02.010 Message concernant la loi fédérale contre le travail au noir du 16 janvier 2002

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous avons l'honneur de vous soumettre, en vous proposant de l'adopter, le projet de loi fédérale contre le travail au noir (LTN).

Par la même occasion, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 1996

P

96.3090

Mesures contre le travail au noir (CN 21.6.1996, Jutzet)

1997

P

97.3476

Lutte contre le travail au noir. Instances de contrôle cantonales (CN 19.12.1997, Imhof)

1998

P

97.3477

Campagne d'information nationale contre le travail au noir (CN 19.12.1997, Eymann; CE 23.9.1998)

1998

M

97.3478

Train de mesures contre le travail au noir (CN 19.12.1997, Tschopp; CE 23.9.1998)

1999

P

99.3223

Libre circulation des personnes dans le cadre des accords bilatéraux avec l'UE. Travail au noir (CN 8.10.1999, Groupe démocrate-chrétien)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

16 janvier 2002

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Kaspar Villiger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2002-0223

3371

Condensé Le travail au noir ne constitue pas un délit négligeable. Il est à l'origine de nombreux problèmes (notamment pertes de recettes pour le secteur public, menace pour la protection des travailleurs, distorsions de la concurrence et de la péréquation financière). Par ailleurs, le non-respect des lois affecte la crédibilité de l'Etat. Il doit donc être combattu pour des raisons à la fois économiques, sociales, juridiques et éthiques. Les données disponibles concernant l'ampleur du travail au noir en Suisse font état d'un volume de quelque 37 milliards de francs pour l'an 2001 (9,3 % du PIB). Même si l'on admet les limites de ces estimations, il apparaît clairement que les montants drainés par le travail au noir sont considérables.

Le Conseil fédéral est convaincu qu'il se doit de réagir et que le présent projet constitue une solution efficace et pragmatique pour contribuer à endiguer ce phénomène. La lutte contre le travail au noir passe certes par des mesures d'incitation, mais surtout, pragmatisme oblige, par une politique de répression. Cette tâche est à la fois complexe et de longue haleine. Elle requiert la coordination des actions, ainsi que la collaboration de nombreux organismes et autorités. Elle ne peut s'accomplir sans la volonté politique de tous les niveaux de gouvernement. La Confédération est prête à s'investir dans ce but. Au niveau fédéral, il existe déjà de nombreux instruments législatifs susceptibles de favoriser la lutte contre le travail au noir. Il s'agit donc de compléter ces moyens dans les domaines qui sont de la compétence de la Confédération, en vue de soutenir l'action appelée en priorité au niveau cantonal.

Le projet fédéral de lutte contre le travail au noir et son principal corollaire, la loi fédérale contre le travail au noir, prévoient les mesures suivantes : En premier lieu, au chapitre des incitations, le Conseil fédéral préconise l'instauration d'allégements administratifs pour les assurances sociales. Les modèles proposés, prévus pour les activités économiques de portée limitée, ont pour but de rendre plus simple et plus rapide la déclaration de ces dernières, en se basant sur des solutions d'avenir (annonces également possibles par le biais d'internet). Le projet prévoit également que ces modèles, initialement prévus pour des tâches de nettoyage, de
surveillance et d'entretien effectuées dans le cadre des domiciles privés des particuliers, puissent être utilisés par les entreprises.

En second lieu, le projet prévoit une série de mesures pour accroître la répression, actuellement encore par trop lacunaire. Le dispositif existant en matière de lutte contre le travail au noir présente le gros inconvénient d'être totalement disparate et dispersé dans les diverses législations applicables. Les partenaires sociaux, les autorités administratives chargées de l'application des lois pertinentes et les autorités judiciaires travaillent indépendamment les uns des autres. Cette dispersion des forces et ce manque de vision d'ensemble fait le jeu des personnes pratiquant sous une forme ou une autre le travail au noir. Le Conseil fédéral corrige cette faiblesse en instituant des organes cantonaux de contrôle qui auront véritablement une appréhension globale des problèmes et en créant les bases légales nécessaires à une

3372

véritable collaboration entre les divers intervenants. Ce volet du projet se traduit par les mesures suivantes: ­

l'accroissement des compétences de contrôle des services cantonaux et des commissions cantonales de contrôle ;

­

la mise en réseau de certaines données administratives (données de l'AVS et de l'assurance-chômage) et le devoir de communication des résultats des contrôles d'employeurs ;

­

le renforcement des sanctions.

Les deux premières mesures visent la mise sur pied de contrôles plus systématiques et plus efficaces, parce que mieux coordonnés. Concernant la nature de l'organe de contrôle, le projet prévoit une solution souple. Les cantons doivent créer ou désigner un organisme unique chargé des tâches de coordination, mais sont libres de choisir la solution qui convient le mieux à leurs spécificités et à leurs expériences: il peut s'agir d'une commission tripartite, quadripartite ou, d'un service de l'Etat.

Par ailleurs, des compétences de contrôle peuvent être déléguées à des commission paritaires dans des branches dotées d'une convention collective de travail, en se fondant sur une convention de prestations réglant également les questions financières. En réservant un rôle particulier aux partenaires sociaux, le projet reconnaît leurs compétences particulières et leur haut degré de connaissance en matière de travail au noir, sans toutefois créer en leur faveur un droit d'ingérence dans les entreprises, en particulier dans celles qui ne sont soumises à aucune convention collective de travail.

La dernière mesure, le renforcement des sanctions, a pour but de produire un effet réellement dissuasif. A l'heure actuelle, les peines prononcées sont souvent sans rapport avec la gravité réelle des infractions constatées et ne remplissent pas l'objectif souhaité. Les sanctions prévues contre des employés étant généralement déjà suffisamment sévères, le Conseil fédéral est de l'avis que cette mesure doit avant tout se traduire par une punition plus systématique des employeurs. Il importe de donner l'assurance que le travail au noir n'est pas profitable: l'amende, par exemple, doit représenter pour l'auteur de l'acte une perte financière proportionnelle à la faute commise. Il convient cependant de souligner que, au vu de la diversité des cas de travail au noir, pour des motifs de proportionnalité, le projet renonce à fixer des amendes et des peines minimales et renforce ainsi la coresponsabilité du juge. Concrètement, le renforcement des sanctions se traduit par la création d'une nouvelle mesure, l'exclusion, pour une certaine durée, de la procédure d'attribution des marchés publics, ainsi que par des sanctions pénales et administratives plus lourdes dans les domaines de la main-d'oeuvre étrangère et des assurances
sociales. Il est à signaler que le Conseil fédéral estime qu'il n'y a pas lieu de renforcer les sanctions dans le domaine fiscal: la marge offerte par le cadre légal en la matière est déjà suffisamment étendue.

3373

Message 1

Partie générale

1.1

Contexte

1.1.1

La problématique du travail au noir

La problématique du travail au noir n'est pas nouvelle. Elle revient régulièrement sur le devant de la scène, que ce soit dans le domaine de la littérature ou sur le plan politique1. Ainsi, le travail au noir a fait l'objet en Suisse, en 1987 déjà, dans le contexte plus général de l'économie souterraine, d'un rapport du Conseil fédéral2.

Il n'existe pas, à ce jour, de définition juridique univoque du travail au noir. On entend généralement par travail au noir (ou travail illicite3) une activité salariée ou indépendante exercée en violation des prescriptions légales, c'est-à-dire en particulier:

1

2 3

­

l'emploi clandestin de travailleurs étrangers en violation des dispositions du droit des étrangers;

­

l'emploi de travailleurs non déclarés aux assurances sociales obligatoires;

­

l'emploi non déclaré exercé par un travailleur alors qu'il bénéficie de prestations de l'assurance-chômage ou d'une autre assurance sociale ou privée;

­

les travaux exécutés par des travailleurs, notamment durant leur temps libre, en violation d'une convention collective;

­

les travaux exécutés dans le cadre d'un rapport de travail auquel on a donné une dénomination impropre qui a pour effet d'éluder les dispositions légales pertinentes (faux indépendants);

­

l'emploi de travailleurs non déclarés aux autorités fiscales en violation d'une disposition légale prévoyant une telle déclaration;

­

les travaux exécutés par des travailleurs qui ne déclarent pas le salaire relatif aux autorités fiscales; Voir notamment: ­ Commission européenne, Communication sur le travail non déclaré, (COM(1998)219/5).

­ OCDE, «L'emploi dissimulé», Perspectives de l'emploi 1986, Paris, 1986, pp. 72­87.

­ Schneider Friedrich, Enste Dominik, Schattenwirtschaft und Schwarzarbeit, Oldenburg Verlag, München & Wien, 2000.

­ KBC Bank SA, «L'économie informelle», Courrier économique et financier, no 17, 8-10-1999, 1­15.

­ Hannelore Weck-Hannemann, Werner W. Pommerehne, Bruno S. Frey, Die heimliche Wirtschaft ­ Struktur und Entwicklung der Schattenwirtschaft in der Schweiz, Haupt Verlag, Bern, 1986.

Cf. Rapport du Conseil fédéral sur l'économie souterraine du 9 juin 1987 (Postulat Schmid 83.395 du 16 mars 1983) (FF 1987 II 1241/1282).

La Commission européenne se réfère, à la notion de «travail non déclaré», soit à «toute activité rémunérée de nature légale, mais non déclarée aux pouvoirs publics (...)» et l'OCDE parle d'«emploi dissimulé», soit de «l'emploi qui, sans être illégal en soi, n'est pas déclaré à une ou plusieurs autorités administratives qui devraient en avoir connaissance, et qui, de ce fait, se trouve soustrait à la réglementation, à l'imposition ou à une réduction des prestations de sécurité sociale.»

3374

­

les travaux exécutés à titre onéreux dont la contre-prestation pécuniaire n'apparaît pas dans la comptabilité et n'est pas déclarée comme elle devrait l'être en vertu des lois pertinentes.

Dans la plupart des cas de travail au noir, plusieurs de ces situations sont réalisées simultanément. Le travail au noir peut aller de l'exécution de petits travaux artisanaux en dehors des heures de travail à l'exercice illégal et exclusif d'une activité lucrative en contournement du droit fiscal, du droit des assurances sociales, du droit de la concurrence et du droit des étrangers. Les différentes formes de travail au noir ont généralement pour point commun d'échapper complètement ou pour partie aux redevances de droit public.

De par sa nature, le travail au noir échappe aux statistiques officielles. Les seules données disponibles concernant l'ampleur du travail au noir en Suisse reposent sur une estimation économique indirecte de l'économie souterraine (méthode de la demande d'argent liquide), qui présente toutefois d'importantes limites. Ces calculs font état d'un volume de quelque 37 milliards de francs pour l'an 2001 (9,3 % du PIB), ce qui place malgré tout la Suisse en queue du peloton des pays de l'OCDE.

Comme dans la quasi-totalité de ces pays, le travail au noir en Suisse semble avoir régulièrement augmenté au cours des dernières décennies. Même si l'on admet les limites de ces estimations, il apparaît clairement que les montants drainés par le travail au noir sont considérables.

Le travail au noir est à l'origine de nombreux problèmes. Il engendre des pertes de recettes pour l'administration fiscale et les assurances sociales et entraîne des distorsions de la concurrence et de la péréquation financière. Il représente une menace pour la protection des travailleurs (conditions de travail, dumping salarial). Il constitue un impôt sur l'honnêteté, car les recettes fiscales doivent être financées par une partie toujours plus réduite de la population et, par conséquent, ceux qui respectent les règles fiscales et sociales paient pour ceux qui fraudent. Le travail au noir est un facteur de désorganisation qui peut affecter la crédibilité de l'autorité publique aux yeux des contribuables et alimenter la méfiance générale à l'égard des institutions et du cadre réglementaire de l'économie formelle. En conséquence, il est source d'incertitude et de perte d'efficacité dans les échanges économiques et a une influence préjudiciable sur les performances macro-économiques d'un pays. Il s'avère donc que le travail au noir doit être combattu pour des raisons à la fois économiques, juridiques et éthiques et qu'il ne représente pas un délit négligeable.

1.1.2

La lutte contre le travail au noir

1.1.2.1

Génèse du projet fédéral de lutte contre le travail au noir

Vers la fin des années 1990, plusieurs interventions parlementaires (Jutzet «Mesures contre le travail au noir» 96.3090, Eymann «Campagne nationale d'information contre le travail au noir» 97.3477, Tschopp «Train de mesures contre le travail au noir» 97.3478 et Imhof «Lutte contre le travail au noir. Instances de contrôle cantonales» 97.3476) ont ramené la problématique du travail au noir sur le devant de la scène politique au niveau fédéral. De nombreux parlementaires se sont également manifestés au niveau cantonal. Le Conseil fédéral a confié au Secrétariat d'Etat à l'économie (à l'OFIAMT, à l'époque) le mandat d'élaborer en collaboration avec les

3375

partenaires sociaux un train de mesures destinées à lutter contre le travail au noir et de veiller à la mise en oeuvre de ces mesures, ainsi que de procéder à une large campagne d'information à l'échelle nationale.

Le groupe de travail fédéral «Lutte contre le travail au noir» a par conséquent été mis sur pied. Sa présidence est assurée par le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco).

Parmi ses membres, on trouve également des représentants de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), de l'Office fédéral des étrangers (OFE), de l'Office fédéral des réfugiés (ODR), de l'Administration fédérale des contributions (AFC), de l'Office fédéral de la justice (OFJ), du Secrétariat du Préposé fédéral à la protection des données et de l'Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication (OFIT).

Dans un premier temps, comme il semblait que le point faible de la lutte contre le travail au noir résidait moins dans un manque de dispositions légales que dans leur application au niveau cantonal, le groupe de travail a opté pour la conduite d'une enquête auprès des cantons. Celle-ci a été effectuée au cours de l'été 1998 et a porté sur les problèmes rencontrés (ressources, coopération entre les autorités cantonales, prise de conscience des instances responsables, etc.) et les solutions envisageables.

Les résultats de l'étude ont entre autres confirmé la nécessité d'agir non seulement au niveau fédéral, mais surtout, en matière d'application, au niveau cantonal. Le groupe de travail a ensuite organisé un hearing des représentants des partenaires sociaux et des cantons le 5 février 1999, au cours duquel les participants ont affirmé la nécessité d'agir de manière concertée et ont formulé leurs propositions. Ces dernières ont été rassemblées, examinées et intégrées dans les autres analyses produites par le groupe de travail.

Les résultats de tout ce travail d'investigation ont été présentés dans le Rapport du groupe de travail fédéral sur la lutte contre le travail au noir. Ce rapport propose une série de mesures dans le but d'endiguer ce phénomène en Suisse, mesures que le Conseil fédéral a adoptées le 30 août 2000 dans le Projet fédéral de lutte contre le travail au noir, avec son principal corollaire: le projet de loi fédérale contre le travail au noir.

1.1.2.2

La procédure de consultation

La procédure de consultation a duré du 30 août 2000 au 15 janvier 2001. Les cantons et la Conférence des gouvernements cantonaux, les Tribunaux fédéraux, les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale, 8 organisations économiques faîtières et 22 organisations et associations intéressées ont été priés de donner leur avis. Le dossier de consultation comprenait le rapport du 26 juillet 2000 du groupe de travail fédéral sur la lutte contre le travail au noir ainsi que le projet de loi fédérale contre le travail au noir. Il a aussi été tenu compte des réponses arrivées après le délai imparti. Au total, 65 avis ont été émis (26 cantons, 24 associations patronales et syndicales, 6 partis politiques et 8 autres organisations). Le projet a été accueilli de manière favorable par la majorité des milieux qui se sont prononcés. Il a été très largement soutenu notamment par la grande majorité des cantons, la gauche et certains milieux patronaux (construction et second-oeuvre). Par contre, certaines réserves ont été formulées par les partis bourgeois et les autres milieux patronaux qui ont considéré l'une ou l'autre mesure disproportionnée ou inappropriée. Les

3376

résultats de la consultation sont détaillés dans le chapitre 1.2 «Les grandes lignes du projet», avec les mesures proposées.

1.1.2.3

Le choix des mesures: sensibilisation ­ incitation ­ répression

En matière de lutte contre le travail au noir, les options, complémentaires ou exclusives, suivantes se présentent, quant au choix des mesures à adopter: la sensibilisation, l'incitation et la répression. Le projet fédéral de lutte contre le travail au noir, qui s'inscrit dans une approche délibérément pragmatique, met l'accent sur la répression ­ avec le complément nécessaire sur le plan de l'information (notamment à l'attention des employeurs) ­ et un nombre limité de mesures incitatives. Ce choix s'explique pour les deux raisons suivantes: Premièrement, rendre moins attrayante la non-déclaration des activités offre des perspectives limitées. Dans ce contexte, deux catégories de mesures sont souvent évoquées: la diminution des charges fiscales et la réduction de la densité de la réglementation. En théorie, ce genre de mesures réduisent l'attrait du travail au noir.

Dans la pratique, leur application s'avère cependant très difficile. Concernant une réduction des impôts, on ne saurait oublier que, sans parler de nouvelles tâches, le coût des tâches existantes de l'Etat (en matière d'assurances sociales, entre autres) est appelé, notamment en raison du vieillissement démographique de la population suisse, à croître au cours des prochaines décennies et que les moyens requis à cet effet dépassent régulièrement les recettes fiscales encaissées. Le secteur public (Confédération, cantons, communes) s'efforce de maintenir la charge fiscale à un niveau raisonnable, mais il ne peut être question d'une diminution drastique du niveau des impôts et taxes. Pour ce qui est de la simplification des procédures administratives, certaines voies ­ cependant limitées ­ sont à explorer. Le projet fédéral de lutte contre le travail au noir propose une mesure dans ce domaine.

En second lieu, malgré certains progrès observés récemment, il existe encore des lacunes considérables en matière de répression. En effet, les contrôles menés sont insuffisants et les sanctions prononcées souvent en inadéquation avec la gravité de la faute commise. Parmi les origines de ces lacunes, on peut notamment citer le manque de ressources budgétaires et de personnel, la pluralité des organismes compétents et l'absence de coordination, les obstacles à l'échange d'informations et, par conséquent, un certain manque de volonté politique,
ainsi que la clémence de certaines autorités judiciaires. Le projet fédéral de lutte contre le travail au noir a pour objectif de contribuer à la résolution de certains de ces problèmes. Il s'agit entre autres de compléter, au niveau fédéral, la réglementation existante déjà importante (concernant notamment les sanctions) pour soutenir l'action répressive nécessaire au niveau cantonal. Le travail au noir ne doit pas payer. A ce propos, il convient de noter que la répression constitue finalement une forme de dissuasion, dans la mesure où elle vise à rendre, dans le calcul effectué par le travailleur ou l'employeur, le risque de perte (financier ou autre, par le biais de peines d'emprisonnement) supérieur à la perspective de gain. L'argument est d'autant plus convaincant lorsque l'on sait que l'une des motivations premières dans la décision de passer dans l'illégalité est précisément l'appât du gain.

Pour ce qui est des mesures de sensibilisation, il est à noter que leur impact dépend largement du contexte de leur lancement. Une campagne d'information à l'échelon 3377

national, en particulier, n'a de réelles chances de succès que si elle est organisée de concert avec l'introduction de nouvelles mesures et que si elle bénéficie du soutien des responsables économiques et politiques.

Le projet fédéral de lutte contre le travail au noir et le projet de loi qui l'accompagne et constitue une sorte de «loi-cadre», ont ainsi pour objectif de marquer la volonté fédérale de lutter contre le travail au noir et de donner des moyens supplémentaires (légaux, budgétaires) aux cantons pour mener à bien leurs tâches dans ce domaine. Il s'agit également de souligner la nécessité d'appliquer dans tout le pays la même rigueur dans la lutte contre le travail au noir. Il en va du fédéralisme: en ce qui concerne la répartition spatiale du travail au noir, les éventuelles disparités régionales posent un problème politique considérable, car, outre l'inéquité fiscale, elles entraînent des distorsions de la concurrence et de la péréquation financière.

1.2

Les grandes lignes du projet

Le projet fédéral de lutte contre le travail au noir comporte les quatre catégories de mesures suivantes: ­

les allégements administratifs dans les assurances sociales ;

­

l'accroissement des compétences de contrôle des services cantonaux ou des commissions cantonales de contrôles ;

­

la mise en réseau des données administratives et le devoir de communication des résultats des contrôles d'employeurs ;

­

le renforcement des sanctions ; et

­

dans une seconde phase, une campagne d'information.

Alors que la première catégorie de mesures s'inscrit dans le registre des incitations, les trois autres relèvent du domaine de la répression. Les deuxième et troisième catégories de mesures visent à améliorer les contrôles et l'avant-dernière, a pour but de rendre les sanctions plus sévères.

Il convient de préciser que, sur le plan formel, le projet fédéral de lutte contre le travail au noir, c'est-à-dire les mesures décidées par le Conseil fédéral, se traduit par la création et la modification de divers actes légaux. Plus concrètement, il s'agit de: ­

l'élaboration de la nouvelle loi fédérale contre le travail au noir (LTN), qui elle-même est composée des deux parties suivantes:

­

la loi elle-même: cette partie comprend notamment les mesures relatives aux services cantonaux ou commissions cantonales de contrôle, au devoir de communication des résultats des contrôles d'employeurs, à exclusion de la procédure d'attribution des marchés publics et la qualification du travail pseudo-indépendant de travail au noir;

­

les modifications du droit en vigueur: cette partie se réfère aux mesures relatives aux allégements administratifs pour les services destinés aux particuliers, à la mise en réseau de certaines données administratives et au renforcement de certaines sanctions;

3378

­

d'autres adaptations de la législation, effectuées dans le cadre de la révision de la loi sur les étrangers (LEtr) et de la loi sur l'assurance-chômage (LACI) concernant le renforcement des autres sanctions.

1.2.1

Les allégements administratifs dans les assurances sociales

1.2.1.1

Point de la situation

Même s'il n'existe pas de statistiques significatives, l'expérience des assureurs montre que les travailleurs dépendants disposant d'un faible revenu (activité lucrative avec petit nombre d'heures ou petits salaires, activité occasionnelle) ne versent souvent ni cotisations sociales, ni impôts. On trouve comme exemples typiques de telles activités les emplois domestiques et les travaux saisonniers (jardinage, récoltes), la garde d'animaux, les soins infirmiers à domicile. Il arrive parfois que les personnes concernées n'aient pas de permis de travail valable.

Ces conditions de travail, qui ne correspondent pas aux dispositions légales, sont souvent dues à une méconnaissance pure et simple du droit, dont il est effectivement difficile d'avoir une vision d'ensemble. Par exemple, l'ordonnance sur l'AVS fixe à 2 000 francs le montant annuel pouvant être exempté de l'obligation de cotiser (art.

