du mode de publication appartient à la Commission (presse écrite, radio et télévision, Internet).

Art. 8

Dissolution

Afin que la Commission puisse être dissoute une fois sa tâche accomplie, le projet de loi prévoit que, s'il a des raisons de présumer que son activité est terminée, le Conseil fédéral peut procéder à cette dissolution.

3.4 Art. 9

Procédure en constatation (section 4) Demande

En principe, la demande en constatation en vue de l'annulation d'un jugement est présentée par le condamné et, après la mort de celui-ci, par l'un de ses proches (art. 110, ch. 2, CP). Ces proches sont le conjoint, les parents en ligne directe, les frères et soeurs, demi-frères et demi-soeurs, ainsi que les parents et les enfants adoptifs. On renoncera à énoncer ici toute une hiérarchie de proches habilités à agir. Il ne devrait y avoir aucune difficulté particulière lorsque plusieurs proches ont qualité pour agir. Ainsi, si un parent éloigné présente une demande à laquelle de proches parents s'opposent, il appartient à la Commission d'évaluer les intérêts divergents de ces proches.

En outre, les demandes peuvent également être déposées par des organisations ayant un siège en Suisse qui se consacrent à la défense des droits de l'homme ou à la mise à jour de l'histoire suisse au temps du nazisme. Cette possibilité supplémentaire de présenter des requêtes ne devrait pas conduire à une augmentation notable du nombre des requêtes, mais au contraire à une accélération des procédures. Lesdites organisations en effet disposent de connaissances approfondies par rapport aux questions de fait et de droit décisives pour la Commission, dont celle-ci pourrait profiter. La Commission reste libre de décider selon sa propre appréciation.

Si la Commission a connaissance d'un cas pour lequel personne ne paraît avoir qualité pour agir et en faveur duquel aucune organisation au sens de l'al. 2, let. b, ne dépose de requête, elle peut entrer en matière d'office et trancher (art. 7).

7244

Art. 10

Délai

Le délai de cinq ans dès l'entrée en vigueur de la loi est un délai d'ordre qui a pour but de ne pas laisser les procédures traîner en longueur. Dans des cas particuliers (inobservation du délai pour des motifs excusables), la Commission peut toutefois également entrer en matière sur des requêtes qui ne sont déposées qu'après l'écoulement du délai d'ordre.

Art. 11

Non entrée en matière

La Commission ne peut connaître matériellement de la demande (entrer en matière) que si le requérant entend revenir sur un jugement rendu pour aide à la fuite qu'il produit lui-même ou qui peut être retrouvé au prix d'un effort raisonnable. La Commission consacre à la cause le temps qu'il convient de manière appropriée. Elle se base ce faisant sur les critères reconnus parmi les historiens pour les recherches dans les archives. Si, au terme de ces recherches, aucun jugement n'est retrouvé, il n'est pas entré en matière sur la demande.

Art. 12

Etablissement des faits

La Commission peut collaborer à l'établissement des faits. Elle est en mesure de le faire dès l'instant où un historien doit faire partie de la Commission (art. 6, al. 3).

Pour autant que cela soit nécessaire et qu'on puisse l'exiger du requérant, celui-ci doit également participer à la mise en lumière de l'état de fait (art. 13 PA34).

Art. 13

Frais de procédure

La procédure devant la Commission est gratuite. S'agissant des éventuels dépens et de l'assistance judiciaire gratuite, les dispositions de la PA s'appliquent comme cela découle de l'art. 14. L'allocation de dépens implique qu'une partie ait gain de cause et que des frais indispensables et relativement élevés lui ait été occasionnés (art. 64, al. 1 PA).

En principe l'assistance d'un avocat ne devrait pas être nécessaire pour déposer une demande devant la Commission: si le requérant a connaissance d'un jugement au sens des art. 1 et 2, il suffit qu'il produise ce jugement et demande son annulation.

Comme la Commission peut également se saisir d'office, le dépôt de la demande, sauf s'agissant du délai, n'est soumis à aucune prescription de forme particulière. La requête ne nécessite pas de motivation particulière.

34

RS 172.021

7245

Art. 14

Voies de droit

L'art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH)35 garantit le droit à un jugement par un tribunal dans la mesure où les décisions de la Commission sont de nature civile au sens de l'art. 6 CEDH. Comme les litiges peuvent concerner la réputation de personnes vivantes, respectivement la mémoire de personnes décédées (art. 28 CC)36, l'application de l'art. 6, ch. 1, CEDH n'est pas exclue pour le moins. C'est pourquoi il faut prévoir un recours de droit administratif au Tribunal fédéral contre les décisions de la Commission.

Par ailleurs, selon l'art. 13 CEDH, un droit de recours effectif et efficace doit être garanti qui permette d'attaquer les violations de la CEDH en invoquant des griefs pertinents (p.ex. droit à la protection de la sphère privée). A ce propos, il faudrait compter, s'agissant des décisions de la Commission, avec le grief selon lequel un moyen de recours interne efficace fait défaut.

Selon l'art. 104, let. a, OJ37, la violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, peut être attaqué au moyen du recours de droit administratif38. Le grief d'inopportunité n'est pas examiné par le tribunal (v. art. 104, let. c, OJ). En revanche, le Tribunal fédéral peut examiner si les faits pertinents sont constatés exactement et complètement (art. 104, let. b en relation avec art. 105 OJ).