8bis RAVS, RS 831.101)4. D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances, l'activité de femme de ménage n'est pas, a priori, une activité accessoire (parce qu'une telle activité présuppose toujours une activité principale plus importante), tandis que le jardinier salarié, qui effectue pour son propre compte des travaux de jardinage pendant son temps libre, est en accord avec la législation de l'AVS s'il ne fait pas prélever les cotisations à l'AVS, dans la mesure où son revenu complémentaire ne dépasse pas 2 000 francs. Pour de tels rapports de travail, l'exemption de l'affiliation à l'assurance-accidents est également autorisée, mais elle doit au préalable être signalée par écrit à l'assureur concerné (art. 2, al. 2, de l'ordonnance sur l'assurance-accidents, OLAA; RS 832.202).

L'exercice d'une activité salariée implique généralement l'obligation légale d'être affilié à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, au régime des allocations pour perte de gain, à l'assurance-chômage, à l'assurance-accidents, et, sous certaines conditions, à la prévoyance professionnelle. Cette affiliation entraîne l'obligation de verser les cotisations correspondantes, selon des modalités qui varient d'un régime à l'autre.

Les branches d'assurance ont néanmoins un dénominateur commun: c'est à l'employeur qu'il incombe de percevoir les cotisations de ses travailleurs, en les prélevant sur le salaire, puis de les verser, avec la part patronale (en général la moitié de la cotisation totale), aux différents organismes assureurs concernés.

4

D'après les résolutions du Conseil national concernant la 11e révision de l'AVS, la condition d'une activité lucrative accessoire doit être abandonnée. Par ailleurs, le montant exonéré doit être associé à la rente maximale de vieillesse.

(art.14, al. 5, LAVS-E).

3379

1.2.1.2

Réglementation dans les différentes assurances sociales

1.2.1.2.1

AVS/AI/APG

Les cotisations à l'AVS/AI et au régime des APG sont dues à partir du 1er janvier qui suit le 17e anniversaire. Elles se montent, au total, à 10,1 % du salaire. Le salaire tiré d'une activité accessoire et ne dépassant pas 2 000 francs par an peut, avec l'accord des employés et des employeurs, être exclu du revenu soumis à cotisations (art. 8bis RAVS) et le salaire tiré d'une activité salariée exercée après l'âge ordinaire de la retraite n'est soumis à cotisation qu'à partir de 1 400 francs par mois ou 16 800 francs par an (art. 6quater RAVS).

Le projet de 11e révision de l'AVS, tel qu'accepté par le Conseil national en mai 2001, prévoit qu'un revenu annuel inférieur au montant de la rente mensuelle maximale de vieillesse (soit actuellement 2 060 francs) sera exonéré de cotisations. En revanche, l'exemption des personnes exerçant une activité lucrative après l'âge ordinaire de la retraite est supprimée.

1.2.1.2.2

Assurance-chômage

Les personnes obligatoirement assurées à l'AVS qui doivent payer leurs cotisations sur le revenu d'une activité dépendante sont tenues de payer des cotisations d'assurance-chômage (art 2 LACI). Font notamment exception les personnes qui travaillent après l'âge ordinaire de la retraite. Le taux de cotisations se monte à 3 % du salaire jusqu'à une limite de 106 800 francs par an et à 2 % pour la part du salaire annuel comprise entre 106 801 et 267 000 francs (déplafonnement partiel)5.

1.2.1.2.3

Assurance-accidents

Dans l'assurance-accidents, le taux des cotisations - appelées primes - dépend du type d'activité, c'est-à-dire du risque d'accident lié à l'activité en question. Ce taux s'applique au salaire jusqu'à une limite supérieure de 106 800 francs par an. Pour les assurés au service de plusieurs employeurs, le salaire est pris en compte dans chaque rapport de travail, jusqu'à concurrence du montant maximal du gain assuré; si la somme des salaires dépasse ce montant maximal, il doit être réparti, au prorata des revenus, sur les divers rapports de travail. Quant au salaire tiré d'une activité salariée exercée après l'âge ordinaire de la retraite, il est également soumis à cotisations. Les personnes qui exercent une activité lucrative accessoire au sens de l'art.

8bis RAVS peuvent aussi être exemptées de l'assurance-accidents. Elles doivent cependant le signaler au préalable, par écrit, à l'assureur (art. 2, al. 2, OLAA) Les primes pour l'assurance des accidents et maladies professionnels sont payées par l'employeur. Les primes pour l'assurance des accidents non professionnels sont à la charge du travailleur, sous réserve de convention passée entre ce dernier et son 5

La perception d'un 3e pour cent du salaire doit être supprimée dans le cadre de la révision partielle de la loi sur l'assurance-chômage', LACI, RS 837.0, message du 28 février 2001 concernant la révision de la loi sur l'assurance-chômage (FF 2001, 2148). De même, le déplafonnement partiel doit passer de 2 % à 1 %.

3380

employeur. Si l'employeur n'occupe des travailleurs qu'à titre occasionnel ou de manière régulière mais pour de brèves périodes, la prime est forfaitaire (100 francs par an).

1.2.1.2.4

Prévoyance professionnelle

Les personnes qui reçoivent d'un même employeur un salaire supérieur au seuil minimal ­ actuellement 24 720 francs par an ­ sont couvertes par la prévoyance professionnelle, dès l'âge de 17 ans, pour les risques d'invalidité et de décès et dès l'âge de 24 ans pour l'assurance-vieillesse (art. 2, al. 2 et 7, al. 1, de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, LPP; RS 831.40). L'assurance obligatoire s'étend au salaire compris entre le seuil minimal et le triple de ce montant, soit actuellement entre 24 720 et 74 160 francs par an (art. 8, al. 1, LPP). Le taux de cotisation pour l'assurance de risque (invalidité et décès) est compris entre 2,5 et 3,5 % du salaire assuré (la cotisation de risque des hommes étant généralement plus élevée que celle des femmes). Pour l'assurance-vieillesse, les cotisations sont échelonnées, selon l'âge de la personne assurée, entre 7 et 18 %.

En pratique toutefois, les institutions de prévoyance appliquent souvent un taux unique moyen. Le taux de cotisation n'est pas fixé par la loi, bien que celle-ci oblige l'employeur à prendre en charge au moins la moitié des cotisations (art. 66, al. 1, LPP).

Pour les travailleurs occupés par plusieurs employeurs et dont le salaire annuel total dépasse le seuil minimal, il existe une possibilité d'assurance facultative (art. 46, al. 1, LPP). Toutefois, dans la pratique, l'assurance facultative reste extrêmement marginale (87 travailleurs assurés en 1998 et 66 en 1999).

La condition selon laquelle l'assurance obligatoire s'étend uniquement aux travailleurs qui touchent, d'un même employeur, un salaire d'au moins 24 720 francs fait que peu de personnes engagées dans des travaux ménagers ou des travaux de proximité sont concernées par la prévoyance professionnelle. On ne peut cependant pas exclure l'éventualité d'un abaissement de la déduction de coordination dans le cadre de la 1re révision de la LPP. Le cercle des personnes assurées serait alors considérablement élargi.

1.2.1.2.5

Résumé

Les personnes exerçant des travaux domestiques ou de proximité doivent, sans exception, être affiliées à l'AVS/AI/APG, à l'assurance-chômage et à l'assuranceaccidents. La procédure permettant de recenser ces personnes n'est pas particulièrement compliquée en elle-même. La notification à la caisse de compensation de l'AVS et l'affiliation à une assurance-accident collective sont suffisantes. L'assurance-accidents ne change pas en cas de mutation. La non-affiliation à l'assurance est probablement souvent due à un manque d'information. Il est donc nécessaire à la fois de simplifier davantage la procédure de perception des cotisations sociales (par une nouvelle réduction du nombre d'interlocuteurs des employeurs) et de se montrer plus actif en matière d'information, ce qui inciterait à inscrire correctement les travailleurs auprès des assurances sociales et des autorités fiscales.

3381

1.2.1.3

Résultats de la procédure de consultation

Lors de la procédure de consultation, une simplification de la procédure de décompte pour les activités de faible rapport a été présentée dans le paragraphe portant sur l'introduction d'une procédure de bonification des cotisations. Les propositions ont été approuvées, mais non sans un certain scepticisme, tant dans les cantons (OW, SZ, LU, TG, SG, SH, NW, ZG, GR, UR) que dans les associations (USAM, SSPh, FRSP, USP): la question se pose de savoir si ce système est effectivement capable d'apporter une contribution notable à la lutte contre le travail au noir. Seul le canton de Zoug refuse la procédure de bonification, qu'il qualifie d'inefficace.

Quelques cantons (BS, NE, GE, VS) souhaiteraient aller plus loin. Ils voudraient étendre le système à des domaines extérieurs aux ménages, évaluer d'autres solutions allant dans le sens de celles adoptées par le canton du Valais, telles que Top Relais (chèque service), ou bien prévoir un montant forfaitaire.

Dans la mesure où ils s'expriment sur la question, les cantons (SZ, LU, TG, SG, SH, NW) et les associations (Société suisse des entrepreneurs, Association suisse des électriciens, SVEI, Union suisse du Métal, Centre patronal) réclament la mise en oeuvre obligatoire de la procédure de bonifications des cotisations. La participation volontaire à cette procédure, prévue tant pour les cantons que pour les associations fondatrices des caisses de compensation, n'est saluée que par le canton de BâleCampagne et l'Union suisse des paysans.

La question des incitations est très controversée. Le scepticisme est quasi général quant à l'attractivité de la procédure de bonification sans incitation, mais les avis sont très partagés sur les incitations fiscales. Ces dernières sont à la fois réclamées et rejetées par les cantons, tout comme par les associations et les partis.

Dans leurs prises de position, certains partis (PDC, PRD, UDC) et certaines associations (Clima Suisse) demandent que les revenus, jusqu'à une certaine valeur seuil, soient exonérés de la cotisation à l'AVS. L'UDC propose comme valeur limite 4000 francs.

On peut tirer de la procédure de consultation les conclusions suivantes: ­

le système est, dans l'ensemble, bien perçu; il subsiste cependant quelques doutes quant à son efficacité. Une simplification plus poussée est souhaitée.

­

Le dispositif choisi pour simplifier les décomptes doit constituer en luimême une incitation à observer les prescriptions légales. Cela d'autant plus que la mesure complémentaire permettant de contribuer à augmenter l'attrait de la déclaration de ces activités, l'introduction d'incitations fiscales (notamment à l'intention des employés), ne pourra être éventuellement envisagée qu'à un stade ultérieur du projet (cf. ch. 1.2.1.5 Incitations fiscales).

L'ensemble du modèle présenté en consultation peut être encore davantage simplifié et l'introduction d'allégements administratifs pour les activités de faible rapport est donc maintenu. Le cercle des activités concernées par les allégements administratifs dans les assurances sociales peut être élargi, au-delà des seuls services aux particuliers, à d'autres activités de portée limitée exécutées dans le cadre des entreprises.

3382

1.2.1.4

Modèles d'allégement du travail administratif des employeurs prévus par la LTN

1.2.1.4.1

Généralités

L'allégement du travail administratif des employeurs passe nécessairement par une simplification des procédures, ce qui équivaut, notamment, à une réduction du nombre d'organismes assureurs avec lesquels l'employeur doit traiter.

Pour l'essentiel, on peut envisager deux variantes susceptibles d'être associées.

1.2.1.4.2

Variante facturation

Dans la variante facturation, l'employeur n'inscrit ses employés, pour l'ensemble des assurances sociales, que par l'intermédiaire de la caisse de compensation de l'AVS. Celle-ci fait en sorte que l'inscription soit transmise aux autres services compétents. Les cotisations ou primes sont en revanche perçues directement par les assureurs selon leur technique propre, que ce soit par un système de prélèvement automatique ou par un bulletin de versement. Tous les assureurs concernés remettent une attestation de paiement des primes. La caisse de compensation établit le décompte global et donne au travailleur une attestation de salaire.

Si l'employeur est lui-même obligé de cotiser à une caisse de compensation professionnelle, il inscrit aussi son personnel de maison à cette caisse. Dans le cas contraire, la caisse de compensation cantonale est habilitée à recevoir et à transmettre l'inscription.

L'employeur doit effectuer cette inscription au moment où il embauche son personnel. La procédure d'inscription, très simple, ne nécessite qu'un seul formulaire; il faut veiller à ce qu'elle soit possible aussi par Internet. L'employeur doit cependant fournir à la caisse de compensation tous les renseignements nécessaires au recensement et à la charge de toutes les assurances sociales pour lesquelles des cotisations sont exigibles légalement: données personnelles sur l'employé, notamment numéro d'assuré, mais aussi salaire brut, durée (prévue) d'occupation, indication des autres assureurs auprès desquels l'employé doit s'assurer, coordonnées bancaires ou numéro de compte postal, et ordre de paiement pour ce compte.

Le choix de l'assureur-accidents incombe toujours à l'employeur, qui indique à la caisse de compensation auprès de quel assureur il veut assurer son personnel. La caisse de compensation transmet l'inscription à l'assureur-accidents cité par l'employeur. Si celui-ci n'en indique aucun, la caisse de compensation transmet l'inscription à la caisse supplétive de l'assurance-accidents, qui choisit ­ comme cela se pratique déjà quand l'employeur n'est pas encore affilié à une assuranceaccidents ­ un assureur, auquel elle transmet les renseignements. L'assureur-accidents établit une police d'assurance pour l'employeur. Afin de garantir à l'assureuraccidents que la police ne sera pas aussitôt dénoncée,
il faut inscrire dans l'ordonnance la durée minimum habituelle de trois ans pour les cas où l'employeur ne désigne pas lui-même un assureur-accidents.

La prévoyance professionnelle ne touche pratiquement pas les personnes exerçant des travaux domestiques ou de proximité, du moins actuellement. La question pourrait cependant prendre une tout autre importance selon l'issue de la 1re révision de la LPP, même si une procédure simplifiée demeurera possible. Si l'employeur n'est pas 3383

déjà affilié à une institution de prévoyance, la caisse de compensation transmet l'inscription à l'institution supplétive, qui est tenue d'assurer l'employeur en vertu de l'art. 60, al. 2, let. b, LPP.

1.2.1.4.3

Variante prépaiement

Dans cette variante, l'employeur achète des chèques sur lesquels est perçu un supplément correspondant aux cotisations dues aux assurances sociales. L'employeur donne ce chèque, correspondant au montant du salaire net, à la personne qu'il emploie. Celle-ci se fait payer le chèque par un service prévu à cet effet, qui établit une attestation de salaire à son intention et se charge de transmettre les cotisations sociales aux assureurs compétents.

Une procédure de ce type est actuellement utilisée avec succès dans le canton du Valais (Top Relais à Martigny). Dans le cadre de la procédure de consultation, la conférence des caisses de chômage cantonales a proposé des modèles similaires. Les systèmes basés sur un prépaiement présentent pour l'employeur l'avantage de la simplicité, car ils lui permettent de satisfaire à toutes ses obligations en achetant le «chèque» et en l'utilisant pour payer ses employés. Mais ils ont des conséquences notables pour la procédure des assurances sociales concernées, car ils entraînent des frais administratifs qui vont se répercuter sur le prix du chèque, risquant ainsi de diminuer l'attrait de cette solution.

Les détails techniques doivent être réglés au niveau de l'ordonnance. Nous estimons donc qu'il serait tout à fait possible d'examiner une combinaison des deux variantes.

Il semble de toute façon prématuré, d'affirmer que l'une des deux n'est pas valable.

Enfin, si l'on veut que la procédure simplifiée déploie les effets désirés (notamment la prévention du travail au noir), il convient d'une part de la rendre obligatoire pour toutes les assurances concernées et, d'autre part, d'en assurer la mise en oeuvre par le biais d'une information à large échelle.

1.2.1.5

Les incitations fiscales

Dans le rapport du groupe de travail fédéral «Lutte contre le travail au noir», qui a mis en consultation en l'an 2000, le travail au noir dans les ménages privés a également été abordé. L'introduction d'une procédure de bonification des cotisations à été évoquée à titre de mesure possible contre cette forme de travail au noir (cf.

ch. 1.2.1.3).

A cet égard, la question se pose de savoir si l'introduction d'une telle procédure pourrait être encouragée à l'aide d'incitations fiscales tant en faveur du travaillleur que de l'employeur. On a pensé soit à une déduction fiscale du salaire payé par l'employeur privé pour la prestation de service, soit à l'introduction d'un impôt à la source, d'un taux de 10 %, sur le salaire mentionné.

L'administration fédérale des contributions (AfC) a établi un rapport partiel détaillé sur le sujet, qui faisait partie de la procédure de consultation (p. 81 ss). Ledit rapport a, dans l'ensemble, soulevé des doutes, tant sur sa faisabilité que sur son adéquation.

3384

Le rapport du groupe de travail fédéral sur la lutte contre le travail au noir soumis à la consultation reprenait l'argumentation de l'AfC et précisait à la fin du ch. 5.1.2.2: «Il y a lieu de conclure en affirmant que la création d'incitations fiscales conjointement à un système similaire au CES n'apparaît pas indiqué» (remarque: similaire au CES = procédure de bonification des cotisations).

Lors de la consultation, la question de l'introduction de mesures fiscales a été soulevée à nouveau.

Sur requête du groupe de travail fédéral, la question des incitations fiscales a fait l'objet d'un réexamen dans le cadre de la procédure de bonification des cotisations prévue pour les prestations de service dans le ménage. Ce nouvel examen était fondé sur une proposition modifiée. On a renoncé à des incitations fiscales en faveur de l'employeur pour des prestations dans le ménage. Par contre, s'agissant du travailleur ­ suisse ou étranger ­ une première variante prévoyait un impôt à la source sur la rémunération servie pour la prestation de service dans le ménage, au taux réduit de 5 %. Une deuxième variante prévoyait l'exonération fiscale de ce genre de prestations.

Les modifications des bases légales des impôts directs touchent aujourd'hui directement les cantons, en raison de l'harmonisation fiscale verticale et horizontale qui s'applique de la même manière pour la Confédération et les cantons. De plus, les cantons ne procèdent pas seulement à la taxation pour leurs propres impôts cantonaux, mais également pour l'impôt fédéral direct. Ils sont donc des partenaires très importants pour la mise en oeuvre d'innovations sur le plan législatif. En conséquence, il a été convenu de faire examiner les nouvelles propositions par la Conférence suisse des impôts (Association des autorités fiscales suisses). La tâche a été confiée à la «Commission législation et harmonisation» placée sous la direction de Bernhard Greminger, directeur-adjoint de l'Office des contributions du canton de Zurich. Font partie de la commission des représentants de 9 cantons ainsi que des représentants de l'AfC. La séance du 27 juin 2001, à laquelle étaient également invités des représentants du seco, a donné les résultats suivants: Une procédure générale d'imposition à la source, qui toucherait aussi bien les ressortissants suisses
qu'étrangers, pour les salaires tirés de prestations de service dans le ménage, a été formellement rejetée par la commission. La procédure de l'impôt à la source est expressément réservée, selon le droit en vigueur et en tant que forme d'imposition simplifiée et forfaitaire, aux travailleurs étrangers qui n'ont pas de permis d'établissement. Pour les personnes physiques ayant un domicile fiscal en Suisse, donc pour les citoyens suisses comme pour les travailleurs étrangers titulaires d'un permis d'établissement la procédure de l'imposition à la source est exclue aujourd'hui : la procédure ordinaire comportant le dépôt d'une déclaration d'impôts s'applique sans exception. Indépendamment de cela, la procédure de l'impôt à la source n'a de sens que si elle est définitive, ce qui n'est pas le cas dans la proposition, parce que l'impôt à la source devrait encore être pris en considération dans la procédure de taxation ordinaire. S'écarter de ces principes pourrait avoir des conséquences considérables. L'imposition à la source ne saurait donc être traitée simplement en passant, dans le cadre de la lutte contre le travail au noir, mais devrait au contraire faire l'objet d'une réforme fiscale en profondeur.

La variante des tranches non imposables a également été examinée par la commission. Il en est clairement ressorti qu'aux yeux de la commission «législation et harmonisation» de la Conférence suisse des impôts, elle n'entre pas non plus en ligne

3385

de compte à titre de «solution immédiate» dans un message du Conseil fédéral portant sur la lutte contre le travail au noir, notamment parce qu'une telle option entraînerait des problèmes considérables sous l'angle de l'égalité devant la loi.

Ainsi, une activité lucrative accessoire telle que le nettoyage dans un hôpital, serait en principe imposable alors que le gain accessoire tiré de la même activité dans un ménage privé serait exonéré d'impôts sur la base de la tranche non imposable.

Du point de vue des autorités fiscales de la Confédération et des cantons, les incitations fiscales envisagées pour lutter contre le travail au noir dans les ménages privés n'entrent pas en considération pour les motifs susmentionnés. De telles mesures devraient être examinées dans le cadre d'une réforme spécifique et approfondie du droit fiscal.

Cependant, l'obtention d'une base de calcul aussi large que possible, ce qui constitue la condition pour des barêmes d'imposition plus bas, ainsi qu'une simplification du système fiscal, font partie des objectifs fiscaux du Conseil fédéral, pour la législature en cours. Dans ce contexte, il faut également prendre en compte le fait que la réforme de l'imposition des couples et de la famille décidée par le Conseil fédéral en date du 21 février 2001 ­ avec le paquet fiscal 2001 ­ apportera des allègements pour les contribuables. Les célibataires ne seront imposables au titre de l'impôt fédéral direct qu'à partir d'un revenu de plus de 17 500 francs; s'agissant de personnes mariées, grâce à la prise en considération du splitting partiel, l'assujettissement n'existera qu'à partir d'un revenu de plus de 33 500 francs. La réforme envisagée aura également pour effet qu'en lieu et place des quelque 16 % des personnes physiques actuellement exonérées de l'impôt, plus de 30 % de ces personnes bénéficieront de l'exonération de l'impôt fédéral direct. Les personnes dont le revenu est modeste, qui sont généralement celles qui fournissent les prestations de service en question dans les ménages privés, sont de toutes façons exonérées de l'impôt fédéral direct dans la mesure où, avec leur conjoint, elles n'atteignent pas le revenu imposable de 33 500 francs. D'autre part, il serait impossible d'imposer aux cantons, en raison de l'autonomie tarifaire conférée par la constitution, des
tranches non imposables d'un certain montant.

Pour les raisons évoquées ci-dessus, la procédure de bonification des cotisations prévue à des fins de simplification administrative pour les prestations de service dans le ménage ne peut donc comporter des incitations fiscales à titre de mesures «d'accompagnement».

1.2.2

Accroissement des compétences de contrôle des services cantonaux ou des commissions de contrôle cantonales

1.2.2.1

La problématique des contrôles dans le cadre de la lutte contre le travail au noir

A côté des volets liés à la sensibilisation et à l'incitation, l'aspect relatif aux contrôles, à savoir le volet de l'exécution, est évidemment un élément central de la lutte contre le travail au noir.

Les différentes législations pertinentes (assurances sociales, lois fiscales, droit des étrangers, etc.) en vigueur comportent toutes des dispositions relatives au contrôle.

L'exécution en est toutefois dévolue à une pluralité d'organismes. Chacun de ces 3386

organismes est compétent pour sa législation, procède à des contrôles relevant de ses compétences et, le cas échéant, prend les mesures et sanctions prévues dans son domaine d'activité.

1.2.2.2

Point de la situation

1.2.2.2.1

Au niveau national

Dans la pratique, on constate que l'activité de chacun des organismes chargés de l'exécution se déroule le plus souvent à l'insu des autres organismes. Il manque dès lors une vision globale du problème qui permettrait de traiter de façon exhaustive des cas de travail au noir découverts.

L'approche sectorielle explique certainement en partie que les contrôles ne jouent pas le rôle à la fois répressif et préventif qu'ils devraient normalement avoir. Il n'est en effet pas rare que, considérées sous l'angle d'une seule législation, des situations de travail au noir mises à jour paraissent être de relativement faible gravité. Ce constat incite l'autorité compétente à une certaine clémence, voire à l'abandon de toute action. Or, une vision complète du cas mettrait en lumière toute la gravité de la situation et permettrait, d'une part, la correction totale des lacunes constatées dans les divers domaines et, d'autre part, le prononcé de sanctions tenant équitablement compte de la gravité réelle des infractions constatées.

Par ailleurs, l'absence de communication ­ ou en tous les cas l'absence de transmission systématique ­ des constatations effectuées lors de contrôles entre les différentes autorités est également un obstacle à une lutte plus efficace. A noter que le cloisonnement entre autorités et a fortiori entre autorités et organismes privés, est dû, en partie du moins, à la protection des données. Ainsi, et à titre d'exemple, les partenaires sociaux détectent assez régulièrement des situations de travail qui leurs semblent illicites, dans le cadre de leurs activités d'exécution des conventions collectives. Ils peuvent alors dénoncer ces cas aux autorités. Mais ils perdent totalement la maîtrise du dossier dès l'annonce effectuée. Il n'existe en effet pas de collaboration entre les autorités concernées, ni de coordination des activités.

L'analyse démontre en effet que les outils nécessaires seraient potentiellement à disposition mais que la relative inefficacité qui doit être constatée dans la lutte contre le travail au noir est à mettre au compte de deux facteurs principaux: premièrement, la dispersion des forces due à la pluralité d'organismes compétents, l'absence de coordination des actions et la collaboration insuffisante entre les différents organismes et autorités impliqués ainsi que, deuxièmement, le manque de personnel dont souffrent les administrations publiques.

1.2.2.2.2

Situation dans quelques cantons

Quelques cantons, essentiellement romands, ont pris des initiatives en matière de lutte contre le travail au noir.

3387

1.2.2.2.2.1

Canton de Vaud

Dans le canton de Vaud, l'Etat, les partenaires sociaux du secteur de la construction et la CNA ont conclu une convention instituant un système de contrôle des chantiers dans le but de lutter contre le travail au noir dans le secteur du bâtiment (gros oeuvre et second oeuvre). La convention institue une commission quadripartite de surveillance et prévoit l'engagement de deux inspecteurs.

Les infractions constatées par les inspecteurs font l'objet d'un rapport à la commission de surveillance, laquelle transmet les informations ainsi recueillies aux instances concernées pour traitement.

Aux termes de la convention, la couverture des frais de fonctionnement, y compris le salaire des inspecteurs se répartit comme suit: Etat de Vaud :

42,5 %

Partenaires sociaux :

42,5 %

CNA :

15,0 %

Après plus d'une année de pratique, le Canton de Vaud envisage d'étendre le système à d'autres branches économiques, si les partenaires sociaux concernés se déclarent d'accord.

1.2.2.2.2.2

Canton du Valais

Le Grand Conseil du Canton du Valais a adopté, le 17 décembre 1999, un décret concernant la lutte contre le travail au noir.

Ce décret vise, selon son art. 1, à lutter contre le travail au noir par une amélioration de la prévention et par un renforcement des contrôles et de la coordination entre les différentes instances (services de l'Etat, partenaires sociaux et assurances sociales).

Pour ce faire, le décret a prévu la mise en place d'une commission tripartite cantonale (dite commission de surveillance), qui couvre l'ensemble des branches économiques. Des «inspecteurs de l'emploi» seront engagés pour exécuter les contrôles.

Ils sont soumis à la surveillance de la commission tripartite.

Les inspecteurs transmettent leurs constatations sous la forme de procès-verbaux au secrétariat de la commission de surveillance (art. 9), laquelle transmet les dossiers aux instances compétentes pour traitement. Chaque instance applique les sanctions et mesures propres à sa législation et en informe en retour la commission de surveillance (art. 10).

Les frais de fonctionnement se répartissent entre les parties membres de la commission tripartite, l'Etat du Valais en prenant les deux tiers à sa charge.

1.2.2.2.2.3

Canton de Fribourg

Le canton de Fribourg a, par arrêté du Conseil d'État du 18 juin 2001, mis sur pied un dispositif de lutte contre le travail au noir qui s'inspire largement du projet fédéral mis en consultation, à ceci près que seul le secteur de la construction (gros oeuvre, second oeuvre et services) est concerné.

3388

L'arrêté porte création d'une commission tripartite chargée notamment de procéder à des contrôles par le biais d'inspecteurs.

L'arrêté prévoit enfin que les relations entre l'État et ses partenaires fera l'objet d'une convention (réglant également le fonctionnement de la commission) et que l'Etat participera aux frais de fonctionnement à concurrence des deux tiers.

1.2.2.2.2.4

Canton de Neuchâtel

Le canton de Neuchâtel a confié la tâche de lutter contre le travail à un «inspecteur du marché du travail» engagé et rémunéré entièrement par l'État. Il a le statut d'agent de la police judiciaire.

1.2.2.2.2.5

Canton de Genève

Depuis mai 1998, un organisme tripartite joue rôle de structure permanente de coordination en matière de lutte contre le travail au noir dans le secteur du bâtiment.

Cette structure dispose des services de trois contrôleurs. Elle joue un rôle de plaque tournante entre les différents partenaires et autorités concernés par cette problématique.

Cette structure a été récemment officialisée par le Gouvernement genevois qui en a fait une sous-commission du Conseil de surveillance du marché de l'emploi. L'Etat assure le secrétariat, indemnise les participants aux réunions de la sous-commission (jetons de présence) et les partenaires sociaux prennent seuls en charge le salaire des trois contrôleurs.

1.2.2.2.2.6

Cantons de Bâle-Ville et de Soleure

Dans ces cantons, des démarches ont été entreprises et des solutions se rapprochant de celles mentionnées ci-dessus sont envisagées. A ce jour, elles ne sont pas encore concrétisées.

1.2.2.3

Avant-projet

1.2.2.3.1

Renforcement des compétences de contrôle

Il ressort de ce qui précède, qu'en matière de lutte contre le travail au noir, l'essentiel du problème se situe au niveau de la coordination des contrôles et de la coopération entre les différents organismes et autorités qui en ont la charge. Il est significatif de constater que tous les cantons ­ à l'exception de Neuchâtel ­ qui ont décidé de renforcer les contrôles tendant à lutter contre le travail au noir l'on fait en créant une structure intégrant les partenaires sociaux.

Il apparaît en conséquence que la création de telles structures (tripartites, voire quadripartites), au niveau cantonal, chargées de coordonner les contrôles entre les différents intervenants et d'exécuter des contrôles dans certaines branches économiques, par exemple celles dépourvues de convention collective de travail, répond à un 3389

besoin. Le rôle exact et la répartition des tâches entre ces commissions de contrôle et les services administratifs de l'État seront repris plus loin (cf. ch. 2.1 Partie spéciale: commentaires des dispositions). Ces structures devront en outre servir d'interface entre partenaires sociaux, autorités administratives et judiciaires cantonales et autorités administratives fédérales, éliminant ainsi les problèmes de coordination et d'information précédemment évoqués.

1.2.2.3.2

Renoncement à la création d'un droit d'action en justice

Afin de rendre plus efficace l'exécution de certaines législations qui jouent un rôle important dans le cadre de la lutte contre le travail au noir, la question a été soulevée de conférer aux commissions paritaires, tripartites et quadripartites un droit d'action en justice afin de garantir un suivi judiciaire rapide. Après examen, il a été renoncé à cette possibilité.

En effet, l'introduction de tels droits en particulier en faveur des commissions paritaires, tant il est vrai qu'on imagine assez mal un organisme comprenant des représentants de l'État (commissions tripartites et quadripartites) agir devant les tribunaux civils, entraînerait de profonds bouleversements de notre ordre juridique.

Une telle évolution de notre droit tant matériel que de procédure n'est pas à exclure d'emblée et par principe, mais elle devrait dans tous les cas faire l'objet d'une étude plus approfondie sous l'angle plus spécifique des droits d'action.

A noter que ce sujet a fait l'objet en 1996 d'une initiative parlementaire de M. Christoph Eymann, conseiller national (ipa 96.471). Afin de rendre l'exécution d'une convention collective par les partenaires sociaux plus efficace, M. Eymann proposait que ceux-ci puissent non seulement agir en constatation comme c'est le cas selon en droit vigueur, mais qu'ils soient dotés d'un droit d'action en condamnation. Sur proposition de la sous-commission «droit du travail» qui avait examiné la proposition, la commission des affaires juridiques du Conseil national, puis le Conseil lui-même ont décidé de classer l'initiative sans modifier la législation en vigueur. Les problèmes invoqués à l'époque par le Conseil national sont les mêmes qui ont conduit à renoncer à proposer la création d'un droit d'action en justice dans le domaine de la lutte contre le travail au noir.

Au nombre des problèmes évoqués, on peut mentionner, en particulier, les points suivants: ­

6 7 8

la législation suisse ne connaît actuellement pas de droit d'action en paiement en faveur des partenaires sociaux, isolément ou dans le cadre d'un organisme paritaire, pour des prestations découlant du contrat de travail.

Tant le code des obligations6 (art. 357b, al. 1, let. a), la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes7 (art. 7, al. 1) que la loi du 8 octobre 1999 sur les travailleurs détachés8 (art. 11) ne prévoient que des droits d'action en constatation;

RS 220 RS 151 Loi sur les travailleurs détachés', FF 1999 7942

3390

­

pour pouvoir agir, il faut être doté de la personnalité juridique. Or, tel n'est pas le cas de toutes les commissions paritaires. Les commissions tripartites n'en sont jamais dotées;

­

introduire une telle possibilité pour le travail au noir créerait un précédent qui pourrait à terme conduire à la généralisation du droit d'action collective, dont la Suisse n'a jamais voulu;

­

il conviendrait de régler de manière détaillée les conséquences et les modalités du droit d'action en paiement de la part des commissions. En particulier, un travailleur peut-il encore introduire une action alors que la commission a déjà introduit l'instance? Quel sort doit être réservé aux montants dont l'action permet le recouvrement? Ces montants doivent-ils être répartis entre les travailleurs concernés ou sont-ils acquis à l'organe qui a mené la procédure? Un travailleur peut-il s'opposer à ce qu'une action soit ouverte en ce qui le concerne ou au contraire la commission décide-t-elle seule des prestations dont elle va réclamer le paiement, même contre la volonté du créancier?

Comme on le voit, l'hypothèse de l'introduction d'un tel droit d'action n'est pas à exclure définitivement mais requiert le cas échéant un travail préparatoire important.

Au surplus, et dans le cadre de la lutte contre le travail au noir, il n'est pas sûr que ce moyen serait le plus adapté. En effet, la plupart des autorités et organismes concernés jouissent de la faculté de rendre des décisions, au sens du droit administratif, pour les domaines relevant de leur compétence. On ne voit pas en quoi le fait d'agir, par le biais d'une action ouverte devant un tribunal civil par la commission paritaire en paiement des contributions indûment soustraites à l'AVS, à la CNA et au fisc, serait plus simple et plus rapide que des décisions provenant de ces autorités et condamnant les personnes responsables au paiement des montants dus.

En ce qui concerne les prétentions des travailleurs, les commissions paritaires, pour autant qu'elles soient dotées de la personnalité juridique, ainsi que les associations individuellement, peuvent déjà agir devant les autorités judiciaires sur la base d'un mandat octroyé par un travailleur ou un groupe de travailleurs.

1.2.2.3.3

La qualification du travail pseudo-indépendant de travail au noir

On entend par travail pseudo-indépendant la situation dans laquelle une personne est engagée par une autre pour exécuter un travail en tant qu'indépendant alors que, juridiquement, la relation entre ces personnes devrait être un contrat de travail. Ce problème est important et bien réel. Il provoque de graves perturbations du marché en faussant le jeu normal de la concurrence.

De par ses effets, le travail pseudo-indépendant est parfaitement assimilable à diverses situations de travail au noir. Il convient donc de le considérer comme une forme possible de travail au noir (ce que propose d'ailleurs le projet de loi, art. 2, al. 1, let. e).

Afin de combattre plus efficacement ce phénomène, la question s'est posée de l'opportunité d'inscrire dans la loi une définition du travail pseudo-indépendant et son interdiction. Le but de la démarche n'est en aucun cas de rendre l'accès au statut d'indépendant plus difficile qu'il ne l'est actuellement, ni d'empêcher le passage du 3391

statut de travailleur à celui d'indépendant. L'activité que l'on peut assimiler à du travail au noir est celle déployée abusivement sous la qualification d'indépendant alors qu'en réalité la personne fournissant la prestation devrait être considérée comme un travailleur au sens du code des obligations avec tous les droits et obligations qui en découlent, tant pour le travailleur que pour l'employeur.

Parmi les problèmes centraux que pose le recours abusif à des travailleurs pseudoindépendants, on peut mentionner en particulier le fait que l'employeur ne doit s'acquitter d'aucune charge sociale et l'extrême précarité de la situation du travailleur qui, sans résiliation, se retrouve sans emploi dès la fin de l'accomplissement de la prestation (transfert du risque économique de l'employeur au travailleur).

En droit suisse, la distinction entre travailleur et indépendant s'opère au cas par cas.

On peut dire qu'au-delà de la volonté extérieurement manifestée par les parties à un contrat, il convient de voir dans chaque cas si, matériellement, la relation présente les éléments caractéristiques du contrat de travail selon la définition qu'en donne le code des obligation (art. 319, al. 1, CO9: «Par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d'après le temps ou le travail fourni (salaire aux pièces ou à la tâche)»). Dans le contexte qui nous intéresse, trois critères sont particulièrement importants: l'existence d'un lien de subordination entre les parties, l'absence d'autonomie dans l'organisation du travail et la fixation des horaires ainsi que la détermination de la personne qui supporte le risque économique. Si la personne qui fournit la prestation est soumise à un lien de subordination, qu'elle est intégrée dans une structure l'empêchant de fixer de façon autonome l'organisation de son travail et ses horaires et qu'elle ne supporte pas le risque économique, il s'agit d'un travailleur.

Il apparaît ainsi qu'il est très difficile de donner in abstracto une définition générale du travailleur. Néanmoins, si l'on examine cas par cas, à la lumière de l'abondante jurisprudence rendue tant sur la base du droit du contrat de travail qu'en matière fiscale ou d'assurances sociales,
on se rend compte qu'il est relativement aisé de déterminer la vraie nature d'une relation juridique. Le Prof. Thomas Geiser s'est posé la question de la nécessité d'une intervention législative10. Sa conclusion est qu'une réglementation n'est ni possible ni souhaitable. Il souligne en particulier qu'il est dans la nature même du droit privé de développer en permanence de nouvelles formes de contrats et que toute tentative de définir schématiquement le travailleur ou le travailleur pseudo-indépendant serait irrémédiablement vouée à l'échec.

Il est par ailleurs intéressant de constater que l'examen de la motion de la Commission de l'économie et des redevances 99.3004 («Traitement uniforme et cohérent en droit fiscal et des assurances sociales») débouche sur un résultat similaire. Cette motion demande au Conseil fédéral d'élaborer des propositions législatives permettant de régler de manière uniforme et cohérente la notion et le statut de l'activité dépendante, respectivement indépendante, au regard de toutes les obligations fiscales et sociales.

Au terme de son examen, le Conseil fédéral conclut qu'il n'est guère possible de faire droit aux propositions exprimées dans la motion. Il constate en effet que pour 9 10

RS 220 Exposé présenté lors de la journée d'étude du 28 janvier 2000 «Le droit du travail face à la flexibilisation» organisée par l'Union syndicale suisse, page 5.

3392

chaque domaine considéré, les autorités ont développé une pratique et des critères de délimitation entre dépendant et indépendant. Il souligne particulièrement que, contrairement à une idée reçue, les critères développés en matière de droit du travail, de droit fiscal et de droit des assurances sociales sont dans une large mesure concordants. Considérant qu'il ne faut pas perdre de vue les objectifs distincts de ces différents domaines du droit (fonction de protection sociale pour les assurances sociales, garantie à l'Etat des ressources nécessaires à son fonctionnement et fonction de péréquation pour le droit fiscal, protection des travailleurs pour le droit du travail), le Conseil fédéral arrive à la conclusion qu'une définition uniforme n'est pas envisageable.

Ainsi, il apparaît qu'à l'instar des conclusions susmentionnée du rapport concernant la motion 99.3004 de la Commission de l'économie et des redevances, il n'est pas opportun d'introduire de nouvelles règles tendant à donner une définition précise du travail pseudo-indépendant. Les problèmes auxquels on peut aujourd'hui se trouver confronté relèvent de l'exécution et ne constituent pas le signe d'une nécessité d'intervenir au niveau législatif. L'arsenal légal existe et est suffisant. Introduire dans le droit du travail une définition du travail pseudo-indépendant correspondrait à une reconnaissance de ce statut et aurait pour conséquence de créer une sorte de troisième catégorie, entre les travailleurs et les indépendants. Un tel développement aurait des effets désastreux pour la protection des personnes concernées (tant en droit du travail qu'au niveau des assurances sociales) et serait en parfaite contradiction avec la qualification de cette pratique de travail au noir.

Le fait de mettre clairement hors la loi le travail pseudo-indépendant en le qualifiant de travail illicite et en renforçant simultanément les moyens de contrôle dans ce domaine constitue une mesure suffisante. L'art. 2, al. 1, let. e, fait de l'occupation de travailleurs pseudo-indépendants une situation de travail au noir au sens de la nouvelle loi. Les effets de l'inclusion de ce phénomène dans la définition du travail au noir sont de deux ordres. D'un point de vue strictement juridique, cet état de fait peut provoquer une procédure de contrôle et une sanction dans
le domaine des marchés publics, en vertu de la nouvelle loi. De même pourra-t-on considérer, dans le domaine des assurances sociales, qu'il y a violation par l'employeur de son obligation de verser des contributions, alors que, jusqu'à présent, le travailleur abusivement occupé à titre d'indépendant, pouvait ne devoir payer que le taux de contributions dû par les personnes exerçant une activité lucrative indépendante, donc un taux moins élevé. D'un point de vue plus général, il s'agit essentiellement de la reconnaissance d'un phénomène souvent dénoncé mais jamais appréhendé de façon spécifique par notre législation. Cette reconnaissance permettra une prise de conscience par les personnes concernées, d'une part et devrait également faciliter l'exécution des dispositions conventionnelles en la matière, d'autre part.

1.2.2.4

Loi fédérale contre le travail au noir: résultats de la consultation et projet

1.2.2.4.1

Nécessité d'une nouvelle loi

La procédure de consultation a montré que la grande majorité des personnes et milieux consultés approuvaient l'élaboration d'une loi fédérale. Seule une branche proposait de renoncer une telle loi, la jugeant superflue voire contraire à notre ordre juridique. Cette organisation considère que l'exécution du droit, même fédéral, 3393

relève des cantons et que dès lors il est erroné d'édicter une loi dictant aux cantons de quelle manière ils doivent procéder à cette mise en oeuvre. De plus, et toujours selon cette organisation, s'agissant des conventions collectives de travail, les partenaires sociaux veillent à leur application, y compris en ce qui concerne le travail au noir, de sorte que les procédures compliquées qui sont envisagées paraissent non seulement inutiles mais même préjudiciables à la bonne organisation des contrôles.

S'agissant du premier point, le fait que l'exécution du droit soit confiée aux cantons n'empêche pas le législateur fédéral de fixer un certain nombre de règles minimales sur la façon dont cette exécution doit intervenir. Cette approche se retrouve dans diverses lois (notamment dans la récente loi sur les travailleurs détachés). En ce qui concerne le deuxième point, il s'agit certainement d'un malentendu puisqu'il ne saurait être question pour l'État de s'ingérer dans l'exécution des CCT. Au contraire, le projet vise à permettre à l'État de confier aux partenaires sociaux l'exécution de contrôles délégués en sus de l'application des CCT. Il s'agit donc plutôt de leur confier de nouvelles compétences que de leur en retirer.

Il a donc été décidé de proposer l'adoption d'une nouvelle loi fédérale ce qui paraît opportun et nécessaire dans la mesure où, matériellement, tous les domaines concernés ­ droit du travail, assurances sociales, droit des étrangers, etc. ­ sont de la compétence de la Confédération (à l'exception de la fiscalité, domaine dans lequel les cantons disposent également de compétences) et où le recours au droit fédéral est nécessaire dès lors que l'on veut intervenir au niveau de l'exécution par les cantons en fixant un standard minimum en matière de lutte contre le travail au noir. Il y va aussi du maintien de l'égalité de traitement entre les entreprises situées dans différents cantons (éviter les situations de concurrence déloyale).

Il a donc été décidé de proposer une nouvelle loi. En effet, vu le nombre de lois concernées et le fait qu'il y ait également des lois cantonales et des conventions collectives qui sont touchées, l'adaptation systématique de chaque texte serait impossible. Au surplus, le système élaboré perdrait toute lisibilité s'il était dispersé dans une multitude d'actes.

1.2.2.4.2

Les points forts du projet de loi

Sur la base des constatations faites et se fondant sur les expériences menées dans quelques cantons, l'avant-projet mis en consultation avait proposé l'institution, dans chaque canton, d'une commission tripartite chargée de tâches, premièrement, de coordination entre les divers autorités concernées et, deuxièmement, de tâches de contrôle, dans les limites de la loi, dans les branches qui ne sont pas régies par une convention collective de travail, les commissions paritaires étant chargées du contrôle dans les branches régies par une convention collective de travail.