Art. 15

Droit applicable

Les dispositions sur la procédure administrative fédérale trouvent complémentairement application par analogie (p.ex. art. 13 PA sur la consultation du dossier et art. 26 ss concernant le droit d'être entendu). Il n'existe pas d'autre ordonnance de procédure fédérale qui puisse être ici déclarée applicable. Les ordonnances de procédure pour les tribunaux et les commissions de recours concernent des instances de recours et seraient en outre trop formalistes, tout comme celles relatives aux commissions arbitrales de première instance.

3.5

Effets juridiques de l'annulation (section 5)

Art. 16 Dans cette disposition, il est constaté de manière déclaratoire que la décision de constatation de l'annulation de jugements pénaux ne fonde pas en tant que telle de droit à des dommages-intérêts ou à une réparation pour tort moral (p.ex. restitution d'une amende payée ou dommages-intérêts, voire réparation pour tort moral pour une peine subie ou pour les effets accessoires d'une condamnation).

35 36 37 38

RS 0.101 RS 210 RS 173.110 Selon l'art. 14, la procédure devant la Commission est régie par les dispositions sur la procédure administrative fédérale (PA); l'étendue du contrôle juridique est précisée à l'art. 12. Subsidiairement, le pouvoir d'appréciation de la Commission découle des griefs autorisés en cas de recours (ici, art. 104, let. a et b, OJ [contrôle de l'application du droit, y compris le contrôle de l'excès et de l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que de la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents]).

7246

3.6

Dispositions finales (section 6)

Art. 17

Référendum et entrée en vigueur

La loi fédérale est sujette au référendum facultatif (art. 141, al. 1, let. a, Cst.). Après l'écoulement du délai référendaire inutilisé, le Conseil fédéral fixe l'entrée en vigueur de la loi, dès que la Commission est constituée et est en mesure d'assumer sa tâche.

4

Conséquence financières et effet sur l'état du personnel

Il est difficile actuellement d'évaluer le nombre de requêtes en constatation que la Commission aura à traiter. Sur une période de cinq ans, on peut compter avec une dizaine de procédures à peine par année; mais le nombre de requêtes à traiter peut aussi être sensiblement moindre.

Dans le cadre de la révision totale de l'organisation de la justice fédérale, l'Office fédéral de la justice a fait évaluer par Ernst & Young Consulting AG (EYC) les coûts occasionnés par les nouveaux tribunaux. EYC a articulé pour le domaine de la justice administrative un rapport de 2,5 greffiers par juge, auxquels il faut par ailleurs ajouter environ 1,7 poste par juge pour la chancellerie et les services centraux39.

S'agissant des coûts de la Commission, il faut tenir compte du fait qu'au début le travail sera plus important que pour d'autres procédures administratives eu égard aux particularités de la procédure. En revanche les décisions de constatation confiées à la Commission concernent un domaine juridique étroitement circonscrit. Les questions de fait prendront plus de temps que les problèmes juridiques.

A côté des coûts afférents aux commissaires à temps partiel (charge de travail d'environ 100 heures par année) il faut prévoir un juriste à plein temps et un poste de secrétariat supplémentaire en faveur du DFJP.

5

Bases légales

5.1

Constitutionnalité

Comme déjà mentionné ci-dessus (ch. 2.1.1.1 et 2.1.1.2), l'art. 173, al. 1, let. k, Cst.

ne constitue une base légale que pour la grâce et l'amnistie. Dès lors que la réhabilitation souhaitée doit annuler formellement des jugements pénaux, elle ne peut pas s'appuyer sur cette disposition constitutionnelle. Par contre, la mesure peut être établie sur les compétences fédérales à la base des arrêtés dont découlaient les jugements en question. Comme il ne s'agissait pas de droit pénal autonome, mais de droit pénal accessoire, l'art. 123 Cst. (compétence en matière de droit pénal autonome) n'entre pas en considération40. Par contre, les art. 121 Cst. sur le séjour et 39 40

FF 2001 4273 cf. Message relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 346.

7247

l'établissement des étrangers et 60 Cst. sur la législation militaire (base constitutionnelle du Code pénal militaire) entrent en ligne de compte. Cependant, on omet par là le fait que les arrêtés à la base de ces jugements pénaux ont été en partie édictés sous le régime des pleins pouvoirs. Ce régime autorisait le Conseil fédéral aussi bien à promulguer des arrêtés avec force législative qu'à s'écarter de la répartition des compétences au sein de l'Etat fédéral. La compétence fédérale dans les affaires pénales soumises à jugement était néanmoins déjà donnée sous l'ancienne Constitution. C'est pourquoi, une éventuelle réhabilitation dans le sens de l'initiative parlementaire peut se baser sur les dispositions correspondantes de l'actuelle Constitution (art. 60 et 121 Cst.). Ceci aussi dans l'idée que la réhabilitation n'est pas souhaitée en premier lieu, parce que les instances pénales d'antan auraient appliqué la loi de manière erronée, mais parce que les normes pénales à la base des jugements sont abrogées depuis longtemps et considérées du point de vue actuel comme injustifiées, car elles réprimaient l'aide aux réfugiés sans prendre en considération les différents mobiles (motifs idéaux, dessein d'enrichissement, etc.).

5.2

Forme de l'acte

Cet acte contenant des règles de droit ne peut pas se baser sur une loi fédérale déjà existante; il doit dès lors être édicté sous la forme d'une loi fédérale (art. 163 Cst.).

7248