Si le besoin de coordination a été généralement bien accueilli, le moyen retenu a fait l'objet de critiques essentiellement en provenance de certains cantons et des milieux patronaux. Il a d'une part été regretté que l'on veuille conférer un caractère impératif aux commissions tripartites, d'une part, et aux délégations de compétences en faveur des commissions paritaires dans les branches dotées d'une CCT, d'autre part. Outre l'argument fédéraliste, les bonnes expériences réalisées au travers du quadripartisme ont été soulignée. A l'inverse, d'autres se sont opposés à la délégation obligatoire de compétences, préférant une exécution par les organismes étatiques. Enfin, il a été souligné que dans certaines branches, et bien qu'il existe une CCT, la commission 3394

paritaire n'avait pas les moyens de se charger des tâches que l'avant-projet voulait lui confier. Cette situation aurait conduit à des inégalités de traitement, les contrôles étant, dans certaines branches, de fait, inexistants ou exécutés de façon peu satisfaisante.

Pour toutes ces raisons, le projet prévoit une solution plus souple. Si la création ou la désignation par chaque canton d'un organisme unique chargé des tâches de coordination est maintenue, il n'est plus fait mention de l'obligation de confier cette fonction à une commission tripartite. Cela peut être le cas mais il peut aussi s'agir d'un organisme quadripartite ou alors, à l'opposé, d'un service de l'Etat. Chaque canton demeure libre de choisir la solution qui convient le mieux à ses spécificités et à ses expériences. En ce qui concerne les délégations de compétences aux commissions paritaires dans les branches dotées d'une convention collective de travail, le régime de l'automaticité a là aussi été abandonné au profit d'un système prévoyant la possibilité d'une délégation de compétences, selon les branches et en se fondant sur une convention de prestations réglant également les questions financières. On peut souhaiter qu'il sera fait largement usage de cette possibilité, principalement dans les branches dotées de structures paritaires permanentes et performantes.

Pour le surplus, le projet de loi ne stipule pas de nouvelles règles matérielles. Il se limite à renvoyer aux législations pertinentes en matière de travail au noir. De même, les commissions paritaires et tripartites ne reçoivent pas la compétence de prendre elles-mêmes des mesures en cas de découverte de situations contraires au droit mais doivent transmettre le dossier, pour traitement, aux autorités compétentes.

L'exécution des contrôles devra être confiée, à l'instar de ce que l'ensemble des cantons ayant pris des mesures ont prévu, à des personnes compétentes et ayant reçu une formation garantissant une connaissance minimale des diverses législations concernées. Il pourra s'agir soit de membres des commissions paritaires, soit d'inspecteurs engagés par les commissions (paritaires ou tripartites), soit de personnes engagées par l'Etat. C'est pourquoi la disposition autorisant la Confédération à fixer des exigences minimales en matière de formation (initiale et continue)
a été maintenue. En revanche, et contrairement à l'avant-projet, le projet prévoit que l'organisation des cours de formation continue incombera à la Confédération, de même que leur financement, en collaboration avec les partenaires sociaux.

Enfin, un des buts affichés du Conseil fédéral étant de procéder aussi à un renforcement des sanctions en cas de travail au noir, l'exclusion des procédures d'adjudication des marchés publics en cas de violation grave de la loi est maintenue (cf. ch. 1.2.4.1).

Grâce à ce renforcement de la coordination et à la mise en réseau des décisions et mesures prises, les services ou commissions cantonales de contrôle compétents seront en mesure d'avoir une vision globale de la situation du travail au noir dans leur canton, mais aussi par entreprise. La lutte contre le travail au noir se trouvera ainsi renforcée.

3395

1.2.3

La mise en réseau des données administratives et le devoir de communication des résultats des contrôles d'employeurs

La répression du travail au noir passe tout d'abord par l'organisation de contrôles.

Or, dans ce contexte, comme mentionné plus haut, la collaboration entre autorités cantonales, ainsi qu'entre autorités cantonales et fédérales est gênée par l'existence d'obstacles à l'échange d'informations. Les personnes travaillant au noir exploitent d'ailleurs souvent les carences du système (pluralité des compétences des autorités, conditions restrictives prévalant en matière d'entraide administrative, structures fédéralistes des principaux organes d'exécution): ces dernières entrent directement dans leur calcul de risque de contrôles et de sanctions. Ainsi, nombre de travailleurs au noir ne déclarent pas leur activité professionnelle à une ou plusieurs autorités (par exemple, le fisc, l'assurance-chômage pour un chômeur ou la police des étrangers pour un travailleur étranger), mais s'annoncent auprès des assurances sociales.

L'objectif de la présente catégorie de mesures est donc de rendre certaines données administratives accessibles aux responsables des contrôles et d'améliorer la collaboration entre les différents organismes concernés.

1.2.3.1

La mise en réseau des données administratives

1.2.3.1.1

Point de la situation

Il s'agit d'abord de préciser ce que l'on entend par mise en réseau des données administratives. En ce qui concerne la nature de ces données, le but visé est la mise en réseau des données personnelles, détenues par les autorités administratives notamment dans les domaines des assurances sociales, de la fiscalité, de la main d'oeuvre étrangère et de l'asile, qui contiennent des informations susceptibles d'être utiles dans le cadre de la lutte contre le travail au noir. Il s'agit de réunir des données qui fournissent des indications, notamment sur la situation de revenu d'un individu, sur son affiliation à une assurance sociale ou sur sa détention d'un permis de travail. Les données relatives aux employeurs sont également intéressantes, car elles permettent indirectement de se documenter sur des relations de travail.

Lorsqu'on parle de mise en réseau, on se réfère à l'accès électronique, par des transactions en ligne, à des informations pertinentes dans les différentes banques de données et à la comparaison automatique de registres, selon un procédé par étapes, permettant d'acquérir des renseignements. Il ne s'agit pas en l'occurrence de contrôles de cas particuliers, mais bien de comparaisons systématiques de données, effectuées par la machine.

Les registres en question sont construits de manière à remplir les buts spécifiques que la loi définit. Ils sont donc adaptés aux tâches d'exécution des autorités concernées, dans leur domaine de compétence, et ne prennent pas en compte les intérêts des autres administrations. Parmi les registres existants dans les domaines susmentionnés, seules les deux banques de données relatives à l'assurance-chômage (PLASTA, le système d'information en matière de placement et de statistiques du marché du travail, et SIPAC, le système informatisé de paiement des caisses de chômage) sont reliées, en raison de leur finalité commune. Un échange limité ­ offline ­ de données a lieu entre la centrale de compensation AVS (CdC), sise à Ge3396

nève, et les caisses de chômage: il se justifie par le fait que les caisses de compensation AVS sont chargées du prélèvement des cotisations pour l'assurance-chômage et que les données AVS contenues dans le registre des personnes au bénéfice de l'AC doivent donc être comparées à celles contenues dans la banque de données de la CdC. Par ailleurs, les autorités fiscales cantonales reçoivent des extraits du registre des étrangers dans le cadre du prélèvement de l'impôt à la source.

1.2.3.1.2

Problèmes posés par une mise en réseau de l'ensemble des données administratives

La faisabilité de la mise en réseau des données administratives passe par l'examen de quatre aspects: l'aspect technique, la comparabilité des données, la pertinence des données pour l'identification de cas de travail au noir et la protection des données.

Sur le plan technique, la mise en réseau des données administratives est réalisable avec les moyens existants. Différentes variantes sont envisageables. Elles vont de la création d'une nouvelle banque de données, par le biais du réseau national d'échange de données de l'administration (KOMBV-KTV, qui inclut Confédération, cantons et communes), à l'accès en ligne aux différentes banques de données concernées ou à l'envoi périodique en ligne d'extrait de données d'un registre électronique aux autres.

Pour ce qui est de la comparabilité des données, la mise en réseau des différents registres et banques de données ne présente un intérêt que si leurs données coïncident à deux points de vue. Premièrement, ces données doivent pouvoir être comparées quant à leur contenu. Cela suppose, par exemple, que la définition du revenu retenue par les autorités fiscales soit la même que celle utilisée dans le domaine des assurances sociales. En second lieu, les données doivent se référer à la même période. A ce propos, il faut savoir que le registre des assurés AVS est une banque de données «brute», c'est-à-dire que toutes les données qui y sont inscrites y demeurent. Il n'indique pas, par exemple, si une personne ayant payé une cotisation une fois est encore active en Suisse ou même en vie. En raison de cette différence sur le plan de la périodicité, la comparaison de ce registre avec une autre banque de données à jour (telle que celle des étrangers) ferait ressortir une longue liste de travailleurs au noir (étrangers) potentiels.

Enfin, il est nécessaire que les données mises en réseau fournissent des informations pertinentes pour l'identification de situations de travail au noir. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas. Par exemple, en ce qui concerne les données fiscales relatives aux personnes physiques ­ qui se trouvent dans les registres et banque de données cantonaux ­ le système informatique ne permet pas de déterminer, dans le cas d'un salarié, quel revenu brut provient de quel employeur: en général, seul le revenu total de la personne est enregistré
électroniquement.

En ce qui concerne la protection des données, celle-ci exige un cadre légal et le respect des principes généraux de protection de la personne. En principe, la lutte contre le travail au noir doit viser seulement les personnes qui exercent une activité salariée ou indépendante en violation des prescriptions légales. Or, la mise en réseau des banques de données discutée ici met généralement en relation des informations relatives à des individus qui se comportent de manière correcte et qui ont droit à la protection de l'intégrité de leurs données personnelles. La concentration de ces infor3397

mations risque de permettre l'établissement de profils de la personnalité. L'accès aux banques de données doit être réglé légalement. Même avec une telle protection, la mise en réseau de ces données a de fortes chances d'éveiller des inquiétudes auprès de la population, allant du sentiment d'avoir affaire à un État policier à la crainte que les informations soient utilisées à mauvais escient ou que des pirates informatiques violent le système.

Pour ces raisons, la mise en réseau de banques de données est soumise à plusieurs conditions: la nécessité de l'accès doit être motivée, les circonstances de l'acquisition et du traitement des données doivent être réglées au niveau législatif et la sécurité du système doit être garantie. Divers principes doivent être respectés. Entre autres, la finalité de l'opération doit être proportionnelle à l'atteinte à la protection de la personnalité; les données doivent être non seulement correctes, mais aussi à jour et complètes; l'utilisation de ces données doit être conforme aux fins prévues par la loi.

Les révisions législatives en cours dans le domaine des assurances sociales n'autoriseront la transmission de renseignements que dans des cas particuliers et sur demande écrite. Par contre, l'adaptation du droit fiscal, qui est entrée en vigueur en automne 2000, permet aux autorités compétentes d'échanger les données nécessaires à l'exercice de leur fonction.

En résumé, la mise en réseau des données administratives est techniquement réalisable. Une telle opération ne suffit cependant pas à apporter une pierre à l'édifice de la lutte contre le travail au noir. Les données disponibles posent de sérieux problèmes de comparabilité, du point de vue de leur contenu ainsi que de leur actualisation. De plus, il n'existe pas de grille uniforme de saisie des données. A cela s'ajoute que, sur le plan juridique et politique, la mise en réseau des données administratives ne convainc pas. Cette solution implique la création d'une banque de données qui contient les revenus de toutes les personnes résidant ou travaillant en Suisse. Or, un tel registre n'est pas conciliable avec les objectifs originaux des différentes banques de données. Ces dernières ont été élaborées pour garantir la mise en oeuvre des assurances, effectuer des contrôles de police relatifs à la population
étrangère résidente ou assurer l'exécution correcte de la procédure d'asile. La création d'une nouvelle banque de données ou la mise en réseau des registres existants aux fins de la lutte contre le travail au noir servirait un seul but, qui n'est pas conciliable avec la finalité, prévue dans les dispositions légales, de ces registres. En outre, une telle masse de données portant sur des catégories entières de la population fait apparaître les limites de la mise en réseau électronique. On peut se demander si un tel instrument permettrait véritablement d'augmenter l'efficacité de la lutte contre le travail au noir.

Comme corollaire à cette question se pose également celle de la proportionnalité du volume d'informations en regard de l'objectif visé.

3398

1.2.3.1.3

Avant-projet: mise en réseau limitée des données de l'assurance-chômage (AC) avec celles de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS)

Cette option est particulièrement pertinente dans le contexte de la lutte contre le travail au noir; elle est praticable et juridiquement réalisable. Dans le sens d'une appréhension globale des assurances sociales, les données relatives aux revenus détenues par les caisses de compensation AVS, qui sont responsables de la perception des cotisations d'assurance-chômage, peuvent être comparées avec les données portant sur les indemnités versées au titre de l'assurance-chômage et permettre ainsi d'identifier la perception abusive de ces dernières. Comme il a été indiqué ci-dessus, ce projet se base sur des banques de données, qui se trouvent déjà dans les services de l'AVS.

En pratique, la CdC comparera les indemnités journalières qui lui ont été versées au titre de l'AC par l'assurance-chômage pour l'année précédente avec les revenus comptabilisés durant la même période par les caisses de compensation AVS; si les périodes de paiement coïncident, elle informera les services de l'assurance-chômage.

Ceux-ci effectueront alors les vérifications nécessaires pour repérer d'éventuels cas de perception illégitime de prestations. Lors de la mise en oeuvre, des contrôles de plausibilité seront évidemment effectués ­ dans la mesure du possible ­ afin que le nombre de coïncidences signalées, qui doivent être poursuivies par les services de l'AVS, soit aussi proche que possible du nombre de cas de perception illégitime de prestations qui ont été confirmés.

1.2.3.1.4

Résultats de la consultation

Les mesures proposées dans le domaine de la mise en réseau des données ont été saluées par les participants à la procédure de consultation, qui ont par ailleurs fait des remarques ou des réserves concernant la proportionnalité. A ce propos, si l'on considère les applications existantes, on constate que la mise en oeuvre du système n'oblige ni à rechercher de nouvelles informations, ni à créer de nouvelles banques de données. La comparaison des données de l'assurance-chômage avec celles de l'AVS par et dans la CdC peut se faire entièrement sur la base des informations déjà disponibles. Le coût du développement du programme reste donc dans des limites raisonnables et la réalisation peut être rapide. Il faudra en outre procéder à des contrôles de plausibilité appropriés, qui permettront de ne transmettre que les éléments nécessaires à une vérification plus poussée aux services de l'assurance-chômage, pour lesquels le montant des versements douteux au titre de l'AC justifiera le coût des contrôles. On veillera également à ce que les éléments indiqués aient un degré élevé de vraisemblance. Ces contrôles de plausibilité seront effectués, durant la phase d'introduction, en étroite collaboration avec les parties prenantes.

A l'objection selon laquelle on ne disposerait qu'avec un certain retard des données de l'AC et des enregistrements dans les comptes individuels des assurés à l'AVS, on peut opposer les arguments ci-dessous. Les indemnités journalières de l'AC sont communiquées à la CdC au printemps de l'année suivante, tandis que l'enregistrement des cotisations AVS versées dans les comptes individuels se fait jusqu'à la fin de l'automne de la même année. Dans les faits, on ne peut donc constater les éven3399

tuels désaccords que plus d'une année après le versement des indemnités AC en question. Mais comme le remboursement peut être exigé jusqu'à cinq ans après versement, le retard en question ne compromet pas l'utilité de cette mesure. A ce propos, signalons également que si les gens savent qu'il est possible de faire une comparaison générale et automatisée des données, ceci peut avoir un effet dissuasif.

En outre, les bénéficiaires illégitimes d'indemnités de l'AC n'ont guère la possibilité d'influencer le décompte des prestations AVS. Nous partons plutôt de l'idée que les employeurs concernés ignorent généralement que leurs employés perçoivent, outre leur salaire, des prestations de l'assurance-chômage.

1.2.3.1.5

Mesure proposée dans le cadre de la LTN

En conséquence, la mise en réseau limitée aux données de l'AVS et de l'assurancechômage, proposée dans l'avant-projet, est maintenue. Elle implique une modification de l'art. 93, al. 2, LAVS.

Il est à noter que la mise en réseau des registres centraux des étrangers, des demandeurs d'asile et des autorités fiscales suisses chargées de la perception de l'impôt à la source, fera l'objet d'analyses plus approfondies dans le cadre du projet de banque de données «Etrangers 2000».

1.2.3.2

Devoir de communication des résultats des contrôles des employeurs

1.2.3.2.1

Point de la situation

Au regard de ce qui précède, une alternative se dessine, qui s'articule en deux volets: l'entraide administrative pour les cas particuliers et la communication, entre les autorités, des résultats des contrôles des employeurs.

D'abord, même si l'entraide administrative effectuée sur la base de demandes spécifiques est moins efficace que la mise en réseau de données administratives, elle se présente comme un instrument qui a son utilité dans le cadre de la lutte contre le travail au noir.

En second lieu, la communication, entre les autorités, des résultats des contrôles des employeurs apparaît indiquée. Dans le cadre de leurs compétences, les autorités effectuent périodiquement des contrôles d'employeurs et sont amenées à établir des constats. Ces contrôles sont notamment effectués dans les domaines suivants: ­

AVS/AI/APG: décompte des cotisations à l'AVS/AI/APG et à l'assurancechômage;

­

impôts: décomptes relatifs aux données fiscales;

­

droit des étrangers: détention d'une autorisation pour l'emploi de travailleurs étrangers;

­

assurance-chômage: indemnités pour les employeurs;

­

assurance-accidents: décompte des primes d'assurance-accidents;

3400

­

sécurité du travail: respect des dispositions en matière de protection contre les accidents et les maladies liées au travail;

­

asile: report des sûretés prélevées auprès des demandeurs d'asile.

Indiscutablement, la mise en valeur du résultat des différents contrôles des employeurs recèle un potentiel en matière de lutte contre le travail au noir. Une coordination, au sens strict du terme, des contrôles n'est toutefois pas possible, car ils présentent une grande diversité sur le plan de la périodicité, de l'étendue de la vérification, de la procédure de contrôle et de l'évaluation des résultats. L'uniformisation des contrôles est irréaliste. Par ailleurs, on peut se demander si l'introduction de contrôles simultanés ne gênerait pas trop la marche des entreprises. Ce qui poserait à nouveau la question de la proportionnalité d'un tel instrument en regard de l'objectif visé.

1.2.3.2.2

Avant-projet

Même sans coordination des contrôles des employeurs à proprement parler, la lutte contre le travail au noir peut se voir renforcée par l'échange, entre les autorités, des constats effectués lors de ces contrôles. Cette mesure permet, aux autorités informées, de se concentrer sur les «moutons noirs» lors de leurs propres activités de vérifications. L'effet est également d'ordre préventif, dans la mesure où chaque employeur devrait compter avec le fait qu'une infraction sérieuse constatée dans un domaine générerait des contrôles intensifs de la part d'autres autorités. Ce devoir de communication revient à inverser la pratique actuelle: le principe de la demande adressée à une autorité sur la base d'un soupçon relatif à un cas particulier se voit remplacé par celui de la communication d'office des informations de la part de cette même autorité.

Il est clair que ce type de procédure implique le respect des principes de la protection des données, en particulier celui de la proportionnalité. Ainsi, le devoir de communication ne concerne pas tous les manquements que les autorités peuvent être amenées à constater, mais les seules infractions qui livrent des indices de l'existence de cas de travail au noir. Par exemple, si, lors d'un contrôle, une caisse de compensation AVS découvre qu'un entrepreneur emploie des travailleurs étrangers sans régler leurs cotisations AVS, cela fournit une indication relative à une probable absence de permis de travail. Par contre, une erreur mineure dans le calcul des cotisations ne doit pas constituer un soupçon suffisant quant au non-respect généralisé de l'obligation de cotiser et donner lieu à une communication aux autorités fiscales.

Il est à noter que les communications de l'autorité doivent se limiter aux constations faites dans son domaine de compétences et ne porter pas préjudice à la personne concernée dans les domaines relevant d'autres autorités.

D'un point de vue pratique, l'organisation de cette procédure implique la création, pour chaque domaine, d'une centrale de réception des communications. Les différentes autorités peuvent la configurer en fonction de leurs besoins. Selon le domaine concerné, la solution peut être fédérale ou cantonale. La centrale a pour tâche de garantir la transmission des informations à l'autorité responsable, qui, quant à elle, a le devoir de prendre les dispositions appropriées.

3401

Dans la même optique, en vue d'améliorer la répression du travail au noir, les résultats des contrôles des employeurs doivent également être transmis aux organismes et services cantonaux qui effectuent des contrôles en matière de travail illicite, mentionnés au point 1.2.2. En retour, ceux-ci sont tenus de transmettre les résultats de leurs propres contrôles: ils doivent les adresser non seulement aux autorités responsables des législations pour lesquelles des indices d'infractions apparaissent, mais également aux autres autorités concernées par la procédure de communication.

1.2.3.2.3

Résultats de la consultation

Comme la mise en réseau des données de l'AVS et des données de l'assurancechômage, le devoir de communication des résultats des contrôles des employeurs recueille une majorité de réponses favorables. Les réserves émises proviennent notamment de certains milieux patronaux, qui contestent avant tout ­ en raison de leur position sur les compétences de contrôle des commissions tripartites ­ l'échange d'informations avec ces mêmes commissions ou, pour un nombre restreint d'entre eux, le caractère automatique et obligatoire de la transmission des résultats des contrôles des employeurs. Il est également demandé que les exigences de la protection des données et plus particulièrement le principe de proportionnalité soient respectés.

1.2.3.2.4

Mesures proposées dans le cadre de la LTN

Au vu de ce qui précède, la proposition d'instaurer un devoir de communication réciproque, entre les autorités ainsi qu'entre ces mêmes autorités et les organes cantonaux ­ des organismes ou services cantonaux choisis par les cantons (cf. ch.

1.2.2) ­ chargés des contrôles en matière de travail illicite, des résultats des contrôles d'employeurs est maintenue.

Nous proposons que les organes de contrôle susmentionnés informent ensuite d'euxmêmes d'autres services si l'examen met en évidence des indices d'irrégularités dans leurs domaines respectifs. C'est ainsi que procèdent l'AVS et l'assurance-accidents: quand il y a plusieurs contrôles des employeurs, les données de l'assuranceaccidents et celles de l'AVS sont examinées en même temps et par le même organe.

1.2.4

Renforcement des sanctions

A l'heure actuelle, la répression du travail au noir en Suisse présente des lacunes non seulement sur le plan des contrôles, mais également concernant les sanctions infligées aux personnes violant les prescriptions légales concernées. Les peines prononcées sont souvent d'un niveau sans rapport avec la gravité réelle des infractions constatées et ne remplissent donc pas l'objectif souhaité. Dans le but premier de produire un effet réellement dissuasif sur le travail au noir et celui, plus accessoire, de dégager des moyens pour le financement des contrôles, un renforcement des sanctions s'impose. Les sanctions prévues contre des employés sont généralement déjà suffisamment sévères. Le renforcement des sanctions doit avant tout se traduire par une punition plus systématique des employeurs. Il importe de faire en sorte que le travail au noir ne soit pas profitable.

3402

Le renforcement des sanctions se traduit par la création d'une nouvelle mesure horizontale, l'exclusion de la procédure d'attribution des marchés publics, ainsi que par des sanctions pénales et administratives accrues dans les domaines de la maind'oeuvre étrangère et des assurances sociales. Par contre, il s'avère qu'il n'y a pas lieu de renforcer les sanctions dans le domaine du droit fiscal. En effet, l'impôt soustrait, les intérêts moratoires ainsi que de l'amende constituent souvent une somme considérable. On rappellera en outre que la poursuite de la soustraction fiscale peut porter sur les dix années précédentes et qu'il faut ajouter aux sanctions pour l'impôt fédéral celles des législations cantonales et communales, ce qui implique le paiement de rappels d'impôt et d'amendes supplémentaires. Là aussi, l'usage de faux entraîne des sanctions additionnelles. L'escroquerie fiscale entraîne également des peines d'emprisonnement.

Au vu de la diversité des cas de travail au noir, pour des motifs de proportionnalité, il est renoncé à proposer la fixation de peines et d'amendes minimales. Il appartient au juge pénal de déterminer le montant de l'amende, qui devrait représenter pour l'auteur de l'acte une perte financière proportionnelle à la faute commise. En la matière, il y a lieu de prendre en considération la situation économique ainsi que le degré d'endettement.

En introduisant des normes administratives et pénales plus sévères et en se référant aux sanctions déjà prévues dans plusieurs législations, le Conseil fédéral entend souligner la gravité de l'infraction et renforcer la coresponsabilité du juge. Par conséquent, on peut espérer que, dans la pratique, les autorités judiciaires tendront à infliger des peines plus en adéquation avec la gravité réelle des infractions commises, que ses mesures aient, à l'avenir, l'effet dissuasif souhaité.

Il va de soi que le renforcement des sanctions devra s'accompagner du travail d'information nécessaire, en particulier à l'attention des employeurs.

1.2.4.1

Exclusion de la procédure d'attribution des marchés publics

Outre l'aggravation des sanctions pénales et administratives découlant des diverses législations pertinentes (infractions au droit des étrangers, aux assurances sociales, etc.), il a donc été décidé de proposer la création d'une nouvelle mesure qui consiste en une exclusion des procédures d'attribution des marchés publics.

1.2.4.1.1

Point de la situation

La loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics11 (LMP) permet l'exclusion d'un soumissionnaire ou la révocation d'adjudication si le soumissionnaire ne satisfait plus aux conditions de la loi, notamment s'il ne respecte pas les conditions de travail usuelles ou s'il ne s'est pas acquitté des impôts ou des charges sociales (art. 11). Néanmoins, cette mesure ne porte que sur l'adjudication en cours et ne déploie aucun effet général.

11

RS 172.056.1

3403

En matière de lutte contre le travail au noir et afin de renforcer le caractère dissuasif de la mesure, il est proposé de créer une nouvelle sanction qui aurait pour conséquence l'exclusion non d'un marché particulier mais générale, pour une période limitée.

1.2.4.1.2

Avant-projet

Au stade de l'avant-projet, on avait prévu, en cas de violation grave des dispositions légales ou conventionnelles pertinentes en matière de lutte contre le travail au noir, l'exclusion générale de tous les marchés publics ­ aux niveaux communal, cantonal et fédéral ­ pour une durée limitée, que la violation de la norme soit intervenue dans le cadre d'un marché public ou non. La compétence décisionnelle appartenait à la commission tripartite du canton dans lequel les infractions avaient été constatées.

1.2.4.1.3

Résultats de la procédure de consultation

Cette mesure a donné lieu à des critiques de diverses natures lors de la consultation.

Le fait que la compétence de décision appartienne à la commission tripartite a provoqué des oppositions de principe (notamment de tous les milieux opposés à l'institution d'une telle commission dans ce domaine) ainsi que des inquiétudes quant aux voies de droit à disposition du justiciable face à une telle décision.

Du fait de ces remarques et en raison de la décision de ne plus recourir systématiquement aux commissions tripartites, le présent projet confie la compétence décisionnelle à une autorité cantonale.

Sur le fond, la principale critique a trait au fait que cette mesure est ressentie comme créant une inégalité de traitement entre branches économiques susceptibles d'offrir leurs services dans le cadre de marchés publics, sur lesquelles la sanction aurait de l'effet, et les autres branches ou entreprises qui en raison de la nature de leur prestations ne participent jamais à un marché public et pour lesquelles la mesure serait dépourvue de toute efficacité.

S'il est vrai que les effets de la mesure seront ressentis différemment d'une branche économique à l'autre, il convient de souligner que les premiers concernés, les employeurs du secteur principal de la construction et du second oeuvre, soutiennent une mesure qu'ils jugent nécessaire. La seule façon d'apporter un correctif à la mesure dans le sens souhaité par ses opposants serait de limiter l'exclusion des marchés publics aux infractions constatées dans le cadre de l'exécution d'un marché public. Outre le fait que les branches actives dans ce secteur feraient toutefois de la sorte aussi l'objet d'une sanction ne touchant pas les autres branches, une telle solution correspondrait à peu de chose près à la situation actuelle. Or, le but du présent projet est de renforcer les sanctions. D'autre part, il paraît opportun de corriger une situation moult fois dénoncée par les milieux qui soutiennent la mesure proposée et qui considèrent anormal et de nature à fausser les conditions d'une saine concurrence, qu'il suffise qu'une entreprise «se comporte bien» dans le cadre de l'exécution des marchés publics, indépendamment des infractions qu'elle commet dans le cadre des mandats privés qui lui sont confiés.

3404

1.2.4.1.4

Nouvelle sanction dans le cadre de la LTN

Sur la base de ces différents éléments, il a été décidé de maintenir la mesure proposée dans l'avant-projet en l'amendant légèrement. Ainsi, seules peuvent conduire à une exclusion des marchés publics des violations graves des dispositions légales. Le volet conventionnel a été abandonné, dans la mesure où il n'appartient pas à l'Etat de sanctionner par des mesures de droit public le non-respect d'engagements contractuels. Au surplus, et en vertu de la législation pertinente en matière de marchés publics, une adjudication ne devrait jamais intervenir au profit d'un soumissionnaire qui ne respecte pas les conditions de travail usuelles au lieu d'exécution de la prestation.

Comme nous l'avons dit plus haut, la compétence décisionnelle a été transférée à une autorité cantonale qui devra prononcer une sanction, d'une durée de cinq ans au maximum, sur la base des décisions définitives qui lui auront été communiquées par les autorités compétentes (art. 18 du projet). La durée de l'exclusion dépendra évidemment de la gravité des infractions constatées.

1.2.4.2

Main-d'oeuvre étrangère

1.2.4.2.1

Point de la situation

1.2.4.2.1.1

Dispositions pénales de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE) 12

La législation actuelle sur les étrangers prévoit à l'art. 23, al. 4, LSEE, comme sanction contre l'employeur qui aura occupé des étrangers non autorisé à travailler en Suisse, une amende de 5 000 francs pour chaque étranger employé illégalement. En cas de récidive en l'espace de cinq ans, il pourra être puni, en plus de l'amende, de l'emprisonnement jusqu'à six mois ou des arrêts (art. 23, al. 5, LSEE). Les autres infractions aux prescriptions sur la police des étrangers commises par l'employeur ou par le travailleur peuvent en outre être punies de l'amende jusqu'à 2000 francs (art. 23, al. 6, LSEE).

Par ailleurs, des sanctions administratives sont prévues à l'art. 55 de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21). Si un employeur a enfreint à plusieurs reprises ou gravement les prescriptions du droit des étrangers, les autorités du marché du travail peuvent rejeter totalement ou partiellement ses demandes. L'autorisation peut aussi être retirée au bailleur de services (art.

16, al. 1, let. b, de la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l'emploi et la location de services; LSE; RS 823.11). Néanmoins, en présence de motifs graves, une mesure d'expulsion ou d'interdiction d'entrée de trois ans au plus peut être prononcée contre un étranger (art. 10 et 13 LSEE).

12

RS 142.20

3405

1.2.4.2.1.2

Observations et conclusions de la commission d'experts chargée de la révision totale de la LSEE

Dans leur rapport explicatif concernant la nouvelle loi fédérale sur les étrangers (LEtr) de juin 200013, les experts chargés de la révision totale de la LSEE sont également arrivés à la conclusion qu'il y avait lieu de durcir les dispositions pénales de la LSEE. En effet, des sanctions plus sévères devraient être systématiquement infligées, avant tout aux employeurs. L'occupation illégale d'étrangers, généralement sanctionnée comme une contravention, sera désormais qualifiée de délit au sens de l'art. 9 du code pénal (CP; RS 311.0). Dès lors qu'il existe un lien étroit entre les filières de passeurs et l'occupation illégale d'étrangers, la commission d'experts a estimé qu'il fallait prévoir dans le projet de LEtr des bases légales permettant de lutter plus efficacement contre les réseaux de passeurs. Sont également concernées les sanctions relatives à la location de services illicites.

1.2.4.2.1.3

Résultats de la procédure de consultation relative au projet de LEtr

La procédure de consultation relative à la LEtr s'est achevée en novembre 2000. Le Conseil fédéral a pris acte des résultats de cette consultation14 le 15 juin 2001 et a chargé le DFJP d'élaborer un message ainsi qu'un projet de loi.

La plupart des participants à la consultation sur la LEtr, comme lors de la consultation relative à la LTN, se sont prononcés en faveur d'un durcissement des sanctions.

Ils demandent toutefois l'information préalable des employeurs. La peine minimale d'un an d'emprisonnement et l'amende d'un million de francs ont fait l'objet de critiques généralisées. Par conséquent, la peine minimale d'un an de prison sera supprimée du projet de loi définitif.

Par ailleurs, l'exclusion des mandats publics des entreprises qui ont enfreint les prescriptions de la législation sur les étrangers est supprimée du projet de loi définitif. Cette disposition sera intégrée dans la loi fédérale contre le travail au noir (LTN) (cf. ch. 1.2.4.1) comme l'ont demandé à juste titre certains participants à la consultation. Cette sanction punira les employeurs qui occupent des travailleurs ­ indépendamment de leur nationalité ­ en violation des prescriptions légales contraignantes. Il ne suffit pas d'introduire de pareilles sanctions dans la législation sur les étrangers, étant donné que le travail au noir ne se limite pas à la nationalité (cf. également art. 2, LTN). La réglementation de l'exclusion des mandats publics dans la LTN, qui s'applique aussi bien aux citoyens suisses qu'aux ressortissants étrangers, constitue une mesure efficace de lutte contre le travail au noir. Afin d'exclure les décisions contradictoires, il faut éviter que la même sanction ne figure dans deux textes légaux relevant de compétences différentes.

13 14

Le rapport explicatif est disponible auprès de l'Office fédéral des étrangers (OFE), Quellenweg 15, 3003 Berne.

Le compte-rendu des résultats de la procédure de consultation est aussi disponible à l'OFE.

3406

1.2.4.2.2

Nouvelles dispositions pénales et sanctions de la LEtr

1.2.4.2.2.1

Dispositions pénales de la LEtr

Sur la base des résultats de la procédure de consultation, l'étranger qui sera entré, aura séjourné ou travaillé sans autorisation en Suisse, sera puni de l'emprisonnement jusqu'à une année ou d'une amende de 20 000 francs au plus.

L'employeur ou le mandant de prestations de services qui aura commis une infraction dans ce contexte sera puni de l'emprisonnement jusqu'à une année. Cette peine peut être assortie d'une amende de 500 000 francs au plus. Ainsi, les employeurs seront punis plus sévèrement que les travailleurs. En cas de récidive (en l'espace de cinq ans après l'infraction), une peine d'emprisonnement de trois ans au plus (art. 36 CP) et une amende de 1000 000 de francs au plus peuvent être infligées à l'employeur. Le projet mis en consultation prévoyait une peine d'emprisonnement minimale d'une année. Pour des raisons de proportionnalité, il a été renoncé à l'introduction d'amendes minimales. En effet, il convient plutôt de laisser au juge la liberté d'appréciation selon la réglementation générale de l'art. 63 CP. Le montant de l'amende sera déterminé en fonction de l'infraction commise et de telle sorte que l'auteur soit puni de manière adéquate.

Des bases légales seront en outre créées en vue de combattre plus efficacement les réseaux de passeurs; ces derniers seront punis de l'emprisonnement jusqu'à une année ou d'une amende de 100 000 francs (lorsque le passeur agit comme membre d'une bande). La location de services illicites dans ce contexte sera punie de l'emprisonnement d'une année au plus ou d'une amende. Les passeurs qui agissent depuis la Suisse seront également punissables.

Les contraventions telles que les violations de l'obligation de s'annoncer, l'inobservation des conditions liées à une autorisation et le changement d'emploi sans autorisation seront passibles d'une amende de 5 000 francs au plus.

Outre le durcissement des normes pénales relatives au travail au noir, qui figurent déjà dans la LSEE, le projet de LEtr prévoit un nouveau fait constitutif de l'infraction est prévu dans. Il s'agit du comportement frauduleux à l'égard des autorités. Désormais, quiconque induit en erreur les autorités chargées de l'application de la loi en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et, de ce fait obtient frauduleusement une autorisation, sera
également puni. Cette disposition permet de sanctionner en particulier l'inobservation de l'obligation de collaborer de l'employeur et du travailleur lors de la procédure d'autorisation ainsi que le fait d'induire en erreur les autorités.

Enfin, le projet permet expressément au juge de confisquer les valeurs patrimoniales.

1.2.4.2.2.2

Sanctions contre les employeurs prévues dans la LEtr

L'employeur devra désormais prendre à sa charge les frais d'assistance, y compris en cas d'accident et de maladie, ainsi que les frais de rapatriement des travailleurs qu'il a occupés, ou qu'il voulait engager sans autorisation. L'assurance est ainsi donnée que les frais ne devront pas être supportés par la collectivité. Jusqu'ici, la responsabilité de l'employeur se limitait aux frais d'assistance et au rapatriement (cf.

3407

art. 55, al. 3, OLE ). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les frais consécutifs aux accidents ou aux maladies n'étaient pas compris (ATF 122 II 465).

Si un employeur enfreint à plusieurs reprises les prescriptions du droit des étrangers, les autorités compétentes peuvent rejeter totalement ou partiellement sa demande d'admission de main-d'oeuvre étrangère. Selon la gravité de l'infraction, il peut se révéler justifié et proportionné d'exclure durant un certain temps l'employeur de l'octroi de nouvelles autorisations ou de l'attribution de contingents. Cette sanction n'est cependant admissible que lorsque l'étranger ne dispose pas d'un droit individuel à la délivrance d'une autorisation de séjour.

Certaines des sanctions susmentionnées figurent déjà dans l'OLE; elles seront désormais inscrites dans la loi.

L'exclusion des mandats publics prévue dans le projet de LEtr mis en consultation sera en revanche réglementée dans la LTN (cf. chiffre 1.4).

1.2.4.2.3

Suite des travaux

Le Conseil fédéral devrait adopter au printemps 2002 le projet définitif de LEtr ainsi que le message à l'attention du Parlement. Il est par conséquent judicieux de poursuivre formellement, dans le cadre des travaux législatifs concernant la LEtr, l'élaboration des nouvelles dispositions pénales et des sanctions de la LEtr, indépendamment du projet de la Confédération «Lutte contre le travail au noir». D'un point de vue matériel, ces dispositions constituent une partie des mesures visant à combattre le travail au noir, que le Conseil fédéral a mises en consultation le 30 août 2000.

1.2.4.3

Assurances sociales

1.2.4.3.1

Point de la situation

1.2.4.3.1.1

Dispositions pénales en vigueur

1.2.4.3.1.1.1

AVS/AA/AI/PP

Les dispositions pénales prévoient en principe une peine d'emprisonnement jusqu'à six mois et des amendes jusqu'à 30 000 francs (AVS), voire 40 000 francs (AA).

Seule la LPP connaît une amende maximale de 20 000 francs. Ce montant doit toutefois être porté au niveau de l'AVS dans le cadre de la 1re révision de la LPP.

Hormis les dispositions pénales proprement dites, la LAA contient également une mesure spéciale à caractère pénal. La CNA et la caisse supplétive de l'assuranceaccidents15 ont la possibilité d'exiger des primes dites spéciales de la part des employeurs qui se sont dérobés à leur obligation, dans les limites du délai de prescription et à concurrence du montant des primes dues. Ce montant peut être doublé lorsque d'une manière inexcusable, l'employeur s'est soustrait à l'obligation d'assurer ses travailleurs ou de payer les primes. En cas de récidive de la part de 15

La caisse supplétive alloue les prestations légales d'assurance aux personnes qui, bien que soumises à l'obligation de s'assurer, n'ont cependant pas été assurées par leur employeur.

3408

l'employeur, les primes spéciales peuvent atteindre un montant de trois à dix fois celui des primes dues (art. 95, al. 1, LAA).

Les sanctions pénales pour des prestations indûment perçues en raison d'une activité lucrative non déclarée sont réglementées dans l'AI et dans la prévoyance professionnnelle selon les dispositions relatives à l'évasion de l'obligation de cotiser. Une réglementation expresse n'existe pas dans l'assurance-accidents. L'obtention illicite d'une prestation peut selon les cas être englobée dans les dispositions générales relatives aux renseignements inexacts et, en tant que contravention, être punie d'amende.

Indépendamment de la peine prévue, l'assurance-invalidité et l'assurance-accidents prévoient l'obligation de restitution dans les limites d'un délai de prescription absolu de cinq ans16 (art. 49 LAI en relation avec l'art. 47, al. 1, LAVS, et 52 LAA).

1.2.4.3.1.1.2

Assurance-chômage

La LACI (art. 105) prévoit, que l'employeur et l'employé peuvent être punis d'une peine de 6 mois d'emprisonnement ou plus et d'une amende de 20 000 francs ou plus, à moins qu'il s'agisse d'un délit selon le code pénal. Le remboursement des sommes indûment touchées est également réglé dans la loi (art 95 LACI).

1.2.4.3.1.2

Avant-projet

1.2.4.3.1.2.1

Aggravation des peines prévues

1.2.4.3.1.2.1.1

Renoncement dans le cadre de l'AVS/AA/PP

L'amende prévue par la LAVS et ­ après sa première révision ­ par la LPP se situe à peu près à hauteur du montant maximum retenu par le CP. En vertu de la LAA, il est même possible d'infliger une amende maximale de 40 000 francs. Une aggravation des dispositions pénales ne nous paraît pas indiquée. Si en plus de l'occupation illégale, d'autres éléments constitutifs d'infraction selon le CP sont remplis, qui sont punis d'une peine plus sévère (par ex. falsification de documents), les dispositions du CP s'appliquent de toutes façons et de manière directe.

1.2.4.3.1.2.1.2

Aggravation dans le cadre de l'assurance-chômage

Dans le but d'harmoniser les sanctions de l'AC et celles de l'AVS, il a été proposé d'augmenter le montant maximal des amendes de 20 000 à 30 000 francs.

16

L'obligation de restitution des prestations indûment touchées existe également dans la LAVS. S'agissant de la lutte contre le travail au noir, cette réglementation n'est cependant pas déterminante.

3409

1.2.4.3.1.2.2

Supplément aux cotisations AVS/AI/APG à titre de pénalité

En plus de l'aggravation des dispositions pénales, il y a également lieu de créer le moyen de financer un contrôle renforcé des entreprises. Nous proposons en conséquence d'introduire dans le domaine AVS/AI/APG une sanction administrative comparable aux primes spéciales de l'assurance-accidents.

Lors de l'élaboration de cette mesure, il faudra tenir compte du fait que les cotisations AVS sont à peu près dix fois plus élevées que les primes de l'assurance-accidents. La solution de l'AVS ne peut donc pas prendre la forme d'un multiple du montant normal des cotisations, mais au contraire d'un «supplément imposé à titre pénal», en sus des cotisations impayées. Ces cotisations doivent être affectées au financement de l'amélioration des contrôles effectués chez les employeurs.

Par analogie, il est prévu d'introduire la même sanction administrative dans le cadre de l'assurance-chômage.

1.2.4.3.1.2.3

Sanctions dans le cadre de l'assurance-chômage (indemnités pour la réduction de l'horaire de travail et en cas d'intempéries)

Il a également été proposé de renforcer les sanctions administratives contre les employeurs dans deux domaines spécifiques: la réduction de l'horaire de travail et les indemnités pour intempéries. Il arrive que des entrepreneurs, tout en touchant des indemnités à l'un ou l'autre de ces titres, continuent à faire fonctionner leur entreprise normalement, c'est-à-dire à employer des personnes au noir. La loi sur l'assurance-chômage prévoit déjà, dans ces cas, des sanctions contre l'employeur, notamment le remboursement des prestations indûment touchées. Pour décourager davantage ce genre de comportement, il est proposé d'introduire une sanction administrative consistant à suspendre les droits aux deux catégories d'indemnités en question pour une période de cinq ans au plus. La sanction est croisée pour éviter que l'employeur puni d'une suspension relative à la réduction de l'horaire de travail ne contourne la pénalité en recourant à l'indemnité en cas d'intempéries, et viceversa.

1.2.4.3.1.3

Résultats de la consultation

La Fédération des Sociétés suisses d'Employés, la Confédération des syndicats chrétiens de Suisse, le syndicat Syna, AR et le PCS ont demandé que des sanctions globalement plus sévères soient prévues dans les lois relatives aux assurances sociales.

L'augmentation de l'amende maximale de 20 000 à 30 000 francs dans l'assurancechômage n'a pas été contestée. Certains auraient cependant aussi souhaité quelle soit plus élevée.

La création d'une pénalité en majoration des contributions dans le cadre de l'AVS/AI/APG, pas plus que celle proposée dans le cadre de l'AC, n'a pas rencontré d'opposition. Les milieux concernés ont aussi eu l'occasion de s'exprimer sur cette

3410

dernière mesure dans le cadre de la consultation relative à la révision de l'assurancechômage. Seul GastroSuisse s'y était opposé.

La suspension du droit à la réduction de l'horaire de travail et aux indemnités en cas d'intempéries (sanction croisée) dans le cadre de l'assurance-chômage a été différemment appréciée dans la consultation relative à la LTN et dans celle relative à la révision de la LACI. Lors de la première consultation, la mesure a été bien acceptée par la majorité des milieux qui se sont exprimés à ce sujet. Par contre, l'Union suisse des arts et métiers s'y est opposée; SG, SZ, UR ont craint que la mesure ne soit mal ciblée et qu'elle ne touche davantage les travailleurs que les employeurs; BS et la Fédération romande des syndicats patronaux étaient d'avis que l'application des sanctions n'était pas réglée en cas de changement de raison sociale de l'entreprise.

Lors de la seconde consultation, les avis étaient nettement favorable au rejet de la mesure. Les principales raisons avancées ont été la difficulté de circonscrire la mesure aux employeurs, le principe de la proportionnalité, la question de la raison sociale. Un certain nombre de cantons ont en revanche suggéré une autre solution: le remboursement par l'employeur d'une somme pouvant aller jusqu'au double, des indemnités indûment touchées.

1.2.4.3.2

Nouvelles sanctions

Sur le plan formel, il s'agit de préciser que certaines nouvelles sanctions sont proposées dans la nouvelle loi fédérale contre le travail au noir (LTN), alors que d'autres sont prévues dans le cadre de la révision en cours de la loi du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage (LACI)17. Il a été opté pour le même principe que dans le cas du renforcement des sanctions dans le domaine de la main-d'oeuvre étrangère, à savoir que les modifications légales nécessaires sont effectuées dans les lois pertinentes lorsqu'une révision est en cours (sanctions dans le domaine de l'assurancechômage), sinon dans la LTN (sanctions dans le domaine de l'AVS). Une seule exception est prévue à ce principe: la pénalité en majoration des contributions AC est prévue dans le cadre de la LTN, car elle est introduite par analogie à la modification proposée de la LAVS à laquelle elle est formellement liée.

1.2.4.3.2.1

Nouvelles sanctions dans le cadre de la LTN

N'ayant pas été combattues, les pénalités en majoration des contributions AVS/AI/APG et des contributions AC sont proposées dans le chapitre des modifications du droit en vigueur de la LTN (respectivement modification de la LAVS et, par analogie, de la LACI).

17

RS 837.0

3411

1.2.4.3.2.2

Nouvelles sanctions dans le cadre de la révision de la LACI

N'ayant pas non plus rencontré d'opposition, l'augmentation du montant maximal des amendes à 30 000 francs dans le domaine de l'assurance-chômage a été reprise sans autre (art. 105, cinquième tiret, LACI18).

Par contre, toujours dans le domaine de l'assurance-chômage, eu égard aux résultats de la consultation, la sanction «croisée» proposée dans le domaine des indemnités pour la réduction de l'horaire de travail et pour intempéries a été modifiée: au lieu d'une suspension du droit aux indemnités pour cause d'intempéries et de réduction de l'horaire de travail, les employeurs fautifs pourront se voir infliger une sanction qui les obligerait à devoir restituer, à la caisse de chômage, une somme pouvant atteindre le double du montant des indemnités indûment perçues (art 88, al. 2ter, LACI, message du 28.2.200119).

A ce titre, nous renvoyons également le lecteur aux points 1.3.3.2 et 2.1 du message du Conseil fédéral du 28 février 2001 à l'appui d'une révision de la loi sur l'assurance-chômage (FF 2001 2123).

1.3

Classement des interventions parlementaires

Les postulats Jutzet «Mesures contre le travail au noir» (96.3090), Imhof «Lutte contre le travail au noir. Instances de contrôle cantonales» (97.3476), Eymann «Campagne d'information nationale contre le travail au noir» (97.3477) et du Groupe démocrate-chrétien «Libre circulation des personnes dans le cadre des accords bilatéraux avec l'UE. Travail au noir» (99.3223), ainsi que la motion Tschopp «Train de mesures contre le travail au noir» (97.3478), qui demandaient tous l'examen ou la mise en oeuvre de mesures telles que le prévoit le présent projet, peuvent être classés.

18

19

Art. 105, 5° paragraphe, LACI: «sera puni de l'emprisonnement pour six mois au plus ou d'une amende de 30 000francs au plus, à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée par le code pénal. Les deux peines peuvent être cumulées.» Art. 88, al. 2ter, LACI (message du 28.2.2001, FF 2001 2177): «Il crée une base légale, qui permet de réclamer à un employeur ayant obtenu indûment l'indemnité en cas réduction de l'horaire de travail ou l'indemnité en cas d'intempéries un montant pouvant aller jusqu'au double des prestations perçues. Cette règle vise à lutter contre les abus. Jusqu'ici, seul pouvait être réclamé le remboursement des indemnités versées. Cette règle déroge ainsi à l'art. 25 LPGA.»

3412

2

Partie spéciale

2.1

Commentaires des dispositions

Art. 1

Objet

L'art. 1 définit l'objet de la loi. Comme l'indique le titre de l'acte législatif proposé, il s'agit de lutter contre le travail au noir. Pour ce faire, la loi propose plusieurs voies distinctes.

Tout d'abord, la loi elle-même (art. 1 à 28) qui tend à renforcer les structures cantonales de contrôle et à améliorer l'efficacité des mesures prises par une meilleure coordination des actions menées. L'objectif de coordination doit en particulier être réalisé par l'instauration de flux d'informations entre les autorités concernées par la problématique du travail au noir et la création d'un organe cantonal qui a une vision globale des problèmes. Ce dispositif est complété par un renforcement des sanctions (art. 18, ainsi que les modifications de la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants et de la loi fédérale sur l'assurance-chômage; des modifications additionnelles sont effectuées, du fait de leur révision , dans le cadre de la nouvelle loi sur les étrangers et de la loi sur l'assurance-chômage).

A côté de ce volet répressif, le projet instaure également, par des modifications de la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants et de la loi fédérale sur l'assurance-accidents, un dispositif incitatif devant rendre le travail au noir moins attrayant du fait de la simplification des procédures de décomptes avec les assurances sociales pour les personnes exerçant des activités de portée limitée.

Le Conseil fédéral prévoit également une vaste campagne d'information et de sensibilisation sur les problèmes que génèrent le travail au noir et les moyens offerts par la nouvelle législation. Cette campagne devra être le fait de la Confédération, des cantons et des partenaires sociaux.

Art. 2

Définitions

L'art. 2 définit le travail au noir. Il présente une liste non exhaustive de situations qui constituent à chaque fois une violation d'une règle légale ou conventionnelle et un cas de travail au noir. On peut d'emblée mentionner que dans la plupart des cas de travail au noir, plusieurs de ces situations sont réalisées simultanément (travailleur étranger sans permis de séjour ou de travail, non déclaré aux assurances sociales et pour lequel aucun impôt à la source n'est prélevé; travailleur exerçant sa profession le samedi pour des tiers en violation d'une disposition d'une convention collective sans déclaration au fisc ni aux assurances sociales). Il se peut toutefois que seule une des situations définies à l'art. 2 s'applique.

Les situations décrites aux let. a à h sont claires et n'appellent pas de commentaire, à l'exception de la let. e.

L'art. 2, let. e, traite du cas des «pseudo-indépendants». Il vise la situation dans laquelle une personne est engagée par une autre pour exécuter un travail en tant qu'indépendant alors que, juridiquement, la relation entre ces personnes devrait être qualifiée de contrat de travail. Cela permet à l'employeur d'engager de la maind'oeuvre uniquement en cas de besoin et pour un travail précis sans avoir à respecter de délai de résiliation pour se défaire de la personne mais surtout cela lui évite d'avoir à supporter les charges sociales afférentes à une relation de travail. Il en 3413

résulte naturellement un important déficit de protection pour le travailleur (règles protectrices du droit du travail inapplicables, pas de droit aux prestations de l'assurance-chômage, etc.), des rentrées diminuées pour les assurances sociales (taux de cotisation inférieur pour les indépendants) et des distorsions de concurrence importantes entre les employeurs engageant des travailleurs et ceux ayant recours à des pseudo-indépendants. La gravité de ces conséquences a incité le groupe de travail à faire de ce procédé un cas de travail au noir.

A noter qu'il a volontairement été renoncé à faire du non-respect de dispositions du contrat de travail une situation de travail au noir. En effet, en vertu des principes de la liberté contractuelle et de l'autonomie des parties, il n'appartient pas à l'Etat de veiller d'office au respect de clauses contractuelles relevant strictement du droit privé. Pour les mêmes raisons, le travail exercé durant le temps libre en violation d'une CCT relève des contrôles effectués par les commissions paritaires. Il ne saurait être question pour un organisme public de veiller d'office au respect d'une CCT.

Art. 3

Service cantonal et commission de contrôle cantonale

L'art. 3 pose l'obligation pour les cantons de désigner un service de son administration ou d'instituer une commission de contrôle pour assumer les nouvelles tâches prévues par la loi. Comme nous l'avons dit, il a été renoncé à la généralisation du recours aux commissions tripartites, le projet laissant aux cantons le choix d'un modèle. Cette proposition permettra aux cantons ayant déjà mis sur pied une structure autre qu'une commission tripartite de pouvoir la conserver et à ceux qui souhaitent confier ces nouvelles tâches à un service administratif de le faire. Les cantons qui prendront l'option de confier ces tâches à une structure externe non encore déterminée, pourront sans autre, s'ils le souhaitent, désigner la commission tripartite prévue dans le cadre des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes. Il est en effet incontestable que les deux activités sont très proches et qu'une telle pratique pourrait non seulement permettre des économies mais aussi améliorer considérablement l'efficacité.

A côté des représentants des partenaires sociaux et des éventuels autres partenaires impliqués ­ on pense ici principalement à la CNA, selon le modèle vaudois ­ qui ont qualité de membres, la commission tripartite, doit pouvoir, occasionnellement accueillir en son sein, pour traiter d'un problème particulier, des spécialistes ou les experts. Ces personnes ne peuvent toutefois en aucun cas être considérées comme des membres de la commission ni disposer d'une voix délibérative.

Enfin, l'al. 4 prévoit l'obligation pour le service cantonal ou la commission de contrôle cantonale de rédiger un rapport annuel d'activité mentionnant également les sanctions qui lui ont été communiquées à l'attention de l'autorité fédérale compétente. Il s'agit de la Direction du travail du Secrétariat d'Etat à l'économie (seco).

Le but de cette disposition est de permettre à l'autorité fédérale d'avoir une vision générale de ce qui s'est fait dans le pays en matière de lutte contre le travail au noir.

Art. 4

Délégation de compétences

L'art. 4 pose le principe selon lequel le service cantonal ou la commission de contrôle cantonale institué en vertu de l'art. 3 peut déléguer tout ou partie de ses compétences en matière de lutte contre le travail au noir à la commission paritaire d'une branche déterminée. Comme le précise le projet de loi, les compétences déléguées ne peuvent porter que sur l'exécution de contrôle auprès des entreprises 3414

appartenant à la branche et soumises à la convention collective de travail portant création de la commission paritaire. Cela signifie donc qu'en présence d'une convention collective dont le champ d'application a fait l'objet d'une décision d'extension, la commission paritaire pourra intervenir dans toutes les entreprises de la branche alors que, dans les branches dotées d'une convention collective n'ayant pas fait l'objet d'une décision d'extension, seules les entreprises membres des associations contractantes pourront être contrôlées. A souligner que pour que la branche soit considérée comme étant régie par une CCT, il est nécessaire qu'elle dispose d'une convention de branche. Si, dans la branche concernée, il n'y a qu'une ou plusieurs conventions collectives d'entreprises, la commission paritaire ne pourra pas procéder aux contrôles.

L'al. 2 précise que la délégation intervient sur la base d'un contrat de prestations fixant avec précision l'étendue des compétences déléguées, tant du point de vue matériel que territorial par exemple, et fixe l'indemnisation due à la commission paritaire.

L'al. 3 rappelle que les contrôles peuvent également porter, s'agissant d'entreprises soumises à une CCT, sur l'application des dispositions de la CCT relatives au travail au noir.

Art. 5

Compétences des services cantonaux et des commissions de contrôle cantonales

L'art. 5 institue une compétence générale et par défaut du service cantonal ou de la commission de contrôle cantonale désigné en vertu de l'art. 3. Cet organisme peut ensuite déléguer tout ou partie de ses compétences de contrôle à une commission paritaire.

Par analogie avec la règle posée à l'art. 6 de la loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail (LECCT)20, l'al. 2 règle une série de cas spéciaux dans lesquels le service cantonal ou la commission de contrôle pourra être appelé à désigner un organe de contrôle indépendant des parties en lieu et place de la commission paritaire qui serait normalement compétente pour procéder aux contrôles en vertu de la délégation. Une telle demande pourra être déposée: ­

par un employeur soumis à une CCT étendue et qui n'est pas membre d'une association signataire;

­

par la commission paritaire lorsqu'un employeur visé à la let. a refuse de se soumettre à un contrôle de ladite commission paritaire.

L'al. 3 prévoit une surveillance de l'activité des commissions paritaires dans le cadre des tâches déléguées. S'il ne doit naturellement pas s'agir d'une surveillance de type policier, il est important que l'organe cantonal de coordination ait la possibilité d'exercer un contrôle et, le cas échéant, de formuler des recommandations (exécution des contrôles, formes des procès-verbaux, etc.). Il est clair que la surveillance et la possibilité de formuler des recommandations ne concernent que les tâches déléguées à la commission paritaire et ne sauraient aucunement se rapporter aux activités de la commission paritaire d'exécution de la convention collective.

20

RS 221.215.311

3415

Art. 6

Personnes chargées des contrôles

L'art. 6 précise que les contrôles seront en principe effectués par des inspecteurs engagés à cette fin. Si cela sera toujours le cas pour les contrôles effectués par le service cantonal ou par la commission de contrôle cantonale, les commissions paritaires pourront soit recourir à des inspecteurs soit confier cette tâche à leurs membres. Cette distinction se justifie par le fait que les commissions de contrôle seront appelées à intervenir dans des branches économiques dépourvues de CCT.

Or, dans ce contexte particulier, il paraît délicat de confier des tâches de contrôle dans les entreprises à des représentants des partenaires sociaux. Par ailleurs, le problème du contrôle par un concurrent direct de la personne contrôlée se pose. En effet, il est possible que le représentant patronal au sein de la commission de contrôle cantonale soit actif dans la même branche économique que l'entreprise ou la personne contrôlée. Il se justifie dès lors de confier dans tous les cas l'exécution des contrôles à des inspecteurs. L'impartialité du contrôle en est renforcée et des situations gênantes sont ainsi évitées. La problématique ne se pose pas dans les mêmes termes pour les branches conventionnées. En effet, dans ces branches, du fait de la convention collective, les représentants des partenaires sociaux se trouvent légitimés à effectuer de tels contrôles. Le système du contrôle paritaire existe depuis fort longtemps et il a fait ses preuves. Dans tous les cas, les personnes chargées des contrôles devront être formées et disposer des compétences nécessaires à ce genre d'activité. Il s'agit ici de garantir le respect d'exigences minimales. Il est important que les personnes chargées des contrôles aient des connaissances, sans être forcément des spécialistes, des diverses législations à l'application desquelles elles devront veiller. Il est également nécessaire qu'elles aient les qualités personnelles nécessaires à ce genre d'activité (intégrité, esprit d'initiative, aptitude au dialogue, résistance aux conflits, etc.).

Art. 7

Formation

L'art. 7 fixe les axes de la formation que devront recevoir les inspecteurs et les membres des commissions paritaires. Il délègue pour le surplus au Conseil fédéral la compétence de régler par voie d'ordonnance les exigences minimales requises. Cette délégation intervient dans un souci d'efficacité, afin de permettre une adaptation rapide aux besoins qui pourraient apparaître en cours de route.

L'al. 3 prévoit que la Confédération organise les cours en collaboration avec les partenaires sociaux, les cantons et les autres autorités fédérales concernées. Cela signifie qu'il incombera à la Confédération d'établir les domaines devant faire l'objet de cours, d'entente avec les cantons, et de veiller à ce que l'offre soit suffisante de cours dans ces domaines. Pour ce faire, elle pourra soit mettre sur pied les cours nécessaires, soit confier aux partenaires sociaux ou aux cantons qui offriraient déjà de tels cours le soin de les dispenser, contre rémunération, dans le cadre du programme de formation élaboré.

La procédure de consultation a mis en lumière que cette tâche doit incomber à la Confédération, notamment afin d'éviter que chaque canton élabore son propre programme et pour permettre une formation homogène des inspecteurs à travers l'ensemble du pays. Les frais découlant des cours seront à la charge de la Confédération.

3416

Art. 8

Obligation de garder le secret

L'art. 8 fixe l'obligation pour les personnes siégeant au sein d'une commission paritaire ou de la commission de contrôle cantonale ainsi que pour le personnel de ces dernières (secrétariat, inspecteurs, etc.) et du service cantonal, de garder le secret sur tous les éléments dont ils acquièrent connaissance dans le cadre de leurs activités.

Art. 9

Principes

L'art. 9 fixe le cadre des contrôles. Il est toutefois clair, que les inspecteurs ne pourront être à la fois des spécialistes du droit des étrangers, des assurances sociales et du droit fiscal. Dès lors, s'ils découvrent des éléments indiquant qu'une personne a un comportement contraire à une des législations pertinentes, ils en dressent procèsverbal. Il appartiendra ensuite à l'autorité compétente pour l'exécution de ladite législation de compléter l'instruction afin de déterminer s'il y a eu infraction ou non et, le cas échéant, de prendre les mesures nécessaires (art. 14).

Art. 10

Compétences

L'art. 10 précise les compétences des personnes chargées des contrôles. Il importe d'insister ici sur le fait que les inspecteurs, selon le texte fédéral projeté, ne sont pas des agents de la force publique et qu'il est exclu qu'ils prennent des mesures de type policier contre des individus (al. 2). Le droit cantonal demeure réservé.

Art. 11

Obligations des personnes contrôlées

L'art. 11 est le corollaire de l'art. 10. Il fait obligation aux personnes contrôlées de donner suite aux ordres des personnes chargées du contrôle.

Art. 12

Procès-verbaux

Selon l'art. 12, la personne devra au terme du contrôle, verbaliser ses constatations.

Si possible, le procès-verbal est rédigé sur place et signé par l'employeur ou par la personne contrôlée (il peut également s'agir d'un travailleur surpris un samedi ou d'un pseudo-indépendant). Le procès-verbal est immédiatement transmis à l'organisme pour le compte duquel le contrôle a été effectué. Au surplus, le procès-verbal devra être succinct et ne porter que sur des éléments pertinents dans le cadre de la lutte contre le travail au noir. En aucun cas, un procès-verbal de contrôle ne devra faire état d'autres éléments relatifs à l'entreprise ou à la personne contrôlée (al. 2).

Art. 13

Contrôle effectué par la commission paritaire

L'art. 13 fixe les tâches de la commission paritaire dès la réception d'un procèsverbal de contrôle. Le service cantonal ou la commission de contrôle cantonale devant jouer un rôle de coordination entre les autorités concernées et disposer d'une vision globale, il est indispensable que la commission paritaire lui transmette immédiatement un exemplaire des procès-verbaux ainsi que, ultérieurement, un exemplaire des décisions qu'elle a prises à l'égard de la personne contrôlée.

3417

Art. 14

Contrôle effectué par le service cantonal ou la commission de contrôle cantonale

L'art. 14 règle le rôle du service cantonal ou de la commission de contrôle cantonale dans la même situation. Qu'il s'agisse de procès-verbaux découlant de contrôles exécutés sous leur propre responsabilité ou de procès-verbaux qui leur ont été transmis par une commission paritaire, le service cantonal et la commission de contrôle informent les autorités concernées en leur en transmettant une copie.

Art. 15

Poursuite des infractions par les autorités administratives ou judiciaires

Selon l'art. 15, chaque autorité est seule compétente pour le prononcé de la sanction découlant de la législation qu'elle est chargée d'appliquer. Ainsi, après la réception d'un procès-verbal et un éventuel complément d'instruction, chaque autorité pourra prendre les mesures et sanctions qui lui sont propres (amende administrative, dénonciation pénale, décisions exigeant le paiement de prestations éludées, etc.). Le fait que les commissions ne reçoivent pas la compétence de prononcer des sanctions ne constitue pas une faiblesse du système. Au contraire, de par le renforcement qu'il va permettre, il sera possible aux diverses autorités compétentes de prononcer, même cumulativement (pour infractions à la réglementation des étrangers, des assurances sociales et de dispositions fiscales, par exemple) les sanctions qui sont propres à leurs domaines respectifs.

Afin de combler une des principales lacunes constatées dans le cadre de l'analyse et pour permettre à l'autorité cantonale de prendre ses décisions en vertu de l'art. 18 (voir ci-dessous) en toute connaissance de cause, il est nécessaire, comme nous l'avons vu pour les commissions paritaires (art. 13), que les diverses autorités concernées transmettent un exemplaire de leurs décisions entrées en force concernant l'exécution de travail au noir. Il en va de même des autorités pénales appelées à connaître des infractions qui leur sont dénoncées.

Art. 16

Collaboration des organes de contrôle avec d'autres autorités ou organisations

Même si cela ressort implicitement des dispositions qui précèdent, l'art. 16 fixe aux commissions paritaires, aux services cantonaux, aux commissions cantonales de contrôle ainsi qu'aux différentes autorités et organisations concernés une obligation de coopération afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre le travail au noir (al.

1). A noter que la coopération entre commissions et associations de travailleurs ou d'employeurs devra se limiter à certains domaines, tels l'adoption de stratégies communes, la participation aux cours de formation offerts aux personnes chargées des contrôles et les questions de coordination. En aucun cas il ne devra s'agir de la transmission d'informations concrètes se référant à une entreprise ou à une personne identifiable. Il en va différemment des relations entre commissions paritaires et tripartites voire quadripartites pour lesquelles il s'agira véritablement de coordonner l'exécution des contrôles et de leur suivi.

L'al. 2 revêt une importance particulière puisqu'il prévoit que les diverses autorités chargées d'appliquer les législations pertinentes en matière de travail au noir devront communiquer aux services cantonaux ou aux commissions de contrôle cantonales les constats qu'elles peuvent être amenées à faire dans le cadre de leurs activités d'exécution. La création de cette base légale est nécessaire pour permettre les flux 3418

d'informations «verticaux» entre les organismes ou services cantonaux compétents et les autorités d'exécution de la présente loi.

Art. 17

Communication des résultats des contrôles

L'art. 17 fait obligation aux autorités mentionnées à l'art. 16, al. 2, de communiquer à d'autres autorités les situations de travail illicite qu'elles ont mises à jour. Par ce biais, les autorités recevant l'information peuvent à leur tour examiner si des infractions ont également été commises en matière de travail au noir dans leurs domaines de compétence. Cette communication ­ qui peut être qualifiée d'horizontale (rapport autorité à autorité) - doit intervenir d'office. Leur nombre est toutefois limité à l'art. 17, al. 2, dans la mesure où seules les autorités qui y sont désignées peuvent prendre directement des mesures de lutte contre le travail au noir dans leur domaine de compétence (les autorités compétentes en matière d'asile et de droit des étrangers en tant qu'elles délivrent des autorisations, les autorités fiscales et les autorités chargées de l'exécution des assurances sociales). La détermination des autorités auxquelles une communication doit être faite ressortit de l'appréciation des autorités mentionnées à l'art. 16, al. 2. Les autorités mentionnées à l'art. 17, al. 2, ne sont en revanche soumises à aucune obligation d'annoncé.

L'obligation de communiquer ne porte que sur les constats effectués dans le cadre des contrôles usuels, tels qu'ils se pratiquent aujourd'hui déjà. Il n'est pas question d'étendre les tâches des organismes ou des personnes chargées des contrôles auprès des employeurs.

Dans le cadre de cette communication les principes généraux de la protection des données, en particulier le principe de la proportionnalité, doivent évidemment être respectés. Dès lors, tout manquement constaté ne donnera pas lieu à une communication, mais uniquement les violations graves de dispositions légales qui indiquent que les autorisations nécessaires font défaut ou que des contributions n'ont pas été correctement versées. Ainsi, et à titre d'exemple, les communications que l'on peut attendre d'un contrôleur AVS auprès d'un employeur ne porteront que sur des situations dans lesquelles des travailleurs n'ont pas été soumis au régime à l'AVS et pour lesquelles aucune cotisation n'a été décomptée. Une erreur dans le calcul du salaire AVS, la non-prise en compte de certains éléments de salaires, etc. ne doivent pas donner lieu à une communication.

Art. 18

Exclusion des marchés publics

L'art. 18 prévoit la seule nouvelle sanction prévue par le projet. Il s'agit de la possibilité, en cas de violation grave, des dispositions légales relatives au travail au noir, de prononcer contre de l'employeur concerné une exclusion temporaire des procédures d'adjudication de marchés publics. Sont concernés les appels d'offres des collectivités publiques au sens strict ainsi que ceux d'entreprises concessionnaires (par exemple, CFF, la Poste, etc.). Compte tenu de la gravité d'une telle sanction, il importe que cette dernière soit prononcée par une autorité administrative au sens strict et que les voies de recours claires (art. 19) existent. Les cantons devront désigner une autorité appelée à prononcer ces exclusions sur la base des communications qui lui seront faites par les autorités administratives et pénales ayant prononcé des sanctions (art. 15, al. 2).

3419

La sanction porte exclusivement sur des adjudications à venir. Il n'est pas possible (ni juridiquement ni pratiquement) de conférer un effet rétroactif à ce type de décision. Dès lors, tout marché attribué reste acquis à son adjudicataire.

L'exclusion intervient sans préjudice d'autres sanctions qui pourraient être prononcées par une autre autorité pour les mêmes faits (ainsi par exemple l'art. 55 OLE21, qui prévoit qu'un employeur ayant enfreint gravement le droit des étrangers ne recevra plus de nouveaux permis). Demeure également réservée la compétence de l'autorité fédérale adjudicatrice d'exclure, pour le marché en cours d'exécution, une entreprise qui se serait rendue coupable d'infractions (art. 11 de la Loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics22) (LMP).

Afin de garantir l'efficacité de la mesure, il est nécessaire que les entreprises sous le coup d'une telle exclusion soient connues des autorités adjudicatrices. Il est dès lors prévu que les personnes intéressées puissent accéder à la liste des entreprises ayant fait objet d'une décision définitive, de manière centralisée auprès de la Confédération.

Toute adjudication prononcée par une autorité postérieurement à l'exclusion d'un prestataire de services et au mépris de la décision d'exclusion peut être attaquée par un prestataire écarté conformément à la procédure ordinaire de recours en matière de marchés publics.

Le fait que cette nouvelle mesure se trouve dans une loi fédérale pourrait suggérer que l'on s'est écarté de la règle selon laquelle cantons et Confédération sont chacun compétents pour légiférer en matière de marchés publics à leur niveau respectif. Il n'en est toutefois rien puisque les liens avec les marchés publics ne sont ici que très distendus. La base constitutionnelle de cette mesure découle de la compétence de la Confédération de légiférer en matière de protection des travailleurs (art. 110, al. 1, let a, b et d, de la Constitution).

Art. 19

Voies de droit

L'art. 19 règle les voies de droit contre les décisions d'exclusion des marchés publics.

L'al. 2 prévoit expressément que les décisions cantonales peuvent faire l'objet d'un recours de droit administratif. En effet, les décisions rendues en vertu de l'art. 18 du projet sont des décisions relevant du droit public fédéral, au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative23. Or, en vertu de l'art. 100, al. 1, let. x, de la loi fédérale d'organisation juridique du 16 décembre 1943 (OJ)24, la voie du recours de droit administratif est fermée aux décisions «en matière de marché public». Cette restriction visait avant tout à exclure du recours de droit administratif les décisions d'adjudication de marché public. En l'occurrence l'objet litigieux est d'une toute autre nature puisque la décision faisant l'objet du recours consiste à déterminer si des violations graves des dispositions relatives au travail au noir ont été commises. Le lien avec les marchés publics n'est donc que subsidiaire. Il s'agit bien ici d'une décision antérieure à une éventuelle adjudication, prise dans le cadre de l'exécution de la législation réprimant le travail au noir et sans 21 22 23 24

RS 823.21 RS 172.056.1 RS 172.021 'RS 173.110

3420

rapport aucun avec une procédure d'adjudication particulière. Il se justifie donc de maintenir la voie du recours de droit administratif pour cette situation qui se distingue de celle visée à l'art. 100 OJ.

Art. 20

Frais des organes de contrôle

L'art. 20 règle la question du financement de l'activité des commissions paritaires, des services cantonaux et des commissions de contrôle cantonales chargés de l'exécution de la loi.

La lutte contre le travail au noir vise non seulement à garantir des conditions concurrentielles équitables sur le marché et une protection adéquate des travailleurs concernés, mais aussi à permettre aux collectivités publiques et aux divers organismes concernés de prélever les contributions qui leur sont dues mais qui, du fait du travail au noir, leur échappent. Le projet prévoit de mettre à la charge des personnes reconnues coupables de travail au noir les frais liés à l'exécution des contrôles les concernant (art. 21). Mais il reste le problème des frais liés aux contrôles ne débouchant pas sur la constatation d'une situation de travail au noir. Si le financement de cette activité par les collectivités publiques bénéficiaires des mesures n'est pas contesté, lorsqu'il s'agit d'un service cantonal ou d'une commission de contrôle cantonale, la question se pose de savoir dans quelle mesure la collectivité publique doit supporter les frais de fonctionnement découlant de l'activité d'une commission paritaire et quelle part doit être mise à la charge des partenaires sociaux.

Il va de soi que les frais liés au contrôle du respect des dispositions des conventions collectives restent à la charge des partenaires sociaux. Pour le surplus, ils seront indemnisés des frais découlant de l'exécution des tâches déléguées. Il est prévu à cet effet que le service cantonal ou la commission de contrôle cantonale qui délègue tout ou partie de ses compétences de contrôle à une commission paritaire le fasse par le biais d'une convention de prestations, laquelle détermine également la rémunération due en fonction de l'importance des tâches déléguées. Le projet ne fixe pas de règles définitives quant au mode de fonctionnement. On peut par exemple envisager la détermination d'un montant annuel forfaitaire ou le calcul d'un tarif horaire pour les inspecteurs, qui comprendrait tous les frais fixes que doit supporter la commission, ou encore la fixation d'un montant forfaitaire par contrôle effectué.

Les partenaires sociaux étant appelés à supporter seuls les frais découlant de l'exécution de leur convention collective, il est également
logique que le produit des amendes conventionnelles qu'ils pourraient prononcer leur reste acquis. Le volet conventionnel relève donc entièrement des partenaires sociaux, tant en ce qui concerne les charges que les produits.

S'agissant de la part des frais des contrôles délégués mis à la charge des personnes contrôlées et reconnues coupables d'infraction à la loi (art. 21), celle-ci doit en revanche être déduite des frais de fonctionnement afin de déterminer les frais nets de fonctionnement qui pourront être subventionnés par la Confédération (al. 3).

S'agissant de la répartition des frais entre les collectivités publiques, le projet prévoit qu'elle est fixée par le Conseil fédéral, la part de la Confédération pouvant se monter au maximum à 30 % des frais restant à la charge des organes de contrôle, après imputation des frais mis à la charge des personnes coupables de travail au noir.

Le projet prévoit également que le Conseil fédéral peut répartir la contribution incombant à la Confédération entre les différentes assurances et administrations

3421

bénéficiaires des montants mis à jour (fonds AVS, fonds de l'assurance-chômage, CNA et caisse supplétive LAA).

La délégation au Conseil fédéral de la compétence de fixer la répartition des frais est justifiée par la plus grande souplesse qu'offre une réglementation au niveau de l'ordonnance lorsqu'une modification s'impose. Or, en l'espèce, il est vraisemblable que suivant l'évolution de la situation, il faille revoir la répartition, ceci d'autant plus qu'en l'absence d'expérience, on ne peut exclure que la clé initialement retenue s'avère inadéquate en pratique.

Art. 21

Recouvrement des frais de contrôle

L'art. 21 fixe le principe de la mise à la charge des personnes reconnues coupables de travail au noir les frais occasionnés par les contrôles les concernant, y compris les honoraires éventuels d'un spécialiste mandaté par la commission ayant procédé au contrôle.

Par ailleurs, afin de faciliter le recouvrement de ces frais, le projet prévoit de conférer aux décisions relatives aux frais rendues par les commissions paritaires la qualité de titre de mainlevée définitive de l'opposition. Cela implique la modification de l'art. 80 de la loi fédérale du 11 avril 1989 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)25.

Le renvoi aux tribunaux compétents pour connaître des litiges en matière de droit du travail selon l'art. 343 CO est justifié par le fait que ces tribunaux sont habitués à connaître de litiges découlant de l'exécution des conventions collectives de travail et que cette approche garantit une procédure simple, rapide et gratuite.

Art. 22

Protection des données

L'art. 22 règle la protection des données. Il autorise les services cantonaux et les commissions de contrôle cantonales compétents à traiter des données qualifiées de «sensibles» par la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données26, raison pour laquelle une base légale expresse est nécessaire. Les informations collectées ne doivent en aucun cas être utilisées dans un autre but que la lutte contre le travail au noir.

Compte tenu de la nature des données traitées et du risque d'abus, il a paru opportun de prévoir une réglementation minimale au niveau fédéral. Le Conseil fédéral reçoit ainsi la compétence d'édicter des dispositions relatives au traitement des données (al. 2) et certaines dispositions de la loi fédérale sont déclarées applicables (al. 3).

Les règles cantonales en la matière s'appliquent au surplus.

Par ailleurs, la transmission de données est réglée de manière très stricte, notamment dans le domaine des assurances sociales. Pour cette raison, il convient de prévoir expressément, en plus des dispositions générales sur la collaboration contenues dans le projet de loi (art. 16 et 17), la possibilité pour les autorités concernées de transférer des données personnelles. Cela concerne les assurances sociales, l'asile ainsi que le séjour et l'établissement des étrangers. A noter que dans le domaine de l'asile, le renvoi opéré à l'art. 96, al. 2, LAsi (cf. annexe à l'art. 27 du projet de loi) couvre

25 26

RS 281.1 RS 235.1

3422

également les organisations privées auxquelles des tâches ont été déléguées (dans le domaine de l'emploi de requérants d'asile par exemple).

Art. 23 à 25

Dispositions pénales

Les art. 23 et 24 instituent deux infractions pénales. D'une part, l'art. 23 institue une contravention pour les infractions formelles à la loi (refus de se soumettre à un contrôle, de remettre des documents, de donner des renseignements, etc.). D'autre part, l'art. 24 qualifie de délit les infractions à l'obligation de garder le secret prévue à l'art. 8 de la loi. Cette sévérité s'explique par la nécessité d'établir un parallélisme avec la violation du secret de fonction constitutif d'un délit en vertu du code pénal27.

Art. 26

Évaluation

La Constitution prévoit (art. 170) que les mesures prises par la Confédération doivent être évaluées quant à leur efficacité. La LTN institue une série de nouvelles mesures qui doivent permettre de combattre efficacement le travail au noir. Ces mesures comprennent pour l'essentiel des aspects incitatifs, l'introduction de contrôles systématiques par des organes de contrôle au niveau des cantons ainsi que des sanctions, telles que, des sanctions pénales renforcées et des mesures administratives dans les domaines de la main-d'oeuvre étrangère et des assurances sociales.

L'obligation de procéder à une évaluation, permet de réaliser au niveau de la loi le mandat constitutionnel qui impose de vérifier suffisamment tôt l'efficacité des mesures et la réalisation des objectifs de la nouvelle loi, de façon à détecter et à corriger en temps voulu les problèmes éventuels.

2.2

Modifications du droit en vigueur

2.2.1

Modification de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS)28

Art. 14, al. 6 L'adaptation proposée se fonde sur la modification de l'art. 14, al. 6, LAVS, que le Conseil national a arrêtée au cours de l'examen de la 11e révision de l'AVS.

La mention d'un financement différent de celui indiqué à l'art. 69 LAVS est nécessaire, parce que cette disposition autorise un échelonnement des contributions aux frais d'administration uniquement en fonction des capacités financières et non pas en fonction des frais d'administration causés par l'employeur. Une partie de des coûts supplémentaires devra donc certainement être transférée aux personnes qui profiteront de la procédure simplifiée. Afin que la procédure proposée ici ne perde pas de son attrait à cause de frais d'administration trop élevés, le Conseil fédéral devra aussi examiner la prise en charge partielle par le fonds de compensation de l'AVS.

27 28

RS 311.0, art. 320 CP RS 831.10

3423

Art. 14bis Les suppléments à titre de pénalité doivent être imposés uniquement à l'employeur.

Les cotisations à l'AVS/AI/APG sont perçues à la source par l'employeur, en une procédure unique, et transmises à la caisse de compensation compétente. Les employeurs ont ainsi une obligation de diligence accrue pour assurer la perception et la transmission correctes des cotisations. Par conséquent, ils doivent répondre des montants en question si les cotisations ne sont pas perçues ou ne sont pas transmises à temps, ou le sont de façon incorrecte. Les suppléments imposés à titre de pénalité présupposent une faute de l'employeur. Ils se distinguent par là des intérêts moratoires. Ils ne sont pas perçus à chaque retard de paiement (par ex. en raison de paiements partiels, de problèmes de liquidité, d'insolvabilité, etc.), mais uniquement lorsque les employeurs ne veulent pas payer ou violent grossièrement et intentionnellement leurs obligations envers l'AVS.

Il faut cependant aussi tenir compte du fait que les caisses de compensation AVS ne peuvent pas reprendre les tâches des juridictions pénales. Il ne s'agit pas de créer un élément constitutif de l'infraction parallèle à l'art. 87, al. 2, LAVS. C'est pourquoi la condamnation pénale doit être la condition du supplément imposé à titre de pénalité, lorsque celui-ci doit être infligé parce que des employés n'ont pas été déclarés aux assurances sociales.

Selon l'art. 3 LAI, l'adaptation de la LAVS est également valable pour le domaine de l'AI et, selon l'art. 27, al. 2, LAPG29, pour le régime des allocations pour perte de gain.

Art. 93, al. 2 Cf. ch. 1.2.3.

2.2.2

Modification de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents (LAA)30

Art. 93, al. 7, LAA La formulation se fonde sur la compétence du Conseil fédéral d'édicter des dispositions spéciales pour les petites entreprises et les ménages, et précise qu'une procédure simplifiée est donc aussi possible dans ce cadre.

29 30

LAPG; RS 834.1 RS 832.20

3424

2.2.3

Modification de la loi du 25 juin 1982 sur l'assurance chômage (LACI)31

Art. 6 LACI Une pénalité en majoration des contributions, analogue à celle prévue pour l'AVS/AI/APG, doit être mise en place dans le cadre de l'assurance-chômage. Pour ce faire, il est nécessaire d'établir dans la loi sur l'assurance-chômage, une base légale prévoyant ces recettes supplémentaires. La réglementation en matière d'AC sera ainsi plus homogène avec la législation AVS dans le domaine des cotisations.

Cette sanction administrative (s'ajoutant au paiement des cotisations arriérées) s'apparente à la prime spéciale prévue dans le cadre de l'assurance-accidents. Le montant de cette amende additionnelle, qui touche les seuls employeurs, qui n'ont pas le droit de la déduire du salaire de leurs employés, n'ayant pas rempli leurs obligations en matière de cotisations, peut aller de 20 % à 100 % des sommes dues.

3

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

3.1

Conséquences pour les finances et le personnel

3.1.1

Conséquences pour la Confédération

L'impact sur les finances de la Confédération n'est pas évaluable avec précision.

Il est évident qu'il faudra compter avec les nouvelles dépenses qui sont prévues par la loi. Il s'agit d'une part de l'organisation des cours de formation à l'intention des inspecteurs cantonaux (art. 7 du projet), et d'autre part, de la prise en charge partielle des frais de fonctionnement des services cantonaux ou des commissions de contrôle cantonales, sous déduction de la part que la Confédération pourra mettre à la charge des organismes d'assurances sociales (art. 20 du projet).

Le coût de la formation dépendra naturellement du nombre de cours qui seront organisés et du nombre de participants que les cantons enverront. Le projet de loi délègue au Conseil fédéral la compétence de fixer les exigences minimales en matière de formation si bien que ce point ne peut être qu'évalué à ce stade. On peut néanmoins estimer qu'un montant de 100 000 francs environ par année devrait couvrir les frais liés à la formation (10 cours d'une semaine chacun à 2000 francs par jour).

S'agissant de la prise en charge par la Confédération d'une partie des coûts de fonctionnement découlant des mécanismes de contrôle au niveau cantonal, il est également très difficile de se faire une idée précise. En effet, ce montant sera fortement influencé par les systèmes mis en place dans les cantons. Or, le projet offre précisément le choix entre différents modèles. Il est impossible de dire aujourd'hui quel modèle les cantons retiendront. Parallèlement, il appartiendra au Conseil fédéral de fixer la part des frais à charge de la Confédération qui pourront être répercutés sur les organismes d'assurances sociales. Là aussi les prévisions sont difficiles. Cela dépendra d'une part des négociations qui devront être menées avec les organes di31

RS 837.0

3425

recteurs de ces organismes et d'autre part du montant des coûts à charge de la Confédération (ainsi que des suppléments de contributions que les contrôles effectués rapporteront à ces organismes d'assurances sociales). Néanmoins, on peut essayer de faire une évaluation maximale des coûts à charge de la Confédération en retenant une hypothèse de travail dans laquelle les cantons engageraient 100 inspecteurs à 150 000 francs de traitement annuel chacun, soit un coût total pour les cantons de quinze millions de francs. Si l'on admet qu'un tiers au moins des frais d'enquête sera mis à la charge des personnes contrôlées, il reste dix millions de francs à la charge des collectivités publiques. Si la Confédération prend en charge le maximum prévu par le projet (30 %) et ne répercute rien sur le fonds AVS ou les autres assurances sociales mentionnées dans le projet, sa charge atteindra trois à quatre millions de francs par an.

La mise en oeuvre du programme de lutte contre le travail au noir devrait apporter de nouvelles recettes à la Confédération, tant au niveau fiscal qu'en ce qui concerne les assurances sociales. Le montant de ces recettes supplémentaires est toutefois également difficile à estimer.

L'incidence sur le personnel de la Confédération est en revanche plus aisée à déterminer. En effet, compte tenu des nouvelles tâches que le projet confie à l'administration fédérale (réception et analyse des rapports d'activité, rédaction d'un rapport national (art. 3); élaboration d'un programme de formation et de formation continue, organisation des cours qui en découlent (art. 7); établissement, mise à jour de la liste des employeurs exclus des marchés publics, examen et traitement des demandes de consultation de ladite liste (art. 18); rôle de coordination, d'information des cantons, de soutien aux acteurs impliqués dans le but d'atteindre le renforcement escompté des contrôles, etc.) on peut considérer que la création de deux postes de travail à plein temps au moins sera indispensable.

Enfin, nous rappelons que, indépendamment des mesures concrètes découlant du projet de loi, le projet fédéral de lutte contre le travail au noir devra être complété par une vaste campagne d'information dont on peut estimer le coût à quelque six millions de francs si l'on veut lui donner une ampleur nationale et une efficacité aussi élevée que possible.

3.1.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Vu la grande autonomie que le projet laisse aux cantons quant au modèle qu'ils entendent mettre en place (exécution par le biais de l'administration uniquement, création d'une commission de contrôle, recherche de synergies et désignation de la commission tripartite instituée en vertu de la loi sur travailleurs détachés, délégation plus ou moins large aux commissions paritaires) et quant à la façon dont ils indemniseront les partenaires représentés dans les organismes paritaires, tripartites ou quadripartites, il est impossible d'évaluer le coût que le projet entraînera pour eux.

D'une façon générale, il convient de souligner que l'exécution des lois pertinentes devrait aujourd'hui déjà être garantie. La seule nouvelle charge incombant les cantons réside dans la désignation ou la création d'un service ou d'une commission de contrôle chargé des tâches de coordination, auxquelles s'ajoutent les tâches de contrôle (dont l'ampleur pourra varier si chaque autorité procède aux contrôles relevant de son domaine de compétence puis en communique les résultats à cette commission de contrôle ou au service).

3426

A moins qu'une disposition cantonale leur délégue certaines tâches, dans le cadre de l'autonomie prévue par le projet, les communes ne sont pas directement touchées et ne devraient pas être appelées à assumer de nouvelles charges.

3.1.3

Conséquences pour les assurances sociales et les personnes soumises à l'obligation de remettre des décomptes

En ce qui concerne les allégements administratifs dans le domaine des assurances sociales (cf. ch. 1.2.1.4.2), la simplification de la procédure pour les employeurs entraîne inéluctablement une augmentation des frais d'administration pour les services concernés, que ce soit pour les caisses de compensation de l'AVS qui, dans la variante facturation, doivent supporter des frais de coordination supplémentaires, ou pour les services qui, dans la variante prépaiement, se chargent de la gestion des chèques et du décompte des assurances sociales. Ces charges doivent être couvertes par un financement spécial et non pas subventionnées par l'ensemble des personnes soumises à l'obligation de remettre des décomptes (employeurs, travailleurs indépendants, personnes sans activité lucrative), qui supportent les coûts de fonctionnement des caisses de compensation de l'AVS. Les frais d'administration peuvent être intégrés au chèque dans la variante prépaiement, mais, dans la variante facturation, il faut rendre possible un financement différent des règles habituelles, allant dans le sens d'une prise en compte au moins partielle du principe de causalité. Si les frais d'administration de la procédure étaient entièrement répercutés sur les personnes qui souhaitent faire usage des simplifications, ils seraient sans doute relativement élevés par rapport aux cotisations dues. Le risque serait donc de créer des incitations négatives. Comme l'AVS a intérêt à mieux recenser les personnes ayant une activité lucrative de faible rapport, il faudrait donc examiner si le fonds de compensation de l'AVS ne pourrait pas supporter partiellement au moins les investissements de départ, même si d'autres services devaient profiter des changements dus à la nouvelle procédure. Cela nécessite une modification de la loi.

La mise en réseau des données de l'assurance-chômage (AC) et de celles de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS) (cf. ch. 1.2.3.1.5), ne nécessitera pas de collecter des données supplémentaires, ni de développer de nouvelles banques de données. La confrontation des données de l'AC et de l'AVS peut être réalisée par la Centrale à partir des informations dont elle dispose déjà. Les travaux de programmation nécessaires ne seront que très limités. En outre, les contrôles de plausibilité seront mis en place de sorte que
les organes de l'assurance-chômage ne soient saisis, en vue de contrôles plus approfondis, que des faits dont l'importance des paiements AC douteux justifie la vérification. Il y a aussi lieu de veiller à ce que les faits annoncés présentent un degré de vraisemblance aussi élevé que possible.

3.2

Conséquences dans le secteur informatique

Aucune conséquence particulière n'est à signaler dans le secteur informatique de la Confédération. Il est à noter qu'en ce qui concerne le domaine des assurances sociales (cf. ch.. 3.1.3), les coûts entraînés par les allégements administratifs ne seront pas inscrits séparément dans les comptes de l'AVS. Les coûts de la mise en réseau des données de l'AVS et de l'assurance-chômage seront limités.

3427

3.3

Conséquences économiques

En préambule, il convient de signaler qu'il est malheureusement quasiment impossible de fournir des indications chiffrées sur les conséquences économiques d'une intensification de la lutte contre le travail au noir. En effet, il faut rappeler que, de par sa nature, ce phénomène échappe aux statistiques officielles. Comme il l'a été précisé au ch.. 1.1.1, à l'heure actuelle, les seules données disponibles, concernant l'ampleur du travail au noir en Suisse reposent sur une estimation indirecte portant sur l'ensemble de l'économie souterraine, estimation qui présente elle-même d'importantes limites.

3.3.1

Nécessité et possibilité d'une intervention de l'État

L'intervention de l'État est nécessaire, car le travail au noir a des effets préjudiciables non seulement sur l'économie, mais sur tout le fonctionnement institutionnel et sur le cadre réglementaire d'un pays. Il s'agit de faire respecter les législations pertinentes, notamment dans les domaines des assurances sociales, de la fiscalité et de la politique de la main-d'oeuvre étrangère. L'intervention de l'État est nécessaire pour garantir les conditions-cadre indispensables au bon fonctionnement du marché.

3.3.2

Conséquences pour les différentes catégories d'acteurs de la vie économique et sociale

Les entreprises, en général, bénéficieront des effets positifs de la diminution de la concurrence déloyale, de l'amélioration de l'équité fiscale et de l'augmentation des recettes fiscales (cf. ch. 3.3.3 concernant les implications pour l'économie dans son ensemble). Il est cependant bien clair que les entreprises honnêtes profiteront en premier lieu de ces avantages. Celles qui pratiquent le travail au noir risquent de voir leurs coûts augmenter, en raison des sanctions ou de leur retour à la légalité. En ce qui concerne les branches économiques, la lutte contre le travail au noir est actuellement en plein développement dans le bâtiment ; le présent projet a pour but de rendre la répression systématique également dans les autres branches de l'économie (dans les domaines «traditionnellement» connus pour ce genre de pratiques comme dans les autres).

Les employeurs profiteront de simplifications administratives dans le domaine des assurances sociales. Le projet prévoit des allègements aussi bien pour les ménages privés que pour des activités de portée limitée dans les entreprises, ce qui sera utile aux PME en particulier. Les patrons malhonnêtes verront les contrôles augmenter et risqueront des sanctions plus graves. Il est à noter que le projet s'attache également à combattre la dénomination impropre d'indépendants qui a pour effet d'éluder les dispositions légales pertinentes (faux indépendants).

Pour les salariés, l'intensification de la lutte contre le travail au noir permet de combattre le dumping salarial et d'améliorer leur protection sociale. Pour certaines catégories de travailleurs étrangers toutefois, tels que ceux qui ne remplissent pas les conditions requises pour l'octroi d'un permis de travail (par exemple, les personnes en provenance de pays non européens qui souhaitent exercer une activité peu quali-

3428

fiée), elle aura pour effet de fermer encore plus définitivement la porte à un emploi en Suisse.

Les contribuables bénéficieront des effets positifs d'une plus grande équité fiscale et de l'augmentation des recettes fiscales (cf. ch. 3.3.3). Les personnes qui ne déclarent pas le revenu de leurs activités au fisc risqueront davantage dans la mesure où les contrôles seront plus serrés du fait de la création des services cantonaux ou des commissions de contrôle cantonales en matière de travail au noir et de la communication des résultats des contrôles dans les autres domaines d'infraction aux organes compétents.

En ce qui concerne les pouvoirs publics, les mesures proposées dans le cadre du présent projet auront un coût, encore difficilement chiffrable en raison des options laissées notamment aux cantons (ch. 3.1. Conséquences pour les finances et le personnel). Toutefois, les nombreux effets positifs de l'intensification de la lutte contre le travail au noir attendus pour l'ensemble de l'économie (cf. ch. 3.3.3) devraient largement contrebalancer ces dépenses. Une augmentation du volume des activités déclarées d'un milliard de francs, par exemple, engendrerait des recettes accrues pour l'AVS/AI/APG de 100 millions de francs et pour l'assurance-chômage de 20 millions de francs, sans parler des recettes supplémentaires pour les impôts fédéraux, cantonaux et communaux.

3.3.3

Implications pour l'économie dans son ensemble

De manière générale, l'intensification de la lutte contre le travail au noir aura plusieurs effets: une partie des activités illégales retournera à la légalité, ce qui, du point de vue de la comptabilité nationale, augmentera notamment l'activité économique (PIB) mesurée; une autre partie de ces activités (celles qui n'ont aucune chance de survivre dans le nouvel environnement) est découragée et disparaît; enfin, dans la mesure où il est irréaliste de tabler sur l'éradication complète du travail au noir, une troisième partie reste dans l'illégalité.

Plus précisément, la réduction du travail au noir a notamment les implications suivantes pour l'ensemble de l'économie : En premier lieu, la diminution du travail au noir augmente l'équité fiscale entre les contribuables, qu'il s'agisse de personnes morales ou physiques, et entre les cantons.

Elle contribue notamment à réduire ce que l'on qualifie d'«impôt sur l'honnêteté»: le travail au noir a pour conséquence que les recettes fiscales doivent être financées par une partie toujours plus faible de la population et que ceux qui respectent les règles fiscales et sociales paient pour ceux qui fraudent. La réduction du travail au noir est donc un pas vers la répartition de la charge fiscale recherchée par le législateur. Concernant l'équité fiscale, la réduction du travail au noir est la garantie de l'équité de la péréquation financière, qui est à la base du fédéralisme. Sur le plan dynamique, l'augmentation des recettes fiscales permet d'envisager une diminution des taux d'imposition. Cet aspect est d'autant plus important dans la perspective de la hausse de la pression fiscale liée aux besoins de financement des assurances sociales. Par ailleurs, l'effet sur la fiscalité contribue à réduire l'attrait du travail au noir.

3429

Sur le plan de la concurrence, la lutte contre le travail au noir permet de réduire les distorsions entre les entreprises. L'économie souterraine a pour effet de partager la charge fiscale et les impôts indirects entre producteurs et consommateurs au détriment des finances publiques. En particulier dans les branches à forte intensité de travail, ces transactions peuvent aboutir à des coûts et à des prix plus bas, qui permettent d'améliorer la situation concurrentielle des entreprises les pratiquant. Il est à noter qu'ici aussi, la lutte contre ce type de concurrence déloyale dans une branche contribue à diminuer la propension à déplacer d'autres activités vers le secteur informel.

Enfin, le travail au noir est un facteur de désorganisation qui peut affecter la crédibilité des autorités aux yeux des contribuables et alimenter la méfiance générale à l'égard des institutions et du cadre réglementaire de l'économie formelle. En conséquence, en combattant le travail au noir, on réduit une source d'incertitude et de perte d'efficacité dans les échanges économiques, qui a une influence préjudiciable sur les performances macro-économiques de la nation.

3.3.4

Autres réglementations

Comme nous l'avons précisé au ch. 3.3.1, l'Etat a pour tâche impérative de veiller au respect de ses lois. Dans ce cadre, il n'y a guère de place pour l'autorégulation.

Seuls les moyens préconisés (notamment l'alternative incitations ­ répression) peuvent faire l'objet d'une discussion. Le présent projet s'attache, comme nous l'avons signalé dans la partie générale (cf. ch. 1.1.2.3) à corriger les lacunes principales observées aujourd'hui, en misant pour l'essentiel sur des mesures répressives (contrôles et sanctions), tout en essayant de développer ­ ce qui, dans la pratique, est beaucoup plus difficile ­ quelques incitations.

Par ailleurs, le projet prévoit la possibilité d'associer largement les milieux économiques concernés (les partenaires sociaux) à certaines mesures proposées, tout en laissant le choix de la décision finale aux cantons.

L'intervention de l'Etat dans le cadre du présent projet se traduit par une nouvelle loi (LTN) et quelques modifications des législations en vigueur (LAVS, LAA, LEtr, LACI). Les raisons à l'origine de la nouvelle loi fédérale sont exposées dans le premier chapitre du présent document (ch. 1.2.2.4.1). A ce propos, on peut rappeler que le recours au droit fédéral permet de fixer un standard minimum au niveau cantonal en matière de lutte contre le travail au noir, ce qui contribue l'égalité de traitement entre entreprises situées dans différents cantons et évite des situations de concurrence déloyale. Par ailleurs, le fait de créer une nouvelle loi améliore la lisibilité du système élaboré en évitant que ce dernier ne soit dispersé dans une multitude d'actes (nombreuses lois fédérales et cantonales, conventions collectives de travail).

3.3.5

Aspects pratiques de l'exécution

La loi fédérale contre le travail au noir permet d'améliorer la coordination de la lutte contre le travail au noir à la fois de par les mesures qu'elle propose d'instaurer et de par la définition qu'elle donne du travail au noir, cette dernière renvoyant aux autres lois de référence. A cet égard, elle joue le rôle d'une loi-cadre.

3430

Les mesures proposées s'inscrivent dans un souci de simplification administrative pour l'utilisateur-client (allégements administratifs dans les assurances sociales) et d'amélioration de l'efficacité dans l'accomplissement des tâches des autorités publiques cantonales (commissions et services de contrôle cantonaux, échange de données administratives et communication des résultats des contrôles d'employeurs).

En outre, le projet fédéral de lutte contre le travail au noir s'attache à proposer des mesures pragmatiques. Ainsi, par exemple, les instruments de contrôle préconisés, qui constituent un des points centraux du projet, sont largement inspirés de projetspilotes, tels que la commission quadripartite vaudoise (Etat de Vaud, partenaires sociaux et CNA) dans le domaine du bâtiment (gros oeuvre et second oeuvre) dont le fonctionnement produit aujourd'hui des résultats très encourageants. Il est à noter qu'il s'agira de veiller à ce que les contrôles soient coordonnés de manière à gêner le moins possible les entreprises dans la marche de leurs affaires.

Dans la mesure où il propose également des modifications de lois en vigueur, le projet fédéral de lutte contre le travail au noir tient compte du calendrier législatif (nouvelle loi sur les étrangers, LEtr et révision de la loi sur l'assurance-chômage, LACI). Par ailleurs, des synergies sont attendues entre le niveau cantonal (projetspilotes) et le niveau fédéral (soutien à la fois politique, légal et ­ dans une certaine mesure ­ financier apporté par le projet fédéral de lutte contre le travail au noir).

Il est prévu d'accompagner l'entrée en vigueur des nouvelles mesures d'une campagne d'information, qui devra être conçue en fonction des différents groupes-cibles (notamment les entreprises, en particulier les PME, les travailleurs, les ménages).

4

Programme de la législature

Le projet n'est pas mentionné dans le rapport sur le programme de la législature 1999-2003. En effet, au moment de la rédaction du programme, le Conseil fédéral n'avait pas encore décidé de l'opportunité, ni de la nature des mesures à prendre en matière de lutte contre le travail au noir: la problématique se trouvait au stade des premières analyses (cf. ch. 1.1.2.1). Ces travaux, ainsi que ceux qui ont suivi, ont fait ressortir la nécessité d'une action au niveau fédéral. Le projet a été intégré dans le rapport 2000 du Conseil fédéral sur les points essentiels de la gestion de l'administration et figure dans les objectifs 2001 du Département fédéral de l'économie.

5

Rapports avec le droit européen

Le droit européen ne comprend pas de norme relative à la lutte contre le travail au noir.

La question a toutefois été abordée à diverses reprises au sein de la Communauté européenne, le plus souvent en matière d'immigration. Une communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen relative à une politique communautaire en matière d'immigration, établit que l'élaboration d'une telle politique et

3431

qu'un rapprochement des pratiques nationales permettraient de lutter plus efficacement contre le travail au noir32.

Dans le domaine des assurances sociales, le Conseil a émis une résolution invitant les États membres à s'attaquer au problème du travail au noir, qui a des effets négatifs sur les systèmes de protection sociale33.

On peut donc dire que les mesures proposées dans le projet de loi annexé ne vont à l'encontre d'aucune disposition communautaire ni d'ailleurs d'aucun engagement de la Suisse en matière internationale. Au contraire, le renforcement de la lutte contre le travail au noir est à un objectif largement partagé.

6

Bases juridiques

6.1

Constitutionnalité et conformité aux lois

Les dispositions du projet se basent sur l'art. 110, al. 1, let. a, b et d, de la Constitution34.

6.2

Délégation de compétences législatives

Les nouvelles compétences législatives du Conseil fédéral sont énumérées ci- après.

Des dispositions d'exécution devront être édictées.

Articles de la loi L'art. 7, al. 3, charge le Conseil fédéral de déterminer les exigences en matière de formation et d'expérience professionnelle de même qu'en matière de formation continue que doivent satisfaire les inspecteurs et les membres des commissions paritaires chargés d'exécuter les contrôles.

L'art. 17 confie au Conseil fédéral le soin de déterminer la procédure à suivre par les autorités concernées en matière de communication des résultats des contrôles auxquels elles ont procédé.

L'art. 20 habilite le Conseil fédéral à régler la répartition des frais entre la Confédération et les cantons, tout en précisant que la part de la Confédération ne peut excéder 30 % des frais restant à la charge du canton. Le Conseil fédéral fixe également la part que la Confédération peut faire supporter au fonds de l'AVS, au fond de l'assurance-chômage, à la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accident (CNA) et à la caisse supplétive LAA.

32

33

34

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen relative à une politique communautaire en matière d'immigration, du 22 novembre 2000, http://europa.eu.int/eur-lex/fr/com/cnc/2000/com2000_0757fr01.pdf Résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 2 décembre 1996 sur le rôle des systèmes de protection sociale dans la lutte contre le chômage, JOCE no C 386 du 20.12.1996 p. 0003­0005.

RS 101

3432

Modifications du droit en vigueur L'art. 14, al. 6, LAVS et l'art. 93, al. 7, LAA, confèrent au Conseil fédéral la compétence d'introduire des simplifications en matière de perception des cotisations. La compétence normative se limite aux prescriptions portant sur la procédure, sans effet sur les droits et les devoirs des personnes soumises à l'obligation de remettre des décomptes. L'art. 14bis, al. 2, LAVS, donne au Conseil fédéral la compétence de fixer la part des suppléments aux cotisations de l'AVS que les caisses de compensation peuvent conserver pour couvrir leurs frais.

3433

Table des matières Condensé

3372

1 Partie générale 3374 1.1 Contexte 3374 1.1.1 La problématique du travail au noir 3374 1.1.2 La lutte contre le travail au noir 3375 1.1.2.1 Génèse du projet fédéral de lutte contre le travail au noir 3375 1.1.2.2 La procédure de consultation 3376 1.1.2.3 Le choix des mesures: sensibilisation ­ incitation ­ répression 3377 1.2 Les grandes lignes du projet 3378 1.2.1 Les allégements administratifs dans les assurances sociales 3379 1.2.1.1 Point de la situation 3379 1.2.1.2 Réglementation dans les différentes assurances sociales 3380 1.2.1.2.1 AVS/AI/APG 3380 1.2.1.2.2 Assurance-chômage 3380 1.2.1.2.3 Assurance-accidents 3380 1.2.1.2.4 Prévoyance professionnelle 3381 1.2.1.2.5 Résumé 3381 1.2.1.3 Résultats de la procédure de consultation 3382 1.2.1.4 Modèles en vue d'un allégement du travail administratif des employeurs proposés dans le cadre de la LTN 3383 1.2.1.4.1 Généralités 3383 1.2.1.4.2 Variante facturation 3383 1.2.1.4.3 Variante prépaiement 3384 1.2.1.5 Les incitations fiscales 3384 1.2.2 L'accroissement des compétences de contrôle des services cantonaux ou des commissions de contrôle cantonales 3386 1.2.2.1 La problématique des contrôles dans le cadre de la lutte contre le travail au noir 3386 1.2.2.2 Point de la situation 3387 1.2.2.2.1 Au niveau national 3387 1.2.2.2.2 Situation dans quelques cantons 3387 1.2.2.2.2.1 Canton de Vaud 3388 1.2.2.2.2.2 Canton du Valais 3388 1.2.2.2.2.3 Canton de Fribourg 3388 1.2.2.2.2.4 Canton de Neuchâtel 3389 1.2.2.2.2.5 Canton de Genève 3389 1.2.2.2.2.6 Cantons de Bâle-Ville et de Soleure 3389 1.2.2.3 Avant-projet 3389 1.2.2.3.1 Renforcement des compétences de contrôle 3389 1.2.2.3.2 Renoncement à la création d'un droit d'action en justice 3390 1.2.2.3.3 La qualification du travail pseudo-indépendant de travail au noir 3391 3434

1.2.2.4 Loi fédérale renforçant les compétences de contrôle en matière de lutte contre le travail au noir (Loi fédérale contre le travail au noir, LTN): résultats de la consultation et projet3393 1.2.2.4.1 Nécessité de la création d'une loi fédérale 3393 1.2.2.4.2 Les points forts du projet de loi 3394 1.2.3 La mise en réseau des données administratives et le devoir de communication des résultats des contrôles d'employeurs 3396 1.2.3.1 La mise en réseau des données administratives 3396 1.2.3.1.1 Point de la situation 3396 1.2.3.1.2 Problèmes posés par une mise en réseau de l'ensemble des données administratives 3397 1.2.3.1.3 Avant-projet: mise en réseau limitée des données de l'assurance-chômage (AC) avec celles de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS) 3399 1.2.3.1.4 Résultats de la consultation 3399 1.2.3.1.5 Mesure proposée dans le cadre de la LTN 3400 1.2.3.2 Devoir de communication des résultats des contrôles d'employeurs 3400 1.2.3.2.1 Point de la situation 3400 1.2.3.2.2 Avant-projet 3401 1.2.3.2.3 Résultats de la consultation 3402 1.2.3.2.4 Mesures proposées dans le cadre de la LTN 3402 1.2.4 Le renforcement des sanctions 3402 1.2.4.1 Sanction horizontale: exclusion de la procédure d'attribution des marchés publics 3403 1.2.4.1.1 Point de la situation 3403 1.2.4.1.2 Avant-projet 3404 1.2.4.1.3 Résultats de la procédure de consultation 3404 1.2.4.1.4 Nouvelle sanction dans le cadre de la LTN 3405 1.2.4.2 Dans le domaine de la main-d'oeuvre étrangère 3405 1.2.4.2.1 Dispositions pénales de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE) 3405 1.2.4.2.1.1 Dispositions pénales en vigueur dans la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE) 3405 1.2.4.2.1.2 Observations et conclusions de la commission d'experts chargée de la révision totale de la LSEE 3406 1.2.4.2.1.3 Résultats de la procédure de consultation relative au projet de loi LEtr 3406 1.2.4.2.2 Nouvelles dispositions pénales et sanctions de la LEtr 3407 1.2.4.2.2.1 Dispositions pénales dans la LEtr 3407 1.2.4.2.2.2 Sanctions prévues dans la LEtr contre les employeurs 3407 1.2.4.2.3 Suite des travaux 3408 1.2.4.3 Dans le domaine des assurances sociales 3408

3435

1.2.4.3.1 Point de la situation 3408 1.2.4.3.1.1 Dispositions pénales en vigueur 3408 1.2.4.3.1.1.1 AVS/AA/AI/PP 3408 1.2.4.3.1.1.2 Assurance-chômage 3409 1.2.4.3.1.2 Avant-projet 3409 1.2.4.3.1.2.1 Augmentation des peines prévues 3409 1.2.4.3.1.2.1.1 Renoncement dans le cadre de l'AVS/AA/PP 3409 1.2.4.3.1.2.1.2 Augmentation dans le cadre de l'assurancechômage 3409 1.2.4.3.1.2.2 Introduction d'un supplément aux cotisations AVS/AI/APG imposé à titre de pénalité 3410 1.2.4.3.1.2.3 Introduction de sanctions dans le cadre de l'assurance-chômage (indemnités pour la réduction de l'horaire de travail et pour cause d'intempéries) 3410 1.2.4.3.1.3 Résultats de la consultation 3410 1.2.4.3.2 Nouvelles sanctions 3411 1.2.4.3.2.1 Nouvelles sanctions dans le cadre de la LTN 3411 1.2.4.3.2.2 Nouvelles sanctions dans le cadre de la révision de la LACI 3412 1.3 Classement des interventions parlementaires 3412 2 Partie spéciale: commentaires des dispositions 3413 2.1 Articles de la loi 2.2 Modifications du droit en vigueur 3423 2.2.1 Modification de la Loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS) 3423 2.2.2 Modification de la Loi fédérale sur l'assurance-accidents (LAA) 3424 2.2.3 Modification de la Loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (Loi sur l'assurance chômage, LACI) 3425 3 Conséquences 3425 3.1 Conséquences pour les finances et le personnel 3425 3.1.1 De la Confédération 3425 3.1.2 Des cantons et des communes 3426 3.1.3 Pour les assurances sociales et les personnes soumises à l'obligation de remettre des décomptes 3427 3.2 Conséquences pour le secteur informatique 3427 3.3 Conséquences économiques 3428 3.3.1 Nécessité et possibilité d'une intervention de l'Etat 3428 3.3.2 Conséquences pour les différentes catégories d'acteurs de la vie économique et sociale 3428 3.3.3 Implications pour l'économie dans son ensemble 3429 3.3.4 Réglementations alternatives 3430 3.3.5 Aspects pratiques de l'exécution 3430

3436

4 Programme de la législature

3431

5 Rapports avec le droit européen

3431

6 Bases juridiques 6.1 Constitutionnalité et conformité aux lois 6.2 Délégation de compétences législatives

3432 3432 3432

Loi fédérale contre le travail au noir (Projet)

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